ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

12 novembre 2020 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels – Service européen pour l’action extérieure (SEAE) – Article 47, sous c), i), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne – Résiliation d’un contrat à durée indéterminée – Maladie professionnelle – Rupture du lien de confiance – Droit à un procès équitable – Article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Devoir de sollicitude – Articles 30 et 41 de la charte des droits fondamentaux – Dénaturation des faits – Étendue du contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire C‑446/19 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 12 juin 2019,

Stephan Fleig, ancien agent contractuel du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), demeurant à Berlin (Allemagne), représenté par Me H. Tettenborn, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par MM. S. Marquardt et R. C. Weiss, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de N. Wahl (rapporteur), président de chambre, M. F. Biltgen et Mme L. S. Rossi, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, M. Stephan Fleig demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 2 avril 2019, Fleig/SEAE (T‑492/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:211), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 19 septembre 2016 par laquelle le directeur de la direction « Ressources humaines » du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a résilié son contrat d’engagement avec effet au 19 juin 2017 (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il a prétendument subi à la suite de cette décision.

 Le cadre juridique

 Les dispositions relatives à l’obligation de communication de l’adresse de résidence et du lieu de séjour en cas de maladie ou d’accident

2        L’article 20 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au présent litige (ci-après le « statut »), prévoit :

« Le fonctionnaire est tenu de résider au lieu de son affectation ou à une distance telle de celui-ci qu’il ne soit pas gêné dans l’exercice de ses fonctions. Il informe l’autorité investie du pouvoir de nomination de son adresse et l’avise immédiatement de tout changement de celle-ci. »

3        Aux termes de l’article 59, paragraphe 1, premier à troisième alinéas, du statut :

« Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.

L’intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Ce certificat doit être envoyé au plus tard le cinquième jour de l’absence, le cachet de la poste faisant foi. À défaut, et sauf si le certificat n’est pas envoyé pour des raisons indépendantes de la volonté du fonctionnaire, l’absence est considérée comme injustifiée.

Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu. »

4        L’article 60, second alinéa, du statut dispose :

« Lorsqu’un fonctionnaire désire aller passer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. »

 Les dispositions relatives à la procédure d’invalidité

5        L’article 7 de l’annexe II du statut est libellé comme suit :

« La commission d’invalidité est composée de trois médecins désignés :

–        le premier par l’institution dont relève le fonctionnaire intéressé,

–        le second par l’intéressé,

–        le troisième du commun accord des deux médecins ainsi désignés.

En cas de carence du fonctionnaire intéressé, un médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice de l’Union européenne.

À défaut d’accord sur la désignation du troisième médecin dans un délai de deux mois à compter de la désignation du second médecin, le troisième médecin est commis d’office par le président de la Cour de justice de l’Union européenne à l’initiative d’une des parties. »

 Les dispositions relatives à la fin de l’engagement des agents contractuels sous contrat à durée indéterminée

6        Sous le chapitre 9, intitulé « Fin de l’engagement », l’article 47, sous c), i), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au présent litige (ci-après le « RAA »), dispose :

« Indépendamment du cas du décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

[...]

c)      pour les contrats à durée indéterminée :

i)      à l’issue du préavis fixé dans le contrat, le préavis ne pouvant être inférieur à un mois par année de service accompli, avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. Toutefois, le préavis ne peut commencer à courir pendant la grossesse attestée par un certificat médical ou pendant la durée du congé de maternité ou d’un congé de maladie, pour autant que ce dernier ne dépasse pas une période de trois mois. Ce préavis est suspendu pendant la grossesse attestée par un certificat médical, le congé de maternité ou le congé de maladie, dans les limites visées ci-dessus ;

[...] »

7        Aux termes de l’article 119, premier alinéa, du RAA, « [l]es articles 47 à 50 bis s’appliquent par analogie aux agents contractuels ».

 Les dispositions relatives à la publication de textes et à l’obligation de non-divulgation d’informations non publiques

8        L’article 17 du statut prévoit :

« 1.      Le fonctionnaire s’abstient de toute divulgation non autorisée d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions, à moins que ces informations n’aient déjà été rendues publiques ou ne soient accessibles au public.

2.      Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation après la cessation de ses fonctions. »

9        L’article 17 bis du statut dispose :

« 1.      Le fonctionnaire a droit à la liberté d’expression, dans le strict respect des principes de loyauté et d’impartialité.

2.      Sans préjudice des articles 12 et 17, le fonctionnaire qui a l’intention de publier ou de faire publier, seul ou en collaboration, un texte quelconque dont l’objet se rattache à l’activité de l’Union en informe au préalable l’autorité investie du pouvoir de nomination.

Si l’autorité investie du pouvoir de nomination est en mesure de démontrer que la publication est susceptible de porter gravement atteinte aux intérêts légitimes de l’Union, elle informe le fonctionnaire par écrit de sa décision dans un délai de 30 jours ouvrables à compter de la réception de l’information. Si aucune décision n’est notifiée dans ce délai, l’autorité investie du pouvoir de nomination est réputée ne pas soulever d’objection. »

 Les antécédents du litige

10      M. Fleig a été engagé par la Commission européenne en tant qu’agent contractuel du groupe de fonctions III, conformément à l’article 3 bis, paragraphe 1, sous a), du RAA, pour une durée initiale de trois ans couvrant la période allant du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2009. Il a été affecté à la direction générale (DG) « Relations extérieures », en tant qu’informaticien principal régional de la délégation de la Commission à Alger (Algérie).

11      Le requérant a été réaffecté auprès de la délégation de la Commission à Kiev (Ukraine, ci-après la « délégation à Kiev ») à partir du 16 mars 2010, en vue d’occuper l’un des deux postes d’informaticien principal régional responsable pour plusieurs pays d’Europe orientale.

12      À partir du 29 juin 2010, le requérant a été engagé par la Commission en vertu d’un contrat à durée indéterminée. L’article 6 de ce contrat disposait que, conformément à l’article 119 du RAA, il pouvait être mis fin audit contrat pour les motifs visés aux articles 47 à 50 bis du RAA, dans les conditions fixées à ces articles.

13      Conformément à la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure (JO 2010, L 201, p. 30), le requérant a été transféré, le 1er janvier 2011, de la Commission au SEAE et est resté affecté auprès de la délégation à Kiev.

14      Le 21 janvier 2011, le requérant, inquiet du fait qu’il tombait souvent malade, a pris contact avec le service médical de la Commission à Bruxelles (Belgique, ci-après le « service médical »), responsable pour le personnel du SEAE. Le 14 avril 2011, un médecin-conseil dudit service a examiné le requérant et a conclu qu’il était en bonne santé.

15      Par la suite, le requérant a été absent pour cause de maladie du 5 au 10 octobre 2011, du 22 novembre 2011 au 14 février 2012 et, de manière permanente, à partir du 12 mars 2012.

16      Au mois d’octobre 2011, le requérant a informé le SEAE qu’un problème de nature psychologique (ci-après l’« affection psychologique ») avait été décelé par un psychologue qu’il avait consulté durant ses vacances en Allemagne et qu’il suivait une psychothérapie, mais que, eu égard à la difficulté, voire à l’impossibilité, de trouver à Kiev un praticien parlant la langue allemande ou la langue anglaise, cette psychothérapie était dispensée par téléphone, situation qu’il estimait insatisfaisante. Le SEAE lui a communiqué l’avis qu’il avait sollicité du service médical, émanant du docteur S. D., selon lequel une évacuation sanitaire, prévue en cas d’urgence médicale, ne pouvait pas être envisagée pour des raisons linguistiques. Dans un courriel adressé directement au requérant le 18 janvier 2012, le docteur S. D. lui a également indiqué qu’une évacuation sanitaire ne pouvait pas avoir lieu pour une psychothérapie hebdomadaire.

17      Par un courriel du 8 février 2012, le requérant a informé le docteur S. D. de l’existence d’un autre problème de santé survenu au mois d’octobre 2011, et qui venait de récidiver, ce qui avait justifié la réalisation d’examens approfondis (ci-après l’« affection physiologique »). Dans sa réponse du 10 février 2012, le docteur S. D. a évoqué la possibilité d’une évacuation sanitaire s’il s’avérait que l’affection physiologique nécessitait une intervention chirurgicale.

18      Le 13 mars 2012, le requérant a adressé au docteur S. D. un courriel par lequel il indiquait qu’un médecin nouvellement consulté lui recommandait de subir une telle intervention. L’attestation médicale du même jour qui était jointe à ce courriel contenait un avis selon lequel le requérant devait retourner immédiatement en Allemagne pour un plus ample traitement de ses affections physiologique et psychologique.

19      Sur la base de cette attestation, l’évacuation sanitaire d’urgence du requérant, de Kiev à Berlin (Allemagne), fut autorisée à partir du 20 mars 2012.

20      Avant son départ, le requérant a été informé des dispositions applicables en cas d’évacuation sanitaire. Il a également reçu confirmation du fait qu’il devait adresser les certificats d’incapacité de travail au docteur A.‑G., du service du contrôle médical de la Commission, dont il devrait obtenir une autorisation préalable au cas où il devrait quitter Berlin. En outre, il lui a été demandé de prendre contact avec un membre du personnel identifié afin d’assurer la mise à jour de sa situation administrative dans le système informatique de gestion du personnel.

21      Le requérant a transmis la copie d’une réservation à l’hôtel NH Heinrich-Heine de Berlin pour la période allant du 20 au 25 mars 2012 et a indiqué qu’il chercherait une formule d’hébergement moins onéreuse pour la suite de son séjour.

22      Entre le 20 mars 2012 et le mois de janvier 2014, le requérant a résidé à divers endroits en Allemagne et a été hospitalisé dans plusieurs établissements hospitaliers établis en Allemagne pour le traitement de son affection psychologique.

23      Durant la même période, son dossier a été suivi, notamment, par le service du personnel du siège du SEAE, par la délégation à Kiev et par le service du contrôle médical de la Commission, s’agissant de son congé de maladie, en la personne du docteur A.‑G., ainsi que par le service médical, s’agissant de son évacuation sanitaire, en la personne du docteur S. D., et, à partir du mois de février 2013, s’agissant d’une procédure d’invalidité, en la personne du docteur I. D., puis du docteur K. Ce suivi a donné lieu à de multiples contacts ou tentatives de contact avec le requérant.

24      Entre le 2 mars et le 25 mars 2013, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ainsi que cinq demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut, relatives à des allégations de manquements divers, lesquels lui auraient porté préjudice, qui auraient été commis soit durant l’exercice de ses fonctions auprès de la délégation de la Commission à Alger, soit en rapport avec la prise en charge de ses problèmes de santé depuis l’année 2011. Cette réclamation et ces demandes avaient trait, notamment, à des carences du service médical, à la divulgation irrégulière d’informations médicales, à des faits de non-assistance à personne en danger, à des accusations mensongères qui auraient été portées contre lui, à l’utilisation abusive de ses coordonnées de contact d’urgence et à la violation de sa vie privée ainsi qu’à des faits de harcèlement moral. Ladite réclamation et lesdites demandes visaient diverses personnes, identifiées ou non, membres du personnel de la Commission ou du SEAE, et portaient sur l’ouverture de procédures d’enquête, l’engagement d’actions disciplinaires et la compensation intégrale des préjudices moraux et matériels qu’aurait subis le requérant en raison des faits ainsi dénoncés.

25      La réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut a été rejetée comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondée par décision du 25 juin 2013. Les diverses demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut ont également été rejetées comme étant non fondées en fait ou en droit par décision du 14 novembre 2013. Ces décisions n’ont pas fait l’objet de recours ni de réclamation.

26      Par lettre du 29 janvier 2014, l’AHCC a décidé de résilier le contrat d’engagement du requérant conformément à l’article 47, sous c), i), et à l’article 119 du RAA (ci-après la « décision de résiliation initiale »).

27      Cette décision était fondée sur deux motifs.

28      Le premier motif consistait dans la perte de confiance envers le requérant, imputée à son comportement, résultant, d’une part, du non-respect des obligations découlant de l’article 20 et de l’article 59, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, relatives à la communication de l’adresse de résidence et du lieu de séjour en cas de maladie ou d’accident, étant allégué que le défaut de coopération à cet égard avait gêné les contacts du SEAE et du service médical avec le requérant, et, d’autre part, d’une coopération considérée comme insuffisante dans le cadre de la procédure d’invalidité qui était en cours. Par son second motif, l’AHCC faisait état de l’intérêt du service, eu égard aux difficultés rencontrées au sein de la délégation à Kiev en ce qui concerne le personnel et le support informatique, fonction exercée par le requérant.

29      Le 29 avril 2014, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de résiliation initiale sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut (ci-après la « réclamation de 2014 »).

30      Par décision du 27 août 2014, notifiée au requérant le 1er septembre suivant, l’AHCC a rejeté ladite réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation de 2014 »).

31      Dans cette décision, l’AHCC a rappelé de manière circonstanciée l’historique des évènements depuis le mois d’octobre 2011, et en particulier depuis l’évacuation sanitaire du requérant dans le courant du mois de mars 2012, en soulignant ceux qui, selon cette autorité, étaient démonstratifs des manquements reprochés au requérant. Ainsi, l’AHCC relevait plusieurs éléments factuels concrets dont il ressortait, selon elle, que, au regard de ses obligations statutaires, le requérant avait omis de tenir l’administration informée, notamment le service des ressources humaines de la délégation à Kiev, en ne lui fournissant pas en temps utile chacune des adresses auxquelles il avait successivement séjourné au cours des années 2012 et 2013.

32      Il a été précisé dans la décision de rejet de la réclamation de 2014 que le défaut de coopération reproché au requérant visait son comportement non seulement dans le cadre de la procédure d’invalidité, mais aussi à l’égard du contrôle médical relatif à son congé de maladie et à son évacuation sanitaire. L’AHCC a également mentionné, en ce qui concerne la rupture du lien de confiance, le fait que le requérant avait menacé le SEAE de divulguer ou de publier des documents ou des notes relatifs à des erreurs ou à des manquements qui auraient été commis par ce service ou par la Commission et que, entre le mois de décembre 2012 et le mois d’août 2013, le requérant avait introduit onze demandes ou réclamations, visant à l’ouverture d’enquêtes administratives, à l’engagement de poursuites disciplinaires ou au paiement de dommages et intérêts, demandes et réclamations qui avaient toutes donné lieu à des décisions de rejet. En outre, l’AHCC a fait état des difficultés concrètes auxquelles la délégation à Kiev a été confrontée en raison de l’absence prolongée du requérant, la charge de travail de ce dernier ayant été entièrement reportée sur le seul membre du personnel qui exerçait les mêmes fonctions que lui.

33      Le requérant a introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 8 décembre 2014 par lequel il demandait notamment, en substance, l’annulation de la décision de résiliation initiale ainsi que la condamnation du SEAE à lui payer un montant correspondant à la différence entre les salaires qu’il aurait perçus en l’absence de résiliation de son contrat et les salaires et les prestations qu’il avait effectivement perçus. Afin d’appuyer ce recours, il a annexé à la requête de première instance un certain nombre de pièces.

34      Par l’arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE (F‑137/14, EU:F:2016:14), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de résiliation initiale pour violation du droit d’être entendu. Cet arrêt est devenu définitif.

35      Le 30 juin 2016, l’AHCC a informé le requérant de son intention de mettre de nouveau fin à son contrat, conformément à l’article 47, sous c), i), du RAA, pour les motifs mentionnés dans la décision de résiliation initiale, l’invitant à faire connaître ses observations à cet égard.

36      Dans ses observations en réponse, transmises par lettre du 28 juillet 2016, le requérant a contesté le bien-fondé de ce projet de décision, réitérant l’essentiel des critiques qu’il avait émises à l’égard de la décision de résiliation initiale. Il a également souligné, s’agissant du second motif, relatif à l’intérêt du service, que l’opportunité de le licencier au cours de l’année 2016 ne pouvait pas être évaluée sur la base de la situation au sein de la délégation à Kiev telle que cette situation se présentait au moment de l’adoption de la décision de résiliation initiale, intervenue au cours de l’année 2014, en raison de la réorganisation du service informatique qui a entraîné le transfert des fonctions de support informatique régional vers une autre délégation.

37      Par la décision litigieuse, l’AHCC a mis fin au contrat d’engagement du requérant avec effet au 19 juin 2017. En ce qui concerne le premier motif de licenciement, en dépit des éléments invoqués par le requérant dans ses observations, l’AHCC a maintenu que le comportement de ce dernier entre le 1er janvier 2011 et la fin de l’année 2013 avait provoqué une rupture du lien de confiance entre les parties. S’agissant du second motif de licenciement, relatif à l’intérêt du service au regard de la situation de la délégation à Kiev, l’AHCC a admis que la situation au sein de cette délégation s’était modifiée depuis l’année 2014. Néanmoins, sur la base d’un nouvel examen de la situation générale du personnel du SEAE, y compris dans les délégations, et des besoins du service, l’AHCC a considéré qu’il n’existait aucun besoin prévisible en personnel informatique supplémentaire au sein du SEAE et qu’elle ne voyait, dès lors, pas de possibilité de proposer au requérant un poste correspondant à sa qualification et à ses compétences professionnelles.

38      Le 18 décembre 2016, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse.

39      Par décision du 19 avril 2017, l’AHCC a rejeté cette réclamation.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 juillet 2017, le requérant a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision litigieuse et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il a prétendument subi.

41      À l’appui de son premier chef de conclusions visant à l’annulation de la décision litigieuse, le requérant a soulevé trois moyens tirés, le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne les reproches formulés par l’AHCC dans la décision litigieuse et l’intérêt du service invoqué dans ladite décision, le deuxième, d’une violation par le SEAE de son devoir de sollicitude, des principes de bonne administration et de proportionnalité ainsi que des articles 30 et 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et, le troisième, d’une violation du droit d’être entendu concernant le motif de la décision litigieuse relatif à l’intérêt du service.

42      Au soutien de son second chef de conclusions, visant à la réparation du préjudice moral prétendument subi, le requérant a soutenu que sa santé physique et psychique avait été affectée par la décision litigieuse, et ce dans une mesure extraordinaire en raison de son état de vulnérabilité.

43      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son ensemble et a condamné le requérant aux dépens, y compris aux dépens liés à un incident de procédure résultant de la divulgation par cette partie de pièces de procédure à des personnes tierces dans une situation où ces pièces n’avaient pas été transmises aux fins de la défense de la cause de ladite partie.

 Les conclusions des parties devant la Cour

44      Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué, et

–        à titre principal, d’annuler la décision litigieuse et de condamner le SEAE à réparer le préjudice immatériel qu’il a subi, ou

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal après l’annulation de l’arrêt attaqué et de condamner le SEAE aux dépens des deux instances.

45      Le SEAE demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi comme étant partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé dans son ensemble, et

–        de condamner le requérant aux dépens.

 Sur le pourvoi

46      À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque sept moyens tirés, le premier, d’une violation du droit à être équitablement entendu, le deuxième, d’une erreur d’appréciation du Tribunal concernant la violation par le SEAE de son devoir de sollicitude, le troisième, d’erreurs de droit dans l’appréciation du manquement à ses obligations d’information et de coopération envers l’administration au regard de son affection psychologique, le quatrième, d’une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 7 de l’annexe II du statut, le cinquième, d’une erreur de droit dans l’appréciation de la rupture du lien de confiance entre les parties, le sixième, d’une dénaturation des faits, et, le septième, visant les dépens, d’une violation de l’article 17 bis du statut.

47      À titre liminaire, il convient de relever que l’ensemble des moyens du présent pourvoi, à l’exception du septième, visent le premier motif de licenciement ayant trait à la rupture du lien de confiance.

48      À cet égard, avant d’examiner chaque moyen individuellement, il convient d’indiquer que le Tribunal a relevé que le constat de cette rupture du lien de confiance était motivé par l’allégation de divers comportements du requérant depuis son évacuation sanitaire au mois de mars 2012. Au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que ces comportements, qui avaient été estimés contraires au statut ainsi qu’au devoir de coopération et de loyauté du requérant envers l’administration, étaient, premièrement, le non-respect de ses obligations statutaires concernant son lieu de résidence après son évacuation sanitaire, deuxièmement, le manque de coopération dans le cadre du suivi de sa situation médicale, troisièmement, la profération de menaces de divulgation ou de publication de documents ou d’informations relatifs au SEAE ou au service médical, et, quatrièmement, l’introduction, au mois de mars 2013, d’une réclamation et de plusieurs demandes au titre de l’article 24 ou de l’article 90, paragraphe 1, du statut ayant toutes fait l’objet de décisions de rejet. Au point 58 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que ce premier motif de licenciement procédait d’une appréciation globale de divers comportements reprochés au requérant dans la décision de résiliation initiale, telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation de 2014, et que, par conséquent, ces comportements devaient être examinés non pas isolément, mais dans leur ensemble.

 Sur le premier moyen

49      Par son premier moyen, qui se divise en deux branches, le requérant reproche au Tribunal d’avoir violé son droit à un procès équitable, tel que consacré par l’article 47, paragraphe 2, de la Charte.

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

50      Par la première branche du premier moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir restreint ses possibilités de défense, dès lors que ce dernier n’a pas fait droit à sa demande tendant à contraindre le SEAE à présenter les courriels pertinents relatifs aux faits qui lui ont été reprochés. Il fait valoir qu’il a été informé pour la première fois au mois de janvier 2014, dans le cadre de la décision de résiliation initiale, qu’un manquement à ses obligations d’information de son lieu de séjour durant son congé de maladie envers l’administration lui était reproché. Or, à ce moment, faute d’accès à son compte de courrier électronique de service, il n’aurait plus disposé de l’ensemble de la correspondance avec l’administration, mais aurait disposé uniquement des courriels allant jusqu’aux environs du mois de février 2012 et de quelques courriels isolés postérieurs. Partant, et ainsi qu’il l’a indiqué au point 63 de sa requête de première instance, le requérant estime qu’il ne pouvait plus vérifier s’il y avait des informations pertinentes dans les nombreux autres courriels échangés avec l’administration. En outre, en raison notamment de son affection psychologique, il n’aurait pas été en mesure de rappeler et d’invoquer plus précisément les différents courriels envoyés afin d’informer l’administration de son lieu de séjour, de sorte que le Tribunal aurait dû ordonner au SEAE de les présenter afin qu’il ne soit pas porté atteinte à sa capacité à assurer sa défense.

51      Le SEAE soutient que cette branche doit être rejetée comme étant non fondée, dans la mesure où le requérant a eu la possibilité de se défendre dans le cadre de la procédure contradictoire en première instance et que le Tribunal n’a rien fait d’autre que de statuer sur la base du contenu du dossier.

–       Appréciation de la Cour

52      La première branche du premier moyen est tirée, en substance, d’une violation du droit à un procès équitable en raison du fait que le Tribunal n’a pas fait droit à la demande du requérant tendant à contraindre le SEAE, vraisemblablement au moyen de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction, à présenter des preuves potentiellement à sa décharge contenues dans les courriels échangés entre lui-même et le SEAE pendant son congé de maladie, auxquels il n’avait plus accès à la date de l’adoption de la décision de résiliation initiale. Plus précisément, selon le requérant, ces courriels étaient susceptibles de contenir des informations relatives à son lieu de séjour qu’il a communiquées à l’administration du SEAE.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, s’agissant de l’appréciation, par le juge de première instance, de demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 77 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 26 septembre 2019, Barata/Parlement, C‑71/19 P, non publiée, EU:C:2019:793, point 52). Il appartient donc au seul Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande de mesure d’organisation de la procédure par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P et C‑137/07 P, EU:C:2009:576, point 320).

54      En effet, le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, laquelle échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (arrêts du 12 juin 2014, Deltafina/Commission, C‑578/11 P, EU:C:2014:1742, point 67 et jurisprudence citée, ainsi que du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 108).

55      En l’espèce, dans la mesure où le Tribunal a estimé, notamment aux points 63 à 71 de l’arrêt attaqué, qu’il possédait suffisamment d’indices, sur la base du dossier, confirmant le comportement reproché au requérant relatif au respect de ses obligations d’information ou d’obtention d’une autorisation en ce qui concerne les lieux de résidence de ce dernier durant son congé de maladie, et que le requérant ne précise pas, dans le cadre de la première branche du premier moyen, en quoi le Tribunal aurait procédé à une dénaturation en relation avec ces éléments de preuve ou les raisons pour lesquelles les constatations effectuées par celui-ci seraient matériellement inexactes, il convient de rejeter cette branche comme étant irrecevable.

56      De surcroît, dans la mesure où, dans le cadre du sixième moyen, le requérant soutient que, notamment aux points 64 à 66 et 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé les faits ou omis de prendre en compte des preuves qu’il avait présentées en première instance, il convient de relever que, ainsi qu’il sera conclu dans le cadre de l’examen du sixième moyen, notamment aux points 110, 119, 124, 129 et 135 du présent arrêt, le requérant ne démontre pas que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve relatifs à son comportement.

 Sur la seconde branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

57      Par la seconde branche du premier moyen, le requérant fait grief au Tribunal d’avoir violé son droit à être équitablement entendu, en ce qu’il se serait montré plus exigeant à son égard, dans la présentation de sa requête de première instance, qu’à l’égard du SEAE dans la motivation de la décision litigieuse.

58      Plus précisément, il fait valoir que, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la partie requérante était tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présentait, et qu’il ne pouvait être contraint, du fait du manque de structure de la requête de première instance ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de cette requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. En revanche, aux points 46 à 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait accepté que le fondement et le contenu de la décision litigieuse soient déterminés eu égard aux renvois explicites et implicites que comportait cette décision, sans exiger que le SEAE soit tenu de les exposer lui-même d’une manière suffisamment systématique.

59      Le SEAE conteste l’argumentation soulevée par le requérant à l’appui de la seconde branche du premier moyen.

–       Appréciation de la Cour

60      Il convient de constater, d’une part, que, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait que tirer les conséquences de la jurisprudence constante du Tribunal, citée aux points 41 et 42 dudit arrêt, sur l’application de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

61      En effet, au point 44 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a simplement considéré qu’il découlait de cette jurisprudence que la partie requérante est tenue d’exposer d’une manière suffisamment systématique les développements relatifs à chaque moyen qu’elle présente, sans que le Tribunal puisse être contraint, du fait du manque de structure de la requête ou de rigueur de cette partie, de reconstituer l’articulation juridique censée soutenir un moyen en rassemblant divers éléments épars de cette requête, au risque de reconstruire ce moyen en lui donnant une portée qu’il n’avait pas dans l’esprit de ladite partie. Audit point, le Tribunal a estimé qu’en décider autrement serait contraire, à la fois, à une bonne administration de la justice, au principe dispositif ainsi qu’aux droits de la défense de la partie défenderesse.

62      Il s’ensuit que le point 44 de l’arrêt attaqué, dans la mesure où, à ce point, le Tribunal n’a pas imposé des exigences relatives à la présentation de la requête allant au-delà des exigences d’application générale prévues pour toutes les requêtes par le statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure du Tribunal, ne saurait constituer une violation du droit d’être entendu.

63      D’autre part, cette conclusion ne saurait être infirmée par la simple constatation du Tribunal, aux points 46 à 49 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la motivation de la décision litigieuse renvoie à la lettre du 30 juin 2016, laquelle se réfère à la décision de résiliation initiale, qui, à son tour, est elle-même indissociable de la décision de rejet de la réclamation de 2014. En effet, les exigences rappelées au point 44 dudit arrêt, telles qu’elles découlent notamment de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, concernent exclusivement le contenu de la requête et ne sauraient être appliquées, par analogie, au contenu de l’acte attaqué, et donc au contenu de la décision litigieuse. Par conséquent, le Tribunal n’a pas traité de manière plus favorable le SEAE que le requérant à cet égard.

64      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’écarter la seconde branche du premier moyen et de rejeter comme étant non fondé le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

65      Par son deuxième moyen, qui vise particulièrement les points 114, 117 et 122 à 124 de l’arrêt attaqué, le requérant fait valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le SEAE n’avait pas violé son devoir de sollicitude à son égard, alors que le SEAE aurait dû, premièrement, lui adresser un avertissement concernant le manquement aux obligations d’information pendant la période de congé de maladie qui lui était reproché dans la décision litigieuse, notamment eu égard au fait qu’il souffrait d’une affection psychologique grave, deuxièmement, le soutenir dans le cadre de sa maladie, notamment entre la fin de l’année 2011 et le mois de mars 2012, et, troisièmement, procéder à des vérifications sur la question de savoir si les manquements qui lui étaient reprochés dans le cadre du premier motif de licenciement pouvaient découler de cette affection.

66      Le SEAE fait valoir que ce deuxième moyen est irrecevable en ce que le requérant tente essentiellement d’obtenir une nouvelle appréciation des faits.

 Appréciation de la Cour

67      À titre liminaire, il convient de relever que la Cour a défini le devoir de sollicitude comme une notion reflétant l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’administration et les agents du service public, étant précisé que cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, points 22 et 23, ainsi que du 4 juin 2020, Schokker/AESA, C‑310/19 P, non publié, EU:C:2020:435, point 55). Cela ressort également du principe de bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte.

68      D’une part, s’agissant de la question de savoir si le devoir de sollicitude incombant à l’administration comporte l’obligation pour celle-ci d’adresser aux agents, dans une situation telle que visée en l’espèce, un avertissement concernant un manquement à leurs obligations d’information, il convient d’observer que le Tribunal a considéré, au point 123 de l’arrêt attaqué, en se référant au point 95 dudit arrêt, que de tels avertissements avaient effectivement été faits à l’égard du requérant. À ce dernier point, le Tribunal a relevé que la rupture du lien de confiance avait résulté non pas d’un comportement unique, mais d’une succession de comportements légitimement considérés comme inappropriés, et que, ainsi qu’il a été relevé notamment au point 76 du même arrêt, plusieurs de ces comportements ont donné lieu à des mises au point quant à leur caractère inapproprié. Audit point 76, le Tribunal s’est référé à deux courriels du service médical des 16 juillet et 27 septembre 2012 ainsi qu’aux courriels du SEAE des 30 septembre et 1er octobre 2012, selon lesquels l’administration a attiré l’attention du requérant sur l’obligation de coopérer avec elle dans le cadre du suivi de sa situation médicale et sur les conséquences administratives et disciplinaires qu’il encourait en cas de refus. Toutefois, ces mises au point ont été largement ignorées par le requérant. Par ailleurs, au point 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, indépendamment de leur portée ponctuelle, lesdites mises au point étaient de nature, notamment du fait de leur répétition, à amener le requérant à s’interroger de manière générale sur l’adéquation de son comportement à l’égard de l’administration. Dans ce contexte, le Tribunal a estimé, audit point, qu’il ne saurait être considéré que le requérant a malgré tout fait preuve de bonne volonté, ni, d’ailleurs, que l’administration a fait naître chez lui la croyance légitime que son comportement n’entraînerait pas de conséquence juridique, y compris quant à la poursuite de son contrat.

69      En outre, le Tribunal a estimé, au point 97 de l’arrêt attaqué, que, en raison du large pouvoir d’appréciation dont disposait l’AHCC en cas de faute susceptible de justifier le licenciement d’un agent temporaire, rien ne l’obligeait à engager une procédure disciplinaire à l’encontre du requérant plutôt que de recourir à la faculté de résiliation unilatérale du contrat prévue à l’article 47, sous c), du RAA.

70      Il s’ensuit que, si le Tribunal ne s’est pas référé à un « avertissement » par lequel l’administration aurait expressément ou formellement informé le requérant que le non-respect des obligations d’information et de coopération aboutirait à son licenciement, il n’en demeure pas moins que le Tribunal s’est référé à des mises au point indiquant que le non-respect de ces obligations comporterait des conséquences administratives et disciplinaires.

71      Dans ces conditions, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit.

72      D’autre part, il convient de relever que, en premier lieu, le requérant n’invoque, sur ce point, aucune dénaturation par le Tribunal des éléments de fait ou de preuve mais se borne essentiellement à répéter les arguments avancés en première instance sans préciser quelles auraient été les erreurs de droit et d’appréciation commises par le Tribunal s’agissant du devoir de sollicitude, en deuxième lieu, s’agissant du prétendu manque de soutien du SEAE dans le cadre de la maladie du requérant et de la violation de dispositions applicables en cas d’urgence psychiatrique, le requérant se borne à faire valoir que le Tribunal n’a pas, au point 122 de l’arrêt attaqué, suffisamment pris en compte ses arguments, et, en troisième lieu, s’agissant de la prétendue absence d’examen de l’imputabilité à son état de santé des manquements qui lui ont été reprochés, le requérant conteste, en substance, l’appréciation du Tribunal, au point 124 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, dès lors qu’aucun indice ne conduisait à présumer que les manquements qui lui étaient reprochés pouvaient découler de son affection psychologique, il ne saurait être fait grief au SEAE de ne pas avoir entamé d’investigation.

73      Ainsi, par cette argumentation, le requérant, sans soulever de dénaturation, vise clairement à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits constatés par le Tribunal

74      Or, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le requérant ne saurait, par conséquent, obtenir de la Cour que celle‑ci substitue sa propre appréciation à celle du Tribunal. Selon une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 26 janvier 2017, Zucchetti Rubinetteria/Commission, C‑618/13 P, EU:C:2017:48, point 68, et du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 79).

75      Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

76      Par son troisième moyen, qui vise les points 121 à 125, 137 et 142 de l’arrêt attaqué, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit manifestes dans le cadre de l’appréciation des manquements à ses obligations d’information et de coopération envers l’administration qui lui étaient reprochés. Plus précisément, le Tribunal aurait omis de prendre en compte l’affection psychologique du requérant dans le cadre de l’appréciation du comportement de celui-ci, à tout le moins pour réduire la gravité de ces manquements, voire pour l’exonérer de toute responsabilité.

77      Premièrement, le requérant fait valoir que le Tribunal était tenu de vérifier si les manquements qui lui étaient reprochés ont été causés ou favorisés par les conséquences de l’affection psychologique. Toutefois, le Tribunal n’aurait pas procédé à une telle vérification et aurait, au contraire, considéré d’emblée qu’une telle vérification n’était pas nécessaire. En effet, le Tribunal aurait affirmé, au point 71 de l’arrêt attaqué, que le requérant ne pouvait pas se prévaloir de son état de santé pour justifier le non‑respect de ses obligations découlant du statut en ce qui concerne son lieu de séjour. Or, selon le requérant, une telle affirmation est fondée sur une hypothèse totalement erronée et manifestement dépourvue de fondement en droit.

78      Deuxièmement, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait relevé que le requérant a adressé de nombreuses communications à l’administration durant son congé de maladie pour conclure que celui‑ci était capable d’assurer un suivi normal de ses affaires sur le plan administratif. Or, ce raisonnement serait erroné dans la mesure où une personne souffrant de troubles psychiques graves affectant sa capacité à percevoir ou à apprécier les faits peut, malgré tout, rédiger et envoyer de nombreux courriels. En l’occurrence, l’affection psychologique du requérant l’aurait empêché de « fonctionner normalement », ainsi que cela ressort des avis médicaux produits par celui-ci en première instance. Par ailleurs, en l’absence d’une autre expertise médicale contredisant ces avis médicaux, le Tribunal n’aurait pas pu simplement déduire la capacité du requérant de « fonctionner normalement » du simple fait qu’il y a eu des échanges de correspondance entre celui-ci et l’administration.

79      Troisièmement, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé aux points 98 et 124 de l’arrêt attaqué, le fait que le requérant a pu se faire conseiller par des tiers, notamment sur le plan juridique, ne signifie pas qu’il était à même d’agir conformément à ces conseils, en dépit de son affection psychologique.

80      Quatrièmement, le Tribunal n’aurait pas non plus pris en considération le fait que le SEAE a tenu compte des conséquences de l’affection psychologique du requérant de façon défavorable, celui-ci ayant été licencié en raison, à tout le moins partiellement, de cette affection. À cet égard, contrairement à ce que soutient le Tribunal au point 99 de l’arrêt attaqué, cette conclusion aurait bien été étayée aux points 51, 73, 93 et 124 de sa requête de première instance.

81      Le SEAE fait valoir que le requérant n’avance aucun argument expliquant en quoi les constatations du Tribunal seraient entachées d’une erreur de droit. Le requérant se contenterait d’affirmer de manière très générale que le Tribunal a commis des « erreurs de droit manifestes » dans le cadre de l’appréciation de la « faute » commise par celui-ci en invoquant, à l’appui de son argumentation, des exemples abstraits et simplistes, qui ne sont en aucune manière transposables aux circonstances factuelles à l’origine de la procédure portée devant le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

82      Par son troisième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit en jugeant, en substance, qu’il ne saurait exciper de son état de santé pour justifier l’inobservation des obligations statutaires relatives à ses lieux de résidence.

83      À cet égard, en premier lieu, ainsi que le Tribunal l’a justement constaté au point 71 de l’arrêt attaqué, l’article 59, paragraphe 1, et l’article 60 du statut, qui portent sur les obligations d’information du lieu de résidence, s’appliquent exclusivement en cas de congé de maladie. En effet, il ressort clairement du libellé de l’article 60, second alinéa, du statut que, lorsqu’un fonctionnaire désire effectuer son congé de maladie dans un lieu autre que celui de son affectation, il est tenu d’obtenir préalablement l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Ainsi, le libellé de cette disposition est clair, explicite et ne prévoit pas de dérogation à l’obligation d’obtenir une autorisation préalable, qui serait liée à la nature de l’affection, telle qu’un problème de nature psychologique ou psychiatrique.

84      Partant, il convient de conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en estimant, notamment au point 71 de l’arrêt attaqué, que, en principe, un état de maladie ne peut pas justifier un manquement au respect des obligations imposées par lesdites dispositions.

85      En second lieu, le requérant n’invoque aucun élément susceptible d’étayer son argumentation selon laquelle l’affection psychologique dont il souffrait présentait des spécificités telles qu’elle était de nature à justifier un tel manquement.

86      Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

87      Par son quatrième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de l’article 7 de l’annexe II du statut. Plus précisément, il fait grief au Tribunal d’avoir estimé, au point 78 de l’arrêt attaqué, qu’il avait manqué à son obligation de coopération dans le cadre de la procédure d’invalidité en refusant de désigner lui-même son médecin pour la commission d’invalidité.

88      Selon le requérant, d’une part, le Tribunal n’aurait pas dû examiner cet élément, dès lors que la décision litigieuse n’était pas fondée sur ledit élément et que le SEAE ne lui reprochait donc pas un tel comportement. Le Tribunal aurait donc motivé l’arrêt attaqué en invoquant une circonstance qui n’a pas été retenue contre le requérant par le SEAE dans la motivation de cette décision.

89      D’autre part, à supposer même que le prétendu refus du requérant ait fait partie de la motivation de la décision litigieuse, les médecins consultés par lui auraient refusé de participer à la procédure d’invalidité, de sorte qu’un manquement à l’obligation de coopération ne lui serait pas imputable. En effet, il découlerait de la décision de rejet de la réclamation de 2014 que les médecins consultés par le requérant n’avaient pas consenti à participer à la procédure d’invalidité, compte tenu, notamment, du fait qu’ils auraient été accusés de délivrer des certificats de complaisance. Toutefois, cette circonstance ne saurait être imputée au requérant.

90      Le SEAE fait valoir que le grief soulevé par le requérant, selon lequel le Tribunal aurait appliqué l’article 7 de l’annexe II du statut en commettant une erreur de droit est inopérant, tout comme est inopérant le grief selon lequel le Tribunal aurait invoqué une circonstance que le SEAE n’avait pas prise en considération lors de la résiliation du contrat de l’intéressé.

 Appréciation de la Cour

91      À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal a précisé, au point 48 de l’arrêt attaqué, que le contenu de la décision litigieuse devait être déterminé en tenant compte des motifs de la décision de résiliation initiale telle que complétée, notamment, par la décision de rejet de la réclamation de 2014. Le Tribunal en a déduit que la décision litigieuse était notamment fondée sur le constat, opéré au mois de janvier 2014, d’une rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant, motivé par divers comportements de ce dernier depuis son évacuation sanitaire au mois de mars 2012, dont, particulièrement, un manque de coopération dans le cadre du suivi de sa situation médicale. C’est dans le cadre de l’appréciation de cette rupture du lien de confiance entre le SEAE et le requérant que le Tribunal a, au point 78 de l’arrêt attaqué, constaté, entre autres éléments, et sur la base du contenu de la réclamation de 2014, un certain manque de coopération de la part de ce dernier dans le déroulement de la procédure d’invalidité.

92      Ainsi, premièrement, contrairement à ce que soutient le requérant, dans la mesure où le manque de coopération était expressément mentionné dans la décision de rejet de la réclamation de 2014, le grief selon lequel le Tribunal aurait motivé l’arrêt attaqué en invoquant une circonstance qui n’a pas été retenue contre le requérant par le SEAE doit être considéré comme étant non fondé.

93      Deuxièmement, ainsi qu’il ressort clairement du point 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a ni interprété ni appliqué l’article 7 de l’annexe II du statut, mais a simplement constaté que, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 14 décembre 1966, Alfieri/Parlement, 3/66, EU:C:1966:55, p. 634, 650 et 651), le requérant avait manqué à son devoir fondamental de loyauté et de coopération en ne procédant pas à la désignation du médecin appelé à siéger dans la commission d’invalidité et que, du fait de cette carence, le deuxième alinéa de cette disposition trouvait à s’appliquer.

94      Troisièmement, et en tout état de cause, le requérant ne conteste pas la matérialité de ladite carence en tant que telle, mais prétend qu’elle ne saurait lui être imputée. Or, dans la mesure où le contrôle de la Cour sur les constatations de fait opérées par le Tribunal s’étend, entre autres, à l’inexactitude matérielle de ces constatations résultant des pièces du dossier, à la dénaturation des éléments de preuve et à la qualification juridique de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêts du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 39, ainsi que du 29 novembre 2018, Bank Tejarat/Conseil, C‑248/17 P, EU:C:2018:967, point 37), il convient de relever qu’une telle prétention est dénuée de fondement. En effet, force est de constater que la décision de rejet de la réclamation de 2014 fait référence à une note téléphonique du 31 octobre 2013 du médecin responsable pour la procédure d’invalidité, rendant compte d’une conversation téléphonique du 14 février 2013 au cours de laquelle le requérant a déclaré avoir reçu la lettre indiquant qu’il devait nommer son médecin, mais qu’il ne voulait pas procéder à cette nomination.

95      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

96      Par son cinquième moyen, qui vise le point 91 de l’arrêt attaqué, le requérant invoque une erreur de droit dans l’appréciation de la rupture du lien de confiance entre les parties, pour autant que cette rupture a été déduite du fait que celui-ci a introduit une série de demandes ou de réclamations qui ont été rejetées par l’administration. Or, ce fait ne saurait permettre à l’AHCC de conclure qu’il avait manqué à son devoir de coopération et de loyauté. À cet égard, le requérant fait grief au Tribunal d’avoir méconnu que, d’une part, l’introduction de demandes et de réclamations constitue, pour les agents de l’Union, une possibilité essentielle de soumettre à un réexamen les décisions de l’administration et, d’autre part, le fait que les décisions de rejet des réclamations ou des demandes ne font pas l’objet de recours ou de réclamation peut résulter de raisons diverses et ne saurait signifier que l’agent concerné savait dès le début que sa demande ou sa réclamation était non fondée, notamment eu égard aux raisons pour lesquelles il n’a pas introduit de recours. Dès lors, le Tribunal n’aurait pas dû sanctionner l’exercice de ses droits en considérant que son comportement était de nature à conforter la conviction de l’AHCC selon laquelle le lien de confiance était rompu.

97      Le SEAE réfute l’argumentation exposée par le requérant dans le cadre du cinquième moyen comme étant inopérante.

 Appréciation de la Cour

98      Par son cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’appréciation de la rupture du lien de confiance, le requérant fait, en substance, valoir qu’une telle rupture ne saurait être déduite du fait qu’il avait introduit une série de demandes ou de réclamations.

99      À cet égard, il convient de relever que, au point 91 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, sur la base de l’analyse effectuée aux points 87 à 90 dudit arrêt, qu’il ne saurait être considéré comme déraisonnable que l’AHCC ait estimé que l’introduction d’une série de demandes ou de réclamations, qui ont été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées et n’ont pas fait l’objet, respectivement, de réclamations ou de recours, était un élément de nature à conforter la conviction de l’AHCC selon laquelle le requérant ne faisait plus preuve envers l’administration de la coopération et de la loyauté qui sont intimement liées à la relation de confiance entre celle-ci et ses agents.

100    En effet, l’obligation de loyauté impose non seulement que le fonctionnaire concerné s’abstienne de conduites attentatoires à la dignité de la fonction et au respect dû à l’institution et à ses autorités, mais également qu’il fasse preuve, d’autant plus s’il a un grade élevé, d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre cette institution et lui-même soient toujours préservés.

101    Sur la base de ces considérations, il ne saurait donc être exclu qu’une certaine forme de quérulence, se traduisant, comme en l’espèce, par l’introduction dans un très court laps de temps d’un nombre particulièrement élevé de demandes et de réclamations, puisse justifier ou corroborer la constatation d’un manquement au devoir de loyauté et de coopération du fonctionnaire ou de l’agent concerné à l’égard de l’administration.

102    Le Tribunal a, d’ailleurs, nuancé son analyse en reconnaissant, d’une part, au point 91 de l’arrêt attaqué, que l’introduction des demandes et des réclamations était de nature à conforter la conviction de l’AHCC et, d’autre part, au point 90 dudit arrêt, qu’il ne peut pas être fait grief à un fonctionnaire ou à un agent de chercher à assurer la défense de ses droits.

103    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen

104    Par son sixième moyen, qui s’articule en cinq branches, le requérant fait valoir que, aux points 64 à 66, 70, 72, 76, 90, 95, 96 et 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis de nombreuses dénaturations des faits en fondant ledit arrêt sur des faits qui ne résultent pas des pièces du dossier. Chacune de ces dénaturations suffirait, à elle seule, à annuler l’arrêt attaqué et devrait conduire la Cour à faire droit aux conclusions du requérant ou, à tout le moins, à renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

 Sur la première branche du sixième moyen

–       Argumentation des parties

105    Par la première branche du sixième moyen, qui vise le point 64 de l’arrêt attaqué, le requérant reproche au Tribunal d’avoir dénaturé les preuves relatives au prétendu rappel des obligations qui lui incombaient au titre du statut, en se référant à un courriel de sa supérieure hiérarchique, Mme R., du 16 mars 2012, qui, selon le requérant, ne contenait aucunement un tel rappel.

106    Le SEAE propose de rejeter l’ensemble des griefs soulevés dans le cadre du sixième moyen comme étant irrecevables dans la mesure où le requérant tente, en substance, de remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal.

–       Appréciation de la Cour

107    Contrairement à ce qui est avancé par le SEAE, la première branche du sixième moyen est recevable dans la mesure où, par cette branche, le requérant ne tente pas de remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, mais soulève, au contraire, une dénaturation prétendument commise par le Tribunal dans la lecture du courriel du 16 mars 2012.

108    Or, il y a lieu de constater qu’il ressort de l’annexe A.79 de la requête de première instance, qui correspond au courriel de la supérieure hiérarchique du requérant, Mme R., en date du 16 mars 2012, que celui-ci devait obtenir l’autorisation du docteur A.-G. avant de modifier son lieu de résidence durant son congé de maladie pour quelque raison que ce soit et qu’il avait été informé de la personne qu’il devait contacter au sein de la délégation à Kiev pour le suivi de son congé de maladie.

109    Il ressort donc du contenu même de cette annexe A.79 que le Tribunal n’a aucunement dénaturé ce document en estimant qu’il contenait un rappel des obligations qui incombaient au requérant au titre du statut.

110    Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du sixième moyen comme étant non fondée.

 Sur la deuxième branche du sixième moyen

–       Argumentation des parties

111    Par la deuxième branche du sixième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir erronément considéré, aux points 65, 66 et 70 de l’arrêt attaqué, qu’il avait manqué à son obligation d’informer l’administration de son lieu de séjour, alors que la conclusion inverse ressort des pièces du dossier.

112    Premièrement, selon le requérant, ainsi qu’il ressort du courriel du 30 mai 2012 figurant à l’annexe A.41 de la requête de première instance, le Tribunal a méconnu, d’une part, le fait que, le 30 mai 2012, date à laquelle il a quitté l’hôpital Charité à Berlin, il n’avait pas « changé de résidence » et, d’autre part, qu’il avait contacté ce même jour le service médical en leur transmettant le rapport de l’hôpital, qui figure à l’annexe A.38 de cette requête, et en demandant la permission de suivre le traitement ambulatoire à proximité de sa famille vivant en Forêt-Noire, ainsi qu’il résulte de l’annexe A.41 de ladite requête. Cette dernière demande étant restée sans réponse, le 1er juin 2012, le requérant aurait recontacté le service médical et réitéré cette demande, ainsi qu’il résulte de l’annexe A.42 de la requête de première instance, ladite demande étant également restée sans réponse. Par ailleurs, le 3 juin 2012, le requérant aurait écrit à sa supérieure hiérarchique pour l’informer, entre autres éléments, qu’il n’avait reçu aucune réponse du service médical concernant son futur lieu de résidence, cette lettre figurant à l’annexe A.43 de cette requête. À cet égard, le Tribunal aurait passé sous silence le fait que ni le service médical, ni sa supérieure hiérarchique, ni la division MDR C3 du SEAE n’ont répondu aux demandes répétées du requérant concernant son lieu de séjour. De surcroît, ce comportement de l’administration aurait laissé entendre au requérant que ses demandes concernant son lieu de séjour étaient insignifiantes.

113    Deuxièmement, quant à l’affirmation, au point 65 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le requérant aurait indépendamment de toute hospitalisation changé de résidence à Berlin après le 30 mai 2012, celle-ci serait erronée, dès lors que, d’une part, elle ne tient pas compte du fait que l’administration avait antérieurement confirmé au requérant qu’un changement de résidence ne devait être communiqué que s’il quittait Berlin et, d’autre part, ce changement de résidence faisait suite à la fin de son hospitalisation à Berlin. Or, le requérant ne pouvant pas maintenir sa résidence dans l’hôpital en cause, le Tribunal ne saurait qualifier la fin de son hospitalisation de « changement de résidence ».

114    Troisièmement, le Tribunal n’aurait, au point 66 de l’arrêt attaqué, pas pris en considération le fait qu’il avait déjà informé l’administration de sa nouvelle adresse à Berlin par un courriel du 6 décembre 2012 figurant à l’annexe A.77 de la requête de première instance, ainsi que de son lieu de séjour par courriels à sa supérieure hiérarchique des 19 et 26 mars 2012, figurant à l’annexe A.79 de cette requête.

115    Quatrièmement, selon le requérant, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté erronément et sans appréciation des preuves que les services impliqués dans le suivi des divers aspects de son dossier ont été contraints de déployer des efforts pour le localiser, alors que, d’une part, il n’y a aucun courriel ou courrier qui n’aurait pas pu être distribué au requérant et auquel celui-ci n’aurait pas répondu directement et que, d’autre part, même si le SEAE allègue qu’il n’avait pas été joignable les 23 et 24 avril 2012, il y a eu un échange de courriels les mêmes jours prouvant le contraire, ainsi qu’il résulte de l’annexe A.36 de la requête de première instance.

116    Le SEAE considère que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable pour la même raison que celle exposée au point 106 du présent arrêt. Cette deuxième branche ne serait qu’une répétition de l’argumentation exposée dans la requête de première instance, par laquelle le requérant a tenté d’excuser son manque de collaboration en prétendant, notamment, que certaines de ses propres communications indiquaient des adresses précises, ou que l’administration aurait pu prendre des mesures afin de le contacter. Une telle approche omettrait de prendre en compte la motivation de l’arrêt attaqué dans son ensemble.

–       Appréciation de la Cour

117    Contrairement à ce qui est avancé par le SEAE, la deuxième branche du sixième moyen est recevable dans la mesure où, comme dans le cadre de la première branche de ce moyen, le requérant ne tente pas de remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, mais soulève la dénaturation d’une série d’éléments de preuve.

118    Cependant, l’examen des différents éléments de preuve invoqués par le requérant dans le cadre de la deuxième branche du sixième moyen afin d’établir les dénaturations et les omissions reprochées au Tribunal ne permet pas de conclure que ce dernier a, aux points 65, 66 et 70 de l’arrêt attaqué, manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable de ces éléments. En effet, lesdits éléments portent notamment sur les modalités de l’évacuation sanitaire du requérant et ne comportent, par conséquent, aucune information sur les changements de résidence intervenus postérieurement à l’hospitalisation de celui-ci à Berlin.

119    Dès lors, la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la troisième branche du sixième moyen

–       Argumentation des parties

120    Par la troisième branche du sixième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a manqué à son obligation d’appréciation des preuves, dès lors qu’il a constaté, au point 72 de l’arrêt attaqué, que les services impliqués dans le cadre du suivi de sa situation médicale avaient été contraints de déployer des efforts pour tenter de connaître sa situation administrative, ainsi qu’il résultait du courriel de sa supérieure hiérarchique, Mme R., du 5 juillet 2012, ou d’obtenir des informations, ainsi qu’il résultait du courriel du docteur S. D. du 24 mai 2012, dans lequel celui-ci s’étonnait de n’avoir pas été informé du traitement et de l’évolution de son affection physiologique. Le requérant précise, à cet égard, d’une part, que, le contenu du courriel du 24 mai 2012 étant contesté, notamment parce que les affirmations du docteur S. D. étaient en contradiction avec ses propres déclarations antérieures, le Tribunal aurait dû apprécier les offres de preuve énumérées au point 41 de la requête de première instance, et, d’autre part, que le courriel du 5 juillet 2012 résulte du fait que l’administration n’avait pas introduit dans son système informatique le certificat médical qu’il avait déjà transmis auparavant, ce qui ressort de la réponse du requérant du 12 juillet 2012. Partant, les prétendus « efforts » déployés par l’administration consisteraient en un courriel de deux lignes envoyé par la supérieure hiérarchique du requérant, auquel celui-ci a répondu à brève échéance, qui faisait simplement état d’un retard, non imputable au requérant, dans le traitement d’un certificat médical transmis antérieurement par celui-ci au service médical. Ainsi, le Tribunal ne tiendrait aucunement compte des éléments de preuve invoqués et passerait sous silence les circonstances favorables au requérant.

121    Le SEAE propose de rejeter la troisième branche du sixième moyen pour la raison exposée au point 106 du présent arrêt. En outre, il précise que, aux points 66 à 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré à bon droit que le requérant avait méconnu la portée des obligations qui lui incombent et avait inversé les rôles respectifs de l’administration et de ses agents.

–       Appréciation de la Cour

122    Par la troisième branche du sixième moyen, le requérant avance, en substance, que, dans le cadre des appréciations effectuées au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a manqué à son obligation d’appréciation des preuves, en omettant de prendre en compte, notamment, les offres de preuve énumérées au point 41 de la requête de première instance, à savoir les annexes A.31 et A.38 à A.40 de cette requête.

123    Toutefois, dans le cadre de cette branche, le requérant n’avance aucun argument quant à une éventuelle dénaturation des preuves, si bien qu’il ne fait que réitérer des affirmations purement factuelles sur la base de preuves présentées en première instance. En d’autres termes, le requérant, sous couvert de reprocher au Tribunal une dénaturation des faits, cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation de ceux-ci en ce qui concerne son manque de coopération dans le cadre du suivi de sa situation médicale.

124    Dès lors, la troisième branche du sixième moyen, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 74 du présent arrêt, doit être écartée comme étant irrecevable.

 Sur la quatrième branche du sixième moyen

–       Argumentation des parties

125    Par la quatrième branche du sixième moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a erronément estimé, aux points 76, 95 et 96 de l’arrêt attaqué, que, eu égard aux mises au point concernant une partie de ses comportements considérés comme inappropriés, il ne saurait être considéré que l’administration a fait naître chez lui la croyance légitime que son comportement n’entraînerait pas de conséquence juridique, y compris quant à la poursuite de son contrat, alors qu’il n’a notamment pas été averti avant la décision litigieuse que le comportement invoqué à l’appui de celle-ci violait les obligations qui lui incombaient et était susceptible de mener à la cessation de son contrat. En effet, le requérant fait observer, à cet égard, d’une part, que le courriel envoyé par M. H. le 1er octobre 2012, figurant à l’annexe A.74 de la requête de première instance, invoquait, tout au plus, une éventuelle diminution de ses droits à congés, voire une suspension du paiement de sa rémunération, mais non la résiliation de son contrat et, d’autre part, que le courriel envoyé par M. H. le 4 juin 2012, figurant à l’annexe A.44 de cette requête, contenait un « avertissement » qui ne concernait pas le comportement qui lui était reproché.

126    Tout comme pour les première à troisième branches du sixième moyen, le SEAE propose de rejeter comme étant irrecevable la quatrième branche de ce moyen.

–       Appréciation de la Cour

127    Par la quatrième branche du sixième moyen, le requérant fait valoir, essentiellement, que, aux points 76, 95 et 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a dénaturé certains éléments de preuve, à savoir les annexes A.74 et A.44 de la requête de première instance, en ce que ces documents ne sauraient constituer des mises au point concernant son comportement à l’égard de l’administration.

128    Cette branche ne saurait être accueillie dans la mesure où le requérant ne prouve pas l’existence d’une dénaturation, mais cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits.

129    Partant, la quatrième branche du sixième moyen doit être écartée comme étant irrecevable.

 Sur la cinquième branche du sixième moyen

–       Argumentation des parties

130    Par la cinquième branche du sixième moyen, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur dans le cadre de l’appréciation du devoir de sollicitude en constatant, au point 124 de l’arrêt attaqué, qu’aucun indice ne conduisait à présumer que les manquements qui lui étaient reprochés dans le cadre du premier motif de licenciement pouvaient découler de son affection psychologique, alors que le contraire ressortait du dossier et de ses allégations précises, accompagnées des offres de preuve, notamment sous forme de certificats médicaux.

131    Le SEAE réitère que les affirmations du requérant doivent être rejetées comme étant irrecevables.

–       Appréciation de la Cour

132    Par la cinquième branche du sixième moyen, qui vise le point 124 de l’arrêt attaqué, le requérant reproche au Tribunal d’avoir omis de prendre en compte les nombreuses offres de preuve, notamment sous forme de certificats médicaux, présentées en première instance, dans le cadre de l’appréciation du devoir de sollicitude.

133    À cet égard, il convient de rappeler que, au point 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré, notamment, que l’allégation du requérant selon laquelle son affection psychologique ne lui aurait pas permis de « fonctionner toujours normalement » n’était pas démontrée et que, en tout cas, cette affection ne l’empêchait pas de se faire conseiller utilement, ainsi qu’il a été relevé au point 98 dudit arrêt. Or, le requérant, par ladite branche, vise, en substance, à remettre en cause l’appréciation opérée au point 124 du même arrêt, selon laquelle aucun indice ne conduisait à présumer que les manquements qui lui étaient reprochés dans le cadre du premier motif de licenciement pouvaient découler de son affection psychologique.

134    Il s’ensuit que, eu égard à cette analyse, et même s’il ressortait des documents invoqués par le requérant que les manquements pouvaient découler de son affection psychologique, une telle appréciation factuelle qui, au demeurant, est du ressort exclusif du Tribunal ne saurait affecter la conclusion retenue au point 124 de l’arrêt attaqué, lu conjointement avec le point 98 de celui-ci, dans la mesure où, en tout état de cause, le requérant n’a pas prouvé qu’il avait été empêché de se faire conseiller juridiquement par une personne tierce.

135    Partant, la cinquième branche du sixième moyen doit être écartée comme étant inopérante.

136    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le sixième moyen dans son ensemble comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Sur le septième moyen

 Argumentation des parties

137    Par son septième moyen, le requérant conteste sa condamnation aux dépens relatifs à la procédure incidente visée aux points 138 à 153 de l’arrêt attaqué en faisant valoir une violation de l’article 17 bis du statut. Le requérant fait grief au Tribunal d’avoir erronément considéré que sa demande du 27 mars 2013 tendant à être autorisé à publier sur Internet un certain nombre de documents le concernant, qui étaient annexés à ses deux demandes au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut introduites les 20 et 24 mars 2013, était régie par l’article 17 du statut, alors qu’elle relevait du champ d’application de l’article 17 bis du statut.

138    Le SEAE relève, à cet égard, que le requérant se contente d’opposer sa propre conception juridique à celle du Tribunal et de répéter l’argumentation qu’il a exposée dans son mémoire en réplique de première instance. Or, rien ne permettrait d’établir que le Tribunal a commis une erreur de droit.

 Appréciation de la Cour

139    Par son septième moyen, le requérant conteste la mise à sa charge, au point 154 de l’arrêt attaqué, des dépens afférents à la procédure incidente visée aux points 138 à 153 de cet arrêt, en faisant valoir une violation de l’article 17 bis du statut.

140    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où l’ensemble des autres moyens ont été rejetés comme étant irrecevables ou non fondés, le septième moyen, en ce qu’il porte sur les dépens afférents à la procédure devant le Tribunal, doit ipso facto être rejeté comme étant irrecevable.

141    En effet, conformément à une jurisprudence constante, dans une telle hypothèse, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens doivent être rejetées comme étant irrecevables, en application de l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes duquel un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens (voir, notamment, ordonnance du 13 janvier 1995, Roujansky/Conseil, C‑253/94 P, EU:C:1995:4, points 14 et 15 ; arrêts du 14 septembre 1995, Henrichs/Commission, C‑396/93 P, EU:C:1995:280, points 65 et 66, ainsi que du 16 novembre 2017, Ludwig-Bölkow-Systemtechnik/Commission, C‑250/16 P, EU:C:2017:871, point 65).

142    Il découle de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté dans son entièreté.

 Sur les dépens

143    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

144    Le SEAE ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Stephan Fleig est condamné aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.