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Document 62021CJ0286

    Presuda Suda (deseto vijeće) od 28. travnja 2022.
    Europska komisija protiv Francuske Republike.
    Povreda obveze države članice – Okoliš – Direktiva 2008/50/EZ – Kvaliteta zraka – Članak 13. stavak 1. i Prilog XI. – Sustavno i ustrajno prekoračivanje graničnih vrijednosti za mikročestice (PM10) u određenim francuskim zonama – Članak 23. stavak 1. – Prilog XV. – ‚Što je moguće kraće’ razdoblje prekoračenja – Odgovarajuće mjere.
    Predmet C-286/21.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:319

    ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

    28 avril 2022 (*)

    « Manquement d’État – Environnement – Directive 2008/50/CE – Qualité de l’air ambiant – Article 13, paragraphe 1, et annexe XI – Dépassement systématique et persistant des valeurs limites fixées pour les microparticules (PM10) dans certaines zones de France – Article 23, paragraphe 1 – Annexe XV – Période de dépassement “la plus courte possible” – Mesures appropriées »

    Dans l’affaire C‑286/21,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 4 mai 2021,

    Commission européenne, représentée par Mme O. Beynet et M. M. Noll-Ehlers, en qualité d’agents,

    partie requérante,

    contre

    République française, représentée par MM. T. Stéhelin et W. Zemamta, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LA COUR (dixième chambre),

    composée de M. I. Jarukaitis, président de chambre, MM. M. Ilešič et Z. Csehi (rapporteur), juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que :

    –        d’une part, en dépassant de manière systématique et persistante la valeur limite journalière applicable aux concentrations de microparticules (PM10) depuis le 1er janvier 2005 dans l’agglomération et la zone de qualité Paris (FR04A01/FR11ZAG01, ci-après la « zone Paris ») et depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse dans l’agglomération et la zone de qualité Martinique/Fort-de-France (FR39N10/FR02ZAR01, ci-après la « zone Martinique/Fort-de-France »), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (JO 2008, L 152, p. 1), lu en combinaison avec l’annexe XI de cette directive, et,

    –        d’autre part, la République française a manqué, dans ces deux zones, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement de cette valeur limite soit la plus courte possible.

     Le cadre juridique

     La directive 96/62/CE

    2        L’article 8 de la directive 96/62/CE du Conseil, du 27 septembre 1996, concernant l’évaluation et la gestion de la qualité de l’air ambiant (JO 1996, L 296, p. 55), intitulé « Mesures applicables dans les zones où les niveaux dépassent la valeur limite », prévoyait, à ses paragraphes 1, 3 et 4 :

    « 1.      Les États membres établissent la liste des zones et des agglomérations où les niveaux d’un ou de plusieurs polluants dépassent la valeur limite augmentée de la marge de dépassement.

    [...]

    3.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, les États membres prennent des mesures pour assurer l’élaboration ou la mise en œuvre d’un plan ou programme permettant d’atteindre la valeur limite dans le délai fixé.

    Ledit plan ou programme, auquel la population doit avoir accès, contient au moins les informations énumérées à l’annexe IV.

    4.      Dans les zones et les agglomérations visées au paragraphe 1, où le niveau de plus d’un polluant est supérieur aux valeurs limites, les États membres fournissent un plan intégré englobant tous les polluants en cause. »

     La directive 1999/30/CE

    3        L’article 5 de la directive 1999/30/CE du Conseil, du 22 avril 1999, relative à la fixation de valeurs limites pour l’anhydride sulfureux, le dioxyde d’azote et les oxydes d’azote, les particules et le plomb dans l’air ambiant (JO 1999, L 163, p. 41), intitulé « Particules », disposait, à son paragraphe 1 :

    « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les concentrations de PM10 dans l’air ambiant, évaluées conformément à l’article 7, ne dépassent pas les valeurs limites indiquées au point I de l’annexe III, à partir des dates y spécifiées.

    [...] »

    4        L’annexe III de cette directive précisait que, s’agissant des particules PM10, la date à partir de laquelle les valeurs limites devaient être respectées était le 1er janvier 2005.

     La directive 2008/50

    5        La directive 2008/50, qui est entrée en vigueur le 11 juin 2008, a remplacé cinq actes législatifs préexistants, relatifs à l’évaluation et à la gestion de la qualité de l’air ambiant, notamment les directives 96/62 et 1999/30, lesquelles ont été abrogées à compter du 11 juin 2010, ainsi qu’il ressort de l’article 31 de la directive 2008/50.

    6        L’article 1er de la directive 2008/50, intitulé « Objet », énonce, à ses points 1 à 3 :

    « La présente directive établit des mesures visant :

    1)      à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble ;

    2)      à évaluer la qualité de l’air ambiant dans les États membres sur la base de méthodes et de critères communs ;

    3)      à obtenir des informations sur la qualité de l’air ambiant afin de contribuer à lutter contre la pollution de l’air et les nuisances et de surveiller les tendances à long terme et les améliorations obtenues grâce aux mesures nationales et communautaires ».

    7        L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 5, 7 à 9 et 16 à 18 :

    « Aux fins de la présente directive, on entend par :

    [...]

    5)      “valeur limite” : un niveau fixé sur la base des connaissances scientifiques, dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans un délai donné et à ne pas dépasser une fois atteint ;

    [...]

    7)      “marge de dépassement” : le pourcentage de la valeur limite dont cette valeur peut être dépassée dans les conditions fixées par la présente directive ;

    8)      “plans relatifs à la qualité de l’air” : les plans énonçant des mesures visant à atteindre les valeurs limites ou valeurs cibles ;

    9)      “valeur cible” : un niveau fixé dans le but d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs sur la santé humaine et/ou l’environnement dans son ensemble, à atteindre dans la mesure du possible sur une période donnée ;

    [...]

    16)      “zone” : une partie du territoire d’un État membre délimitée par lui aux fins de l’évaluation et de la gestion de la qualité de l’air ;

    17)      “agglomération” : une zone qui constitue une conurbation caractérisée par une population supérieure à 250 000 habitants ou, lorsque la population est inférieure ou égale à 250 000 habitants, par une densité d’habitants au kilomètre carré à établir par les États membres ;

    18)      “PM10” : les particules passant dans un orifice d’entrée calibré tel que défini dans la méthode de référence pour l’échantillonnage et la mesure du PM10, norme EN 12 341, avec un rendement de séparation de 50 % pour un diamètre aérodynamique de 10 μm ;

    [...] »

    8        L’article 13 de ladite directive, intitulé « Valeurs limites et seuils d’alerte pour la protection de la santé humaine », dispose, à son paragraphe 1 :

    « Les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, les niveaux d’anhydride sulfureux, de PM10, de plomb et de monoxyde de carbone dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI.

    [...]

    Le respect de ces exigences est évalué conformément à l’annexe III.

    Les marges de dépassement indiquées à l’annexe XI s’appliquent conformément à l’article 22, paragraphe 3, et à l’article 23, paragraphe 1. »

    9        L’article 20 de la directive 2008/50, intitulé « Contributions des sources naturelles », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

    « 1.      Les États membres transmettent à la Commission, pour une année donnée, les listes des zones et des agglomérations dans lesquelles les dépassements des valeurs limites pour un polluant déterminé sont imputables aux contributions des sources naturelles. Les États membres transmettent des informations sur les concentrations et les sources, ainsi que des éléments prouvant que les dépassements sont imputables à des sources naturelles.

    2.      Lorsque la Commission a été informée d’un dépassement imputable à des sources naturelles conformément au paragraphe 1, ce dépassement n’est pas considéré comme un dépassement aux fins de la présente directive. »

    10      L’article 22 de cette directive, intitulé « Report des délais fixés pour atteindre certaines valeurs limites et exemption de l’obligation d’appliquer celles-ci », prévoit, à ses paragraphes 2 et 4 :

    « 2.      Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les valeurs limites fixées à l’annexe XI pour les PM10 ne peuvent pas être respectées en raison des caractéristiques de dispersion du site, de conditions climatiques défavorables ou de contributions transfrontalières, un État membre est exempté de l’obligation d’appliquer ces valeurs limites jusqu’au 11 juin 2011, moyennant le respect des conditions prévues au paragraphe 1 et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais.

    [...]

    4.      Les États membres notifient à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles ils estiment que les paragraphes 1 ou 2 sont applicables et transmettent le plan relatif à la qualité de l’air visé au paragraphe 1, avec tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission d’évaluer si les conditions pertinentes sont remplies. Dans son évaluation, la Commission prend en considération les effets estimés, actuellement et dans le futur, sur la qualité de l’air ambiant dans les États membres, des mesures qui ont été prises par les États membres, ainsi que les effets estimés, sur la qualité de l’air ambiant, des mesures communautaires actuelles et des mesures prévues, que doit proposer la Commission.

    En l’absence d’objection de la part de la Commission dans les neuf mois qui suivent la réception de la notification, les conditions pertinentes pour l’application du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 sont réputées remplies.

    En cas d’objection, la Commission peut demander aux États membres d’adapter les plans relatifs à la qualité de l’air ou d’en fournir de nouveaux. »

    11      L’article 23 de ladite directive, intitulé « Plans relatifs à la qualité de l’air », énonce, à son paragraphe 1 :

    « Lorsque, dans une zone ou agglomération donnée, les niveaux de polluants dans l’air ambiant dépassent toute valeur limite ou toute valeur cible, majorée dans chaque cas de toute marge de dépassement, les États membres veillent à ce que des plans relatifs à la qualité de l’air soient établis pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante indiquée aux annexes XI et XIV.

    En cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu pour leur application, les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible. Ils peuvent comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants.

    Ces plans relatifs à la qualité de l’air contiennent au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, et peuvent aussi inclure les mesures visées à l’article 24. Ils sont transmis à la Commission sans délai, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.

    Lorsque des plans relatifs à la qualité de l’air doivent être élaborés ou mis en œuvre pour plusieurs polluants, les États membres élaborent et mettent en œuvre, s’il y a lieu, des plans intégrés relatifs à la qualité de l’air couvrant tous les polluants concernés. »

    12      L’article 27 de la même directive, intitulé « Transmission des informations et des rapports », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

    « 1.      Les États membres veillent à ce que les informations sur la qualité de l’air ambiant soient mises à la disposition de la Commission dans les délais prévus par les mesures d’exécution visées à l’article 28, paragraphe 2.

    2.      En tout état de cause, afin d’évaluer spécifiquement le respect des valeurs limites et des niveaux critiques ainsi que la réalisation des valeurs cibles, ces informations sont communiquées à la Commission, au plus tard neuf mois après la fin de chaque année, et comprennent :

    [...]

    b)      la liste des zones et des agglomérations dans lesquelles les niveaux d’un ou de plusieurs polluants sont supérieurs aux valeurs limites majorées de la marge de tolérance, s’il y a lieu, ou supérieurs aux valeurs cibles ou aux niveaux critiques ; et, pour ces zones et agglomérations :

    i)      les niveaux évalués et, le cas échéant, les dates et périodes auxquelles ces niveaux ont été observés ;

    ii)      s’il y a lieu, une évaluation de la part imputable aux sources naturelles et à la remise en suspension de particules provoquée par le sablage ou salage hivernal des routes dans les niveaux observés, déclarés à la Commission conformément aux articles 20 et 21. »

    13      L’annexe XI de la directive 2008/50, intitulée « Valeurs limites pour la protection de la santé humaine », indique, s’agissant des PM10, que la valeur limite journalière est fixée à 50 microgrammes par mètre cube d’air (μg/m³) et ne doit pas être dépassée plus de 35 fois par année civile, et que la valeur limite annuelle, qui est fixée à 40 μg/m³, ne peut être dépassée.

    14      Au nombre des informations devant figurer dans les plans relatifs à la qualité de l’air ambiant, au sens de l’article 23 de cette directive, l’annexe XV, section A, de ladite directive indique notamment :

    « [...]

    8.      Informations concernant les mesures ou projets visant à réduire la pollution adoptés à la suite de l’entrée en vigueur de la présente directive 

    a)      énumération et description de toutes les mesures prévues dans le projet ;

    b)      calendrier de mise en œuvre ;

    c)      estimation de l’amélioration de la qualité de l’air escomptée et du délai prévu pour la réalisation de ces objectifs. »

     La procédure précontentieuse

    15      Le 7 novembre 2008, la République française a, en application de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2008/50, demandé le report du délai prévu pour le respect des valeurs limites fixées pour les PM10. Cette demande concernait les valeurs limites annuelles et/ou journalières de 28 zones et agglomérations du territoire français, dont zone Paris. Par décision du 2 juillet 2009, la Commission a, sur le fondement de l’article 22, paragraphe 4, de cette directive, émis des objections à cette demande de report.

    16      Après avoir adopté la décision du 2 juillet 2009 et compte tenu des rapports annuels sur la qualité de l’air présentés par la République française pour les années 2005 à 2008, la Commission a adressé à cette dernière, le 23 novembre 2009, une lettre de mise en demeure pour infraction à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 1999/30, dont les dispositions ont été reprises à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, en raison du fait que les valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 dans treize zones et agglomérations françaises, dont zone Paris, continuaient à ne pas être respectées au cours des années 2007 et/ou 2008.

    17      Dans plusieurs courriers, les autorités françaises ont répondu à la lettre de mise en demeure et ont une nouvelle fois demandé, en application de l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2008/50, le report du délai prévu pour le respect des valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 notamment dans douze zones et agglomérations françaises, dont zone Paris.

    18      Compte tenu des réponses des autorités françaises, des rapports sur la qualité de l’air présentés par la République française pour les années 2005 à 2008 et de la décision du 2 juillet 2009, la Commission a adressé, le 29 octobre 2010, un avis motivé à la République française, dans lequel elle considérait que cette dernière avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, du fait du non-respect des valeurs limites journalières et/ou annuelles applicables aux PM10 dans seize zones et agglomérations françaises, dont zone Paris.

    19      Par décision du 17 décembre 2010, la Commission a émis des objections à la demande de report des autorités françaises mentionnée au point 17 du présent arrêt.

    20      Par lettre du 27 décembre 2010, la République française a répondu à l’avis motivé. La République française a évoqué notamment une diminution substantielle des dépassements des valeurs en cause et a fourni des indications complémentaires sur les plans et les mesures mis en œuvre en vue de réduire les niveaux de concentration de PM10 dans l’air ambiant. Le 3 mars 2011, les autorités françaises ont adressé à la Commission une réponse complémentaire à l’avis motivé.

    21      Le 22 février 2013, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure complémentaire à la République française pour non-respect des valeurs limites journalières applicables aux PM10 dans onze zones et agglomérations, parmi lesquelles figuraient la zone Paris et la zone Martinique/Fort-de-France, ayant perduré au moins cinq années pendant la période allant de l’année 2005 à l’année 2011. Par ailleurs, cette lettre de mise en demeure complémentaire visait également la violation par la République française de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50.

    22      Par lettre du 12 juillet 2013, la République française a répondu à la lettre de mise en demeure complémentaire. En outre, une réunion technique a été organisée le 28 février 2014 et des éléments complémentaires ont été communiqués à la Commission par les autorités françaises au cours de l’année 2014.

    23      Après un examen des informations communiquées par la République française, dont les rapports sur la qualité de l’air pour les années 2005 à 2013, la Commission a émis, le 29 avril 2015, un avis motivé complémentaire. Cet avis portait sur la violation de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XI de celle-ci, en ce qui concerne dix des onze zones et agglomérations visées dans la lettre de mise en demeure complémentaire, parmi lesquelles figuraient la zone Paris et la zone Martinique/Fort-de-France, pour non-respect des valeurs limites journalières applicables aux PM10 pendant au moins six années sur la période allant de l’année 2005 à l’année 2013. Plus particulièrement, la Commission s’est référée à un dépassement desdites valeurs pendant toute la période en cause dans la zone Paris et pendant huit années, à savoir les années 2005 à 2007 et les années 2009 à 2013, dans la zone Martinique/Fort-de-France. En outre, la Commission a considéré que la République française avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV, section A, de celle-ci, au motif qu’elle n’avait pas adopté ou mis en place des mesures suffisamment efficaces et appropriées afin de s’assurer que la période de dépassement des valeurs en cause soit la plus courte possible.

    24      Par lettre du 29 juin 2015, la République française a répondu à l’avis motivé complémentaire. Ensuite, par lettres des 25 juillet 2016, 7 juillet 2017, 8 février 2018, 19 avril 2018, 25 mars 2020 et 12 avril 2021, elle a transmis des éléments complémentaires à la Commission concernant la situation quant à la qualité de l’air ainsi que les mesures adoptées ou envisagées pour améliorer la qualité de l’air sur son territoire.

    25      Après un examen de ces informations, la Commission a considéré que la République française avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la directive 2008/50 et a introduit le présent recours.

     Sur le recours

     Sur le premier grief, tiré d’une violation systématique et persistante des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, et de l’annexe XI de la directive 2008/50

     Argumentation des parties

    26      À titre liminaire, la Commission fait observer que, par décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’État (France) a constaté une méconnaissance des dispositions du droit français transposant les articles 13 et 23 de la directive 2008/50, notamment en ce qui concerne les valeurs limites applicables aux PM10 dans la zone Paris Île‑de‑France (FR04A01), devenue à partir de l’année 2017, à la suite d’un nouveau découpage des régions en zones administratives de surveillance de la qualité de l’air ambiant, la zone à risques – agglomération Paris (FR11ZAG01), ainsi que dans la zone urbaine régionale Martinique (FR39N10), qui a été incluse, à la suite du même découpage, dans la zone à risques – hors agglomération Fort-de-France (FR02ZAR01). Elle indique également que, par décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’État a constaté que, d’une part, les dépassements de la valeur limite journalière applicable aux PM10 persistaient dans les zones Paris et Fort-de-France et, d’autre part, les mesures adoptées par la République française à la suite de sa décision du 12 juillet 2017 ne permettraient pas de mettre fin à ces dépassements dans le délai le plus court possible. La Commission ajoute que le Conseil d’État, dans cette seconde décision, a prononcé une astreinte contre la République française, si cette dernière ne justifiait pas, dans un délai de six mois, avoir exécuté sa décision du 12 juillet 2017.

    27      Par son premier grief, la Commission fait valoir que, en n’ayant pas veillé à ce que ne soit pas dépassée, de manière systématique et persistante, la valeur limite journalière applicable aux PM10, à partir de l’année 2005 dans la zone Paris ainsi que de l’année 2005 à l’année 2016 dans la zone Martinique/Fort-de-France, la République française a violé les obligations résultant de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XI de cette dernière.

    28      Plus concrètement, en ce qui concerne la zone Paris, la Commission fait valoir que, d’après les données disponibles, la valeur limite journalière applicable aux PM10 n’a pas été respectée, de façon ininterrompue, de l’année 2005 à l’année 2019. Elle précise que le nombre de dépassements représentait le double du nombre de dépassements autorisés et n’a pas connu d’amélioration depuis l’année 2015.

    29      En ce qui concerne la zone Martinique/Fort-de-France, la Commission soutient que la valeur limite journalière applicable aux PM10 n’a pas été respectée de l’année 2005 à l’année 2016, à l’exception de l’année 2008. S’agissant des années 2017 et 2018, elle précise, en se référant à deux études fournies par les autorités françaises, que certains dépassements de cette valeur sont imputables à des sources naturelles et ne sont donc pas considérés comme un dépassement, en application de l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2008/50, de sorte que le nombre de dépassements de ladite valeur pour ces années est inférieur à la limite fixée dans cette directive. Elle ajoute que les études en question ne sauraient faire l’objet d’une extrapolation, ni pour les années antérieures aux années 2017 et 2018 ni pour les années suivantes. S’agissant de l’année 2019, la Commission avance, en substance, que, en l’absence de valeurs provenant de la station de mesure FR390011 en raison de l’endommagement de celle-ci, elle n’est pas en mesure d’établir la preuve d’un non-respect de la valeur limite journalière applicable aux PM10 pendant cette année.

    30      Se référant à l’arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10) (C‑644/18, EU:C:2020:895, point 65), la Commission précise que l’obligation des États membres de veiller à ce que ne soit pas dépassée la valeur limite journalière applicable aux PM10 s’applique depuis le 1er janvier 2005, puisque cette obligation figurait déjà dans les dispositions combinées de l’article 5 et de l’annexe III de la directive 1999/30, qui a été remplacée par la directive 2008/50.

    31      La Commission rappelle également la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, dans l’hypothèse où le recours vise à faire constater un manquement systématique et persistant aux obligations résultant de l’article 13 de la directive 2008/50, la Cour admet la production d’éléments complémentaires visant, au stade de la procédure devant elle, à étayer la généralité et la constance du manquement ainsi allégué. Elle précise que la Cour a jugé que, dans cette hypothèse, l’objet d’un recours en manquement supposé persistant peut s’étendre à des faits postérieurs à l’avis motivé pour autant que ceux-ci sont de même nature et constitutifs d’un même comportement que les faits visés par cet avis.

    32      En outre, la Commission soutient qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que le fait que soient dépassées les valeurs limites de substances polluantes dans l’air ambiant suffit en lui-même pour pouvoir constater un manquement aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50 et de l’annexe XI de celle-ci. Elle ajoute que, selon la Cour, le dépassement de ces valeurs limites dans une station de mesure est suffisant pour établir le manquement de l’État membre à ses obligations résultant de ces dispositions pour l’ensemble de la zone de qualité de l’air considérée.

    33      Compte tenu des décisions du Conseil d’État mentionnées au point 26 du présent arrêt, la République française ne conteste pas les dépassements de la valeur limite journalière fixée pour les PM10 dans les zones concernées, tels que décrits par la Commission.

    34      S’agissant de la zone Paris, la République française met notamment en exergue que les concentrations de PM10 montrent une tendance à la baisse structurelle, qui concerne tant les niveaux de fond urbains et ruraux que les concentrations à proximité des axes routiers, ce qui illustre que les mesures adoptées par les autorités françaises en matière de qualité de l’air produisent des effets certains augurant du respect prochain des valeurs limites fixées pour les PM10 dans cette zone.

    35      S’agissant de la zone Martinique/Fort-de-France, la République française expose que, dans le cadre de l’exercice annuel de communication des données pour l’année 2018, elle a transmis à la Commission, contrairement à ce qu’avance cette dernière, une note technique relative à la détermination de la part des poussières naturelles au sein des PM10 lors des dépassements de la valeur limite journalière dans cette zone. Elle précise que la base de données nationale ne permet pas actuellement de déduire automatiquement les contributions naturelles aux dépassements de la valeur limite journalière de concentrations de PM10 et que des développements de cette base de données sont programmés pour le troisième trimestre de l’année 2021 en vue de prévoir une telle fonctionnalité.

    36      En outre, la République française soutient que la contribution notable des poussières naturelles aux concentrations totales de PM10 conduit à considérer que des déductions, telles que celles appliquées au titre des années 2017 et 2018 en se basant sur la méthodologie établie par la Commission, auraient pu légitimement être opérées également sur la période allant de l’année 2005 à l’année 2016. Elle précise que, bien qu’il soit établi que, au cours de cette période, des sources naturelles ont contribué au dépassement de la valeur limite en cause, les autorités françaises n’ont pas été en mesure, faute d’implantation de station de mesure adéquate avant l’année 2016, d’appliquer la méthodologie établie par la Commission, pour prouver et déduire les dépassements imputables à des sources naturelles.

     Appréciation de la Cour

    37      À titre liminaire, il convient de relever, en premier lieu, que la Commission reproche, par son premier grief, à la République française d’avoir manqué, de manière systématique et persistante, aux obligations découlant des dispositions combinées de l’article 13 de la directive 2008/50 et de l’annexe XI de celle-ci, à partir du 1er janvier 2005 dans la zone Paris et à partir du 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse dans la zone Martinique/Fort-de-France.

    38      Or, la Commission précise, dans sa requête, que le non-respect de la valeur limite journalière applicable aux PM10 dans la zone Martinique/Fort-de-France ne concerne pas l’année 2008, ce dont il convient de tenir compte. En outre, dans la mesure où une partie de ces périodes se situe à une date antérieure à celle à laquelle les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2008/50, fixée au 11 juin 2010, voire avant la date d’entrée en vigueur de celle-ci, à savoir le 11 juin 2008, il convient de souligner que la Cour a déjà précisé que les griefs tirés des dispositions combinées de l’article 13 de cette directive et de l’annexe XI de celle-ci sont recevables également pour la période allant du 1er janvier 2005 au 11 juin 2010, dès lors que les obligations prévues à ces dispositions trouvent leur origine dans la version initiale de cet acte de l’Union, à savoir les dispositions combinées de l’article 5 de la directive 1999/30 et de l’annexe III de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 65 et jurisprudence citée].

    39      En second lieu, il convient de relever que, afin d’étayer la généralité et la constance du manquement reproché, la Commission s’appuie, dans sa requête, s’agissant de la zone Paris, également sur les données sur la qualité de l’air pour la période allant de l’année 2014 à l’année 2019 et, s’agissant de la zone Martinique/Fort-de-France, sur les données sur la qualité de l’air pour la période allant de l’année 2014 à l’année 2016, qui lui ont été présentées par la République française. Si ces données constituent ainsi des faits intervenus postérieurement à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire, il n’en reste pas moins qu’ils sont de même nature et constitutifs du même comportement que les faits exposés dans cet avis motivé, de telle sorte que l’objet du présent recours peut s’étendre à ceux-ci [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 66 et jurisprudence citée].

    40      Dans ces conditions, il convient d’interpréter le premier grief comme visant la période allant de l’année 2005 à l’année 2019 incluse en ce qui concerne la zone Paris et la période allant de l’année 2005 à l’année 2016 incluse, à l’exception de l’année 2008, en ce qui concerne la zone Martinique/Fort-de-France.

    41      Ces précisions liminaires ayant été apportées, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 1er, point 1, de la directive 2008/50, celle-ci établit des mesures visant à définir et à fixer des objectifs concernant la qualité de l’air ambiant, afin d’éviter, de prévenir ou de réduire les effets nocifs pour la santé humaine et pour l’environnement dans son ensemble. Dans ce cadre, l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive prévoit que les États membres veillent à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et de leurs agglomérations, les niveaux, notamment, de PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas les valeurs limites fixées à l’annexe XI de ladite directive.

    42      Il convient de rappeler que le grief tiré de la violation dudit article 13, paragraphe 1, premier alinéa, doit être apprécié en tenant compte de la jurisprudence constante aux termes de laquelle la procédure prévue à l’article 258 TFUE repose sur la constatation objective du non-respect, par un État membre, des obligations que lui imposent le traité FUE ou un acte de droit dérivé [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 70 et jurisprudence citée].

    43      La Cour a ainsi déjà souligné à maintes reprises que le fait que soit dépassée la valeur limite fixée pour les PM10 dans l’air ambiant suffit en lui–même pour que puisse être constaté un manquement aux dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50 et de l’annexe XI de celle-ci [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 71 et jurisprudence citée].

    44      Or, en l’occurrence, les données résultant des rapports annuels relatifs à la qualité de l’air, présentées par la République française en vertu de l’article 27 de la directive 2008/50, montrent que, de l’année 2005 à l’année 2019 incluse, la valeur limite journalière fixée pour les PM10 a été très régulièrement dépassée dans la zone Paris. Il en a été de même dans la zone Martinique/Fort-de-France de l’année 2005 à l’année 2016 incluse, à l’exception de l’année 2008, ce que, d’ailleurs, la République française ne conteste pas.

    45      Il en résulte que les dépassements ainsi constatés doivent être considérés comme persistants et systématiques, sans que la Commission soit tenue d’apporter des preuves supplémentaires á cet égard [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 76].

    46      Dans la mesure où, s’agissant de la zone Paris, la République française fait observer que les concentrations de PM10 montrent une tendance à la baisse structurelle, il convient de rappeler qu’un manquement peut demeurer systématique et persistant en dépit d’une éventuelle tendance partielle à la baisse mise en évidence par les données recueillies, qui n’aboutit toutefois pas à ce que l’État membre concerné se conforme aux valeurs limites au respect desquelles il est tenu [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 77 et jurisprudence citée]. Or, tel est le cas en l’espèce.

    47      Pour autant que la République française précise que, dans le cadre de l’exercice annuel de rapportage des données pour l’année 2018, elle a transmis à la Commission, contrairement à ce qu’avance cette dernière, une note technique relative à la détermination de la part des poussières naturelles au sein des PM10 lors des dépassements de la valeur limite journalière dans la zone Martinique/Fort-de-France, il suffit de constater que, s’agissant de cette zone, le manquement reproché à la République française ne porte pas sur l’année 2018, ni, par ailleurs, sur l’année 2017.

    48      Enfin, dans la mesure où la République française fait observer que les déductions des poussières naturelles des concentrations totales de PM10 appliquées par la Commission pour la zone Martinique/Fort-de-France en ce qui concerne les années 2017 et 2018 auraient pu légitimement être opérées sur toute la période allant de l’année 2005 à l’année 2016, cet argument ne permet pas de constater non plus que la valeur limite journalière applicable aux PM10 aurait été respectée pendant cette période. En effet, la République française admet elle-même que les autorités françaises n’ont pas été en mesure, faute d’implantation de station de mesure adéquate avant l’année 2016, d’appliquer la méthodologie établie par la Commission, pour prouver et déduire les dépassements imputables à des sources naturelles.

    49      Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être accueilli.

     Sur le second grief, tiré d’une violation de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celleci

     Argumentation des parties

    50      Par son second grief, la Commission fait valoir que, en ce qui concerne les zones Paris et Martinique/Fort-de-France, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci, et en particulier à l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement de la valeur limite journalière applicable aux PM10 soit la plus courte possible.

    51      La Commission rappelle que l’obligation d’établir et de notifier des plans relatifs à la qualité de l’air s’impose à la République française, conformément à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, en cas de dépassement des valeurs limites applicables aux PM10 depuis le 11 juin 2010. Elle fait valoir que, dans les deux zones en cause, ces valeurs limites étaient dépassées à la date de l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé et que, à cette date, la République française aurait dû établir et notifier des plans relatifs à la qualité de l’air appropriés, ce qu’elle n’a pas fait ni à ladite date ni plus tard.

    52      Selon la Commission, les mesures adoptées à l’échelle nationale et régionale par la République française, tant avant qu’après l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire, ont échoué à garantir que la période de dépassement desdites valeurs limites soit la plus courte possible, conformément à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50, ce qui est démontré également par la durée et l’ampleur des dépassements constatés de la valeur limite journalière applicable aux PM10.

    53      Plus concrètement, premièrement, s’agissant des plans et des mesures nationaux, la Commission avance que le plan d’urgence pour la qualité de l’air, arrêté au début de l’année 2013, ne comporte pas d’évaluation d’ensemble des mesures envisagées, ce qui est contraire à l’exigence visée à l’annexe XV, section A, point 8, sous c), de la directive 2008/50. Elle ajoute que les différentes mesures envisagées dans ce plan n’étaient pas encore, à l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire, toutes adoptées, utilisées ou effectives. Par ailleurs, pour certaines mesures, une date de mise en œuvre n’aurait pas été prévue.

    54      En ce qui concerne le plan d’action pour lutter contre la pollution atmosphérique, mentionné par les autorités françaises dans leur réponse du 29 juin 2015, la Commission relève que ce plan d’action a pour objectif de passer sous les seuils réglementaires en cinq ans et prévoit donc un délai qui ne met pas fin au dépassement en cause le plus rapidement possible. En outre, sur la base des informations dont elle dispose, elle considère qu’il n’est pas possible d’établir avec précision à quelle date l’ensemble des mesures nouvelles commencent à avoir un effet sur les concentrations de PM10 et l’ampleur de cet effet. Ledit plan d’action ne serait donc pas conforme aux exigences visées à l’annexe XV, section A, point 8, sous b) et c), de la directive 2008/50. Selon la Commission, il en va de même en ce qui concerne le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, qui a été adopté au mois de mai 2017.

    55      Deuxièmement, s’agissant des plans relatifs à la qualité de l’air au niveau local, la Commission soutient, en ce qui concerne le plan de protection de l’atmosphère (ci-après le « PPA ») d’Île de France, tel que révisé au cours de l’année 2013, que celui-ci ne comprend pas d’estimation de l’amélioration de la qualité de l’air escomptée, à part pour l’année 2020, et n’était donc pas, à la date d’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire, conforme à l’exigence visée à l’annexe XV, section A, point 8, sous c), de la directive 2008/50. Elle ajoute que certaines mesures importantes, telles que l’interdiction des moyens de chauffage au bois les plus émetteurs, ont été remplacées par des mesures non contraignantes et que ce plan contenait des délais trop longs, ce qui montre qu’il était inadéquat. S’agissant du PPA actuel de Paris, couvrant la période allant de l’année 2018 à l’année 2025, la Commission fait notamment valoir que ce plan est dépourvu de l’ambition et du caractère d’urgence nécessaires pour lutter contre les principales sources d’émissions de PM10 et ne prévoit pas des mesures appropriées pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 soit la plus courte possible. En outre, elle relève que, selon ledit plan et la feuille de route qui le complète, le dépassement de la valeur limite journalière à proximité du trafic routier persistera jusqu’à l’année 2025 et constitue ainsi un délai de mise en conformité trop long qui ne répond pas aux exigences de cette directive.

    56      En ce qui concerne le PPA de Martinique, la Commission précise qu’il a été adopté au cours de l’année 2014 et qu’aucune modification de celui‑ci ne lui a été notifiée. Elle considère que ce plan n’est pas suffisant sur les plans formel et matériel. Elle insiste notamment sur le fait qu’il manque de caractère contraignant et d’évaluation de ses effets. En outre, une date précise envisagée pour la conformité aux valeurs limites en cause ferait défaut.

    57      Troisièmement, la Commission avance que les autres plans et mesures adoptés après l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire, tels que les feuilles de route qui complètent les PPA ou le plan d’action pour la qualité de l’air à Paris, présentent également des lacunes et ne permettent pas d’assurer une période de dépassement de la valeur limite en cause qui soit la plus courte possible, au sens de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50.

    58      Par ailleurs, la Commission se réfère aux décisions du Conseil d’État du 12 juillet 2017 et du 10 juillet 2020, visées au point 26 du présent arrêt, dont il ressort que les mesures adoptées par la République française ne permettaient pas de mettre fin aux dépassements en cause dans les deux zones visées par le présent recours dans le délai le plus court possible.

    59      La République française ne conteste pas le fait que, dans les deux zones concernées, la période de dépassement de la valeur limite en cause n’a pas été la plus courte possible. Néanmoins, elle souligne qu’elle déploie tous ses efforts afin de prendre les mesures nécessaires pour poursuivre et accélérer l’adoption et le déploiement des politiques publiques permettant de parvenir au respect de la valeur limite concernée.

    60      S’agissant de la zone Paris, la République française met en exergue que les concentrations de PM10 montrent une tendance à la baisse structurelle dans la région Île-de-France, qui illustre que les mesures adoptées par les autorités françaises en matière de qualité de l’air produisent des effets certains augurant du respect prochain des valeurs limites fixées pour les PM10 dans cette zone. En outre, elle se réfère notamment à des mesures concrètes concernant ladite zone, adoptées ou prévues en ce qui concerne le transport routier, dont la mise en place de deux zones à faibles émissions, et le secteur résidentiel, dont les mesures favorisant une diminution des émissions du chauffage au bois résidentiel.

    61      S’agissant de la zone Martinique/Fort-de-France, la République française mentionne plusieurs mesures, dont l’élaboration d’une feuille de route à la suite de la décision du Conseil d’État du 12 juillet 2017, intégrant un solide appui technique et financier, et la signature, au cours de l’année 2018, d’un engagement à instaurer une zone à faibles émissions dans la ville de Fort-de-France. Elle précise, en outre, que le PPA de Martinique fait l’objet d’une évaluation aux fins d’une mise à jour.

     Appréciation de la Cour

    62      Il résulte de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 que, lorsque le dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 a lieu après le délai prévu pour leur application, l’État membre concerné est tenu d’établir un plan relatif à la qualité de l’air qui réponde à certaines exigences.

    63      Ainsi, ce plan doit prévoir les mesures appropriées pour que la période de dépassement de ces valeurs limites soit la plus courte possible et peut comporter des mesures additionnelles spécifiques pour protéger les catégories de population sensibles, notamment les enfants. En outre, selon l’article 23, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2008/50, ledit plan doit contenir au moins les informations énumérées à l’annexe XV, section A, de cette directive et peut aussi inclure les mesures visées à l’article 24 de celle-ci. Ce même plan doit être transmis à la Commission sans délai et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement desdites valeurs limites a été constaté.

    64      Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2008/50 a une portée générale étant donné qu’il s’applique, sans limitation dans le temps, aux dépassements de toute valeur limite de polluant fixée par cette directive, après le délai prévu pour son application, qu’il soit fixé par ladite directive ou par la Commission en vertu de l’article 22 de celle-ci [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 132 et jurisprudence citée].

    65      Il y a également lieu de relever que l’article 23 de la directive 2008/50 instaure un lien direct entre, d’une part, le dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 telles que prévues par les dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, de cette directive et de l’annexe XI de celle-ci et, d’autre part, l’établissement de plans relatifs à la qualité de l’air [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895 point 133 et jurisprudence citée].

    66      Ces plans ne peuvent être établis que sur le fondement de l’équilibre entre l’objectif de réduction du risque de pollution et les différents intérêts publics et privés en présence [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 134 et jurisprudence citée].

    67      Dès lors, le fait qu’un État membre n’a pas veillé à ce que ne soient pas dépassées les valeurs limites fixées pour les PM10 ne suffit pas, à lui seul, pour qu’il soit considéré que cet État membre a manqué aux obligations prévues à l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 135 et jurisprudence citée].

    68      Cependant, il résulte de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 que, si les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour la détermination des mesures à adopter, celles-ci doivent, en tout état de cause, permettre que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour le polluant concerné soit la plus courte possible [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 136 et jurisprudence citée].

    69      Dans ces conditions, il convient de vérifier, par une analyse au cas par cas, si les plans relatifs à la qualité de l’air établis par l’État membre concerné sont en conformité avec l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50 [arrêt du 10 novembre 2020, Commission/Italie (Valeurs limites – PM10), C‑644/18, EU:C:2020:895, point 137 et jurisprudence citée].

    70      En l’occurrence, force est de constater, à titre liminaire, que la République française a, de manière systématique et persistante, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50 et de l’annexe XI de celle-ci, dans la zone Paris, entre l’année 2005 et l’année 2019, et dans la zone Martinique/Fort-de-France, entre l’année 2005 et l’année 2016, à l’exception de l’année 2008, ainsi qu’il résulte de l’examen du premier grief.

    71      Il convient de rappeler, dans ce contexte, que l’obligation d’établir, en cas de dépassements des valeurs limites prévues par la directive 2008/50, des plans relatifs à la qualité de l’air comportant des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible s’est imposée à l’État membre concerné à partir du 11 juin 2010. Dans la mesure où de tels dépassements avaient déjà été constatés à cette date, voire avant celle-ci, dans les deux zones visées par le présent recours, la République française qui devait mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive à partir de ladite date, conformément à l’article 33, paragraphe 1, de celle-ci, était tenue d’adopter et de mettre à exécution, le plus rapidement possible, des mesures appropriées, en application de l’article 23, paragraphe 1, de ladite directive.

    72      Or, il ressort du dossier que, à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé complémentaire, la République française avait bien adopté des plans relatifs à la qualité de l’air ainsi que différentes mesures destinées à améliorer celle-ci.

    73      Cependant, il convient de relever que la République française ne conteste pas que ses plans nationaux ne sont pas conformes aux exigences visées à l’annexe XV, section A, point 8, sous b) et c), de la directive 2008/50, en vertu desquelles les plans relatifs à la qualité de l’air doivent comporter un calendrier de mise en œuvre ainsi que l’estimation de l’amélioration de la qualité de l’air escomptée et du délai prévu pour la réalisation de ces objectifs. En outre, certains de ces plans prévoient de longs délais de mise en conformité, les objectifs poursuivis devant être atteints au cours de l’année 2020 ou même plus tard.

    74      S’agissant des plans locaux, il convient notamment de relever que tant le PPA d’Île de France, tel que révisé au cours de l’année 2013, que le PPA actuel de Paris de l’année 2018 prévoient de longs délais de mise en conformité, les objectifs poursuivis devant être atteints, respectivement, au cours de l’année 2020, à l’exception des endroits les plus exposés au trafic routier, et de l’année 2025. En outre, le PPA de Martinique, qui a été adopté au cours de l’année 2014, ne contient aucune information précise en ce qui concerne le délai de mise en conformité.

    75      Par ailleurs, les mesures concrètes, dont la République française fait état, ont été adoptées ou envisagées bien après l’expiration du délai de réponse à l’avis motivé complémentaire et sont en cours d’adoption, de planification ou n’ont été mises en œuvre que récemment.

    76      Dans la mesure où la République française invoque une tendance à l’amélioration de la qualité de l’air enregistrée dans la zone Paris, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 44 du présent arrêt, la valeur limite journalière fixée pour les PM10 a été dépassée dans cette zone, entre l’année 2005 et l’année 2019, chaque année. Bien que ce dépassement montre une tendance générale à la baisse durant cette période, le nombre de jours durant lesquels cette valeur limite a été dépassée au cours de l’année 2019 est encore de 67 et donc presque le double du nombre maximal de jours de dépassement autorisé, et cela malgré les mesures prévues et mises en œuvre par les autorités françaises.

    77      Compte tenu des éléments relevés aux points 70 à 76 du présent arrêt, il y a lieu de constater que la République française n’a manifestement pas adopté en temps utile des mesures appropriées permettant d’assurer que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 soit la plus courte possible dans les zones concernées. Ainsi, le dépassement de la valeur limite journalière fixée pour les PM10 est demeuré systématique et persistant durant, respectivement, plus de neuf et six années dans lesdites zones après la date à partir de laquelle cet État membre avait l’obligation de prendre toutes les mesures appropriées et efficaces pour se conformer à l’exigence selon laquelle la période de dépassement de ces valeurs doit être la plus courte possible.

    78      Or, une telle situation démontre par elle-même, sans qu’il soit besoin d’examiner de manière plus détaillée le contenu des plans relatifs à la qualité de l’air établis par la République française, que, en l’occurrence, cet État membre n’a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites fixées pour les PM10 soit « la plus courte possible », au sens de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, ce que, d’ailleurs, la République française ne conteste pas.

    79      Dans ces conditions, le second grief doit être accueilli.

    80      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que la République française :

    –        en n’ayant pas veillé à ce que ne soit pas dépassée, de manière systématique et persistante, la valeur limite journalière applicable aux concentrations de PM10, depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2019 incluse, dans la zone Paris et, depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse, à l’exception de l’année 2008, dans la zone Martinique/Fort-de-France, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XI de cette directive, et,

    –        en n’ayant pas veillé à ce que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de cette valeur limite soit la plus courte possible, a manqué, dans ces deux zones, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci.

     Sur les dépens

    81      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République française et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

    1)      La République française,

    –        en n’ayant pas veillé à ce que ne soit pas dépassée, de manière systématique et persistante, la valeur limite journalière applicable aux concentrations de microparticules (PM10), depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2019 incluse, dans l’agglomération et la zone de qualité Paris (FR04A01/FR11ZAG01) et, depuis le 1er janvier 2005 jusqu’à l’année 2016 incluse, à l’exception de l’année 2008, dans l’agglomération et la zone de qualité Martinique/FortdeFrance (FR39N10/FR02ZAR01), a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe, lu en combinaison avec l’annexe XI de cette directive, et

    –        en n’ayant pas veillé à ce que les plans relatifs à la qualité de l’air prévoient des mesures appropriées pour que la période de dépassement de cette valeur limite soit la plus courte possible, a manqué, dans ces deux zones, depuis le 11 juin 2010, aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2008/50, lu en combinaison avec l’annexe XV de celle-ci.

    2)      La République française est condamnée aux dépens.

    Jarukaitis

    Ilešič

    Csehi

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2022.

    Le greffier

    Le président de la Xème chambre

    A. Calot Escobar

     

    I. Jarukaitis


    *      Langue de procédure : le français.

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