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Document 62018CJ0006

2019 m. sausio 31 d. Teisingumo Teismo (aštuntoji kolegija) sprendimas.
Graikijos Respublika prieš Europos Komisiją.
Apeliacinis skundas – Europos žemės ūkio garantijų fondas (EŽŪGF) – Europos žemės ūkio fondas kaimo plėtrai (EŽŪFKP) – Reglamentas (EB) Nr. 1290/2005 – Bendrosios žemės ūkio politikos finansavimas – Nefinansuojamos išlaidos – Graikijos Respublikos išlaidos.
Byla C-6/18 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:83

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

31 janvier 2019 (*)

« Pourvoi – Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) – Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) – Règlement (CE) no 1290/2005 – Financement de la politique agricole commune – Dépenses exclues – Dépenses effectuées par la République hellénique »

Dans l’affaire C‑6/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 janvier 2018,

République hellénique, représentée par M. G. Kanellopoulos ainsi que par Mmes I. Pachi et A. Vasilopoulou, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et A. Sauka, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský, faisant fonction de président de la huitième chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République hellénique demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 25 octobre 2017, Grèce/Commission (T‑26/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2017:752), par lequel le Tribunal a rejeté son recours contre la décision d’exécution (UE) 2015/2098 de la Commission, du 13 novembre 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2015, L 303, p. 35, ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

 Le règlement (CE) no 1290/2005

2        Le règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1437/2007 du Conseil, du 26 novembre 2007 (JO 2007, L 322, p. 1) (ci-après le « règlement no 1290/2005 ») prévoit, à ses considérants 6, 8, 24 à 26 et 41 :

« (6)      Afin d’assurer une coopération harmonieuse entre la Commission et les États membres dans le domaine du financement des dépenses de la politique agricole commune et, en particulier, afin de permettre à la Commission de suivre de près la gestion financière par les États membres et d’apurer les comptes des organismes payeurs agréés, il est nécessaire que les États membres communiquent certaines informations à la Commission ou qu’ils les conservent à la disposition de celle-ci. [...]

(8)      Le financement des mesures et actions requises par la politique agricole commune est effectué pour partie dans le cadre de la gestion partagée. Afin d’assurer le respect de la bonne gestion financière des fonds communautaires, la Commission devrait exercer des actions visant à contrôler la bonne application de la gestion des Fonds par les autorités des États membres chargées d’effectuer les paiements. Il convient de déterminer la nature des contrôles à effectuer par la Commission et de préciser les conditions permettant à la Commission d’assumer ses responsabilités en matière d’exécution du budget ainsi que de clarifier les obligations de coopération qui incombent aux États membres.

(24)      Il importe que la Commission, chargée de la bonne application de la législation communautaire conformément à l’article 211 du traité, décide de la question de savoir si les dépenses effectuées par les États membres sont conformes à la législation communautaire. Il importe de donner aux États membres le droit de justifier leurs décisions de paiements et de recourir à la conciliation en cas de désaccord entre eux et la Commission. Afin de donner aux États membres des assurances juridiques et financières concernant les dépenses effectuées dans le passé, il convient de fixer une période maximale durant laquelle la Commission peut estimer que le non-respect entraîne des conséquences financières.

(25)      Afin de protéger les intérêts financiers du budget communautaire, il convient que les États membres arrêtent des mesures afin de s’assurer que les opérations financées par les Fonds ont effectivement lieu et sont correctement exécutées. Il est également nécessaire que les États membres préviennent et traitent efficacement toute irrégularité commise par des bénéficiaires.

(26)      En cas de recouvrement de montants versés par le FEAGA, les sommes recouvrées devraient être à rembourser au Fonds dès lors qu’il s’agit de dépenses non conformes à la législation communautaire et pour lesquelles il n’existe aucun droit. Il convient de prévoir un système de responsabilité financière lorsque des irrégularités ont été commises et que le montant total n’a pas été recouvré. À cet effet, il convient d’établir une procédure permettant à la Commission de préserver les intérêts du budget communautaire en décidant d’imputer au compte de l’État membre concerné une partie des sommes qui ont été perdues en raison d’irrégularités et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable. Dans certains cas de négligence de la part de l’État membre, il devrait être justifié d’imputer la totalité de la somme à l’État membre concerné. Toutefois, sous réserve du respect des obligations qui incombent aux États membres au titre de leurs procédures internes, il convient de répartir de manière équitable la charge financière entre la Communauté et l’État membre.

[...]

(41)      Étant donné que la période de programmation des programmes de développement rural financés sur la base du présent règlement commence le 1er janvier 2007, il convient que le présent règlement s’applique à compter de cette date. Toutefois, il importe que certaines dispositions s’appliquent à une date antérieure. »

3        L’article 9 de ce règlement, intitulé « Protection des intérêts financiers de la Communauté et assurances relatives à la gestion des Fonds communautaires », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Les États membres :

a)      prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives, ainsi que toute autre mesure nécessaire pour assurer une protection efficace des intérêts financiers de la Communauté, et en particulier pour :

i)      s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA et le Feader ;

ii)      prévenir et poursuivre les irrégularités ;

iii)      récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences ;

[...]

2.      La Commission veille à ce que les États membres s’assurent de la légalité et de la régularité des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, ainsi que du respect des principes de la bonne gestion financière et, à ce titre, exerce les actions et contrôles suivants :

a)      elle s’assure de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres des systèmes de gestion et de contrôle ;

b)      elle effectue les réductions ou suspensions de tout ou partie des paiements intermédiaires et applique les corrections financières requises, notamment en cas de défaillance des systèmes de gestion et de contrôle ;

[...] »

4        Le règlement no 1290/2005 contient un titre IV, intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission », dans lequel figure un chapitre 1er relatif à l’« apurement », sous lequel l’article 31, intitulé « Apurement de conformité », énonce :

« 1.      La Commission décide des montants à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires, selon la procédure visée à l’article 41, paragraphe 3.

2.      La Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté.

3.      Préalablement à toute décision de refus de financement, les résultats des vérifications de la Commission ainsi que les réponses de l’État membre concerné font l’objet de notifications écrites, à l’issue desquelles les deux parties tentent de parvenir à un accord sur les mesures à prendre.

À défaut d’accord, l’État membre peut demander l’ouverture d’une procédure visant à concilier les positions respectives dans un délai de quatre mois, dont les résultats font l’objet d’un rapport communiqué à la Commission et examiné par elle avant qu’elle ne se prononce sur un éventuel refus de financement.

4.      Un refus de financement ne peut pas porter sur :

a)      les dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, qui ont été effectuées plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats des vérifications ;

b)      les dépenses relatives à des mesures pluriannuelles faisant partie des dépenses visées à l’article 3, paragraphe 1, ou des programmes visés à l’article 4, pour lesquelles la dernière obligation imposée au bénéficiaire est intervenue plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications ;

c)      les dépenses relatives aux mesures prévues dans les programmes visés à l’article 4 autres que celles visées au point b), pour lesquelles le paiement ou, le cas échéant, le paiement du solde, par l’organisme payeur, a été effectué plus de vingt-quatre mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné le résultat des vérifications.

5.      Le paragraphe 4 ne s’applique pas aux conséquences financières :

a)      des irrégularités visées aux articles 32 et 33 ;

b)      liées à des aides nationales ou infractions pour lesquelles la procédure visée à l’article 88 du traité, ou celle visée à son article 226, a débuté ;

[...] »

5        Le titre IV dudit règlement contient un chapitre 2, intitulé « Irrégularités », sous lequel l’article 32, relatif aux « Dispositions spécifiques au FEAGA », dispose :

« 1.      Les sommes récupérées à la suite d’irrégularités ou de négligences et les intérêts y afférents sont versés aux organismes payeurs et portés par ceux-ci en recette affectée au FEAGA, au titre du mois de leur encaissement effectif.

2.      Lors du versement au budget communautaire, l’État membre peut retenir 20 % des sommes correspondantes, à titre de remboursement forfaitaire des frais de recouvrement, sauf pour celles se référant à des irrégularités ou négligences imputables aux administrations ou autres organismes de l’État membre en question.

3.      À l’occasion de la transmission des comptes annuels, prévue à l’article 8, paragraphe 1, point c) iii), les États membres communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités, en fournissant une ventilation des montants non encore récupérés, par procédure administrative et/ou judiciaire et par année correspondant au premier acte de constat administratif ou judiciaire de l’irrégularité.

Les États membres tiennent à la disposition de la Commission l’état détaillé des procédures individuelles de récupération, ainsi que des sommes individuelles non encore récupérées.

4.      Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider de porter les sommes à récupérer à la charge de l’État membre :

a)      lorsque l’État membre n’a pas entamé toutes les procédures administratives ou judiciaires prévues dans la législation nationale et communautaire en vue de la récupération dans l’année qui suit le premier acte de constat administratif ou judiciaire ;

b)      lorsque le premier acte de constat administratif ou judiciaire n’a pas été établi, ou a été établi avec un retard susceptible de mettre en péril le recouvrement, ou lorsque l’irrégularité n’a pas été incluse dans l’état récapitulatif prévu au paragraphe 3, premier alinéa, du présent article, dans l’année du premier acte de constat administratif ou judiciaire.

5.      Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire ou de huit ans, si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire.

L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe.

La répartition de la charge financière consécutive à l’absence de recouvrement, conformément au premier alinéa, est sans préjudice de l’obligation pour l’État membre concerné de poursuivre les procédures de recouvrement, en application de l’article 9, paragraphe 1, du présent règlement. Les sommes ainsi récupérées sont créditées au FEAGA à raison de 50 %, après application de la retenue prévue au paragraphe 2 du présent article.

Lorsque dans le cadre de la procédure de recouvrement, l’absence d’irrégularité est constatée par un acte administratif ou judiciaire ayant un caractère définitif, l’État membre concerné déclare au FEAGA comme dépense la charge financière supportée par lui en vertu du premier alinéa.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million EUR, la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus.

6.      Dans des cas dûment justifiés, les États membres peuvent décider de ne pas poursuivre le recouvrement. Cette décision ne peut être prise que dans les cas suivants :

a)      lorsque l’ensemble des coûts entamés et des coûts prévisibles de recouvrement est supérieur au montant à recouvrer ;

b)      lorsque le recouvrement s’avère impossible à cause de l’insolvabilité du débiteur ou des personnes juridiquement responsables de l’irrégularité, constatée et admise conformément au droit national de l’État membre concerné.

L’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels il a décidé de ne pas poursuivre les procédures de recouvrement ainsi que la justification de sa décision.

7.      Les conséquences financières à la charge de l’État membre résultant de l’application du paragraphe 5 sont reprises par l’État membre concerné dans les comptes annuels à transmettre à la Commission conformément à l’article 8, paragraphe 1, point c) iii). La Commission en vérifie l’application correcte et procède, le cas échéant, aux adaptations nécessaires lors de l’adoption de la décision prévue à l’article 30, paragraphe 1.

8.      Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider d’écarter du financement communautaire les sommes mises à la charge du budget communautaire dans les cas suivants :

a)      en application des paragraphes 5 et 6 du présent article, lorsqu’elle constate que les irrégularités ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre ;

b)      en application du paragraphe 6 du présent article, lorsqu’elle estime que la justification apportée par l’État membre n’est pas suffisante pour justifier sa décision d’arrêter la procédure de recouvrement. »

6        L’article 33 du règlement no 1290/2005, intitulé « Dispositions spécifiques au Feader », est ainsi libellé :

« 1.      Les États membres effectuent les redressements financiers résultant des irrégularités et négligences détectées dans les opérations ou les programmes de développement rural par la suppression totale ou partielle du financement communautaire concerné. Les États membres prennent en considération la nature et la gravité des irrégularités constatées, ainsi que le niveau de la perte financière pour le Feader.

2.      Lorsque les fonds communautaires ont déjà fait l’objet d’un paiement au bénéficiaire, ils sont récupérés par l’organisme payeur agréé selon ses propres procédures de recouvrement et réutilisés conformément au paragraphe 3, point c).

[...]

4.      Lors de la transmission des comptes annuels, prévue à l’article 8, paragraphe 1, point c) iii), les États membres communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de recouvrement engagées à la suite d’irrégularités, en fournissant une ventilation des montants non encore récupérés, par procédure administrative et/ou judiciaire et par année correspondant au premier acte de constat administratif ou judiciaire de l’irrégularité.

5.      Après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, la Commission peut décider de porter les sommes à récupérer à la charge de l’État membre :

a)      lorsque l’État membre n’a pas entamé toutes les procédures administratives ou judiciaires prévues dans la législation nationale et communautaire en vue de la récupération des fonds versés aux bénéficiaires dans l’année qui suit le premier acte de constat administratif ou judiciaire ;

b)      lorsque l’État membre n’a pas respecté ses obligations au titre du paragraphe 3, points a) et c), du présent article.

6.      Lorsque le recouvrement visé au paragraphe 2 a pu être effectué après la clôture d’un programme de développement rural, l’État membre reverse les sommes récupérées au budget communautaire.

[...]

8.      Lorsque le recouvrement n’a pas eu lieu avant la clôture d’un programme de développement rural, les conséquences financières de l’absence de recouvrement sont supportées à hauteur de 50 % par l’État membre concerné et à hauteur de 50 % par le budget communautaire et prises en compte soit à la fin du délai de quatre ans après le premier acte de constat administratif ou judiciaire, ou de huit ans si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales, soit lors de la clôture du programme si ces délais expirent avant sa clôture.

Toutefois, si, pour des raisons non imputables à l’État membre concerné, le recouvrement n’a pas pu être effectué dans les délais indiqués au premier alinéa et si le montant à récupérer est supérieur à 1 million EUR, la Commission peut, à la demande de l’État membre, prolonger les délais de 50 % au maximum des délais initialement prévus.

9.      Dans les cas visés au paragraphe 8, les montants relatifs à la part de 50 %, supportée par l’État membre, sont versés par ce dernier au budget communautaire.

10.      Lorsque la Commission effectue un redressement financier, celui-ci ne porte pas atteinte aux obligations de l’État membre de recouvrer les sommes payées au titre de sa propre participation financière, en vertu de l’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE [JO 1999, L 83, p. 1]. »

7        L’article 49 dudit règlement, relatif à l’entrée en vigueur de celui-ci, contient un troisième alinéa aux termes duquel :

« Toutefois, les dispositions suivantes s’appliquent à partir du 16 octobre 2006 :

–        les articles 30 et 31, pour les dépenses encourues à partir du 16 octobre 2006 ;

–        l’article 32, pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement (CEE) no 595/91 [du Conseil, du 4 mars 1991, concernant les irrégularités et la récupération des sommes indûment versées dans le cadre du financement de la politique agricole commune ainsi que l’organisation d’un système d’information dans ce domaine (JO 1991, L 67, p. 11)] et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006 ;

–        [...] »

 Le règlement (UE) no 1306/2013

8        Le règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), contient un chapitre IV, intitulé « Apurement comptable ». Sous la section II de ce chapitre, intitulée « Apurement », figure l’article 52, consacré à l’apurement de conformité, qui dispose, à son paragraphe 2 :

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

9        La section III dudit chapitre IV, intitulée « Irrégularités », contient un article 54 relatif aux « Dispositions communes », qui prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 5 :

« 1.      Pour tout paiement indu résultant d’irrégularités ou de négligences, les États membres exigent un recouvrement auprès du bénéficiaire dans un délai de 18 mois suivant l’approbation et, le cas échéant, la réception par l’organisme payeur ou l’organisme chargé du recouvrement, d’un rapport de contrôle ou document similaire, indiquant l’existence d’une irrégularité. Parallèlement à la demande de recouvrement, les montants correspondants sont inscrits au grand livre des débiteurs de l’organisme payeur.

2.      Si le recouvrement n’a pas eu lieu dans un délai de quatre ans après la date de la demande de recouvrement, ou dans un délai de huit ans lorsque celui-ci est porté devant les juridictions nationales, 50 % des conséquences financières du non-recouvrement sont pris en charge par l’État membre concerné et 50 % par le budget de l’Union, sans préjudice de l’obligation pour cet État membre de poursuivre les procédures de recouvrement en application de l’article 58.

[...]

5.      La Commission peut, pour autant que la procédure établie à l’article 52, paragraphe 3, ait été suivie, adopter des actes d’exécution excluant du financement de l’Union les montants imputés au budget de l’Union dans les cas suivants :

a)      si l’État membre n’a pas respecté les délais visés au paragraphe 1 ;

[...]

c)      si elle considère que les irrégularités ou l’absence de recouvrement résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’administration ou à un service ou organisme d’un État membre.

[...] »

 Le document no VI/5330/97

10      Les orientations en matière de corrections forfaitaires ont été définies dans le document no VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997. Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables, une correction forfaitaire peut être envisagée. Le taux de correction appliqué dépend de l’importance des manquements constatés dans la mise en œuvre des contrôles.

11      L’annexe 4 de ce document porte sur le traitement réservé dans le cadre de l’apurement des comptes aux conclusions des organes de contrôle des États membres et dispose notamment :

« [...] On attend cependant de l’État membre qu’il tire les conséquences nécessaires des conclusions des rapports, y compris qu’il remédie à toute lacune constatée dans les procédures appliquées par un service national, qu’il réexamine toutes les opérations concernées par cette lacune et qu’il récupère tout montant anormalement versé ou jugé irrégulier. Il est évident que si une suite n’est pas dûment donnée à ces rapports, les conclusions du contrôle deviennent caduques et c’est pourquoi dans ces circonstances, mais dans ces circonstances seulement, le service de l’apurement des comptes envisagerait d’en tirer les conséquences financières. »

 Les orientations de 2015

12      Les lignes directrices relatives au calcul des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, Communication C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015 (ci-après les « orientations de 2015 »), contiennent un chapitre 11, intitulé « Corrections financières relatives aux irrégularités et créances », qui définit les lignes directrices sur les principes, les conditions et les échelles indicatives à appliquer pour le calcul des corrections financières que la Commission peut proposer en vertu des articles 52 et 54 du règlement no 1306/2013, en cas de non-respect des règles de l’Union relatives à la gestion des irrégularités et au recouvrement des montants correspondants par les organismes payeurs.

 Les antécédents du litige

13      Dans le cadre du financement de la politique agricole commune, la Commission a procédé à un certain nombre de vérifications des dépenses effectuées par la République hellénique au cours de l’année 2009.

14      Par lettre d’observations du 4 janvier 2010, la Commission a fait part à la République hellénique des faiblesses et des irrégularités qu’elle avait relevées lors d’une vérification sur place, portant, notamment, d’une part, sur des retards dans la procédure de recouvrement soit en raison de l’écoulement de plus de quatre ans entre la date du rapport de contrôle et celle du premier acte de constat administratif ou judiciaire, soit du fait de l’écoulement de plus d’un an entre le premier acte de constat administratif ou judiciaire et l’émission d’un ordre de recouvrement, et, d’autre part, sur des cas individuels présentant des retards de recouvrement. La Commission proposait, en conséquence, d’exclure du financement de l’Union européenne et d’imputer à la République hellénique la somme de 11 467 310,85 euros.

15      Par lettre du 3 mars 2010, la République hellénique a exprimé son désaccord avec cette analyse. Une réunion bilatérale s’est tenue le 1er avril 2011, ayant donné lieu à un procès-verbal en date du 12 juillet 2011. La Commission a regretté que les autorités grecques ne fussent pas en mesure de fournir des données sur l’ensemble des cas présentant des retards de recouvrement, hormis les cas individuels déjà identifiés par elle. S’agissant des cas individuels, la République hellénique a déclaré être d’avis que leur ancienneté ou leur contestation juridictionnelle faisait obstacle à la prise en compte des dépenses s’y rapportant.

16      Le 24 janvier 2013, la Commission a notifié à la République hellénique sa proposition d’écarter du financement de l’Union la somme de 11 467 310,85 euros. Le 7 mars 2013, la République hellénique a demandé l’intervention de l’organe de conciliation.

17      Lors de la procédure de conciliation, l’organe de conciliation a relevé, dans son avis du 19 octobre 2013, d’une part, que les parties étaient susceptibles de parvenir à un accord concernant notamment l’assiette de la correction financière forfaitaire proposée de 10 %, et, d’autre part, que, en ce qui concernait le niveau de ladite correction, il ne pouvait être de quelque assistance que ce soit aux parties, faute pour les autorités helléniques d’avoir fourni le tableau des cas dans lesquels les délais n’avaient pas été respectés. Pour le reste, l’organe de conciliation a indiqué ne pas voir de raison de remettre en cause les conclusions des services de la Commission.

18      La Commission, qui, dans l’intervalle, avait reçu de nouveaux éléments, a, dans une lettre du 17 juillet 2015, d’une part, revu à la hausse le calcul de la base de la correction financière forfaitaire de 10 % et, d’autre part, accepté, dans un cas, de ne pas imposer de correction et, dans l’autre, d’en réduire le montant de moitié. Il en a résulté une majoration du montant final de la somme correspondant aux dépenses exclues du financement de l’Union, la portant désormais à 11 534 827,97 euros.

19      Par sa décision d’exécution (UE) 2015/2098, du 13 novembre 2015, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2015, L 303, p. 35, ci-après la « décision litigieuse »), la Commission a finalement écarté du financement de l’Union les dépenses effectuées par l’Organismos Pliromon kai Elegchou Koinotikon Enischyseon Prosanatolismou kai Eggyiseon (agence hellénique de paiement et de contrôle des aides communautaires d’orientation et de garantie), pour un montant total de 12 647 843,53 euros.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 janvier 2016, la République hellénique a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en invoquant, en substance, cinq moyens.

21      Le premier moyen était tiré de l’absence de fondement juridique pour imposer une correction financière forfaitaire en raison des faiblesses constatées en ce qui concerne la procédure de recouvrement des aides indûment versées.

22      Le deuxième moyen était tiré de ce que la correction financière forfaitaire, appliquée au cours de l’année 2015 pour des faiblesses dans le système de contrôle, visait des situations parfois antérieures à l’année 2000, à partir de constatations censées avoir été effectuées pour la première fois au cours de l’année 2011, et portait ainsi atteinte aux droits de la défense de la République hellénique. Celle-ci soutenait également que cette correction financière faisait peser sur elle une charge disproportionnée et méconnaissait les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et du délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives.

23      Le troisième moyen consistait en un défaut de motivation et en l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation concernant les prétendus retards dans la procédure de recouvrement avec compensation entre fonds.

24      Le quatrième moyen était tiré d’une interprétation et d’une application erronées par la Commission de l’article 32, paragraphes 1 et 5, du règlement no 1290/2005, en ce qui concerne, d’une part, le calcul des intérêts liquidés conformément à la règle de partage par moitié entre l’État membre concerné et le budget de l’Union des conséquences financières de l’absence de recouvrement et, d’autre part, l’absence de leur mention dans les tableaux de l’annexe III du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), tel que modifié par le règlement (CE) no 1034/2008 de la Commission, du 21 octobre 2008 (JO 2008, L 279, p. 13).

25      Enfin, le cinquième moyen portait sur des erreurs commises au sujet de différentes situations individuelles.

26      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’ensemble de ces moyens.

27      Dans le cadre de sa réponse concernant le premier moyen, aux points 26 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 pouvait fournir une base légale autorisant la Commission à recourir à une correction financière forfaitaire pour le cas d’irrégularités constatées au titre des articles 32 et 33 de ce règlement et se rapportant au retard, voire à l’absence de récupération de paiements irréguliers.

28      À cet égard, le Tribunal a déduit, aux points 29 à 32 de l’arrêt attaqué, du libellé des articles 31 à 33 dudit règlement que ces derniers n’excluaient pas la possibilité d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 aux irrégularités visées aux articles 32 et 33 de celui-ci. Au point 33 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé qu’une telle interprétation était également conforme à l’objectif poursuivi par ledit règlement, tel qu’il se trouve exprimé aux considérants 25 et 26 de celui-ci. Aux points 36 à 41 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a réfuté les arguments de la République hellénique selon lesquels si l’adoption d’une correction financière forfaitaire était possible, s’agissant des conséquences financières des irrégularités visées aux articles 32 et 33 de ce même règlement, alors elle le serait également dans les hypothèses mentionnées à l’article 31, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1290/2005, concernant les aides d’État et les manquements d’État.

29      Aux points 43 à 47 de l’arrêt attaqué relatifs au même moyen, le Tribunal a jugé que l’application d’une correction forfaitaire était justifiée eu égard à l’absence ou au retard récurrent dans le recouvrement des créances des fonds concernés. En effet, la Commission n’était pas en mesure, faute pour la République hellénique d’avoir communiqué à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération et de recouvrement engagées à la suite de la détection d’irrégularités, de pouvoir déterminer avec précision les montants non recouvrés.

30      Aux points 73 à 115 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a traité le cinquième moyen en examinant cas par cas chacune des situations individuelles en cause dans lesquelles la Commission avait imposé une correction individuelle.

31      Plus particulièrement, à l’occasion de l’examen du cas EL/1997/078/J, le Tribunal a jugé aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué :

« 99      Concernant la date d’entrée en vigueur du règlement no 1290/2005, le considérant 41 de ce dernier précise que, “[é]tant donné que la période de programmation des programmes de développement rural financés sur la base du présent règlement commence le 1er janvier 2007, il convient que le présent règlement s’applique à compter de cette date”, mais que, “[t]outefois, il importe que certaines dispositions s’appliquent à une date antérieure”. Ainsi, sous le titre “Entrée en vigueur”, l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, dudit règlement dispose que l’article 32 du même règlement s’applique à compter du 16 octobre 2006 “pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement no 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006”.

100      La Commission était donc fondée à recourir à l’article 32 du règlement no 1290/2005, en l’absence de recouvrement des sommes non remboursées à l’Union dans les délais fixés par cette disposition, quand bien même les situations en question étaient nées antérieurement à l’adoption dudit règlement. Le grief de la République hellénique tiré de l’inapplicabilité ratione temporis de cet article doit donc être écarté. »

32      Aux points 81, 92, 99, 100, 104, 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément renvoyé à cette appréciation figurant aux points 99 et 100, aux fins de l’examen des cas nos 47761, 162861, 162561, 154141, EL/1997/078/J, EL/1995/002 et 47781.

 Les conclusions des parties devant la Cour

33      La République hellénique demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’annuler la décision litigieuse ;

–        de condamner la Commission aux dépens exposés tant dans la procédure devant le Tribunal que dans le cadre du pourvoi.

34      La Commission conclut au rejet du pourvoi et demande la condamnation de la République hellénique aux dépens.

 Sur le pourvoi

35      À l’appui de son pourvoi, la République hellénique soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées des articles 31 à 33 du règlement no 1290/2005, d’une erreur de droit concernant l’application des lignes directrices, figurant dans le document no VI/5330/97, pour imposer des corrections forfaitaires dans le cas de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, de la violation du principe de sécurité juridique ainsi que d’une motivation insuffisante. Dans le cadre de son second moyen, la République hellénique fait valoir que le Tribunal a interprété et appliqué de manière erronée l’article 32, paragraphe 4 et l’article 49 du règlement no 1290/2005, violé les principes de non-rétroactivité des lois et de sécurité juridique, ainsi qu’adopté une motivation insuffisante et contradictoire.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

36      Par son premier moyen, la République hellénique allègue, en substance, que l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 29 à 42 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’article 31 du règlement no 1290/2005 serait susceptible de fournir une base juridique à la Commission pour imposer des corrections financières forfaitaires pour les cas d’irrégularités, telles que les faiblesses constatées au niveau du système de gestion des irrégularités et des créances, visés aux articles 32 et 33 de ce règlement, est erronée.

37      Au soutien de cette allégation, la République hellénique soulève, en substance, quatre griefs.

38      En premier lieu, elle fait grief au Tribunal d’avoir omis d’effectuer une lecture systématique correcte des articles 31 à 33 du règlement no 1290/2005, dont il ressortirait que le législateur de l’Union a distingué structurellement les cas d’apurement de conformité des cas d’irrégularités en insérant ces articles dans des chapitres distincts, intitulés respectivement « Apurement » et « Irrégularités ». Faute d’avoir tiré les conséquences d’une telle distinction, le Tribunal aurait retenu, aux points 29 à 42 de l’arrêt attaqué, une interprétation erronée des articles 31 à 33 de ce règlement. En effet, la réglementation prévue aux articles 32 et 33 dudit règlement serait complète et spécifique et ne concernerait que les questions afférentes aux irrégularités. Il s’ensuit que la gestion des irrégularités ne saurait relever du « champ réglementaire », qui serait visé à l’article 31 du règlement no 1290/2005.

39      Par ailleurs, le Tribunal serait parti de la prémisse erronée selon laquelle le pouvoir d’appréciation conféré à la Commission, relatif aux corrections financières et prévu à l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005, s’étendrait également aux cas d’irrégularités visés aux articles 32 et 33 de ce règlement. Or, selon la requérante, ce pouvoir d’appréciation se cantonnerait exclusivement à l’article 31 dudit règlement et aux irrégularités constatées par la Commission dans l’exercice de ses compétences relatives à l’apurement de conformité.

40      En deuxième lieu, elle estime que l’interprétation a contrario de l’article 31, paragraphe 5, sous a), dudit règlement, effectuée par le Tribunal aux points 32 et 36 de l’arrêt attaqué, est erronée. En effet, une telle appréciation conduirait à admettre, en contradiction avec le libellé de l’article 31, paragraphe 5, sous b), du règlement no 1290/2005, que l’adoption d’une correction financière forfaitaire pourrait s’appliquer aux procédures concernant les aides d’État et les manquements d’État.

41      En troisième lieu, la République hellénique fait valoir que le point 42 de l’arrêt attaqué est erroné dans la mesure où, à défaut pour le règlement no 1290/2005 de contenir une disposition comparable à l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, lequel autorise la Commission à recourir à des corrections financières forfaitaires « lorsque [...] l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union », la Commission ne saurait appliquer de correction financière forfaitaire en cas de violation des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005.

42      Premièrement, la République hellénique souligne que le recours à une correction financière forfaitaire dans une telle hypothèse a été introduit dans le règlement no 1306/2013 et que, partant, une telle correction ne saurait être appliquée dans le cadre du régime antérieur.

43      Deuxièmement, elle soutient que, par le règlement no 1306/2013, le législateur de l’Union a adopté un changement systémique en visant, pour la première fois, les cas d’irrégularités dans le chapitre relatif à l’apurement. À cet égard, la requérante met en exergue, d’une part, que les articles 54 et suivants de ce règlement traitent de manière « totalement différente » les irrégularités et, d’autre part, que l’article 54 dudit règlement ne traite pas de la mise à charge des sommes à récupérer prévue antérieurement à l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005.

44      En quatrième lieu, les orientations de 2015, adoptées par la Commission postérieurement au règlement no 1306/2013, consacreraient, pour la première fois, un chapitre aux corrections financières relatives aux irrégularités et aux créances. À défaut pour le document no VI/5330/97, qui a servi de fondement à l’imposition de la correction financière forfaitaire, de comporter un tel chapitre, ce document ne pouvait pas être appliqué aux irrégularités de l’espèce, de telle sorte que l’appréciation contraire figurant aux points 39, 40, 46 et 47 de l’arrêt attaqué serait erronée.

45      La Commission rétorque que l’interprétation effectuée par le Tribunal, aux points 29 à 42 de l’arrêt attaqué, est conforme à une jurisprudence constante du Tribunal, laquelle admet l’imposition de corrections financières forfaitaires dans le cas d’irrégularités pour lesquelles les États membres n’ont pas assuré de suivi approprié et en particulier lorsqu’ils n’ont pas procédé au recouvrement des montants irrégulièrement imputés au budget de l’Union. Dès lors, selon elle, ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

46      En premier lieu, il convient de relever que le FEAGA et le Feader financent, en gestion partagée entre les États membres et l’Union, les dépenses effectuées conformément au droit de l’Union.

47      Afin d’assurer le respect de la bonne gestion financière des fonds de l’Union et de protéger les intérêts financiers de l’Union, l’article 9 du règlement no 1290/2005, lu à la lumière du considérant 8 de ce règlement, détaille les devoirs incombant respectivement aux États membres et à la Commission.

48      D’une part, conformément à l’article 9, paragraphe 1, sous a), lu à la lumière du considérant 25 du règlement no 1290/2005, il incombe aux États membres qui désignent les organismes payeurs agréés d’assurer une protection efficace des intérêts financiers de l’Union, de détecter et de poursuivre les irrégularités commises par les bénéficiaires ainsi que de récupérer les sommes perdues à la suite de ces irrégularités ou de négligences.

49      Ainsi, dans le cadre de la gestion partagée, les États membres sont tenus, en application de l’article 9 dudit règlement, lu en combinaison avec les articles 32 et 33 de celui-ci, de poursuivre les irrégularités et de récupérer les sommes irrégulièrement versées. À cette fin, il ressort de l’article 32, paragraphe 3, et de l’article 33, paragraphe 4, du même règlement que, à l’occasion de la transmission des comptes annuels, les États membres communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées et tiennent à la disposition de cette dernière un état détaillé des procédures individuelles de récupération.

50      D’autre part, en application de l’article 9, paragraphe 2, sous a) et b), lu à la lumière des considérants 6, 8 et 24 du règlement no 1290/2005, la Commission poursuit sa mission de protéger les intérêts financiers de l’Union en veillant à ce que les États membres s’assurent de la légalité et de la régularité des dépenses ainsi que du respect des principes de bonne gestion financière. La Commission exerce à ce titre des contrôles tenant notamment à s’assurer de l’existence et du bon fonctionnement dans les États membres des systèmes de gestion et de contrôle, ainsi qu’à appliquer les corrections financières requises notamment en cas de défaillance des systèmes de gestion et de contrôle.

51      Dans le cadre de la gestion partagée, la Commission est chargée de procéder à l’apurement de conformité conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005. L’article 31, paragraphe 2, de ce règlement prévoit ainsi que la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. À cet égard, elle tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union.

52      Par ailleurs, l’article 32, paragraphe 4, et l’article 33, paragraphe 5, dudit règlement, lus à la lumière du considérant 26 de celui-ci, prévoient que la Commission peut mettre à la charge de l’État membre les sommes à récupérer lorsque ce dernier n’a pas entamé les procédures administratives ou judiciaires dans l’année qui suit le premier acte de constat administratif ou judiciaire de l’irrégularité.

53      En outre, l’article 32, paragraphe 8, du règlement no 1290/2005 énonce que les sommes peuvent être écartées du financement de l’Union lorsque l’irrégularité ou l’absence de récupération résultent d’irrégularités ou de négligences imputables à l’État membre.

54      Enfin, pour chacun de ces cas de mise à charge de l’État membre pour défaut de poursuite ou de récupération visés aux points 52 et 53 du présent arrêt, il est précisé que la décision de la Commission ne peut être prise qu’après avoir suivi la procédure prévue à l’article 31, paragraphe 3, dudit règlement.

55      Il résulte de la lecture combinée de l’ensemble de ces dispositions que la procédure d’apurement de conformité est bien étroitement liée à l’obligation de poursuite et de récupération des conséquences financières liées aux irrégularités constatées par les États membres.

56      Au demeurant, le libellé de l’article 32, paragraphe 3, du règlement no 1290/2005 reflète ce lien étroit en exigeant des États membres qu’ils communiquent à la Commission un état récapitulatif des procédures de récupération engagées à la suite d’irrégularités et en tenant à la disposition de la Commission l’état détaillé des procédures individuelles de récupération ainsi que des sommes individuelles non encore récupérées.

57      Il s’ensuit que l’absence ou le retard récurrent dans le recouvrement de créances du FEAGA et du Feader peut valablement justifier l’adoption d’une correction au titre de l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005.

58      Dès lors, en jugeant, au point 29 de l’arrêt attaqué, qu’aucune disposition du règlement no 1290/2005 n’exclut la possibilité d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, de ce règlement aux conséquences financières visées aux articles 32 et 33 dudit règlement, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

59      Par conséquent, et compte tenu de ce qui précède, le grief tiré d’une interprétation systématique du règlement no 1290/2005, tel qu’exposé au point 39 du présent arrêt doit être écarté comme étant non fondé.

60      De même, en deuxième lieu, le grief tiré d’une interprétation a contrario de l’article 31, paragraphe 5, sous a), du règlement no 1290/2005, effectuée par le Tribunal aux points 32 et 36 de l’arrêt attaqué, doit être écarté.

61      En effet, il ressort de l’article 31, paragraphe 4, de ce règlement que le refus de financement ne peut pas porter sur les dépenses effectuées plus de 24 mois avant que la Commission ait notifié par écrit à l’État membre concerné les résultats de ses vérifications, tandis que l’article 31, paragraphe 5 énonce que l’article 31, paragraphe 4, dudit règlement ne s’applique pas aux conséquences financières des irrégularités visées aux articles 32 et 33 de celui-ci ni aux conséquences financières liées à des aides nationales ou à des infractions pour lesquelles la procédure visée à l’article 108 TFUE ou celle visée à l’article 258 TFUE a été engagée.

62      Il résulte ainsi clairement du libellé dudit article 31, paragraphe 5 que cette disposition se borne à exclure que le délai de 24 mois, qui s’applique aux dépenses soumises à l’examen de la Commission dans le cadre de la procédure d’apurement de conformité, s’applique aux conséquences financières nées des irrégularités constatées par les États membres ainsi qu’aux conséquences financières liées à des aides d’État et à des manquements d’État.

63      Dès lors, l’argumentation de la République hellénique procède d’une lecture erronée de l’article 31, paragraphes 4 et 5, du règlement no 1290/2005, de telle sorte que l’interprétation retenue par le Tribunal aux points 32 et 36 de l’arrêt attaqué est correcte.

64      En troisième lieu, s’agissant du grief tiré d’une interprétation erronée de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et visant le point 42 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de l’écarter.

65      À cet égard, pour autant que la République hellénique soutient que, en l’occurrence, le Tribunal a appliqué le règlement no 1306/2013 au point 42 de l’arrêt attaqué, force est de relever que le Tribunal s’est référé à ce règlement à titre surabondant. Par conséquent, une telle argumentation est inopérante.

66      En dernier lieu, la République hellénique conteste, aux points 39, 40, 46 et 47 de l’arrêt attaqué, l’application du document no VI/5330/97. Il ressortirait en effet des orientations de 2015, qui ont remplacé le document no VI/5330/97, pour la première fois, que la Commission peut adopter une correction financière forfaitaire pour les conséquences financières d’irrégularités constatées au titre des articles 32 et 33 du règlement no 1290/2005.

67      À cet égard, contrairement à l’allégation de la République hellénique relative à une prétendue nouvelle approche exprimée dans les orientations de 2015, il y a lieu de relever que le document no VI/5330/97 prévoyait d’ores et déjà, à son annexe IV, qu’il incombe à l’État membre de tirer les conséquences nécessaires des constatations d’irrégularités en récupérant tout montant anormalement versé ou jugé irrégulier et en recouvrant tout montant versé par erreur ou pour lequel une irrégularité a été constatée. À défaut, la Commission pouvait envisager d’en tirer des conséquences financières.

68      Partant, c’est en vain que la République hellénique entend se prévaloir des orientations de 2015 afin de démontrer que le document no VI/5330/97 ne pouvait pas être appliqué en l’espèce.

69      Il s’ensuit que ce grief doit être écarté comme étant non fondé.

70      Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant pour partie non fondé et, pour partie, inopérant.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

71      Dans le cadre de son second moyen, la République hellénique fait grief au Tribunal d’avoir retenu, aux points 77, 81, 92, 97, 99, 100, 102, 104 et 109 de l’arrêt attaqué, une interprétation erronée concernant l’applicabilité ratione temporis de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 49 de ce règlement, de telle sorte que les corrections financières ponctuelles adoptées par la Commission seraient dépourvues de base juridique.

72      La Commission émet des doutes sur la recevabilité de ce moyen pour l’ensemble des situations individuelles en cause. Elle estime, en effet, que l’invocation horizontale de l’article 49 du règlement no 1290/2005 pour tous les cas individuels étend l’objet du moyen d’annulation soulevé en première instance.

73      La Commission fait valoir que, en tout état de cause, le second moyen soulevé par la République hellénique doit être rejeté.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

74      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal.

75      Ainsi, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour, dans le cadre du pourvoi, est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas invoqué devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 59).

76      En l’occurrence, en premier lieu, il y a lieu d’observer que, dans sa requête en première instance, la République hellénique a expressément soulevé le moyen tiré d’une inapplicabilité ratione temporis de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 pour les cas de corrections individuelles nos 162561, EL/1997/078/J, EL/1995/002 et 47781, ainsi que, implicitement, pour le cas no 47781.

77      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré, aux points 81, 92, 99, 100, 104, 109 de l’arrêt attaqué, que l’article 32, paragraphe 4, de ce règlement était bien applicable ratione temporis pour les cas nos 47761, 162861, 162561, 154141, EL/1997/078/J, EL/1995/002 et 47781. S’agissant du cas no 163981, force est de relever que, si le Tribunal n’a pas pris expressément position sur l’applicabilité de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, il a cependant fait application de cette disposition au point 77 de l’arrêt attaqué.

78      Dès lors, il y a lieu de considérer que le Tribunal a répondu, pour les huit cas de corrections individuelles qui font l’objet du second moyen du pourvoi, à la question de l’applicabilité de l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005.

79      Par conséquent, le second moyen de la République hellénique doit être déclaré comme étant recevable.

–       Sur le fond

80      S’agissant du bien-fondé du second moyen, il convient de relever que le Tribunal a rappelé, au point 99 de l’arrêt attaqué, que l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement no 1290/2005 dispose que l’article 32 de ce règlement s’applique à compter du 16 octobre 2006 pour les cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement no 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu au 16 octobre 2006.

81      Le Tribunal en a déduit, au point 100 de l’arrêt attaqué, que la Commission était fondée à recourir à l’article 32 du règlement no 1290/2005, en l’absence de recouvrement des sommes non encore remboursées à l’Union dans les délais fixés par cette disposition, quand bien même les situations en question étaient nées antérieurement à l’adoption dudit règlement, pour écarter le grief de la République hellénique tiré de l’inapplicabilité ratione temporis de l’article 32 du même règlement.

82      Toutefois, en statuant ainsi, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

83      En effet, il ressort clairement du libellé de l’article 49, troisième alinéa, deuxième tiret, du règlement no 1290/2005 que l’article 32 dans son ensemble s’applique, à compter du 16 octobre 2006, aux cas communiqués dans le cadre de l’article 3 du règlement no 595/91 et pour lesquels le recouvrement total n’est pas encore intervenu à cette date.

84      Par conséquent, le second moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant non fondé.

85      Aucun des deux moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      En application de l’article 138 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.

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