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Document 62008CJ0115

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 27 octobre 2009.
Land Oberösterreich contre ČEZ as.
Demande de décision préjudicielle: Landesgericht Linz - Autriche.
Action visant à faire cesser des nuisances ou risques de nuisances à l’égard d’un bien foncier en provenance d’une centrale nucléaire située sur le territoire d’un autre État membre - Obligation de tolérer les nuisances et risques de nuisances occasionnés par des installations ayant fait l’objet d’une autorisation administrative dans l’État du for - Absence de prise en compte des autorisations délivrées dans d’autres États membres - Égalité de traitement - Principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA.
Affaire C-115/08.

European Court Reports 2009 I-10265

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:660

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

27 octobre 2009 ( *1 )

«Action visant à faire cesser des nuisances ou risques de nuisances à l’égard d’un bien foncier en provenance d’une centrale nucléaire située sur le territoire d’un autre État membre — Obligation de tolérer les nuisances et risques de nuisances occasionnés par des installations ayant fait l’objet d’une autorisation administrative dans l’État du for — Absence de prise en compte des autorisations délivrées dans d’autres États membres — Égalité de traitement — Principe de non-discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA»

Dans l’affaire C-115/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landesgericht Linz (Autriche), par décision du 5 mars 2008, parvenue à la Cour le , dans la procédure

Land Oberösterreich

contre

ČEZ as,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. K. Lenaerts, J.-C. Bonichot et Mme P. Lindh, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Schiemann (rapporteur), P. Kūris, E. Juhász, G. Arestis et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mars 2009,

considérant les observations présentées:

pour le Land Oberösterreich, par Mes J. Hintermayr, F. Haunschmidt, G. Minichmayr, P. Burgstaller, G. Tusek et C. Hadeyer, Rechtsanwälte,

pour ČEZ as, par Me W. Moringer, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par MM. E. Riedl et C. Rauscher ainsi que par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par Mme A.-L. During, en qualité d’agent,

pour le gouvernement polonais, par MM. M. Dowgielewicz, M. Nowacki et D. Krawczyk, en qualité d’agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et B. Schima, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 avril 2009,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 10 CE, 12 CE, 28 CE et 43 CE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Land Oberösterreich à ČEZ as (ci-après «ČEZ») au sujet de nuisances ou de risques de nuisances liés à des rayonnements ionisants qui affecteraient des terrains agricoles sis en Autriche, qui sont la propriété dudit Land, en raison de l’exploitation par ČEZ d’une centrale nucléaire sise à Temelín, sur le territoire de la République tchèque.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

Le traité CEEA

3

Aux termes de l’article 1er, second alinéa, EA:

«La Communauté a pour mission de contribuer, par l’établissement des conditions nécessaires à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires, à l’élévation du niveau de vie dans les États membres et au développement des échanges avec les autres pays.»

4

L’article 2 EA dispose:

«Pour l’accomplissement de sa mission, la Communauté doit, dans les conditions prévues au présent traité:

[…]

b)

établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et veiller à leur application,

c)

faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté,

[…]»

5

Les articles 30 EA à 39 EA constituent le chapitre 3, intitulé «La protection sanitaire», du titre II du traité EA, intitulé «Dispositions favorisant le progrès dans le domaine de l’énergie nucléaire».

6

L’article 30 EA prévoit:

«Des normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes sont instituées dans la Communauté.

On entend par ‘normes de base’:

a)

les doses maxima admissibles avec une sécurité suffisante,

b)

les expositions et contaminations maxima admissibles,

[…]»

7

Aux termes de l’article 31 EA:

«Les normes de base sont élaborées par la Commission, après avis d’un groupe de personnalités désignées par le comité scientifique et technique parmi les experts scientifiques des États membres, notamment parmi les experts en matière de santé publique. […]

Après consultation du Parlement européen, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, qui lui transmet les avis des comités recueillis par elle, fixe les normes de base.»

8

L’article 32 EA énonce:

«À la demande de la Commission ou d’un État membre, les normes de base peuvent être révisées ou complétées suivant la procédure définie à l’article 31.

La Commission est tenue d’instruire toute demande formulée par un État membre.»

9

L’article 33 EA dispose:

«Chaque État membre établit les dispositions législatives, réglementaires et administratives propres à assurer le respect des normes de base fixées […]

La Commission fait toutes recommandations en vue d’assurer l’harmonisation des dispositions applicables à cet égard dans les États membres.

À cet effet, les États membres sont tenus de communiquer à la Commission ces dispositions telles qu’elles sont applicables lors de l’entrée en vigueur du présent traité ainsi que les projets ultérieurs de dispositions de même nature.

[…]»

10

L’article 35 EA est libellé comme suit:

«Chaque État membre établit les installations nécessaires pour effectuer le contrôle permanent du taux de la radioactivité de l’atmosphère, des eaux et du sol ainsi que le contrôle du respect des normes de base.

La Commission a le droit d’accéder à ces installations de contrôle; elle peut en vérifier le fonctionnement et l’efficacité.»

11

Aux termes de l’article 36 EA:

«Les renseignements concernant les contrôles visés à l’article 35 sont communiqués régulièrement par les autorités compétentes à la Commission, afin que celle-ci soit tenue au courant du taux de la radioactivité susceptible d’exercer une influence sur la population.»

12

L’article 37 EA dispose:

«Chaque État membre est tenu de fournir à la Commission les données générales de tout projet de rejet d’effluents radioactifs sous n’importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en œuvre de ce projet est susceptible d’entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre.

La Commission, après consultation du groupe d’experts visé à l’article 31, émet son avis dans un délai de six mois.»

13

L’article 38 EA prévoit:

«La Commission adresse aux États membres toutes recommandations en ce qui concerne le taux de radioactivité de l’atmosphère, des eaux et du sol.

En cas d’urgence, la Commission arrête une directive par laquelle elle enjoint à l’État membre en cause de prendre, dans le délai qu’elle détermine, toutes les mesures nécessaires pour éviter un dépassement des normes de base et pour assurer le respect des réglementations.

Si cet État ne se conforme pas, dans le délai imparti, à la directive de la Commission, celle-ci ou tout État membre intéressé peut, par dérogation aux articles 141 et 142, saisir immédiatement la Cour de justice.»

14

L’article 192 EA est libellé comme suit:

«Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.

Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité.»

La convention sur la sûreté nucléaire

15

L’adhésion de la Communauté européenne de l’énergie atomique à la convention sur la sûreté nucléaire, adoptée le 17 juin 1994, a été approuvée par la décision 1999/819/Euratom de la Commission, du (JO L 318, p. 20). Tous les États membres sont également parties à cette convention.

16

Le troisième alinéa de la déclaration jointe à ladite décision 1999/819, telle que modifiée par la décision 2004/491/Euratom de la Commission, du 29 avril 2004 (JO L 172, p. 7), énonce que «[l]a Communauté possède des compétences partagées avec les États membres […] dans les domaines couverts par l’article 7 et les articles 14 à 19 de la convention, comme le prévoit le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique dans son article 2, point b), et dans les articles pertinents du titre II, chapitre 3, intitulé ‘La protection sanitaire’».

17

Aux termes de son article 1er, sous ii), la convention sur la sûreté nucléaire a notamment pour objectif d’«établir et maintenir, dans les installations nucléaires, des défenses efficaces contre les risques radiologiques potentiels afin de protéger les individus, la société et l’environnement contre les effets nocifs des rayonnement ionisants émis par ces installations».

18

L’article 7 de la convention sur la sûreté nucléaire dispose:

«1.   Chaque partie contractante établit et maintient en vigueur un cadre législatif et réglementaire pour régir la sûreté des installations nucléaires.

2.   Le cadre législatif et réglementaire prévoit:

i)

l’établissement de prescriptions et de règlements de sûreté nationaux pertinents;

ii)

un système de délivrance d’autorisations pour les installations nucléaires et l’interdiction d’exploiter une installation nucléaire sans autorisation;

iii)

un système d’inspection et d’évaluation réglementaires des installations nucléaires pour vérifier le respect des règlements applicables et des conditions des autorisations;

iv)

des mesures destinées à faire respecter les règlements applicables et les conditions des autorisations, y compris la suspension, la modification ou le retrait de celles-ci.»

19

L’article 8, paragraphe 1, de cette même convention prévoit:

«Chaque partie contractante crée ou désigne un organisme de réglementation chargé de mettre en œuvre les dispositions législatives et réglementaires visées à l’article 7, et doté des pouvoirs, de la compétence et des ressources financières et humaines adéquats pour assumer les responsabilités qui lui sont assignées.»

20

L’article 14 de ladite convention, intitulé «Évaluation et vérification de la sûreté», énonce:

«Chaque partie contractante prend les mesures appropriées pour qu’il soit procédé à:

i)

des évaluations de sûreté approfondies et systématiques avant la construction et la mise en service d’une installation nucléaire et pendant toute la durée de sa vie. Ces évaluations sont solidement étayées, actualisées ultérieurement compte tenu de l’expérience d’exploitation et d’informations nouvelles importantes concernant la sûreté, et examinées sous l’autorité de l’organisme de réglementation;

ii)

des vérifications par analyse, surveillance, essais et inspections afin de veiller à ce que l’état physique et l’exploitation d’une installation nucléaire restent conformes à sa conception, aux exigences nationales de sûreté applicables et aux limites et conditions d’exploitation.»

21

L’article 15 de la convention sur la sûreté nucléaire, intitulé «Radioprotection», dispose:

«Chaque partie contractante prend les mesures appropriées pour que, dans toutes les conditions normales de fonctionnement, l’exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs et du public due à une installation nucléaire soit maintenue au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre et qu’aucun individu ne soit exposé à des doses de rayonnement qui dépassent les limites de doses prescrites au niveau national.»

22

Les articles 16 à 19 de ladite convention, respectivement intitulés «Organisation pour les cas d’urgence», «Choix du site», «Conception et construction» ainsi que «Exploitation», édictent diverses obligations afférentes à ces questions.

La directive 96/29/Euratom

23

La directive 96/29/Euratom du Conseil, du 13 mai 1996, fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants (JO L 159, p. 1), a été adoptée sur le fondement des articles 31 EA et 32 EA.

24

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive:

«La présente directive s’applique à toutes les pratiques comportant un risque dû aux rayonnements ionisants émanant soit d’une source artificielle, soit d’une source naturelle de rayonnement lorsque les radionucléides naturels sont traités, ou l’ont été, en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles, et notamment:

a)

à la production, au traitement, à la manipulation, à l’emploi, à la détention, au stockage, au transport, à l’importation dans la Communauté, à l’exportation à partir de la Communauté et à l’élimination de substances radioactives;

b)

à l’utilisation de tout appareil électrique émettant des rayonnements ionisants et dont les éléments fonctionnent sous une différence de potentiel supérieure à 5 kV;

c)

à toute autre pratique désignée par l’État membre.»

25

L’article 4 de la même directive, intitulé «Autorisation», dispose à son paragraphe 1, sous a):

«Chaque État membre exige une autorisation préalable pour les pratiques suivantes, sous réserve des exceptions prévues au présent article:

a)

l’exploitation et le déclassement de toute installation du cycle du combustible nucléaire […]»

26

L’article 6, paragraphe 3, de la directive 96/29 dispose:

«Chaque État membre veille, en outre, à ce que:

a)

dans le contexte de l’optimisation, toutes les expositions soient maintenues au niveau le plus faible raisonnablement possible, compte tenu des facteurs économiques et sociaux;

b)

sans préjudice de l’article 12, la somme des doses reçues du fait des différentes pratiques ne dépasse pas les limites de dose fixées au présent titre pour les travailleurs exposés, les apprentis, les étudiants et le public.»

27

L’article 13 de ladite directive fixe les limites de dose à respecter pour les personnes du public.

28

Figurant sous le titre VIII de la même directive, intitulé «Mise en œuvre de la radioprotection pour la population en situation normale», l’article 43 de celle-ci, intitulé «Principes fondamentaux», prévoit:

«Chaque État membre instaure les conditions nécessaires pour assurer la meilleure protection possible de la population, sur la base des principes énoncés à l’article 6, et pour appliquer les principes fondamentaux régissant la protection opérationnelle de la population.»

29

L’article 44 de la directive 96/29, intitulé «Conditions d’autorisation des pratiques impliquant un risque de rayonnement ionisant pour la population», dispose:

«On entend par protection opérationnelle de la population en situation normale au regard des pratiques soumises à autorisation préalable, l’ensemble des dispositions et contrôles qui servent à dépister et à éliminer les facteurs qui, au cours d’une opération quelconque entraînant une exposition aux rayonnements ionisants, sont susceptibles de créer pour la population un risque d’exposition non négligeable du point de vue de la protection contre les rayonnements. Cette protection comporte l’exécution des tâches suivantes:

a)

l’examen et l’approbation, du point de vue de la radioprotection, des projets d’installations comportant un risque d’exposition ainsi que des sites envisagés pour l’implantation de ces installations sur le territoire concerné;

b)

la réception des installations nouvelles de ce genre, après vérification qu’elles offrent une protection suffisante contre toute exposition ou contamination radioactive susceptible de déborder de leur périmètre, avec prise en compte, s’il y a lieu, des conditions démographiques, météorologiques, géologiques, hydrologiques et écologiques;

c)

examen et approbation des projets de rejet d’effluents radioactifs.

Ces tâches sont exécutées conformément aux règles fixées par les autorités compétentes en fonction du degré de risque d’exposition impliqué.»

30

L’article 45 de ladite directive, intitulé «Estimation des doses auxquelles la population est soumise», est libellé comme suit:

«Les autorités compétentes:

a)

veillent à ce que les doses résultant des pratiques visées à l’article 44 soient estimées de façon aussi réaliste que possible pour l’ensemble de la population et pour les groupes de référence de celle-ci, en tous lieux où de tels groupes peuvent exister;

b)

fixent la fréquence des évaluations et prennent toutes les dispositions nécessaires pour identifier les groupes de référence de la population en tenant compte des voies effectives de transmission des substances radioactives;

c)

veillent à ce que, compte tenu des risques radiologiques, les estimations des doses auxquelles la population est soumise incluent les opérations suivantes:

l’évaluation des doses dues à l’irradiation externe, avec indication, le cas échéant, de la qualité des rayonnements en cause,

l’évaluation de l’incorporation de radionucléides, avec indication de leur nature et, au besoin, de leurs états physique et chimique, et détermination de l’activité et des concentrations de ces radionucléides,

l’évaluation des doses que les groupes de référence de la population sont susceptibles de recevoir, avec indication des caractéristiques de ces groupes;

d)

imposent la conservation des documents relatifs aux mesures de l’exposition externe, aux estimations des incorporations de radionucléides et de la contamination radioactive ainsi qu’aux résultats de l’évaluation des doses reçues par les groupes de référence et par la population.»

31

L’article 46 de la même directive prévoit, sous l’intitulé «Inspection»:

«En ce qui concerne la protection sanitaire de la population, chaque État membre crée un système d’inspection afin de faire respecter les dispositions adoptées conformément à la présente directive et de lancer des opérations de surveillance dans le domaine de la radioprotection.»

32

L’article 47 de la directive 96/29, intitulé «Responsabilité des entreprises», énonce à son paragraphe 1:

«Chaque État membre impose à l’entreprise responsable de pratiques visées à l’article 2 de les mettre en œuvre en respectant les principes de protection sanitaire de la population dans le domaine de la radioprotection et, en particulier, d’accomplir les tâches suivantes au sein de ses installations:

a)

atteindre et maintenir un niveau optimal de protection de l’environnement et de la population;

b)

contrôler l’efficacité des dispositifs techniques de protection de l’environnement et de la population;

c)

réceptionner, du point de vue de la surveillance de la radioprotection, le matériel et les procédures de mesure ou d’évaluation, selon le cas, de l’exposition et de la contamination radioactive de l’environnement et de la population;

d)

étalonner périodiquement les instruments de mesure et vérifier périodiquement qu’ils sont en bon état et utilisés correctement.»

33

Les articles 48 à 53 de ladite directive, qui constituent le titre IX de celle-ci, sont relatifs aux interventions en cas de situation d’urgence radiologique.

34

L’article 54 de la même directive dispose:

«La présente directive fixe les normes de base relatives à la protection sanitaire des travailleurs et de la population contre les dangers résultant des rayonnements ionisants en vue de leur application uniforme par les États membres. Si un État membre prévoit d’adopter des limites de dose plus strictes que celles fixées par la présente directive, il en informe la Commission et les autres États membres.»

35

Il est constant que la République d’Autriche n’a pas communiqué une telle information à la Commission ni aux autres États membres.

La réglementation nationale

36

L’article 364, paragraphe 2, du code civil autrichien (Allgemeines bürgerliches Gesetzbuch, ci-après l’«ABGB») énonce:

«Le propriétaire d’un immeuble peut interdire au voisin les effets provoqués depuis son fonds par les eaux usées, les fumées, les gaz, la chaleur, les odeurs, le bruit, les ébranlements et autres nuisances analogues, dans la mesure où ceux-ci excèdent le niveau habituel au regard des conditions locales et affectent notablement l’usage normal de l’immeuble. Le déversement direct est en tout état de cause illicite, sauf titre particulier.»

37

L’article 364 a de l’ABGB dispose:

«Toutefois, si le trouble excédant ce niveau est causé par des installations minières ou une installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative sur le fonds voisin, le possesseur n’est autorisé à demander en justice que la réparation du dommage subi, même si celui-ci résulte de circonstances qui n’ont pas été prises en compte dans la procédure d’autorisation administrative.»

Le litige au principal et son contexte

38

Le Land Oberösterreich est propriétaire de fonds affectés à l’agriculture et à l’expérimentation agronomique sur lesquels est établie une école d’agriculture. Ces fonds sont situés en Autriche à environ 60 km de la centrale nucléaire de Temelín, elle-même sise en territoire tchèque à 50 km de la frontière autrichienne.

39

Cette centrale est exploitée par l’entreprise de fourniture d’énergie ČEZ, une société anonyme de droit tchèque détenue majoritairement par l’État tchèque.

40

La construction et l’exploitation de la centrale nucléaire de Temelín ont été autorisées par les autorités tchèques en 1985 et celle-ci a été mise en service à titre expérimental le 9 octobre 2000.

41

En 2001, le Land Oberösterreich et d’autres propriétaires privés ont saisi le Landesgericht Linz de recours fondés sur l’article 364, paragraphe 2, de l’ABGB et visant à ce qu’il soit enjoint à ČEZ de faire cesser les nuisances ou risques de nuisances liés aux rayonnements ionisants pouvant émaner de ladite centrale.

42

Selon le Land Oberösterreich, la radioactivité générée par le fonctionnement normal de cette centrale nucléaire ou, en tout état de cause, les risques de contamination liés à l’exploitation et à d’éventuels dysfonctionnements de celle-ci préjudicieraient durablement à l’usage normal des fonds lui appartenant. Les conditions d’une action en cessation de nuisances, le cas échéant préventive, seraient dès lors réunies.

43

Ladite centrale a, par ailleurs, fait l’objet de négociations entre la République d’Autriche et la République tchèque. Un protocole afférent à ces négociations a été signé à Melk (Autriche) le 12 décembre 2000. Le , ces deux États ont adopté un document intitulé «conclusions du processus de Melk et son suivi», auquel se réfère notamment la déclaration commune de la République tchèque et de la République d’Autriche concernant leur accord bilatéral relatif à la centrale nucléaire de Temelín, annexée à l’acte final du traité relatif à l’adhésion à l’Union européenne de dix nouveaux États membres, parmi lesquels figure la République tchèque, signé à Athènes le 16 avril 2003 (JO L 236, p. 17), déclaration par laquelle ces deux États membres affirment qu’ils rempliront leurs obligations bilatérales dans le cadre desdites conclusions.

44

Depuis l’année 2003, la centrale nucléaire de Temelín fonctionne à pleine capacité.

45

Ainsi qu’il ressort de la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen afférente à la sûreté nucléaire dans le cadre de l’Union européenne du 6 novembre 2002 [COM(2002) 605 final], dans le cadre des négociations ayant mené à l’adhésion de dix nouveaux États membres en 2004, les questions liées à la sûreté nucléaire des centrales dont disposaient les États candidats ont été l’objet d’une attention toute particulière à la suite de l’adoption des résolutions du Conseil européen de Cologne des et , ayant invité la Commission à veiller à l’application de normes de sécurité élevées en Europe centrale et orientale. L’évaluation ainsi menée a conduit tantôt au démantèlement de réacteurs nucléaires, tantôt à des recommandations visant à obtenir l’amélioration de ceux-ci aux fins de les amener à un niveau de sûreté comparable à celui qui existait au sein de l’Union européenne pour des réacteurs comparables, recommandations dont la mise en œuvre effective a fait l’objet d’un suivi par la Commission et le Conseil [voir, en particulier, le point 4 de l’introduction de ladite communication et les points 1.1, sous b), et 3.2 de celle-ci].

46

Parallèlement au processus de Melk dans lequel la Commission a joué un rôle actif pour faciliter le dialogue entre les autorités tchèques et autrichiennes, la sûreté de la centrale nucléaire de Temelín a ainsi été évaluée par la Commission et le Conseil, au même titre que les autres installations nucléaires des pays candidats, et les résultats de cette évaluation ont démontré que cette centrale, moyennant la mise en œuvre des recommandations proposées, présentait un niveau de sûreté nucléaire satisfaisant [voir point 1.1, sous b), de ladite communication].

47

Par ailleurs, et ainsi qu’il ressort du point 5.3.2 de la communication de la Commission portant synthèse des activités menées en 2004 et 2005 aux fins de la mise en œuvre du titre II, chapitres 3 à 10, du traité Euratom [COM(2006) 395 final], des vérifications ont, depuis l’adhésion de la République tchèque à l’Union européenne, été effectuées à Temelín en 2004 et en 2005 en application de l’article 35 EA.

48

La Commission a également été amenée à rendre un avis, en date du 24 novembre 2005, concernant le projet de rejets d’effluents radioactifs résultant de modifications sur le site de la centrale nucléaire de Temelín, en République tchèque, conformément à l’article 37 du traité Euratom (JO C 293, p. 40). Dans ledit avis, la Commission a notamment conclu que «la mise en œuvre du projet de rejet d’effluents radioactifs, sous quelque forme que ce soit, résultant des modifications sur le site de la centrale nucléaire de Temelín […] n’est pas susceptible d’entraîner, aussi bien en fonctionnement normal qu’en cas d’accident du type et de l’ampleur considérés dans les données générales, une contamination radioactive significative du point de vue sanitaire des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre».

49

Le 3 novembre 2006, les deux réacteurs de la centrale de Temelín ont fait l’objet d’un contrôle et d’une déclaration définitive de conformité aux réglementations en vigueur.

Les questions préjudicielles

50

Le Landesgericht Linz expose que, selon la jurisprudence antérieure, l’article 364 a de l’ABGB, excluant l’introduction d’actions en cessation de nuisances en présence d’installations bénéficiant d’une autorisation administrative, trouvait à s’appliquer également à l’égard d’installations autorisées par des autorités étrangères lorsqu’il apparaissait que la nuisance concernée était autorisée par le droit international et que les conditions d’autorisation applicables dans l’État d’origine étaient en substance équivalentes à celles prévalant en Autriche.

51

Dans un arrêt du 4 avril 2006, l’Oberster Gerichtshof a toutefois jugé que seules les autorisations délivrées par les autorités autrichiennes relèvent du champ d’application dudit article 364 a. Cette disposition reposerait en effet uniquement sur une appréciation d’intérêts internes divergents et rien ne justifierait que le législateur autrichien impose des restrictions au droit de propriété relatif à des biens fonciers lésés sis en Autriche uniquement dans l’intérêt d’une économie étrangère et au nom de l’intérêt public étranger.

52

Selon le Landesgericht Linz, l’interprétation ainsi retenue par l’Oberster Gerichtshof pourrait méconnaître le droit communautaire en ce qu’elle opère une différence de traitement entre les installations disposant d’une autorisation délivrée par les autorités autrichiennes et celles qui bénéficient d’une autorisation octroyée par les autorités d’un autre État membre.

53

Considérant que ni les traités CE et CEEA ni le droit dérivé issu de ceux-ci ne comportent de règles relatives à l’octroi d’autorisations à des centrales nucléaires et à la reconnaissance de telles autorisations dans des États membres autres que ceux ayant délivré celles-ci, la juridiction de renvoi se demande si la différence de traitement ainsi relevée enfreint les articles 10 CE, 12 CE, 28 CE ou 43 CE.

54

C’est dans ces conditions que le Landesgericht Linz a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

a)

Le fait que, en vertu d’un jugement ordonnant la cessation d’un trouble prononcé par une juridiction d’un État membre voisin — ayant force exécutoire dans l’ensemble des États membres en vertu du [règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1)] — une entreprise qui exploite dans un État membre, en conformité avec la législation dudit État membre et avec les dispositions applicables du droit communautaire, une centrale électrique dans laquelle elle produit de l’électricité qu’elle livre dans différents États membres est tenue, du fait de possibles nuisances émanant de ladite centrale, d’adapter l’installation aux règles techniques d’un autre État membre, voire même — en cas d’impossibilité des mesures d’adaptation du fait de la complexité de l’ensemble de l’installation — de cesser d’exploiter ladite installation et que, en raison de l’interprétation de la législation nationale par la juridiction suprême de ce pays, cette juridiction d’un État membre voisin ne peut pas prendre en considération l’autorisation d’exploitation de la centrale électrique existant dans l’État membre d’implantation de celle-ci, alors même que, dans le cadre d’une telle action en cessation du trouble, elle prendrait en considération une autorisation nationale de l’installation, de sorte que, en fin de compte, aucun jugement ordonnant la cessation d’un trouble n’interviendrait à l’encontre d’une installation ayant fait l’objet d’une autorisation dans l’État du for, constitue-t-il une mesure d’effet équivalent au sens de l’article 28 CE?

b)

Les justifications consacrées par les dispositions du traité CE doivent-elles être interprétées en ce sens que, en tout état de cause, au regard de la considération selon laquelle seule l’économie nationale — et non pas une économie étrangère — doit être protégée, la distinction opérée selon le droit d’un État membre entre les autorisations nationales et les autorisations étrangères des installations est illicite du fait que cela constitue un motif d’ordre purement économique qui n’est pas reconnu comme étant digne de protection dans le cadre des libertés fondamentales?

c)

Les justifications consacrées par les dispositions du traité CE et le principe de proportionnalité qui y est lié doivent-ils être interprétés en ce sens que la distinction globale opérée selon le droit d’un État membre entre les autorisations nationales et les autorisations étrangères des installations est en tout état de cause illicite du fait que l’exploitation d’une installation autorisée dans l’État membre d’implantation doit être examinée par les juridictions nationales d’un autre État membre, au cas par cas, au vu des risques réels que l’exploitation de l’installation présente pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ou au vu d’autres raisons impérieuses d’intérêt général admises?

d)

Au regard du principe de proportionnalité qui doit être examiné dans le cadre des justifications, les juridictions d’un État membre doivent-elles traiter l’autorisation d’exploitation d’une installation accordée dans l’État membre d’implantation de la même manière qu’une autorisation nationale d’une installation dès lors que l’autorisation de l’installation accordée dans l’État membre d’implantation est, en substance, du point de vue juridique, équivalente à l’autorisation nationale d’une installation?

e)

Le fait que l’installation qui a été autorisée dans l’État membre d’implantation est une centrale nucléaire, alors que, dans un autre État membre, dans lequel une action en cessation du trouble contre des nuisances redoutées émanant de cette centrale est pendante, l’exploitation de ce type d’installations est interdite per se bien que d’autres installations relevant du génie nucléaire y soient exploitées, a-t-il une incidence sur la manière d’apprécier les questions précédentes?

f)

Lorsque l’interprétation du droit national exposée ci-dessus dans la première question, sous a), viole l’article 28 CE, les juridictions de l’État membre devant lesquelles une telle action en cessation du trouble est pendante sont-elles tenues d’interpréter le droit national dans un sens conforme au droit communautaire selon lequel l’expression ‘installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative’ englobe tant les autorisations nationales que les autorisations étrangères d’exploitation d’installation accordées par des autorités administratives d’autres États membres?

2)

a)

Le fait que, en vertu d’un jugement ordonnant la cessation d’un trouble prononcé par une juridiction d’un État membre voisin — ayant force exécutoire dans l’ensemble des États membres en vertu du [règlement no 44/2001] — une entreprise qui exploite dans un État membre, en conformité avec la législation dudit État membre et avec les dispositions applicables du droit communautaire, une centrale électrique est tenue, du fait de possibles nuisances émanant de ladite centrale, d’adapter l’installation aux règles techniques d’un autre État membre, voire même — en cas d’impossibilité des mesures d’adaptation du fait de la complexité de l’ensemble de l’installation — de cesser d’exploiter ladite installation et que, en raison de l’interprétation de la législation nationale par la juridiction suprême de ce pays, cette juridiction d’un État membre voisin ne peut pas prendre en considération l’autorisation d’exploitation de la centrale électrique existant dans l’État membre d’implantation de celle-ci, alors même que, dans le cadre d’une telle action en cessation du trouble, elle prendrait en considération une autorisation nationale de l’installation, de sorte que, en fin de compte, aucun jugement ordonnant la cessation du trouble n’interviendrait à l’encontre d’une installation ayant fait l’objet d’une autorisation dans l’État du for, est-il compatible avec l’interdiction de toute restriction à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre visée à l’article 43 CE?

b)

Les justifications d’une restriction de la liberté d’établissement doivent-elles être interprétées en ce sens que, en tout état de cause, au regard de la considération selon laquelle seule l’économie nationale — et non pas une économie étrangère — doit être protégée, la distinction opérée selon le droit d’un État membre entre les autorisations nationales et les autorisations étrangères des installations est illicite du fait que cela constitue un motif d’ordre purement économique qui n’est pas reconnu comme étant digne de protection dans le cadre des libertés fondamentales?

c)

Les justifications d’une restriction de la liberté d’établissement consacrées par les dispositions du traité CE et, notamment, le principe de proportionnalité doivent-ils être interprétés en ce sens que la distinction globale opérée selon le droit d’un État membre entre les autorisations nationales et les autorisations étrangères des installations est en tout état de cause illicite du fait que l’exploitation d’une installation autorisée dans l’État membre d’implantation doit être examinée par les juridictions nationales d’un autre État membre, au cas par cas, au vu des risques réels que l’exploitation de l’installation présente pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique ou au vu d’autres raisons impérieuses d’intérêt général admises?

d)

Au regard du principe de proportionnalité qui doit être examiné dans le cadre des justifications des atteintes portées à la liberté d’établissement, les juridictions d’un État membre doivent-elles traiter l’autorisation d’exploitation d’une installation accordée dans l’État membre d’implantation de la même manière qu’une autorisation nationale d’une installation dès lors que l’autorisation de l’installation accordée dans l’État membre d’implantation est, en substance, du point de vue juridique, équivalente à l’autorisation nationale d’une installation?

e)

Le fait que l’installation qui a été autorisée dans l’État membre d’implantation est une centrale nucléaire, alors que, dans un autre État membre, dans lequel une action en cessation du trouble dirigée contre des nuisances redoutées émanant de cette centrale est pendante, l’exploitation de ce type d’installations est interdite per se bien que d’autres installations relevant du génie nucléaire y soient exploitées, a-t-il une incidence sur la manière d’apprécier la question précédente également dans le cadre de la liberté d’établissement?

f)

Lorsque l’interprétation du droit national exposée ci-dessus dans la deuxième question, sous a), viole l’article 43 CE, les juridictions de l’État membre devant lesquelles une telle action en cessation du trouble est pendante sont-elles tenues d’interpréter le droit national dans un sens conforme au droit communautaire selon lequel l’expression ‘installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative’ englobe tant les autorisations nationales que les autorisations étrangères d’exploitation d’installation accordées par des autorités administratives d’autres États membres?

3)

a)

Le fait que, dans le cadre d’une action en cessation du trouble intentée par des personnes privées contre une installation, les juridictions d’un État membre prennent en considération l’autorisation de ladite installation accordée par les autorités administratives nationales, ce qui emporte pour conséquence que le droit d’obtenir contre ladite installation une injonction de ne pas faire ou de s’adapter [aux règles techniques de l’État du for] est exclu, alors même que, dans le cadre d’une telle action, ces juridictions ne prennent pas en considération les autorisations d’exploitation accordées dans d’autres États membres par les autorités administratives desdits États membres, constitue-t-il une discrimination indirecte en raison de la nationalité interdite en vertu de l’article 12 CE?

b)

Une telle discrimination entre-t-elle dans le champ d’application du traité CE, eu égard au fait qu’elle touche aux conditions juridiques dans lesquelles les entreprises qui exploitent de telles installations peuvent s’établir dans un État membre ainsi qu’aux conditions juridiques dans lesquelles ces entreprises produisent de l’électricité et la livrent dans d’autres États membres et qu’elle présente donc un lien au moins indirect avec la réalisation des libertés fondamentales?

c)

Une telle discrimination peut-elle être justifiée pour des raisons objectives alors même que les juridictions concernées de l’État membre ne procèdent pas à un examen au cas par cas des conditions sur lesquelles se fonde l’autorisation de l’installation dans l’État membre d’implantation? Le fait, pour les juridictions d’un autre État membre, de prendre en considération l’autorisation étrangère accordée dans l’État membre d’implantation à la condition tout au moins que, du point de vue juridique, cette autorisation soit en substance équivalente à une autorisation nationale d’installation ne satisferait-il pas au principe de proportionnalité?

d)

Lorsque l’interprétation du droit national exposée ci-dessus dans la troisième question, sous a), viole l’article 12 CE, les juridictions de l’État membre devant lesquelles une action en cessation du trouble est pendante sont-elles tenues d’interpréter le droit national dans un sens conforme au droit communautaire selon lequel l’expression ‘installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative’ englobe tant les autorisations nationales que les autorisations étrangères d’exploitation d’installation accordées par des autorités administratives d’autres États membres?

4)

a)

Le principe de coopération loyale consacré par l’article 10 CE s’applique-t-il également, dans le cadre du champ d’application du droit communautaire, dans les rapports des États membres entre eux?

b)

Faut-il déduire de ce principe de coopération loyale que les États membres ne doivent pas mutuellement rendre plus difficile l’exercice de leurs actes de souveraineté, voire y faire échec, et cela s’applique-t-il notamment à leurs décisions respectives quant à la planification, à la construction et à l’exploitation sur leur territoire d’installations nucléaires?

c)

Lorsque l’interprétation du droit national exposée ci-dessus dans la quatrième question, sous a), viole l’article 10 CE, les juridictions de l’État membre devant lesquelles une telle action en cessation du trouble est pendante sont-elles tenues d’interpréter le droit national dans un sens conforme au droit communautaire selon lequel l’expression ‘installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative’ englobe tant les autorisations nationales que les autorisations étrangères d’exploitation d’installation accordées par des autorités administratives d’autres États membres?»

Observation liminaire

55

Selon le gouvernement autrichien, la juridiction de renvoi aurait donné une image imparfaite de l’article 364 a de l’ABGB. La jurisprudence indiquerait en effet que des autorisations délivrées en Autriche sont également écartées du champ d’application de cette disposition lorsqu’elles ont été adoptées à l’issue d’une procédure ne reconnaissant pas au voisin la qualité de partie ou en présence de troubles ou de risques graves pour la vie ou la santé. La différence de traitement décrite par la juridiction de renvoi ne serait, dès lors, pas avérée.

56

Le Land Oberösterreich fait valoir que, contrairement à ce qui ressort de la décision de renvoi, l’expression «installation ayant fait l’objet d’une autorisation administrative» figurant à l’article 364 a de l’ABGB peut également s’appliquer aux autorisations délivrées par les autorités d’un autre État. Tel serait le cas lorsque la nuisance est autorisée par le droit international, que les conditions d’autorisation qui prévalent dans l’État d’établissement sont équivalentes à celles que prévoit l’État du for et que le propriétaire du bien menacé a pu participer à la procédure d’autorisation en qualité de partie. Or, en l’occurrence, il serait constant qu’une centrale nucléaire ne peut être autorisée en droit autrichien, que l’autorisation délivrée à ČEZ ne répond ni aux normes techniques ni aux exigences procédurales actuellement en vigueur et que le Land Oberösterreich n’a pas pu participer à la procédure d’autorisation concernée.

57

À cet égard, il importe toutefois de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de dispositions nationales, une telle interprétation relevant en effet de la compétence exclusive des juridictions nationales. Aussi la Cour doit-elle, lorsqu’elle est saisie à titre préjudiciel par une juridiction nationale, s’en tenir à l’interprétation du droit national qui lui a été exposée par ladite juridiction (voir en ce sens, notamment, arrêt du 2 octobre 2008, Heinrich Bauer Verlag, C-360/06, Rec. p. I-7333, point 15 et jurisprudence citée).

Sur les questions préjudicielles

Considérations liminaires

58

Ainsi qu’il ressort du libellé même des questions préjudicielles, la juridiction de renvoi formule celles-ci en se fondant sur la prémisse selon laquelle la décision qu’elle pourrait éventuellement être amenée à rendre à l’effet de contraindre ČEZ à adapter la centrale nucléaire de Temelín, voire à mettre fin à l’exploitation de cette dernière en cas d’impossibilité d’apporter les adaptations requises, bénéficiera de l’autorité s’attachant dans tout État membre aux décisions rendues conformément aux dispositions du règlement no 44/2001.

59

Dans ses observations, le gouvernement tchèque soulève deux objections à l’endroit d’une telle prémisse.

60

En premier lieu, il conteste l’applicabilité même des dispositions du règlement no 44/2001 à l’égard de la décision juridictionnelle ainsi envisagée. L’article 66, paragraphe 1, dudit règlement exclurait en effet en principe une telle applicabilité en présence d’actions judiciaires ayant, à l’instar du recours au principal, été introduites avant l’entrée en vigueur de ce règlement. Par ailleurs, aucune des deux exceptions que prévoit à cet égard le paragraphe 2 du même article ne trouverait à s’appliquer en l’occurrence. D’une part, en effet, l’action au principal n’aurait pas été introduite après l’entrée en vigueur de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32) entre les deux États concernés, puisque la République tchèque n’était pas partie à celle-ci lors de ladite introduction. D’autre part, la compétence des juridictions autrichiennes découlerait en l’occurrence non pas de règles de compétence conformes aux règles que comporte le chapitre II dudit règlement, mais bien d’une règle de compétence purement interne fondée sur le domicile du requérant au principal.

61

En second lieu, le gouvernement tchèque soutient que, à supposer même que les dispositions du règlement no 44/2001 soient applicables, l’article 34, point 1, de ce règlement, qui prévoit qu’une décision n’est pas reconnue lorsqu’une telle reconnaissance est manifestement contraire à l’ordre public de l’État membre requis, trouverait en l’occurrence à s’appliquer devant les juridictions tchèques.

62

Compte tenu de la réponse qui sera ci-après apportée aux questions posées par la juridiction de renvoi, il n’y a toutefois pas lieu de se prononcer sur les objections ainsi formulées par le gouvernement tchèque ni, plus généralement, sur l’interprétation des dispositions du règlement no 44/2001.

Sur la recevabilité des questions préjudicielles

63

Le Land Oberösterreich soutient que les questions préjudicielles sont irrecevables à un double titre.

64

D’une part, la longueur excessive desdites questions ainsi que la circonstance que celles-ci énoncent un grand nombre d’arguments et d’éléments de fait rendraient impossible la formulation de réponses claires.

65

À cet égard, la Cour constate toutefois que les éléments de fait et de droit contenus tant dans les motifs de la décision de renvoi que dans les questions préjudicielles sont de nature à lui permettre d’exercer la compétence qui lui est dévolue.

66

D’autre part, le Land Oberösterreich soutient qu’il n’existe pas de liens suffisants entre la situation en cause au principal et le droit communautaire, de sorte que les questions préjudicielles revêtent un caractère artificiel ou hypothétique.

67

À cet égard, il importe de souligner que la question de savoir si une situation telle que celle au principal relève du champ d’application des dispositions communautaires visées par la juridiction de renvoi est une question de fond liée à l’interprétation de celles-ci, de sorte que les doutes éventuels pouvant exister à cet égard ne sont pas de nature à affecter la recevabilité des questions préjudicielles.

68

Il découle de ce qui précède que la demande de décision préjudicielle est recevable.

Sur l’identification des dispositions communautaires appelant une interprétation

69

Dans sa décision, la juridiction de renvoi expose les doutes qu’elle éprouve quant à la conformité au droit communautaire de l’article 364 a de l’ABGB eu égard à la différence de traitement qu’institue une telle disposition entre, d’une part, les entreprises possédant une installation bénéficiant d’une autorisation administrative délivrée en Autriche, qui ne sont pas exposées à une action, le cas échéant préventive, en cessation de nuisances de la part de voisins et, d’autre part, une entreprise qui, telle ČEZ, possède une installation, en l’occurrence une centrale nucléaire, bénéficiant d’une autorisation octroyée par les autorités compétentes d’un autre État membre, et qui se trouve exposée à une telle action en cessation.

70

À cet égard, la juridiction de renvoi identifie plus particulièrement quatre dispositions du traité CE qui pourraient, selon elle, s’opposer à une telle différence de traitement, à savoir, respectivement, les articles 10 CE, 12 CE, 28 CE et 43 CE.

Observations soumises à la Cour

71

Sans préjudice des positions qu’ils ont par ailleurs soutenues à propos des quatre articles susmentionnés du traité CE, ČEZ, les gouvernements tchèque, français et polonais ainsi que la Commission font valoir que diverses dispositions du traité CEEA et de réglementations adoptées sur le fondement de celui-ci sont pertinentes au regard de la problématique ainsi soulevée par la juridiction de renvoi.

72

Estimant que la différence de traitement en cause au principal est interdite au titre de l’article 12 CE, la Commission fait notamment valoir, à cet égard, que l’interdiction des discriminations fondées sur la nationalité consacrée par cet article constitue un principe général également appelé à s’appliquer dans le cadre du traité CEEA ou que, à tout le moins, le fait que l’on est en présence d’une entreprise relevant de ce dernier traité plaide en faveur de l’application de l’article 12 CE à celle-ci. Les articles 30 EA à 32 EA et la directive 96/29 ainsi que l’article 37 EA indiqueraient, en particulier, que la situation au principal relève de la sphère du traité CEEA.

73

Lors de l’audience, la Commission a notamment précisé à cet égard que, si un État membre exclut qu’une action en cessation préventive de nuisances puisse être accueillie lorsque l’activité à l’origine du trouble bénéficie d’une autorisation administrative, cet État membre ne peut autoriser une telle action lorsque l’activité en cause est celle d’une centrale nucléaire établie dans un autre État membre dans lequel elle bénéficie d’une autorisation administrative. En effet, une telle différence de traitement ne saurait, selon la Commission, être justifiée, dès lors, notamment, que l’existence d’une telle autorisation indique, sur la base du droit découlant du traité CEEA, que le respect des valeurs limites, s’agissant de l’exposition aux rayonnements ionisants dans le contexte d’une exploitation normale, a été dûment examiné et fait l’objet de contrôles continus.

74

Selon le gouvernement tchèque, les articles 30 EA à 39 EA ainsi que les articles 7, 8 et 14 de la convention sur la sûreté nucléaire auraient vocation à s’appliquer dans l’affaire au principal. L’examen, par les juridictions autrichiennes, de l’autorisation délivrée pour l’exploitation de la centrale nucléaire de Temelín par le Conseil pour la sécurité nucléaire, autorité nationale tchèque désignée conformément à l’article 8 de ladite convention, méconnaîtrait les dispositions susmentionnées et, notamment, les pouvoirs reconnus à cette autorité nationale, ainsi que, par voie de conséquence, l’article 192 EA. L’ensemble de ces dispositions impliquerait notamment une obligation de confiance mutuelle entre les États membres en ce qui concerne les autorisations délivrées et les contrôles menés par ceux-ci.

75

Lors de l’audience, ČEZ a soutenu que le fait pour une juridiction autrichienne de porter une appréciation sur l’autorisation administrative délivrée par l’autorité compétente tchèque ou sur la sécurité de la centrale nucléaire de Temelín empiète sur les compétences de la République tchèque telles qu’elles se trouvent reconnues par la convention sur la sûreté nucléaire et méconnaît tant cette dernière que le principe de loyauté énoncé à l’article 192 EA.

76

Le gouvernement polonais considère que les articles 30 EA à 39 EA, la directive 96/29, en particulier ses articles 4, paragraphe 1, sous a), 13, 44 et 45, ainsi que la convention sur la sûreté nucléaire, notamment ses articles 7, 14 et 15, établissent un standard harmonisé minimal en matière de doses limites d’émission de rayonnements ionisants que toute centrale nucléaire doit respecter afin de pouvoir obtenir une autorisation d’exploitation. Lesdites dispositions prévoiraient de même la mise en œuvre régulière d’évaluations de sûreté et de vérifications par analyse, surveillance, essais ainsi qu’inspections, et permettraient tant à la Commission, grâce à des contrôles in situ et aux renseignements qui doivent lui être communiqués, qu’aux États membres voisins, au moyen de consultations entre les parties et de mises à disposition d’informations, de procéder à une évaluation de l’activité des centrales nucléaires. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi devrait se limiter à vérifier que ČEZ possède une autorisation afférente à la centrale nucléaire de Temelín, sous peine de méconnaître l’article 192 EA.

77

Intervenu au stade de la procédure orale, le gouvernement français a fait valoir qu’il convenait, dans le cadre de la présente affaire, de prendre en considération les articles 30 EA à 32 EA, 33 EA, 35 EA, 37 EA et 38 EA, lus à la lumière de la jurisprudence de la Cour, ainsi que la directive 96/29, qui ont spécifiquement pour objet de définir un cadre permettant de prémunir les populations contre le risque lié aux installations nucléaires.

78

Ledit gouvernement souligne en outre que les conditions de fonctionnement de la centrale nucléaire de Temelín ont fait l’objet d’un contrôle approfondi par la Commission durant le processus d’adhésion sans que son exploitation soit remise en cause à cette occasion. Il fait de même état des vérifications opérées par la Commission et de l’avis favorable rendu par celle-ci, qui ont été mentionnés aux points 47 et 48 du présent arrêt.

79

Selon ce même gouvernement, le cadre ainsi institué par le traité CEEA s’oppose à ce qu’une juridiction d’un État membre puisse enjoindre à l’exploitant d’une centrale nucléaire exploitée dans un autre État membre, conformément aux exigences résultant de la réglementation afférente audit cadre, d’adapter ou de cesser l’activité de cette centrale.

80

Par ailleurs, les gouvernements français et polonais ont indiqué, lors de l’audience, qu’ils partagent le point de vue de la Commission selon lequel le principe de non-discrimination en raison de la nationalité énoncé à l’article 12 CE constitue un principe général qui trouve également à s’appliquer dans le domaine du traité CEEA. Selon ces gouvernements, un tel principe serait en l’occurrence méconnu par la différence de traitement découlant de l’article 364 a de l’ABGB à l’endroit des centrales nucléaires disposant d’une autorisation délivrée dans un État membre autre que la République d’Autriche dans le respect de normes qui font l’objet d’une harmonisation communautaire minimale.

Appréciation de la Cour

81

La circonstance qu’une juridiction nationale a, sur un plan formel, formulé la question préjudicielle en se référant à certaines dispositions du droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à cette juridiction tous les éléments d’interprétation qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (voir, notamment, arrêts du 15 septembre 2005, Ioannidis, C-258/04, Rec. p. I-8275, point 20 et jurisprudence citée, ainsi que du , Ritter-Coulais, C-152/03, Rec. p. I-1711, point 29 et jurisprudence citée). Il appartient, à cet égard, à la Cour d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit communautaire qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir, notamment, arrêt du , Tissier, 35/85, Rec. p. 1207, point 9).

82

En l’occurrence, il y a lieu de relever d’emblée que le litige au principal porte, en substance, sur la question de savoir si une activité industrielle consistant en l’exploitation d’une centrale nucléaire peut être poursuivie et, le cas échéant, quelles sont les conditions techniques qui peuvent être imposées à une telle centrale en raison des nuisances ou des risques de nuisances prétendument encourus par des biens fonciers sis dans un autre État membre du fait de leur éventuelle exposition aux radiations ionisantes provenant de cette centrale.

83

Or, une telle activité industrielle relève, de par son objet même et dans une mesure importante, du champ d’application du traité CEEA et il est constant que ce dernier comporte, en outre, un ensemble de règles relatives précisément à la protection des populations et de l’environnement contre les radiations ionisantes.

84

Par ailleurs, il convient de souligner que la Cour détient, au titre des articles 234 CE et 150 EA, une compétence de nature identique aux fins d’interpréter les dispositions relevant des traités CE et CEEA. Aussi la circonstance que la juridiction de renvoi a, sur le plan formel, saisi la Cour au titre de l’article 234 CE et interrogé cette dernière sur l’interprétation de dispositions du traité CE ne fait-elle pas obstacle à ce que la Cour fournisse à ladite juridiction tous les éléments pouvant être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, y compris lorsque ceux-ci relèvent du cadre du traité CEEA et impliquent que la Cour statue en vertu de la compétence qu’elle détient au titre de l’article 150 EA (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 1986, Hurd, 44/84, Rec. p. 29, points 1 et 14).

85

Il convient, en outre, de rappeler que l’article 305, paragraphe 2, CE prévoit expressément que les dispositions du traité CE ne dérogent pas à celles du traité CEEA.

86

En l’occurrence, il s’avère que l’examen des principes et des dispositions spécifiques que comportent le traité CEEA et certains actes adoptés sur le fondement de celui-ci permet, ainsi qu’il sera exposé ci-après, de répondre aux interrogations soulevées par la juridiction de renvoi.

Sur le principe de l’interdiction des discriminations en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA

Sur l’existence dudit principe

87

Il convient de rappeler que l’article 12 CE auquel se réfère la troisième question préjudicielle interdit toute discrimination fondée sur la nationalité dans le domaine d’application du traité CE.

88

Si le traité CEEA ne comporte pas de disposition explicite correspondant audit article du traité CE, il demeure, toutefois, ainsi que l’a très tôt souligné la Cour, que le principe consacré à l’article 12 CE fait partie des «principes» de la Communauté et que la règle du traitement national constitue l’une des dispositions juridiques fondamentales de celle-ci (voir, notamment, arrêt du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, points 15 et 24).

89

Ledit article 12, qui interdit toute discrimination exercée en raison de la nationalité, ne constitue d’ailleurs qu’une expression spécifique du principe général d’égalité qui constitue lui-même un des principes fondamentaux du droit communautaire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 8 octobre 1980, Überschär, 810/79, Rec. p. 2747, point 16, et du , Commission/Italie, C-224/00, Rec. p. I-2965, point 14).

90

Eu égard à ce qui précède, il apparaîtrait contraire tant à la finalité qu’à la cohérence des traités que les discriminations en raison de la nationalité, qui sont interdites dans le domaine d’application du traité CE en vertu de l’article 12 CE, demeurent, en revanche, tolérées dans le domaine d’application du traité CEEA.

91

Aussi convient-il de reconnaître que le principe d’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du droit communautaire, bien que n’étant expressément énoncé qu’à l’article 12 CE, constitue un principe général ayant également vocation à s’appliquer dans le cadre du traité CEEA.

Sur l’existence, dans l’affaire au principal, d’une différence de traitement fondée sur la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA

92

En premier lieu, il est de jurisprudence constante que les règles d’égalité de traitement entre nationaux et non-nationaux prohibent non seulement les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité, ou le siège en ce qui concerne les sociétés, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (voir, notamment, arrêts du 13 juillet 1993, Commerzbank, C-330/91, Rec. p. I-4017, point 14, et Commission/Italie, précité, point 15).

93

À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que l’article 364 a de l’ABGB prévoit qu’une entreprise qui possède une installation industrielle sise sur le territoire autrichien bénéficiant d’une autorisation administrative délivrée par les autorités compétentes autrichiennes ne peut, en principe, faire l’objet d’une action visant, sur le fondement de l’article 364, paragraphe 2, de l’ABGB, à obtenir la cessation de nuisances provoquées par ladite installation ou risquant de l’être à l’égard de fonds voisins. Dans un tel cas, seule une action visant à obtenir une indemnisation du fait des dommages effectivement encourus par le fonds d’un voisin de cette installation est ouverte à ce dernier, même lorsque le dommage résulte de circonstances qui n’ont pas été prises en compte dans la procédure d’autorisation administrative.

94

L’article 364 a de l’ABGB n’opère ainsi aucune distinction selon la nature précise de l’activité industrielle exploitée dans l’installation ayant fait l’objet d’une telle autorisation ni selon les circonstances qui ont été prises en compte dans la procédure d’autorisation.

95

En revanche, la juridiction de renvoi expose qu’une entreprise qui, à l’instar de ČEZ, dispose d’une installation industrielle sise sur le territoire d’un autre État membre, dans lequel elle bénéficie de toutes les autorisations administratives requises délivrées par les autorités de cet État membre, peut faire l’objet d’une action en cessation de nuisances fondée sur l’article 364, paragraphe 2, de l’ABGB, sans pouvoir se prévaloir de l’exception prévue à cet égard à l’article 364 a de l’ABGB.

96

Or, il est constant que les entreprises qui exploitent une installation sise dans un État membre autre que la République d’Autriche sont, normalement, des entreprises établies dans cet autre État membre.

97

Il s’ensuit que la différence de traitement instituée par les articles 364, paragraphe 2, et 364 a de l’ABGB au détriment des installations bénéficiant d’une autorisation administrative délivrée dans un État membre autre que la République d’Autriche aboutit en fait au même résultat qu’une différence de traitement fondée sur la nationalité.

98

En second lieu, ladite différence de traitement sur le fondement de la nationalité étant établie, il convient de déterminer si celle-ci s’inscrit, en l’occurrence, dans le domaine d’application du traité CEEA.

99

À cet égard, s’il est certes exact que le traité CEEA ne contient pas de titre relatif aux installations de production d’énergie nucléaire, il n’en demeure pas moins que le titre II de ce traité, intitulé «Dispositions favorisant le progrès dans le domaine de l’énergie nucléaire», comporte un chapitre 3, intitulé «La protection sanitaire», qui vise à assurer la protection de la santé publique dans le secteur nucléaire (voir, notamment, arrêt du 29 mars 1990, Grèce/Conseil, C-62/88, Rec. p. I-1527, point 17).

100

La Cour a jugé à diverses reprises que les dispositions dudit chapitre 3 devaient recevoir une interprétation large qui soit propre à assurer leur effet utile (voir, notamment, arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C-29/99, Rec. p. I-11221, point 78). C’est ainsi que, ayant relevé que ledit chapitre 3 met en œuvre l’article 2, sous b), EA, qui charge la Communauté d’«établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et [de] veiller à leur application», la Cour a notamment jugé qu’il apparaît que cette protection ne peut pas être atteinte sans un contrôle des sources de rayonnements nocifs (voir arrêt Commission/Conseil, précité, point 76).

101

Au point 72 de l’arrêt Commission/Conseil, précité, la Cour, qui était appelée à se prononcer sur la portée de la compétence communautaire aux fins de la conclusion de la convention sur la sûreté nucléaire, a constaté que la Communauté possède des compétences, partagées avec les États membres, pour prendre, conformément à l’article 15 de ladite convention, les mesures appropriées afin que, dans toutes les conditions normales de fonctionnement, l’exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs et du public due à une installation nucléaire soit maintenue au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre et qu’aucun individu ne soit exposé à des doses de rayonnement qui dépassent les limites des doses prescrites au niveau national.

102

Au point 82 du même arrêt Commission/Conseil, la Cour a également rappelé qu’il se déduit de sa jurisprudence antérieure qu’il ne convient pas d’opérer, pour délimiter les compétences de la Communauté, une distinction artificielle entre la protection sanitaire de la population et la sûreté des sources de radiations ionisantes. Elle en a notamment inféré que la Communauté dispose également d’une certaine compétence externe dans les domaines couverts par les articles 7, 14 et 16 à 19 de la convention sur la sûreté nucléaire, lesquels traitent, respectivement, du régime d’autorisation applicable à la construction et à l’exploitation des centrales nucléaires, de l’évaluation et de la vérification de la sûreté, de l’organisation pour les cas d’urgence, du choix du site, de la conception et de la construction des centrales ainsi que de l’exploitation de celles-ci.

103

En particulier, elle a jugé, s’agissant de l’article 7 de la convention sur la sûreté nucléaire, que, même s’il est vrai que le traité CEEA n’accorde pas la compétence d’autoriser la construction ou l’exploitation des installations nucléaires à la Communauté, cette dernière dispose, en vertu des articles 30 EA à 32 EA, d’une compétence normative afin d’établir, en vue de la protection sanitaire, un système d’autorisation qui doit être appliqué par les États membres. En effet, un tel acte législatif constitue une mesure complétant les normes de base visées à l’article 30 EA (arrêt Commission/Conseil, précité, points 88 et 89).

104

Interprétant par ailleurs l’article 37 EA, qui est une disposition dont il doit être fait application pour prévenir les possibilités de contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre, la Cour a notamment jugé que ledit article doit être interprété en ce sens que les données générales d’un projet de rejet d’effluents radioactifs doivent être fournies à la Commission avant que ces rejets ne soient autorisés par les autorités compétentes de l’État membre concerné. La Cour a relevé, à cet égard, la très grande importance que revêtent les orientations que la Commission peut donner, après consultation du groupe d’experts, à cet État membre et que ce dernier doit être en mesure de les examiner de manière approfondie dans des conditions telles que les suggestions de la Commission puissent être prises en considération avant la délivrance de l’autorisation (arrêts du 22 septembre 1988, Land de Sarre e.a., 187/87, Rec. p. 5013, points 12 à 16, ainsi que du , Commission/Royaume-Uni, C-61/03, Rec. p. I-2477, point 39).

105

Il se déduit de tout ce qui précède que la délivrance d’autorisations administratives relatives à la construction et au fonctionnement d’installations nucléaires, dans leurs aspects afférents à la protection sanitaire contre les dangers résultant de rayonnements ionisants pour la population, s’inscrit dans le domaine d’application du traité CEEA.

106

Or, le recours au principal vise à déterminer si les effets engendrés ou risquant de l’être par les rayonnements ionisants actuels ou futurs émanant de la centrale nucléaire de Temelín justifient, nonobstant les autorisations délivrées à cette centrale, qu’il soit ordonné à ČEZ de procéder à l’adaptation de celle-ci, voire à sa fermeture, aux fins de prévenir ou d’endiguer de tels effets ou risques.

107

Il s’ensuit que la différence de traitement relevée au point 97 du présent arrêt s’inscrit, s’agissant d’une action telle que celle au principal, dans le domaine d’application du traité CEEA.

Sur l’existence d’une justification

108

Conformément à la jurisprudence de la Cour, la constatation opérée au point 107 du présent arrêt ne suffit pas pour conclure à l’incompatibilité desdites dispositions nationales avec l’interdiction de la discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA. Encore faut-il rechercher si l’exclusion de la prise en compte, au titre de l’article 364 a de l’ABGB, des autorisations administratives délivrées à des installations nucléaires sises sur le territoire d’États membres autres que la République d’Autriche, et l’application à ces dernières des seules dispositions de article 364, paragraphe 2, de l’ABGB, est susceptible d’être justifiée par des circonstances objectives indépendantes de la nationalité et si une telle différence de traitement est, en ce cas, proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi (voir notamment en ce sens, à propos de l’article 12 CE, arrêts Commission/Italie, précité, point 20; du 5 juin 2008, Wood, C-164/07, Rec. p. I-4143, point 13, et du , Huber, C-524/06, Rec. p. I-9705, point 75).

109

En ce qui concerne, d’une part, l’interrogation ressortant des première et deuxième questions préjudicielles, sous b), il suffit de relever que la volonté du législateur autrichien de prendre en compte les intérêts des opérateurs économiques nationaux, à l’exclusion de ceux des opérateurs économiques établis dans d’autres États membres, ne saurait être admise comme justification de la différence de traitement résultant de la législation en cause au principal. Pas plus qu’ils ne sont susceptibles de justifier une entrave aux principes fondamentaux de libre circulation des marchandises ou de libre prestation de services (voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Decker, C-120/95, Rec. p. I-1831, point 39, et Kohll, C-158/96, Rec. p. I-1931, point 41), des objectifs de nature purement économique ne sauraient justifier une discrimination en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA.

110

S’agissant, d’autre part, de justifications qui pourraient être tirées de la protection de la vie ou de la santé, évoquées par la juridiction de renvoi, ou encore de la protection de l’environnement ou du droit de propriété, également invoquées par le Land Oberösterreich, il n’apparaît pas davantage qu’elles soient de nature à justifier une différence de traitement, telle que celle en cause au principal, entre les autorisations administratives délivrées par les autorités autrichiennes à des installations industrielles sises en Autriche et celles octroyées à une centrale nucléaire sise dans un autre État membre par les autorités compétentes de ce dernier.

111

À cet égard, il convient, en premier lieu, de souligner que, ainsi qu’il ressort du quatrième alinéa du préambule du traité CEEA, les signataires de celui-ci étaient «soucieux d’établir les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations». L’article 2, sous b), EA précise, pour sa part, que, aux fins d’accomplir sa mission, la Communauté doit, dans les conditions prévues par ledit traité, «établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs et veiller à leur application».

112

De telles conditions, qui se trouvent précisées aux articles 30 EA à 39 EA constituant le chapitre 3 du titre II du traité CEEA, tendent, ainsi que l’a précédemment relevé la Cour, à assurer une protection sanitaire cohérente et efficace de la population contre les dangers résultant des radiations ionisantes, quelle qu’en soit la source et quelles que soient les catégories de personnes exposées à ces radiations (arrêt du 4 octobre 1991, Parlement/Conseil, C-70/88, Rec. p. I-4529, points 13 et 14).

113

Les articles 30 EA et 31 EA prévoient, en particulier, l’adoption par la Communauté, après avis d’un groupe d’experts scientifiques, de normes de base relatives à la protection sanitaire de la population contre les dangers résultant des radiations ionisantes.

114

Ainsi qu’il ressort de l’article 33, premier alinéa, EA, il incombe à chaque État membre d’établir les dispositions législatives, réglementaires et administratives propres à assurer le respect des normes de base ainsi fixées par la Communauté. Le deuxième alinéa de ce même article investit toutefois la Commission d’une compétence à l’effet de faire toutes recommandations en vue d’assurer l’harmonisation des dispositions applicables à cet égard dans les États membres. Ainsi que l’a précisé la Cour, un tel pouvoir de recommandation peut notamment trouver à s’exercer en ce qui concerne ceux des aspects afférents à la conception et à la construction ainsi qu’à l’exploitation d’une installation nucléaire qui permettent d’assurer le respect des normes de base. Pour leur part, les États membres sont, en outre, tenus de contribuer à l’élaboration de ces recommandations par les communications visées à l’article 33, troisième alinéa, EA (arrêt Commission/Conseil, précité, point 105).

115

Lesdites normes de base, qui doivent notamment être gouvernées par le principe de l’optimisation de la protection (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1992, Commission/Belgique, C-376/90, Rec. p. I-6153, point 27), et qui ont été modifiées à diverses reprises afin de tenir compte de l’évolution des connaissances scientifiques en matière de radioprotection, sont fixées par la directive 96/29.

116

Ainsi qu’il ressort des points 23 à 34 du présent arrêt, la directive 96/29 comporte également diverses dispositions afférentes aux régimes d’autorisation, de surveillance, d’inspection et d’intervention en cas de situation d’urgence radiologique, dispositions que doivent instituer les États membres à l’égard des pratiques impliquant un risque de rayonnement ionisant pour la population.

117

En deuxième lieu, il convient de souligner que le dispositif juridique élaboré par le traité CEEA en matière de protection sanitaire ne se limite pas à prévoir l’édiction de normes de base, mais il comporte en outre un important volet afférent au contrôle du respect de celles-ci ainsi qu’au contrôle de la radioactivité de l’atmosphère, des eaux et du sol.

118

Les dispositions du chapitre 3 du titre II dudit traité forment en effet un ensemble organisé attribuant à la Commission des compétences assez étendues pour la protection de la population et de l’environnement contre les risques d’une contamination nucléaire (voir arrêts précités Land de Sarre e.a., point 11, ainsi que Commission/Conseil, point 79).

119

Tel est en particulier l’objet des articles 35 EA à 38 EA qui, ainsi que l’a précédemment relevé la Cour, confèrent notamment à la Commission des pouvoirs considérables (arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 35).

120

C’est ainsi que l’article 35 EA fait obligation aux États membres d’établir les installations nécessaires pour effectuer le contrôle permanent du taux de la radioactivité de l’atmosphère, des eaux et du sol, ainsi que le contrôle du respect des normes de base.

121

La Commission se voit reconnaître, en vertu du second alinéa du même article 35 EA, un droit d’accéder à ces installations de contrôle aux fins d’en vérifier le fonctionnement et l’efficacité. L’article 36 EA édicte par ailleurs, à la charge des autorités nationales compétentes, une obligation de communiquer régulièrement à la Commission les renseignements concernant les contrôles visés à l’article 35 EA, afin que cette institution soit tenue au courant du taux de la radioactivité susceptible d’exercer une influence sur la population.

122

Ainsi qu’il ressort du point 47 du présent arrêt, des vérifications ont ainsi été effectuées par la Commission à Temelín, en application de l’article 35 EA, au cours des années 2004 et 2005.

123

Ainsi qu’il a été rappelé au point 104 du présent arrêt, l’article 37 EA vise à prévenir les possibilités de contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre. En vertu de cette disposition, les données générales d’un projet de rejet d’effluents radioactifs doivent être fournies à la Commission avant que ces rejets ne soient autorisés par les autorités compétentes de l’État membre concerné, afin que ledit État membre soit en mesure d’examiner les orientations que la Commission peut lui donner, après consultation du groupe d’experts, de manière approfondie et dans des conditions telles que les suggestions de la Commission puissent être prises en considération avant la délivrance de l’autorisation.

124

La Cour a déjà souligné, à cet égard, l’importance du rôle joué en la matière par la Commission, qui dispose seule d’une vision d’ensemble quant aux développements des activités du secteur nucléaire sur la totalité du territoire de la Communauté (arrêt Land de Sarre e.a., précité, points 12 et 13).

125

Ainsi qu’il a été indiqué au point 48 du présent arrêt, la Commission a, conformément à l’article 37 EA, rendu un avis, en date du 24 novembre 2005, aux termes duquel cette institution a conclu que la mise en œuvre du projet de rejet d’effluents radioactifs, sous quelle que forme que ce soit, résultant de modifications sur le site de la centrale nucléaire de Temelín, n’est pas susceptible d’entraîner, aussi bien en fonctionnement normal qu’en cas d’accident du type et de l’ampleur considérés dans les données générales, une contamination radioactive significative du point de vue sanitaire des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre.

126

L’article 38 EA, enfin, investit la Commission du pouvoir, d’une part, d’adresser aux États membres toutes recommandations en ce qui concerne le taux de radioactivité de l’atmosphère, des eaux ainsi que du sol et, d’autre part, en cas d’urgence, d’arrêter une directive par laquelle elle enjoint à l’État membre en cause de prendre, dans le délai qu’elle détermine, toutes les mesures nécessaires pour éviter un dépassement des normes de base et pour assurer le respect des réglementations. Si cet État ne se conforme pas, dans le délai imparti, à la directive de la Commission, celle-ci ou tout État membre intéressé peut, par dérogation aux articles 141 EA et 142 EA, saisir immédiatement la Cour.

127

En troisième lieu, il convient de rappeler que tant la Communauté européenne de l’énergie atomique que ses États membres sont parties à la convention sur la sûreté nucléaire qui, aux termes de son article 1er, sous ii), poursuit notamment l’objectif d’«établir et de maintenir, dans les installations nucléaires, des défenses efficaces contre les risques radiologiques potentiels afin de protéger les individus, la société et l’environnement contre les effets nocifs des rayonnements ionisants émis par ces installations».

128

À cet égard, l’article 15 de ladite convention prévoit que chaque partie contractante prend les mesures appropriées pour que, dans toutes les conditions normales de fonctionnement, l’exposition aux rayonnements ionisants des travailleurs et du public due à une installation nucléaire soit maintenue au niveau le plus bas qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre.

129

Par ailleurs, le préambule de ladite convention réaffirme, sous iii), que «la responsabilité de la sûreté nucléaire incombe à l’État sous la juridiction duquel se trouve une installation nucléaire», tandis que, aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de la même convention, chaque partie contractante est notamment tenue d’établir un cadre législatif et réglementaire comprenant notamment un système de délivrance d’autorisations pour les installations nucléaires et l’interdiction d’exploiter une installation nucléaire sans autorisation, un système d’inspection et d’évaluation réglementaires des installations nucléaires pour vérifier le respect des règlements applicables et des conditions des autorisations ainsi que des mesures destinées à faire respecter les règlements applicables et les conditions des autorisations.

130

En quatrième lieu, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été souligné aux points 45 et 46 du présent arrêt, dans le cadre des négociations ayant abouti à l’adhésion de dix nouveaux États membres à l’Union, le 1er mai 2004, les questions liées à la sûreté des centrales nucléaires dont disposaient ces derniers, parmi lesquelles celle de Temelín, ont été examinées par la Commission, ce qui a conduit à la formulation de recommandations communautaires visant à leur amélioration aux fins de les amener à un niveau de sûreté nucléaire comparable à celui qui existe au sein de l’Union pour des réacteurs comparables, recommandations dont la mise en œuvre effective a par la suite fait l’objet d’un suivi par la Commission et le Conseil.

131

Il importe également de souligner que, en cas de dysfonctionnement du système de protection institué en vertu du traité CEEA, les États membres disposent de diverses voies d’action pour entreprendre d’obtenir les corrections qui pourraient s’imposer à cet égard.

132

Tout d’abord, l’article 32 EA investit chaque État membre du droit d’introduire une demande à l’effet de réviser ou de compléter les normes de base fixées en vertu des articles 30 EA et 31 EA, demande que la Commission a, en pareil cas, l’obligation d’instruire.

133

Ensuite, aux termes de l’article 142 EA, chacun des États membres peut saisir la Cour s’il estime qu’un autre État membre a manqué à l’une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CEEA. Dans la situation d’urgence décrite à l’article 38 EA, une telle saisine peut même intervenir immédiatement.

134

Enfin, les articles 145 EA à 149 EA prévoient, à l’instar des dispositions correspondantes du traité CE, des mécanismes de contrôle juridictionnel concernant tant la légalité des actes du Conseil ou de la Commission que les cas où une telle institution s’abstient de statuer en violation du traité CEEA.

135

Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, dès lors qu’un État membre a édicté une disposition interne qui, tel l’article 364 a de l’ABGB, empêche, ainsi que l’expose la juridiction de renvoi, d’intenter une action en cessation de nuisances lorsque le trouble ou le risque de trouble allégué provient d’une installation industrielle bénéficiant d’une autorisation administrative, ledit État membre ne saurait exclure en principe du champ d’application d’une telle disposition les autorisations délivrées à des installations nucléaires situées dans d’autres États membres en prétendant justifier une telle exclusion par un souci de protéger la vie, la santé publique, l’environnement ou le droit de propriété.

136

En effet, une telle exclusion fait totalement abstraction du fait que le cadre normatif communautaire tel que décrit aux points 111 à 134 du présent arrêt et dans lequel s’inscrivent partiellement de telles autorisations contribue précisément de manière essentielle à assurer une telle protection. Aussi ladite exclusion ne saurait-elle être qualifiée de nécessaire auxdites fins de protection ni, partant, être considérée comme satisfaisant à l’exigence de proportionnalité.

Sur l’obligation d’interpréter le droit national d’une manière qui soit propre à assurer la conformité de celui-ci avec le droit communautaire

137

Ainsi qu’il ressort notamment des première question, sous f), deuxième question, sous f), troisième question, sous d), et quatrième question, sous c), la juridiction de renvoi s’interroge également sur les conséquences susceptibles de découler d’une éventuelle non-conformité avec le droit communautaire de l’interprétation actuellement retenue par les juridictions nationales à propos de la réglementation en cause au principal.

138

À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante développée à propos de l’article 10 CE, mais trouvant également à s’appliquer à l’égard de l’article 192 EA, le devoir des États membres, en vertu desdites dispositions, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit communautaire s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles. Aussi appartient-il à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit communautaire. Si une telle application conforme n’est pas possible, la juridiction nationale a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition dans la mesure où son application, dans les circonstances de l’espèce, aboutirait à un résultat contraire au droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 4 février 1988, Murphy e.a., 157/86, Rec. p. 673, point 11, ainsi que du , Engelbrecht, C-262/97, Rec. p. I-7321, points 38 à 40).

139

Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que le principe de l’interdiction des discriminations en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA s’oppose à l’application d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une entreprise, disposant des autorisations administratives requises pour exploiter une centrale nucléaire sise sur le territoire d’un autre État membre, peut faire l’objet d’une action juridictionnelle visant à obtenir la cessation de nuisances ou de risques de nuisances à l’égard de fonds voisins en provenance de cette installation, tandis que les entreprises disposant d’une installation industrielle sise dans l’État membre du for et y bénéficiant d’une autorisation administrative ne peuvent faire l’objet d’une telle action et ne sont exposées qu’à une action visant au paiement d’une indemnisation du fait des dommages subis par un fonds voisin.

140

Il convient également de répondre qu’il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit communautaire. Si une telle application conforme n’est pas possible, la juridiction nationale a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition dans la mesure où son application, dans les circonstances de l’espèce, aboutirait à un résultat contraire au droit communautaire.

Sur les dépens

141

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

 

1)

Le principe de l’interdiction des discriminations en raison de la nationalité dans le domaine d’application du traité CEEA s’oppose à l’application d’une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle une entreprise, disposant des autorisations administratives requises pour exploiter une centrale nucléaire sise sur le territoire d’un autre État membre, peut faire l’objet d’une action juridictionnelle visant à obtenir la cessation de nuisances ou de risques de nuisances à l’égard de fonds voisins en provenance de cette installation, tandis que les entreprises disposant d’une installation industrielle sise dans l’État membre du for et y bénéficiant d’une autorisation administrative ne peuvent faire l’objet d’une telle action et ne sont exposées qu’à une action visant au paiement d’une indemnisation du fait des dommages subis par un fonds voisin.

 

2)

Il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi interne qu’elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit communautaire. Si une telle application conforme n’est pas possible, la juridiction nationale a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition dans la mesure où son application, dans les circonstances de l’espèce, aboutirait à un résultat contraire au droit communautaire.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.

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