ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 juin 2010 (*)

« Aides d’État – Télécommunications – Subventions à l’achat de décodeurs numériques – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Exclusion des décodeurs permettant la réception de programmes de télévision diffusés par satellite – Avantage – Caractère sélectif – Atteinte à la concurrence – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑177/07,

Mediaset SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes K. Adamantopoulos, G. Rossi, E. Petritsi et A. Nucara, avocats, M. D. O’Keeffe et Mme P. Boyle, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Martenczuk, G. Conte et Mme E. Righini, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Sky Italia Srl, établie à Rome (Italie), représentée initialement par Mes F. E. González Díaz et D. Gerard, puis par Me González Díaz, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2007/374/CE de la Commission, du 24 janvier 2007, relative à l’aide d’État C 52/2005 (ex NN 88/2005, ex CP 101/2004) octroyée par la République italienne sous forme de subvention à l’achat de décodeurs numériques (JO L 147, p. 1),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’article 4, paragraphe 1, de la legge n° 350 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2004) (loi n° 350 concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État, ci-après la « loi de finances 2004 »), du 24 décembre 2003, disposait :

« Pour l’année 2004, est versée une subvention publique de 150 euros à chaque utilisateur du service de radiodiffusion, en règle pour l’année en cours en matière de paiement de la redevance d’abonnement correspondante, qui achète ou loue un appareil permettant la réception, en clair et sans aucune charge pour l’utilisateur et pour le fournisseur de contenus, des signaux télévisuels numériques terrestres (T-DVB/C-DVB) et de l’interactivité qui y est associée. Le plafond de la subvention accordée est de 110 millions d’euros. »

2        L’article 1er, paragraphe 211, de la legge n° 311 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2005) (loi n° 311 concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État, ci-après la « loi de finances 2005 »), du 30 décembre 2004, prévoyait le refinancement de cette mesure dans la même limite de dotation de 110 millions d’euros, la subvention pour le décodeur étant toutefois réduite à 70 euros.

3        Ce régime n’est plus en vigueur depuis le 1er décembre 2005.

4        Le processus de numérisation des signaux télévisuels a été lancé en Italie avec la legge n° 66 – Conversione in legge, con modificazioni, del decreto-legge 23 gennaio 2001, n° 5, recante disposizioni urgenti per il differimento di termini in materia di trasmissioni radiotelevisive analogiche e digitali, nonché per il risanamento di impianti radiotelevisivi ([…]), du 20 mars 2001, qui disposait que le passage au numérique serait achevé et la transmission analogique définitivement arrêtée avant décembre 2006. À cet égard, l’article 2 bis, point 5, de ladite loi énonce :

« Les transmissions télévisuelles de programmes et de services multimédias par fréquence terrestre devront être émises exclusivement en technologie numérique avant la fin de l’année 2006. »

5        La date prévue pour la cessation de la transmission analogique a par la suite été reportée à deux reprises, dans un premier temps jusqu’en 2008, puis, dans un second temps, jusqu’au 30 novembre 2012.

6        Le 11 mai 2004, Centro Europa 7 Srl a déposé une plainte auprès de la Commission des Communautés européennes contre la subvention octroyée par la République italienne, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004, pour l’achat de certains décodeurs numériques terrestres. Par lettre du 10 février 2005, Centro Europa 7 a fourni à la Commission d’autres informations et a fait valoir que le gouvernement italien avait prévu le refinancement de la mesure en cause à l’article 1er, paragraphe 211, de la loi de finances 2005.

7        Le 3 mai 2005, Sky Italia Srl a également déposé une plainte à l’encontre des mêmes dispositions de la loi de finances 2004 et de la loi de finances 2005.

8        Par lettre datée du 21 décembre 2005, la Commission a communiqué à la République italienne sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (JO 2006 C 118, p. 10, ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ») concernant l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004 et l’article 1er, paragraphe 211, de la loi de finances 2005 (ci-après, pris ensemble, la « mesure en cause »). Dans cette décision, elle invitait les parties intéressées à lui transmettre leurs observations sur ladite mesure.

9        Le 24 janvier 2007, la Commission a adopté la décision 2007/374/CE, relative à l’aide d’État C 52/2005 (ex NN 88/2005, ex CP 101/2004) octroyée par la République italienne sous forme de subvention à l’achat de décodeurs numériques (JO L 147, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

10      La Commission a tout d’abord indiqué que la mesure en cause, en ce qu’elle prévoyait l’octroi par la République italienne d’une subvention pour l’achat, au cours des années 2004 et 2005, de certains décodeurs numériques terrestres, constituait une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE en faveur des diffuseurs numériques terrestres qui offrent des services de télévision à péage, notamment des services « à la carte », ainsi que des câblo-opérateurs fournissant des services de télévision numérique à péage.

11      Ensuite, la Commission a estimé qu’aucune des dérogations prévues à l’article 87, paragraphe 3, CE n’était applicable à la mesure en cause. En particulier, elle a exclu la possibilité d’appliquer la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, dans la mesure où, même si le passage de la radiodiffusion télévisuelle analogique à la radiodiffusion télévisuelle numérique constituait un objectif d’intérêt commun, la mesure en cause n’était pas proportionnée à la poursuite de cet objectif et n’était pas de nature à éviter des distorsions inutiles de la concurrence. Cette conclusion était notamment fondée sur le fait que la mesure en cause n’était pas technologiquement neutre, dans la mesure où elle ne s’appliquait pas aux décodeurs numériques satellitaires. La Commission a toutefois estimé que, pour autant que la mesure en cause soit considérée comme une aide aux producteurs de décodeurs, elle pourrait bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. En effet, d’une part, elle encourageait le développement technologique sous forme de décodeurs au rendement plus élevé, munis de normes qui sont à la disposition de tous les producteurs, d’autre part, tous les producteurs proposant ce type de décodeurs, y compris ceux établis dans d’autres États membres, pouvaient bénéficier du financement, enfin, l’encouragement de la demande de décodeurs à la suite de la mesure en cause était l’effet, en lui même inévitable, de toute politique publique en faveur du passage au numérique, même la plus neutre du point de vue technologique.

12      Partant, la Commission a ordonné la récupération des aides versées en application de la mesure en cause, déclarées incompatibles avec le marché commun et qui avaient été octroyées illégalement. À cette fin, la Commission a fourni certaines indications relatives aux modalités de calcul du montant des aides.

13      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

Le régime que la République italienne a illégalement mis à exécution en faveur des diffuseurs numériques terrestres qui offrent des services de télévision à péage et des opérateurs câble de télévision à péage constitue une aide d’État incompatible avec le marché commun.

Article 2

1. La République italienne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er.

2. La récupération doit intervenir sans délai et conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les sommes à récupérer incluent les intérêts à partir de la date à laquelle l’aide a été mise à la disposition des bénéficiaires jusqu’à la date de leur récupération.

3. Les intérêts à récupérer en vertu du paragraphe 2 sont calculés conformément à la procédure visée aux articles 9 et 11 du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article [88 CE] [JO L 140, p. 1].

Article 3

La République italienne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s’y conformer. Ces informations sont communiquées au moyen du questionnaire joint à la présente décision.

La République italienne fournit, dans le délai fixé au premier paragraphe, toutes les preuves attestant que les procédures en récupération ont été introduites contre les bénéficiaires des aides illégales et incompatibles.

Article 4

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

14      Par la décision C (2006) 6630 final, du 24 janvier 2007, la Commission a déclaré compatibles avec le marché commun les aides octroyées par la République italienne en vertu de la legge n° 266 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge finanziaria 2006) (loi n° 266 concernant les dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État, ci-après la « loi de finances 2006 »), du 23 décembre 2005, pour l’achat, en 2006, de décodeurs numériques avec interface de programme d’application ouverte (ci-après la « décision relative à 2006 »). À la différence de la décision attaquée, les subventions en cause dans la décision relative à 2006 ont été jugées « technologiquement neutres », dans la mesure où celles-ci pouvaient être accordées aux décodeurs de l’ensemble des plateformes numériques (terrestre, par câble et satellitaire), pour autant qu’ils soient interactifs et interopérables, c’est-à-dire qu’il s’agisse de décodeurs « ouverts », par opposition à des décodeurs dits « propriétaires ».

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 mai 2007, la requérante, Mediaset SpA, diffuseur de programmes numériques terrestres, a introduit un recours contre la décision attaquée.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 septembre 2007, Sky Italia a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la Commission. Par ordonnance du 10 janvier 2008, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission, soutenue par Sky Italia, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité de l’annexe A.8 de la requête

 Arguments des parties

19      La Commission, soutenue par Sky Italia, estime que l’annexe A.8 de la requête, intitulée « Le secteur italien de la radiodiffusion : bref résumé du contexte historique, législatif et du marché » (ci-après l’« annexe A.8 »), ainsi que toute référence à celle-ci doivent être déclarées irrecevables et que son contenu ne doit pas être pris en compte par le Tribunal. En effet, l’annexe A.8 contiendrait plusieurs arguments et observations de fait et de droit qui ne figureraient pas dans la requête. Partant, ladite annexe et les références à celle-ci dans la requête contreviendraient à l’obligation, énoncée à l’article 21, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice ainsi qu’à l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle la requête proprement dite doit exposer l’objet du litige et les moyens invoqués.

20      La requérante fait observer que tous les moyens soulevés à l’appui de son recours sont développés dans la requête, de sorte que le moyen pris de l’irrecevabilité de l’annexe A.8 et des références à ladite annexe, tel que soulevé par la Commission, est sans pertinence ni fondement.

 Appréciation du Tribunal

21      À titre liminaire, le Tribunal relève que cinq renvois à l’annexe A.8 sont effectués dans la requête, à savoir, d’une part, aux paragraphes 11 et 109 et, d’autre part, aux notes en bas des pages 57, 94 et 115.

22      S’agissant de la première occurrence, au paragraphe 11 de la requête, il y a lieu de relever qu’elle figure dans le paragraphe introductif du deuxième titre, « Contexte factuel », qui précède le troisième titre, « Moyens d’annulation ». Ce renvoi à l’annexe A.8 a pour objet de permettre au Tribunal de disposer d’un exposé du cadre normatif et du contexte relatif au marché dans lesquels la mesure en cause devrait être examinée.

23      Par voie de conséquence, s’agissant de cette première occurrence, la Commission ne saurait reprocher à la requérante d’avoir procédé à un renvoi à l’annexe A.8.

24      S’agissant des quatre dernières occurrences, qui figurent cette fois sous le troisième titre, « Moyens d’annulation », il convient de rappeler que, si la requête peut être étayée et complétée, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 34). Les annexes ne sauraient dès lors servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle‑ci. La requérante doit indiquer dans sa requête les griefs précis sur lesquels le Tribunal est appelé à se prononcer ainsi que, de manière à tout le moins sommaire, les éléments de droit et de fait sur lesquels ces griefs sont fondés (arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C‑52/90, Rec. p. I‑2187, point 17 ; ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 167).

25      En l’espèce, le Tribunal constate que les quatre dernières occurrences visent, ainsi que cela ressort des écritures de la requérante, à illustrer les arguments exposés à l’appui des moyens soulevés.

26      C’est ainsi que la note en bas de la page 57 vient illustrer l’affirmation selon laquelle « l’obligation de passer au numérique se traduit par une contrainte sur les diffuseurs terrestres et sur la requérante qui n’est pas imposée aux entreprises opérant sur d’autres plateformes de diffusion ».

27      De même, la note en bas de la page 94 vient illustrer l’affirmation selon laquelle « [l]a subvention compensait les coûts liés à l’exécution d’obligations spécifiquement imposées par la loi qui ne concernaient que la plateforme terrestre ».

28      En outre, s’agissant de l’occurrence au paragraphe 109, il est expressément indiqué qu’il « ressort [de l’annexe A.8] que les diffuseurs en mode analogique n’ont pas joui du moindre privilège, que ce soit au niveau des fréquences ou [à celui] du marché ».

29      Enfin, la note en bas de la page 115 vient quant à elle illustrer l’affirmation selon laquelle « [l]a mesure en cause est proportionnée, car elle se limite au coût supplémentaire de l’interopérabilité et de l’interactivité ainsi qu’au coût que la requérante a spécialement subi en exécutant les obligations que la loi lui imposait spécifiquement ».

30      Il résulte des observations qui précèdent que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, les renvois à l’annexe A.8 dans les quatre dernières occurrences visent à étayer des arguments exposés dans les écritures de la requérante. En outre, le Tribunal constate que, dans ses écritures, la requérante n’a pas exposé de moyen ou d’argument de manière sommaire, qu’elle aurait ensuite développés dans l’annexe A.8.

31      Partant, c’est à tort que la Commission soutient que l’annexe A.8 doit être considérée comme irrecevable et ne doit pas être prise en compte par le Tribunal. Il a donc lieu de rejeter le moyen de la Commission comme non fondé.

 Sur la recevabilité des annexes de la requête non traduites dans la langue de procédure

 Arguments des parties

32      La Commission fait observer que plusieurs annexes de la requête, à savoir les annexes A.1, A.2, A.3, A.4, A.7, A.11, A.12 et A.13, ont été présentées par la requérante uniquement en italien, alors que, comme l’exige l’article 35, paragraphe 3, du règlement de procédure, elles auraient dû être accompagnées d’une traduction dans la langue de procédure.

33      La requérante rétorque qu’elle fournira les annexes concernées de la requête dans la langue de la procédure, conformément à l’article 35 du règlement de procédure, si le Tribunal le demande.

 Appréciation du Tribunal

34      L’article 35, paragraphe 3, premier à troisième alinéas, du règlement de procédure prévoit ce qui suit :

« La langue de procédure est notamment employée dans les mémoires et plaidoiries des parties, y compris les pièces et documents annexés, ainsi que les procès-verbaux et décisions du Tribunal.

Toute pièce et tout document produits ou annexés et rédigés dans une langue autre que la langue de procédure sont accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure.

Toutefois, dans le cas de pièces et documents volumineux, des traductions en extrait peuvent être présentées. À tout moment, le Tribunal peut exiger une traduction plus complète ou intégrale, soit d’office, soit à la demande d’une des parties. »

35      En outre, l’article 7, paragraphe 5, deuxième alinéa, des instructions au greffier du Tribunal (JO 2007, L 232, p. 1), prévoit :

« Lorsque des pièces ou documents annexés à un mémoire ou acte de procédure ne sont pas accompagnés d’une traduction dans la langue de procédure, le greffier en demande la régularisation à la partie concernée, si cette traduction apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure. »

36      En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que la Commission n’a pas demandé de manière expresse que le Tribunal exige de la part de la requérante la traduction dans la langue de procédure des annexes A.1, A.2, A.3, A.4, A.7, A.11, A.12 et A.13. En effet, la Commission s’est contentée, par l’intermédiaire d’une incise en note en bas de la page 15 du mémoire en défense, de faire observer que lesdites annexes de la requête ont été présentées par la requérante uniquement en italien sans être accompagnées d’une traduction dans la langue de procédure.

37      En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, au regard de l’objet des dispositions du règlement de procédure et des instructions au greffier, il y a lieu de considérer que, en l’absence d’une demande d’une partie en ce sens, ce n’est que si la traduction dans la langue de procédure apparaît nécessaire au bon déroulement de la procédure qu’il incombe au greffier d’y faire procéder (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 2002, Puente Martín/Commission, T‑29/01, RecFP p. I‑A‑157 et II‑833, point 40).

38      En l’espèce, en l’absence d’une demande en ce sens de la part des parties, le Tribunal n’a pas jugé nécessaire de demander la traduction dans la langue de procédure des annexes A.1, A.2, A.3, A.4, A.7, A.11, A.12 et A.13 pour les raisons suivantes. Premièrement, s’agissant des annexes A.1 à A.4, elles ont été communiquées au titre d’exigences procédurales aux fins de l’identification des parties ainsi que de leurs représentants. Deuxièmement, l’annexe A.7 reproduit l’acte faisant l’objet du présent recours en annulation. Or, cet acte, publié au Journal officiel de l’Union européenne après l’introduction dudit recours, a été traduit dans toutes les langues officielles de l’Union, dont la langue de procédure dans la présente affaire. Troisièmement, s’agissant des annexes A.11, A.12 et A.13, elles reproduisent des dispositions de droit national pertinentes. Or, ces dispositions ont été visées en substance, voire citées in extenso, respectivement aux considérants 7, 6 et 10 de la décision attaquée, ce qui permet de présumer que l’auteur de cette décision est en mesure d’en comprendre le contenu.

39      Il résulte des développements qui précèdent que c’est à tort que la Commission reproche à la requérante de ne pas avoir communiqué, dans la langue de procédure, une traduction des annexes A.1, A.2, A.3, A.4, A.7, A.11, A.12 et A.13.

 Sur les moyens

40      À l’appui de son recours, la requérante soulève, dans la requête, quatre moyens respectivement tirés, premièrement, de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, deuxièmement, de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur manifeste de droit lors de l’évaluation de la compatibilité de la mesure en cause au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, troisièmement, de la violation de l’article 253 CE et, quatrièmement, de la violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88 CE] (JO L 83, p. 1), ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

41      Au cours de l’audience, la requérante a fait valoir un moyen pris, en substance, de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004.

42      Il convient d’examiner la recevabilité de ce dernier moyen, puis de se prononcer sur le bien-fondé des quatre moyens soulevés au stade de la requête.

 Sur la recevabilité du moyen pris d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004

 Arguments des parties

43      La requérante a, au cours de l’audience, explicitement contesté le fait que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004, les diffuseurs numériques satellitaires soient exclus du bénéfice de la mesure en cause. En réponse à une question posée par le Tribunal l’invitant à préciser à quel stade de la procédure écrite elle avait soulevé ce grief, elle a répondu en renvoyant aux paragraphes 69 et suivants et au paragraphe 76 de son mémoire en réplique.

44      Invitées par le Tribunal, au cours de l’audience, à réagir à cette contestation de la requérante, la Commission et Sky Italia ont soutenu que ce moyen ayant été soulevé tardivement, il devait être déclaré irrecevable.

 Appréciation du Tribunal

45      Il convient de rappeler que, en vertu des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

46      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des déclarations de la requérante à l’audience, celle-ci n’a pas soulevé le présent moyen dans la requête, mais dans le mémoire en réplique. Par ailleurs, la requérante n’allègue pas que ledit moyen se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

47      Partant, conformément aux dispositions du règlement de procédure du Tribunal visées au point 45 ci-dessus, le moyen pris d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004 doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

48      Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE en ce que la Commission a conclu que la mesure en cause constitue une aide d’État au sens dudit article. Il se divise en quatre branches qui portent respectivement, premièrement, sur la notion de bénéficiaire indirect, deuxièmement, sur l’absence d’avantage économique, troisièmement, sur l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause et enfin, quatrièmement, sur l’absence de distorsion de la concurrence.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’avantage économique

–       Arguments des parties

49      En premier lieu, la requérante considère que la mesure en cause ne lui a conféré aucun avantage économique, tel que la création d’une opportunité commerciale. En effet, dans la décision attaquée, la Commission affirmerait à tort et sans aucune preuve que cette mesure a permis aux diffuseurs d’éviter de supporter le coût lié au subventionnement des décodeurs, pratique commerciale qu’elle qualifierait erronément de répandue sur le marché. Selon la requérante, cette affirmation ne serait exacte que s’agissant des opérateurs de télévision par abonnement, et ce en raison des relations contractuelles stables que ces derniers établissent avec leurs abonnés. En l’absence d’une telle relation contractuelle stable, les diffuseurs de télévision numérique terrestre n’auraient aucun intérêt à subventionner l’acquisition de décodeurs permettant l’interopérabilité. En effet, ils s’exposeraient alors à un risque de parasitage, en ce sens que leurs concurrents profiteraient tout autant de la subvention. La mesure en cause aurait plutôt profité aux consommateurs, qui sont en mesure d’acquérir des décodeurs de technologie ouverte.

50      En deuxième lieu, la requérante soutient que la mesure en cause ne lui a procuré aucun avantage en termes de meilleure pénétration sur le marché de la télévision à péage ou de création d’audience. À ce titre, elle conteste que la mesure en cause lui ait permis de constituer une audience pour la télévision à péage ou d’accéder au marché de la télévision à péage à faible coût. Tout d’abord, ce seraient la qualité et les caractéristiques des programmes diffusés, et non le prix du décodeur, qui détermineraient les préférences des consommateurs. Ensuite, les avantages procurés par la mesure en cause auraient bénéficié à tout opérateur numérique terrestre, même potentiel. Enfin, la mesure en cause assurerait et garantirait le maintien du caractère généraliste et gratuit du modèle de télévision analogique accessible à tous lors de la transition vers la télévision numérique.

51      Par ailleurs, la Commission n’aurait pas tenu compte des investissements engagés par la requérante en vue de la numérisation, mais aussi pour couvrir les coûts de lancement de services de télévision à péage. De même, la requérante affirme que les avantages mentionnés par la Commission auraient pu bénéficier à n’importe quel diffuseur numérique terrestre de télévision à péage, et notamment aux futurs nouveaux concurrents sur le marché, et que cet effet est inhérent à toute mesure en faveur de la télévision numérique, y compris la plus neutre du point de vue technologique.

52      En troisième lieu, la requérante affirme que la subvention correspond aux coûts supplémentaires des décodeurs interopérables et interactifs, ce que la Commission aurait d’ailleurs admis au considérant 85 de la décision attaquée.

53      La requérante soutient que les arguments exposés par Sky Italia, relatifs à des prétendus avantages dont elle aurait bénéficié, à savoir un accès « sans risque » à un nouveau marché, un soutien commercial de la part des autorités publiques et un accès à un capital à coût réduit, doivent être déclarés irrecevables ou, en tout état de cause, rejetés comme non fondés.

54      La Commission, soutenue par Sky Italia, conclut au rejet de la présente branche.

–       Appréciation du Tribunal

55      À titre liminaire, afin de se prononcer sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen ainsi que des trois autres branches dudit moyen, il convient d’examiner la portée de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004 et de l’article 1er, paragraphe 211, de la loi de finances 2005 pour déterminer si la mesure en cause pouvait bénéficier tant à la plateforme numérique terrestre qu’à la plateforme numérique satellitaire.

56      À cet égard, il y a lieu de constater que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, de la loi de finances 2004, une subvention publique de 150 euros (réduite à 70 euros dans la loi de finances 2005) devait être versée à chaque utilisateur du service de radiodiffusion, en règle pour l’année en cours en matière de paiement de la redevance d’abonnement correspondante, qui achetait ou louait un appareil permettant la réception, en clair et sans aucune charge pour l’utilisateur et pour le fournisseur de contenus, des signaux télévisuels numériques terrestres et de l’interactivité qui y est associée.

57      Au regard desdites dispositions, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a à juste titre considéré la Commission au considérant 7 de la décision attaquée, le bénéfice de la mesure en cause était conditionné à la satisfaction de plusieurs conditions cumulatives, parmi lesquelles figurait celle d’acheter ou de louer un appareil permettant la réception des signaux télévisuels numériques terrestres.

58      Au surplus, le Tribunal observe que, au paragraphe 122 de la requête, la requérante a explicitement reproché à la Commission d’avoir rendu deux décisions, à savoir la décision attaquée et la décision relative à 2006, contradictoires quant à la compatibilité avec le marché commun de la mesure en cause et de celle prévue dans la loi de finances 2006, alors qu’elles ont été accordées, selon elle, dans des circonstances de fait pour l’essentiel comparables. À l’appui de ce grief, elle fait valoir que la seule raison pour laquelle la conclusion d’incompatibilité tirée par la Commission dans la décision attaquée a par la suite été renversée dans la décision relative à 2006 réside dans l’insertion, par le législateur italien, de termes visant à inclure spécifiquement les diffuseurs satellitaires.

59      Ainsi, il ressort du paragraphe 122 de la requête que la requérante ne conteste pas que le législateur a finalement considéré nécessaire, lors de l’adoption de la loi de finances 2006, d’inclure expressément les diffuseurs satellitaires dans les dispositions définissant le champ d’application de la mesure en cause.

60      Il résulte des constatations qui précèdent que la mesure en cause ne pouvait de toute évidence pas bénéficier à un consommateur qui décidait d’acheter ou de louer un appareil permettant exclusivement la réception des signaux télévisuels numériques satellitaires. Partant, ladite mesure ne répondait pas à l’exigence de neutralité technologique, posée par la Commission, s’agissant des mesures d’aides relatives au marché de la télévision numérique.

61      À titre principal, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la question de savoir si les diffuseurs auraient nécessairement financé l’acquisition de décodeurs en l’absence de la mesure en cause n’est pas pertinente quant à l’appréciation de la qualification de ladite mesure d’aide d’État.

62      En effet, ce qui importe à cet égard est de savoir si le subventionnement des décodeurs a créé un avantage pour les diffuseurs terrestres tels que la requérante. À cet égard, il convient de relever qu’aux considérants 82 à 95 de la décision attaquée la Commission a exposé de manière détaillée l’ensemble des raisons pour lesquelles la mesure d’aide en cause constituait, selon elle, un avantage économique en faveur des diffuseurs terrestres. À cet égard, elle a, en particulier et à juste titre, fait observer que le développement d’une audience représente une partie essentielle de l’activité commerciale des diffuseurs de programmes télévisés. En outre, le Tribunal relève que la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle a, à bon droit, considéré que la mesure d’aide en cause, d’une part, a incité les consommateurs à passer du mode analogique au mode numérique terrestre tout en limitant les coûts que les diffuseurs de télévision numérique terrestre auraient dû supporter et, d’autre part, a permis aux mêmes diffuseurs de consolider leur position existante sur le marché, en termes d’image de marque et de fidélisation de la clientèle, par rapport aux nouveaux concurrents.

63      Pour la même raison, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel les diffuseurs terrestres n’auraient eu aucun intérêt à subventionner des décodeurs du fait qu’ils se seraient exposés à un risque de parasitage, en ce sens que leurs concurrents auraient profité tout autant de la subvention. En tout état de cause, le fait que la requérante partage l’avantage découlant de la subvention avec d’autres diffuseurs ne prive pas la mesure en cause de son caractère d’avantage à son égard.

64      De même, le fait que la mesure en cause soit très avantageuse pour les consommateurs étant donné qu’elle ramène le prix des décodeurs plus sophistiqués au niveau du prix des décodeurs de base n’a aucune incidence sur le fait que ladite mesure constitue également un avantage pour les diffuseurs terrestres et les câblo-opérateurs.

65      S’agissant de l’argument selon lequel les caractéristiques des programmes diffusés, et non le prix du décodeur, seraient déterminantes dans le choix des téléspectateurs, le Tribunal considère que, si ces caractéristiques sont susceptibles d’influer sur le choix des téléspectateurs, il n’en demeure pas moins que le prix du décodeur constitue un paramètre déterminant dont le téléspectateur tient compte afin de procéder à ce choix. En l’espèce, la subvention accordée de manière directe aux consommateurs avait automatiquement pour effet d’entraîner une réduction du prix d’achat ou de la location d’un appareil permettant la réception de signaux télévisuels numériques terrestres. Or, une telle réduction de prix est susceptible d’affecter le choix des consommateurs attentifs aux coûts.

66      S’agissant de l’argument selon lequel la mesure en cause garantit le maintien du caractère généraliste et gratuit du modèle de télévision lors du passage au numérique, il convient de relever que cette circonstance n’est pas de nature à remettre en question la qualification de la mesure en cause d’aide d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Une telle circonstance pourrait tout au plus être un élément dont il conviendrait de tenir compte au titre de l’examen de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun dans le cadre de l’article 87, paragraphe 3, CE.

67      Pour la même raison, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la subvention s’imposait étant donné que, dans des circonstances commerciales normales, elle ne supporterait pas volontairement le coût supplémentaire nécessaire pour l’acquisition de décodeurs interopérables.

68      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité et sur le bien-fondé des arguments soulevés par Sky Italia, c’est à juste titre que la Commission a considéré que la mesure en cause a permis aux diffuseurs numériques terrestres et aux câblo-opérateurs, dont fait partie la requérante, de bénéficier d’un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE par rapport aux diffuseurs satellitaires et que, par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la première branche du premier moyen, relative à la notion de bénéficiaire indirect

–       Arguments des parties

69      La requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission a considéré, en se fondant sur les arrêts de la Cour du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission (C‑156/98, Rec. p. I‑6857), et du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission (C‑382/99, Rec. p. I‑5163), que la mesure en cause, dont les bénéficiaires directs sont les consommateurs finaux, comporte un avantage au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE dont bénéficient indirectement certains opérateurs.

70      En premier lieu, la requérante soutient que ces deux arrêts sont dénués de pertinence en l’espèce. En effet, le sort des bénéficiaires indirects devrait être différent lorsque le bénéfice direct est octroyé aux consommateurs individuels plutôt qu’aux entreprises. Étant donné que les bénéficiaires directs et premiers de la mesure en cause n’exercent pas une activité économique, ladite mesure serait d’emblée exclue du champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE.

71      En second lieu, la requérante soutient que la raison pour laquelle la Commission a arbitrairement décidé de restreindre la notion de bénéficiaires indirects pour n’inclure que les diffuseurs numériques terrestres et les câblo-opérateurs qui offrent des services de télévision à péage n’est pas claire. Elle affirme, en particulier, que les diffuseurs numériques terrestres et les câblo-opérateurs en général sont également susceptibles de bénéficier indirectement de la mesure en cause. En outre, la requérante soutient que la Commission aurait arbitrairement écarté les fabricants de décodeurs de la catégorie des bénéficiaires de la mesure en cause.

72      Au stade de la réplique, la requérante précise qu’elle ne conteste pas la possibilité qu’une aide d’État puisse avoir des bénéficiaires indirects, mais qu’elle conteste la mise en œuvre des conditions d’application de la notion de bénéficiaire indirect dans la décision attaquée.

73      Premièrement, la Commission fait valoir que l’article 87, paragraphe 1, CE ne contient aucune exigence quant à la façon dont l’aide doit être accordée. Deuxièmement, les dispositions de l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE seraient totalement superflues si, comme l’affirme la requérante, les aides octroyées en premier lieu aux consommateurs ne pouvaient jamais être considérées comme des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Troisièmement, le point de vue de la requérante serait contredit par l’arrêt Pays-Bas/Commission, point 69 supra, qui confirmerait que le bénéficiaire direct, tout comme le bénéficiaire indirect, peut être considéré comme bénéficiaire d’une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE. Quatrièmement, la Commission fait valoir que, si l’on devait suivre le raisonnement de la requérante selon lequel les aides aux consommateurs ne peuvent jamais donner lieu à des aides d’État, les règles relatives à ces dernières pourraient aisément être contournées en accordant aux consommateurs des subventions conditionnées par l’achat de biens ou de services spécifiques. Cinquièmement, la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle elle aurait arbitrairement choisi de restreindre la notion de bénéficiaires indirects et de cibler uniquement les diffuseurs terrestres et les câblo-opérateurs proposant des services de télévision à péage.

–       Appréciation du Tribunal

74      Il est constant entre les parties que la mesure en cause ne bénéficiait pas directement aux opérateurs du marché de la télévision numérique tels que la requérante.

75      Toutefois, il y a lieu de rappeler que l’article 87 CE interdit les aides accordées par l’État ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit, sans établir de distinction selon que les avantages relatifs aux aides sont octroyés de manière directe ou indirecte. La jurisprudence a ainsi admis qu’un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales qui ne sont pas nécessairement des entreprises peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes physiques ou morales qui sont des entreprises (arrêt du Tribunal du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié au Recueil, point 108).

76      La thèse de la requérante selon laquelle une subvention accordée aux consommateurs ne pourrait être qualifiée d’aide d’État en faveur des opérateurs fournissant les produits ou services de consommation se trouve également contredite par l’article 87, paragraphe 2, sous a), CE, selon lequel les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits, sont compatibles avec le marché commun. En effet, ainsi que le fait valoir la Commission, si la thèse de la requérante devait être retenue, ladite disposition serait superfétatoire.

77      Enfin, s’agissant du reproche formulé par la requérante quant à l’absence de clarté des raisons pour lesquelles la Commission aurait restreint la notion de bénéficiaires indirects aux diffuseurs numériques terrestres et aux câblo-opérateurs qui offrent des services de télévision à péage, il convient de l’écarter comme inopérant. En effet, à supposer que, ainsi que le prétend la requérante, la Commission aurait dû considérer que tous les diffuseurs numériques terrestres et les câblo-opérateurs sont susceptibles de bénéficier indirectement de la mesure en cause, force est de constater que cela ne modifierait en rien le fait que, ainsi que relevé aux points 55 à 60 ci-dessus, la mesure en cause ne pouvait bénéficier aux diffuseurs satellitaires.

78      Pour la même raison, il convient d’écarter comme inopérant le grief tiré de ce que la Commission aurait arbitrairement écarté les fabricants de décodeurs de la catégorie des bénéficiaires de la mesure en cause.

79      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la Commission a qualifié la requérante de bénéficiaire indirect de la mesure en cause. Partant, il convient de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause

–       Arguments des parties

80      La requérante affirme que la Commission a commis une erreur de droit en considérant la mesure en cause comme sélective en raison de son caractère prétendument discriminatoire. En effet, la Commission aurait confondu la notion de sélectivité et la discrimination alléguée, de telle sorte qu’elle n’aurait pas dûment démontré que le critère de la sélectivité était rempli.

81      La Commission fait valoir que cette affirmation de la requérante ne repose sur aucune preuve. La sélectivité de l’avantage que la mesure en cause conférerait aux diffuseurs numériques terrestres ainsi qu’aux câblo-opérateurs de télévision à péage serait démontrée par le fait qu’aucune autre entreprise n’en bénéficierait et, en particulier, pas les diffuseurs satellitaires. En conséquence, la troisième branche du premier moyen serait également dénuée de fondement.

–       Appréciation du Tribunal

82      À titre liminaire, il convient d’indiquer que, lors de l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal l’invitant à clarifier les arguments soulevés à l’appui de la troisième branche du premier moyen, la requérante a indiqué que, contrairement à la sélectivité, qui constitue un élément essentiel aux fins de la qualification d’une mesure d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, la discrimination n’est pas reprise dans ce dernier article. La requérante a ajouté que la Commission confondait la discrimination et la sélectivité et que, lorsqu’elle affirmait qu’il y avait discrimination, elle n’était pas neutre sur le plan technologique.

83      Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 106, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 29). Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un argument soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, tout au moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 25 juillet 2000, RJB Mining/Commission, T‑110/98, Rec. p. II‑2971, point 23, et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II‑1677, point 26).

84      En l’espèce, les arguments exposés par la requérante à l’appui de la troisième branche du premier moyen, et ce tant dans ses écritures qu’au cours de l’audience, ne répondent pas aux exigences de clarté et de précision posées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En effet, à aucun moment la requérante n’explique en quoi le fait qu’une aide s’applique de manière discriminatoire, en ce sens qu’elle ne bénéficie, comme le Tribunal l’a constaté s’agissant de la mesure en cause aux points 57 et 60 ci-dessus, qu’à certaines catégories d’entreprises, ne permet pas de considérer qu’elle revêt un caractère sélectif au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

85      Partant, il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen comme irrecevable.

 Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de l’absence de distorsion de la concurrence

–       Arguments des parties

86      En premier lieu, la requérante affirme que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la mesure en cause fausse indûment la concurrence sur le marché commun.

87      Premièrement, la requérante fait valoir que tout diffuseur satellitaire, y compris Sky Italia, aurait également pu bénéficier de la subvention, en offrant des décodeurs « hybrides », c’est-à-dire des décodeurs à la fois terrestres et satellitaires. La subvention aurait alors couvert le coût supplémentaire lié à l’inclusion de la technologie nécessaire pour recevoir la télévision terrestre. En tout état de cause, le fait que les résultats de Sky Italia sur le marché en cause soient restés excellents démontrerait que les subventions n’ont pas matériellement affecté sa situation.

88      Deuxièmement, il conviendrait de tenir compte, dans l’appréciation de l’absence de distorsion de la concurrence, du fait que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la « TVA ») applicable aux plateformes de transmission satellitaire serait plus avantageux que celui applicable aux plateformes de transmission terrestre. Ainsi, la mesure en cause viendrait compenser l’avantage économique que confère aux premières l’application d’un taux réduit de TVA. Afin d’étayer cet argument, la requérante renvoie à une plainte relative à une violation du droit communautaire et à une autre plainte relative à une aide d’État présentées à la Commission le 13 mars 2007. La requérante invite le Tribunal à rejeter comme irrecevable l’exception d’irrecevabilité soulevée par Sky Italia quant à l’argument pris de l’avantage fiscal dont bénéficieraient les diffuseurs satellitaires, au motif que la Commission, au soutien de laquelle intervient Sky Italia, n’aurait pas elle-même soulevé cette exception.

89      Troisièmement, la requérante soutient que, en imposant des contraintes concurrentielles à la plateforme satellitaire, la mesure en cause aurait au contraire permis de développer la concurrence. En outre, la mesure en cause permettrait aux consommateurs de bénéficier pour le même prix de décodeurs donnant accès à une offre beaucoup plus riche. Enfin, l’exclusion des technologies faisant l’objet d’un droit de propriété serait inhérente à l’objectif d’intérêt commun visant à favoriser les normes ouvertes et ne fausserait pas la concurrence. La seule distorsion de la concurrence entre les plateformes satellitaire et terrestre serait celle jouant au désavantage des diffuseurs terrestres en raison du choix de Sky Italia d’interdire aux tiers l’accès à sa technologie de cryptage.

90      Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir adopté deux décisions, à savoir la décision attaquée et la décision relative à 2006, contradictoires quant à la compatibilité avec le marché commun de la mesure en cause et de celle prévue dans la loi de finances 2006, alors qu’elles auraient été adoptées dans des circonstances de fait pour l’essentiel comparables. À l’appui de cet argument, elle fait valoir que la seule raison pour laquelle la conclusion d’incompatibilité tirée par la Commission dans la décision attaquée a par la suite été renversée dans la décision relative à 2006 réside dans l’insertion, par le législateur italien, de termes visant à inclure spécifiquement les diffuseurs satellitaires.

91      Cinquièmement, au stade de la réplique, la requérante, en se fondant sur la décision de la Commission C (2007) 4286 final, du 25 septembre 2007, relative à une aide (N 103/2007) à l’acquisition de décodeurs numériques et à l’adaptation des antennes dans la province de Soria (ci-après la « décision Soria »), reproche également à la Commission d’avoir adopté la décision attaquée de manière arbitraire. En effet, elle fait observer que, au paragraphe 16 de la décision Soria, la Commission a déclaré la mesure visée compatible avec le marché commun au motif que la neutralité technologique était sauvegardée, car « les décodeurs subventionnés peuvent permettre la réception de signaux de radiodiffusion non seulement par la technologie de la télévision numérique terrestre (TNT), mais aussi par câble, satellite et/ou Internet ». Selon la requérante, la mesure visée dans la décision Soria prévoyait que son bénéfice était conditionné par le fait que les décodeurs TNT soient interactifs et interopérables, de sorte qu’ils pouvaient recevoir également des signaux d’autres plateformes, comme en l’espèce.

92      En deuxième lieu, la mesure en cause ne violerait pas le principe de l’égalité de traitement entre les diffuseurs numériques. En effet, la différence de traitement entre les plateformes numériques serait justifiée par le fait qu’elles se trouvent dans des situations différentes. En tout état de cause, une éventuelle violation de ce principe serait objectivement justifiée, compte tenu des caractéristiques réelles du marché concerné à l’époque et de la promotion de normes ouvertes. Selon la requérante, la plateforme satellitaire n’a pas été expressément incluse précisément parce qu’il n’existait pas d’offre de ce type basée sur une norme ouverte, ni la moindre probabilité qu’une telle offre apparaisse pendant la brève période où la mesure en cause a été appliquée. En outre, la requérante affirme que le marché de la télévision satellitaire était caractérisé par la présence d’une entreprise, à savoir Sky Italia, détenant un monopole de fait, qui était à même d’empêcher l’accès au marché. Enfin, elle fait remarquer qu’après la modification introduite par la loi de finances 2006 afin de permettre de subventionner l’ensemble des décodeurs interopérables Sky Italia n’a pas retenu les décodeurs susceptibles de bénéficier de la subvention.

93      En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée ne répondant pas clairement à la question de savoir si le problème qui a rendu la mesure en cause incompatible était lié à la neutralité technologique ou au prétendu accès à moindre coût au marché concerné, la Commission aurait porté atteinte au principe de sécurité juridique. À l’appui de cet argument la requérante renvoie aux arguments exposés sous le quatrième moyen.

94      La Commission, soutenue par Sky Italia, fait valoir, premièrement, que la requérante ne rapporte pas la preuve de la prétendue erreur manifeste d’appréciation qu’elle aurait commise en concluant que la mesure en cause fausse la concurrence en favorisant les diffuseurs numériques terrestres. Deuxièmement, ce serait à tort que la requérante prétend que la différence de traitement entre les plateformes numériques serait justifiée par le fait qu’elles se trouvent dans des situations différentes. Ce serait également à tort que la requérante se prévaut du fait qu’il n’existait pas d’offre satellitaire basée sur une norme ouverte au moment où la mesure en cause a été adoptée. Troisièmement, dans la décision attaquée, la Commission aurait déclaré la mesure en cause incompatible au motif qu’elle ne respectait pas le principe de neutralité technologique. Par conséquent, elle aurait confirmé sa position constante selon laquelle la compatibilité avec le marché commun des aides d’État en faveur du passage au numérique est conditionnée par le respect du principe de neutralité technologique.

–       Appréciation du Tribunal

95      Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel Sky Italia pouvait bénéficier de la mesure en cause en offrant des décodeurs « hybrides », il convient de relever qu’un tel argument souligne la nature sélective de ladite mesure. En effet, la mise à disposition de décodeurs « hybrides » par des diffuseurs satellitaires tels que Sky Italia impliquerait un coût supplémentaire qui, répercuté sur le prix de vente aux consommateurs, serait au mieux compensé par la mesure en cause dont bénéficient ces derniers. Les diffuseurs satellitaires se trouveraient donc dans une position moins avantageuse par rapport aux diffuseurs terrestres et aux câblo-opérateurs, puisque ces derniers n’auraient pas à répercuter un quelconque coût supplémentaire sur le prix de vente des décodeurs auprès des consommateurs bénéficiaires de la mesure en cause. L’argument doit donc être rejeté comme étant non fondé.

96      En outre, le fait que, après les modifications introduites dans la loi de finances 2006 afin de permettre de subventionner l’ensemble des décodeurs interopérables, Sky Italia n’ait pas abandonné les décodeurs à technologie propriétaire pour adopter les décodeurs qui pouvaient bénéficier de la subvention n’est pas pertinent. En effet, ainsi que la Commission l’a fait valoir au considérant 110 de la décision attaquée, il ne saurait être exclu qu’il s’agisse d’une stratégie pouvant dépendre de nombreux facteurs, par exemple des investissements réalisés antérieurement par la société, et du choix d’attendre la décision de la Commission au sujet de la compatibilité de la nouvelle mesure.

97      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’imposition de contraintes concurrentielles à la plateforme satellitaire aurait engendré davantage de concurrence, le Tribunal considère que, par le raisonnement qui le sous-tend, la requérante reconnaît qu’il existe une concurrence entre les plateformes terrestres et satellitaires et que cette concurrence est affectée par la mesure en cause.

98      En outre, s’agissant des arguments de la requérante tirés de différentes circonstances qui fausseraient la concurrence en faveur de la plateforme satellitaire, force est de constater que de tels arguments sont dénués de pertinence aux fins d’apprécier si la mesure en cause fausse ou menace de fausser, à son tour, la concurrence sur le marché en cause.

99      Troisièmement, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la décision attaquée et la décision relative à 2006 ont été adoptées dans des circonstances comparables, elle est manifestement inexacte. En effet, ainsi que le Tribunal l’a constaté aux points 57 et 60 ci-dessus, les décodeurs satellitaires étaient exclus du bénéfice de la mesure en cause. En revanche, ainsi que cela ressort du paragraphe 122 de la requête, la loi de finances 2006 s’appliquait également aux décodeurs satellitaires.

100    Quatrièmement, s’agissant de l’argument pris du caractère arbitraire de la décision attaquée au regard de la décision Soria selon lequel les conditions d’application de la mesure visée dans cette dernière décision étaient les mêmes que celles de la mesure en cause, le Tribunal estime qu’il ne saurait prospérer.

101    Certes, les termes retenus par la Commission au paragraphe 16 de la décision Soria, tels que cités au point 91 ci-dessus, peuvent avoir induit en erreur la requérante quant au champ d’application de la mesure visée dans ladite décision.

102    Toutefois, force est de constater que, ainsi que le fait valoir la Commission, tant les termes du considérant 58 de la décision Soria que la teneur de la lettre communiquée en annexe de la duplique permettent de lever toute ambiguïté à cet égard.

103    En effet, ainsi que cela ressort du considérant 58 de la décision Soria, la Commission a expressément constaté que la mesure visée dans cette décision permettait aux consommateurs d’acquérir n’importe quel type de décodeur grâce à une subvention indépendante de la plateforme technologique que le consommateur décidera d’utiliser (terrestre, câble, satellite ou Internet à large bande). Ainsi, elle a expressément conclu que ladite mesure respectait le principe de neutralité technologique.

104    En outre, le Tribunal constate que, ainsi que le fait valoir la Commission sans que cela soit contesté par la requérante, la Commission a vérifié, avant d’adopter la décision Soria, que la mesure visée respectait le critère de neutralité technologique. C’est ainsi qu’il ressort de la lettre communiquée en annexe de la duplique que, en réponse à une demande en ce sens de la Commission, les autorités espagnoles ont, par lettre du 23 juillet 2007, expressément confirmé que le type de transmission ne comptait pas parmi les critères d’octroi de la subvention, de sorte qu’il était « possible de subventionner des décodeurs servant pour la télévision numérique terrestre, la diffusion par câble [ou celle par] satellite […] ».

105    Au regard des constatations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, contrairement à la mesure en cause, la mesure visée dans la décision Soria pouvait bénéficier à l’ensemble des technologies de transmission de la télévision numérique. Partant, les faits qui sous-tendent la décision attaquée et la décision Soria étant manifestement différents, la requérante ne saurait prétendre comparer les conclusions tirées par la Commission dans lesdites décisions pour conclure au caractère arbitraire de la première. Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument pris du caractère arbitraire de la décision attaquée au regard de la décision Soria comme dénué de fondement.

106    Cinquièmement, s’agissant de l’argument tiré de l’absence d’une violation du principe d’égalité de traitement entre les diffuseurs numériques et du fait que, en tout état de cause, une éventuelle violation serait objectivement justifiée, il convient de constater ce qui suit.

107    D’une part, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la plateforme satellitaire n’a pas été expressément incluse, dans le champ d’application de la mesure en cause, précisément parce qu’il n’existait pas d’offre de ce type basée sur une norme ouverte ni la moindre probabilité qu’une telle offre apparaisse pendant la brève période où la mesure en cause a été appliquée, il y a lieu de relever que, ainsi que le fait valoir la Commission au considérant 164 de la décision attaquée, celle-ci a, sans que cela soit contesté par la requérante, constaté que ce n’était qu’en 2004 et jusqu’aux premiers mois de 2005 que Sky Italia avait engagé la conversion à une technologie à normes « fermées ». Par conséquent, le Tribunal considère que c’est à juste titre que la Commission en a déduit, au même considérant de la décision attaquée, que Sky Italia aurait pu faire un choix différent si la mesure en cause avait également concerné la plateforme satellitaire.

108    D’autre part, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle le marché de la télévision satellitaire était caractérisé par la présence d’une entreprise, à savoir Sky Italia, détenant un monopole de fait, qui était à même d’empêcher l’accès au marché, force est de constater qu’elle est dénuée de pertinence aux fins d’apprécier si la mesure en cause fausse ou menace de fausser, à son tour, la concurrence sur le marché en cause.

109    Sixièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de la prétendue violation par la Commission du principe de sécurité juridique, il ressort de la décision attaquée qu’il est manifestement dénué de fondement. En effet, il ressort de manière explicite de la décision attaquée, notamment de ses considérants 104, 135 et 140, que l’incompatibilité de la mesure en cause est étroitement liée à la violation du principe de neutralité technologique. En outre, le Tribunal constate que, sans que cela ne soit contesté par la requérante, il ressort du considérant 36 de la décision attaquée que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission avait fait part de ses doutes quant à l’absence de violation du principe de neutralité technologique par la mesure en cause.

110    Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme non fondée.

111    Par voie de conséquence, au regard des conclusions tirées aux points 68, 79, 85 et 110 ci-dessus, il y a lieu de rejeter le premier moyen, dans son ensemble, comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur manifeste de droit lors de l’évaluation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

 Sur la recevabilité des arguments exposés aux paragraphes 93 à 96 de la requête

–       Arguments des parties

112    La Commission, soutenue par Sky Italia, estime que les arguments exposés par la requérante aux paragraphes 93 à 96 de la requête manquent de clarté. En effet, la requérante se contenterait de faire une référence générale à son analyse concernant l’absence d’aide. De plus, la liste de facteurs que la Commission n’aurait, selon la requérante, pas pris en compte concernerait la question de l’existence de l’aide d’État et non celle de sa compatibilité avec le marché commun. En outre, la requérante ne fournirait aucune explication sur les facteurs indiqués et ne préciserait pas dans quelle mesure les arguments se rapportent à l’appréciation à réaliser au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Pour ces raisons, les arguments invoqués par la requérante aux paragraphes 93 à 96 de la requête devraient être rejetés comme étant irrecevables.

113    La requérante fait valoir que, même si les analyses sont différentes selon qu’il est question de l’existence d’une aide ou de sa compatibilité, il n’en demeure pas moins qu’elles sont techniquement liées. Par conséquent, les arguments relatifs à l’aide viendraient appuyer les moyens d’annulation intéressant la compatibilité, sans que cela n’affecte leur recevabilité.

–       Appréciation du Tribunal

114    En premier lieu, aux paragraphes 93 à 96 de la requête, la requérante affirme que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. À cet égard, elle se réfère à son analyse concernant l’absence d’aide. De plus, elle soutient que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas analysé le contexte économique de la mesure en cause. La Commission n’aurait pas relevé, premièrement, que la mesure en cause prévoyait des subventions pour promouvoir une technologie soutenue par l’Union, à savoir une technologie ouverte permettant l’interopérabilité et l’interactivité, deuxièmement, que les subventions correspondaient aux coûts supplémentaires engendrés par cette technologie, troisièmement, que les subventions étaient conformes aux recommandations de l’Union et, quatrièmement, que les subventions n’avaient pas conféré d’avantage économique. Enfin, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la vraie distorsion de la concurrence sur le marché était due à l’existence d’une politique favorable aux normes fermées, de la différence existant entre normes ouvertes et normes fermées et du fait que les subventions compensaient les coûts liés à l’exécution d’obligations imposées par la loi.

115    En second lieu, les développements figurant aux paragraphes 93 à 96 de la requête, repris sous le titre 3.2, sous a), « La défenderesse a commis une erreur manifeste d’appréciation », loin de contenir des arguments destinés à appuyer le deuxième moyen, visent à introduire les arguments exposés à l’appui des trois branches du deuxième moyen qui sont exposées sous le titre 3.2, sous b), « La défenderesse a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation et commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits et dans l’évaluation de la situation en concluant que la mesure [en cause] était incompatible avec le marché commun ».

116    C’est ainsi que, au paragraphe 96 de la requête, qui précède le titre 3.2, sous b), la requérante affirme que, en ne réalisant pas une analyse correcte du contexte économique, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation de la mesure en cause et, partant, une erreur manifeste en concluant que ladite mesure était incompatible avec le marché commun.

117    Il résulte des observations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen d’irrecevabilité soulevé par la Commission s’agissant des prétendus arguments exposés aux paragraphes 93 à 96 de la requête.

 Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause ne remédie pas aux dysfonctionnements du marché

–       Arguments des parties

118    La requérante affirme que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a insuffisamment étudié le marché concerné en concluant que la mesure en cause n’était pas compatible avec l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE pour les quatre raisons suivantes.

119    Premièrement, elle conteste la conclusion de la décision attaquée selon laquelle l’existence d’une date contraignante pour le passage au numérique rendait la mesure en cause inadaptée. Cette conclusion contredirait non seulement la position de la Commission dans ses décisions antérieures en matière de télévision numérique terrestre, mais démontrerait également que la Commission n’a pas apprécié à sa juste valeur l’existence du dysfonctionnement du marché lié au problème de coordination entre les opérateurs du marché.

120    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la mesure en cause représentait une compensation pour les coûts de numérisation que les consommateurs devaient supporter pour obtenir un décodeur de technologie ouverte permettant l’interopérabilité et l’interactivité.

121    Troisièmement, la requérante affirme que la décision attaquée n’a pas reconnu l’existence d’externalités comme étant un dysfonctionnement du marché. À cet égard, dans la décision attaquée, la Commission aurait arbitrairement et sans aucune justification objective conclu qu’il est normal pour les diffuseurs terrestres de subventionner des décodeurs de technologie ouverte et de supporter, par conséquent, le coût du parasitage. Or, la requérante n’aurait eu aucun intérêt à subventionner les décodeurs au profit des concurrents, dans la mesure où elle pouvait aisément continuer à tirer des bénéfices du marché analogique.

122    Par ailleurs, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que la mesure en cause ne faussait pas la concurrence, mais qu’elle avait plutôt pour effet d’encourager l’utilisation de normes ouvertes et l’interactivité conformément aux recommandations de l’Union. De plus, en renvoyant à l’annexe A.8, la requérante affirme que la Commission n’a pas compris le contexte réglementaire et l’évolution du marché en cause. Enfin, la requérante critique le fait que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas davantage pris en considération les coûts liés aux incertitudes réglementaires qui perduraient en ce qui concerne l’attribution des fréquences et estime que la Commission a commis une erreur en affirmant, au considérant 157 de la décision attaquée, que les concessions de télévision analogique avaient été accordées sans recourir à un appel d’offres et sans que l’échéance en ait été fixée.

123    Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir été capable de démontrer pourquoi la mesure en cause ne favorisait pas l’innovation, bien qu’elle reconnaisse que ladite mesure a permis de réduire le prix de décodeurs offrant l’interactivité en le portant au niveau de celui des décodeurs de base.

124    La Commission fait valoir que le raisonnement de la requérante est manifestement erroné et repose sur une interprétation « déformée » de la décision attaquée. La Commission aurait explicitement admis que la mesure en cause pouvait viser un objectif d’intérêt commun, à savoir le passage au numérique et aux normes ouvertes et interactives dans ce contexte. De plus, le fait que la mesure en cause pouvait agir sur certains dysfonctionnements du marché n’aurait pas été catégoriquement exclu. Cependant, aucune de ces considérations n’aurait pu justifier une exclusion de la plateforme satellitaire du champ d’application de la subvention.

–       Appréciation du Tribunal

125    En premier lieu, en remettant en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle les subventions à l’achat de décodeurs numériques n’étaient pas nécessaires pour corriger le problème de coordination entre les opérateurs du marché, ledit problème étant déjà réglé par l’existence d’une date contraignante pour le passage au numérique, la requérante invoque une violation de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE. Pour être compatible avec le marché commun au sens de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, une aide doit poursuivre un objectif d’intérêt commun et être nécessaire et proportionnée à cette fin. L’objectif d’intérêt commun prétendument poursuivi par la mesure en cause est de remédier à un dysfonctionnement du marché ayant en particulier trait au problème de coordination entre les opérateurs, à l’origine d’une entrave au développement de la radiodiffusion numérique. Or, sans qu’il y ait lieu d’examiner si, comme le prétend la requérante, la Commission a adopté dans la décision attaquée une position différente de celle retenue dans des décisions antérieures en matière de télévision numérique terrestre, le Tribunal considère que, en l’espèce, le caractère contraignant de la date prévue pour le passage au numérique est de nature à résoudre le problème de coordination entre les opérateurs, de sorte que la subvention à l’achat de décodeurs numériques n’était pas nécessaire.

126    En effet, comme la Commission le souligne au considérant 146 de la décision attaquée, les diffuseurs de télévision déjà actifs sur le marché devaient considérer la fixation d’un délai légal pour la cessation des transmissions en mode analogique comme un fait établi et, par conséquent, commencer à développer de nouvelles stratégies commerciales. En tout état de cause, comme relevé au considérant 147 de la décision attaquée, en raison de l’importance de la place occupée par la télévision terrestre en Italie, le risque de ne pas atteindre une masse critique de consommateurs, à la suite d’un problème de coordination entre opérateurs, n’était pas tel que les opérateurs commerciaux n’étaient pas en mesure d’y faire face. Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante.

127    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument tiré du fait que la mesure en cause représentait une compensation pour les consommateurs, il convient de relever qu’un tel argument, comme le souligne la Commission au considérant 148 de la décision attaquée, tout en justifiant l’aide octroyée aux consommateurs, ne justifie toutefois pas la discrimination entre les différentes plateformes, dans la mesure où il n’est pas nécessaire d’orienter les consommateurs vers une plateforme numérique en particulier comme le fait la mesure en cause. L’argument doit donc être rejeté comme non fondé.

128    En troisième lieu, l’affirmation de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas reconnu, dans la décision attaquée, l’existence d’externalités comme étant un dysfonctionnement de marché est inexacte. En effet, au considérant 160 de la décision attaquée, la Commission admet expressément l’existence d’externalités qu’implique le passage au numérique ainsi que les problèmes de parasitage qui peuvent en résulter. Cependant, comme le souligne la Commission au même considérant, de telles circonstances ne peuvent justifier le fait que la mesure en cause est destinée de façon sélective à la télévision terrestre et exclut la plateforme satellitaire. Par conséquent, l’argument doit être rejeté comme étant non fondé.

129    En quatrième lieu, l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission n’a pas été capable de démontrer que la mesure en cause ne favorisait pas l’innovation doit être rejeté pour les mêmes raisons. La Commission a certes expressément reconnu, au considérant 162 de la décision attaquée, que la mesure en cause a permis que le prix des décodeurs interactifs soit aligné sur celui des modèles plus simples, non adaptés aux services interactifs. Cependant, même si la mesure en cause promeut, à travers l’utilisation de décodeurs interactifs et interopérables, l’innovation, il n’en demeure pas moins qu’une telle promotion ne peut justifier, ainsi que cela ressort des points 57 et 60 ci-dessus, l’exclusion de la plateforme satellitaire du bénéfice de la mesure en cause.

130    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause n’était pas un instrument nécessaire ni proportionnel aux fins de remédier aux dysfonctionnements du marché

–       Arguments des parties

131    La requérante affirme que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la mesure en cause n’était pas un instrument nécessaire et proportionnel aux fins de remédier aux dysfonctionnements du marché. S’agissant tout particulièrement de la proportionnalité de la mesure, la requérante fait valoir, d’une part, que cette dernière se limitait au coût supplémentaire de l’interopérabilité et de l’interactivité ainsi qu’au coût qu’elle a spécialement supporté en exécutant les obligations légales et, d’autre part, que ladite mesure était d’une durée limitée, son application expirant le 1er décembre 2005.

132    La Commission fait valoir que les arguments de la requérante doivent être rejetés comme étant non fondés étant donné qu’ils ne tiennent pas compte du principe de neutralité technologique.

–       Appréciation du Tribunal

133    À supposer même que les affirmations de la requérante selon lesquelles la mesure en cause était nécessaire et proportionnelle pour remédier aux dysfonctionnements du marché soient exactes, il n’en demeure pas moins qu’une telle circonstance ne pourrait justifier l’exclusion des diffuseurs satellitaires du bénéfice de ladite mesure.

134    Étant donné que c’est précisément l’absence de neutralité technologique qui a conduit la Commission à considérer l’aide comme étant incompatible avec le marché commun, il y a lieu de rejeter les arguments exposés à l’appui de la seconde branche du deuxième moyen.

135    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE

 Arguments des parties

136    La requérante soutient que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée et qu’elle est donc contraire à l’article 253 CE, tant en ce qui concerne l’existence d’une aide d’État que sa compatibilité avec le marché commun.

137    Quant à l’existence de l’aide, la requérante reproche notamment à la Commission de ne pas avoir expliqué la véritable source de distorsion ou de risque de distorsion de la concurrence dans le marché commun. En effet, d’une part, la Commission n’aurait pas décrit correctement, au préalable, le marché concerné, ni la situation dudit marché. D’autre part, la Commission aurait omis d’examiner dans la décision attaquée la question de savoir si la distorsion était réelle ou probable. En outre, la Commission n’aurait pas motivé la raison pour laquelle elle aurait écarté les fabricants de décodeurs de la catégorie des bénéficiaires de la mesure en cause. Enfin, elle resterait notamment en défaut de motiver suffisamment la prétendue création d’une audience ainsi que la prétendue pénétration à moindres coûts sur le marché de la télévision à péage.

138    Quant à l’analyse de l’éventuelle compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun, la décision attaquée ne préciserait pas si le problème est que le critère de neutralité technologique n’a prétendument pas été respecté ou s’il réside dans la prétendue pénétration à moindres coûts de la télévision à péage.

139    La Commission, soutenue par Sky Italia, considère que sa décision est suffisamment motivée et conforme aux exigences de l’article 253 CE.

 Appréciation du Tribunal

140    Il convient de rappeler, premièrement, que, selon la jurisprudence, le moyen tiré de la violation de l’article 253 CE est un moyen distinct de celui tiré de l’erreur manifeste d’appréciation. En effet, alors que le premier, qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation, relève de la violation des formes substantielles et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé par le juge, le second, qui porte sur la légalité au fond d’une décision, relève de la violation d’une règle de droit relative à l’application du traité et ne peut être examiné par le juge que s’il est invoqué par le requérant. L’obligation de motivation est dès lors une question distincte de celle du bien-fondé de la motivation (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 67).

141    Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, la motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle de légalité (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 140 supra, point 63 ; arrêts du Tribunal du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec. p. II‑435, point 278, et du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec. p. II‑127, point 119).

142    Par ailleurs, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, point 36 ; arrêts du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, point 175, et Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 141 supra, point 279).

143    En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Siemens/Commission, T‑459/93, Rec. p. II‑1675, point 31, et Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 141 supra, point 280). Ainsi, la Cour a déjà jugé que la Commission n’était pas tenue de prendre position sur les éléments qui étaient manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, point 140 supra, point 64).

144    Troisièmement, appliquée à la qualification d’une mesure d’aide, l’obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, point 141 supra, point 281).

145    Quatrièmement, s’agissant de l’existence d’une distorsion de la concurrence sur le marché commun, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si la Commission est tenue d’évoquer, dans les motifs de sa décision, à tout le moins les circonstances dans lesquelles une aide a été accordée lorsqu’elles permettent de démontrer que l’aide est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, elle n’est pas tenue de procéder à une analyse économique de la situation réelle des marchés concernés, de la part de marché des entreprises bénéficiaires des aides, de la position des entreprises concurrentes et des courants d’échanges entre États membres. En outre, dans le cas d’aides accordées illégalement, la Commission n’est pas tenue de faire la démonstration de l’effet réel que ces aides ont eu sur la concurrence et sur les échanges entre États membres. Si tel était le cas, en effet, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides illégales au détriment de ceux qui notifient les aides à l’état de projet (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T‑55/99, Rec. p. II‑3207, points 100 et 102 à 103 ; du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission, T‑152/99, Rec. p. II‑3049, point 225, et du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, Rec. p. II‑2717, point 215).

146    En particulier, il suffit que la Commission établisse que l’aide litigieuse est de nature à affecter les échanges entre les États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence, sans qu’il soit nécessaire de délimiter le marché en cause (voir arrêts du Tribunal du 6 septembre 2006, Italie et Wam/Commission, T‑304/04 et T‑316/04, non publié au recueil, point 64, et du 11 février 2009, Iride et Iride Energia/Commission, T‑25/07, non encore publié au Recueil, point 109, et la jurisprudence citée).

147    C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’apprécier si, en l’espèce, la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée.

148    S’agissant, en premier lieu, de l’argument pris de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée concernant la démonstration d’une distorsion ou d’un risque de distorsion de la concurrence, le Tribunal relève que, aux considérants 102 à 114 de la décision attaquée, la Commission examine l’effet de la mesure en cause sur la concurrence et sur les échanges entre les États membres.

149    Premièrement, s’agissant de l’effet de la mesure en cause sur la concurrence, il y a lieu de relever que, aux considérants 102 à 111 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’effet de la mesure en cause sur la concurrence s’agissant des diffuseurs. C’est ainsi que la Commission a indiqué, au considérant 105 de la décision attaquée, qu’elle souhaitait maintenir sa position exprimée dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à savoir que l’avantage conféré aux diffuseurs et aux opérateurs de réseaux terrestres se faisait au détriment des diffuseurs qui utilisent des plateformes différentes.

150    Afin d’étayer sa position à ce sujet, et ainsi d’établir, conformément à l’article 87, paragraphe 1, CE, que la mesure en cause menace de fausser la concurrence en conférant un avantage sélectif, la Commission a considéré, au considérant 106 de la décision attaquée, qu’il existe un certain degré de substituabilité entre l’offre de télévision numérique terrestre payante et celle de télévision à péage disponible sur le satellite. Dans ces conditions, elle a conclu que lorsque la « plateforme numérique terrestre aura lancé et affirmé sur le marché avec succès les services de télévision à péage – y compris grâce aux subventions aux décodeurs – elle sera en mesure d’entrer en concurrence avec les services analogues fournis sur des plateformes alternatives ».

151    Au demeurant, le Tribunal constate que, au considérant 107 de la décision attaquée, la Commission a veillé à étayer sa conclusion en se fondant sur les développements constatés dans d’autres États membres.

152    En outre, au considérant 109 de la décision attaquée, elle a rappelé que l’Autorità garante della concorrenza e del mercato (Autorité garante de la concurrence et du marché) avait elle-même considéré que les diffuseurs utilisant différents types de plateformes pouvaient être considérés comme des concurrents potentiels sur le marché italien de la télévision à péage.

153    Par ailleurs, au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a, d’une part, fait état d’une étude confirmant indirectement qu’un accès au marché de la télévision à péage à coût réduit a pour effet de fausser la concurrence et, d’autre part, indiqué que les chiffres fournis par Sky Italia tendaient aussi à corroborer l’opinion selon laquelle il existe une certaine concurrence à l’intérieur du marché de la télévision à péage.

154    Enfin, il y a lieu de relever que, au considérant 108 de la décision attaquée, la Commission a tout particulièrement insisté sur le fait que la mesure en cause a été octroyée dans une phase critique, à savoir au moment où de nombreux spectateurs de la télévision analogique terrestre devaient faire face à la transition vers la télévision numérique et pouvaient choisir d’investir dans un appareil de réception de transmissions terrestres ou de transmissions satellitaires.

155    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas violé son obligation de motivation s’agissant des effets de la mesure en cause sur la concurrence.

156    Deuxièmement, s’agissant de l’effet de la mesure en cause sur les échanges entre États membres, il ressort des considérants 113 et 114 de la décision attaquée que la Commission a estimé que les marchés des services de radiodiffusion et des services de réseau sont ouverts à la concurrence internationale et que, dès lors que certains opérateurs de réseau ou certains diffuseurs sont favorisés de façon sélective, la concurrence s’en trouve faussée au détriment d’opérateurs économiques qui pourraient provenir d’autres États membres. La Commission a donc conclu que la mesure en cause affecte les échanges entre les États membres.

157    Au regard de la jurisprudence rappelée aux points 145 et 146 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a dûment motivé la décision attaquée s’agissant de la question de savoir si la mesure en cause est susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

158    Au surplus, à supposer que la requérante ait plus généralement prétendu alléguer une violation de l’article 253 CE quant à la qualification par la Commission, dans la décision attaquée, de la mesure en cause d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, le Tribunal relève que, dans ladite décision, la Commission a examiné le respect de toutes les conditions prévues par cette disposition. En effet, premièrement, au considérant 80 de la décision attaquée, elle a examiné si la mesure en cause était intervenue au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, aux considérants 81 à 101 de la décision attaquée, elle a examiné si la mesure en cause offrait un avantage économique sélectif aux bénéficiaires. Troisièmement, aux considérants 102 à 112 de la décision attaquée, elle a déterminé si la mesure en cause faussait ou menaçait de fausser la concurrence. Enfin, quatrièmement, aux considérants 113 et 114 de la décision attaquée, la Commission a évalué si la mesure en cause était susceptible d’affecter les échanges entre États membres.

159    En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir précisé dans la décision attaquée si la raison pour laquelle elle a déclaré la mesure en cause incompatible avec le marché commun était liée au non-respect du critère de neutralité technologique ou à la prétendue pénétration à moindres coûts de la télévision à péage. À cet égard, il suffit de rappeler que, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé au point 109 ci-dessus, il ressort de manière explicite de la décision attaquée, notamment de ses considérants 104, 135 et 140, que l’incompatibilité de la mesure en cause est étroitement liée à la violation du principe de neutralité technologique et que, dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission avait fait part de ses doutes quant à l’utilité de la violation du principe de neutralité technologique par la mesure en cause. Partant, il convient également de rejeter le présent argument comme non fondé.

160    En troisième lieu, s’agissant de la situation des fabricants de décodeurs, la Commission a motivé la décision attaquée à suffisance de droit. En effet, en ce qui concerne l’existence d’une aide, aux considérants 120 à 123 de la décision attaquée, la Commission, après avoir rappelé les doutes qu’elle avait entretenus lors de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, a constaté qu’il n’était pas possible d’exclure complètement l’existence d’une distorsion de la concurrence au niveau des fabricants de décodeurs. Toutefois, elle a ajouté que la mesure en cause était, s’agissant de ces derniers, en toute hypothèse compatible avec le marché commun. À cet égard, au considérant 168 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir que la mesure en cause devait être considérée comme nécessaire et proportionnée pour atteindre un objectif d’intérêt commun, étant donné que tous les fabricants de décodeurs, y compris ceux situés dans d’autres États membres, pouvaient en bénéficier.

161    Partant, il y a lieu de considérer que la Commission a dûment motivé la décision attaquée en ce qu’elle a considéré que la mesure en cause, d’une part, entre dans le champ d’application de l’article 87, paragraphe 1, CE et, d’autre part, est incompatible avec le traité CE.

162    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée est conforme aux exigences de l’article 253 CE. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999 ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique

 Arguments des parties

163    La requérante soutient que la décision attaquée méconnaît l’article 14 du règlement n° 659/1999 en ce qu’il dispose que la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

164    En premier lieu, la décision attaquée violerait le principe de la confiance légitime du fait que des circonstances exceptionnelles ont fait penser à la requérante que la mesure en cause ne constituait pas une aide d’État.

165    À cet égard, la requérante avance, premièrement, qu’elle croyait légitimement que la mesure en cause allait dans le sens de la politique de promotion du numérique menée par la Commission étant donné que cette dernière avait indiqué, au paragraphe 3.4.2 de sa communication COM (2004) 541 final, du 30 juillet 2004, relative à l’interopérabilité des services de télévision numérique interactive (ci-après la « communication »), que les subventions directes aux consommateurs constituaient une mesure au moyen de laquelle les États membres pouvaient inciter à l’achat de décodeurs permettant l’interactivité et l’interopérabilité, cela d’autant plus que cette communication contenait une référence expresse aux subventions italiennes.

166    Deuxièmement, étant donné que la notion de bénéficiaires indirects d’une aide d’État n’était pas encore clairement définie dans la jurisprudence, on ne pourrait pas légitimement s’attendre à ce qu’un opérateur diligent conçoive qu’une aide destinée à des consommateurs ferait de lui non seulement un bénéficiaire indirect de cette aide, mais aussi le seul bénéficiaire de celle-ci, à l’exclusion de tout autre bénéficiaire indirect potentiel. La requérante soutient, à cet égard, que tous les autres bénéficiaires potentiels auraient également dû être considérés comme des bénéficiaires indirects, avec tout ce que cela implique en ce qui concerne le recouvrement.

167    En second lieu, la décision attaquée violerait également le principe de sécurité juridique du fait que la méthode de calcul, proposée aux considérants 191 à 205 de la décision attaquée et visant à quantifier le montant de l’aide à récupérer, ne serait ni efficace, ni transparente, ni adéquate. Premièrement, il serait difficile, voire impossible, de déterminer la valeur exacte de l’un des paramètres de cette méthode, à savoir le nombre de spectateurs supplémentaires que la seule adoption de la mesure en cause a attirés vers l’offre de télévision à péage. À cet égard, la Commission ne serait pas parvenue à prouver que les clients auraient acheté des décodeurs subventionnés pour avoir accès aux services de la télévision à péage. Deuxièmement, la quantification de l’aide ainsi que des intérêts de cette aide serait extrêmement difficile à évaluer. À cet égard, la Commission aurait dû au moins examiner le modèle proposé, et peut-être même faire une comparaison avec d’autres modèles possibles, cela d’autant plus qu’aucune des parties à la procédure n’a été en mesure de quantifier d’une manière ou d’une autre l’aide alléguée.

168    La Commission, soutenue par Sky Italia, estime que les arguments soulevés par la requérante à propos de la méthode de quantification de l’aide appartiennent davantage à la sphère de l’exécution de la décision attaquée qu’à celle de sa légalité. Par conséquent, ils devraient être écartés comme irrecevables. Par ailleurs, la décision attaquée respecterait les principes généraux de droit communautaire de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. Partant, conformément à l’article 14 du règlement n° 659/1999, la Commission aurait été tenue d’ordonner la récupération de la mesure d’aide en cause.

 Appréciation du Tribunal

169    Il convient de rappeler, tout d’abord, que la suppression d’une aide illégalement accordée, par voie de récupération, est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. En effet, l’obligation pour l’État de supprimer une aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché commun vise au rétablissement de la situation antérieure [voir arrêt du Tribunal du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, Rec. p. II‑2957, point 223, et la jurisprudence citée], faisant perdre au bénéficiaire l’avantage dont il a effectivement bénéficié par rapport à ses concurrents (voir arrêts de la Cour du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, point 99, et du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, Rec. p. I‑3925, point 75, et la jurisprudence citée).

170    Ensuite, il y a lieu de relever que, selon l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la Commission décide, en cas de décision négative concernant une aide illégale, que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire. Cette même disposition prévoit cependant que la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle irait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

171    Dans la présente affaire, la requérante fait valoir que la récupération de l’aide irait à l’encontre, d’une part, du principe de protection de la confiance légitime et, d’autre part, du principe de sécurité juridique.

172    En premier lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un principe fondamental, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107). En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 59, et du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26).

173    Il convient de rappeler que, en matière d’aides d’État, il est de jurisprudence constante que, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides opéré par la Commission au titre de l’article 88 CE, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée, même lorsque le caractère illégal de la décision d’octroi de l’aide est imputable à l’État considéré dans une mesure telle que sa révocation apparaît contraire au principe de bonne foi (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Italie et Brandt Italia/Commission, T‑239/04 et T‑323/04, Rec. p. II‑3265, point 154, et la jurisprudence citée).

174    La requérante soutient toutefois que, en l’espèce, deux circonstances exceptionnelles ont fondé sa confiance légitime dans le caractère régulier de la mesure en cause.

175    Premièrement, elle invoque le paragraphe 3.4.2 de la communication, qui fait expressément référence à la mesure en cause et indique que les États membres peuvent accorder des subventions à la consommation.

176    Or, contrairement à ce que soutient la requérante, la mention figurant au paragraphe 3.4.2 de la communication ne constitue pas une assurance de la part de la Commission quant à la régularité de la mesure en cause. Bien au contraire, étant donné que la Commission indique expressément audit paragraphe que « ces subventions doivent être neutres du point de vue technologique, doivent être notifiées et doivent être compatibles avec les règles applicables aux aides d’État », la communication n’a pas pu faire naître chez un opérateur diligent des espérances fondées quant à la compatibilité de la mesure en cause avec les règles applicables aux aides d’État. En effet, un opérateur économique diligent aurait dû savoir non seulement que la mesure en cause n’était pas neutre du point de vue technologique, mais également qu’elle n’avait pas été notifiée à la Commission et n’avait pas été autorisée.

177    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel la forme indirecte de l’aide constituerait également une circonstance exceptionnelle ayant pu faire naître une confiance légitime doit également être rejeté. En effet, comme tout opérateur économique diligent, la requérante aurait dû savoir que le caractère indirect de l’aide n’aurait aucune incidence sur la récupération de celle-ci. À cet égard, il convient tout particulièrement de souligner que, contrairement aux allégations de la requérante, les aides aux consommateurs sont des formes d’aides bien établies, comme il ressort de l’article 87, paragraphe 2, sous a), du traité CE, qui doivent être notifiées et autorisées comme toutes les autres formes d’aides et dont les bénéficiaires potentiels sont indirects.

178    Il convient donc d’écarter l’argument pris de la violation du principe de la confiance légitime comme non fondé.

179    En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe de sécurité juridique, il convient de relever que ledit principe exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, Irlande/Commission, C‑199/03, Rec. p  I‑8027, point 69).

180    Ce principe serait enfreint, car, d’une part, il serait difficile, voire impossible, de déterminer la valeur exacte de l’un des paramètres de la méthode de calcul exposée dans la décision attaquée, à savoir le nombre de téléspectateurs supplémentaires attirés vers l’offre de télévision à péage par la mesure en cause, et, d’autre part, la quantification de l’aide et des intérêts serait extrêmement difficile.

181    Cependant, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, aucune disposition n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit en effet que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant (arrêts de la Cour du 12 mai 2005, Commission/Grèce, C‑415/03, Rec. p. I‑3875, point 39 ; du 18 octobre 2007, Commission/France, C‑441/06, Rec. p. I‑8887, point 29, et du 14 février 2008, Commission/Grèce, C‑419/06, non publié au Recueil, point 44).

182    En outre, selon une jurisprudence également constante, en l’absence de dispositions en la matière, la récupération d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun doit être effectuée selon les modalités prévues par le droit national. Le contentieux relatif à cette exécution relève du seul juge national [voir arrêt du Tribunal du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, Rec. p. II‑1475, point 68, et la jurisprudence citée].

183    Enfin, il convient d’ajouter que l’obligation pour un État membre de calculer le montant précis des aides à récupérer s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de coopération loyale liant mutuellement la Commission et les États membres dans la mise en œuvre des règles du traité en matière d’aides d’État (arrêt Pays-Bas/Commission, point 69 supra, point 91).

184    Il ressort de la jurisprudence visée aux points 181 à 183 ci-dessus qu’il appartiendra au juge national, s’il est saisi, de se prononcer sur le montant de l’aide d’État dont la récupération a été ordonnée par la Commission, le cas échéant après avoir posé à la Cour une question préjudicielle.

185    Il s’ensuit que l’argument de la requérante tiré de la prétendue violation du principe de sécurité juridique doit être rejeté comme non fondé.

186    Il résulte des conclusions tirées aux points 178 et 185 ci-dessus qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

187    En conclusion, aucun des moyens soulevés à l’appui du présent recours n’étant fondé, il convient de rejeter ce dernier dans son intégralité.

 Sur les dépens

188    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de Sky Italia.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mediaset SpA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne et de Sky Italia Srl.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juin 2010.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité de l’annexe A.8 de la requête

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité des annexes de la requête non traduites dans la langue de procédure

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les moyens

Sur la recevabilité du moyen pris d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la détermination du champ d’application de l’article 4, paragraphe 1, de la loi de finances 2004

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence d’avantage économique

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la première branche du premier moyen, relative à la notion de bénéficiaire indirect

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’absence de caractère sélectif de la mesure en cause

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée de l’absence de distorsion de la concurrence

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’erreur manifeste de droit lors de l’évaluation de la compatibilité de la mesure en cause avec le marché commun au titre de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE

Sur la recevabilité des arguments exposés aux paragraphes 93 à 96 de la requête

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la première branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause ne remédie pas aux dysfonctionnements du marché

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du deuxième moyen, tirée de l’erreur entachant la conclusion selon laquelle la mesure en cause n’était pas un instrument nécessaire ni proportionnel aux fins de remédier aux dysfonctionnements du marché

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 253 CE

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 14 du règlement n° 659/1999 ainsi que des principes de confiance légitime et de sécurité juridique

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.