ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

10 septembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Annexe, point 1, sous e) – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Logement social – Obligation de résider et interdiction de sous-louer le bien – Article 3, paragraphes 1 et 3 – Article 4, paragraphe 1 – Appréciation du caractère éventuellement abusif des clauses pénales – Critères »

Dans l’affaire C‑738/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam, Pays-Bas), par décision du 19 septembre 2019, parvenue à la Cour le 7 octobre 2019, dans la procédure

A

contre

B,

C,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader (rapporteure), juges,

avocat général : M. G. Pitruzzella,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour A, par Me M. Scheeper, advocaat,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’annexe, point 1, sous e), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A, en sa qualité de bailleur d’un logement social, à son locataire B et au sous-locataire C, au sujet notamment du paiement, d’une part, de la pénalité contractuelle pour violation de l’obligation de résider dans ce logement et l’interdiction de sous-location ainsi que, d’autre part, d’une somme correspondant au profit indûment tiré de la sous-location par B.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

L’article 1er de la directive 93/13 prévoit :

« 1.   La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2.   Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

4

Est considéré comme un professionnel, au sens de l’article 2 de cette directive, « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée ».

5

L’article 3 de ladite directive dispose :

« 1.   Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[...]

3.   L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

6

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

7

L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

8

L’annexe de ladite directive est intitulée « Clauses visées à l’article 3, paragraphe 3 ». Le point 1, sous e), de celle-ci est rédigé en ces termes :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

e)

d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;

[...] »

Le droit néerlandais

9

En vertu de l’article 6:104 du Burgerlijk Wetboek (code civil), lorsqu’une personne, responsable envers une autre personne en raison d’un acte illicite ou d’un manquement à une obligation envers cette autre personne, a tiré un profit de cet acte ou de ce manquement, le juge peut, à la demande de cette autre personne, estimer le dommage à hauteur de ce profit ou d’une partie de celui-ci.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10

Par contrat prenant effet le 12 avril 2017, A, une fondation qui a en charge la location de logements sociaux, a consenti à B la prise à bail d’un logement social sis à Amsterdam (Pays-Bas), dont le loyer mensuel est actuellement de 648,96 euros (ci-après le « contrat en cause »).

11

Le contrat en cause est notamment soumis aux Algemene Voorwaarden Sociale Woonruimte van 1 november 2016 (conditions générales du logement social du 1er novembre 2016, ci-après les « conditions générales »). Ces dernières contiennent plusieurs clauses pénales relatives, notamment, à l’interdiction de sous-louer l’habitation, l’obligation d’occuper soi-même celle-ci et de la libérer entièrement à la fin du contrat. Selon la clause 7.14 des conditions générales, en cas de violation de l’interdiction de sous-louer l’habitation, le locataire est tenu au paiement, en faveur du bailleur, d’une pénalité directement exigible de 5000 euros, sans préjudice du droit de ce dernier de demander la réparation intégrale de son préjudice. Les conditions générales contiennent également une clause pénale générale, dite « résiduelle », applicable en cas de non-respect par le locataire de l’une de ses obligations contractuelles, lorsqu’aucune clause pénale spéciale ne s’applique.

12

À la suite d’un contrôle sur place, A a introduit une action devant la juridiction de renvoi, le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam, Pays-Bas), tendant à la résolution du contrat en cause et l’expulsion tant du locataire, B, que du sous-locataire, C, et le paiement des loyers en retard ainsi que de la pénalité de 5000 euros, pour violation de l’interdiction de sous-location et la restitution du profit en résultant, dans la mesure où B a sous-loué le logement concerné moyennant un loyer plus élevé que celui qu’il était lui-même contractuellement tenu de s’acquitter.

13

La juridiction de renvoi a constaté que B n’a pas respecté l’obligation de résidence et l’interdiction de sous-location prévue dans les conditions générales, notamment la clause 7.14 de celles-ci.

14

Néanmoins, elle nourrit des doutes quant au caractère éventuellement abusif de la clause 7.14 des conditions générales, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et de son interprétation issue de l’arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283).

15

En effet, bien qu’elle soit d’avis que, considérée isolément, cette clause imposant une pénalité de 5000 euros en cas de manquement à l’interdiction de sous-location n’est pas abusive, dès lors qu’il s’agit d’un logement social, ladite juridiction se demande toutefois si, aux fins d’une telle appréciation, elle ne devrait pas prendre en compte l’ensemble des clauses pénales contenues dans le contrat en cause, ainsi que la Cour l’aurait précisé dans cet arrêt.

16

À cet égard, cette juridiction fait état du fait que, s’agissant du contrat en cause, seuls deux manquements contractuels, étroitement liés l’un à l’autre, sont avérés, à savoir une violation, d’une part, de l’obligation du locataire d’occuper personnellement le logement en tant que résidence principale et, d’autre part, de l’interdiction de le sous-louer. Cependant, par son action, A ne viserait qu’à obtenir le paiement de la pénalité prévue dans le contrat en cause du fait de la sous-location et sa demande tendant à ce que le profit réalisé par B lui soit restitué procéderait non pas du contrat, mais de l’article 6:104 du code civil.

17

Dans ces circonstances, le Rechtbank Amsterdam (tribunal de première instance d’Amsterdam) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

« 1)

Comment la directive 93/13 et, plus particulièrement, le principe de l’effet cumulatif qui s’y trouve consacré doivent-ils être interprétés lors de l’appréciation du point de savoir si l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations (ici : une clause pénale) est d’un montant disproportionnellement élevé au sens du point 1, sous e), de l’annexe de ladite directive, dans une situation où les clauses pénales visent des manquements de différentes natures qui, par leur nature, ne sont pas nécessairement concomitants et qui, effectivement, ne le sont pas dans le cas concret ?

2)

Le fait que le manquement pour lequel la pénalité est réclamée donne aussi lieu à une demande d’indemnisation sous la forme d’une cession des profits illégitimes réalisés est-il également un élément qui présente une importance à cet égard ? »

Sur les questions préjudicielles

18

À titre liminaire, il convient d’emblée d’indiquer que les parties au principal relèvent toutes les trois du champ d’application personnel de la directive 93/13, bien que A, requérant au principal, soit une fondation qui a la charge de proposer à la location des logements sociaux.

19

En effet, selon l’article 2 de la directive 93/13, par « professionnel », au sens de celle-ci, on entend « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée ». En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle ne contient aucune indication qui pourrait suggérer que l’activité de location de cette fondation ne serait que marginale, ou ne constituerait pas son activité professionnelle.

20

Par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphes 1 et 3, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale examine le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur, au sens de ces dispositions, il y a lieu de tenir compte de toutes les clauses de ce contrat ou seulement de certaines d’entre elles et, pour apprécier plus particulièrement le caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive, un tel examen ne doit concerner que celles ayant trait à un même manquement.

21

En l’occurrence, lesdites questions s’inscrivent dans le cadre d’un litige dans lequel, outre la résiliation du contrat en cause et l’expulsion des occupants, le bailleur réclame le paiement de la pénalité contractuelle sanctionnant l’interdiction de sous-location ainsi que la cession des profits tirés de cette sous-location.

22

À ce propos, ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, d’une part, le contrat en cause contient une clause explicite prohibant la sous-location. D’autre part, la restitution des fruits procédant de la sous-location est demandée sur le fondement de la réglementation nationale en matière de responsabilité civile, en l’occurrence, l’article 6:104 du code civil.

23

À cet égard, il y a lieu de rappeler que la directive 93/13 impose aux États membres de prévoir un mécanisme assurant que toute clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle puisse être contrôlée afin d’apprécier son caractère éventuellement abusif (arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

24

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, une telle clause est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. L’article 3, paragraphe 3, de cette directive indique que son annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. Si, partant, le fait que le contenu d’une clause soumise à l’appréciation du juge national correspond à celui d’une clause figurant dans cette annexe n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif de celle-ci, il constitue, cependant, un élément essentiel sur lequel ce juge peut fonder son appréciation du caractère abusif de la clause qui lui est ainsi soumise (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2012, Invitel, C‑472/10, EU:C:2012:242, point 26).

25

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, le juge national doit, afin de porter une appréciation sur le caractère éventuellement abusif de la clause contractuelle qui sert de base à la demande dont il est saisi, tenir compte de toutes les autres clauses dudit contrat (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 59 ; arrêts du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 94, ainsi que du 11 mars 2020, Lintner, C‑511/17, EU:C:2020:188, point 46).

26

Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’appréciation du caractère abusif des clauses se fait au cas par cas et l’obligation de tenir compte de toutes les autres clauses du contrat s’explique par le fait que l’examen de la clause attaquée doit prendre en compte tous les éléments susceptibles d’être pertinents pour comprendre cette clause dans son contexte, dans la mesure où, en fonction du contenu de ce contrat, il peut être nécessaire, aux fins de l’appréciation du caractère abusif de ladite clause, d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses dudit contrat (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová, C‑377/14, EU:C:2016:283, point 95, ainsi que du 11 mars 2020, Lintner, C‑511/17, EU:C:2020:188, point 47). En effet, toutes les clauses d’un contrat ne revêtent pas la même importance, et le degré d’interaction d’une stipulation donnée avec d’autres stipulations dépend nécessairement de leur portée respective ainsi que de la mesure dans laquelle chacune d’elles contribue à un éventuel déséquilibre significatif des droits et obligations des parties découlant du contrat en cause, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13.

27

Ainsi, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283), dont la juridiction de renvoi fait état dans sa demande de décision préjudicielle, qui concernait un contrat aux obligations duquel un seul et même manquement donnait lieu à l’application simultanée de plusieurs clauses pénales, il convient de préciser, ainsi que l’ont fait valoir toutes les parties intéressées ayant déposé des observations écrites dans la présente affaire, que, lorsque deux clauses pénales sont rattachées à un seul et même manquement, comme c’était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, lesdites clauses doivent être examinées cumulativement.

28

En l’occurrence, bien que la juridiction de renvoi fasse état de l’existence, dans le contrat en cause, d’autres clauses pénales spéciales et d’une clause pénale dite « résiduelle », cette juridiction indique néanmoins que l’action d’A ne se fonde pas sur celles-ci, de telle sorte qu’il ne saurait y avoir de cumul de sanctions pour un même manquement.

29

Dès lors, ainsi que le considère d’ailleurs la juridiction de renvoi, la solution que la Cour a retenue dans l’arrêt du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C‑377/14, EU:C:2016:283), concernant un contrat de prêt à la consommation n’est pas directement transposable à une situation, telle que celle en cause au principal, où le paiement d’une seule pénalité est sollicité par le bailleur d’un logement social.

30

Il appartient, toutefois, à cette juridiction de vérifier si, pour le même manquement, d’autres clauses du contrat en cause sont invoquées par le professionnel contre le consommateur ou sont susceptibles d’être invoquées dans le cadre des actions distinctes intentées contre ce dernier. Si tel est le cas, l’effet cumulatif de l’application de toutes ces clauses, quand bien même lesdites clauses ne paraîtraient pas, en elles-mêmes, abusives, doit être pris en compte par la juridiction de renvoi aux fins d’apprécier le caractère abusif de la clause contractuelle qui sert de base à la demande dont elle est saisie.

31

En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans l’appréciation du caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle, il incombe à cette même juridiction de renvoi de se prononcer sur la qualification de cette clause en fonction des circonstances propres au cas d’espèce, et à la Cour de dégager des dispositions de la directive 93/13 les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen de clauses contractuelles au regard de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, Van Hove, C‑96/14, EU:C:2015:262, point 28 et jurisprudence citée).

32

À ce propos, la Cour a itérativement jugé qu’il convient d’avoir égard à la nature de l’obligation dans le cadre du rapport contractuel en cause, notamment au caractère éventuellement essentiel de cette obligation (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 73 ; ordonnance du 14 novembre 2013, Banco Popular Español et Banco de Valencia, C‑537/12 et C‑116/13, EU:C:2013:759, point 70, ainsi que arrêt du 26 janvier 2017, Banco Primus , C‑421/14, EU:C:2017:60, point 66).

33

En l’occurrence, s’agissant de la clause 7.14 des conditions générales, celle-ci sanctionne tout manquement à l’interdiction de sous-location et à l’obligation de résider personnellement dans les lieux loués. Lorsque le bail concerne un logement social, il est manifeste que cette interdiction et cette obligation revêtent une nature particulière, qui participe de l’essence même du rapport contractuel.

34

Quant aux dommages et intérêts réclamés par A à concurrence des profits tirés de la sous-location par B, qui viendraient, le cas échéant, à être cumulés à l’indemnité de 5000 euros contractuellement prévue, il convient de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, cette dernière s’applique aux clauses figurant dans des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêts du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C‑419/18 et C‑483/18, EU:C:2019:930, point 51 et jurisprudence citée, ainsi que du 4 juin 2020, Kancelaria Medius, C‑495/19, EU:C:2020:431, point 24).

35

En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que cette demande de réparation trouve son fondement non pas dans le contrat de bail, mais dans la législation nationale relative à la responsabilité civile, plus particulièrement, l’article 6:104 du code civil, selon lequel lorsqu’une personne, responsable envers une autre personne en raison d’un acte illicite ou d’un manquement à une obligation envers cette autre personne, a tiré un profit de cet acte ou de ce manquement, le juge peut, à la demande de cette autre personne, estimer le dommage à hauteur de ce profit ou d’une partie de celui-ci.

36

À cet égard, la circonstance que le fondement de cette demande trouve sa source dans la réglementation nationale empêche qu’une disposition de droit national, telle que l’article 6:104 du code civil, puisse relever du champ d’application de la directive 93/13.

37

Certes, dans l’appréciation du caractère abusif de la clause contractuelle en cause, il convient de tenir compte du contexte normatif qui détermine, ensemble avec cette clause, les droits et obligations des parties (voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 42).

38

Cependant, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier dans quelle mesure l’application de l’article 6:104 du code civil prévoyant la récupération d’une somme indue, telle que celle provenant des loyers en cause au principal, peut être assimilable à une sanction.

39

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphes 1 et 3, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale examine le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur, au sens de ces dispositions, il y a lieu de tenir compte, parmi les clauses qui relèvent du champ d’application de cette directive, du degré d’interaction de la stipulation en cause avec d’autres clauses, en fonction notamment de leur portée respective. Pour apprécier l’éventuel caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de ladite directive, une importance significative doit être attachée à celles de ces clauses ayant trait à un même manquement.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

L’article 3, paragraphes 1 et 3, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’une juridiction nationale examine le caractère éventuellement abusif d’une clause d’un contrat conclu avec un consommateur, au sens de ces dispositions, il y a lieu de tenir compte, parmi les clauses qui relèvent du champ d’application de cette directive, du degré d’interaction de la stipulation en cause avec d’autres clauses, en fonction notamment de leur portée respective. Pour apprécier l’éventuel caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de ladite directive, une importance significative doit être attachée à celles de ces clauses ayant trait à un même manquement.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.