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Document 62018CO0258

    Tiesas (sestā palāta) rīkojums, 2020. gada 13. februāris.
    H. Solak pret Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv).
    Centrale Raad van Beroep lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu.
    Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Tiesas Reglamenta 99. pants – EEK un Turcijas asociācijas līgums – Papildprotokola 59. pants – Lēmums Nr. 3/80 – Migrējošu Turcijas darba ņēmēju sociālais nodrošinājums – Dzīvesvietas klauzulu atcelšana – 6. pants – Papildu pabalsts – Atstādināšana – Atteikšanās no uzņemošās dalībvalsts pilsonības – Regula (EK) Nr. 883/2004 – Īpaši naudas pabalsti, kas nav balstīti uz iemaksām – Nosacījums par dzīvesvietu.
    Lieta C-258/18.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:98

    ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

    13 février 2020 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Accord d’association CEE-Turquie – Article 59 du protocole additionnel – Décision nº 3/80 – Sécurité sociale des travailleurs migrants turcs – Levée des clauses de résidence – Article 6 – Prestation complémentaire – Suspension – Renonciation à la nationalité de l’État membre d’accueil – Règlement (CE) nº 883/2004 – Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif – Condition de résidence »

    Dans l’affaire C‑258/18,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas), par décision du 11 avril 2018, parvenue à la Cour le 13 avril 2018, dans la procédure

    H. Solak

    contre

    Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv),

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. M. Safjan, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteure), vice-présidente de la Cour, et M. L. Bay Larsen, juge,

    avocat général : Mme E. Sharpston,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    –        pour le Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv), par Mme J. Hut,

    –        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et C. S. Schillemans, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et M. van Beek, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille (JO 1983, C 110, p. 60), lu en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté économique européenne par le règlement (CEE) no 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 (JO 1972, L 293, p. 1, ci-après le « protocole additionnel »). Le conseil d’association a été institué par l’accord créant une association entre la Communauté économique européenne et la Turquie, qui a été signé, le 12 septembre 1963, à Ankara par la République de Turquie, d’une part, ainsi que par les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part, et qui a été conclu, approuvé et confirmé au nom de cette dernière par la décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685, ci-après l’« accord d’association »).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. H. Solak au Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv) (conseil d’administration de l’Institut de gestion des assurances pour les travailleurs salariés, Pays-Bas), au sujet de la suspension par ce dernier du versement d’une prestation complémentaire accordée à M. Solak au titre de la législation néerlandaise.

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     L’accord d’association

    3        Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord d’association a pour objet de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes, en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc.

    4        En vertu de l’article 12 de l’accord d’association :

    « Les [p]arties contractantes conviennent de s’inspirer des articles [45], [46] et [47 TFUE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles. »

     Le protocole additionnel

    5        Le protocole additionnel comporte un titre II, intitulé « Circulation des personnes et des services », dont le chapitre I est intitulé « Les travailleurs ».

    6        L’article 39 de ce protocole, qui fait partie de ce chapitre I, prévoit :

    « 1.      Avant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent protocole, le [c]onseil d’association arrête des dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de [l’Union européenne] et de leur famille résidant à l’intérieur de [l’Union].

    [...]

    4.      Les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, acquises en vertu des dispositions prises en application du paragraphe 2, devront pouvoir être exportées vers la Turquie.

    [...] »

    7        Aux termes de l’article 59 dudit protocole :

    « Dans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du traité [FUE]. »

     La décision nº 1/80

    8        L’article 6 de la décision nº 1/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, énonce :

    « 1.      Sous réserve des dispositions de l’article 7 relatif au libre accès à l’emploi des membres de sa famille, le travailleur turc, appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre :

    –        a droit, dans cet État membre, après un an d’emploi régulier, au renouvellement de son permis de travail auprès du même employeur, s’il dispose d’un emploi ;

    –        a le droit, dans cet État membre, après trois ans d’emploi régulier et sous réserve de la priorité à accorder aux travailleurs des États membres de [l’Union], de répondre dans la même profession auprès d’un employeur de son choix à une autre offre, faite à des conditions normales, enregistrée auprès des services de l’emploi de cet État membre ;

    –        bénéficie, dans cet État membre, après quatre ans d’emploi régulier, du libre accès à toute activité salariée de son choix.

    2.      Les congés annuels et les absences pour cause de maternité, d’accident de travail ou de maladie de courte durée sont assimilés aux périodes d’emploi régulier. Les périodes de chômage involontaire, dûment constatées par les autorités compétentes, et les absences pour cause de maladie de longue durée, sans être assimilées à des périodes d’emploi régulier, ne portent pas atteinte aux droits acquis en vertu de la période d’emploi antérieure.

    [...] »

     La décision nº 3/80

    9        L’article 2 de la décision nº 3/80, intitulé « Champ d’application personnel », dispose :

    « La présente décision s’applique :

    –        aux travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs des États membres et qui sont des ressortissants de la Turquie,

    –        aux membres de la famille de ces travailleurs, qui résident sur le territoire de l’un des États membres,

    –        aux survivants de ces travailleurs. »

    10      L’article 4 de cette décision, intitulé « Champ d’application matériel », prévoit :

    « 1.      La présente décision s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

    [...]

    b)      les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ;

    [...]

    2.      La présente décision s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur concernant les prestations visées au paragraphe 1.

    [...] »

    11      L’article 6 de ladite décision, intitulé « Levée des clauses de résidence  Incidence de l’assurance obligatoire sur le remboursement des cotisations », dispose, à son paragraphe 1, premier alinéa :

    « À moins que la présente décision n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice. »

     Le règlement nº 883/2004

    12      L’article 7 du règlement (CE) nº 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) nº 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43) (ci-après le « règlement nº 883/2004 »), intitulé « Levée des clauses de résidence », énonce :

    « À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs États membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice. »

    13      L’article 70 de ce règlement dispose :

    « 1.      Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, et d’une assistance sociale.

    2.      Aux fins du présent chapitre, on entend par “prestations spéciales en espèces à caractère non contributif” les prestations

    [...]

    c)      qui sont énumérées à l’annexe X.

    3.      L’article 7 et les autres chapitres du présent titre ne s’appliquent pas aux prestations visées au paragraphe 2 du présent article.

    4.      Les prestations visées au paragraphe 2 sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge. »

    14      L’annexe X dudit règlement, intitulée « Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif », prévoit, concernant les Pays-Bas, les prestations suivantes :

    « [...]

    b)      [Toeslagenwet (loi sur les prestations complémentaires), du 6 novembre 1986 (Stb. 1986, nº 567)]. »

     Le droit néerlandais

    15      L’article 4a de la loi sur les prestations complémentaires, dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « TW »), disposait :

    « 1.      La personne visée à l’article 2 n’a pas droit à une prestation complémentaire pendant la période au cours de laquelle elle ne réside pas aux Pays-Bas.

    2.      La personne visée à l’article 2 qui, en vertu du paragraphe 1, n’a pas droit à une prestation complémentaire a droit à cette prestation à compter du jour où elle fixe sa résidence aux Pays-Bas sous réserve de satisfaire aux conditions prévues à l’article 2, paragraphes 1, 2 ou 3. »

    16      L’article 1er, sous e), de la Rijkswet op het Nederlanderschap (loi sur la nationalité néerlandaise), du 19 décembre 1984 (Stb. 1984, nº 628), dans sa version applicable aux faits au principal, énonçait :

    « ressortissant étranger : celui qui ne possède pas la nationalité néerlandaise. »

    17      L’article 2, paragraphe 1, de la Remigratiewet (loi sur la migration de retour), du 22 avril 1999 (Stb. 1999, nº 232), dans sa version applicable aux faits au principal, prévoyait :

    « 1.      La présente loi est applicable à :

    a.      un étranger majeur au sens de l’article 1er, sous e), de la [loi sur la nationalité néerlandaise], qui appartient à un groupe minoritaire, et

    b.      un ressortissant néerlandais majeur qui ne possède pas une autre nationalité, qui appartient à un groupe minoritaire et déclare qu’il est prêt à faire tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour obtenir avec la diligence requise la nationalité du pays de destination. »

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    18      M. Solak est un ressortissant turc qui a exercé diverses activités salariées aux Pays-Bas. Au cours de son séjour dans cet État membre, il a acquis la nationalité néerlandaise.

    19      À partir du 25 décembre 2007, l’Uwv a accordé à M. Solak une allocation au titre de la Wet werk en inkomen naar arbeidsvermogen (loi sur le travail et le revenu en fonction de la capacité de travail), du 10 novembre 2005 (Stb. 2005, nº 572), calculée sur la base d’une incapacité de travail de 40,1 %. En outre, à partir du 11 octobre 2008, l’Uwv lui a également accordé une prestation complémentaire au titre de la TW.

    20      Le 15 juillet 2015, M. Solak a demandé à l’Uwv l’autorisation de déménager en Turquie avec le maintien de son allocation et de sa prestation complémentaire.

    21      Le 27 juillet 2015, M. Solak a renoncé à la nationalité néerlandaise afin de bénéficier de certains avantages conférés par la loi sur la migration de retour.

    22      Le 1er septembre 2015, M. Solak est retourné en Turquie tout en conservant son allocation au titre de la loi sur le travail et le revenu en fonction de la capacité de travail et en bénéficiant d’interventions d’aide au retour au titre de la loi sur la migration de retour.

    23      En revanche, par la décision du 16 octobre 2015, l’Uwv a, sur le fondement de l’article 4a de la TW, suspendu le versement de la prestation complémentaire qui avait été préalablement accordée à M. Solak, avec effet au 1er septembre 2015.

    24      M. Solak a introduit une réclamation contre cette décision devant l’Uwv, qui, par la décision du 17 décembre 2015, l’a rejetée.

    25      Le requérant au principal a introduit un recours contre la décision de l’Uwv du 17 décembre 2015 devant le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam, Pays-Bas).

    26      Par le jugement du 8 avril 2016, le rechtbank Amsterdam (tribunal d’Amsterdam) a rejeté ce recours, au motif, notamment, que M. Solak ne se trouvait pas dans une situation comparable à celles des ressortissants turcs concernés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346). En effet, selon cette juridiction, dans la mesure où l’incapacité de M. Solak n’était que partielle, celui-ci disposait encore d’un droit de séjour aux Pays-Bas au titre de l’accord d’association.

    27      M. Solak a interjeté appel de ce jugement devant le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas).

    28      La juridiction de renvoi relève, en particulier, que M. Solak est atteint d’une incapacité de travail partielle et qu’il n’avait pas quitté définitivement le marché régulier de l’emploi aux Pays-Bas lors de son retour volontaire en Turquie. Par ailleurs, elle constate que M. Solak a renoncé à la citoyenneté néerlandaise juste avant son retour en Turquie afin de bénéficier d’allocations au titre de la loi sur la migration de retour.

    29      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la question de savoir si un ressortissant turc, tel que le requérant au principal, a droit à une prestation complémentaire sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 3/80.

    30      C’est dans ces conditions que le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      Un ressortissant turc entré sur le marché régulier de l’emploi d’un État membre, qui a acquis la nationalité de cet État membre sans renoncer à sa nationalité turque et qui renonce ensuite volontairement à la nationalité de cet État membre d’accueil et donc à la citoyenneté de l’Union, peut-il invoquer l’article 6 de la décision nº 3/80 pour se soustraire à une condition de résidence prévue par la législation nationale de sécurité sociale et opposable aux citoyens de l’Union ?

    2)      L’article 6, paragraphe 1, de la décision nº 3/80 doit-il être interprété conformément à l’article 59 du protocole additionnel, en ce sens qu’il s’oppose à la législation d’un État membre, telle que l’article 4a de la TW, en vertu de laquelle une prestation [complémentaire] accordée est suspendue lorsque le bénéficiaire déménage en Turquie, même si celui-ci a quitté le territoire de l’État membre de sa propre initiative après avoir volontairement renoncé à la nationalité d’un État membre et qu’il n’a pas été établi qu’il n’appartient plus au marché régulier de l’emploi de cet État membre ? »

     La procédure devant la Cour

    31      Par la décision du président de la Cour du 15 novembre 2018, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du 15 mai 2019, Çoban (C‑677/17, EU:C:2019:408).

    32      Par la lettre du 16 mai 2019, le greffe de la Cour a communiqué cet arrêt à la juridiction de renvoi et l’a invitée à lui indiquer si, à la lumière de celui-ci, elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

    33      Par la lettre du 10 septembre 2019, parvenue au greffe de la Cour le 12 septembre 2019, le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique) a informé la Cour qu’il entendait maintenir sa demande de décision préjudicielle.

     Sur les questions préjudicielles

    34      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

    35      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

    36      Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80, lu en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle le versement d’une prestation visant à compléter une pension d’invalidité en vue d’assurer un revenu minimal, accordée au titre de cette législation, est suspendu à l’égard d’un ressortissant turc qui appartient au marché régulier de l’emploi d’un État membre et qui, après avoir renoncé à la citoyenneté de cet État membre qu’il avait acquise au cours de son séjour dans celui-ci, est retourné dans son pays d’origine.

    37      À cet égard, il convient de rappeler que la décision nº 3/80 vise à coordonner les régimes de sécurité sociale des États membres en vue de faire bénéficier les travailleurs turcs occupés ou ayant été occupés dans l’Union, ainsi que les membres de la famille de ces travailleurs et leurs survivants, de prestations dans les branches traditionnelles de la sécurité sociale (arrêt du 15 mai 2019, Çoban, C‑677/17, EU:C:2019:408, point 37).

    38      Aux termes de l’article 2 de la décision nº 3/80, celle-ci s’applique, notamment, aux travailleurs turcs qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres.

    39      S’agissant du champ d’application matériel de la décision nº 3/80, il ressort de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de cette décision que celle-ci s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent, notamment, les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain, ainsi qu’aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs.

    40      La décision nº 3/80 est ainsi applicable à un travailleur turc qui s’est vu octroyer une prestation visant à compléter une pension d’invalidité en vue d’assurer un revenu minimal au cours de son séjour dans l’État membre d’accueil et qui est retourné ensuite en Turquie, une telle prestation devant être assimilée à une prestation d’invalidité, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision nº 3/80 (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2019, Çoban, C‑677/17, EU:C:2019:408, point 40).

    41      L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision no 3/80, qui met en œuvre l’article 39, paragraphe 4, du protocole additionnel, consacre le droit des travailleurs turcs de conserver, en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice, le bénéfice des prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que des rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres (arrêt du 15 mai 2019, Çoban, C‑677/17, EU:C:2019:408, point 42).

    42      La décision no 3/80 ne prévoit aucune dérogation ou restriction à la levée des clauses de résidence énoncée à son article 6, paragraphe 1, premier alinéa (arrêt du 15 mai 2019, Çoban, C‑677/17, EU:C:2019:408, point 43 et jurisprudence citée).

    43      Cette disposition a donc, en principe, vocation à s’appliquer à un ressortissant turc qui invoque le droit à conserver le bénéfice d’une prestation acquise au titre de la législation d’un État membre qui lui était versée avant son départ de cet État membre et qui lui est désormais refusée au motif qu’il ne réside plus dans ledit État membre.

    44      Toutefois, la prestation complémentaire en cause au principal constitue, en vertu de l’inscription de la TW à l’annexe X du règlement no 883/2004, une « prestation spéciale en espèces à caractère non contributif », au sens de l’article 70, paragraphe 2, de ce règlement.

    45      Conformément à l’article 70, paragraphe 3, du règlement no 883/2004, le principe de la levée des clauses de résidence prévu à l’article 7 de ce règlement n’est pas applicable à une telle prestation. En vertu de l’article 70, paragraphe 4, dudit règlement, ces prestations sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation.

    46      Il en découle que les citoyens de l’Union relevant du champ d’application du règlement no 883/2004 ne peuvent bénéficier d’une prestation spéciale en espèces à caractère non contributif, telle que la prestation complémentaire en cause au principal, que pour autant qu’ils résident dans l’État membre qui l’a octroyée.

    47      Ainsi, les citoyens de l’Union demeurent soumis à la condition de résidence sur le territoire des Pays-Bas imposée par l’article 4a de la TW pour bénéficier d’une prestation complémentaire au titre de cette législation nationale.

    48      Or, il convient de rappeler que l’article 59 du protocole additionnel prévoit que, dans les domaines couverts par ce protocole, la République de Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent entre eux en vertu du traité FUE.

    49      Ledit protocole couvre notamment, aux termes de son titre II, la circulation des personnes et des services et, en particulier, les dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de l’Union, lesquelles figurent dans la décision no 3/80.

    50      Il convient donc d’examiner, au regard de l’article 59 du même protocole, si la circonstance qu’un ressortissant turc tel que M. Solak puisse conserver, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80, le droit à une prestation complémentaire après avoir transféré sa résidence en Turquie, aboutit à réserver à ce ressortissant un traitement plus favorable que celui accordé aux citoyens de l’Union.

    51      À cet égard, d’une part, la Cour a jugé, au point 95 de l’arrêt du 26 mai 2011, Akdas e.a. (C‑485/07, EU:C:2011:346), que la situation d’anciens travailleurs turcs qui sont retournés en Turquie après avoir perdu leur droit de séjour dans l’État membre d’accueil en raison de la circonstance qu’ils avaient été atteints d’invalidité dans celui-ci, ne peut pas, pour les besoins de l’application de l’article 59 du protocole additionnel, être utilement comparée à celle des ressortissants de l’Union, dans la mesure où ceux-ci, étant titulaires du droit de circuler ainsi que de séjourner librement sur le territoire des États membres et conservant ainsi leur droit de séjour dans l’État membre qui octroie la prestation en cause, d’un côté, peuvent choisir de quitter le territoire de cet État en perdant, de ce fait, le bénéfice de cette prestation et, de l’autre, ont le droit de revenir à tout moment dans l’État membre concerné.

    52      D’autre part, il découle des points 55, 59 et 60 de l’arrêt du 15 mai 2019, Çoban (C‑677/17, EU:C:2019:408), que, aux fins de l’application de l’article 59 du protocole additionnel, la situation d’un travailleur turc qui dispose d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil lors de son départ de cet État membre doit être considérée comme comparable à celle d’un citoyen de l’Union séjournant dans ledit État membre. En effet, les travailleurs turcs qui disposent d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil sont en mesure de satisfaire à une condition de résidence imposée par le droit national de cet État membre pour bénéficier d’une prestation complémentaire, à l’instar des citoyens de l’Union.

    53      Ainsi, la circonstance qu’un ressortissant turc disposant d’un droit de séjour dans l’État membre d’accueil puisse conserver, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80, le droit à une prestation complémentaire après avoir transféré sa résidence en Turquie, alors que les citoyens de l’Union demeurent soumis à une condition de résidence sur le territoire de cet État membre pour bénéficier d’un tel droit, aboutirait à réserver à ce ressortissant turc un traitement plus favorable que celui accordé aux citoyens de l’Union se trouvant dans une situation comparable, ce qui serait incompatible avec les exigences découlant de l’article 59 du protocole additionnel (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 2019, Çoban, C‑677/17, EU:C:2019:408, point 61).

    54      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les questions posées visent la situation d’un ressortissant turc qui n’était pas dans une situation d’incapacité de travail totale et permanente et qui, au moment de son départ vers la Turquie, appartenait toujours au marché régulier de l’emploi aux Pays-Bas.

    55      Or, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le droit de séjour d’un ressortissant turc appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre est garanti, implicitement mais nécessairement, par l’article 6 de la décision nº 1/80, en tant que corollaire de l’exercice d’un emploi régulier (arrêt du 14 janvier 2015, Demirci e.a., C‑171/13, EU:C:2015:8, point 64). Cette disposition couvre la situation de travailleurs turcs actifs ou en incapacité provisoire de travail. En revanche, elle ne vise pas la situation d’un ressortissant turc ayant définitivement quitté le marché du travail d’un État membre, car, notamment, il a atteint l’âge de la retraite ou il est atteint d’une incapacité totale et permanente de travail (arrêt du 6 juin 1995, Bozkurt, C‑434/93, EU:C:1995:168, point 39).

    56      Il s’ensuit qu’un ressortissant turc placé dans une situation d’incapacité provisoire de travail pouvait satisfaire à la condition de résidence sur le territoire des Pays-Bas imposée par la TW afin de bénéficier d’une prestation visant à compléter une pension d’invalidité en vue d’assurer un revenu minimal, à l’instar d’un citoyen de l’Union séjournant dans cet État membre.

    57      Dans ces conditions, la circonstance qu’un tel ressortissant turc puisse conserver, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80, le droit à une prestation complémentaire après avoir transféré sa résidence en Turquie, alors que les citoyens de l’Union demeurent soumis à la condition de résidence sur le territoire des Pays-Bas imposée par l’article 4a de la TW pour bénéficier d’un tel droit, aboutirait à réserver à ce ressortissant turc un traitement plus favorable que celui accordé aux citoyens de l’Union se trouvant dans une situation comparable, ce qui serait incompatible avec les exigences découlant de l’article 59 du protocole additionnel.

    58      Dès lors, la circonstance, relevée par la juridiction de renvoi, que le ressortissant turc concerné a acquis la nationalité de l’État membre d’accueil, puis y a renoncé avant son retour dans son pays d’origine, est sans incidence sur la réponse à apporter aux questions posées.

    59      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80, lu en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle le versement d’une prestation visant à compléter une pension d’invalidité en vue d’assurer un revenu minimal, accordée au titre de cette législation, est suspendu à l’égard d’un ressortissant turc qui appartient au marché régulier de l’emploi d’un État membre et qui, après avoir renoncé à la citoyenneté de cet État membre qu’il avait acquise au cours de son séjour dans celui-ci, est retourné dans son pays d’origine.

     Sur les dépens

    60      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

    L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision nº 3/80 du conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille, lu en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, signé le 23 novembre 1970 à Bruxelles et conclu, approuvé et confirmé au nom de la Communauté économique européenne par le règlement (CEE) nº 2760/72 du Conseil, du 19 décembre 1972, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle le versement d’une prestation visant à compléter une pension d’invalidité en vue d’assurer un revenu minimal, accordée au titre de cette législation, est suspendu à l’égard d’un ressortissant turc qui appartient au marché régulier de l’emploi d’un État membre et qui, après avoir renoncé à la citoyenneté de cet État membre qu’il avait acquise au cours de son séjour dans celui-ci, est retourné dans son pays d’origine.

    Signatures


    *      Langue de procédure : le néerlandais.

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