Affaire C-147/08

Jürgen Römer

contre

Freie und Hansestadt Hamburg

(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Arbeitsgericht Hamburg)

«Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail — Principes généraux du droit de l’Union — Article 157 TFUE — Directive 2000/78/CE — Champ d’application — Notion de ‘rémunération’ — Exclusions — Régime de prévoyance professionnelle sous forme de pension de retraite complémentaire pour les anciens salariés d’une collectivité locale et leurs survivants — Méthode de calcul de cette pension avantageant les bénéficiaires mariés par rapport à ceux vivant dans le cadre d’un partenariat de vie enregistré — Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle»

Sommaire de l'arrêt

1.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Champ d'application

(Art. 157 TFUE; directive du Conseil 2000/78, 22e considérant et art. 3, § 3)

2.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Interdiction de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle

(Directive du Conseil 2000/78, art. 1er, 2 et 3, § 1, c))

3.        Politique sociale — Égalité de traitement en matière d'emploi et de travail — Directive 2000/78 — Interdiction de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle

(Art. 13 CE; directive du Conseil 2000/78, art. 2)

1.        La directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que n’échappent pas à son champ d’application matériel, ni en raison de son article 3, paragraphe 3, ni en raison de son vingt-deuxième considérant, les pensions de retraite complémentaires telles que celles versées par un employeur public à ses anciens employés et à leurs survivants au titre de la loi nationale, lesquelles constituent des rémunérations au sens de l’article 157 TFUE.

(cf. point 36, disp. 1)

2.        Les dispositions combinées des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, s’opposent à une disposition nationale en vertu de laquelle un prestataire lié dans le cadre d’un partenariat de vie perçoit une pension de retraite complémentaire d’un montant inférieur à celle octroyée à un prestataire marié non durablement séparé, si :

-      dans l’État membre concerné, le mariage est réservé à des personnes de sexes différents et coexiste avec un partenariat de vie, qui est réservé à des personnes de même sexe, et

-      une discrimination directe existe en raison de l’orientation sexuelle du fait que, en droit national, ledit partenaire de vie se trouve dans une situation juridique et factuelle comparable à celle d’une personne mariée en ce qui concerne ladite pension. L’appréciation de la comparabilité relève de la compétence de la juridiction de renvoi et doit être focalisée sur les droits et obligations respectifs des époux et des personnes engagées dans un partenariat de vie, tels qu’ils sont régis dans le cadre des institutions correspondantes, qui sont pertinents compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de la prestation en question.

(cf. point 52, disp 2)

3.        Ni l'article 13 CE ni la directive 2000/78, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, ne permettent de rattacher au champ d'application du droit de l'Union, pour la période antérieure à l'expiration du délai de transposition de cette directive, une situation où, en vertu d'une disposition nationale relative aux pensions complémentaires de retraite et de survie des salariés d'un employeur public, un prestataire lié dans le cadre d'un partenariat de vie perçoit une pension de retraite complémentaire d'un montant inférieur à celle octroyée à un prestataire marié non durablement séparé.

Dans l'hypothèse où une telle disposition nationale constituerait une discrimination au sens de l'article 2 de la directive 2000/78, le droit à l'égalité de traitement pourrait être revendiqué par un particulier affecté par cette disposition au plus tôt après l'expiration du délai de transposition de ladite directive, et ce sans qu'il y ait lieu d'attendre que ladite disposition soit mise en conformité avec le droit de l'Union par le législateur national.

(cf. points 61, 64, disp. 3)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

10 mai 2011 (*)

«Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Principes généraux du droit de l’Union – Article 157 TFUE – Directive 2000/78/CE – Champ d’application – Notion de ‘rémunération’ – Exclusions – Régime de prévoyance professionnelle sous forme de pension de retraite complémentaire pour les anciens salariés d’une collectivité locale et leurs survivants – Méthode de calcul de cette pension avantageant les bénéficiaires mariés par rapport à ceux vivant dans le cadre d’un partenariat de vie enregistré – Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle»

Dans l’affaire C‑147/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Arbeitsgericht Hamburg (Allemagne), par décisions des 4 avril 2008 et 23 janvier 2009, parvenues à la Cour les 10 avril 2008 et 28 janvier 2009, dans la procédure

Jürgen Römer

contre

Freie und Hansestadt Hamburg,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, D. Šváby (rapporteur), présidents de chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, A. Borg Barthet et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. A. Calot Escobar,

considérant les observations présentées:

–        pour M. Römer, par Me H. Graupner, Rechtsanwalt,

–        pour la Freie und Hansestadt Hamburg, par M. Härtel, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. V. Kreuschitz et J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 juillet 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), ainsi que des principes généraux du droit de l’Union et de l’article 141 CE (auquel correspond désormais l’article 157 TFUE) concernant la discrimination en raison de l’orientation sexuelle en matière d’emploi et de travail.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Römer à la Freie und Hansestadt Hamburg au sujet du montant de la pension de retraite complémentaire auquel il a droit.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les treizième et vingt-deuxième considérants de la directive 2000/78 énoncent:

«(13) La présente directive ne s’applique pas aux régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération au sens donné à ce terme pour l’application de l’article 141 [CE] […]

[…]

(22)      La présente directive est sans préjudice des lois nationales relatives à l’état civil et des prestations qui en dépendent.»

4        L’article 1er de la directive 2000/78 dispose:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.»

5        Aux termes de l’article 2 de ladite directive:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que:

i)      cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, […]

[…]»

6        L’article 3 de la même directive est libellé de la manière suivante:

«1.      Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

c)      les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération;

[…]

3.      La présente directive ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale.

[…]»

7        Conformément à l’article 18, premier alinéa, de la directive 2000/78, les États membres devaient, en principe, avoir adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle‑ci au plus tard le 2 décembre 2003 ou pouvaient confier aux partenaires sociaux la mise en œuvre de cette directive pour ce qui est des dispositions relevant des accords collectifs, en s’assurant que ces derniers soient mis en œuvre pour la même date.

 Le droit national

 La Loi fondamentale

8        L’article 6, paragraphe 1, de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, ci‑après la «Loi fondamentale») dispose que «[l]e mariage et la famille sont placés sous la protection particulière de l’État».

 La loi relative au partenariat de vie enregistré

9        L’article 1er, paragraphe 1, de la loi relative au partenariat de vie enregistré (Gesetz über die Eingetragene Lebenspartnerschaft), du 16 février 2001 (ci‑après le «LPartG») prévoit, s’agissant de la forme et des conditions d’établissement d’un tel partenariat:

«Deux personnes de même sexe établissent un partenariat lorsqu’elles déclarent mutuellement, personnellement et en présence l’une de l’autre qu’elles souhaitent mener ensemble un partenariat pour la vie (partenaires de vie). Les déclarations ne peuvent être faites sous condition ou à terme. Les déclarations produisent leurs effets lorsqu’elles sont effectuées devant l’autorité compétente. […]»

10      L’article 2 du LPartG dispose:

«Les partenaires de vie se doivent mutuellement secours et assistance, et s’obligent mutuellement à une communauté de vie. Ils assument des responsabilités l’un envers l’autre.»

11      Aux termes de l’article 5 de ladite loi:

«Les partenaires de vie sont mutuellement tenus de contribuer de manière adéquate aux besoins de la communauté partenariale. Les articles 1360a et 1360b du code civil [(Bürgerliches Gesetzbuch, ci‑après le ‘BGB’)] s’appliquent par analogie.»

12      L’article 11, paragraphe 1, de la même loi, relatif aux autres effets du partenariat de vie, prévoit:

«Sauf disposition contraire, le partenaire de vie est considéré comme un membre de la famille de l’autre partenaire de vie.»

13      La loi réformant le droit du partenariat de vie (Gesetz zur Überarbeitung des Lebenspartnerschaftsrechts), du 15 décembre 2004 (ci-après la «loi du 15 décembre 2004), entrée en vigueur le 1er janvier 2005, a modifiée le LPartG et a encore davantage rapproché le statut du partenariat de vie enregistré de celui du mariage. En particulier, la répartition compensatoire des droits à pension entre partenaires est désormais prévue en cas de dissolution du partenariat de vie (article 20 du LPartG), comme c’est le cas entre époux en cas de divorce. En outre, le régime législatif d’assurance retraite a été modifié afin que les partenaires enregistrés perçoivent, à l’instar des époux, les pensions de survie, même dans les cas où le partenaire est décédé avant le 1er janvier 2005 [article 46, paragraphe 4, du livre VI du code de la sécurité sociale (Sozialgesetzbuch)].

 Les dispositions applicables dans le Land de Hambourg en matière de prévoyance sociale

14      L’article 1er de la loi du Land de Hambourg relative à l’assurance complémentaire (Hamburgisches Zusatzversorgungsgesetz), du 7 mars 1995 (ci‑après le «HmbZVG»), indique que celle‑ci s’applique aux personnes employées par la Freie und Hansestadt Hamburg ainsi qu’à toute personne à laquelle cette ville doit verser une pension au sens de l’article 2 de cette loi (titulaires de pensions). Selon ce dernier article, la pension est octroyée sous la forme d’une pension de retraite, régie par les articles 3 à 10 de ladite loi, ou une pension de survie, régie par les articles 11 à 19 de celle-ci. Conformément aux articles 2 bis et 2 quater du HmbZVG, les salariés au service de ladite ville participent aux dépenses de pension en versant une cotisation dont le taux initial s’élève à 1,25 % de la rémunération imposable, qui fait l’objet d’une retenue sur celle-ci. Selon l’article 2 ter de cette loi, l’obligation de cotisation naît à la date de commencement de la relation de travail et prend fin à la date de la cessation de cette dernière.

15      L’article 6 du HmbZVG prévoit que le montant mensuel de la retraite correspond, pour chaque année pleine de la période d’emploi donnant droit à une retraite, à 0,5 % des rémunérations entrant dans le calcul de la retraite.

16      Les rémunérations entrant dans le calcul de la retraite sont détaillées à l’article 7 du HmbZVG, tandis que les périodes d’emploi donnant droit à une retraite ainsi que celles étant exclues sont définies à l’article 8 de cette loi.

17      L’article 29 du HmbZVG contient les dispositions transitoires concernant les titulaires de pension qui relevaient de la législation antérieurement en vigueur, visés à l’article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase, de cette loi. Conformément au paragraphe 1, point 1, dudit article 29, lu en combinaison avec son point 5, lesdits titulaires de pension continuent à percevoir, par dérogation notamment à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de ladite loi, une pension égale à celle qu’ils ont perçue pour le mois de juillet 2003 ou à celle à laquelle ils auraient eu droit, en vertu du paragraphe 1, points 2 et 4, dudit article 29, pour le mois de décembre 2003.

18      La matière était précédemment régie par la loi du Land de Hambourg relative aux pensions complémentaires de retraite et de survie des salariés de la Freie und Hansestadt Hamburg (Erstes Ruhegeldgesetz der Freien und Hansestadt Hamburg, ci‑après le «premier RGG»). L’article 10, paragraphe 6, de cette loi prévoyait:

«Le revenu net fictif à prendre en compte aux fins du calcul de la pension est déterminé en déduisant des rémunérations entrant dans le calcul de celle-ci (article 8)

1.      le montant qui aurait dû être payé au titre de l’impôt sur les salaires [déduction faite de la partie reversée à l’Église (Kirchenlohnsteuer)] en application de la classe d’impôt III/0 dans le cas d’un prestataire marié non durablement séparé au jour où débute le versement de la pension de retraite (article 12, paragraphe 1) ou d’un prestataire qui, le même jour, peut prétendre au bénéfice d’allocations familiales ou de prestations correspondantes, [ou]

2.      le montant qui aurait dû être payé, le jour où débute le versement de la pension de retraite, au titre de l’impôt sur les salaires (déduction faite de la partie reversée à l’Église) en application de la classe d’impôt I dans le cas des autres prestataires. […]»

19      Selon l’article 8, paragraphe 10, dernière phrase, du premier RGG, si les conditions prévues à l’article 10, paragraphe 6, point 1, de cette loi ne sont réunies qu’à une date postérieure au début du versement de la pension de retraite, il convient, si l’intéressé le demande, d’appliquer cette dernière disposition à partir de cette date.

20      Le montant à déduire par référence à l’impôt sur les salaires dû au titre de la classe d’impôt III/0 est nettement inférieur à celui à déduire par référence à l’impôt sur les salaires dû au titre de la classe d’impôt I.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

21      Les parties s’opposent sur le montant de la pension à laquelle le requérant au principal, M. Römer, peut prétendre à compter du mois de novembre 2001.

22      De l’année 1950 jusqu’à la survenance de son incapacité de travail le 31 mai 1990, M. Römer a travaillé pour la Freie und Hansestadt Hamburg, en qualité d’employé administratif. À compter de l’année 1969, il a vécu de façon ininterrompue avec M. U. Le 15 octobre 2001, le requérant au principal et son compagnon ont conclu un partenariat de vie enregistré, conformément au LPartG. M. Römer en a informé son ancien employeur par une lettre du 16 octobre 2001. Par une lettre subséquente, datée du 28 novembre 2001, il a demandé que le montant de sa pension de retraite complémentaire soit recalculé en appliquant la déduction plus avantageuse correspondant à la classe d’impôt III/0, et ce avec effet au 1er août 2001, selon les indications données par la juridiction de renvoi. Le requérant au principal affirme toutefois, dans ses observations, n’avoir demandé cette adaptation de sa retraite qu’à partir du 1er novembre 2001.

23      Par lettre du 10 décembre 2001, la Freie und Hansestadt Hamburg a informé M. Römer de son refus de modifier le calcul de ladite pension, au motif que, aux termes de l’article 10, paragraphe 6, point 1, du premier RGG, seuls les prestataires mariés non durablement séparés et les prestataires ayant droit à des allocations familiales ou à d’autres prestations correspondantes ont droit à ce que le montant de leur pension de retraite soit calculé en tenant compte de la classe d’impôt III/0.

24      Conformément au «relevé des droits à la retraite» établi par la Freie und Hansestadt Hamburg le 2 septembre 2001, la pension de retraite versée mensuellement à M. Römer, à partir du mois de septembre 2001, s’élevait, sur la base d’une rémunération réduite à concurrence du montant qui aurait dû être payé au titre de l’impôt sur les salaires en application de la classe d’impôt I, à 1 204,55 DEM (615,88 euros). Selon les calculs de l’intéressé, non contestés par son ancien employeur, le montant de cette pension de retraite mensuelle aurait été, au mois de septembre 2001, supérieure de 590,87 DEM (302,11 euros) si la classe d’impôt III/0 avait été prise en considération pour déterminer le montant de ladite pension.

25      Le litige a été porté devant la juridiction de renvoi. M. Römer estime qu’il a le droit d’être traité comme un prestataire marié non durablement séparé pour le calcul de sa pension sur le fondement de l’article 10, paragraphe 6, point 1, du premier RGG. Il fait valoir que le critère du «prestataire marié non durablement séparé», inscrit dans ladite disposition, doit être interprété en ce sens qu’il inclut les prestataires ayant conclu un partenariat de vie enregistré conformément au LPartG.

26      M. Römer considère que son droit à l’égalité de traitement avec les prestataires mariés non durablement séparés résulte, en toute hypothèse, de la directive 2000/78. Il avance également que, dès lors que ladite directive n’a pas été transposée en droit national dans le délai prévu à son article 18, c’est-à-dire au plus tard le 2 décembre 2003, elle s’applique directement à la défenderesse au principal.

27      La Freie und Hansestadt Hamburg fait valoir que le terme «marié», au sens de l’article 10, paragraphe 6, point 1, du premier RGG, ne saurait recevoir l’interprétation avancée par M. Römer. Elle soutient, pour l’essentiel, que l’article 6, paragraphe 1, de la Loi fondamentale place le mariage et la famille sous la protection particulière de l’État. Toujours selon la Freie und Hansestadt Hamburg, il existe un parallèle entre la question de l’imposition commune et celle de la possibilité d’appliquer d’une manière fictive la classe d’impôt III/0 dans le cadre du calcul des pensions de retraite complémentaires versées au titre du premier RGG. Elle fait valoir que les ressources financières dont les intéressés disposent mensuellement pour couvrir les besoins de la vie courante sont déterminées par l’imposition commune pendant la période d’activité professionnelle et, par après, par l’application fictive de la classe d’impôt III/0 pour le calcul des pensions. L’avantage octroyé aux personnes ayant fondé une famille, ou qui auraient pu le faire, aurait pour objectif de compenser la charge financière supplémentaire impliquée par leur situation.

28      C’est dans ces conditions que l’Arbeitsgericht Hamburg (tribunal du travail de Hambourg) a, par décision du 4 avril 2008, complétée par une décision du 28 janvier 2009, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les pensions complémentaires versées aux anciens employés de la Freie und Hansestadt Hamburg […] et à leurs survivants, régies par le [premier RGG], constituent-elles des ‘versements […] effectués par les régimes publics ou assimilés, y compris les régimes publics de sécurité sociale ou de protection sociale’, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la [directive 2000/78], de sorte que ladite directive ne trouve pas à s’appliquer au domaine couvert par le premier RGG?

2)      [a)] S’il est répondu par la négative à la précédente question[, l]es dispositions du premier RGG, qui distinguent, pour la fixation du montant des pensions, entre les prestataires mariés et les autres prestataires, et avantagent les premiers – par rapport aux personnes ayant conclu un partenariat de vie enregistré avec une personne de même sexe […] en vertu du [LPartG] – constituent-elles des ‘lois nationales relatives à l’état civil [ou] des prestations qui en dépendent’ au sens du vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78?

b)      [Dans l’affirmative, c]ela entraîne-t-il l’inapplicabilité de la directive 2000/78 aux dispositions susvisées du premier RGG, bien que ladite directive ne comporte en elle‑même aucune limitation de son champ d’application correspondant au[dit] vingt-deuxième considérant?

3)      S’il est répondu par la négative à la première […] ou à la seconde partie de la deuxième question[, l]’article 10, paragraphe 6, du premier RGG, aux termes duquel les pensions versées aux prestataires mariés non durablement séparés sont réputées relever de la classe d’impôt III/0 (avantageuse pour le contribuable), les pensions de tous les autres prestataires étant réputées relever de la classe d’impôt I (désavantageuse pour le contribuable), viole-t-il les dispositions combinées des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, dans le cas d’un prestataire ayant conclu un partenariat [de vie enregistré] avec une personne de même sexe et n’étant pas durablement séparé de celle-ci?

4)      S’il est répondu par l’affirmative à la première question ou à la seconde partie de la deuxième question, ou s’il est répondu par la négative à la troisième question[, l]’article 10, paragraphe 6, du premier RGG viole-t-il, eu égard aux règles mentionnées dans la troisième question ou à leurs conséquences sur le plan juridique, l’article 141 CE ou un principe général du droit communautaire?

5)      [a)] S’il est répondu par l’affirmative à la troisième ou à la quatrième question[, c]ela a-t-il pour conséquence que, aussi longtemps que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG n’est pas modifié de manière à remédier à l’inégalité de traitement invoquée, le prestataire […] ayant conclu un partenariat de vie enregistré [et n’étant pas durablement séparé de son partenaire] peut exiger d’être traité, quant au calcul de sa pension [complémentaire], comme un prestataire marié non durablement séparé?

         [b)] Si tel est le cas, cela vaut-il également – pour autant que la directive 2000/78 soit applicable et qu’une réponse positive soit apportée à la troisième question – dès avant l’expiration du délai de mise en œuvre prévu à l’article 18, paragraphe 1, de la directive 2000/78?

6)      S’il est répondu par l’affirmative à la cinquième question[, c]ela ne vaut-il, conformément aux motifs de l’arrêt [du 17 mai 1990,] Barber (C‑262/88[, Rec. p. I‑1889]), qu’avec la réserve que l’égalité de traitement en ce qui concerne le calcul de la pension [complémentaire] ne s’applique qu’aux droits acquis par le prestataire à partir du 17 mai 1990?

7)      Si la Cour devait conclure à l’existence d’une discrimination directe:

a)      Quelle importance faut-il accorder au fait que, d’un côté, tant la Loi fondamentale [...] que le droit communautaire imposent de respecter le principe de l’égalité de traitement, mais que, de l’autre, le droit de la République fédérale d’Allemagne prévoit que le mariage et la famille sont placés sous la protection spéciale de l’État, eu égard à la valeur juridique constitutionnelle qui leur est expressément reconnue par l’article 6, paragraphe 1, de la Loi fondamentale?

b)      Une disposition légale directement discriminatoire peut‑elle se justifier en dépit des termes de la directive [2000/78], au motif qu’elle sert un autre objectif relevant du droit interne de l’État membre [concerné] mais pas du droit communautaire? Dans un tel cas, [cet] autre objectif poursuivi par le droit de [cet] État membre peut‑il primer tout simplement le principe de l’égalité de traitement?

c)      En cas de réponse négative à la question précédente[, s]ur la base de quel critère juridique peut-on décider comment, dans un tel cas, l’équilibre entre le principe communautaire de l’égalité de traitement et l’autre objectif juridique du droit interne [dudit] État membre doit être assuré? Les conditions énoncées à l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive [2000/78] en matière d’admission des discriminations indirectes, à savoir que la réglementation discriminatoire doit être objectivement justifiée par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires, valent-elles aussi à cet égard?

d)      Une réglementation telle que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG répond-elle aux conditions de légalité posées par le droit communautaire, définies dans la réponse à la question précédente? Remplit-elle ces conditions du seul fait de la disposition particulière du droit national qui n’a pas d’équivalent en droit communautaire, à savoir l’article 6, paragraphe 1, de la Loi fondamentale?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les deux premières questions

29      Par ses deux premières questions, auxquelles il convient de répondre conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si des pensions de retraite complémentaires telles que celles versées sur la base du premier RGG aux anciens employés de la Freie und Hansestadt Hamburg et à leurs survivants échappent au champ d’application matériel de la directive 2000/78 en raison de l’article 3, paragraphe 3, ou du vingt-deuxième considérant de ladite directive.

30      Il ressort de la décision de renvoi que ces prestations constituent des rémunérations au sens de l’article 157 TFUE.

31      S’agissant, tout d’abord, de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/78, la juridiction de renvoi se demande, plus précisément, si la circonstance que, aux termes de cette disposition, ladite directive «ne s’applique pas aux versements de toute nature effectués par les régimes publics» signifie que le régime en cause doit, en tant que régime public, être considéré comme échappant au champ d’application de ladite directive.

32      À cet égard, il suffit de rappeler que la Cour a jugé que le champ d’application de la directive 2000/78 doit s’entendre, à la lumière de son article 3, paragraphes 1, sous c), et 3, lu en combinaison avec le treizième considérant de cette directive, comme ne couvrant pas les régimes de sécurité sociale et de protection sociale dont les avantages ne sont pas assimilés à une rémunération au sens donné à ce terme pour l’application de l’article 157 TFUE ni les versements de toute nature effectués par l’État qui ont pour objectif l’accès à l’emploi ou le maintien dans l’emploi (arrêt du 1er avril 2008, Maruko, C‑267/06, Rec. p. I‑1757, point 41).

33      Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2000/78 ne peut être interprété en ce sens qu’une pension de retraite complémentaire versée par un régime public et constituant une rémunération au sens de l’article 157 TFUE échappe au champ d’application de ladite directive.

34      En ce qui concerne, ensuite, le vingt-deuxième considérant de la directive 2000/78, aux termes duquel «la[dite] directive est sans préjudice des lois nationales relatives à l’état civil et des prestations qui en dépendent», il suffit de rappeler que la Cour s’est déjà prononcée sur la portée de celui-ci aux points 58 à 60 de l’arrêt Maruko, précité.

35      Ainsi qu’il ressort de cet arrêt, dès lors qu’une pension de retraite complémentaire telle que celle en cause au principal a été qualifiée de «rémunération», au sens de l’article 157 TFUE, et qu’elle entre dans le champ d’application de la directive 2000/78, le vingt-deuxième considérant de celle-ci ne saurait être de nature à remettre en cause son application (voir, en ce sens, arrêt Maruko, précité, point 60).

36      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre aux première et deuxième questions posées que la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens que n’échappent pas à son champ d’application matériel, ni en raison de son article 3, paragraphe 3, ni en raison de son vingt-deuxième considérant, les pensions de retraite complémentaires telles que celles versées aux anciens employés de la Freie und Hansestadt Hamburg et à leurs survivants au titre du premier RGG, qui constituent des rémunérations au sens de l’article 157 TFUE.

 Sur les troisième et septième questions

37      Par ses troisième et septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance, d’une part, si les dispositions combinées des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 s’opposent à une disposition telle que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG, en vertu duquel la pension complémentaire versée à un prestataire marié est plus avantageuse que celle versée à un prestataire ayant conclu un partenariat de vie enregistré avec une personne de même sexe, en ce qu’une telle disposition constituerait une discrimination, directe ou indirecte, en raison de l’orientation sexuelle. D’autre part, elle souhaite savoir si, et dans quelles conditions, un objectif poursuivi par un État membre tel que la protection du mariage, inscrite à l’article 6, paragraphe 1, de la Loi fondamentale, pourrait justifier une discrimination directe en raison de l’orientation sexuelle.

38      À titre préliminaire, il y a lieu de rappeler que, en l’état actuel du droit de l’Union, la législation sur l’état civil des personnes relève de la compétence des États membres. Toutefois, conformément à son article 1er, la directive 2000/78 a pour objet de combattre, en matière d’emploi et de travail, certains types de discriminations, au nombre desquelles figurent celles fondées sur l’orientation sexuelle, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement.

39      Aux termes de l’article 2 de ladite directive, on entend par «principe de l’égalité de traitement» l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l’un des motifs énoncés à l’article 1er de la même directive.

40      Selon l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable que ne l’est une autre se trouvant dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er de cette directive.

41      Il s’ensuit que l’existence d’une discrimination directe, au sens de ladite directive, présuppose, en premier lieu, que les situations mises en balance soient comparables.

42      Il convient de souligner à cet égard que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Maruko, précité (points 67 à 73), d’une part, il est requis non pas que les situations soient identiques, mais seulement qu’elles soient comparables, et, d’autre part, l’examen de ce caractère comparable doit être effectué non pas de manière globale et abstraite, mais de manière spécifique et concrète au regard de la prestation concernée. En effet, dans cet arrêt, portant sur le refus d’octroi d’une pension de survie au partenaire de vie d’un affilié à un régime de prévoyance professionnelle décédé, la Cour n’a pas effectué une comparaison globale du mariage et du partenariat de vie enregistré en droit allemand, mais, en se basant sur l’analyse du droit allemand effectuée par la juridiction dont émanait la demande de décision préjudicielle, selon laquelle un rapprochement progressif du régime mis en place pour ce partenariat avec celui applicable au mariage existait en droit allemand, elle a mis en exergue que ledit partenariat est assimilé au mariage pour ce qui concerne la pension de veuve ou de veuf.

43      Ainsi, la comparaison des situations doit être fondée sur une analyse focalisée sur les droits et obligations des époux mariés et des partenaires de vie enregistrés, tels qu’ils résultent des dispositions internes applicables, qui sont pertinents compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de la prestation en cause au principal, et non pas consister à vérifier si le droit national a opéré une assimilation juridique générale et complète du partenariat de vie enregistré au mariage.

44      À cet égard, il ressort des informations figurant dans la décision de renvoi que, à partir de l’année 2001, année d’entrée en vigueur du LPartG, la République fédérale d’Allemagne a adapté son ordre juridique pour permettre aux personnes de même sexe de vivre au sein d’une communauté d’assistance et d’entraide constituée à vie de manière formelle. Ayant choisi de ne pas ouvrir à ces personnes le mariage, qui reste réservé aux seules personnes de sexes différents, ledit État membre a institué, pour les personnes de même sexe, un régime distinct, le partenariat de vie enregistré, dont le régime a été progressivement assimilé à celui du mariage.

45      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi relève que la modification du LPartG par la loi du 15 décembre 2004 a contribué au rapprochement progressif du régime du partenariat de vie avec celui du mariage. Selon cette juridiction, il n’existe plus de différence juridique notable entre ces deux états des personnes tels qu’ils sont conçus dans l’ordre juridique allemand. La principale différence subsistante réside dans le fait que le mariage suppose que les époux soient de sexes différents, alors que le partenariat de vie enregistré suppose que les partenaires soient de même sexe.

46      À la différence de la prestation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Maruko, précité, qui était une pension de survie, la prestation en cause dans la présente affaire au principal consiste dans la pension de retraite complémentaire versée par la Freie und Hansestadt Hamburg à l’un de ses anciens employés. En outre, il est constant que l’application de la réglementation du Land de Hambourg en cause au principal présuppose non seulement que le prestataire soit marié, mais en outre que celui-ci ne soit pas durablement séparé de son conjoint. Elle vise à procurer, lors de l’accession à la retraite, un revenu de remplacement censé profiter à l’intéressé, mais aussi, indirectement, aux personnes qui vivent avec lui.

47      À cet égard, il ressort des indications fournies dans la décision de renvoi que, si, certes, la loi du 15 décembre 2004 a renforcé, sur un certain nombre de points précis tels que le droit à une pension de survie, l’alignement du statut juridique du partenariat de vie sur celui du mariage, il n’en demeure pas moins que, dans sa version initiale, le LPartG prévoyait déjà, à ses articles 2 et 5, que les partenaires de vie ont les devoirs mutuels, d’une part, de se prêter secours et assistance et, d’autre part, de contribuer de manière adéquate aux besoins de la communauté partenariale par leur travail et leur patrimoine, comme cela est aussi le cas entre les époux pendant leur vie commune.

48      Il s’ensuit que de telles obligations pèsent, depuis l’entrée en vigueur du LPartG, sur les partenaires de vie comme sur les époux mariés.

49      S’agissant, en second lieu, du critère d’un traitement moins favorable fondé sur l’orientation sexuelle, il ressort du dossier soumis à la Cour que la pension de retraite complémentaire de M. Römer aurait été augmentée, par application de l’article 8, paragraphe 10, dernière phrase, du premier RGG, si, au mois d’octobre 2001, il s’était marié, au lieu de conclure un partenariat de vie enregistré avec un homme.

50      Or, ainsi que l’a constaté M. l’avocat général au point 99 de ses conclusions, ce traitement plus favorable n’aurait été lié ni aux revenus des parties à l’union, ni à l’existence d’enfants, ni à d’autres facteurs tels que ceux relatifs aux besoins économiques du conjoint.

51      En outre, il apparaît que, durant sa vie professionnelle, les cotisations dues par l’intéressé en rapport avec la prestation en cause au principal n’étaient nullement fonction de son état civil, puisqu’il était tenu de contribuer aux dépenses de pension en versant une cotisation égale à celle de ses collègues mariés.

52      Partant, il convient de répondre aux troisième et septième questions posées que les dispositions combinées des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 s’opposent à une disposition nationale telle que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG, en vertu de laquelle un prestataire lié dans le cadre d’un partenariat de vie perçoit une pension de retraite complémentaire d’un montant inférieur à celle octroyée à un prestataire marié non durablement séparé, si

–        dans l’État membre concerné, le mariage est réservé à des personnes de sexes différents et coexiste avec un partenariat de vie tel que celui prévu par le LPartG, qui est réservé à des personnes de même sexe, et

–        une discrimination directe existe en raison de l’orientation sexuelle du fait que, en droit national, ledit partenaire de vie se trouve dans une situation juridique et factuelle comparable à celle d’une personne mariée en ce qui concerne ladite pension. L’appréciation de la comparabilité relève de la compétence de la juridiction de renvoi et doit être focalisée sur les droits et obligations respectifs des époux et des personnes engagées dans un partenariat de vie, tels qu’ils sont régis dans le cadre des institutions correspondantes, qui sont pertinents compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de la prestation en question.

 Sur la cinquième question

53      Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en premier lieu, si, dans l’hypothèse où la Cour admettrait que le désavantage subi par un prestataire tel que le requérant au principal constitue une violation du droit de l’Union, l’intéressé pourrait exiger d’être traité à l’égal des prestataires mariés non durablement séparés avant même que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG ne soit modifié en vue de le rendre compatible avec ce droit, dans la mesure où la Freie und Hansestadt Hamburg est non pas un employeur de droit privé, mais une collectivité locale publique ayant à la fois la qualité d’employeur et celle de législateur en ce qui concerne ladite disposition.

54      Selon une jurisprudence bien établie, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (arrêt du 19 novembre 2009, Filipiak, C‑314/08, Rec. p. I‑11049, point 81 et jurisprudence citée).

55      En outre, lorsque sont remplies les conditions requises pour que les dispositions d’une directive puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier, employeur ou autorité publique (arrêt du 18 novembre 2010, Georgiev, C‑250/09 et C‑268/09, non encore publié au Recueil, point 70).

56      Il s’ensuit que, au cas où une disposition telle que l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG constituerait une discrimination au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, le droit à l’égalité de traitement pourrait être revendiqué par un particulier à l’encontre d’une collectivité locale sans qu’il y ait lieu d’attendre que cette disposition soit mise en conformité avec le droit de l’Union par le législateur national, compte tenu de la primauté de ce droit (voir, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2010, Petersen, C‑341/08, non encore publié au Recueil, point 81, et Georgiev, précité, point 73).

57      En second lieu, la juridiction de renvoi pose la question de savoir à partir de quelle date l’égalité de traitement devrait être assurée. À cet égard, il convient d’observer, tout d’abord, que, dans l’hypothèse où il existerait une discrimination au sens de la directive 2000/78, le requérant au principal ne saurait bénéficier au titre de cette directive des mêmes droits que les prestataires mariés quant à la pension complémentaire en cause au principal avant l’expiration du délai imparti aux États membres pour la transposer.

58      S’agissant de ce délai, il convient d’observer que, si, ainsi qu’il a été constaté notamment dans l’arrêt du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981, point 13), la République fédérale d’Allemagne a demandé à bénéficier, conformément à l’article 18, deuxième alinéa, de la directive 2000/78, d’un délai supplémentaire de trois ans à compter du 2 décembre 2003 pour la transposition de ladite directive, cette faculté, ainsi qu’il résulte des termes de ladite disposition, ne concernait que la discrimination fondée sur l’âge et le handicap. Par conséquent, le délai imparti pour transposer les dispositions de la directive 2000/78 relatives à la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle a expiré, pour la République fédérale d’Allemagne comme pour les autres États membres, le 2 décembre 2003.

59      Enfin, s’agissant de la période comprise entre l’enregistrement du partenariat de vie du requérant au principal, le 15 octobre 2001, et l’échéance du délai de transposition de la directive 2000/78, il convient de rappeler que le Conseil de l’Union européenne a, sur le fondement de l’article 13 CE, adopté la directive 2000/78, dont la Cour a jugé qu’elle ne consacre pas elle‑même le principe de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lequel trouve sa source dans divers instruments internationaux et les traditions constitutionnelles communes aux États membres, mais a uniquement pour objet d’établir, dans ces mêmes matières, un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur divers motifs (voir arrêts Mangold, précité, point 74, et du 19 janvier 2010, Kücükdeveci, C‑555/07, non encore publié au Recueil, point 20), parmi lesquels figure l’orientation sexuelle.

60      Toutefois, pour que le principe de non-discrimination en fonction de l’orientation sexuelle s’applique dans un cas comme celui de l’affaire au principal, encore faut-il que celui-ci se situe dans le champ d’application du droit de l’Union (voir arrêt Kücükdeveci, précité, point 23).

61      Or, ni l’article 13 CE ni la directive 2000/78 ne permettent de rattacher au champ d’application du droit de l’Union une situation telle que celle en cause au principal pour la période antérieure à l’expiration du délai de transposition de cette directive (voir, par analogie, arrêts du 23 septembre 2008, Bartsch, C‑427/06, Rec. p. I‑7245, points 16 et 18, ainsi que Kücükdeveci, précité, point 25).

62      En effet, l’article 13 CE, qui permettait au Conseil de prendre, dans les limites des compétences conférées par le traité CE, les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, ne pouvait, en tant que tel, placer dans le champ d’application du droit de l’Union, aux fins de l’interdiction de toute discrimination de cette nature, des situations qui, comme dans l’affaire au principal, n’entraient pas dans le cadre des mesures adoptées sur le fondement dudit article, en particulier, s’agissant de la directive 2000/78, avant l’expiration du délai que celle-ci prévoyait pour sa transposition (voir, par analogie, arrêt Bartsch, précité, point 18).

63      Par ailleurs, l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG ne constitue pas une mesure de mise en œuvre de la directive 2000/78 ni d’autres dispositions du droit de l’Union, de sorte que ce n’est qu’à l’expiration du délai de transposition de cette directive que celle-ci a eu pour effet de faire entrer dans le champ d’application du droit de l’Union la réglementation nationale en cause au principal, qui concerne une matière régie par ladite directive, à savoir les conditions de rémunération au sens de l’article 157 TFUE (voir, par analogie, arrêt Bartsch, précité, points 17, 24 et 25).

64      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question posée que, dans l’hypothèse où l’article 10, paragraphe 6, du premier RGG constituerait une discrimination au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, le droit à l’égalité de traitement pourrait être revendiqué par un particulier tel que le requérant au principal au plus tôt après l’expiration du délai de transposition de ladite directive, à savoir à partir du 3 décembre 2003, et ce sans qu’il y ait lieu d’attendre que ladite disposition soit mise en conformité avec le droit de l’Union par le législateur national.

 Sur les quatrième et sixième questions

65      Eu égard aux réponses apportées aux troisième et cinquième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question posée.

66      S’agissant de la sixième question, il suffit de constater que le litige en cause au principal porte sur des droits à pension de retraite complémentaire versés à compter du 1er novembre 2001, sur lesquels la limitation des effets dans le temps de l’arrêt du 17 mai 1990, Barber (C‑262/88, Rec. p. I‑1889), à la période postérieure au 17 mai 1990 ne saurait avoir d’incidence, nonobstant le fait que les cotisations servant de support auxdits droits aient été versées avant la date de prononcé dudit arrêt. Par ailleurs, ni la République fédérale d’Allemagne ni la Freie und Hansestadt Hamburg n’ont suggéré une quelconque limitation dans le temps des effets du présent arrêt et aucun élément soumis à la Cour n’indique qu’il y ait lieu d’y procéder.

 Sur les dépens

67      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, doit être interprétée en ce sens que n’échappent pas à son champ d’application matériel, ni en raison de son article 3, paragraphe 3, ni en raison de son vingt-deuxième considérant, les pensions de retraite complémentaires telles que celles versées aux anciens employés de la Freie und Hansestadt Hamburg et à leurs survivants au titre de la loi du Land de Hambourg relative aux pensions complémentaires de retraite et de survie des salariés de la Freie und Hansestadt Hamburg (Erstes Ruhegeldgesetz der Freien und Hansestadt Hamburg), dans sa version du 30 mai 1995, qui constituent des rémunérations au sens de l’article 157 TFUE.

2)      Les dispositions combinées des articles 1er, 2 et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78 s’opposent à une disposition nationale telle que l’article 10, paragraphe 6, de ladite loi du Land de Hambourg, en vertu de laquelle un prestataire lié dans le cadre d’un partenariat de vie perçoit une pension de retraite complémentaire d’un montant inférieur à celle octroyée à un prestataire marié non durablement séparé, si

–        dans l’État membre concerné, le mariage est réservé à des personnes de sexes différents et coexiste avec un partenariat de vie tel que celui prévu par la loi relative au partenariat de vie enregistré (Gesetz über die Eingetragene Lebenspartnerschaft), du 16 février 2001, qui est réservé à des personnes de même sexe, et

–        une discrimination directe existe en raison de l’orientation sexuelle du fait que, en droit national, ledit partenaire de vie se trouve dans une situation juridique et factuelle comparable à celle d’une personne mariée en ce qui concerne ladite pension. L’appréciation de la comparabilité relève de la compétence de la juridiction de renvoi et doit être focalisée sur les droits et obligations respectifs des époux et des personnes engagées dans un partenariat de vie, tels qu’ils sont régis dans le cadre des institutions correspondantes, qui sont pertinents compte tenu de l’objet et des conditions d’octroi de la prestation en question.

3)      Dans l’hypothèse où l’article 10, paragraphe 6, de la loi du Land de Hambourg relative aux pensions complémentaires de retraite et de survie des salariés de la Freie und Hansestadt Hamburg dans sa version du 30 mai 1995, constituerait une discrimination au sens de l’article 2 de la directive 2000/78, le droit à l’égalité de traitement pourrait être revendiqué par un particulier tel que le requérant au principal au plus tôt après l’expiration du délai de transposition de ladite directive, à savoir à partir du 3 décembre 2003, et ce sans qu’il y ait lieu d’attendre que ladite disposition soit mise en conformité avec le droit de l’Union par le législateur national.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.