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Document 62017CJ0091

Presuda Suda (deveto vijeće) od 26. travnja 2018.
Cellnex Telecom SA i Telecom Castilla-La Mancha SA protiv Europske komisije.
Žalba – Državne potpore – Digitalna televizija – Potpora za uvođenje digitalne zemaljske televizije u udaljenim i manje urbaniziranim područjima Comunidad Autónoma de Castilla-La Mancha (Autonomna zajednica Kastilja-La Mancha, Španjolska) – Subvencija u korist operatora platformi digitalne zemaljske televizije – Odluka kojom se mjere potpore proglašavaju djelomično nespojivima s unutarnjim tržištem – Pojam „državna potpora” – Prednost – Usluga od općeg gospodarskog interesa – Definicija – Margina prosudbe država članica.
Spojeni predmeti C-91/17 P i C-92/17 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2018:284

ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

26 avril 2018 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Télévision numérique – Aide au déploiement de la télévision numérique terrestre dans les zones éloignées et moins urbanisées de la Comunidad Autónoma de Castilla-La Mancha (Communauté autonome de Castille-La Manche, Espagne) – Subvention en faveur des opérateurs de plateformes de télévision numérique terrestre – Décision déclarant partiellement les mesures d’aides incompatibles avec le marché intérieur – Notion d’“aide d’État” – Avantage – Service d’intérêt économique général – Définition – Marge d’appréciation des États membres »

Dans les affaires jointes C‑91/17 P et C‑92/17 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 20 février 2017,

Cellnex Telecom SA, anciennement Abertis Telecom SA, établie à Barcelone (Espagne) (C‑91/17 P),

Telecom Castilla-La Mancha SA, établie à Tolède (Espagne) (C‑92/17 P),

représentées par Mes J. Buendía Sierra et A. Lamadrid de Pablo, abogados,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. E. Gippini Fournier et B. Stromsky ainsi que par Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

SES Astra SA, établie à Betzdorf (Luxembourg), représentée par Mes González Díaz et V. Romero Algarra, abogados,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Vajda, président de chambre, Mme K. Jürimäe (rapporteur) et M. C. Lycourgos, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, Cellnex Telecom SA et Telecom Castilla-La Mancha SA (ci-après « Telecom CLM ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 2016, Abertis Telecom Terrestre et Telecom Castilla-La Mancha/Commission (T‑37/15 et T‑38/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:743), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/1385 de la Commission, du 1 er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.27408 [(C 24/10) (ex NN 37/10, ex CP 19/09)] accordée par les autorités de Castille-La Manche en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées, telle que modifiée par la décision C(2015) 7193 final, du 20 octobre 2015 (JO 2016, L 222, p. 52, ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents des litiges et la décision litigieuse

2        Les faits à l’origine des litiges ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 24 de l’arrêt attaqué. Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3        Les présentes affaires concernent une série de mesures prises par les autorités espagnoles dans le cadre du passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique en Espagne dans la Comunidad Autónoma de Castilla-La Mancha (communauté autonome de Castille-La Manche, Espagne) (ci-après la « mesure en cause »).

4        Le Royaume d’Espagne a instauré un cadre réglementaire pour promouvoir le processus de transition de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique, en promulguant notamment la Ley 10/2005 de Medidas Urgentes para el Impulso de la Televisión Digital Terrestre, de Liberalización de la Televisión por Cable y de Fomento del Pluralismo (loi 10/2005 établissant des mesures urgentes en vue du développement de la télévision numérique terrestre, de la libéralisation de la télévision par câble et encourageant le pluralisme), du 14 juin 2005 (BOE no 142, du 15 juin 2005, p. 20562), et le Real Decreto 944/2005 por el que se aprueba el Plan técnico nacional de la televisión digital terrestre (décret royal 944/2005 portant approbation du programme technique national en faveur de la télévision numérique terrestre), du 29 juillet 2005 (BOE no 181, du 30 juillet 2005, p. 27006). Ce décret royal a imposé aux radiodiffuseurs nationaux privés et publics de s’assurer que respectivement 96 % et 98 % de la population recevraient la télévision numérique terrestre (ci-après la « TNT »).

5        Afin de permettre le passage de la télévision analogique à la TNT, les autorités espagnoles ont divisé le territoire espagnol en trois zones, respectivement dénommées « zone I », « zone II » et « zone III ». La zone II, en cause dans les présentes affaires, comprend des régions moins urbanisées et éloignées, représentant 2,5 % de la population espagnole. Dans cette zone, les radiodiffuseurs, en raison d’un défaut d’intérêt commercial, n’ont pas investi dans la numérisation, ce qui a amené les autorités espagnoles à mettre en place un financement public.

6        Au mois de septembre 2007, le Consejo de Ministros (Conseil des ministres, Espagne) a adopté le programme national en faveur du passage à la TNT, dont l’objectif était d’atteindre un taux de couverture de la population espagnole par le service de la TNT analogue à celui de cette population par la télévision analogique au cours de l’année 2007, à savoir plus de 98 % de ladite population et 99,96 % de la population de la communauté autonome de Castille-La Manche.

7        Afin d’atteindre les objectifs de couverture fixés pour la TNT, les autorités espagnoles ont prévu d’accorder un financement public notamment pour soutenir le processus de numérisation terrestre dans la zone II, et plus particulièrement dans les parties de la communauté autonome de Castille-La Manche couvertes par cette zone.

8        Au mois de février 2008, le Ministerio de Industria, Turismo y Comercio (ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce, Espagne) (ci-après le « MITC ») a adopté une décision destinée à améliorer les infrastructures de télécommunications et à fixer les critères ainsi que la répartition du financement des actions menées en faveur du développement de la société de l’information, dans le cadre d’un plan intitulé « Plan Avanza ». Le budget approuvé en vertu de cette décision a été alloué en partie à la numérisation de la télévision dans la zone II.

9        Cette numérisation a été conduite entre les mois de juillet et de novembre 2008. Le MITC a par la suite transféré des fonds aux communautés autonomes, qui se sont engagées à couvrir les autres dépenses liées à l’opération avec leurs propres ressources budgétaires.

10      Au mois d’octobre 2008, le Conseil des ministres a décidé d’assigner des fonds supplémentaires pour étendre et compléter la couverture de la TNT dans le cadre des projets de passage au numérique qui devaient être mis en œuvre au cours du premier semestre de l’année 2009.

11      Par la suite, les communautés autonomes ont engagé le processus d’extension. À cet effet, elles ont organisé des appels d’offres ou ont confié cette extension à des entreprises privées. Dans certains cas, les communautés autonomes ont demandé aux communes de se charger de ladite extension.

12      À la différence de la majorité des autres communautés autonomes espagnoles, la Communauté autonome de Castille-La Manche n’a pas organisé d’appels d’offres pour l’extension de la couverture de la télévision numérique. Les autorités de cette communauté autonome ont appliqué une procédure spéciale, établie par le Decreto 347/2008 por el que se regula la concesión de subvenciones directas para la ejecución del plan de transición a la televisión digital terrestre en Castilla-La Mancha (décret 347/2008 portant réglementation de l’octroi de subventions directes pour l’exécution du programme de passage à la télévision numérique terrestre en Castille-La Manche), du 2 décembre 2008 (Diario oficial de Castilla-La Mancha no 250, du 5 décembre 2008, p. 38834).

13      Le décret 347/2008 prévoyait l’allocation directe des fonds nécessaires à la numérisation aux titulaires des centres d’émission existants. Lorsque les centres d’émission appartenaient à une collectivité locale, c’est cette dernière qui concluait une convention avec le gouvernement de Castille-La Manche pour obtenir le financement de ces centres. Les collectivités locales ont par la suite acheté l’équipement numérique à leur opérateur de télécommunications et ont sous-traité l’installation, l’exploitation et la maintenance de l’équipement à cet opérateur. Lorsque ces centres d’émission appartenaient à un opérateur de télécommunications privé, ce dernier concluait une convention avec ce gouvernement pour obtenir les fonds nécessaires à la numérisation de l’équipement. Dans la mesure où il a été nécessaire de construire 20 nouveaux centres d’émission, 14 ont été construits sur la base de conventions conclues entre ledit gouvernement et les collectivités locales, tandis que 6 l’ont été sur la base d’une convention conclue entre le même gouvernement et un opérateur de télécommunications.

14      Le gouvernement de Castille-La Manche a financé l’acquisition des équipements numériques, leur installation ainsi que leur exploitation et leur maintenance pendant les deux premières années, pour chaque centre d’émission numérisé. Ainsi, 475 centres d’émission étaient détenus par les collectivités locales, tandis que 141 avaient fait l’objet des fonds octroyés à deux opérateurs de télécommunications, à savoir Telecom CLM et Abertis Telecom Terrestre SA (ci-après « Abertis »).

15      Les 14 janvier et 18 mai 2009, la Commission européenne a reçu deux plaintes émanant, d’une part, de Radiodifusión Digital SL, opérateur local de télécommunications et de télévision terrestre, et, d’autre part, de SES Astra SA. Ces plaintes portaient sur un régime d’aides des autorités espagnoles en faveur du passage de la télévision analogique à la TNT dans la zone II. Selon les plaignantes, cette mesure comportait une aide non notifiée susceptible de créer une distorsion de concurrence entre la plateforme de radiodiffusion terrestre et celle de radiodiffusion satellitaire. En outre, Radiodifusión Digital a fait valoir que la mesure en cause créait une distorsion de concurrence entre les opérateurs nationaux et les opérateurs locaux.

16      Par une lettre du 29 septembre 2010, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concerne la mesure en cause dans la communauté autonome de Castille-La Manche. Le même jour, la Commission a informé cet État membre de l’ouverture d’une procédure distincte concernant ce régime d’aides pour l’ensemble du territoire espagnol, à l’exception de la communauté autonome de Castille-La Manche (JO 2010, C 337, p. 17).

17      Le 19 juin 2013, la Commission a adopté la décision 2014/489/UE relative à l’aide d’État SA.28599 [(C 23/10) (ex NN 36/10, ex CP 163/09)] accordée par le Royaume d’Espagne en faveur du déploiement de la télévision numérique terrestre dans des zones éloignées et moins urbanisées (excepté en Castille-La Manche) (JO 2014, L 217, p. 52).

18      La Commission a, par la suite, adopté la décision 2016/1385, dont l’article 1er énonce, à son premier alinéa, que l’aide d’État octroyée aux opérateurs de la plateforme de télévision terrestre Telecom CLM et Abertis pour l’amélioration des centres d’émission, la construction des nouveaux centres d’émission et la fourniture de services numériques et/ou d’exploitation et de maintenance dans la zone II de la communauté autonome de Castille-La Manche ont été exécutés en violation des dispositions de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], et qu’elles sont incompatibles avec le marché intérieur. Le second alinéa de l’article 1er de cette décision déclare illégale et incompatible l’aide d’État octroyée pour l’installation des récepteurs satellite aux fins de la transmission des signaux d’Hispasat SA dans cette zone.

19      Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2016/1385, la Commission a ordonné au Royaume d’Espagne de récupérer auprès de Telecom CLM, Abertis et Hispasat l’aide incompatible octroyée au titre de la mesure en cause.

20      Dans les motifs de cette décision, la Commission a considéré, en premier lieu, que les différents instruments adoptés au niveau central et les conventions conclues entre le MITC et les communautés autonomes constituaient la base du régime d’aides pour l’extension de la TNT dans la zone II. Dans la pratique, les communautés autonomes auraient appliqué les directives du gouvernement espagnol sur l’extension de la TNT.

21      En deuxième lieu, la Commission a constaté que la mesure en cause devait être considérée comme une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon cette institution, Abertis et Telecom CLM sont les bénéficiaires directs de l’aide concernée, dans la mesure où elles ont bénéficié d’un avantage économique en recevant des fonds publics pour numériser leur propre équipement ou construire de nouveaux centres d’émission. Lorsque les municipalités ont agi en qualité d’opérateur de réseau, elles auraient également bénéficié directement de cette aide. L’avantage de cette mesure serait sélectif, car il ne concernerait que les entreprises actives sur le marché de la plateforme terrestre et les opérateurs de réseau auraient été sélectionnés sur la base non pas d’un appel d’offres, mais d’une procédure particulière. La sélection directe de ces opérateurs aurait entraîné l’exclusion de tout autre concurrent potentiel proposant la technologie terrestre. Compte tenu du fait que la plateforme satellitaire et la plateforme terrestre seraient concurrentes, la mesure en cause fausserait notamment le jeu de la concurrence entre ces deux plateformes.

22      En troisième lieu, la Commission a estimé que la mesure en cause ne pouvait être considérée comme une aide d’État compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en dépit du fait que cette mesure était destinée à atteindre un objectif d’intérêt commun bien défini et qu’il existait une défaillance du marché concerné. Selon elle, dès lors que ladite mesure ne respectait pas le principe de neutralité technologique, elle n’était pas proportionnée et ne constituait pas un instrument approprié pour garantir la couverture des chaînes en clair aux résidents de la zone II de la communauté autonome de Castille-La Manche.

23      En quatrième lieu, la Commission a considéré que, en l’absence de définition suffisamment précise de l’exploitation d’une plateforme terrestre en tant que service public et d’un acte d’attribution de ce service public à un opérateur d’une plateforme déterminée, la mesure en cause ne pouvait être justifiée au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

24      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 23 janvier 2015, les requérantes ont introduit des recours tendant à l’annulation de la décision 2016/1385.

25      La Commission a adopté la décision C(2015) 7193 final, du 20 octobre 2015, afin de corriger des erreurs contenues dans la décision 2016/1385, en ce qui concerne Hispasat. À la suite de cette correction, à l’article 1er, premier alinéa, de la décision litigieuse, les termes « fourniture de services » ont été remplacés par les termes « fourniture d’équipements ». En outre, la Commission a supprimé le second alinéa de l’article 1er de la décision 2016/1385 et a modifié l’article 3, paragraphe 1, de cette décision. Elle a donc abandonné le constat de l’existence d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur octroyée pour l’installation des récepteurs satellite aux fins de la transmission des signaux d’Hispasat dans la zone II de la communauté autonome de Castille-La Manche et devant être récupérée auprès de cet opérateur par l’État membre concerné.

26      Par une ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 5 avril 2016, les parties entendues, les affaires T‑37/15 et T‑38/15 ont été jointes.

27      Au soutien de leurs recours, les requérantes avaient soulevé six moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation des articles 107 et 296 TFUE relative à l’existence d’une aide d’État en ce qui concerne les collectivités locales. Le deuxième moyen, soulevé à titre subsidiaire, était tiré d’une violation de l’article 107 TFUE en ce que la Commission aurait conclu à l’existence d’une aide d’État en dépit du fait que la mesure en cause se fondait sur des marchés publics attribués aux prix du marché n’accordant aucun avantage sélectif aux opérateurs. Par leur troisième moyen, également soulevé à titre subsidiaire, les requérantes avaient invoqué une violation des articles 106 et 107 TFUE ainsi que du protocole no 26 sur les services d’intérêt général et une violation de l’obligation de motivation en raison de l’absence, en l’occurrence, d’une activité économique ou, à titre plus subsidiaire, en raison de l’existence d’un service d’intérêt économique général (SIEG). Le quatrième moyen était tiré d’une violation de l’article 107 TFUE relative à l’existence d’une distorsion de concurrence et d’une atteinte portée aux échanges entre les États membres. Le cinquième moyen, formulé à titre subsidiaire, concernait la question de la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur, au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et était tiré d’une erreur de droit et d’un défaut de motivation. Par leur sixième moyen, les requérantes invoquaient, à titre subsidiaire, une violation du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 1999, L 83, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013 (JO 2013, L 204, p. 15), en raison d’une erreur relative à la constatation d’une aide nouvelle.

28      Le Tribunal a, par l’arrêt attaqué, rejeté chacun de ces moyens au fond et, partant, les recours dans leur intégralité.

 Les conclusions des parties

29      Par leurs pourvois, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de statuer de manière définitive sur leurs recours en annulation et d’annuler la décision litigieuse ;

–        de condamner la Commission et SES Astra aux dépens.

30      La Commission et SES Astra demandent à la Cour de rejeter les pourvois et de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur les pourvois

31      À l’appui de son pourvoi, Cellnex Telecom soulève deux moyens, lesquels sont rédigés en des termes identiques à ceux des deux moyens invoqués par Telecom TLM dans son pourvoi.

32      Le premier moyen invoqué dans chacun des pourvois est tiré d’erreurs de droit dans l’interprétation de l’article 14 TFUE, de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ainsi que du protocole no 26 sur les services d’intérêt général et du protocole no 29 sur le système de radiodiffusion publique des États membres. Le second moyen est tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 107 TFUE en ce qui concerne les critères juridiques applicables pour identifier et quantifier un avantage.

 Sur le premier moyen

33      Le premier moyen est subdivisé en cinq branches.

 Sur la première branche

–       Argumentation des parties

34      Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, selon laquelle la définition des SIEG par un État membre ne peut être remise en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste.

35      Elles font valoir que, pour valider l’appréciation de la Commission en ce qui concerne la première condition issue de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) (ci-après la « première condition Altmark »), le Tribunal s’est uniquement fondé, au point 127 de l’arrêt attaqué, sur le constat que la définition du SIEG en cause par les autorités espagnoles n’était pas suffisamment « claire », sans, par ailleurs, juger qu’une telle définition était « manifestement erronée ». Au contraire, le Tribunal aurait lui-même reconnu qu’il existait une défaillance du marché en question et que le service en cause concernait une activité susceptible d’être qualifiée de SIEG.

36      Ce faisant, le Tribunal aurait manifestement dépassé la limite du contrôle de l’erreur manifeste, en violation de l’article 14 TFUE, de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et du protocole no 26 sur les services d’intérêt général.

37      La Commission considère que la première branche du premier moyen est inopérante ou, en tout état de cause, non fondée.

38      SES Astra fait valoir que cette première branche est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.

–       Appréciation de la Cour

39      Par la première branche de leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la première condition Altmark n’était pas satisfaite en l’absence de définition claire et précise du service en cause en tant que SIEG, sans vérifier si la définition de ce SIEG était manifestement erronée. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu le pouvoir discrétionnaire dont disposent les États membres dans la définition des SIEG, lequel ne serait susceptible d’être limité qu’en cas d’erreur manifeste.

40      En premier lieu, dans la mesure où cette branche vise à déterminer si le Tribunal a exercé un contrôle juridictionnel approprié de l’appréciation portée par la Commission en ce qui concerne la première condition Altmark, il y a lieu de relever que les requérantes soulèvent une question de droit dont l’examen relève de la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. L’argument de SES Astra tiré d’une prétendue irrecevabilité de ladite branche doit, dès lors, être écarté.

41      En second lieu, sur le fond, il convient de rappeler que les États membres sont en droit, dans le respect du droit de l’Union, de définir l’étendue et l’organisation de leurs SIEG en tenant compte, en particulier, d’objectifs propres à leur politique nationale (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

42      À cet égard, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation, lequel ne peut être remis en cause par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 70 ainsi que jurisprudence citée).

43      Toutefois, comme le Tribunal l’a correctement jugé, au point 104 de l’arrêt attaqué, le pouvoir dont disposent les États membres en ce qui concerne la définition des SIEG ne saurait être illimité.

44      La Cour a en effet jugé dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, points 72 et 73), que la première condition Altmark exige non seulement de déterminer si l’entreprise bénéficiaire a effectivement été chargée de l’exécution d’obligations de service public, mais également si ces obligations sont clairement définies dans le droit national. Cette condition poursuit un objectif de transparence et de sécurité juridique, qui exige la réunion de critères minimaux tenant à l’existence d’un ou de plusieurs actes de puissance publique définissant de manière suffisamment précise à tout le moins la nature, la durée et la portée des obligations de service public incombant aux entreprises chargées de l’exécution de ces obligations. En l’absence de définition claire de ces critères objectifs, il ne serait pas possible de contrôler si une activité particulière est susceptible de relever de la notion de SIEG.

45      Il s’ensuit que, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas méconnu l’étendue du contrôle qu’il lui incombait d’effectuer en ce qui concerne la définition d’un service par un État membre en tant que SIEG, en ce qu’il a jugé que, en l’absence d’une définition claire du service en cause en tant que SIEG dans le droit national, la première condition Altmark n’était pas remplie.

46      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes, selon lequel il est constant qu’il existe une défaillance du marché concerné et que le service en cause est une activité susceptible d’être qualifiée de SIEG. En effet, ces circonstances ne sont pas pertinentes pour déterminer si les entreprises concernées ont effectivement été chargées de l’exécution d’obligations de service public par un acte public et si ces obligations y sont clairement définies (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 75).

47      Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche

–       Argumentation des parties

48      Par la deuxième branche de leur premier moyen, les requérantes invoquent une incohérence dont serait entaché l’arrêt attaqué, dès lors que le Tribunal, aux points 107, 108, 110, 112, 113, 124, 127 et 130 de cet arrêt, aurait considéré que, pour relever du large pouvoir d’appréciation reconnu aux États membres, le choix d’une technologie particulière doit être inclus dans la définition même du SIEG, alors qu’il aurait jugé, au point 123 dudit arrêt, que, en définissant le service d’exploitation de la TNT en tant que SIEG, les autorités espagnoles ne devaient pas établir de discriminations à l’égard des autres plateformes.

49      Selon les requérantes, les États membres disposent d’un tel pouvoir d’appréciation non seulement pour « définir » le SIEG, mais également pour « fournir, faire exécuter et organiser » celui-ci, ce qui comprendrait nécessairement la possibilité de choisir une technologie concrète pour la fourniture des prestations concernées par ce service. Ce pouvoir ressortirait du protocole no 26 sur les services d’intérêt général et du protocole no 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, ainsi que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

50      La Commission et SES Astra estiment que la deuxième branche du premier moyen est inopérante.

–       Appréciation de la Cour

51      Par la deuxième branche de leur premier moyen, les requérantes critiquent, en substance, l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal y aurait limité le pouvoir d’appréciation des États membres à la seule définition des SIEG, ignorant ainsi l’existence d’un tel pouvoir pour ce qui est du choix des modalités concrètes de la fourniture des prestations concernés par ces SIEG.

52      Il y a lieu de constater que cette argumentation relève d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

53      En premier lieu, les requérantes admettent elles-mêmes que, au point 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément reconnu, en se référant à l’article 1er, premier tiret, du protocole no 26 sur les services d’intérêt général, que les autorités nationales, régionales et locales disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs.

54      En second lieu, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ne ressort aucunement de l’arrêt attaqué que le Tribunal a jugé que la qualification d’un service de SIEG doit nécessairement inclure la technologie au moyen de laquelle ce service sera fourni.

55      En effet, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, le Tribunal s’est limité à apprécier le point de savoir si la première condition Altmark était satisfaite, en l’occurrence, en ce qui concerne le service d’exploitation du réseau de la TNT. À cet égard, le Tribunal a examiné le point de savoir si ce service répondait à l’exigence de définition claire du SIEG, au sens de cette condition, en recherchant notamment l’existence des critères minimaux visés au point 44 du présent arrêt. Ce faisant, il ne s’est pas prononcé sur la manière dont le service en cause aurait dû être concrètement défini dans le droit national pour pouvoir répondre à cette première condition.

56      Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient non plus invoquer l’existence d’une prétendue incohérence dont serait entaché l’arrêt attaqué.

57      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche

–       Argumentation des parties

58      Par la troisième branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé le libellé des dispositions de la législation nationale pertinente et la jurisprudence relative à celle-ci, et de s’être, par conséquent, livré à des constatations allant manifestement à l’encontre de leur contenu, ainsi que d’avoir accordé à certains éléments une portée qui ne leur revenait pas.

59      En premier lieu, les requérantes font valoir que le Tribunal a manifestement dénaturé le libellé des dispositions nationales, auxquelles il se serait, en outre, référé de manière sélective. En particulier, la Ley 32/2003, General de Telecomunicaciones (loi générale 32/2003 relative aux télécommunications), du 3 novembre 2003 (BOE no 264, du 4 novembre 2003, p. 38890, ci-après la « loi 32/2003 »), qualifierait explicitement l’exploitation des réseaux de radio et de télévision de « service d’intérêt général ». À cet égard, contrairement à ce qu’aurait jugé le Tribunal au point 109 de l’arrêt attaqué, il serait possible de conférer des obligations de SIEG à l’ensemble des opérateurs d’un secteur, notamment pour garantir l’universalité de ce service. En ce sens, la législation espagnole en matière de radiodiffusion imposerait des obligations de couverture minimale applicables à l’ensemble du secteur concerné. En outre, les divers actes normatifs adoptés par les autorités espagnoles feraient explicitement référence à la technologie terrestre, contrairement à l’interprétation qu’en aurait donnée le Tribunal.

60      En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que l’arrêt attaqué contient des affirmations qui vont manifestement à l’encontre des éléments soumis à l’examen du Tribunal. Ce dernier aurait à tort constaté, au point 129 de l’arrêt attaqué, que, à aucun moment, les requérantes n’ont été en mesure de déterminer quelles étaient les obligations de service public mises à la charge des exploitants de réseaux de TNT soit par la législation espagnole, soit par les conventions d’exploitation, et d’en apporter la preuve. Les requérantes indiquent avoir expliqué, en première instance, que chaque convention qui confiait le service en cause à un opérateur particulier comportait une définition explicite des obligations de service public pour lesquelles chaque municipalité ou opérateur recevait une compensation. Ces conventions préciseraient notamment les conditions dans lesquelles le service est fourni, la durée et le territoire concerné. Les requérantes se réfèrent, à cet égard, au décret 347/2008 et aux conventions publiques conclues entre les autorités de la Communauté autonome de Castille-La Manche et les opérateurs publics ou privés, en exécution de ce décret.

61      Selon les requérantes, ces actes suffisent pour qu’il soit conclu à l’existence d’un SIEG correctement défini et mandaté, au sens de la jurisprudence de la Cour et de l’article 4 de la décision 2005/842/CE de la Commission, du 28 novembre 2005, concernant l’application des dispositions de l’article [106 paragraphe 2, TFUE] aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général (JO 2005, L 312, p. 67). Lesdits actes auraient été mentionnés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

62      Les mêmes actes indiqueraient que l’objectif de la mesure en cause consiste à faire parvenir, dans les zones les plus éloignées, le service public de la télévision, ce qui, au regard de la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne), permettrait de conclure que l’activité en cause répond manifestement à un objectif d’intérêt général.

63      En troisième lieu, le Tribunal aurait tiré une conclusion erronée quant à l’existence d’un SIEG en se limitant à une analyse de la loi 32/2003, alors qu’il existerait d’autres éléments du droit national qui préciseraient cette loi et qui auraient été discutés devant lui. Ces éléments ne seraient, par ailleurs, pas contestés par les autres parties. En refusant d’examiner ces éléments, au motif, formulé au point 118 de l’arrêt attaqué, qu’ils ont été communiqués tardivement, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier aurait violé le principe de bonne administration et le droit à une protection juridictionnelle effective. À cet égard, les requérantes font valoir, d’une part, que le Tribunal se fonde sur une interprétation erronée de cette disposition et, d’autre part, qu’il connaissait les raisons pour lesquelles lesdits éléments ont été produits tardivement.

64      En outre, selon les requérantes, le Tribunal aurait dû prendre en compte la jurisprudence du Tribunal Supremo (Cour suprême) relative à la mesure en cause, dès lors que cette jurisprudence avait été invoquée dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Ladite jurisprudence confirmerait que l’extension du réseau de la TNT dans la zone II relève de l’intérêt public.

65      La Commission et SES Astra estiment que la troisième branche du premier moyen est manifestement irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

66      Par la troisième branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’appréciation des dispositions du droit national, qui, selon elles, définiraient clairement le service en cause comme étant un SIEG.

67      Il convient de rappeler, d’emblée, que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seule compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 97 ainsi que jurisprudence citée).

68      Ainsi, pour ce qui est de l’examen, dans le cadre d’un pourvoi, des appréciations du Tribunal à l’égard du droit national, la Cour n’est compétente que pour vérifier s’il y a eu une dénaturation de ce droit (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 98 ainsi que jurisprudence citée).

69      À cet égard, une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 99 ainsi que jurisprudence citée).

70      S’agissant, premièrement, de l’appréciation de la loi 32/2003, le Tribunal a relevé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que la qualification de service d’intérêt général figurant dans cette loi concerne tous les services de télécommunications, y compris les réseaux de diffusion radio et télévision. Il a jugé que le seul fait qu’un service soit désigné comme étant d’intérêt général dans le droit national n’implique pas que tout opérateur qui l’effectue est chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, au sens de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). En outre, il a constaté, d’une part, qu’il ne ressort pas de la loi 32/2003 que, en Espagne, tous les services de télécommunications revêtent le caractère d’un SIEG, au sens de cet arrêt, et, d’autre part, que cette loi dispose expressément que les services d’intérêt général, au sens de ladite loi, doivent être fournis dans le cadre d’un régime de libre concurrence.

71      Il y a lieu de constater, d’une part, que les requérantes n’ont apporté aucun élément faisant apparaître de manière manifeste que le Tribunal aurait, ainsi, dénaturé le contenu de la loi 32/2003.

72      D’autre part, dans la mesure où les requérantes critiquent la conclusion que le Tribunal a tirée du caractère général de cette loi, à savoir que celle-ci ne permettrait pas de conclure que les opérateurs exploitant un réseau terrestre ont été chargées de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, conformément à la première condition Altmark, il y a lieu de relever que, au regard des éléments équivoques de ladite loi évoqués au point 70 du présent arrêt, cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit.

73      Deuxièmement, l’argumentation des requérantes selon laquelle le Tribunal se serait livré à des constatations allant manifestement à l’encontre du droit national, qui ferait explicitement référence à la technologie terrestre, ne saurait non plus prospérer.

74      À cet égard, d’une part, si les requérantes citent, dans leurs pourvois, certains passages des dispositions du décret 347/2008 et d’une convention adoptée sur la base de ce décret, elles n’indiquent pas en quoi la dénaturation de ces dispositions aurait concrètement consisté. D’autre part, la lecture desdites dispositions ne fait pas ressortir de manière manifeste que le Tribunal aurait dénaturé lesdites dispositions en affirmant, au point 128 de l’arrêt attaqué, qu’aucun élément ne permettait de constater que, par ledit décret, les requérantes ont été effectivement chargées de l’exécution d’obligations de service public. Il en est de même s’agissant de la constatation figurant à ce point 128, selon laquelle, dans la convention produite par les requérantes, aucune disposition n’indique que l’exploitation du réseau terrestre est considérée comme un service public.

75      Troisièmement, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait ignoré certains éléments du droit national, présentés en tant qu’éléments de preuve au cours de la procédure devant le Tribunal, de telle sorte que celui-ci aurait méconnu la portée de la loi 32/2003, doit être écarté.

76      En effet, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier les éléments de preuve produits devant lui. Celui-ci ne saurait, sous réserve de l’obligation de respecter les principes généraux et les règles de procédure en matière de charge et d’administration de la preuve et de ne pas dénaturer les éléments de preuve, être tenu de motiver de manière expresse ses appréciations en ce qui concerne la valeur de chaque élément de preuve qui lui a été soumis, notamment lorsqu’il considère que ceux-ci sont sans intérêt ou dépourvus de pertinence pour la solution du litige (arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission, C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 110 ainsi que jurisprudence citée).

77      À cet égard, d’une part, si les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir méconnu les règles de procédure en matière de charge et d’administration de la preuve, il y a lieu de constater que leur argument se fonde sur de simples affirmations. En particulier, les requérantes n’apportent aucun élément de nature à démontrer que le Tribunal aurait méconnu les dispositions de l’article 85 de son règlement de procédure. D’autre part, il ne ressort pas de manière manifeste que le Tribunal ait dénaturé les éléments avancés par les requérantes en considérant que les actes en cause étaient pertinents aux fins de l’appréciation du service d’exploitation des réseaux terrestres en tant que SIEG.

78      En conséquence, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée.

 Sur la quatrième branche

–       Argumentation des parties

79      Par la quatrième branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent que, en écartant la définition du SIEG énoncée dans la loi 32/2003, au motif que cette loi ne contient aucun mandat de service public, le Tribunal a commis une erreur de droit.

80      Le Tribunal aurait ainsi confondu les notions d’actes de « définition » et de « mandatement » des SIEG, lesquels, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, pourraient constituer deux actes distincts, en fonction de la répartition des compétences dans l’État membre concerné.

81      La Commission et SES Astra font valoir que cette quatrième branche du premier moyen est irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

82      Dans la mesure où, par la quatrième branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir exigé que l’acte de définition du SIEG en cause soit également un acte de mandatement d’une ou de plusieurs entreprises, il y a lieu de constater que cette branche porte sur le bien-fondé de l’interprétation de la première condition Altmark proposée par le Tribunal, interprétation qui constitue une question de droit. Ainsi, l’argumentation de la Commission et de SES Astra tirée de l’irrecevabilité de cette branche doit être écartée.

83      Quant au fond, l’argumentation sur laquelle les requérantes fondent la quatrième branche du premier moyen relève d’une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas exclu l’utilisation d’actes distincts, afin, d’une part, de donner une définition du SIEG et, d’autre part, d’attribuer des missions relatives à ce SIEG.

84      Au point 105 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expressément admis que la responsabilité de la gestion d’un SIEG puisse être confiée à l’entreprise concernée au moyen d’un ou de plusieurs actes officiels, dont la forme peut être déterminée par chaque État membre, ces actes devant notamment indiquer la nature et la durée des obligations de service public ainsi que les entreprises et le territoire concernés.

85      Ainsi qu’il a été constaté au point 70 du présent arrêt, le Tribunal a, par la suite, jugé, dans un premier temps, que le seul fait que la loi 32/2003 désigne un service comme étant d’intérêt général n’implique pas que tout opérateur qui fournit ce service soit chargé de l’exécution d’obligations de service public clairement définies, au sens de la première condition Altmark.

86      Dans un second temps, ainsi qu’il a été relevé aux points 73 à 77 du présent arrêt, le Tribunal a examiné le point de savoir s’il existait des actes autres que la loi 32/2003 par lesquels les opérateurs concernés par la mesure en cause auraient été effectivement chargés de l’exécution d’obligations de service public clairement définies. Il a toutefois conclu que les autorités espagnoles n’avaient pas démontré que tel était le cas en ce qui concerne le service en cause.

87      Partant, il y a lieu d’écarter la quatrième branche du premier moyen comme étant manifestement non fondée.

 Sur la cinquième branche

–       Argumentation des parties

88      Par la cinquième branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir rejeté à tort leur argumentation tirée de ce que, en l’occurrence, il était satisfait à la première condition Altmark, essentiellement au motif que dans les actes de définition et d’attribution du SIEG en cause ne figurent pas formellement les termes « service public ». Selon les requérantes, il ressort, en effet, des points 108 et 127 à 130 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a exigé que la définition, dans le droit national, du SIEG en cause fasse explicitement référence aux termes « service public » pour être considérée comme étant suffisamment claire et précise.

89      En outre, les requérantes font valoir que l’appréciation du droit national à laquelle s’est livré le Tribunal au point 119 de l’arrêt attaqué est erronée. Ce point serait également entaché d’un défaut de motivation, dans la mesure où le Tribunal n’y indiquerait pas les raisons pour lesquelles il aurait estimé que les dispositions du droit national visées à ce point ne permettaient pas de conclure que ces dispositions définissent, outre les services de radiodiffusion, également d’autres services comme étant des services publics.

90      La Commission, sans tirer de conclusion spécifique quant au traitement qu’il convient de réserver à cette cinquième branche du premier moyen, souligne que le Tribunal n’a pas exigé, dans l’arrêt attaqué, l’utilisation d’une formule particulière en ce qui concerne la définition du SIEG en cause, mais a vérifié si, dans la législation nationale, la fourniture du service de réseau était définie comme constituant un SIEG.

91      SES Astra fait valoir que cette cinquième branche est manifestement irrecevable.

–       Appréciation de la Cour

92      Par la cinquième branche de leur premier moyen, les requérantes reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir retenu une approche formaliste en exigeant que, pour répondre à la première condition Altmark, les dispositions du droit national définissant et attribuant les missions du SIEG en cause contiennent les termes « service public ».

93      Il y a lieu de constater que cet argument relève d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, il ne ressort aucunement des points 108 et 127 à 130 de cet arrêt que le Tribunal ait exigé que les termes « service public » soient utilisés pour qu’il soit satisfait à la première condition Altmark.

94      S’agissant de l’argument des requérantes visant le point 119 de l’arrêt attaqué, il suffit de rappeler que, dans la mesure où cet argument porte sur l’appréciation du droit national par le Tribunal, la Cour n’est compétente que pour examiner une éventuelle dénaturation de ce droit. Or, les requérantes n’ont ni fait valoir ni, a fortiori, apporté d’éléments faisant apparaître que, en procédant à cette appréciation, le Tribunal aurait dénaturé le contenu de ce droit national. Partant, cet argument est irrecevable.

95      En ce qui concerne le défaut de motivation invoqué, lequel entacherait le point 119 de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Toutefois, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis (arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, points 63 et 64 ainsi que jurisprudence citée).

96      L’argument tiré de ce défaut de motivation est, en l’occurrence, dénué de fondement. En effet, il ressort du point 119 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a exposé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles il a estimé, dans le cadre de son appréciation souveraine du droit national, que les dispositions de ce droit invoquées par les requérantes ne permettaient pas de conclure que ces dispositions définissaient, outre les services de radiodiffusion, également d’autres services comme étant des services publics.

97      Dans ces conditions, il y a lieu d’écarter la cinquième branche du premier moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

98      Aucune des cinq branches soulevées par les requérantes à l’appui de leur premier moyen n’ayant été accueillie, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

99      Par leur second moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en examinant leur deuxième moyen, tiré de l’absence d’aide d’État, au sens de l’article 107 TFUE. Ces erreurs se traduiraient notamment par une contradiction entre les points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, auxquels le Tribunal aurait à tort assimilé l’absence d’appel d’offres à l’existence d’un avantage économique, et au point 76 de cet arrêt en ce qui concerne l’identification de cet avantage.

100    En premier lieu, les requérantes soutiennent que le Tribunal a ignoré la jurisprudence de la Cour, relative à la notion d’« avantage », telle qu’elle découle de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui exigerait de comparer la situation financière de l’entreprise concernée à la suite de l’adoption de la mesure avec la situation financière qui aurait été la sienne si la mesure n’avait pas été adoptée. Dès lors que la décision litigieuse et l’arrêt attaqué admettraient que les requérantes n’avaient aucun intérêt à étendre et à exploiter la plateforme terrestre dans la zone II, le versement d’une compensation pour le coût de cette extension ne représenterait aucun avantage. À cet égard, il existerait également une contradiction entre les points 72 et 76 de l’arrêt attaqué, d’une part, et les points 88 et 89, d’autre part.

101    En second lieu, le point 77 de l’arrêt attaqué établirait une distinction erronée entre les cas où l’administration fournit des services ou vend des biens et ceux dans lesquels, comme en l’espèce, l’administration acquiert des biens et des services, le cocontractant de cette administration bénéficiant alors d’un avantage économique équivalent au montant des fonds perçus.

102    Les requérantes critiquent les constatations du Tribunal figurant au point 78 de l’arrêt attaqué, relatives à la pertinence des conclusions de l’avocat général Fennelly dans l’affaire France/Commission (C‑251/97, EU:C:1998:572) et de celles de l’avocat général Jacobs dans l’affaire GEMO (C‑126/01, EU:C:2002:273). En outre, elles font valoir que le Tribunal a dénaturé leur argumentation en jugeant qu’elles n’avaient pas allégué que les achats en cause avaient été effectués au prix du marché, alors même que le Tribunal s’est prononcé sur cette question dans le cadre du deuxième moyen d’annulation. Enfin, le Tribunal aurait lui-même jugé dans l’arrêt du 17 octobre 2002, Linde/Commission (T‑98/00, EU:T:2002:248, points 52 à 54), qu’une aide d’État n’existe que dans la mesure où une compensation excède les coûts assumés par son bénéficiaire.

103    Les requérantes, se référant à l’arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne (70/72, EU:C:1973:87), soutiennent également, en substance, que la solution retenue par le Tribunal conduit à placer les bénéficiaires de la mesure en cause dans une situation moins avantageuse que celle dans laquelle ils se trouvaient avant de bénéficier de cette mesure, cela en méconnaissance de l’objectif de récupération de l’avantage indu, qui tendrait au rétablissement de la situation préalable à l’octroi de cet avantage. De même, étant donné que les bénéficiaires de la mesure en cause ont utilisé les fonds reçus pour couvrir les coûts nécessaires à la numérisation des centres appartenant, pour la plupart, aux municipalités, les autorités publiques bénéficieraient, par la voie de la récupération, de ces fonds et de biens et services acquis à l’aide desdits fonds. Le Tribunal aurait lui-même évoqué ce problème au point 76 de l’arrêt attaqué.

104    La Commission fait valoir que ce moyen est non fondé.

105    SES Astra soutient que ce moyen est manifestement irrecevable, dès lors que les requérantes se bornent à réitérer des arguments déjà présentés devant le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

106    Par leur second moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir commis plusieurs erreurs de droit en n’accueillant pas leur deuxième moyen d’annulation, par lequel elles faisaient valoir, devant lui, que la Commission avait violé l’article 107 TFUE en n’identifiant pas l’avantage économique qu’elles auraient perçu.

107    S’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par SES Astra à l’égard de ce second moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal. Cependant, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d’un pourvoi, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (ordonnance du 11 décembre 2014, Carbunión/Conseil, C‑99/14 P, non publiée, EU:C:2014:2446, point 18 et jurisprudence citée).

108    En l’occurrence, les requérantes ne se bornent pas à réitérer ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qu’elles ont soulevés devant le Tribunal, mais contestent des points spécifiques de l’arrêt attaqué, qu’elles considèrent comme entachés d’erreurs de droit. En effet, les requérantes dénoncent des contradictions de motifs et des erreurs de droit entachant le raisonnement ayant conduit le Tribunal à rejeter leur deuxième moyen d’annulation. Partant, leur second moyen doit être considéré comme étant recevable.

109    Quant au fond, dans la mesure où les requérantes relèvent une contradiction entre les points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de constater, d’emblée, que leur argumentation relève d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

110    En effet, il ressort tant du point 71 de l’arrêt attaqué, qui se réfère notamment aux considérants 108 à 113 de la décision litigieuse, que du point 72 de cet arrêt, que le motif essentiel pour lequel la Commission et le Tribunal ont conclu à l’existence d’un avantage économique réside dans le fait que les bénéficiaires de la mesure en cause ont directement reçu des fonds publics pour la fourniture de l’équipement de la TNT ainsi que les services d’exploitation et de maintenance, dans des conditions qui ne correspondaient pas à celles du marché. Le Tribunal a relevé, à cet égard, que l’activité concernée ne leur aurait pas été confiée sans la mesure en cause et que ces bénéficiaires auraient dû en assumer le coût s’ils avaient voulu étendre leurs réseaux à la zone II dans des conditions normales de marché.

111    S’agissant de la prétendue méconnaissance, par le Tribunal, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne l’existence d’un avantage économique, il convient de rappeler que la notion d’avantage économique est une notion générale qui inclut tout allègement des charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2017, Congregación de Escuelas Pías Provincia Betania, C‑74/16, EU:C:2017:496, point 66).

112    À cet égard, la Cour a jugé que, au nombre des charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise figurent, notamment, les coûts supplémentaires que les entreprises doivent supporter en raison des obligations d’origine légale, réglementaire ou conventionnelle qui s’appliquent à une activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 35).

113    Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les fonds publics qu’elles ont reçus pour couvrir les coûts liés à la numérisation des réseaux de radiodiffusion terrestre en exécution de la mesure en cause ne sauraient échapper à la qualification d’« avantage économique », au sens de la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 111 et 112 du présent arrêt, au motif que ces fonds étaient destinés à la modernisation et à l’extension du réseau de la TNT, en exécution d’obligations conventionnelles définies par les autorités espagnoles.

114    En effet, ainsi que le Tribunal l’a constaté à bon droit, au point 72 de l’arrêt attaqué, en l’absence de la mesure en cause, les requérantes auraient dû assumer elles-mêmes ces coûts, de sorte que le financement qu’elles ont reçu à cette fin constituait un avantage économique.

115    Tout d’abord, cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance qu’il existait en l’espèce, comme le font valoir en substance les requérantes, une défaillance de marché dans la zone II, de sorte qu’aucun opérateur n’aurait, en tout état de cause, supporté de tels coûts en l’absence de la mesure en cause. En effet, cette circonstance illustre, au contraire, le fait que les bénéficiaires de cette mesure ont bénéficié d’un avantage dont ils n’auraient jamais bénéficié dans des conditions normales de marché.

116    Ensuite, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en jugeant, au point 76 de l’arrêt attaqué, que cet avantage était constitué par le montant total des fonds reçus pour l’extension de la couverture de la TNT et non pas, comme le faisaient valoir les requérantes, par le montant excédant le niveau du prix du marché pour l’acquisition des biens et des services nécessaires à cette extension.

117    À cet égard, au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que les conditions figurant aux points 87 à 94 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), doivent être cumulativement satisfaites pour qu’une intervention étatique, considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, ne constitue pas un avantage économique et que cette intervention étatique ne tombe pas sous le coup de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Certes, comme le Tribunal l’a relevé à bon droit, dans le cadre de la troisième condition, énoncée au point 92 de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415), la constatation de l’avantage peut nécessiter que soit apprécié le point de savoir si la compensation dépasse ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes s’y rapportant ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. Cependant, cette appréciation ne saurait remettre en question le fait qu’une compensation octroyée par un État membre n’échappe à la qualification d’aide d’État que dans la mesure où les quatre conditions énoncées dans cet arrêt sont cumulativement remplies.

118    Lorsque, à l’inverse, lesdites conditions ne sont pas satisfaites, l’avantage ne saurait uniquement résider dans l’existence d’une éventuelle surcompensation octroyée au bénéficiaire, dans la mesure où l’intervention étatique ne peut être considérée comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public. Dans une telle situation, l’avantage consiste, ainsi que la Commission l’a fait valoir à juste titre, dans la totalité des fonds publics transférés à ces entreprises, indépendamment de la manière dont lesdites entreprises utilisent ces fonds.

119    Or, il y a lieu de constater que les requérantes ne critiquent pas formellement cette interprétation de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). Elles se bornent à faire valoir que le Tribunal a, de manière erronée, établi une distinction, comme au point 77 de l’arrêt attaqué, entre la situation en cause dans la présente affaire et celle dans laquelle les autorités publiques vendent des biens ou des services à des conditions préférentielles.

120    D’une part, les requérantes n’établissent pas en quoi, en l’occurrence, les autorités publiques auraient pu concrètement être assimilées à des autorités publiques vendant à des opérateurs privés des biens et des services à des conditions préférentielles. En effet, ainsi que le Tribunal l’a correctement jugé au point 77 de l’arrêt attaqué, dans ce cas de figure, la valeur de l’aide est égale à la différence entre ce que le bénéficiaire a réellement payé et ce qu’il aurait dû payer pour la fourniture d’un tel bien ou d’un tel service dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, EU:C:1996:64, point 10 et jurisprudence citée). D’autre part, les requérantes n’ont avancé aucun élément susceptible d’établir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en rejetant, comme il l’a fait au point 78 de l’arrêt attaqué, leurs arguments invoqués devant lui.

121    Enfin, les considérations qui précèdent ne sauraient être remises en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, quant à l’existence d’un avantage économique irait à l’encontre de l’objectif consistant à récupérer l’aide d’État résultant de la mesure en cause. En effet, il suffit de relever que cet argument est dépourvu de pertinence au stade de la qualification d’une mesure étatique d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

122    Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le second moyen des pourvois comme étant non fondé.

123    Aucun des deux moyens soulevés par les requérantes à l’appui de chacun de leurs pourvois n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter ces derniers dans leur intégralité.

 Sur les dépens

124    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure du pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    La Commission et SES Astra ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leur pourvois, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) déclare et arrête :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      Cellnex Telecom SA et Telecom Castilla-La Mancha SA sont condamnées aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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