ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

27 octobre 2016 ( 1 )

«Pourvoi — Fonction publique — Personnel de la BCE — Accès aux documents — Documents relatifs au différend opposant les parties à l’instance — Refus partiel d’accès — Règle de concordance entre la requête et la réclamation — Exception d’illégalité»

Dans l’affaire T‑787/14 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 18 septembre 2014, Cerafogli/BCE (F‑26/12, EU:F:2014:218), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Banque centrale européenne, représentée initialement par Mmes E. Carlini, M. López Torres et M. F. Malfrère, puis par Mme Carlini et M. Malfrère, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie requérante,

soutenue par

Commission européenne, représentée initialement par MM. J. Currall et G. Gattinara, puis par M. Gattinara, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant

Maria Concetta Cerafogli, demeurant à Rome (Italie), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, M. Prek, A. Dittrich, S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et G. Berardis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne (BCE) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 18 septembre 2014, Cerafogli/BCE (F‑26/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:F:2014:218), par lequel celui-ci, premièrement, a annulé la décision du 21 juin 2011 du directeur général adjoint de la direction générale « Ressources humaines, budget et organisation » (ci-après la « DG “Ressources humaines” ») de la BCE rejetant partiellement la demande d’accès à certains documents présentée le 20 mai 2011 par Mme Maria Concetta Cerafogli, deuxièmement, a condamné la BCE à payer à Mme Cerafogli la somme de 1000 euros, troisièmement, a rejeté le recours de Mme Cerafogli pour le surplus et, quatrièmement, a condamné la BCE aux dépens.

Cadre juridique

2

L’article 23.2 du règlement intérieur de la BCE, adopté par la décision 2004/257/CE de la BCE, du 19 février 2004 (JO 2004, L 80, p. 33), dispose que l’accès du public aux documents établis ou détenus par la BCE est régi par une décision du conseil des gouverneurs. Le conseil des gouverneurs a adopté, le 4 mars 2004, la décision BCE/2004/3, relative à l’accès du public aux documents de la BCE (JO 2004, L 80, p. 42).

3

L’article 7 des conditions d’emploi du personnel de la BCE (ci-après les « conditions d’emploi ») et l’article 1.1.3 des règles applicables au personnel de la BCE (ci-après les « règles applicables au personnel ») régissent les conditions d’accès des membres du personnel de la BCE à leur dossier personnel. En particulier, l’article 1.1.3 susmentionné établit qu’« [u]n membre du personnel a le droit, même après la cessation de ses fonctions à la BCE, de prendre connaissance de l’ensemble des pièces figurant dans son dossier ».

4

Le 1er août 2006, le directoire a adopté des règles concernant l’accès des membres du personnel de la BCE aux documents concernant leur relation d’emploi avec la BCE, lesquelles ont fait l’objet de certaines modifications approuvées par le directoire le 30 septembre 2008 (ci-après les « règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE »). Selon ces règles, toute demande d’accès aux documents à laquelle la décision BCE/2004/3 n’est pas applicable est traitée par le directeur général de la DG « Ressources humaines ». En outre, ces règles prévoient un certain nombre d’exceptions au droit d’accès aux documents, lesquelles visent, en particulier, les documents préparatoires, les avis juridiques internes et les décisions adoptées par le conseil des gouverneurs concernant les conditions d’emploi du personnel de la BCE.

Antécédents du litige

5

Les antécédents du litige sont énoncés aux points 5 à 16 et 19 de l’arrêt attaqué, dans les termes suivants :

« 5

Le 28 octobre 2010, le [Tribunal de la fonction publique] a prononcé les arrêts Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134 ; F‑96/08, EU:F:2010:135, et F‑23/09, EU:F:2010:138) dans trois affaires opposant la requérante à la BCE (ci‑après les “arrêts du 28 octobre 2010”).

6

Par lettre du 20 mai 2011 (ci-après la “demande du 20 mai 2011”), la requérante a demandé à la BCE, au titre de la décision BCE/2004/3, de lui transmettre les documents suivants :

“I)

[l]’ensemble des décisions du directoire – et les documents qui lui ont été remis – concernant l[es] arrêt[s] du [Tribunal de la fonction publique] […] dans les affaires F‑96/08 et F‑84/08, y compris tous les documents internes, mémo[randums] et/ou procès-verbaux [;]

II)

[l]es décisions du directoire – et les documents qui lui ont été remis – concernant l’attribution à [la requérante] d’une révision annuelle des salaires et des primes […] pour les années 2005 et 2006, y compris tous les documents internes, mémo[randums] et procès-verbaux [;]

III)

[l]’ensemble des décisions du directoire – et les documents qui lui ont été remis – concernant les affaires F‑96/08 et F‑84/08 et l’affaire F‑23/09 antérieurs [aux] arrêt[s] du [Tribunal de la fonction publique] […] du 28 octobre 2010, y compris tous les documents internes, mémo[randums] et/ou procès-verbaux.”

7

En fonction de la nature des documents demandés par la requérante, la BCE a examiné la demande du 20 mai 2011 soit sous le régime de la décision BCE/2004/3, soit selon les règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, et a ainsi adopté, le 21 juin 2011, deux décisions distinctes.

8

La première décision, portant la signature du directeur général de la DG “Secrétariat et services linguistiques” et du chef de la division “Secrétariat” de cette même direction générale, a été adoptée sur le fondement de la décision BCE/2004/3 (ci-après la “décision adoptée sur le fondement de la décision BCE/2004/3”). Par cette décision, la BCE a transmis à la requérante trois documents relatifs à la décision du directoire du 24 mai 2011 concernant la politique salariale pour l’année 2008. Toutefois, la BCE a refusé de lui transmettre les documents préparatoires à ladite décision, en se fondant sur l’article 4, paragraphe 3, de la décision BCE/2004/3, qui interdit l’accès “à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la BCE […] même après que la décision a été prise, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé”. En outre, elle n’a pas non plus consenti à produire les procès-verbaux pertinents des réunions du directoire, sur la base de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision BCE/2004/3, qui protège “l’intérêt public, en ce qui concerne […] la confidentialité des délibérations des organes de décision de la BCE”. Enfin, la BCE a indiqué que la demande du 20 mai 2011 n’avait trait à la décision BCE/2004/3 qu’en ce qu’elle visait la décision du directoire susmentionnée, le surplus relevant des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, et que la DG “Ressources humaines” répondrait séparément dans le cadre de ces règles.

9

La seconde décision a été adoptée par le directeur général adjoint de la DG “Ressources humaines” sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE (ci-après la “décision adoptée sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE”). Par cette décision, la BCE a transmis à la requérante les décisions les plus récentes concernant l’attribution de la révision annuelle des salaires et des primes pour les années 2005 et 2006, ainsi qu’une note du directeur général de la DG “Secrétariat et services linguistiques” adressée au directeur général de la DG “Ressources humaines”, de laquelle il ressort que le directoire, lors de ses réunions du 23 novembre 2010 et du 19 avril 2011, s’était prononcé sur la décision de ne pas interjeter appel contre les arrêts du 28 octobre 2010 et sur la révision annuelle des salaires et des primes de la requérante pour les années 2005 et 2006. Toutefois, la BCE a refusé de transmettre à la requérante, en invoquant leur caractère confidentiel, les documents préparatoires aux prises de position des organes décisionnaires de la BCE ainsi que les avis juridiques internes.

10

Par lettre du 15 juillet 2011, la requérante a introduit une “demande confirmative” sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, de la décision BCE/2004/3, en contestant l’analyse de sa demande du 20 mai 2011 sous les deux régimes et en réitérant ladite demande.

11

Par lettre du 5 août 2011, le président de la BCE a répondu à la demande confirmative en confirmant pour l’essentiel la décision adoptée sur le fondement de la décision BCE/2004/3, mais en fournissant en même temps plusieurs autres documents à la requérante.

12

Par lettre du 12 août 2011, le directeur général de la DG “Ressources humaines” a informé la requérante que sa demande confirmative du 15 juillet 2011 avait été examinée en tant que recours administratif contre la décision adoptée sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE. Par cette lettre, il a transmis à la requérante plusieurs documents, tout en précisant que certains d’entre eux n’avaient été que partiellement divulgués, en application des règles de confidentialité qui encadrent l’accès aux avis du service juridique (ci‑après la “décision du 12 août 2011”).

13

Le 10 octobre 2011, la requérante a présenté au président de la BCE une réclamation aux termes de l’article 41 des conditions d’emploi contre la décision du 12 août 2011, dans la mesure où celle-ci lui refusait l’accès à l’ensemble des documents demandés ou ne lui accordait qu’un accès partiel à certains documents.

14

Cette réclamation a reçu deux réponses de la part de la BCE.

15

D’une part, le président de la BCE a rejeté la réclamation par décision du 12 décembre 2011, tout en transmettant à la requérante des informations et des documents supplémentaires, notamment concernant la politique salariale de la BCE et les arrêts du 28 octobre 2010 (ci-après la “décision portant rejet de la réclamation”). Certains de ces documents n’ont toutefois été que partiellement divulgués, en application des règles de confidentialité qui encadrent l’accès aux avis juridiques internes, conformément aux règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, ainsi qu’aux données personnelles des agents de la BCE, en vertu du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1).

16

D’autre part, par lettre du 12 décembre 2011, le directeur général adjoint de la DG “Ressources humaines” a informé la requérante que la partie de la réclamation dans laquelle elle précisait que la demande d’accès aux documents présentée au directoire aurait dû être comprise comme portant sur l’ensemble des documents envoyés à un ou plusieurs membres de celui-ci avait été considérée comme une nouvelle demande dans le cadre des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE.

[…]

19

Lors de l’audience, la requérante a précisé ses conclusions en annulation en affirmant que lorsqu’elle demande l’annulation de la “décision du 21 juin 2011” elle se réfère uniquement à la décision adoptée sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE et non à la décision adoptée sur le fondement de la décision BCE/2004/3. »

Procédure en première instance et arrêt attaqué

6

Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique le 23 février 2012, enregistrée sous la référence F‑26/12, Mme Cerafogli a demandé, en substance, l’annulation de la décision du 21 juin 2011 de la BCE lui refusant l’accès à certains documents et la réparation du dommage moral qu’elle soutient avoir subi du fait de cette décision.

7

À l’appui de son recours en première instance, Mme Cerafogli a avancé cinq moyens, tirés, respectivement, d’une exception d’illégalité des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, de la violation des principes de bonne administration et de transparence, de la violation des droits de la défense et de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de l’absence de compétence de l’auteur de la décision adoptée sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE.

8

Par ordonnance du 15 janvier 2014, le Tribunal de la fonction publique a rouvert la phase orale de la procédure afin de permettre aux parties de présenter des observations sur la recevabilité des différents moyens soulevés par Mme Cerafogli ainsi que de l’exception d’illégalité dirigée à l’encontre des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, au regard de la règle de concordance entre la réclamation et le recours, en particulier à la lumière de l’arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki (T‑476/11 P, EU:T:2013:557), ainsi que des arrêts du 11 décembre 2008, Reali/Commission (F‑136/06, EU:F:2008:168, points 47 à 51), et du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement (F‑45/07, EU:F:2010:72, point 121). La BCE et Mme Cerafogli ont respectivement déposé leurs observations le 5 et le 6 février 2014.

9

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a admis la recevabilité de l’exception d’illégalité.

10

Il a considéré, à cet égard, ce qui suit :

« 36

[…] la jurisprudence concernant le principe de la protection jurisprudentielle effective à la lumière de l’article 47 de la Charte (arrêts Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, points 54 à 63, et Koninklijke Grolsch/Commission, T‑234/07, EU:T:2011:476, points 39 et 40) a connu une évolution qui justifie qu’il réexamine l’opportunité d’appliquer la règle de concordance lorsqu’une exception d’illégalité a été soulevée pour la première fois dans le recours (arrêt du 12 mars 2014, CR/Parlement, F‑128/12, RecFP, EU:F:2014:38, point 29).

37

En particulier, dans l’arrêt Koninklijke Grolsch/Commission (EU:T:2011:476, points 37, 39 et 40), le Tribunal de l’Union européenne, après avoir constaté qu’aucune disposition du droit de l’Union n’impose au destinataire d’une communication des griefs pour violation des règles en matière de concurrence de contester ses différents éléments de fait ou de droit au cours de la procédure administrative, sous peine de ne plus pouvoir le faire ultérieurement au stade de la procédure juridictionnelle, a rejeté l’argument de la Commission européenne qui contestait la recevabilité d’un moyen en raison du fait qu’il n’avait pas été soulevé en termes clairs et précis au cours de la phase administrative. En effet, le Tribunal de l’Union européenne a jugé que, dans les circonstances décrites, un tel argument revenait à limiter l’accès de la requérante à la justice et, plus particulièrement, son droit à ce que sa cause soit entendue devant un tribunal. Or, comme le Tribunal de l’Union européenne l’a rappelé, le droit à un recours effectif et à l’accès à un tribunal impartial est garanti par l’article 47 de la Charte.

38

S’il est vrai que la jurisprudence mentionnée ci-dessus a été développée dans un domaine différent de celui du contentieux entre les institutions de l’Union européenne et leurs agents, l’arrêt Koninklijke Grolsch/Commission (EU:T:2011:476) concerne la compatibilité avec l’article 47 de la Charte d’une limitation de l’accès à la justice qui n’a pas été expressément prévue par le législateur. Dans le domaine du contentieux de la fonction publique, la règle de la concordance entre les moyens soulevés lors de la procédure précontentieuse et ceux soulevés dans la requête, bien que trouvant son fondement dans l’article 91, paragraphe 1, du statut et, en ce qui concerne le personnel de la BCE, dans l’article 41 des conditions d’emploi et l’article 8.1 des règles applicables au personnel, est une règle d’origine jurisprudentielle.

39

Or, le [Tribunal de la fonction publique] estime que trois ordres de considérations s’opposent à ce qu’une exception d’illégalité soulevée pour la première fois dans un recours soit déclarée irrecevable au seul motif qu’elle n’aurait pas été soulevée dans la réclamation ayant précédé ledit recours. Ces considérations ont trait, premièrement, à la finalité de la procédure précontentieuse, deuxièmement, à la nature de l’exception d’illégalité et, troisièmement, au principe de la protection juridictionnelle effective.

40

En premier lieu, en ce qui concerne la finalité de la procédure précontentieuse, qui est la même dans le contexte de l’article 91 du statut que dans celui du contentieux du personnel de la BCE, il ressort d’une jurisprudence constante que ladite procédure n’a pas de raison d’être lorsque les griefs sont dirigés contre une décision que l’administration ne peut réformer. Aussi, dans le contexte de l’article 91 du statut, la jurisprudence a-t-elle exclu la nécessité d’introduire une réclamation à l’encontre des décisions adoptées par des jurys de concours ou d’un rapport de notation (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 33, et la jurisprudence citée).

41

De même, l’obligation de soulever une exception d’illégalité dans la réclamation sous peine d’irrecevabilité ne saurait répondre à la finalité de la procédure précontentieuse […]

42

En effet, compte tenu du principe de présomption de légalité des actes des institutions de l’Union européenne, selon lequel la réglementation de l’Union demeure pleinement efficace tant que son illégalité n’a pas été établie par une juridiction compétente, une administration ne saurait choisir de laisser inappliqué un acte de portée générale en vigueur, qui méconnaîtrait, à son avis, une règle de droit de rang supérieur, dans le seul but de permettre la résolution extrajudiciaire du différend (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 35 et la jurisprudence citée).

43

Un tel choix est a fortiori à exclure lorsque l’administration concernée agit dans une situation de compétence liée, puisque, dans un tel cas, elle n’est pas en mesure de retirer ou de modifier la décision contestée par l’agent, quand bien même elle estimerait fondée une exception d’illégalité dirigée contre la disposition sur laquelle la décision attaquée a été adoptée (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 36).

44

Par ailleurs, le fait de soulever pour la première fois dans le recours une exception d’illégalité ne saurait affecter le principe de sécurité juridique, puisque, même si l’intéressé avait soulevé une telle exception d’illégalité dès le stade de la réclamation, l’administration n’aurait pu profiter de cette circonstance pour régler le différend avec son agent par la voie d’un règlement amiable.

45

En deuxième lieu, pour ce qui est de la nature de l’exception d’illégalité, selon une jurisprudence constante, l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité d’un acte de portée générale adopté par une institution de l’Union constituant la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire un recours direct contre un tel acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêts Simmenthal/Commission, 92/78, EU:C:1979:53, point 39 ; Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 6, et Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, point 43). L’article 277 TFUE a ainsi pour but de protéger le justiciable contre l’application d’un acte normatif illégal, étant entendu que les effets d’un arrêt qui constate l’inapplicabilité sont limités aux seules parties au litige et que cet arrêt ne met pas en cause l’acte lui-même, devenu inattaquable (arrêts Carius/Commission, T‑173/04, EU:T:2006:333, point 45 et la jurisprudence citée, et CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 38).

46

Or, à supposer que l’obligation de soulever une exception d’illégalité dans la réclamation sous peine d’irrecevabilité puisse répondre à la finalité de la procédure précontentieuse, le [Tribunal de la fonction publique] estime que la nature même de l’exception d’illégalité est celle de concilier le principe de légalité et celui de la sécurité juridique (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 39).

47

En outre, il ressort du libellé de l’article 277 TFUE que la possibilité de mettre en cause un acte de portée générale après l’expiration du délai de recours n’est ouverte à une partie qu’à l’occasion d’un litige devant un juge de l’Union. Une telle exception ne saurait donc produire pleinement ses effets dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 40).

48

En troisième et dernier lieu, le [Tribunal de la fonction publique] rappelle que le principe de la protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui est aujourd’hui exprimé à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte et aux termes duquel “[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue […] par un tribunal indépendant et impartial, établi […] par la loi […]”. Cet alinéa correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la “CEDH”) (arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 40 et 42).

49

Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme portant sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, à laquelle il convient de se référer conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, que l’exercice du droit à un tribunal peut être assujetti à des limitations, notamment quant aux conditions de recevabilité d’un recours. Si les intéressés doivent s’attendre à ce que les règles établissant ces limitations soient appliquées, l’application qui en est faite ne doit toutefois pas empêcher les justiciables de se prévaloir d’une voie de recours disponible (voir, en ce sens, Cour eur. D. H., arrêt Anastasakis c. Grèce du 6 décembre 2011, requête no 41959/08, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 24 ; arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, EU:C:2013:134, point 43 ; ordonnance Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission, C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 53 ; arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 42).

50

En particulier, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé que les limitations au droit à un tribunal relatives aux conditions de recevabilité d’un recours ne sauraient restreindre l’accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tel que son droit à un tribunal s’en trouve atteint dans sa substance même. De telles limitations ne se concilient avec l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH que si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (voir Cour eur. D. H., arrêts Liakopoulou c. Grèce du 24 mai 2006, requête no 20627/04, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 17 ; Kemp et autres c. Luxembourg du 24 avril 2008, requête no 17140/05, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 47, et Viard c. France du 9 janvier 2014, requête no 71658/10, non publié au Recueil des arrêts et décisions, § 29). En effet, le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de sécurité juridique et de bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente (prise de position de l’avocat général M. Mengozzi sous l’arrêt Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, EU:C:2013:134, points 58 à 60 ; Cour eur. D. H., arrêt L’Erablière A.S.B.L. c. Belgique du 24 février 2009, publié par extraits au Recueil des arrêts et décisions, requête no 49230/07, § 35 ; arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 43).

51

Or, la sanction de l’irrecevabilité d’une exception d’illégalité soulevée pour la première fois dans la requête constitue une limitation du droit à une protection juridictionnelle effective non proportionnée au but poursuivi par la règle de concordance, à savoir permettre un règlement amiable des différends entre le fonctionnaire concerné et l’administration et respecter le principe de sécurité juridique (arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 44 et la jurisprudence citée).

52

À cet égard, le Tribunal [de la fonction publique] rappelle que, selon la jurisprudence, tout fonctionnaire normalement diligent est censé connaître les règles applicables au personnel (voir arrêt BM/BCE, F‑106/11, EU:F:2013:91, point 45, concernant les règles applicables au traitement des agents de la BCE ; concernant le statut, voir arrêt CR/Parlement, EU:F:2014:38, point 45, et la jurisprudence citée). Toutefois, une exception d’illégalité est susceptible d’amener le [Tribunal de la fonction publique] à apprécier la légalité desdites règles à la lumière de principes généraux ou de règles de droit de rang supérieur qui peuvent dépasser le cadre des règles directement applicables au personnel. En raison de la nature même d’une exception d’illégalité, ainsi que du raisonnement qui conduit l’intéressé à rechercher et à soulever une telle illégalité, il ne saurait être exigé d’un membre du personnel de la BCE qui introduit une réclamation, et qui ne dispose pas nécessairement des compétences juridiques appropriées, de formuler une telle exception au stade précontentieux, sous peine d’irrecevabilité par la suite. Une telle déclaration d’irrecevabilité constitue dès lors une sanction disproportionnée et injustifiée pour l’agent concerné.

53

En outre, le fait de subordonner la possibilité de soulever une exception d’illégalité au stade de la requête à l’application d’une règle de concordance avec la réclamation risque de favoriser indument une catégorie de fonctionnaires et d’agents, à savoir ceux qui disposent de connaissances juridiques, par rapport à toutes les autres catégories de fonctionnaires et d’agents.

54

Au vu de tout ce qui précède, l’exception d’illégalité soulevée pour la première fois dans la requête doit être déclarée recevable. »

11

S’agissant de l’examen au fond de l’exception d’illégalité, le Tribunal de la fonction publique a jugé que Mme Cerafogli était fondée à soutenir que les règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE avaient été adoptées au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que le comité du personnel n’avait pas été consulté avant l’adoption de ces règles. Il a, dès lors, considéré que la BCE avait violé les articles 48 et 49 des conditions d’emploi et que le troisième grief de l’exception d’illégalité était ainsi fondé, sans qu’il lui soit nécessaire d’examiner les autres griefs de l’exception d’illégalité.

12

Le Tribunal de la fonction publique a considéré que, par conséquent, la décision du 21 juin 2011, prise sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, était elle-même illégale, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens avancés par Mme Cerafogli (point 71 de l’arrêt attaqué).

13

Le Tribunal de la fonction publique a, ensuite, jugé que, du fait de l’annulation de la décision adoptée sur le fondement des règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE, Mme Cerafogli se trouvait à nouveau dans une position d’attente quant à la décision finale sur sa demande du 20 mai 2011 et qu’un tel prolongement de la situation d’attente et d’incertitude, provoqué par l’illégalité de la décision en cause, constituait un préjudice moral qui ne pouvait être entièrement réparé par la seule annulation de cette décision. Compte tenu de ces circonstances et, en particulier, d’une part, de la gravité du vice entachant les règles applicables aux demandes d’accès aux documents du personnel de la BCE résultant du défaut de consultation préalable du comité du personnel et, d’autre part, du fait que la BCE a déjà fourni à Mme Cerafogli plusieurs documents, le Tribunal de la fonction publique a estimé qu’il serait fait une juste réparation de ce préjudice en condamnant la BCE à payer à Mme Cerafogli la somme de 1000 euros.

14

Le Tribunal de la fonction publique a, enfin, condamné la BCE à supporter les dépens.

Procédure devant le Tribunal et conclusions des parties

15

Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 novembre 2014, la BCE a formé le présent pourvoi.

16

Mme Cerafogli a présenté un mémoire en réponse dans le délai imparti.

17

La BCE a été autorisée, sur sa demande, à présenter un mémoire en réplique, qu’elle a déposé dans le délai imparti.

18

Mme Cerafogli a été autorisée à déposer un mémoire en duplique, qu’elle a déposé dans le délai imparti.

19

Par ordonnance du 29 juin 2015, le président de la chambre des pourvois du Tribunal a admis l’intervention de la Commission européenne au soutien des conclusions de la BCE.

20

Par ordonnance du 29 juin 2015, le président de la chambre des pourvois du Tribunal a rejeté la demande d’intervention d’Union for Unity (U4U) au soutien des conclusions de Mme Cerafogli.

21

Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois), à défaut d’une demande en ce sens présentée par les parties dans le délai prévu à l’article 207 du règlement de procédure du Tribunal, a décidé de statuer sur le présent pourvoi sans phase orale de la procédure.

22

La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler l’arrêt attaqué ;

statuer conformément aux moyens qu’elle a invoqués en première instance ;

condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

23

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler l’arrêt attaqué.

24

Mme Cerafogli conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le pourvoi en tant qu’intégralement dépourvu de fondement ;

confirmer l’arrêt attaqué ;

condamner la BCE aux dépens.

Sur le pourvoi

25

La BCE, soutenue par la Commission, conteste tant la pertinence de l’analogie retenue par le Tribunal de la fonction publique entre le contentieux de la concurrence et celui de la fonction publique que les trois ordres de considérations ayant amené le Tribunal de la fonction publique à réapprécier la jurisprudence relative à la recevabilité d’une exception d’illégalité soulevée pour la première fois devant lui, qui ont trait, premièrement, à la finalité de la procédure précontentieuse, deuxièmement, à la nature de l’exception d’illégalité et, troisièmement, au principe de protection juridictionnelle effective.

26

La BCE avance, à cet égard, quatre moyens à l’appui de son pourvoi.

27

Le premier moyen est tiré, d’une part, d’une extrapolation erronée par le Tribunal de la fonction publique de l’arrêt du 15 septembre 2011, Koninklijke Grolsch/Commission (T‑234/07, EU:T:2011:476), aux affaires afférentes au personnel, ces deux types de contentieux étant distincts et cette extrapolation conduisant à une interprétation erronée de la portée du principe de protection juridictionnelle effective à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (première branche) et, d’autre part, d’un défaut de motivation (seconde branche).

28

À l’appui de son deuxième moyen, la BCE fait valoir que, en considérant qu’une exception d’illégalité pouvait être invoquée pour la première fois devant le juge et non dans le cadre de la procédure précontentieuse, le Tribunal de la fonction publique a méconnu la finalité de la procédure précontentieuse, qui tend à favoriser un règlement amiable des litiges, ce qui suppose que l’administration ait connaissance de l’ensemble des griefs que fait valoir l’agent à l’encontre de la décision qu’il conteste (première branche), ainsi que les droits de la défense de l’institution dans le cadre de ladite procédure précontentieuse (deuxième branche). En outre, la BCE fait valoir, en substance, que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’administration n’aurait pas d’autre choix que d’appliquer une règle de portée générale même si elle l’estimait illégale et qu’il n’a pas pris en considération la situation particulière de la BCE qui est également l’auteur des dispositions applicables au personnel (troisième branche), et qu’il a fait une interprétation erronée du principe de sécurité juridique (quatrième branche).

29

Le troisième moyen est pris d’une appréciation erronée de la nature de l’exception d’illégalité et d’une interprétation erronée de l’article 227 TFUE (première branche), en ce que, en substance, c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’une exception d’illégalité ne saurait produire pleinement ses effets dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative. La BCE fait valoir, en premier lieu, que la protection d’un justiciable contre l’application d’un acte illégal n’empêche pas que des critères de recevabilité soient imposés pour soulever valablement une exception d’illégalité, en deuxième lieu, que le fait qu’une exception d’illégalité ne puisse être invoquée que par voie incidente n’entraîne pas l’impossibilité de soulever une telle exception dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative et, enfin, en troisième lieu, qu’il importe que l’administration soit avisée dès la phase précontentieuse de l’éventuelle illégalité d’une disposition de portée générale afin d’assurer ses droits de la défense et d’agir, le cas échéant, sur le fondement d’une base juridique correcte non seulement à l’égard de l’agent ayant introduit une réclamation, mais aussi à l’égard de l’ensemble du personnel. Selon la BCE, le Tribunal de la fonction publique a également violé le principe de sécurité juridique (seconde branche).

30

Enfin, par son quatrième moyen, la BCE soutient que le Tribunal de la fonction publique a erronément interprété le principe de protection juridictionnelle effective et le principe de proportionnalité, en ce qu’il a notamment, en substance, considéré que l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité au stade du recours devant le juge de l’Union constituerait une sanction disproportionnée pour l’agent concerné, en particulier si celui-ci n’était pas juriste ou ne prenait pas un conseil (première branche) et qu’il est ainsi resté en défaut de prendre en considération certains faits pertinents de l’espèce, à savoir le fait que Mme Cerafogli était représentée par un conseil dès la procédure précontentieuse (seconde branche).

31

Mme Cerafogli conteste cette argumentation.

32

Il convient, tout d’abord, de rappeler que, à l’instar de l’article 91, paragraphe 2, du statut, l’article 42 des conditions d’emploi et l’article 8.1 des règles applicables au personnel prévoient qu’un agent de la BCE ne peut introduire un recours juridictionnel qu’après épuisement de la procédure précontentieuse, laquelle, s’agissant du personnel de la BCE, comprend deux étapes, à savoir une demande d’examen précontentieux, puis une réclamation préalable.

33

Il y a lieu de rappeler que la légalité d’une décision doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit dont disposait l’institution au moment où celle-ci a adopté ladite décision. Compte tenu du caractère évolutif de la phase précontentieuse, l’élaboration de l’acte fixant la position définitive de l’institution trouve son terme à l’occasion de l’adoption de la réponse faite par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») à la réclamation introduite par l’agent. Il s’ensuit que la légalité de l’acte définitif faisant grief à la partie requérante s’apprécie au regard des éléments de fait et de droit dont disposait l’institution lors de l’adoption, explicite ou implicite, de cette réponse, sans préjudice de la possibilité, pour l’institution, dans les conditions prévues par la jurisprudence, de fournir des précisions complémentaires lors de la phase contentieuse (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 45).

34

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la réclamation et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une façon suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, points 71 et 72 et jurisprudence citée).

35

Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 73 et jurisprudence citée).

36

Toutefois, il importe de souligner, d’une part, que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général à ce stade sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture, et, d’autre part, que l’article 91 du statut ainsi que les dispositions correspondantes des conditions d’emploi et de l’article 8.1 des règles applicables au personnel n’ont pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 76 et jurisprudence citée).

37

Certes, selon une jurisprudence constante, pour que la procédure précontentieuse puisse atteindre son objectif, il faut que l’AIPN soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (voir arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 77 et jurisprudence citée).

38

Cependant, il convient de préciser que, si l’immutabilité de l’objet et de la cause du litige entre la réclamation et la requête est nécessaire pour permettre un règlement amiable des différends, en informant l’AIPN, dès le stade de la réclamation, des critiques de l’intéressé, l’interprétation de ces notions ne saurait aboutir à restreindre les possibilités pour l’intéressé de contester utilement une décision lui faisant grief (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/MoschonakiT‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 83).

39

C’est la raison pour laquelle la notion d’objet du litige, laquelle correspond aux prétentions de l’intéressé, ainsi que celle de cause du litige, laquelle correspond au fondement, juridique et factuel, de ces prétentions, ne doivent pas être interprétées de manière restrictive (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 84).

40

Dans ce contexte, il doit en particulier être souligné que le seul changement de fondement juridique d’une contestation ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause de celle-ci. C’est ainsi que plusieurs fondements juridiques peuvent soutenir une seule et même prétention et, partant, une seule et même cause. En d’autres termes, le fait d’invoquer la violation d’une disposition spécifique dans la requête, qui n’était pas invoquée dans la réclamation, n’implique pas nécessairement que la cause du litige ait été, de ce fait, modifiée. Il convient, en effet, de s’attacher à la substance de ladite cause et non pas au seul libellé de ses fondements juridiques, le juge de l’Union devant vérifier s’il existe un lien étroit entre ses fondements et s’ils se rattachent substantiellement aux mêmes prétentions (arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 85).

41

Par ailleurs, aux termes de l’article 277 TFUE, nonobstant l’expiration du délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

42

Ainsi que l’a rappelé à bon droit le Tribunal de la fonction publique au point 45 de l’arrêt attaqué (voir point 10 ci‑dessus), il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité d’un acte institutionnel antérieur constituant la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours direct contre un tel acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation.

43

Ainsi, la possibilité que donne l’article 277 TFUE d’invoquer l’inapplicabilité d’un règlement ou d’un acte de portée générale qui constitue la base juridique de l’acte d’application attaqué ne constitue pas un droit d’action autonome et ne peut être exercée que de manière incidente. En l’absence d’un droit de recours principal, ledit article 277 TFUE ne peut pas être invoqué (arrêts du 16 juillet 1981, Albini/Conseil et Commission, 33/80, EU:C:1981:186, point 17, et du 22 octobre 1996, CSF et CSME/Commission, T‑154/94, EU:T:1996:152, point 16 ; voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1985, Salerno e.a./Commission et Conseil, 87/77, 130/77, 22/83, 9/84 et 10/84, EU:C:1985:318, point 36).

44

Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, EU:T:2007:347, point 33 et jurisprudence citée). À cet égard, l’existence d’un tel lien de connexité peut se déduire, notamment, du constat que l’acte attaqué au principal repose essentiellement sur une disposition de l’acte dont la légalité est contestée (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2006, Carius/Commission, T‑173/04, EU:T:2006:333, point 46, et du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑308/04, EU:T:2007:347, point 33 ; voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 mars 1998, De Abreu/Cour de justice, T‑146/96, EU:T:1998:50, points 25 et 29).

45

Enfin, il convient de préciser que l’illégalité de l’acte de portée générale sur lequel la décision individuelle est fondée ne peut conduire à l’annulation de l’acte de portée générale, mais seulement de la décision individuelle qui en est tirée (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité, 9/56, EU:C:1958:7, point 2). L’article 277 TFUE a, en effet, pour but, ainsi que l’a relevé à juste titre le Tribunal de la fonction publique au point 45 de l’arrêt attaqué, de protéger le justiciable contre l’application d’un acte de portée générale illégal, sans que soit pour autant mis en cause l’acte de portée générale lui-même, devenu inattaquable par l’écoulement des délais prévus à l’article 263 TFUE. Ainsi, un arrêt constatant l’inapplicabilité d’un acte de portée générale n’a d’autorité de chose jugée qu’à l’égard des parties au litige ayant donné lieu à cet arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, EU:C:1974:16, point 36).

46

Il résulte de la jurisprudence rappelée aux points 42 à 45 ci‑dessus que, premièrement, l’exception d’illégalité ne peut être excipée que de manière incidente, à l’occasion d’un recours principal porté devant le juge de l’Union et dirigé contre une décision individuelle faisant grief au requérant, deuxièmement, il faut que le recours principal soit lui-même recevable, troisièmement, l’exception n’est recevable que pour autant que le requérant ne disposait pas du droit d’introduire un recours direct contre l’acte de portée générale ayant un lien de connexité avec la décision individuelle lui faisant grief, quatrièmement, c’est au juge de l’Union qu’il incombe de déclarer inapplicable l’acte de portée générale dont il constaterait l’illégalité et de tirer les conséquences de cette inapplicabilité sur l’acte individuel faisant grief au requérant, et, cinquièmement, cette déclaration d’inapplicabilité n’a d’autorité de chose jugée qu’à l’égard des parties au litige et n’a pas d’effets erga omnes.

47

L’économie de cette voie de droit incidente, liée à l’introduction d’un recours principal devant le juge, justifie que soit déclarée recevable une exception d’illégalité soulevée pour la première fois devant le juge de l’Union, en dérogation à la règle de concordance entre la requête et la réclamation.

48

Il convient, en effet, de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante, il résulte du système législatif et juridictionnel institué par le traité que, si le respect du principe de légalité comporte, pour les justiciables, le droit de contester devant le juge la validité des actes de portée générale, ce principe implique également, pour tous les sujets du droit de l’Union, l’obligation de reconnaître la pleine efficacité desdits actes tant que leur invalidité n’a pas été établie par une juridiction compétente (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Granaria, 101/78, EU:C:1979:38, point 5, et du 28 janvier 2016, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑514/14 P, non publié, EU:C:2016:55, point 40).

49

Seul le juge est, en effet, habilité, aux termes de l’article 277 TFUE, à constater l’illégalité d’un acte de portée générale et à tirer les conséquences de l’inapplicabilité qui en résulte en ce qui concerne l’acte de portée individuelle attaqué devant lui, l’institution à qui la réclamation est adressée ne se voyant pas reconnaître une telle compétence par les traités.

50

La BCE fait valoir que, dans certains cas, l’institution peut elle-même être l’auteur de l’acte de portée générale – comme c’est le cas en l’espèce – et elle serait donc susceptible de tirer les conséquences éventuelles d’une exception d’illégalité qui serait invoquée à l’appui d’une réclamation.

51

Toutefois, il ne s’agit pas, en ce cas, d’une compétence qui lui est dévolue par les traités ou par un acte de droit dérivé, mais d’une faculté que l’institution est susceptible de s’arroger.

52

L’institution pourrait, certes, le cas échéant, retirer l’acte de portée générale dont elle serait l’auteur, mais un tel retrait n’emporte pour autant aucun constat d’illégalité dudit acte, constat que seul le juge est compétent pour opérer.

53

En outre, les effets du retrait d’un acte de portée générale par l’institution, pour autant qu’elle en soit l’auteur, diffèrent de ceux découlant d’un constat d’illégalité par le juge de l’Union : le retrait d’un acte opérant rétroactivement, il prive de base juridique tout acte qui aurait été adopté sur son fondement, y compris des actes qui n’ont pas fait l’objet d’un recours, tandis que le constat d’illégalité opéré par le juge, n’ayant pas d’effet erga omnes, emporte l’illégalité de la décision individuelle attaquée, mais laisse subsister l’acte de portée générale dans l’ordre juridique sans affecter la légalité des autres actes qui auraient été adoptés sur son fondement et qui n’auraient pas été attaqués dans le délai de recours (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 1974, Kortner e.a./Conseil e.a., 15/73 à 33/73, 52/73, 53/73, 57/73 à 109/73, 116/73, 117/73, 123/73, 132/73 et 135/73 à 137/73, EU:C:1974:16, points 37 et 38).

54

Enfin, s’agissant de l’éventuelle abrogation d’un acte de portée générale – ou la possibilité, pour une institution, d’assortir le retrait d’un acte de portée générale, dont elle est l’auteur, du maintien d’une partie de ses effets (arrêt du 23 novembre 1999, Portugal/Commission, C‑89/96, EU:C:1999:573, points 9 à 11) – elle n’a d’effet que pour le futur et, par conséquent, elle est sans incidence sur la légalité de la décision individuelle qui aurait été adoptée sur le fondement de cet acte de portée générale et qui serait contestée (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a../Commission, T‑481/93 et T‑484/93, EU:T:1995:209, point 46).

55

En d’autres termes, l’institution peut, certes, retirer ou abroger un acte de portée générale dont elle serait l’auteur, dans l’hypothèse où elle considérerait que cet acte est entaché d’illégalité, mais un tel retrait ou une telle abrogation,n’équivaut pas au constat d’illégalité, et aux effets qui en découlent, que seul peut opérer le juge conformément aux dispositions de l’article 277 TFUE.

56

Dans de telles conditions, l’exigence formelle de porter à la connaissance de l’institution, dans le cadre d’une réclamation, une exception d’illégalité d’un acte de portée générale sous peine d’irrecevabilité ultérieure de cette même exception devant le juge de l’Union, alors que le sort que cette institution est susceptible de réserver à ladite exception, pour autant qu’elle soit l’auteur dudit acte, n’équivaut pas au constat d’illégalité par le juge de l’Union, est contraire à l’économie et à la raison d’être de l’exception d’illégalité.

57

Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments avancés par la BCE à l’appui de la première branche de son deuxième moyen.

58

La BCE, soutenue par la Commission, fait valoir, en substance, que le Tribunal de la fonction publique, en admettant que l’agent puisse soulever pour la première fois une exception d’illégalité devant le juge de l’Union, en dérogation à la règle de concordance, a méconnu la finalité de la procédure précontentieuse, qui vise à trouver un règlement amiable au différend né entre l’agent et l’institution dont il relève.

59

À cet égard, il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, le principe de légalité implique, pour tous les sujets du droit de l’Union, l’obligation de reconnaître la pleine efficacité desdits actes tant que leur illégalité n’a pas été établie par une juridiction compétente (voir point 48 ci‑dessus).

60

Or, ce principe ne saurait être remis en cause par une institution au motif de régler à l’amiable un différend né entre elle et l’un de ses agents, en l’absence de toute décision du juge sur l’inapplicabilité de l’acte de portée générale.

61

C’est, par conséquent, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique a admis la recevabilité de l’exception d’illégalité pour les motifs retenus aux points 42 et 45 à 47 de l’arrêt attaqué.

62

Il convient, dès lors, d’écarter, outre la première branche du deuxième moyen, la troisième et la quatrième branches du deuxième moyen avancé par la BCE, par lesquelles celle-ci fait valoir, d’une part, que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a considéré que l’administration n’aurait pas d’autre choix que d’appliquer une règle de portée générale même si elle l’estimait illégale et qu’il n’a pas pris en considération la situation particulière de la BCE qui est également, en l’espèce, l’auteur des dispositions applicables au personnel (troisième branche) et, d’autre part, qu’il a fait une interprétation erronée du principe de sécurité juridique (quatrième branche).

63

Il convient également d’écarter pour les mêmes motifs la première branche du troisième moyen, par laquelle la BCE avance que c’est à tort que le Tribunal de la fonction publique a considéré qu’une exception d’illégalité ne saurait produire pleinement ses effets dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative.

64

À cet égard, aucun des griefs avancés à l’appui de cette première branche du troisième moyen ne saurait prospérer.

65

En premier lieu, la BCE soutient que la protection d’un justiciable contre l’application d’un acte illégal n’empêche pas que des critères de recevabilité soient imposés pour soulever valablement une exception d’illégalité.

66

Certes, il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 47 de la Charte n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97, et ordonnance du 29 avril 2015, von Storch e.a./BCE, C‑64/14 P, non publiée, EU:C:2015:300, point 55).

67

Il convient, à cet égard, de relever que la possibilité d’invoquer une exception d’illégalité à l’occasion d’un litige entre un agent et une institution est soumise au respect de plusieurs conditions de recevabilité : s’agissant d’une voie de droit incidente, elle suppose qu’un recours principal ait été introduit, qu’il soit dirigé contre une décision faisant grief au fonctionnaire, que ce recours principal soit recevable, que l’agent n’ait pas été en mesure de demander l’annulation de l’acte de portée générale servant de fondement à la décision qui lui fait grief et qu’il existe un lien de connexité suffisant entre l’acte de portée générale et la décision individuelle attaquée.

68

Cependant, l’économie du régime juridique de l’exception d’illégalité et, en particulier, les considérations liées au fait que seul le juge est habilité à constater l’inapplicabilité d’un acte de portée générale conduisent à devoir considérer que ne saurait constituer une condition de recevabilité supplémentaire le fait qu’elle soit soulevée préalablement au stade de la réclamation.

69

En deuxième lieu, la BCE avance que le fait qu’une exception d’illégalité ne puisse être invoquée que par voie incidente n’entraîne pas l’impossibilité de soulever une telle exception dans le cadre d’une procédure de réclamation administrative.

70

Certes, le caractère incident de l’exception d’illégalité ne rend pas impossible le fait de soulever une telle exception au stade de la réclamation. Toutefois, le fait que l’agent soit en droit de soulever une telle exception au stade de la réclamation n’implique pas qu’il soit tenu de le faire sous peine d’irrecevabilité ultérieure d’un tel moyen devant le juge de l’Union.

71

En troisième lieu, la BCE fait valoir qu’il importe que l’administration soit avisée, dès la phase précontentieuse, de l’éventuelle illégalité d’une disposition de portée générale afin d’assurer ses droits de la défense et d’agir, le cas échéant, sur le fondement d’une base juridique correcte non seulement à l’égard de l’agent ayant introduit une réclamation, mais aussi à l’égard de l’ensemble du personnel.

72

Il convient de rappeler que, suivant une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause. Ce principe exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir (voir ordonnance du 12 mai 2010, CPEM/Commission, C‑350/09 P, non publiée, EU:C:2010:267, points 75 et 76 et jurisprudence citée).

73

Il convient, par ailleurs, de rappeler que, compte tenu du caractère évolutif de la phase précontentieuse, l’élaboration de l’acte fixant la position définitive de l’institution trouve son terme à l’occasion de l’adoption de la réponse faite par l’AIPN à la réclamation introduite par l’agent (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 45).

74

Force est, par conséquent, de constater que, dans le cadre de la procédure administrative de réclamation, l’institution ne saurait revendiquer le bénéfice des droits de la défense, puisqu’elle est l’auteur, et non le destinataire, de l’acte susceptible de faire grief à l’agent.

75

Pour le surplus, la BCE ne conteste pas que ses droits de la défense sont pleinement garantis dans le cadre de la procédure juridictionnelle, où elle est en mesure de présenter tous les arguments qu’elle estime opportuns si une exception d’illégalité lui est opposée à l’appui d’un recours principal.

76

Les motifs exposés aux points 59 et 60 du présent arrêt conduisent en outre à écarter la deuxième partie de l’argumentation avancée par la BCE à l’appui de ce grief, qu’il convient par conséquent de rejeter dans son ensemble ainsi que la deuxième branche du troisième moyen tirée de la méconnaissance du principe de sécurité juridique.

77

Il convient également de rejeter l’argumentation de la BCE relative à la violation de ses droits de la défense avancée à l’appui de la deuxième branche de son deuxième moyen.

78

Dès lors que les motifs retenus aux points 42 et 45 à 47 de l’arrêt attaqué suffisent à justifier qu’une exception d’illégalité soulevée pour la première fois devant le Tribunal de la fonction publique soit recevable par dérogation à la règle de concordance, il y a lieu de considérer que sont inopérants les autres arguments avancés par la BCE au soutien, premièrement, de son premier moyen, tiré d’une extrapolation erronée par le Tribunal de la fonction publique de l’arrêt du 15 septembre 2011, Koninklijke Grolsch/Commission (T‑234/07, EU:T:2011:476) aux affaires afférentes au personnel, ces deux types de contentieux étant distincts et cette extrapolation conduisant à une interprétation erronée de la portée du principe de protection juridictionnelle effective à la lumière de l’article 47 de la Charte (première branche) et, d’autre part, d’un défaut de motivation (seconde branche), deuxièmement, de la première branche du quatrième moyen, par laquelle la BCE soutient que le Tribunal de la fonction publique a erronément interprété le principe de protection juridictionnelle effective et le principe de proportionnalité, en ce qu’il a notamment, en substance, considéré que l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité au stade du recours devant le juge de l’Union constituerait une sanction disproportionnée pour l’agent concerné, et, troisièmement, de la seconde branche du quatrième moyen, tirée de ce que le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris en considération certains faits pertinents de l’espèce, à savoir le fait que Mme Cerafogli était représentée par un conseil dès la procédure précontentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 2 juin 1994, de Compte/Parlement, C‑326/91 P, EU:C:1994:218, point 94, et du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 68).

79

Par conséquent, il y a lieu d’approuver la solution retenue par le Tribunal de la fonction publique admettant la recevabilité d’une exception d’illégalité soulevée pour la première fois devant le juge de l’Union, en dérogation à la règle de concordance.

80

Il y a, dès lors, lieu de rejeter le pourvoi.

Sur les dépens

81

Conformément à l’article 211, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

82

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi, en vertu de l’article 211, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La BCE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de Mme Cerafogli.

83

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi, en vertu de l’article 211, paragraphe 1, du même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

La Banque centrale européenne (BCE) supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Mme Maria Concetta Cerafogli.

 

3)

La Commission européenne supportera ses propres dépens.

 

Jaeger

Prek

Dittrich

Frimodt Nielsen

Berardis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 2016.

Signatures


( 1 ) Langue de procédure : l’anglais.