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Document 62021CJ0713

2023 m. vasario 9 d. Teisingumo Teismo (septintoji kolegija) sprendimas.
A prieš Finanzamt X.
Bundesfinanzhof prašymas priimti prejudicinį sprendimą.
Prašymas priimti prejudicinį sprendimą – Bendra pridėtinės vertės mokesčio (PVM) sistema – Direktyva 2006/112/EB – 2 straipsnio 1 dalies c punktas – „Paslaugų teikimo už atlygį“ sąvoka – Viena paslauga, kurią sudaro žirgų laikymas, treniravimas ir dalyvavimas varžybose – Atlyginimas, kai perleidžiama 50 % sėkmingo dalyvavimo žirgų varžybose atveju įgytos teisės į piniginį prizą.
Byla C-713/21.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:80

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

9 février 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Notion de “prestations de services effectuées à titre onéreux” – Prestation unique comprenant l’hébergement et l’entraînement de chevaux ainsi que leur participation à des compétitions – Rémunération par la cession de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors de compétitions »

Dans l’affaire C‑713/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 27 juillet 2021, parvenue à la Cour le 25 novembre 2021, dans la procédure

A

contre

Finanzamt X,

LA COUR (septième chambre),

composée de Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), présidente de chambre, MM. N. Wahl et J. Passer, juges,

avocate générale : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour A, par Me H. Nieskens, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme A. Hoesch, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. L. Hohenecker, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A, propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, au Finanzamt X (administration fiscale de X, Allemagne) au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des prestations fournies par le requérant, rémunérées par la cession de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors de compétitions.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA :

« À chaque opération, la TVA, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix. »

4        L’article 2, paragraphe 1, sous c), de cette directive dispose :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

5        L’article 73 de ladite directive prévoit :

« Pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées aux articles 74 à 77, la base d’imposition comprend tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acquéreur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. »

 Le droit allemand

6        L’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), du 21 février 2005 (BGBl. 2005 I, p. 386), dans sa version applicable au litige au principal, dispose, à son article 1er, paragraphe 1, point 1 :

« Sont soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires les opérations suivantes :

1.      les livraisons et autres prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire national par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise. [...] »

7        Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, de cette loi :

« Pour les livraisons et autres prestations (article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase) [...], le chiffre d’affaires est déterminé sur la base de la rémunération. La rémunération est constituée de tout ce que mobilise le bénéficiaire de la prestation pour obtenir cette dernière, à l’exclusion cependant de la taxe sur le chiffre d’affaires. Entre également dans la rémunération ce qu’une personne autre que le bénéficiaire verse à l’entrepreneur pour la prestation. [...] »

8        La Finanzgerichtsordnung (code des juridictions fiscales), du 28 mars 2001 (BGBl. 2001 I, p. 442, 2262 ; 2002 I, p. 679), dans sa version applicable au litige au principal, prévoit, à son article 118, paragraphe 2 :

« Le Bundesfinanzhof [Cour fédérale des finances, Allemagne] est lié par les constatations de fait du jugement attaqué, à moins que ne soient avancés à l’appui du pourvoi en Revision des moyens recevables et fondés qui visent ces constatations. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

9        Le requérant au principal exploitait, au cours des années 2007 à 2012, une écurie d’entraînement de chevaux de compétition.

10      Il concluait avec des propriétaires de chevaux, qui résidaient en Allemagne, des contrats en vertu desquels ceux-ci mettaient leurs chevaux à sa disposition. Ces chevaux étaient hébergés et soignés dans cette écurie. Ils y étaient formés et participaient à des compétitions en Allemagne et à l’étranger.

11      Conformément à ces contrats, les frais d’entretien, de participation aux compétitions, de transport, de ferrage et de soins vétérinaires des chevaux étaient à la charge des propriétaires, tandis que le requérant au principal supportait les frais liés à sa propre participation, en tant que cavalier, aux compétitions, à savoir les frais de transport, d’hôtel et de restaurant.

12      Alors que les prix gagnés lors de compétitions équestres revenaient au seul propriétaire des chevaux, lesdits contrats prévoyaient que le requérant au principal percevrait 50 % de tous les gains en espèces et en nature provenant de ces prix. À cette fin, le propriétaire cédait au requérant, dès la conclusion du contrat de mise à disposition, la moitié des créances futures relatives à de tels gains. Le requérant au principal était en droit de procéder à une compensation entre les créances qu’un propriétaire aurait à son égard et celles que lui-même détiendrait sur ce dernier.

13      Dans le cadre d’un contrôle fiscal, il a été considéré que les recettes provenant des compétitions réalisées avec des chevaux appartenant à des tiers étaient soumises au taux normal de TVA.

14      Dès lors, l’administration fiscale de X a émis, le 8 octobre 2015, des avis d’imposition à la TVA rectifiés. Le requérant au principal a introduit des réclamations contre ces avis, qui ont été rejetées comme étant dépourvues de fondement par une décision de cette administration du 6 juillet 2017.

15      Le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne) a rejeté le recours formé par le requérant au principal contre cette décision. Il a jugé, en se fondant sur l’arrêt du 10 novembre 2016, Baštová (C‑432/15, ci-après l’« arrêt Baštová », EU:C:2016:855), ainsi que sur la jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), que les gains provenant des prix obtenus en participant à des compétitions avec des chevaux appartenant à des tiers constituaient une rémunération de prestations imposables à la TVA.

16      Selon les constatations opérées par le Finanzgericht (tribunal des finances), le requérant au principal avait, sur la base des contrats conclus avec les propriétaires de chevaux, fourni une prestation unique comprenant l’hébergement, l’entraînement et la participation des chevaux aux compétitions. Toujours selon ces constatations, pour paiement de cette prestation unique, il recevait des propriétaires des chevaux, d’une part, un remboursement des frais d’entretien, de participation aux compétitions, de transport, de ferrage et de soins vétérinaires et, d’autre part, une participation, pour moitié, aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors de compétitions. Selon cette juridiction, le requérant au principal avait donc également fourni une prestation de services en contrepartie de la cession d’une partie des gains provenant de ces prix, lesquels revenaient aux propriétaires des chevaux.

17      Le requérant au principal a introduit un pourvoi en Revision contre le jugement du Finanzgericht (tribunal des finances) devant la juridiction de renvoi, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances). Celle-ci précise que, conformément à l’article 118, paragraphe 2, de la Finanzgerichtsordnung (code des juridictions fiscales), en l’absence de moyens de pourvoi les visant, elle est liée par les constatations du Finanzgericht (tribunal des finances) énoncées au point 16 du présent arrêt. Par ailleurs, elle affirme que ces constatations sont conformes aux principes juridiques établis par la Cour concernant la délimitation entre une prestation unique et plusieurs prestations, par exemple, dans l’arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning (C‑71/18, EU:C:2019:660).

18      La juridiction de renvoi précise que la seule question litigieuse dans le cadre de la procédure au principal est celle de savoir si le requérant au principal a fourni aux propriétaires de chevaux des prestations de services qui ont été rémunérées par la cession de la moitié des gains provenant des prix obtenus par ces chevaux lors de compétitions.

19      À cet égard, cette juridiction fait observer, en premier lieu, que, dans l’arrêt Baštová(point 40), la Cour a dit pour droit que ne constitue pas une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, la mise à disposition d’un cheval par son propriétaire, assujetti à la TVA, à l’organisateur d’une course hippique aux fins de la participation dudit cheval à cette course, dans l’hypothèse où elle ne donnerait pas lieu au versement d’un cachet de participation ou d’une autre rémunération directe et où seuls les propriétaires des chevaux s’étant classés en ordre utile à l’arrivée de la course reçoivent un prix, fût-il déterminé à l’avance. En revanche, la Cour a considéré qu’une telle mise à disposition d’un cheval constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux dans l’hypothèse où elle donne lieu au versement, par l’organisateur, d’une rémunération indépendante du classement du cheval en cause à l’arrivée de la course.

20      En deuxième lieu, ladite juridiction relève que, par son arrêt du 10 juin 2020 (XI R 25/18, DE:BFH:2020:U.100620.XIR25.18.0, point 45), elle a transposé mutatis mutandis l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA découlant de l’arrêt Baštová à la relation entre le propriétaire d’un cheval et le propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, dans le cas où le premier cède la moitié des gains provenant des prix obtenus lors de telles compétitions au second. En particulier, elle précise avoir jugé que, dans un tel cas, le paiement est effectué au titre du résultat obtenu par le propriétaire de cette écurie dans le cadre de la compétition, même si, d’un point de vue juridique, ce paiement est effectué par un tiers, à savoir le propriétaire du cheval, et non par l’organisateur de la compétition lui-même. Dès lors, le paiement des gains provenant du prix obtenu ne serait pas un paiement reçu en contrepartie d’autres prestations effectuées par le propriétaire de l’écurie et ne ferait donc pas partie de la rémunération obtenue par celui-ci au titre de ces prestations.

21      En troisième lieu, s’agissant du litige au principal, la juridiction de renvoi souligne que le requérant au principal ne pouvait faire valoir, envers les organisateurs de compétitions, aucun droit propre à recevoir les gains provenant des prix obtenus. Il n’acquérait un droit sur ces gains que parce que les propriétaires des chevaux lui cédaient la moitié des créances correspondant auxdits gains qu’ils détenaient sur les organisateurs des compétitions. Au regard de son arrêt du 10 juin 2020, cité au point 20 du présent arrêt, cette juridiction estime qu’il serait possible de considérer que l’appréciation opérée par la Cour dans l’arrêt Baštová doive être transposée au cas de figure que présente le litige au principal, dans lequel les propriétaires des chevaux versent une partie des gains provenant des prix obtenus en compétition au requérant au principal pour la prestation unique fournie par ce dernier. Ainsi, ces gains, qui dépendent du classement des chevaux, ne pourraient pas constituer une rémunération de ladite prestation unique, en raison de l’absence de lien direct entre celle-ci et lesdits gains.

22      Cependant, ladite juridiction nourrit des doutes quant à la possibilité de transposer l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA retenue dans l’arrêt Baštová au litige au principal, dès lors qu’il ne ressortirait pas de façon suffisamment claire de cet arrêt si la Cour a fondé son appréciation sur l’absence de rémunération ou sur l’absence de prestation. Selon elle, la motivation des points 36 et suivants dudit arrêt serait ambivalente.

23      En effet, dans cet arrêt, la Cour aurait considéré que la mise à disposition d’un cheval ne donne pas lieu à une contrepartie effective si le propriétaire reçoit les gains provenant d’un prix uniquement en cas de classement utile de son cheval à l’arrivée de la compétition. Il semblerait ainsi que la Cour attache une importance déterminante à l’absence de rémunération dans son interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA retenue dans ledit arrêt.

24      Toutefois, selon la juridiction de renvoi, d’autres arguments donneraient à penser que c’est l’absence de prestation de services qui serait le critère déterminant dans cette interprétation. À cet égard, elle relève, d’une part, que la Cour a considéré, dans l’arrêt Baštová, que le gain provenant d’un prix est versé non pas pour la mise à disposition du cheval, mais pour l’obtention d’un certain résultat, à savoir le classement utile du cheval lors de la compétition, et qu’il est donc soumis à un certain aléa. D’autre part, la Cour aurait considéré que faire dépendre la qualification d’opération imposable, dans le cas de la mise à disposition d’un cheval, du résultat obtenu par celui-ci serait contraire à sa jurisprudence constante, selon laquelle la notion de « prestation de services » a un caractère objectif et s’applique indépendamment des buts et des résultats des opérations concernées.

25      Si l’absence de rémunération était déterminante dans l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA retenue dans l’arrêt Baštová, l’appréciation juridique effectuée par le Finanzgericht (tribunal des finances), conformément à l’arrêt du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) du 10 juin 2020, cité au point 20 du présent arrêt, serait erronée.

26      En revanche, si l’absence de prestation était déterminante dans cette interprétation, le jugement du Finanzgericht (tribunal des finances) s’avérerait fondé. En effet, contrairement aux faits en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Baštová, la prestation en cause en l’occurrence consisterait en une prestation globale unique, consistant à héberger et à entraîner des chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions. Cette prestation serait, dans son ensemble, dépourvue d’aléa, celui-ci caractérisant uniquement la partie de ladite prestation consistant en la participation des chevaux aux compétitions. Ainsi, la cession de la moitié des gains provenant des prix ne serait pas en rapport avec l’obtention d’un certain résultat à l’issue de ces compétitions, mais avec cette prestation unique, laquelle serait fournie par le requérant au principal indépendamment des résultats des compétitions. Il s’agirait donc d’une prestation de services qui a un caractère objectif, ainsi que l’exigerait la jurisprudence de la Cour. La cession de la moitié de ces gains constituerait une condition à laquelle le propriétaire de l’écurie subordonnerait la fourniture de sa prestation unique, et elle présenterait donc le lien direct requis avec cette prestation.

27      En faveur de cette analyse plaiderait également la prise en compte de la réalité économique et commerciale, qui constitue un critère fondamental pour l’application de la TVA. À cet égard, la juridiction de renvoi affirme que la cession de la moitié des gains provenant des prix obtenus lors des compétitions visait à rémunérer la prestation unique fournie par le requérant au principal et que les parties aux contrats prévoyant cette cession partaient du principe que l’obtention de prix à l’issue des compétitions aurait un caractère de permanence.

28      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Concernant la signification de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la [directive TVA], tel qu’interprété par la Cour dans l’[arrêt Baštová] :

La prestation unique fournie par le propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, qui consiste à héberger et [à] entraîner des chevaux et [à] les faire participer à des compétitions, est-elle également fournie à titre onéreux lorsque le propriétaire des chevaux rémunère cette prestation en cédant 50 % de la créance des prix dont il devient titulaire en cas de victoire ou de classement utile lors d’une compétition ? »

 Sur la question préjudicielle

29      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, la prestation unique fournie par le propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, qui consiste à héberger et à entraîner des chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions, lorsque le propriétaire des chevaux rémunère cette prestation en cédant 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix dont il devient titulaire en cas de victoire ou de classement utile de ses chevaux lors d’une compétition.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, qui définit le champ d’application de la TVA, sont soumises à cette taxe les prestations de services effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel.

31      Une prestation de services n’est effectuée « à titre onéreux », au sens de cette disposition, que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire. Tel est le cas s’il existe un lien direct entre le service rendu et la contre-valeur reçue (arrêt du 20 janvier 2022, Apcoa Parking Danmark, C‑90/20, EU:C:2022:37, point 27 et jurisprudence citée).

32      Ensuite, il ressort de la jurisprudence de la Cour que le caractère incertain de l’existence même d’une rétribution est de nature à rompre le lien direct entre le service fourni au bénéficiaire et la rétribution le cas échéant reçue (arrêt Baštová, point 29 et jurisprudence citée).

33      Enfin, les activités sportives et, notamment, la participation à des compétitions sportives sont susceptibles d’impliquer la prestation de plusieurs services distincts, mais étroitement imbriqués (arrêt Baštová, point 31 et jurisprudence citée).

34      En l’occurrence, afin d’apprécier si, dans le litige au principal, il est question d’une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, il convient d’identifier, en premier lieu, la prestation de services fournie par le requérant au principal.

35      Dans sa décision de renvoi, la juridiction de renvoi se fonde sur la prémisse que la prestation fournie par le requérant au principal est une prestation unique, consistant à héberger et à entraîner les chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions. À cet égard, ainsi qu’il ressort du point 17 du présent arrêt, elle indique expressément, d’une part, que, en vertu du droit national, elle est liée par les constatations de fait opérées en ce sens par le Finanzgericht (tribunal des finances) et, d’autre part, que celles-ci sont conformes aux principes juridiques établis par la Cour concernant la délimitation entre une prestation unique et plusieurs prestations, en faisant référence à l’arrêt du 4 septembre 2019, KPC Herning (C‑71/18, EU:C:2019:660).

36      Il convient de constater que ces principes sont, en substance, identiques à ceux visés aux points 68 à 71 de l’arrêt Baštová, dans lesquels la Cour a rappelé que, si, aux fins de la TVA, chaque prestation doit normalement être considérée comme distincte et indépendante, ainsi qu’il découle de l’article 1er, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive TVA, il ressort néanmoins de la jurisprudence de la Cour que, dans certaines circonstances, plusieurs prestations doivent être considérées comme constituant une opération unique. Il en va notamment ainsi lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable. Tel est également le cas dans la situation où une ou plusieurs prestations doivent être considérées comme constituant la prestation principale alors que, à l’inverse, la ou les autres prestations doivent être regardées comme une ou des prestations accessoires partageant le sort fiscal de la prestation principale.

37      Dans ses observations écrites, le requérant au principal prend appui précisément sur lesdits points 68 à 71 de l’arrêt Baštová pour contester l’existence même, en l’occurrence, d’une prestation unique, en affirmant que son activité comprend, d’une part, une prestation de base, qu’il dénomme « pension de chevaux », concernant tous les chevaux dont il a la charge, les frais liés à cette prestation étant remboursés au moyen d’un paiement mensuel fixe, et, d’autre part, une prestation autonome, à savoir la participation de certains chevaux à des compétitions.

38      Toutefois, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence de la juridiction nationale (arrêt du 10 février 2022, HR Rail, C‑485/20, EU:C:2022:85, point 46).

39      Ainsi, dans le cadre de la coopération instituée en vertu dudit article, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier les éléments composant une prestation complexe unique, en ayant égard, dans le cadre d’une appréciation d’ensemble, à l’importance qualitative, et non simplement quantitative, des éléments pertinents (voir, en ce sens, arrêt Baštová, point 73).

40      Dès lors, eu égard aux éléments relevés par la juridiction de renvoi et rappelés au point 35 du présent arrêt, il convient de s’en tenir à la prémisse sur laquelle se fonde la juridiction de renvoi, à savoir que la prestation de services en cause au principal est une prestation unique, consistant à héberger et à entraîner les chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions.

41      En second lieu, afin d’apprécier si cette prestation de services est effectuée « à titre onéreux », au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, il y a lieu de déterminer si la cession, au propriétaire d’une écurie, de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix dont le propriétaire de chevaux devient titulaire en cas de victoire ou de classement utile de ses chevaux lors d’une compétition est une rétribution qui constitue la contre-valeur effective de ladite prestation unique, si bien qu’il existe un lien direct entre celle-ci et cette rétribution, au sens de la jurisprudence visée aux points 31 et 32 du présent arrêt.

42      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, en contrepartie de la prestation unique fournie par le requérant au principal, celui-ci recevait, d’une part, un remboursement des frais d’entretien, de participation à des compétitions, de transport, de ferrage et de soins vétérinaires des chevaux et, d’autre part, une participation aux prix obtenus par les chevaux lors des compétitions, cette participation étant assurée au moyen de la cession, par les propriétaires des chevaux au requérant au principal, de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant desdits prix que ces derniers détenaient envers les organisateurs de compétitions.

43      Il découle de ces constatations, tout comme du libellé même de la question posée, que l’ensemble des prestations fournies par le requérant au principal, à savoir les prestations d’hébergement et d’entretien des chevaux, d’entraînement de ceux-ci et de participation aux compétitions, était rémunéré par la seule participation du requérant au principal, à hauteur de 50 %, à la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors des compétitions. En effet, dans l’hypothèse, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, où le paiement, par les propriétaires des chevaux, des frais d’entretien, de participation à des compétitions, de transport, de ferrage et de soins vétérinaires des chevaux constitue un simple remboursement des frais encourus par le requérant au principal dans le cadre de l’exploitation de son écurie, un tel remboursement ne constituerait pas une rémunération desdites prestations, fournies par ce dernier.

44      Dans de telles circonstances, il y a lieu de constater qu’il existe un lien direct entre ces prestations et la cession de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors des compétitions.

45      En effet, tout d’abord, les contrats conclus entre le requérant au principal et les propriétaires de chevaux ont créé un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques étaient échangées, au sens de la jurisprudence de la Cour rappelée au point 31 du présent arrêt, la rétribution perçue par le requérant au principal, au moyen de cette cession, constituant la contre-valeur effective de l’ensemble des prestations qu’il fournissait aux propriétaires des chevaux.

46      Ensuite, si, conformément à la jurisprudence visée au point 32 du présent arrêt, le caractère incertain de l’existence même d’une rétribution est de nature à rompre ce lien direct, il importe de relever que, en l’occurrence, la cession de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors des compétitions était, en tant que telle, dépourvue d’aléa, comme le fait observer la juridiction de renvoi.

47      En effet, cette cession, qui constitue une rémunération et qui intervient dès la conclusion des contrats susmentionnés, a une valeur économique en elle-même. Le montant effectif transféré, pour chaque course, au requérant au principal était certes lié au résultat obtenu par le cheval d’un propriétaire donné lors d’une compétition donnée. Cependant, ainsi que la juridiction de renvoi le précise, la cession en tant que telle n’était pas liée à ce résultat ni, partant, à un éventuel résultat de la prestation fournie par le requérant au principal, mais au simple fait que ce dernier fournissait un ensemble de prestations prévues par le contrat.

48      Cette conclusion s’applique également dans l’hypothèse de l’absence de victoire ou de classement utile d’un cheval lors d’une compétition donnée, dès lors que l’absence d’obtention d’un prix ne saurait remettre en cause l’existence de la cession prévue par les contrats susmentionnés.

49      En effet, la contre-valeur de l’ensemble des prestations fournies par le requérant au principal était constituée par cette cession, indépendamment du fait que celle-ci donne lieu ou non, lors d’une compétition donnée, à l’obtention de gains provenant d’un prix. Les propriétaires des chevaux rémunéraient ainsi l’ensemble des prestations fournies par le requérant au principal au moyen de ladite cession, laquelle le mettait en mesure de bénéficier de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix éventuellement obtenus. Dès lors, l’existence du lien direct susmentionné n’est pas affectée par le fait que ce dernier n’ait pas, en tant que cavalier, réussi à faire vaincre un cheval ou à le faire classer en position utile lors d’une compétition donnée (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑295/17, EU:C:2018:942, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

50      De ce point de vue, la cession prévue par les contrats susmentionnés constitue une rémunération déterminée à l’avance et selon des critères bien établis, garantissant la prévisibilité, pour le requérant au principal, du montant auquel il aurait droit en cas de victoire ou de classement utile du cheval lors d’une compétition, sans que soit déterminante à cet égard la concrétisation d’un tel événement (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2021, Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA, C‑846/19, EU:C:2021:277, point 44 ainsi que jurisprudence citée), et ce malgré le fait que la mise en œuvre effective de cette cession dépend dudit classement. Par conséquent, cette modalité de fixation de la rémunération n’est pas de nature à affecter le lien direct entre les prestations de services effectuées par le requérant au principal et la rétribution perçue par celui-ci.

51      Enfin, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un lien direct existe lorsque deux prestations se conditionnent mutuellement, à savoir que l’une n’est effectuée qu’à la condition que l’autre le soit également, et réciproquement (arrêt du 11 mars 2020, San Domenico Vetraria, C‑94/19, EU:C:2020:193, point 26 et jurisprudence citée).

52      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que les contrats conclus entre le requérant au principal et les propriétaires de chevaux prévoyaient systématiquement la rémunération du premier par la voie d’une cession de 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix obtenus par les chevaux lors des compétitions, indépendamment de la participation effective de chaque cheval à une compétition donnée ou de la fréquence de cette participation. Dans ces conditions, cette cession constitue un élément essentiel desdits contrats, auquel le requérant au principal subordonnait la fourniture de sa prestation unique, à savoir l’ensemble des services qui composaient cette dernière, et non la fourniture de la seule prestation consistant à faire participer les chevaux à des compétitions.

53      Or, comme le fait également observer la juridiction de renvoi, s’agissant de la valeur des stipulations contractuelles dans le cadre de la qualification d’une opération taxable, la prise en compte de la réalité économique et commerciale constitue un critère fondamental pour l’application du système commun de TVA (arrêt du 22 novembre 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimédia, C‑295/17, EU:C:2018:942, point 43 ainsi que jurisprudence citée). Dans cette optique, l’économie des contrats conclus entre le requérant au principal et les propriétaires de chevaux, tels qu’ils sont décrits dans la décision de renvoi, corrobore la conclusion selon laquelle la cession de créance en cause dans l’affaire au principal présente un lien direct avec l’ensemble des services qui composent la prestation unique fournie par le requérant au principal.

54      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, la prestation unique fournie par le propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, qui consiste à héberger et à entraîner des chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions, lorsque le propriétaire des chevaux rémunère cette prestation en cédant 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix dont il devient titulaire en cas de victoire ou de classement utile de ses chevaux lors d’une compétition.

 Sur les dépens

55      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

L’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

doit être interprété en ce sens que :

constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux, au sens de cette disposition, la prestation unique fournie par le propriétaire d’une écurie d’entraînement de chevaux de compétition, qui consiste à héberger et à entraîner des chevaux ainsi qu’à les faire participer à des compétitions, lorsque le propriétaire des chevaux rémunère cette prestation en cédant 50 % de la créance correspondant aux gains provenant des prix dont il devient titulaire en cas de victoire ou de classement utile de ses chevaux lors d’une compétition.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.

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