CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. JÁN MAZÁK
présentées le 15 septembre 2009 ( 1 )
Affaires jointes C-175/08, C-176/08, C-178/08 et C-179/08
Aydin Salahadin Abdulla e.a.
contre
Bundesrepublik Deutschland
«Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire — Qualité de ‘réfugié’ — Article 2, sous c) — Cessation du statut de réfugié — Article 11 — Changement de circonstances — Article 11, paragraphe 1, sous e) — Réfugié — Crainte non fondée de persécution — Appréciation — Article 11, paragraphe 2 — Révocation du statut de réfugié — Preuve — Article 14, paragraphe 2»
I — Introduction
1. |
Les demandes de décision préjudicielle précitées du Bundesverwaltungsgericht (cour fédérale administrative, Allemagne), concernent l’interprétation de certaines dispositions de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ( 2 ). Ces demandes de décision préjudicielle concernent les conditions de perte du statut de réfugié en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. Le Bundesverwaltungsgericht voudrait, en particulier, voir précisé si une personne perd son statut de réfugiée en vertu de la disposition précitée, dès lors que les circonstances ayant justifié la crainte qu’elle avait d’être persécutée et à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ont cessé d’exister, et qu’elle n’a pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), de la directive susmentionnée. Dans l’hypothèse où la Cour considérerait qu’il n’y a pas cessation du statut de réfugié dans les circonstances exposées ci-dessus, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser si, et dans quelle mesure, la cessation du statut de réfugié est subordonnée à certaines conditions supplémentaires. La juridiction de renvoi demande également à la Cour d’apporter des éclaircissements sur la manière d’apprécier les circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté dans le contexte de la cessation du statut de réfugié lorsque les circonstances antérieures, à la suite desquelles la personne concernée avait été reconnue comme réfugiée, ont disparu. |
II — Cadre juridique
A — Droit international — Convention relative au statut des réfugiés
2. |
La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 ( 3 ), est entrée en vigueur le 22 avril 1954. La version de cette convention applicable au litige au principal est celle résultant du protocole relatif au statut des réfugiés, adopté le 31 janvier 1967 à New York et entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la «convention de Genève»). |
3. |
Aux termes de l’article 1er, section A, paragraphe 2, de la convention de Genève, le terme «réfugié» s’applique à toute personne qui, «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays […]». |
4. |
Aux termes de l’article 1er, section C, de la convention de Genève, «[c]ette Convention cessera, dans les cas ci-après, d’être applicable à toute personne visée par les dispositions de la section A ci-dessus: […]
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B — Droit communautaire
5. |
L’article 2, sous c), de la directive 2004/83 dispose qu’il convient d’entendre, par le terme ‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays. |
6. |
L’article 2, sous e), de la directive 2004/83 définit une ‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’ [comme] tout ressortissant d’un pays tiers […] qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine […], courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, […] cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays. |
7. |
L’article 4 de la directive 2004/83, intitulé «Évaluation des faits et circonstances», dispose en son paragraphe 4 que «[l]e fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas». |
8. |
L’article 7, intitulé «Acteurs de la protection», dispose: «1. La protection peut être accordée par:
2. Une protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe 1 prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. 3. Lorsqu’ils déterminent si une organisation internationale contrôle un État ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe 2, les États membres tiennent compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil en la matière.» |
9. |
L’article 11 de la directive 2004/83, intitulé «Cessation», dispose: «Tout ressortissant d’un pays tiers […] cesse d’être un réfugié dans les cas suivants: […]
[…] 2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, points e) […], les États membres examinent si le changement de circonstances est suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d’être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée.» |
10. |
Aux termes de l’article 14 de la directive 2004/83, intitulé «Révocation, fin du statut de réfugié ou refus de le renouveler»: «1. En ce qui concerne les demandes de protection internationale introduites après l’entrée en vigueur de la présente directive, les États membres révoquent le statut de réfugié octroyé par une autorité gouvernementale, administrative, judiciaire ou quasi judiciaire à un ressortissant de pays tiers […], y mettent fin ou refusent de le renouveler lorsque le réfugié a cessé de bénéficier de ce statut en vertu de l’article 11. 2. Sans préjudice de l’obligation faite au réfugié, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de déclarer tous les faits pertinents et de fournir tout justificatif pertinent dont il dispose, l’État membre qui a octroyé le statut de réfugié apporte la preuve, au cas par cas, de ce que la personne concernée a cessé d’être ou n’a jamais été un réfugié au sens du paragraphe 1 du présent article. […]» |
11. |
Aux termes de l’article 15 de la directive 2004/83, intitulé «Atteintes graves»: «Les atteintes graves sont:
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C — Droit national
12. |
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la loi allemande sur la procédure d’asile (Asylverfahrensgesetz): «Un étranger est un réfugié au sens de la [convention de Genève] quand il est exposé à des menaces au sens de l’article 60, paragraphe 1, de la loi relative au séjour des étrangers (Aufenthaltsgesetz) dans l’État dont il a la nationalité […]» |
13. |
L’article 60, paragraphe 1, de la loi allemande relative au séjour des étrangers (Aufenthaltsgesetz) comporte une liste énumérant les circonstances dans lesquelles un étranger ne peut pas être reconduit à la frontière. |
14. |
Le 19 août 2007, la République fédérale d’Allemagne a adopté une loi transposant les directives de l’Union européenne en matière de droit de séjour et de droit d’asile ( 4 ) et modifiant, entre autres, l’article 73, paragraphe 1, de la loi allemande sur la procédure d’asile afin de transposer en droit interne les articles 11 et 14 de la directive 2004/83. Aux termes de l’article 73, paragraphe 1, susmentionné: «L’octroi du droit d’asile et celui du statut de réfugié doivent être abrogés sans délai lorsque les conditions qui ont motivé cet octroi ont cessé d’exister. Tel est notamment le cas lorsque, les circonstances à la suite desquelles le droit d’asile ou le statut de réfugié lui a été reconnu ayant cessé d’exister, l’étranger ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité […]» |
III — Litige au principal et arrêt de renvoi
15. |
Les parties au litige au principal devant la juridiction de renvoi se sont rendues en Allemagne entre 1999 et 2002, où elles ont déposé des demandes d’asile. M. Aydin Salahadin Abdulla, requérant dans l’affaire C-175/08, est un citoyen iraquien appartenant à l’ethnie turkmène et de confession sunnite. À l’appui de sa demande d’asile, il a indiqué que, désespéré par l’incarcération de son frère, il avait poignardé un membre du parti Baas. M. Kamil Hasan, requérant dans l’affaire C-176/08, est un citoyen iraquien appartenant à l’ethnie arabe et de confession sunnite. À l’appui de sa demande d’asile, il a fait valoir que l’un de ses cousins avait caché chez lui des documents d’un parti interdit de l’opposition ainsi qu’un pistolet, trouvés lors d’une perquisition. M. Ahmed Adem et Mme Hamrin Mosa Rashi, requérants dans l’affaire C-178/08, sont un couple marié de nationalité iraquienne et de confession musulmane. M. Adem appartient à l’ethnie arabe, tandis que Mme Mosa Rashi appartient à l’ethnie kurde. À l’appui de leur demande d’asile, ils ont fait valoir que M. Adem était recherché par la police secrète, parce qu’il avait agi pour un parti d’opposition (Hizb Al-Chaab Al-Democrati). M. Dler Jamal, requérant dans l’affaire C-179/08, est un citoyen iraquien appartenant à l’ethnie kurde et de confession musulmane. À l’appui de sa demande d’asile, il a fait valoir l’existence de problèmes avec deux membres du parti Baas alors au pouvoir ( 5 ). |
16. |
Les requérants au principal ont été reconnus comme réfugiés en application de l’article 51, paragraphe 1, de la loi allemande relative aux étrangers (Ausländergesetz) [aujourd’hui en application des dispositions combinées de l’article 3, paragraphe 1, de la loi allemande sur la procédure d’asile et de l’article 60, paragraphe 1, de la loi allemande relative au séjour des étrangers] par le Bundesamt für die Anerkennung ausländischer Flüchtlinge, devenu le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (l’Office fédéral pour la reconnaissance des réfugiés étrangers, devenu l’Office fédéral de la migration et des réfugiés, ci-après le «Bundesamt») en 2001 et en 2002. Ce titre de réfugié a été abrogé par le Bundesamt entre janvier et août 2005 en raison de l’évolution de la situation en Iraq. Les requérants ont attaqué ces décisions d’abrogation devant le Verwaltungsgericht (tribunal administratif). Les décisions d’abrogation contestées ont été annulées par le Verwaltungsgericht, notamment compte tenu de l’instabilité de la situation prévalant en Iraq. |
17. |
Sur appel de la République fédérale d’Allemagne devant les tribunaux administratifs supérieurs (Oberverwaltungsgericht ou Verwaltungsgerichtshof), les jugements du Verwaltungsgericht ont été infirmés et les recours en annulation formés par les requérants ont été rejetés entre mars et août 2006. Les tribunaux administratifs supérieurs ont motivé leurs décisions, notamment, par le fait que l’ancien régime de Saddam Hussein avait définitivement perdu son emprise politique et militaire sur l’Iraq et que les requérants étaient à présent suffisamment à l’abri des persécutions subies sous le régime de Saddam Hussein. Les tribunaux en question ont également considéré qu’aucune menace de persécutions (de quelque nature que ce soit) fortement probable ne pesait sur les requérants pour d’autres raisons. De plus, les tribunaux administratifs supérieurs ont précisé que, malgré la persistance d’attaques terroristes ainsi que la poursuite d’hostilités ouvertes entre l’opposition militante et les forces de sécurité régulières ainsi que les forces de la coalition, elles ne voyaient pas en quoi cet état de fait, rapporté à la personne des requérants, présenterait des caractéristiques ayant une incidence sur leur droit d’asile. Selon ces juridictions, les dangers de nature générale ne sont couverts ni par la protection de l’article 60, paragraphe 1, de la loi allemande relative au séjour des étrangers, ni par celle de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève sur les réfugiés. En outre, elles ont jugé que les décisions d’abrogation du titre de réfugié ne se heurtaient à aucun obstacle juridique eu égard à la directive 2004/83, puisque celle-ci ne pouvait produire aucun effet direct avant l’expiration de son délai de transposition. Les juridictions en question ont également estimé que la directive 2004/83 ne modifiait pas la substance de l’article 60, paragraphe 1, de la loi allemande relative au séjour des étrangers. |
18. |
Les requérants ont formé un pourvoi en révision de ces arrêts d’appel devant la juridiction de renvoi. |
19. |
Cette dernière considère qu’il est nécessaire que la situation régnant dans le pays d’origine d’un réfugié ait changé de manière significative et non provisoire et que la crainte fondée d’être persécuté, que celui-ci avait et à la suite de laquelle il avait été reconnu comme réfugié, ait disparu et qu’il n’ait pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécuté. Si un réfugié soutient qu’il subira des persécutions nouvelles ou différentes si on le renvoie dans son pays d’origine, il est alors nécessaire d’établir l’existence d’un risque réel que de telles persécutions se produisent. La «protection du pays» à laquelle il est fait référence dans l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève a le même sens que la notion de «protection de ce pays» utilisée à l’article 1er, section A, paragraphe 2, de cette convention et se réfère uniquement à la protection contre les persécutions. Selon la juridiction de renvoi, conformément à sa jurisprudence constante et compte tenu de l’énoncé et de la finalité de l’article 1er, section A, paragraphe 2, de la convention de Genève, les dangers de nature générale ne relèvent ni de la protection accordée par cette disposition ni de l’article 1er, section C, paragraphe 5, première phrase, de ladite convention. La question de savoir si l’on est en droit d’exiger de l’étranger qu’il retourne dans son pays d’origine, alors qu’il y existe des dangers de nature générale, ne saurait être examinée dans le cadre de la cessation du statut de réfugié en application de l’article 73, paragraphe 1, de la loi allemande sur la procédure d’asile, mais doit être examinée au regard des articles 60, paragraphe 7, et 60 bis, paragraphe 1, première phrase, de la loi allemande relative au séjour des étrangers. La juridiction de renvoi relève également que la cessation du statut de réfugié ne conduit pas nécessairement à la perte du droit de séjourner en Allemagne. |
20. |
La juridiction de renvoi exprime toutefois des doutes sur la justesse de cette position au regard de la proposition de la Commission des Communautés européennes ( 6 ) qui a conduit à l’adoption de la directive 2004/83 et au regard de certains documents émanant du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés («HCNUR»). Dans sa proposition, la Commission, outre qu’elle met en évidence la nécessité d’apprécier si le changement politique ou social intervenu dans le pays d’origine est d’une importance telle qu’il a entraîné l’avènement d’un régime stable, a considéré qu’il devait y avoir des éléments objectifs et vérifiables prouvant que les droits de l’homme sont généralement respectés dans le pays en question, indiquant peut-être par là que la cessation du statut de réfugié est subordonnée à des conditions supplémentaires. La juridiction de renvoi relève également que les déclarations du HCNUR relatives aux dispositions de la convention de Genève concernant la cessation ne permettent pas de se faire une idée très claire sur ce point ( 7 ). |
21. |
Dans l’hypothèse où la Cour estimerait qu’une personne ne perd pas son statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 dès lors que sa crainte fondée de persécution ( 8 ), à la suite de laquelle elle a été reconnue comme réfugiée, a cessé d’exister et qu’elle n’a pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécutée ( 9 ), la juridiction de renvoi souhaiterait savoir si la perte du statut de réfugié implique l’existence d’un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de ladite directive et s’il suffit à cet égard que la protection ne puisse être accordée qu’avec l’aide de troupes multinationales. La juridiction de renvoi demande également si une personne perd son statut de réfugiée si, en retournant dans son pays d’origine après la disparition de sa crainte fondée d’être persécutée, elle risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 15 de la directive 2004/83, ce qui lui donnerait droit à la protection subsidiaire en vertu de l’article 18 de cette même directive. Selon la juridiction de renvoi, la protection subsidiaire est un statut de protection indépendant qui doit être distingué du statut de réfugié. Par conséquent, lorsqu’il perd sa qualité de réfugié, l’étranger ne perd que la protection que lui confère son statut de réfugié. S’il remplit en revanche toutes les conditions lui permettant de bénéficier de la protection subsidiaire prévue à l’article 18 de la directive 2004/83, la protection qui en découle en Allemagne doit lui être octroyée par la constatation de l’existence d’un motif s’opposant à sa reconduite à la frontière (voir article 60, paragraphes 2, 3 et 7, deuxième phrase, de la loi allemande relative au séjour des étrangers), associée à la délivrance d’un titre de séjour en vertu de l’article 25, paragraphe 3, de cette même loi allemande. La juridiction de renvoi considère également que la perte de la qualité de réfugié ne devrait pas davantage dépendre de la question de savoir si, dans l’État d’origine, de manière générale et indépendamment d’un risque de persécutions, la situation sur le plan de la sécurité est stable et les conditions de vie générales garantissent le minimum vital. |
22. |
La juridiction de renvoi relève que la convention de Genève et la directive 2004/83 ne précisent pas les critères permettant d’apprécier si une crainte de persécutions est fondée ou si elle ne peut plus être considérée comme fondée en cas de cessation du statut de réfugié. Dans les affaires de cessation du statut de réfugié dont elle a été saisie, la juridiction de renvoi a considéré jusqu’ici que la crainte d’être persécuté d’un réfugié ne peut plus être considérée comme justifiée, dès lors que la situation dans son pays d’origine a changé de manière suffisamment significative et non provisoire pour que, dans l’éventualité de son retour, le risque de répétition des actes de persécution ayant motivé sa fuite puisse être exclu de façon suffisamment certaine dans un proche avenir et qu’il n’y ait pas non plus une probabilité importante qu’il y subisse alors des persécutions entièrement nouvelles et différentes pour d’autres raisons. La juridiction de renvoi estime que les circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté doivent être appréciées à l’aune du même critère de vraisemblance que celui qui s’applique déjà à la reconnaissance du statut de réfugié. |
23. |
La juridiction de renvoi relève également que, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83, le fait qu’un demandeur a déjà, notamment, été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel qu’il a de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. La juridiction de renvoi estime toutefois que l’emploi de la formulation restrictive «solcher Verfolgung», que l’on retrouve également dans les versions en langue anglaise («such persecution») et en langue française («une telle persécution»), indique que l’allégement de la charge de la preuve ne s’applique pas dans tous les cas où un demandeur a déjà, notamment, été persécuté, mais suppose l’existence d’un lien étroit entre des persécutions déjà subies et le fait qui est susceptible d’entraîner de nouveau des persécutions en cas de retour au pays. Si, au contraire, l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83 s’applique également en l’absence d’un tel lien étroit, il conviendrait alors d’élucider la question de savoir si cette disposition s’applique également en cas de perte de la qualité de réfugié ou si l’article 14, paragraphe 2, de cette directive contient à cet égard une règle spéciale écartant la règle générale énoncée en son article 4, paragraphe 4. |
24. |
Par ces motifs, le Bundesverwaltungsgericht a décidé, par arrêts du 7 février 2008 (affaires C-176/08 et C-179/08) et du 31 mars 2008 (affaires C-175/08 et C-178/08) de surseoir à statuer et de déférer les questions préjudicielles suivantes à la Cour:
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IV — Procédure devant la Cour
25. |
Des observations écrites ont été présentées par les requérants au principal, les gouvernements allemand, italien, chypriote et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes. Une audience a eu lieu le 2 juin 2009. |
V — Recevabilité
26. |
La juridiction de renvoi observe que, dans les litiges dont elle a été saisie au principal, l’abrogation de la reconnaissance du statut de réfugié ne relève pas directement des dispositions combinées des articles 14, paragraphe 1, et 11 de la directive 2004/83, car les demandes de protection internationale en cause ont été introduites avant l’entrée en vigueur de cette directive. La juridiction de renvoi considère toutefois que l’abrogation du titre de réfugié des requérants devrait être examinée à la lumière de la nouvelle version de l’article 73 de la loi sur la procédure d’asile, entrée en vigueur le 28 août 2007, dans la mesure où le législateur allemand a transposé les articles 14 et 11 de la directive 2004/83 sans limiter dans le temps l’applicabilité de ses dispositions. Selon la juridiction de renvoi, dans des cas similaires, la Cour s’est reconnue compétente pour statuer sur une demande de décision préjudicielle concernant une transposition de directive en droit interne qui n’est pas requise par le droit communautaire. |
27. |
Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. La Cour ne peut refuser la demande d’une juridiction nationale que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle communautaire demandée par la juridiction nationale n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, ou lorsque le problème est général ou hypothétique ( 10 ). |
28. |
Par conséquent, lorsque des questions déférées par une juridiction nationale concernent l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer. De plus, lorsqu’une législation nationale se conforme aux solutions retenues en droit communautaire, il existe un intérêt communautaire certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit communautaire reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer ( 11 ). |
29. |
En ce qui concerne l’application de la jurisprudence susmentionnée au présent renvoi préjudiciel, il résulte clairement des termes de l’article 14, paragraphe 1, en combinaison avec l’article 39 de la directive 2004/83, que l’article 11 de cette directive ne s’applique pas aux requérants, car leur demande de protection internationale ( 12 ) a été déposée avant l’entrée en vigueur de la directive ( 13 ). Toutefois, il semble résulter de la demande de décision préjudicielle que, bien que la directive 2004/83 ne régisse pas directement la situation en cause, l’article 73 de la loi allemande sur la procédure d’asile a été modifié afin de transposer les articles 11 et 14 de la directive 2004/83 et de donner, à compter du 28 août 2007, les mêmes solutions que celles retenues en droit communautaire, indépendamment de la date à laquelle une demande visant à bénéficier du statut de réfugié a été déposée en Allemagne. |
30. |
Compte tenu de la jurisprudence susmentionnée et des circonstances de l’espèce et étant donné le fait qu’aucun élément du dossier n’indique que la juridiction de renvoi ait la faculté de s’écarter de l’interprétation des dispositions de la directive 2004/83 que la Cour est appelée à donner, nous considérons que cette dernière a compétence pour statuer sur la demande de décision préjudicielle. |
VI — Sur le fond
A — Première et deuxième questions
31. |
Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, des éclaircissements sur les conditions ( 14 ) de perte du statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. |
1. Principaux arguments des parties
32. |
Les requérants considèrent qu’il conviendrait de répondre par la négative à la première question de la juridiction de renvoi. Les requérants et la Commission soutiennent qu’il n’y a pas d’identité entre les conditions de reconnaissance du statut de réfugié et les conditions de cessation de ce statut. Ils considèrent que l’absence de crainte fondée d’être persécuté n’est pas une condition suffisante pour mettre fin au statut de réfugié et que d’autres conditions doivent encore être remplies pour ce faire. Selon le requérant au principal dans l’affaire C-175/08, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83, d’examiner si le changement de circonstances intervenu dans le pays dont le réfugié a la nationalité est suffisamment significatif et non provisoire. La protection au sens de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève ne concerne pas uniquement la protection contre les persécutions, mais exige l’existence d’un gouvernement opérationnel et de structures administratives de base. Aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive, les demandes de protection doivent être évaluées en tenant compte des conditions générales dans le pays d’origine ainsi que de la situation personnelle du demandeur. Les requérants au principal dans les affaires C-176/08 et C-179/08 considèrent que l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève ne saurait être interprété comme le pendant de l’article 1er, section A, paragraphe 2, de ladite convention. En effet, l’article 1er, section C, paragraphe 5, pose expressément la condition selon laquelle le réfugié ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection de son pays d’origine, en conséquence de quoi on peut raisonnablement exiger qu’il retourne dans ce pays. Il découle de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, interprété à la lumière de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève, que la perte du statut de réfugié est subordonnée non seulement à la cessation des persécutions dans le pays d’origine, mais au fait qu’en plus des changements intervenus dans ce dernier permettent à l’État d’accorder une protection et de garantir aux réfugiés des conditions de vie d’un niveau minimal. Le remplacement d’un régime par un autre ne suffit pas à mettre fin au statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 s’il ne s’accompagne pas d’un changement fondamental et durable aboutissant à l’établissement ou au rétablissement des structures essentielles à la garantie d’une protection nationale. Les requérants au principal dans l’affaire C-178/08 considèrent que, pour qu’une personne perde son statut de réfugiée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, il ne suffit pas qu’aient disparu les circonstances ayant justifié la crainte qu’elle avait d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), de ladite directive, et à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée, et qu’elle n’ait pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), susmentionné. À cet égard, les requérants au principal dans l’affaire C-178/08 invoquent, en particulier, les principes directeurs du HCNUR en date du 10 février 2003 sur la protection internationale: cessation du statut de réfugié dans le contexte de l’article 1er, section C, paragraphes 5 et 6, de la convention de Genève. |
33. |
La République fédérale d’Allemagne considère qu’il convient d’interpréter l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 en ce sens qu’une personne perd son statut de réfugiée, dès lors que les circonstances ayant justifié la crainte qu’elle avait d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), de cette directive, et à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée, ont cessé d’exister, et qu’elle n’a pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), susmentionné. Par conséquent, on ne saurait prendre en considération d’autres circonstances telles que des dangers de nature générale dans le pays d’origine. Si la République fédérale d’Allemagne reconnaît que le libellé de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 pourrait être interprété comme exigeant une condition supplémentaire pour faire perdre le statut de réfugié, à savoir la possibilité pour le réfugié de se réclamer de la protection de son pays d’origine, cet État membre considère qu’une telle interprétation ne serait pas conforme à la convention de Genève et qu’elle doit donc être exclue. En effet, selon la République fédérale d’Allemagne, alors que la version française de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève n’est pas claire, la version anglaise de cette disposition établit clairement un lien de causalité entre la disparition des circonstances justifiant la crainte d’être persécuté et le recours à la protection du pays d’origine. La République fédérale d’Allemagne estime, par conséquent, que la possibilité de se réclamer de la protection du pays d’origine ne constitue pas une condition supplémentaire indépendante. La République fédérale d’Allemagne souligne également la symétrie entre l’acquisition et la perte du statut de réfugié, aussi bien dans la directive 2004/83 que dans la convention de Genève. Étant donné cette symétrie, les circonstances qui ne justifieraient pas l’octroi du statut de réfugié ne sauraient être prises en considération dans le cadre de l’examen de la perte de ce statut. En outre, la République fédérale d’Allemagne considère que la directive 2004/83 établit une nette distinction entre le statut de réfugié et la protection subsidiaire. |
34. |
Selon la République italienne, l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 devrait être interprété en ce sens qu’une personne perd son statut de réfugiée, dès lors qu’elle n’a plus de crainte fondée d’être persécutée, sous réserve que soit appréciée concrètement l’éventuelle apparition de circonstances nouvelles justifiant cette crainte. |
35. |
La République de Chypre invoque des principes de droit administratif selon lesquels un acte administratif, tel que celui de l’octroi du statut de réfugié, peut être retiré en cas de changement des faits sur lesquels il était fondé. L’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 devrait, selon elle, être interprété en ce sens qu’une personne perd son statut de réfugiée, dès lors que les circonstances ayant justifié la crainte qu’elle avait d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), de cette directive, et à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée, ont cessé d’exister. Selon la République de Chypre, lorsqu’une personne a d’autres raisons que celles à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée de craindre d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2004/83, il lui appartient de présenter une nouvelle demande d’asile, en invoquant ces autres raisons. |
36. |
Le Royaume-Uni estime que le législateur communautaire avait manifestement l’intention de transposer, autant que cela était pertinent, les dispositions de la convention de Genève. L’unique critère juridique établi en vertu de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève pour apprécier la perte du statut de réfugié est que «les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée [ont] cessé d’exister». Pour être reconnue comme réfugiée, une personne doit remplir la condition tenant à la crainte fondée d’être persécutée. Par conséquent, une personne qui ne craint plus avec raison d’être persécutée perd son statut de réfugiée tant en application de la convention de Genève qu’en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. La question de savoir si une personne continue à craindre avec raison d’être persécutée est une question de fait dont l’appréciation se fait au regard de l’ensemble des circonstances de l’espèce et qui incombe aux autorités nationales. Ces circonstances étant susceptibles de varier considérablement d’un cas à l’autre, il convient d’appliquer un critère juridique large. Le Royaume-Uni considère que les considérations énoncées à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 font partie de l’appréciation de fait à laquelle doivent se livrer les États membres pour juger si la crainte qu’a une personne d’être persécutée reste fondée. En outre, selon le Royaume-Uni, les principes directeurs du HCNUR ne lient pas les États membres en droit international et n’ont pas été intégrés dans le droit communautaire. |
37. |
La Commission estime que l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 doit être interprété en ce sens qu’une personne ne perd pas son statut de réfugiée dès lors que sa crainte fondée de persécution au sens de l’article 2, sous c), de cette directive, à la suite de laquelle elle a été reconnue comme réfugiée, a cessé d’exister et qu’elle n’a pas non plus d’autres raisons de craindre d’être persécutée au sens de l’article 2, sous c), susmentionné. Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83, le changement des circonstances à la suite desquelles une personne a été reconnue comme réfugiée doit être significatif et non provisoire. La notion de «changements significatifs» au sens de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 ne se réfère pas uniquement à la cessation des circonstances ayant justifié la crainte d’être persécuté en vertu de l’article 2, sous c), de cette directive, mais concerne également l’environnement politique et social en général, et plus particulièrement la situation en matière de droits de l’homme. La condition d’un changement «non provisoire» énoncée à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 ne concerne pas uniquement la cessation des circonstances ayant justifié la crainte d’être persécuté, mais concerne en particulier la question de savoir s’il s’est produit un changement fondamental qui soit de nature à assurer une solution durable au sens large pour les personnes concernées. L’application de la clause de cessation de la convention de Genève ne doit pas provoquer de nouveaux mouvements de fuite et entraîner la nécessité de nouvelles reconnaissances du statut de réfugié. Selon la Commission, le fait que les circonstances à la suite desquelles le statut de réfugié a été reconnu aient disparu est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour mettre fin au statut de réfugié. Il est également crucial de se demander si le réfugié peut effectivement se réclamer à nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Cette protection doit alors être effective et disponible. Par conséquent, la condition de la protection du pays d’origine visée à l’article 11, paragraphes 1, sous e), et 2, de la directive 2004/83 ne concerne pas seulement la protection contre les persécutions à la suite desquelles le statut de réfugié peut être reconnu, mais aussi une protection efficace et disponible assurée par un système étatique opérationnel. |
38. |
En réponse à la deuxième question, le requérant au principal dans l’affaire C-175/08 considère que la perte du statut de réfugié suppose qu’il existe un acteur de la protection, au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83 et que la protection ne puisse pas être assurée uniquement avec l’aide de troupes multinationales. Le fait qu’un État ne puisse garantir sa protection qu’avec l’aide de troupes multinationales indique que le changement de situation dans le pays d’origine n’est pas profond et durable. Il n’y a pas de protection efficace du réfugié contre de nouvelles persécutions et il ne peut pas vivre dans la sécurité et la dignité s’il risque une atteinte grave au sens des articles 15 et 18 de la directive 2004/83. Il n’y a pas de protection efficace du réfugié si son pays d’origine n’est pas en mesure d’assurer des conditions de vie minimales. Les requérants dans les affaires C-176/08 et C-179/08 considèrent que, étant donné l’absence d’acteurs de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/83, la cessation du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de cette directive suppose l’existence d’un État iraquien. De plus, l’article 7, paragraphe 2, de ladite directive exige que l’État iraquien prenne des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves et que le demandeur ait accès à cette protection. Si la protection ne peut être assurée qu’avec l’aide de troupes multinationales, les requérants considèrent cela comme un signe de faiblesse et d’instabilité de l’État qui conduit à conclure à l’absence de mesures prises conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83. Compte tenu des articles 7, paragraphe 2, et 2, sous e), de la directive 2004/83, seules les personnes qui ne remplissent pas les conditions pour être reconnues comme réfugiées bénéficient de la protection subsidiaire en vertu des articles 15 et 18 de ladite directive. Le droit à la protection subsidiaire ne met pas fin au statut de réfugié, mais représente un statut juridique pour les personnes qui ne remplissent pas les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié. En outre, la cessation du statut de réfugié exige une situation stable sur le plan de la sécurité et la garantie du minimum vital. Les requérants au principal dans l’affaire C-178/08 considèrent que la perte du statut de réfugié implique l’existence d’un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83, étant précisé qu’il ne suffit pas, à cet égard, que la protection ne puisse être accordée qu’avec l’aide de troupes multinationales. Un risque d’atteinte grave qui entraînerait l’octroi de la protection subsidiaire en vertu de l’article 18 de la directive 2004/83, une situation instable sur le plan de la sécurité ou des conditions de vie générales qui ne garantissent pas le minimum vital empêchent la perte du statut de réfugié. |
39. |
La République fédérale d’Allemagne soutient à titre subsidiaire que la perte du statut de réfugié est subordonnée à l’existence d’un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83. Cette condition est remplie, même si la protection ne peut être assurée qu’avec l’aide de troupes multinationales. La perte du statut de réfugié ne suppose pas que le réfugié ne risque aucune atteinte grave au sens de l’article 15 de la directive 2004/83. La perte du statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 ne suppose ni que la situation sur le plan de la sécurité soit stable dans le pays dont le réfugié a la nationalité ni que les conditions de vie générales garantissent le minimum vital. La République italienne considère qu’un acteur quasi étatique se présentant sous la forme de troupes multinationales peut être considéré comme un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83. Une personne ne perd pas son statut de réfugiée lorsqu’elle risque une atteinte grave, auquel cas une règle spécifique s’applique. La stabilité des conditions de sécurité du pays et de vie de la personne est totalement sans incidence sur la perte du statut de réfugié. La République de Chypre estime que la perte du statut de réfugié ne suppose pas: premièrement, l’existence d’un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83; deuxièmement, que le réfugié ne risque aucune atteinte grave au sens de l’article 15 de cette directive; troisièmement, que la situation soit stable sur le plan de la sécurité, sauf si le statut de réfugié a été accordé sur la base, concrètement, de cette situation et, quatrièmement, que les conditions de vie générales garantissent le minimum vital. |
40. |
Dans l’hypothèse où la Cour jugerait que la perte du statut de réfugié est subordonnée à des conditions supplémentaires, le Royaume-Uni estime, à titre subsidiaire, premièrement, qu’une personne peut perdre la qualité de réfugiée lorsque la protection contre les persécutions ne peut être assurée qu’avec l’aide de troupes multinationales. Deuxièmement, l’appréciation du droit à la protection subsidiaire et l’octroi de ce statut en vertu de l’article 15 de la directive 2004/83 ne dépendent pas de la question de savoir si une personne peut prétendre au statut de réfugié. Par conséquent, le risque de subir des atteintes graves ne peut faire, à lui seul, obstacle à la perte du statut de réfugié. Troisièmement, il n’existe aucune condition préalable à l’abrogation du titre de réfugié liée à la stabilité de la situation sur le plan de la sécurité dans l’État d’origine ou au fait que les conditions de vie générales y garantissent le minimum vital au réfugié, bien que ces facteurs puissent entrer en ligne de compte en fonction des circonstances de l’espèce. |
41. |
La Commission estime que la condition de cessation du statut de réfugié, selon laquelle, d’une part, la crainte du réfugié d’être persécuté ne peut plus être considérée comme fondée et, d’autre part, le réfugié ne peut par conséquent pas continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, peut également être satisfaite lorsque la garantie de la protection n’est possible qu’à l’aide de troupes multinationales. Le statut de réfugié ne peut pas être perdu lorsque l’intéressé est exposé au risque d’atteintes graves au sens de l’article 15 de la directive 2004/83. Aux fins de l’application de la clause de cessation de cette directive, l’autorité compétente doit prendre en considération la situation sur le plan de la sécurité et les conditions de vie générales. |
2. Appréciation
42. |
L’objectif principal de la directive 2004/83 est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes ( 15 ). Dans la poursuite de cet objectif, la directive 2004/83 respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En outre, la directive 2004/83 vise, en particulier, à garantir le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile notamment des demandeurs d’asile ( 16 ). |
43. |
Il appert clairement du troisième considérant du préambule de la directive 2004/83, et même des observations que fait la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle, ainsi que des observations déposées par les parties devant la Cour, que la directive doit être interprétée à la lumière de la convention de Genève. Le considérant en question précise en effet que cette dernière constitue la «pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés». Étant donné, toutefois, que les termes de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 ont tendance à refléter ceux de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève sur la cessation du statut de réfugié ( 17 ), le seul énoncé de cette convention est de peu d’aide. C’est pourquoi nous estimons que la question de la cessation du statut de réfugié en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 devrait être interprétée à la lumière de l’économie générale et de la finalité de cette directive prise dans son ensemble, tout en respectant les termes de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève. |
44. |
Nous relevons que la juridiction de renvoi a indiqué dans sa demande de décision préjudicielle que, en application du droit allemand, un réfugié peut conserver son titre de séjour après l’écoulement d’un certain délai et peut donc ne pas avoir à retourner dans le pays dont il a la nationalité en cas de cessation de son statut de réfugié. D’après nous, cette pratique nationale ne saurait influencer ou modifier les conditions minimales requises dans la directive 2004/83 pour que cesse le statut de réfugié. Bien entendu, les États membres restent libres d’appliquer des normes plus favorables aux réfugiés, sous réserve qu’elles soient compatibles avec la directive 2004/83 ( 18 ). |
45. |
Même si un réfugié a eu une crainte fondée d’être persécuté dans le pays dont il a la nationalité, il résulte clairement de l’article 11 de la directive 2004/83 que le statut de réfugié n’est pas, en principe, un statut permanent et que le ressortissant d’un pays tiers peut cesser d’être un réfugié dans certaines circonstances. En outre, l’article 11, paragraphe 1, sous e) et f), de la directive 2004/83 permet que cesse le statut de réfugié quelle que soit la volonté de l’intéressé ( 19 ). Cependant, comme la cessation du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 peut, dans certains cas, exiger d’une personne qui a craint d’être persécutée ou qui a effectivement subi une persécution dans le pays dont elle a la nationalité qu’elle y retourne contre sa volonté, les termes de cette disposition doivent être interprétés avec prudence, en respectant pleinement la dignité humaine ( 20 ). |
46. |
Il ressort clairement de la formulation de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 que cette disposition pose deux conditions, qui sont intimement liées et qui doivent être examinées ensemble, pour que cesse le statut de réfugié. Ainsi, il faut établir que les circonstances à la suite desquelles l’intéressé a été reconnu comme réfugié ont cessé d’exister et que le pays dont il a la nationalité peut et veut le protéger. |
47. |
Toutes les versions linguistiques de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 subordonnent la cessation du statut de réfugié à la condition que l’intéressé soit en mesure de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité ( 21 ). S’il suffisait, pour que cesse le statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, d’établir que les circonstances à la suite desquelles une personne a été reconnue comme réfugiée ont disparu, alors le passage «continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité» figurant dans cette disposition n’aurait plus lieu d’être ( 22 ). |
48. |
Par conséquent, même s’il est effectivement nécessaire, en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, d’établir qu’un réfugié n’a plus de crainte justifiée d’être persécuté fondée sur les circonstances à la suite desquelles il avait été reconnu comme réfugié, nous considérons qu’il ne s’agit là que d’une analyse partielle et que cela ne suffit pas à faire perdre le statut de réfugié. En effet, la cessation du statut de réfugié est fondée sur un changement de circonstances dans le pays dont le réfugié a la nationalité qui soit de nature à permettre au réfugié de se réclamer effectivement de la protection de ce pays ( 23 ). |
49. |
La question de l’accès à la protection dans le pays dont le réfugié a la nationalité suppose que l’on apprécie la nature et la portée de la protection à laquelle il doit pouvoir accéder. À cet égard, l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83 dispose qu’une «protection» est généralement accordée lorsque, notamment, l’État prend des mesures raisonnables pour empêcher «la persécution ou des atteintes graves». Cela soulève donc la question de savoir si le terme de «protection» figurant dans l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 est limité à la protection contre la persécution ou s’il s’étend également à la protection contre des «atteintes graves», notion qui fait partie de la définition de la «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» aux termes de l’article 2, sous e), de cette directive. |
50. |
Interpréter correctement les dispositions de la directive 2004/83 relatives au statut de réfugié, y compris à la cessation de ce statut conformément à son article 11, paragraphe 1, sous e), suppose de bien comprendre la notion de «réfugié» telle qu’elle est définie à l’article 2, sous c), de cette directive. Nous estimons qu’il existe un lien entre les critères juridiques de l’octroi du statut de réfugié et les conditions à remplir pour que ce statut prenne fin. |
51. |
À notre avis, la directive 2004/83 établit clairement une nette distinction entre les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire. Cela ressort notamment des définitions énoncées à l’article 2, sous c) et e), de cette directive, des conditions distinctes à remplir pour bénéficier du statut de réfugié et pour bénéficier de la protection subsidiaire en vertu, notamment, respectivement des chapitres III et V de cette directive et de la différence entre la protection accordée aux réfugiés et celle accordée aux personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire en vertu du chapitre VII de cette directive. Par conséquent, l’appréciation de la question de savoir si une personne s’expose à un risque réel de subir des atteintes graves dans le pays dont elle a la nationalité ne fait partie ni des critères juridiques applicables à l’octroi du statut de réfugié en vertu de l’article 13 de la directive 2004/83 ni des critères de cessation de ce statut en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de cette directive. Dans le cas contraire, il y aurait une distorsion inacceptable des définitions de «réfugié» et de «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire» respectivement énoncées à l’article 2, sous c) et e), de la directive 2004/83 ainsi que de l’économie générale de cette directive, qui repose sur deux piliers de protection internationale distincts ( 24 ). |
52. |
Toutefois, le fait qu’une personne ait perdu son statut de réfugiée n’exclut pas la possibilité qu’elle soit exposée à un risque réel de subir des atteintes graves, selon la définition qu’en donne l’article 15 de la directive 2004/83, dans le pays dont elle a la nationalité. Dans ce type de situation, il convient d’offrir à l’ancien réfugié une possibilité large et réelle de déposer une demande de protection subsidiaire. Ainsi, lorsque les autorités nationales de l’État membre estiment qu’une personne perd son statut de réfugiée en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, toutes les mesures nécessaires doivent être prises afin de faire en sorte que cette personne ait une possibilité réelle de demander la protection subsidiaire ( 25 ) et que ses droits procéduraux soient pleinement garantis à cet égard. En outre, le statut conféré par la protection subsidiaire doit être accordé conformément à l’article 18 de la directive 2004/83 lorsque l’intéressé remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire conformément aux chapitres II et V de cette directive. |
53. |
Dès lors, bien que la cessation du statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 n’exige pas que le réfugié soit protégé contre le risque de subir des atteintes graves dans le pays dont il a la nationalité, les articles 11, paragraphe 1, sous e), et 7, paragraphe 2, de cette directive exigent clairement l’accès à une protection contre la persécution dans ce pays grâce à l’adoption de «mesures raisonnables» pour empêcher la persécution. Ces obligations requièrent la présence d’un acteur de la protection qui veuille et puisse assurer cette protection. Soulignons à cet égard que l’exigence de protection découlant des articles 11, paragraphe 1, sous e), et 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83 n’a pas une existence abstraite, mais s’exprime en des termes concrets, tangibles et objectifs. Compte tenu des mesures concrètes et pratiques qui doivent être prises afin d’assurer cette protection, on ne saurait conclure à l’existence d’une protection contre la persécution en l’absence d’un acteur de la protection ( 26 ). De plus, selon nous, on ne saurait considérer qu’un acteur de la protection a pris des mesures raisonnables pour empêcher les persécutions si, dans le pays dont le réfugié a la nationalité, des acteurs des persécutions répondant à la définition de l’article 6 de la directive 2004/83, qui inclut dans certains cas des acteurs non étatiques, émettent des menaces de persécution ( 27 ) ou perpétuent des actes de persécution dans ce pays, semant ainsi la terreur dans la population civile ou parmi certains éléments de cette population. |
54. |
C’est pourquoi il est nécessaire d’examiner le niveau de protection contre la persécution qui doit être disponible dans le pays dont le réfugié a la nationalité pour mettre fin à son statut de réfugié en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. Dans le contexte qui nous intéresse ici, il faut, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83, qu’un acteur de la protection prenne des mesures raisonnables pour empêcher la persécution, ce qui est le cas «lorsqu’il […] dispose […] d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution» ( 28 ). Ces exigences non négligeables et concrètes impliquent la présence d’un acteur de la protection ayant, entre autres, l’autorité, la structure organisationnelle et les moyens de maintenir un niveau minimal d’ordre public dans le pays dont le réfugié a la nationalité. L’acteur de la protection doit donc objectivement disposer d’un niveau de capacité raisonnable et avoir la volonté d’empêcher les actes de persécution définis à l’article 9 de la directive 2004/83. |
55. |
Il convient également de relever que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 fait obligation aux États membres d’examiner si le changement des circonstances à la suite desquelles le statut de réfugié avait été accordé est suffisamment significatif et non provisoire pour mettre fin à ce statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. L’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 vise selon nous à garantir que les décisions de mettre fin à un statut de réfugié conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous e), ne soient pas prises à la hâte, sans procéder à une analyse approfondie de la situation régnant dans le pays dont le réfugié a la nationalité au moment où il s’est vu octroyer le statut de réfugié, ainsi que de la situation générale ( 29 ) actuelle et prévisible dans ce pays, et sans procéder à une analyse de la situation individuelle du réfugié. Nous considérons que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83 a pour objet d’assurer qu’une personne ayant acquis le statut de réfugiée en raison d’une crainte fondée d’être persécutée ne se retrouve pas dans une situation dans laquelle ce statut prend fin contre sa volonté en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de cette directive, alors que le pays dont elle a la nationalité ne lui offre aucune situation stable et durable lui garantissant de ne pas être persécutée. |
56. |
Bien qu’il soit impossible de prévoir toutes les éventualités, nous estimons que, étant donné les très importantes conséquences que peut avoir la perte du statut de réfugié en application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, il ne peut être mis fin au statut de réfugié que lorsqu’on peut raisonnablement supposer que l’intéressé trouvera une solution durable, libre de persécutions, dans le pays dont il a la nationalité. |
57. |
Si, au contraire, la situation régnant dans le pays dont le réfugié a la nationalité est instable ou imprévisible ou si l’on y constate de graves violations des droits fondamentaux de l’homme qui pourraient amener l’intéressé à demander de nouveau le statut de réfugié, on ne saurait alors, selon nous, considérer le changement de circonstances intervenu comme étant significatif et non provisoire, le niveau de protection exigé par l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83 étant alors manifestement indisponible ou ineffectif ( 30 ). |
58. |
En ce qui concerne la question de la juridiction de renvoi tendant à savoir s’il suffit que la protection ne puisse être accordée qu’avec l’aide de troupes multinationales ( 31 ), il convient de relever que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83, la protection peut être accordée par l’État ou par des partis ou organisations, y compris des organisations internationales ( 32 ), qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci. Il semblerait donc qu’un organisme autre qu’un État puisse être un acteur de la protection ( 33 ), sous réserve d’exercer le niveau de contrôle requis sur l’État et de remplir le critère objectif de protection fixé à l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83. Selon nous, le recours à l’aide de troupes multinationales par un État pourrait être considéré comme une mesure raisonnable pour empêcher la persécution dans le pays dont le réfugié a la nationalité. Nous estimons toutefois que, pour être en conformité avec les termes de l’article 7 de la directive 2004/83, un État ne peut recourir à l’aide de troupes multinationales que lorsque ces troupes agissent en vertu d’un mandat de la communauté internationale, par exemple sous les auspices de l’ONU. |
59. |
On ne saurait donc exclure qu’un acteur de la protection au sens de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/83 agisse dans le pays dont le réfugié a la nationalité, alors même que la protection ne peut être assurée par l’État qu’avec l’aide de troupes multinationales. L’existence d’un acteur de la protection ainsi que la disponibilité, l’effectivité et le caractère durable de la protection offerte par cet acteur dans le pays dont le réfugié a la nationalité sont des questions de fait que la juridiction nationale doit apprécier à la lumière des considérations exposées ci-dessus. |
60. |
En ce qui concerne la deuxième partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi cherche selon nous à savoir si une personne peut perdre son statut de réfugiée en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 lorsqu’elle risque actuellement une atteinte grave telle que définie à l’article 15 de cette directive plutôt que des persécutions dans le pays dont elle a la nationalité. Selon nous, la vocation d’une personne à bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire ne fait pas partie des critères juridiques applicables à la cessation du statut de réfugié ( 34 ). |
61. |
Dans la troisième partie de sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si la perte du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 implique que, dans le pays dont le réfugié a la nationalité, la situation soit stable sur le plan de la sécurité et que les conditions de vie générales garantissent le minimum vital. |
62. |
La stabilité de la situation sur le plan de la sécurité dans le pays dont le réfugié a la nationalité devrait être appréciée dans le cadre de la vérification de la disponibilité de la protection contre les persécutions exigée par les articles 7, paragraphe 2, et 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. Il doit donc y avoir un acteur de la protection disposant notamment de l’autorité, de la structure organisationnelle et des moyens pour maintenir un niveau minimal d’ordre public dans le pays dont le réfugié a la nationalité. La situation sur le plan de la sécurité dans le pays dont le réfugié a la nationalité doit, à notre avis, être telle que le réfugié ne se retrouve pas dans une situation qui soit susceptible de lui ouvrir le droit au statut de réfugié dans un proche avenir. |
63. |
En ce qui concerne la question des conditions de vie générales et de la garantie du minimum vital dans le pays dont le réfugié a la nationalité, il convient de souligner d’emblée que la directive 2004/83 n’accorde pas le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire aux migrants économiques. De plus, les personnes qui nécessitent une aide caritative ou humanitaire autres que celles qui remplissent les conditions pour bénéficier de la protection internationale ( 35 ) ne relèvent pas de la directive 2004/83. La question des conditions de vie générales et de la garantie du minimum vital dans le pays dont le réfugié a la nationalité ne représente pas, de notre point de vue et comme l’indique la Commission dans ses observations, un critère autonome pertinent pour déterminer la perte éventuelle du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, mais elle doit néanmoins être prise en considération dans le cadre de l’appréciation du point de savoir si le changement de circonstances intervenu peut être considéré comme suffisamment significatif et non provisoire conformément à l’article 11, paragraphe 2, de ladite directive ( 36 ). Nous relevons également que, dans la mesure où les articles 7 et 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 exigent qu’un niveau minimal de protection soit disponible dans le pays dont le réfugié a la nationalité, il est à tout le moins douteux que le pays en question puisse disposer de la structure organisationnelle et des moyens ( 37 ) nécessaires pour assurer cette protection s’il n’est pas en mesure de garantir le minimum vital à ses citoyens. |
64. |
Nous estimons que la garantie du minimum vital dans le pays dont le réfugié a la nationalité et sa pertinence dans le cadre de l’examen de la cessation du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 est une question qui doit être tranchée par le juge national à la lumière des considérations énoncées ci-dessus. |
B — Troisième question
1. Principaux arguments des parties
65. |
Le requérant au principal dans l’affaire C-175/08 estime que, dans le cas où les motifs de persécution initiaux ont disparu, mais où il en existe de nouveaux, il convient d’appliquer le critère d’allégement de la preuve de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83, car cette disposition ne prévoit aucune distinction basée sur le moment où la persécution antérieure doit avoir eu lieu. En imputant à l’État la charge de prouver que la personne concernée n’est plus un réfugié, l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/83 subordonne la révocation du statut de réfugié à des conditions plus strictes que celles qui s’appliquent quand il n’y a pas encore eu de persécution mais que l’on en craint une. L’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/83 est ainsi le pendant de l’article 4, paragraphe 4, de ladite directive. Les requérants au principal dans les affaires C-176/08 et C-179/08 soutiennent que le critère de vraisemblance utilisé dans la procédure d’abrogation du titre de réfugié n’est pas le même que le critère appliqué dans la procédure de reconnaissance du statut de réfugié. En effet, dans la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, les conditions d’octroi de ce statut doivent être examinées globalement. Dans ce cadre, il convient d’appliquer l’article 4, paragraphe 4, de la directive. Au cours de la procédure de révocation du statut de réfugié, les circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté doivent toutefois être appréciées à l’aune du critère établi à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83, à savoir si l’on peut raisonnablement exiger qu’un réfugié retourne dans son pays d’origine, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister. Dans ce cadre également, l’article 4 de la directive 2004/83 s’applique aussi lorsque le demandeur a déjà été persécuté ou est directement menacé d’être persécuté. L’article 14, paragraphe 2, de la directive n’est pas une disposition spéciale évinçant l’article 4 de la directive. Les requérants au principal dans l’affaire C-178/08 considèrent que la charge de prouver que le réfugié, après la disparition des motifs initiaux de persécution, n’a pas d’autres raisons de craindre d’être persécuté au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2004/83 incombe à l’État membre qui lui a accordé le statut de réfugié. Le critère de vraisemblance à appliquer correspond au degré de vraisemblance requis en cas d’exclusion du statut de réfugié, c’est-à-dire qu’il doit y avoir des raisons sérieuses de penser que l’intéressé ne risque pas de subir à nouveau des persécutions. |
66. |
Selon la République fédérale d’Allemagne, dans le cas où les circonstances sur la base desquelles une personne s’est vu reconnaître le statut de réfugiée ont disparu, les circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté doivent être appréciées à l’aune du même critère de vraisemblance que celui qui s’applique à la reconnaissance du statut de réfugié. En outre, ces circonstances nouvelles et différentes devraient être appréciées sans appliquer l’allégement de la charge de la preuve résultant de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83. La République italienne considère, notamment, que les éventuelles circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté doivent être appréciées en appliquant le critère du «risque réel» et que l’allégement de la charge de la preuve résultant de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83 n’est pas limité aux cas dans lesquels il existe un lien entre les circonstances nouvelles et celles qui ont justifié l’octroi du statut de réfugié. Selon la République de Chypre, dans le cas où les circonstances à la suite desquelles la personne concernée a été reconnue comme réfugiée ont disparu, les circonstances nouvelles et différentes doivent être appréciées conformément aux chapitres II et III de la directive 2004/83. Cela exige que la nouvelle demande soit examinée de bonne foi, sans exonérer le demandeur de la charge de la preuve qui lui incombe, sous réserve de la présomption établie à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83, qui s’applique en tout état de cause. Le Royaume-Uni estime que, dans le cas où les circonstances à la suite desquelles une personne a été reconnue comme réfugié ont disparu et où elle invoque des circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécutée, il lui appartient de présenter dès que possible tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive. |
67. |
La Commission considère que l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/83 énonce les règles applicables à la procédure de révocation du statut de réfugié. Aux termes de ladite disposition, et sans préjudice de l’obligation faite au réfugié, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive, de déclarer tous les faits pertinents et de fournir tout justificatif pertinent dont il dispose, l’État membre qui a octroyé le statut de réfugié est tenu d’apporter la preuve, au cas par cas, que la personne concernée a cessé d’être ou n’a jamais été un réfugié. Il s’ensuit que l’État en question doit prouver que le réfugié ne peut plus refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité. Ainsi, la cessation du statut de réfugié doit être appréciée à l’aune d’un critère différent de celui qui s’applique à la reconnaissance de ce statut. La Commission considère que l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83, qui établit, pour la reconnaissance du statut de réfugié, un allégement de la charge de la preuve en faveur de l’intéressé, n’est pas applicable à la procédure de retrait de ce statut, dans laquelle la charge de la preuve incombe à l’autorité compétente. |
2. Appréciation
68. |
Par sa troisième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande des éclaircissements sur la manière d’apprécier l’existence de circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte de persécutions lorsque les circonstances antérieures, à la suite desquelles l’intéressé a été reconnu comme réfugié, ont disparu. |
69. |
Pour pouvoir répondre utilement à la question de la juridiction de renvoi, nous considérons qu’il est nécessaire de préciser ce qu’il convient d’entendre par la notion de «circonstances nouvelles et différentes» en question. |
70. |
Selon nous, l’expression «circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté» employée par la juridiction de renvoi a trait à des circonstances entièrement nouvelles qui ne présentent aucun lien, même partiel, avec les circonstances antérieures à la suite desquelles la personne concernée a été reconnue comme réfugiée. |
71. |
Lorsque les circonstances à la suite desquelles une personne s’est vu octroyer le statut de réfugiée ont changé dans une certaine mesure, mais que demeurent certains facteurs qui sont liés, même partiellement, à ces circonstances, nous estimons qu’alors ce changement de circonstances n’est peut-être pas suffisamment significatif et non provisoire au sens de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83. |
72. |
Par ailleurs, si, dans le cadre d’une procédure de cessation, il apparaît que, en dépit du fait que les circonstances à la suite desquelles une personne a été reconnue comme réfugiée ont changé dans une certaine mesure, certains facteurs qui sont liés, même partiellement, à ces circonstances persistent, l’État membre en question doit prouver, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2004/83, que le réfugié n’a plus de crainte fondée d’être persécuté sur la base desdits facteurs. |
73. |
Lorsqu’un réfugié invoque des circonstances entièrement nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté, nous estimons que cela représente une nouvelle demande de statut de réfugié et que ces circonstances doivent être examinées afin de déterminer si l’intéressé a une crainte fondée d’être persécuté conformément à l’article 2, sous c), de la directive 2004/83. Le critère de vraisemblance à appliquer est donc celui qui s’applique à l’octroi du statut de réfugié en vertu de l’article 13 de la directive 2004/83. |
74. |
Le fait qu’une personne ait bénéficié dans le passé du statut de réfugié en raison d’une crainte fondée d’être persécutée reposant sur des circonstances entièrement différentes ne constitue pas, à notre avis, un indice sérieux de la crainte fondée actuelle du demandeur d’être persécuté au sens de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83. |
75. |
L’allégement des règles d’appréciation que comporte l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2004/83 exige selon nous un lien, ne serait-ce que partiel, entre les persécutions passées ou les menaces directes passées de persécutions et les circonstances nouvelles et différentes justifiant la crainte d’être persécuté. |
76. |
Il appartient aux juridictions nationales d’apprécier, notamment, si les circonstances en question sont nouvelles ou si elles sont liées aux circonstances à la suite desquelles l’intéressé a été reconnu comme réfugié. |
VII — Conclusion
77. |
Par ces motifs, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles qui lui ont été déférées:
|
( 1 ) Langue originale: l’anglais.
( 2 ) JO L 304, p. 12.
( 3 ) Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 189, p. 137, no 2545 (1954).
( 4 ) Gesetz zur Umsetzung aufenthalts- und asylrechtlicher Richtlinien der Europäischen Union, BGBl. p. 1970. Cette loi est entrée en vigueur le 28 août 2007.
( 5 ) Les requérants dans les affaires C-175/08 (M. Salahadin Abdulla), C-176/08 (M. Hasan), C-178/08 (M. Adem et Mme Mosa Rashi) et C-179/08 (M. Jamal) sont ci-après dénommés ensemble les «requérants» dans la présente affaire préjudicielle.
( 6 ) COM(2001) 510 final, p. 26.
( 7 ) Selon la juridiction de renvoi, le HCNUR, dans son Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, présume clairement que, dans une large mesure, les conditions d’octroi et de révocation du statut de réfugié devraient être identiques. Par contraste, les commentaires du HCNUR figurant dans ses principes directeurs du 10 février 2003 sur la protection internationale — cessation du statut de réfugié dans le contexte de l’article 1er, section C, paragraphes 5 et 6, de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés (clauses sur les «circonstances ayant cessé d’exister») — donnent l’impression que, même après la disparition de la crainte d’être persécuté, la cessation du statut de réfugié est également subordonnée à d’autres conditions qui sont sans rapport avec la persécution. Ainsi, conformément aux points 15 et 16 des principes directeurs en question, il faut non seulement que la sécurité ou la sûreté physique soit garantie, mais il faut aussi, en particulier, qu’il y ait un gouvernement opérationnel et des structures administratives de base, dont l’existence est attestée par un système opérationnel de droit et de justice, ainsi que par une infrastructure appropriée permettant aux résidents d’exercer leurs droits, notamment leur droit à un niveau de vie suffisant. À cet égard, la situation globale dans le pays en matière de droits de l’homme est un indicateur notable.
( 8 ) Au sens de l’article 2, sous c), de cette directive.
( 9 ) Au sens de l’article 2, sous c), de cette directive.
( 10 ) Voir, notamment, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, Rec. p. I-4921, points 59 à 61); du 27 novembre 1997, Somalfruit et Camar (C-369/95, Rec. p. I-6619, points 40 et 41); du 13 juillet 2000, Idéal tourisme (C-36/99, Rec. p. I-6049, point 20); du 7 janvier 2003, BIAO (C-306/99, Rec. p. I-1, point 88) et du 7 juin 2005, VEMW e.a. (C-17/03, Rec. p. I-4983, point 34).
( 11 ) Voir, par analogie, arrêts du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C-28/95, Rec. p. I-4161, point 32), et du 16 mars 2006, Poseidon Chartering (C-3/04, Rec. p. I-2505, point 16); voir, également, arrêt du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C-280/06, Rec. p. I-10893, point 23).
( 12 ) Voir point 15 ci-dessus.
( 13 ) La directive 2004/83 est entrée en vigueur le 10 octobre 2004.
( 14 ) Dans la présente partie de nos conclusions, nous examinerons les conditions matérielles de cessation du statut de réfugié en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. En ce qui concerne les critères et les conditions de forme qui doivent être remplis pour que cesse le statut de réfugié, il convient de se reporter à la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13). Voir articles 37 et 38 de cette directive. Rien dans les demandes de décision préjudicielle n’indique si la directive 2005/85 a été transposée en droit allemand et donc si elle est applicable ratione temporis aux litiges au principal. Il convient de relever que, en application de l’article 44 de ladite directive, les États membres appliquent aux procédures de retrait du statut de réfugié entamées après le 1er décembre 2007 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour assurer la conformité, notamment, aux articles 37 et 38 de cette directive. Or, les procédures de retrait du statut de réfugié des requérants ont été entamées avant cette date. Voir point 16 ci-dessus.
( 15 ) Voir sixième considérant du préambule de la directive 2004/83.
( 16 ) Voir dixième considérant du préambule de la directive 2004/83.
( 17 ) Il existe un certain nombre de différences entre l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 et l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève. Premièrement, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83, aux fins de l’appréciation de la question de la perte du statut de réfugié en application, notamment, de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de cette directive, les États membres examinent si le changement des circonstances à la suite desquelles le statut de réfugié a été reconnu «est suffisamment significatif et non provisoire pour que la crainte du réfugié d’être persécuté ne puisse plus être considérée comme fondée» (c’est nous qui mettons en exergue). Pareille obligation ne figure pas expressément dans l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève. Deuxièmement, l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève comporte une exception que la juridiction de renvoi a expressément considérée comme n’étant pas remplie dans les litiges au principal, condition selon laquelle un réfugié peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures pour refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité. Cette condition ne figure pas expressément dans le texte de la directive 2004/83. La différence la plus significative existant entre ces deux textes, qui n’est pas limitée à la cessation du statut de réfugié, réside toutefois peut-être dans le fait que la directive 2004/83 crée un second pilier de protection internationale, à savoir la protection subsidiaire, qui n’est pas mentionnée dans la convention de Genève.
( 18 ) Voir article 3 de la directive 2004/83, intitulé «Normes plus favorables».
( 19 ) Voir, par contraste, article 11, paragraphe 1, sous a), b) et d), de la directive 2004/83, où figure à chaque fois expressément le mot «volontairement».
( 20 ) Il semblerait que la clause de cessation de l’article 1er, section C, paragraphe 5, de la convention de Genève ait été relativement peu appliquée par les États. Selon nous, la réticence à recourir à cette clause de cessation dont ont fait preuve les États parties à la convention de Genève va dans le sens de la prudence que nous recommandons dans l’application de l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83.
( 21 ) Relevons que l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83 indique que tout ressortissant d’un pays tiers cesse d’être un réfugié s’il «ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité, les circonstances à la suite desquelles il a été reconnu comme réfugié ayant cessé d’exister» (c’est nous qui mettons en exergue). Selon nous, la condition selon laquelle une personne ne doit plus pouvoir refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité exige que la protection du pays en question soit effectivement disponible et que le réfugié soit en mesure de s’en réclamer.
( 22 ) Voir, par exemple, les termes «ако той не може повече да продължи да отказва получаването на закрила от страната, чието гражданство има» dans la version bulgare; «nemůže dále odmítat ochranu země své státní příslušnosti,» dans la version tchèque; «es nicht mehr ablehnen kann, den Schutz des Landes in Anspruch zu nehmen, dessen Staatsangehörigkeit er besitzt» dans la version allemande; «can no longer […] continue to refuse to avail himself or herself of the protection of the country of nationality» dans la version anglaise; «non possa più rinunciare alla protezione del paese di cui ha la cittadinanza» dans la version italienne; «nie może dłużej kontynuować odmawiania skorzystania z ochrony państwa, którego jest obywatelem» dans la version polonaise; «Não puder continuar a recusar valer-se da protecção do país de que tem a nacionalidade» dans la version portugaise; «nu mai poate continua să refuze solicitarea protecției țării al cărui cetățean este» dans la version roumaine et «nemôže ďalej odmietať ochranu štátu, ktorého štátne občianstvo má» dans la version slovaque.
( 23 ) Voir article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/83, qui se réfère spécialement à l’accès personnel à la protection.
( 24 ) Le système de protection internationale à deux piliers établi par la directive 2004/83 prête, selon nous, à la critique dans la mesure où il est, en pratique, susceptible de compromettre ou d’affaiblir le statut de réfugié. Depuis l’entrée en vigueur de la directive 2004/83, les États membres peuvent choisir d’accorder la protection subsidiaire à des personnes à qui, en l’absence de cette forme de protection, le statut de réfugié aurait été accordé. Voir, en particulier, article 15, sous b) et c) de la directive 2004/83, qui énumère des atteintes graves pouvant coïncider dans une mesure considérable avec les actes de persécution définis à l’article 9 de cette directive. En dépit de la possibilité de telles critiques, on ne peut nier l’existence du système de protection internationale à double pilier instauré par la directive 2004/83.
( 25 ) Si elle le désire.
( 26 ) Voir première partie de la deuxième question.
( 27 ) La menace en question doit être de nature suffisamment sérieuse ou grave pour que la population civile soit amenée à croire que des actes de persécution seront effectivement perpétrés.
( 28 ) Il n’est pas nécessaire que la protection accordée soit absolue, pareille chose étant de toute façon impossible à obtenir dans quelque société que ce soit.
( 29 ) Bien qu’il soit peut-être dépourvu de pertinence du point de vue de l’application dans le temps aux fins des affaires actuellement pendantes devant la juridiction de renvoi, l’article 38, paragraphe 1, sous c), de la directive 2005/85 fait obligation aux États membres de veiller notamment à ce que, dans le cadre d’une procédure de retrait du statut de réfugié, «l’autorité compétente puisse obtenir des informations précises et à jour émanant de diverses sources, notamment, le cas échéant du HCR, quant à la situation générale qui règne dans les pays d’origine des personnes concernées» (c’est nous qui mettons en exergue). Les procédures de retrait en question s’appliquent à la cessation du statut de réfugié prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous e), de la directive 2004/83. Voir vingt-sixième considérant du préambule de la directive 2005/85 en combinaison avec son article 38, paragraphe 4. Voir également quinzième considérant du préambule de cette même directive, qui dispose que «[d]es consultations avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés peuvent contenir des indications utiles pour les États membres lorsqu’ils sont appelés à se prononcer sur l’octroi éventuel du statut de réfugié en vertu de l’article 1er de la convention de Genève».
( 30 ) Les faits qui doivent être examinés par la juridiction nationale afin de déterminer si les conditions juridiques relatives au changement de circonstances et à la disponibilité d’une protection sont bien réunies peuvent, dans certains cas, se recouvrir dans une très large mesure. Par conséquent, la présence d’un acteur de la protection disposant notamment de l’autorité, de la structure organisationnelle et des moyens pour maintenir un niveau minimal d’ordre public dans le pays dont le réfugié a la nationalité peut constituer un indice de changement de circonstances significatif et non provisoire, mais pas nécessairement.
( 31 ) Voir première partie de la deuxième question.
( 32 ) Étant précisé que cela ne comprend pas uniquement les organisations internationales.
( 33 ) Que ce soit seul ou, à notre avis, en collaboration avec l’État.
( 34 ) Voir points 46 à 48 ci-dessus.
( 35 ) Telle que définie à l’article 2, sous a), de la directive 2004/83. Voir neuvième considérant du préambule de cette directive.
( 36 ) Voir article 11, paragraphe 2, de la directive 2004/83.
( 37 ) Voir point 49 ci-dessus.