Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire T‑310/06,

République de Hongrie, représentée par M mes  J. Fazekas, R. Somssich et K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M me  F. Clotuche-Duvieusart et M. Z. Pataki, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de certaines dispositions du règlement (CE) n° 1572/2006 de la Commission, du 18 octobre 2006, modifiant le règlement (CE) n° 824/2000 fixant les procédures de prise en charge de céréales par les organismes d’intervention ainsi que les méthodes d’analyse pour la détermination de la qualité (JO L 290, p. 29),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de M. M. Jaeger, président, M me  V. Tiili, M. J. Azizi, M me  E. Cremona et M. O. Czúcz, juges,

greffier : M me  K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 mai 2007,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Cadre juridique

1. L’organisation commune des marchés dans le secteur des céréales est régie par le règlement (CE) n° 1784/2003, du Conseil, du 29 septembre 2003 (JO L 270, p. 78, ci-après le « règlement OCM »).

2. L’article 5 du règlement OCM prévoit que les organismes d’intervention désignés par les États membres achètent, notamment, le maïs récolté dans la Communauté qui leur est offert, pour autant que les offres répondent aux conditions déterminées, notamment en ce qui concerne la qualité et la quantité. Les achats ne peuvent avoir lieu que pendant la période d’intervention, soit en l’espèce, la période allant du 1 er novembre 2006 au 31 mars 2007 pour la Hongrie.

3. Les modalités d’application du règlement OCM résultent du règlement (CE) n° 824/2000 de la Commission, du 19 avril 2000, fixant les procédures de prise en charge des céréales par les organismes d’intervention ainsi que les méthodes d’analyse pour la détermination de la qualité (JO L 100, p. 31). Ce règlement détermine également les critères de qualité minimale pour l’achat à l’intervention.

4. Le 18 octobre 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1572/2006 modifiant le règlement n° 824/2000 (JO L 290, p. 29, ci-après le « Règlement ») en vue de tenir compte de la nouvelle situation dans le régime de l’intervention liée notamment au stockage de certaines céréales pour une longue durée et à ses effets sur la qualité des produits. Le Règlement adapte les critères de qualité fixés par le règlement n° 824/2000 et introduit un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs. Les modifications ainsi introduites sont applicables à partir du 1 er novembre 2006.

5. L’article 3 du règlement n° 824/2000, tel que modifié par le Règlement, précise les méthodes à utiliser pour la détermination de la qualité des céréales offertes à l’intervention. Cet article prévoit, au point 3.9, la méthode de référence pour la détermination du poids spécifique, à savoir la méthode ISO 7971/2:1995 et, pour le maïs, les « méthodes traditionnelles appliquées ».

6. Conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 824/2000, le prix à payer à l’offrant est le prix d’intervention visé à l’article 4, paragraphe 1, du règlement OCM, soit 101,31 euros par tonne. Ce prix est ajusté compte tenu des bonifications et des réfactions visées à l’article 9 du règlement n° 824/2000.

7. L’article 9 du règlement n° 824/2000, tel que modifié par le Règlement, précise les montants des bonifications et des réfactions à appliquer au prix d’intervention. Il dispose notamment :

« Les bonifications et réfactions dont est augmenté ou diminué le prix à payer à l’offrant sont exprimées en euros par tonne et sont appliquées conjointement suivant les montants prévus ci-dessous :

[…]

b) Lorsque le poids spécifique des céréales qui sont offertes à l’intervention s’écarte du rapport poids/volume de […] 73 kg/hl pour le maïs […], les réfactions à appliquer sont celles visées au tableau III de l’annexe VII.

[…] »

8. L’annexe I du règlement n° 824/2000, telle que modifiée par le Règlement, prévoit, au point E, que le poids spécifique minimal pour le maïs est de 71 kg/hl.

9. Le tableau III de l’annexe VII du règlement n° 824/2000, telle que modifiée par le Règlement, prévoit les réductions de prix suivantes en fonction du poids spécifique pour le maïs : 0,5 euro/tonne pour un poids spécifique inférieur à 73 kg/hl et jusqu’à 72 kg/hl et 1 euro/tonne pour un poids spécifique inférieur à 72 kg/hl et jusqu’à 71 kg/hl.

Faits à l’origine du litige

10. Par courrier du 13 janvier 2006 adressé au directeur général de la direction générale « Agriculture et développement rural » de la Commission, les autorités hongroises ont fait part des difficultés rencontrées dans le stockage à l’intervention pour la conservation des grains de maïs stockés durant de longues périodes, de l’augmentation du pourcentage de grains brisés et de la nécessité d’une prise en charge par le Fonds européen agricole de garantie des coûts liés au stockage de longue durée.

11. Après plusieurs discussions, la Commission a présenté, le 27 juillet 2006, au groupe d’experts du Comité de gestion des céréales (ci-après le « groupe d’experts des céréales »), un projet de règlement portant sur le renforcement des conditions relatives au taux d’humidité maximale, aux grains brisés et chauffés par séchage et sur l’introduction d’un nouveau critère pour le maïs relatif au poids spécifique minimal (73 kg/hl). Il était précisé que ces changements devaient être adoptés avant le 1 er novembre 2006, date à laquelle la période d’intervention commence dans la majorité des États membres.

12. À la suite de l’émission de la proposition de la Commission, de nombreuses discussions et un échange de correspondance ont eu lieu entre les représentants du gouvernement hongrois et ceux de la Commission. Lors de ces discussions, le gouvernement hongrois a fait savoir qu’il considérait que les propositions de la Commission relatives aux grains brisés ou au poids spécifique affecteraient la Hongrie de manière particulièrement grave et injustifiée étant donné que, dans des conditions météorologiques normales, 90 % de la production hongroise de maïs annuelle serait exclue de l’intervention. Le gouvernement hongrois ajoutait qu’une réfaction du prix d’intervention en deçà de 75 kg/hl affecterait la totalité de la production hongroise.

13. Par lettre du 8 août 2006, le secrétaire d’État chargé de l’agriculture et du développement rural hongrois a réaffirmé la position du gouvernement en l’étayant de données provenant d’instituts d’analyse de la qualité et a demandé à la Commission de reconsidérer le projet de règlement.

14. Le 31 août 2006, le projet de règlement a été débattu une seconde fois par le groupe d’experts des céréales. Lors de cette réunion, plusieurs États membres ont exprimé leur opposition ou leurs objections notamment quant à l’introduction du critère de qualité du poids spécifique minimal.

15. Par courrier adressé à la Commission à cette même date, le secrétaire d’État hongrois a réitéré la position du gouvernement hongrois et a sollicité à nouveau la Commission de revoir son point de vue.

16. Le 6 septembre 2006, le projet de règlement a été introduit dans le système d’information électronique destiné aux administrations nationales des États membres en vue d’un vote par le Comité de gestion des céréales avant la fin du mois de septembre 2006.

17. Le 7 septembre 2006, le groupe d’experts des céréales a discuté une nouvelle fois du projet de règlement.

18. Le 18 septembre 2006, lors de la session du Conseil des ministres de l’Agriculture, la République de Hongrie, la République slovaque et la République d’Autriche se sont déclarées opposées au projet de règlement et le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural, M me  Fischer Boel, s’est engagé à apporter certains ajustements au projet, tout en précisant que la Commission se devait de veiller aux intérêts financiers de la Communauté.

19. Le 21 septembre 2006, en vue de tenir compte des points de vue de la République de Hongrie, de la République Slovaque et de la République d’Autriche et de l’engagement pris par la Commission, celle-ci a présenté au Comité de gestion des céréales un projet de règlement modifié dans lequel la condition de poids spécifique pour le maïs était désormais fixée à 71 kg/hl au lieu de 73 kg/hl et une réfaction de prix était prévue pour toute valeur comprise entre 71 et 73 kg/hl.

20. Le 28 septembre 2006, lors de la réunion du Comité de gestion des céréales, la teneur en humidité maximale des grains prévue dans le projet de règlement a été portée à 13,5 % au lieu de 13 %.

21. Le 18 octobre 2006, la Commission a adopté le Règlement, lequel est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne , le 20 octobre 2006, et est applicable depuis le 1 er novembre 2006.

22. Les considérants 2 et 3 du Règlement se lisent comme suit :

« (2) Il convient de ne pas accepter à l’intervention des céréales offertes dont la qualité ne permet pas une utilisation ou un stockage adéquats. À cette fin, il convient de prendre en compte la nouvelle situation dans le domaine de l’intervention liée notamment au stockage de certaines céréales pour une longue durée et ses effets sur la qualité des produits.

(3) En conséquence, il s’avère nécessaire, en vue de rendre les produits d’intervention moins fragiles en termes de dégradation et d’utilisation ultérieure, de procéder à un renforcement des critères de qualité du maïs prévus à l’annexe I du règlement […] n° 824/2000. À cette fin, il convient de réduire la teneur maximale en humidité ainsi que le pourcentage maximal de grains brisés et de grains chauffés par séchage. Compte tenu des similarités agronomiques du sorgho avec le maïs, il convient, par souci de cohérence, de prévoir des mesures analogues en ce qui le concerne. En outre, par cohérence avec les autres céréales éligibles au régime d’intervention, il convient également d’introduire un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs. »

Procédure et conclusions des parties

23. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 novembre 2006, la requérante a introduit le présent recours visant à l’annulation de certaines dispositions du Règlement (ci-après les « dispositions attaquées »), à savoir :

– à l’article 1 er , point 1), les mots « et, dans le cas du maïs, les méthodes traditionnelles appliquées » ;

– à l’article 1 er , point 3), sous b), les mots « 73 kg/hl pour le maïs » ;

– à la ligne « E. Poids spécifique minimal (kg/hl) » du tableau du point 1) de l’annexe, la valeur « 71 », relative au maïs ;

– au tableau III du point 2) de l’annexe, les valeurs de réfaction du prix d’intervention concernant le maïs.

24. La requérante a demandé que le Tribunal renvoie l’affaire devant la grande chambre en application de l’article 14, paragraphe 1, et de l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

25. Par décision du 11 décembre 2006, le Tribunal, interprétant la demande de renvoi de la requérante devant la grande chambre comme visant, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire devant une chambre à cinq juges, a, sur proposition de la troisième chambre, renvoyé l’affaire à la troisième chambre élargie en application de l’article 51, paragraphe 1, second alinéa, du règlement de procédure, selon lequel l’affaire doit être jugée par une chambre composée d’au moins cinq juges lorsqu’un État membre ou une institution communautaire qui est partie à l’instance le demande.

26. Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a introduit une demande tendant à ce que le Tribunal statue sur le recours dans le cadre d’une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure.

27. Par acte séparé déposé le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, en vertu de l’article 242 CE, visant à ce qu’il soit sursis à l’application des dispositions attaquées.

28. Par lettre du 4 décembre 2006, la Commission a fait part de son opposition quant à la demande de procédure accélérée.

29. Par décision du 13 décembre 2006, le Tribunal a fait droit à la demande de procédure accélérée.

30. Par ordonnance du 16 février 2007, Hongrie/Commission (T-310/06 R, non encore publiée au Recueil), le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à exécution et a réservé les dépens.

31. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

32. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 mai 2007.

33. La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler les dispositions attaquées ;

– condamner la Commission aux dépens.

34. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

35. La Commission relève que le recours tend seulement à l’annulation des dispositions du Règlement qui ont trait à la condition du poids spécifique minimal pour le maïs et s’interroge sur la recevabilité de celui-ci dès lors que les dispositions attaquées ne seraient pas détachables du reste du Règlement au sens de la jurisprudence de la Cour. Selon elle, le poids spécifique serait un critère essentiel choisi par le législateur pour augmenter la qualité du grain acheté à l’intervention et pour assurer, par conséquent, la vente d’un grain de qualité après un stockage de longue durée.

36. La Commission fait valoir que le critère du poids spécifique est nécessairement lié aux autres paramètres de qualité renforcés par le Règlement et que ce dernier constitue donc un tout indissociable. En effet, une diminution de la teneur en humidité entraînerait inévitablement une augmentation du poids spécifique. Sans ce nouveau critère du poids spécifique, la réelle possibilité de revente du grain ne serait pas assurée et les critères existants, même renforcés, seraient inopérants. Ce lien entre les différents paramètres de qualité serait d’ailleurs reconnu par la requérante au point 95 de la requête.

37. La requérante soutient que la demande d’annulation partielle du Règlement est recevable. En effet, la condition du poids spécifique fixée pour le maïs constituerait un élément détachable distinct des autres paramètres d’intervention et dont l’annulation ne modifierait pas objectivement la substance du Règlement (arrêts de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Conseil, C‑29/99, Rec. p. I‑11221, points 45 et 46, et du 30 septembre 2003, Allemagne/Commission, C‑239/01, Rec. p. I‑10333, points 34 et 37). Selon la requérante, l’annulation de cette condition ne changerait en rien la teneur essentielle du Règlement, puisque la situation redeviendrait ce qu’elle était avant l’adoption de celui-ci.

Appréciation du Tribunal

38. La Commission conteste la recevabilité du recours au motif que les dispositions attaquées ne seraient pas détachables du reste du Règlement.

39. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte communautaire n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient détachables du reste de l’acte (arrêts de la Cour Commission/Conseil, point 37 supra, points 45 et 46 ; du 21 janvier 2003, Commission/Parlement et Conseil, C‑378/00, Rec. p. I‑937, point 30, et Allemagne/Commission, point 37 supra, point 33). La Cour a, de même, itérativement jugé qu’il n’était pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui‑ci (arrêts de la Cour du 30 mars 2006, Espagne/Conseil, C‑36/04, Rec. p. I‑2981, points 13 et 14, et du 27 juin 2006, Parlement/Conseil, C‑540/03, Rec. p. I‑5769, point 28).

40. En l’espèce, il ressort du Règlement que sa substance réside dans l’élévation de la qualité du maïs admis à l’intervention. À cette fin, le Règlement prévoit deux types de mesures distincts, à savoir, d’une part, selon la première phrase du considérant 3 du Règlement, le renforcement des critères de qualité du maïs prévus antérieurement à l’annexe I du règlement n° 824/2000, dont la requérante ne demande pas l’annulation, et, d’autre part, selon la dernière phrase du considérant 3 du Règlement, l’introduction d’un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs, et ce par cohérence avec les régimes applicables aux autres céréales éligibles à l’intervention.

41. Il s’ensuit que ces deux types de mesures ne sont pas indissociablement liés et que l’éventuelle annulation partielle du Règlement en ce qu’il introduit un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs ne modifierait pas la substance même des dispositions ne faisant pas l’objet de cette éventuelle annulation. Il suffit de constater à cet égard que, à la différence du nouveau critère du poids spécifique pour le maïs, les critères de qualité du maïs dont le Règlement prévoit le renforcement, à savoir, le taux d’humidité maximal du maïs, le pourcentage maximal de grains brisés et le pourcentage maximal de grains chauffés par séchage, sont ceux qui existaient déjà sous l’empire de la réglementation antérieure, en l’absence du critère du poids spécifique.

42. L’argument de la Commission selon lequel le poids spécifique est un critère essentiel choisi par le législateur pour augmenter la qualité du grain acheté à l’intervention doit être rejeté. D’une part, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne ressort nullement du Règlement que le poids spécifique serait un critère essentiel pour augmenter la qualité du maïs admis à l’intervention. D’autre part, force est de constater que, à supposer même que tel soit le cas, la Commission n’a pas été en mesure d’expliquer en quoi l’annulation des seules dispositions prévoyant l’introduction de ce nouveau critère modifierait la substance du Règlement.

43. S’agissant de l’argument selon lequel le critère du poids spécifique est nécessairement lié aux autres paramètres renforcés par le règlement, puisqu’une diminution de la teneur en humidité produit une augmentation du poids spécifique, il suffit de constater que le Règlement n’établit aucun lien entre ces deux critères et que le critère du taux d’humidité existait déjà précédemment en l’absence du critère du poids spécifique.

44. En outre, la Commission a expressément fait valoir, dans ses écritures, que le renforcement des critères de qualité préexistants, et en particulier celui concernant le taux d’humidité maximal du maïs, vise à permettre une meilleure conservation du maïs admis à l’intervention, tandis que l’introduction du critère du poids spécifique pour le maïs vise à instaurer un standard de qualité du grain acheté de manière à garantir que, même après un stockage de longue durée s’accompagnant nécessairement d’une certaine dégradation, le produit sera encore d’une qualité suffisante pour être vendu sur le marché.

45. Il résulte de ce qui précède que les dispositions attaquées sont détachables du reste du Règlement, de sorte que la demande d’annulation partielle est recevable.

Sur le fond

46. À l’appui de son recours en annulation, la requérante avance six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de la confiance légitime et des principes de sécurité juridique et de proportionnalité. Le deuxième moyen est tiré de l’incompétence de l’auteur du Règlement. Le troisième moyen est tiré du détournement de pouvoir. Le quatrième moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation. Le cinquième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, le sixième moyen est tiré de la violation du règlement de procédure du Comité de gestion des céréales.

Sur le premier moyen, tiré de la violation de la confiance légitime et des principes de sécurité juridique et de proportionnalité

Sur la première branche du moyen, tirée de la violation de la confiance légitime

– Arguments des parties

47. La requérante soutient que la Commission a violé la confiance légitime des producteurs hongrois en ce que, en introduisant un nouveau critère de qualité portant sur le poids spécifique du maïs douze jours avant que le Règlement ne soit applicable, elle a changé fondamentalement et de manière imprévisible, même pour les producteurs sérieux et bien informés, les conditions d’intervention pour le maïs.

48. La requérante reconnaît que dans le domaine des organisations communes de marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, point 33). Néanmoins, elle estime que, en l’espèce, la présence de circonstances particulières permet d’invoquer le principe de protection de la confiance légitime.

49. La requérante fait valoir à cet égard que les critères dégagés par la Cour en matière de protection de la confiance légitime dans son arrêt du 11 juillet 1991, Crispoltoni (C‑368/89, Rec. p. I‑3695, ci-après l’« arrêt Crispoltoni I »), sont remplis en l’espèce. Premièrement, les modifications relatives à la qualité du produit acheté à l’intervention seraient intervenues après que les producteurs hongrois ont déjà pris des décisions impliquant des investissements importants (achat de semences, de matériel pour l’ensemencement et le labourage, etc.). Le nouveau critère du poids spécifique minimal dépendrait principalement de la variété de semences utilisée et aurait été introduit alors que les agriculteurs n’auraient plus été en mesure de modifier les surfaces labourées et donc leurs investissements.

50. Deuxièmement, l’introduction du critère de qualité relatif au poids spécifique minimal pour le maïs serait totalement inédite et sans précédent ni en droit communautaire ni dans les habitudes européennes. À cet égard, la requérante souligne que la modification des paramètres de qualité du maïs proposé à l’intervention a été évoquée pour la première fois le 27 juillet 2006, lors d’une réunion du groupe d’experts des céréales. Dès lors, à défaut d’information préalable, les producteurs hongrois, même prudents et avisés, n’auraient pu légitimement s’attendre à ce que la variété de maïs semée et la technologie utilisée ne permettraient plus de produire du maïs remplissant les critères de qualité pour l’achat à l’intervention. Or, bien que les agriculteurs produisent pour le marché libre, les conditions de l’achat à l’intervention influenceraient malgré tout leurs décisions économiques.

51. Troisièmement, la date d’entrée en vigueur des dispositions attaquées aurait surpris les producteurs qui s’attendaient légitimement à disposer de temps pour s’adapter à l’introduction d’une obligation si nouvelle.

52. Enfin, la requérante prétend que l’introduction du nouveau critère du poids spécifique, lequel répond à un souci d’harmonisation avec les autres céréales éligibles à l’intervention, n’était pas prévisible et n’aurait pu être anticipée par des changements intervenus sur le marché. Si la requérante reconnaît que les producteurs sérieux et bien informés doivent s’attendre aux risques raisonnables résultant de changements économiques et prévoir les modifications éventuelles adoptées par la Commission afin de remédier au déséquilibre du marché, elle estime, néanmoins, que l’introduction de la condition du poids spécifique n’aurait pu être anticipée par ceux-ci dans leur évaluation des risques liés au produit. Ils ne devraient dès lors pas être tenus, selon la requérante, de supporter la charge financière liée à l’introduction de ce nouveau critère, qui dépasserait les risques économiques inhérents à leur activité d’agriculteur.

53. La Commission soutient, d’abord, que l’objectif poursuivi par l’adoption du Règlement n’est pas d’introduire une mesure de standardisation, mais de résoudre un problème nouveau survenu dans le domaine de l’intervention depuis la campagne 2004/2005, liée à un stockage de longue durée du maïs et à ses effets sur la qualité du produit. En effet, le maïs étant une céréale qui, par ses caractéristiques biologiques propres, aurait tendance à se dégrader très facilement, la bonne gestion des stocks imposait, selon la Commission, d’augmenter les critères de qualité. Elle fait ainsi valoir, d’une part, que le renforcement des critères existants, à savoir la teneur en humidité ainsi que le pourcentage de grains brisés et chauffés, doit permettre d’éviter une détérioration trop rapide des grains de maïs et de garantir ainsi une conservation plus longue et, d’autre part, que l’introduction du nouveau critère du poids spécifique minimal doit permettre de s’assurer d’une certaine qualité du grain acheté de manière à disposer après un stockage de longue durée d’une qualité « vendable ».

54. La Commission souligne qu’il n’est pas nécessaire, pour garantir un certain prix de marché aux producteurs de maïs, que la Communauté achète via le régime d’intervention l’ensemble de la production des États membres et plus particulièrement les céréales de qualité inférieure. Ainsi, à supposer qu’une partie importante de la récolte hongroise ne remplisse pas les critères d’intervention, l’organisme d’intervention jouerait quand même son rôle de protection du marché, puisqu’il permettrait de maintenir un certain niveau de prix, le seul changement étant que les grains achetés à l’intervention seraient de meilleure qualité.

55. Ensuite, la Commission, tout en reconnaissant que la variété du grain peut influencer le poids spécifique final de la récolte, conteste cependant l’affirmation de la requérante selon laquelle le poids spécifique dépendrait principalement de la variété de grains semée.

56. La Commission expose à cet égard que le poids spécifique permet de mesurer la densité d’un grain en pesant un volume connu de grain et en le comparant à un volume égal d’eau. Le critère du poids spécifique minimal constituerait un facteur de classement du grain selon lequel la qualité supérieure de celui-ci correspondrait à un poids spécifique élevé. Elle avance que, généralement, le poids spécifique dépend de la teneur en eau et des impuretés, de sorte que le poids spécifique augmente lorsque la teneur en humidité de la céréale diminue ou inversement. Par conséquent, lorsque le rendement d’une récolte est élevé en raison de conditions climatiques idéales en termes d’ensoleillement et surtout d’apport en eau, le poids spécifique tendrait à être faible, et inversement, en période sèche. Il s’ensuit, selon la Commission, que le poids spécifique du maïs récolté serait un paramètre ouvert, dépendant de nombreux facteurs dont le principal serait le climat de l’année concernée. Les autres facteurs entrant en ligne de compte seraient la variété de la semence, la qualité du sol et la conduite des cultures.

57. La Commission prétend que la variété « dent de cheval », qui est principalement cultivée en Hongrie, produit un grain de maïs qui peut atteindre, selon les conditions climatiques, des poids spécifiques très variables et que le poids spécifique minimal fixé pour l’achat à l’intervention (71 kg/hl) est selon les campagnes largement atteint. La requérante préciserait d’ailleurs, elle-même, que cette variété produit un grain de maïs d’un poids spécifique oscillant entre 68 et 74 kg/hl. L’absence, dans les catalogues de semences de maïs, de spécification sur le poids spécifique de chacune des semences commercialisées constituerait un indice de ce que ce critère ne serait pas lié principalement à la variété choisie et de ce qu’il évoluerait dans des proportions similaires pour toutes les variétés. Les variations constatées entre les campagnes de maïs récolté en Hongrie entre 2001 et 2006, telles qu’elles ressortent du tableau figurant à l’annexe A.12 de la requête, démontreraient que le poids spécifique moyen d’une récolte dépend essentiellement des données climatiques.

58. Le poids spécifique ne dépendant pas principalement de la variété du grain de maïs semé, l’adoption des dispositions attaquées ne constituerait pas, selon la Commission, des mesures ayant des répercussions sur les investissements des producteurs.

59. Par ailleurs, la Commission conteste l’analyse des autorités hongroises consistant à prendre comme point de départ le caractère prétendument normal de la campagne 2005/2006 pour déterminer le poids spécifique moyen de la récolte de 2006/2007. Elle expose à cet égard que la campagne 2006/2007 a produit une récolte normale, voire bonne en termes de pluie et d’ensoleillement, qui ne peut pas être comparée à la campagne précédente, qui avait été exceptionnelle et qui avait produit une récolte d’un poids spécifique moyen très légèrement en dessous du poids spécifique minimal de 71 kg/hl. La Commission ajoute que, eu égard aux conditions climatiques favorables jusqu’au mois de novembre 2006, les producteurs hongrois, avertis des nouvelles exigences de qualité, ont été en mesure de maintenir la récolte sur pied, ce qui a dû permettre de diminuer la teneur en humidité de celle-ci. La Commission estime, par conséquent, que la requérante n’a pas fourni d’éléments suffisants au soutien de son allégation selon laquelle la moitié de la récolte hongroise ne satisferait pas aux critères de l’achat à l’intervention.

60. Enfin, la Commission souligne que le renforcement des critères de qualité du maïs, en vue d’assurer la possibilité de revente des stocks afin de protéger les intérêts financiers de la Communauté, n’a pas pour autant empêché que la plus grande partie de la production hongroise puisse être offerte à l’intervention, puisque, à la suite des discussions dans le cadre du groupe d’experts des céréales et pour tenir compte des préoccupations des autorités hongroises, elle a modifié le paramètre du poids spécifique minimal en le diminuant de 73 à 71 kg/hl.

61. Elle ajoute, à cet égard, que la conjoncture actuelle sur les marchés intérieur et international des céréales est fondamentalement différente de la situation antérieure. Ainsi, le prix du marché serait actuellement très élevé et généralement supérieur au prix d’intervention. Les offres effectuées au mois de novembre 2006 dans le cadre de l’adjudication de maïs détenu par l’organisme d’intervention hongrois pour la revente sur le marché interne auraient varié entre 123 et 103 euros/tonne pour l’achat de maïs d’intervention et les ventes auraient été effectuées, sur la base d’un prix minimal fixé selon les semaines à 112 ou à 113 euros/tonne, à un prix allant de 112 à 123 euros/tonne. La Commission relève, par ailleurs, que, en raison des conditions du marché libre plus favorables aux producteurs que l’offre à l’intervention et ce dans l’ensemble de la Communauté, les offres de maïs à l’intervention reçues jusqu’à présent s’élèvent à 8 355 tonnes (toutes en Hongrie) et correspondent à une quantité dérisoire par rapport aux quantités offertes à la même époque en 2005 (1 755 825 tonnes dont 1 273 106 tonnes en Hongrie). En outre, la Commission indique qu’une diminution considérable des stocks des pays « exportateurs nets » de maïs se serait produite sur le marché mondial et que la production mondiale serait inférieure à la consommation.

– Appréciation du Tribunal

62. La requérante soutient que, en introduisant un nouveau critère portant sur le poids spécifique du maïs douze jours avant que le Règlement ne soit applicable, la Commission a violé la confiance légitime des producteurs hongrois.

63. Selon une jurisprudence constante, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires (arrêts de la Cour du 15 juillet 1982, Edeka, 245/81, Rec. p. 2745, point 27, et Delacre e.a./Commission, point 48 supra, point 33). Il en va spécialement ainsi dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts de la Cour du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C‑133/93, C‑300/93 et C‑362/93, Rec. p. I‑4863, ci-après l’« arrêt Crispoltoni II », point 57, et du 14 octobre 1999, Atl anta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52).

64. Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Crispoltoni I, point 49 supra (point 17), « il convient de relever que, selon une jurisprudence constante (voir, entre autres, arrêts du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 20, et Decker, 99/78, Rec. p. 101, point 8), si, en règle générale, le principe de la sécurité des situations juridiques s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsque le but à atteindre l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée » et « [c]ette jurisprudence est également applicable dans le cas où la rétroactivité n’est pas prévue expressément par l’acte lui-même, mais résulte de son contenu ».

65. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, en instaurant en cours d’année, après que les décisions impliquant des investissements avaient été prises (surfaces à cultiver, plantations, etc.), un système de quantité maximale garantie de tabac et en ayant prévu une réfaction proportionnelle du prix et de la prime d’intervention en cas d’excédent, les règlements en cause avaient porté atteinte à la confiance légitime des opérateurs économiques concernés. En effet, selon la Cour, « si ceux-ci devaient considérer comme prévisibles des mesures visant à limiter toute augmentation de la production [de tabac] de la Communauté et à décourager la production des variétés qui présentent des difficultés pour leurs débouchés, ils pouvaient cependant s’attendre à ce que d’éventuelles mesures ayant des répercussions sur leurs investissements leur soient annoncées en temps utile » (arrêt Crispoltoni I, point 49 supra, point 21).

66. La situation en l’espèce est tout à fait comparable à celle en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Crispoltoni I, point 49 supra.

67. En effet, le Règlement a été adopté le 18 octobre 2006, publié le 20 octobre 2006, et est applicable depuis le 1 er novembre 2006, soit le premier jour de la période d’intervention concernée, de sorte que les nouveaux critères de qualité qu’il fixe s’appliquent au maïs planté au printemps 2006 et récolté à l’automne 2006.

68. Ainsi, en introduisant un nouveau critère portant sur le poids spécifique du maïs douze jours avant que le Règlement ne soit applicable, soit à un moment où les producteurs avaient déjà procédé à l’ensemencement et où ils ne pouvaient plus influer sur le poids spécifique de la récolte, les dispositions attaquées ont des répercussions sur les investissements des producteurs concernés en ce qu’elles ont changé fondamentalement les conditions d’intervention pour le maïs.

69. Par ailleurs, force est de constater que les mesures en cause n’ont pas été annoncées en temps utile aux agriculteurs concernés. Dans son argumentation développée sur la violation de la confiance légitime, la Commission n’a d’ailleurs avancé aucun élément de nature à contredire l’affirmation de la requérante selon laquelle même les producteurs sérieux et bien informés ne pouvaient s’attendre à l’adoption du Règlement. Tout au plus, la Commission s’est-elle bornée à faire état, dans la partie introductive de son mémoire en défense, d’un courrier du 13 janvier 2006 des autorités hongroises adressé à la Commission faisant part des difficultés rencontrées dans le stockage à l’intervention pour la conservation des grains, de la discussion le 9 mars 2006 au sein du groupe d’experts du Comité de gestion des céréales sur la question du stockage de longue durée du maïs, d’une lettre de la Commission adressée aux autorités hongroises et de nouvelles discussions ayant eu lieu en juin 2006. Il apparaît toutefois qu’aucune de ces discussions ou de ces lettres n’évoquait, en aucune manière, la question de l’introduction, même éventuelle, d’un nouveau critère de poids spécifique.

70. Il ressort au contraire du dossier que ce n’est que le 27 juillet 2006, soit bien après que les décisions d’investissements ont été prises par les agriculteurs concernés, que la Commission a présenté au Comité de gestion des céréales le projet de règlement visant à introduire le nouveau critère litigieux du poids spécifique.

71. Il convient de souligner, en outre, d’une part, que les mesures litigieuses n’ont pas simplement renforcé des critères préexistants, mais ont introduit un nouveau critère et, d’autre part, que la condition du poids spécifique est totalement inédite dans le commerce du maïs dans la Communauté. Or, ainsi qu’il est précisé dans l’arrêt de la Cour du 26 mars 1998, Petridi (C‑324/96, Rec. p. I‑1333, points 43 à 45), la Cour, dans l’arrêt Crispoltoni I, point 49 supra, a estimé que les règlements en cause avaient porté atteinte à la confiance légitime des opérateurs économiques concernés en ce qu’ils avaient introduit un système de quantités maximales garanties inconnu des opérateurs économiques intéressés tant en ce qui concerne la nature des nouvelles mesures d’organisation du marché du tabac dans la Communauté qu’en ce qui concerne la date de leur entrée en vigueur.

72. Il résulte de ce qui précède que, en introduisant, sans que les producteurs concernés aient été informés en temps utile, un nouveau critère de poids spécifique minimal en dessous duquel le maïs ne peut être présenté à l’organisme d’intervention ou se voit appliquer une réfaction de prix, les dispositions attaquées ont violé la confiance légitime des producteurs concernés. Partant, la première branche du premier moyen est fondée.

73. Aucun argument avancé par la Commission n’est de nature à infirmer cette conclusion.

74. En premier lieu, l’argument selon lequel la bonne gestion des stocks imposait d’augmenter les critères de qualité et le poids spécifique serait un facteur de qualité est dépourvu de pertinence dans le cadre de l’examen du présent moyen tiré de la violation de la confiance légitime. La question n’est en effet pas de savoir si les mesures contestées sont appropriées (question faisant l’objet des moyens pris du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation), mais si, à supposer qu’elles le soient, leur introduction rétroactive n’a pas conduit à une violation de la confiance légitime des producteurs concernés.

75. En deuxième lieu, l’argument selon lequel les mesures litigieuses ne constituent pas des mesures ayant des répercussions sur les investissements au motif que le poids spécifique ne dépend pas principalement de la variété semée doit également être rejeté.

76. Les décisions d’investissement ne sauraient en effet être réduites au seul choix de la variété de semences, mais comprennent toutes les étapes depuis la décision même de planter du maïs et la détermination de l’étendue des plantations jusqu’à la récolte. En vue de démontrer que les mesures contestées ont porté atteinte aux investissements des producteurs concernés, la requérante a d’ailleurs fait valoir que la Commission avait changé les conditions d’intervention pour le maïs à un moment où les producteurs avaient déjà procédé à l’ensemencement. Si la requérante a certes affirmé que le type de semences choisi détermine largement le poids spécifique du produit récolté, elle a cependant défini de manière plus large les investissements et mentionné à cet égard les autres matériaux et moyens employés, la préparation du terrain, les machines employées pour l’ensemencement, l’adaptateur spécial pour moissonneuse-batteuse et, plus généralement, la technologie employée.

77. Par ailleurs, outre qu’il est dépourvu de pertinence, l’argument de la Commission selon lequel le poids spécifique ne dépend pas de la variété n’est pas convaincant. Il y a lieu d’observer, tout d’abord, que la Commission se borne à une simple affirmation non étayée et que l’argument n’apparaît donc pas de nature à pouvoir contredire les éléments et études invoqués par la requérante. Ainsi, l’affirmation de la Commission, selon laquelle le tableau produit par la requérante (annexe A.12 de la requête) indiquant la moyenne du poids spécifique du maïs récolté en Hongrie entre 2001 et 2006 montrerait que le poids spécifique d’une récolte dépend essentiellement des données climatiques, puisque celui-ci varierait d’une année à l’autre sans qu’il y ait eu de grande modification des variétés de maïs semées, n’est pas fondée. En effet, selon ce tableau, le poids spécifique moyen a varié de 70,90 à 73,22 kg/hl et il ressort de la documentation produite par la requérante (annexe A.6 de la requête) que la variété dite « dent de cheval » principalement cultivée en Hongrie produit un maïs d’un poids spécifique compris entre 68 et 74 kg/hl, tandis que d’autres variétés atteignent un poids spécifique plus élevé (74 à 82 kg/hl pour la variété Keményszemű et 72 à 79 kg/hl pour la variété Puhaszemű). Ensuite, la Commission a admis, tant dans ses écritures qu’à l’audience, que la variété peut influencer, dans une certaine mesure, le poids spécifique final de la récolte. Enfin, la Commission soutient que le poids spécifique du maïs est un paramètre ouvert qui dépend d’un grand nombre de facteurs dont le principal est le climat de l’année, les autres facteurs étant la qualité du sol et surtout la conduite des cultures (date du semis, qualité de l’implantation, soin apporté à l’irrigation, date de la récolte, etc.). Or, hormis le climat, tous les autres facteurs mentionnés auraient pu être pris en compte par les producteurs concernés pour produire un maïs d’un poids spécifique plus élevé si ceux-ci avaient été informés en temps utile des mesures envisagées.

78. En troisième lieu, s’agissant de l’argument tiré de ce que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que plus de la moitié de la récolte hongroise ne satisferait pas au critère du poids spécifique, il suffit d’observer que, dans son arrêt Crispoltoni I, point 49 supra, la Cour n’a posé aucune condition quant à l’importance des répercussions sur les investissements pour constater une violation de la confiance légitime. Par ailleurs, la Commission n’indique pas sur quelle base reposerait une telle condition ni quel pourcentage d’affectation de la récolte serait nécessaire pour admettre l’existence d’une violation de la confiance légitime.

79. En outre, il ressort du tableau (annexe A.12 de la requête) produit par la requérante et non contesté par la Commission que, même dans les années au cours desquelles le poids spécifique moyen de la récolte était le plus élevé, 10 % de celle-ci n’aurait pas satisfait au critère posé par les dispositions attaquées pour être admis à l’intervention et près de 40 % de la production aurait été affectée par une réfaction du prix.

80. Par ailleurs, si les agriculteurs produisent d’abord pour le marché libre, il n’en reste pas moins que les conditions de l’intervention influencent leurs décisions économiques et qu’ils pouvaient raisonnablement s’attendre lors de leurs investissements (semailles, culture, etc.) à ce que les variétés et la technologie employées jusqu’alors continueraient à satisfaire les conditions communautaires de qualité exigées pour que le maïs qu’ils produisent puisse être présenté à l’intervention. Au demeurant, dans l’arrêt Crispoltoni I, point 49 supra, la Cour a déclaré invalide le règlement litigieux qui prévoyait simplement la réduction de 1 % des prix d’intervention ainsi que des primes relatives aux différentes variétés de tabac pour chaque tranche de dépassement de 1 % de la quantité maximale garantie et la juridiction de renvoi n’avait fait état que de l’affectation d’un seul producteur.

81. Il résulte de ce qui précède que les dispositions attaquées doivent être annulées.

82. Par ailleurs, dans le cadre du moyen pris de la violation de l’obligation de motivation, la requérante a également fait valoir que la Commission n’avait pas indiqué les raisons particulières pour lesquelles les nouveaux critères, plus exigeants, devaient s’appliquer dès la période d’ouverture des offres en intervention, le 1 er novembre 2006, c’est-à-dire douze jours après la publication du Règlement.

83. Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE a pour but de permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle. Elle doit dès lors faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, auteur de l’acte incriminé. À cet égard, il importe de rappeler que, dans son arrêt du 1 er avril 1993, Diversinte et Iberlacta (C‑260/91 et C‑261/91, Rec. p. I‑1885, point 10), la Cour a déclaré invalide le règlement attaqué dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt en considérant que sa motivation ne permettait pas à la Cour de contrôler, notamment, si la confiance légitime des opérateurs concernés avait été respectée.

84. Or, force est de constater que le Règlement n’indique aucunement les raisons pour lesquelles les nouvelles mesures incriminées doivent s’appliquer immédiatement à la récolte en cours, le considérant 9 exposant uniquement que « [l]es modifications [qui y sont] prévues […] doivent s’appliquer aux offres de céréales à l’intervention à compter du 1 er novembre 2006 », ajoutant que, « [e]n conséquence, il convient de prévoir [son] entrée en vigueur […] le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne  ».

85. La Commission se contente, dans le mémoire en défense, d’indiquer que la fixation d’une entrée en application au 1 er novembre 2006 se justifiait, comme indiqué dès le départ par les services de la Commission, par l’ouverture à cette date de la période d’intervention dans la plupart des États membres. Par ailleurs, l’entrée en vigueur de l’adhésion à l’Union européenne, le 1 er janvier 2007, de la Roumanie et de la République de Bulgarie, qui produisent ensemble entre 12 et 13 millions de tonnes de maïs, aurait justifié l’urgence à agir.

86. Outre que l’absence totale de motivation, dans le Règlement, de la date de son entrée en vigueur ne saurait être palliée par des indications fournies au cours de son processus d’élaboration, le fait que l’ouverture de la période d’intervention soit le 1 er novembre 2006 ne constitue qu’une constatation d’ordre général qui ne saurait être considérée comme une motivation spécifique faisant apparaître l’effet recherché et permettant au juge de contrôler si la confiance légitime des opérateurs concernés a été respectée.

87. Quant à la circonstance tirée de l’importance de la production de maïs de la Roumanie et de la Bulgarie, dont l’entrée en vigueur de l’adhésion était fixée au 1 er janvier 2007, force est de constater que non seulement la Commission ne prétend pas qu’elle a été mentionnée à un quelconque stade du processus législatif, mais encore qu’il ne saurait raisonnablement être soutenu qu’une telle circonstance était imprévisible et ne pouvait être prise en considération par la Commission en temps utile en vue d’éviter de porter atteinte à la confiance légitime des intéressés. Au demeurant, une telle motivation tendrait à accréditer la thèse de la requérante, selon laquelle l’introduction du critère du poids spécifique ne visait ni à l’amélioration des conditions de stockage ni à l’harmonisation des régimes d’intervention, mais à la limitation des quantités de maïs éligibles à l’intervention.

88. Les dispositions attaquées doivent donc également être annulées en ce que le Règlement est entaché d’une violation de l’obligation de motivation.

89. Lors de l’audience, le Tribunal a interrogé les parties sur les effets dans le temps d’une éventuelle annulation résultant de la violation de la confiance légitime, cette question n’ayant pas été abordée dans les mémoires.

90. Ainsi que l’a soutenu à juste titre la Commission, dès lors qu’il n’est constaté, dans le cadre de la présente branche, une violation du droit communautaire que dans la mesure où les dispositions attaquées fixent un nouveau critère de poids spécifique minimal applicable immédiatement à la récolte de l’automne 2006 sans que les producteurs concernés en aient été informés en temps utile, l’annulation pour ce motif ne saurait viser que le maïs planté et cultivé antérieurement à l’adoption des dispositions attaquées.

91. Il résulte des considérations qui précèdent que, sur le fondement de la présente branche, les dispositions attaquées doivent être annulées dans la mesure, à tout le moins, où elles s’appliquent à la récolte de maïs 2006.

92. Il convient dès lors d’examiner les autres moyens et arguments de la requérante.

Sur la deuxième branche du moyen, tirée de la violation des principes de sécurité juridique et de proportionnalité

– Arguments des parties

93. La requérante soutient que la Commission a violé les principes de sécurité juridique et de proportionnalité en ce que, en publiant le Règlement douze jours seulement avant l’ouverture de la période d’intervention en Hongrie, la nouvelle réglementation communautaire aurait été totalement imprévisible pour les producteurs. Celle-ci aurait été d’autant plus imprévisible que l’objectif qu’elle poursuit n’est pas une adaptation rapide à une nouvelle donnée économique intervenue sur le marché, mais la standardisation de critères de qualité des céréales éligibles à l’intervention, qui est un objectif a priori de nature technique et à long terme.

94. La requérante estime que la Commission aurait dû tenir compte de la situation particulière des producteurs hongrois et adapter l’application des nouveaux critères d’achat à l’intervention, conformément aux principes dégagés par la Cour dans les arrêts du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep (C‑487/01 et C‑7/02, Rec. p. I‑5337), et du 7 juin 2005, Vereniging voor Energie e.a. (C‑17/03, Rec. p. I‑4983). La situation des agriculteurs serait caractérisée par l’adaptation de l’activité agricole aux cycles biologiques et de production du maïs qui commencent par des prises de décisions suivies d’opérations d’exécution (achat de graines, ensemencement, etc.) et se terminent par une récolte au terme de plusieurs mois.

95. La requérante fait valoir que, en introduisant les dispositions attaquées sans période de transition ou sans application progressive de celles-ci, la Commission a méconnu le principe de proportionnalité ainsi que le principe établi à l’article 33, paragraphe 2, sous b), CE, qui exige de tenir compte de la nécessité d’opérer graduellement les ajustements opportuns en matière agricole. La requérante souligne l’importance de la production hongroise dans la Communauté (17 à 18 %) et de l’effet d’un nouveau critère de qualité exigeant qui entraînera l’inéligibilité à l’intervention de la moitié de la production hongroise. Elle relève que, compte tenu de l’excellente qualité du maïs hongrois, ce nouveau critère entraînera également l’inéligibilité d’une partie significative de la production européenne. En outre, l’objectif de standardisation poursuivi par la nouvelle réglementation justifierait d’autant moins l’application immédiate du nouveau critère du poids spécifique minimal.

96. Enfin, la requérante estime que ce nouveau paramètre, qui n’est pas utilisé dans les pratiques commerciales pour le maïs en Europe, ne pourra pas être appliqué comme tel. En effet, les agriculteurs ne seraient pas en mesure de déterminer la variété qui produit un grain remplissant ce nouveau critère de qualité, notamment au vu des catalogues de semences qui ne spécifient pas le poids spécifique et au vu du poids spécifique de la variété de maïs « dent de cheval » cultivée en Hongrie qui oscille entre 68 et 74 kg/hl. La requérante considère, par conséquent, que environ la moitié des variétés de semences ne produira pas, indépendamment de la volonté des agriculteurs, un grain de maïs éligible à l’intervention. Par ailleurs, l’introduction de nouvelles variétés de semences qui seraient susceptibles de produire un grain satisfaisant le critère du poids spécifique minimal exigerait beaucoup de temps, à savoir une dizaine d’années, de sorte qu’il était quasiment impossible pour les producteurs hongr ois de se préparer à respecter le Règlement.

97. La Commission rappelle d’abord que l’objectif poursuivi par le renforcement des critères de qualité du maïs éligible à l’intervention ne saurait être réduit à une question de standardisation. L’objectif réel serait d’éviter une dégradation des stocks et de permettre l’utilisation future de ceux-ci.

98. La Commission conteste ensuite avoir méconnu le principe de sécurité juridique. Le Règlement ayant été publié douze jours avant l’ouverture de la période d’intervention pour la Hongrie, le 1 er novembre 2006, son application aurait été prévisible. De même, elle estime qu’il n’y a pas eu de rétroactivité au vu du contenu du Règlement (arrêt Crispoltoni I, point 49 supra). Le critère du poids spécifique n’étant pas fonction principalement de la variété de la semence de maïs, mais des conditions climatiques durant la campagne, il ne serait en effet pas établi que le respect de ce critère aurait eu un impact sur les investissements supportés par les producteurs avant la récolte. Par conséquent, la situation en l’espèce, en ce qui concerne les conséquences financières pour les agriculteurs, se distinguerait des cas visés par la jurisprudence en matière fiscale ou en matière agricole invoquée par la requérante.

99. La Commission souligne que le principe de sécurité juridique n’exige pas l’absence de modification législative. Or, le choix de la Commission de renforcer les critères de qualité pour l’achat à l’intervention correspondrait à un besoin précis, requis par une gestion des stocks en bon père de famille, et se justifierait par des considérations d’ordre technique visant à assurer une certaine qualité du grain acheté de manière à pouvoir encore le vendre après un stockage de longue durée.

100. La Commission fait valoir que la problématique de la qualité du maïs stocké et son incidence sur le nouveau problème du stockage de longue durée était prévisible pour les parties intéressées, puisque cette question avait déjà été abordée en mars 2006 et suivie de discussions au sein du groupe d’experts des céréales les 1 er et 29 juin 2006, soit entre un mois et un mois et demi après l’emblavement des surfaces cultivées. Par la suite, le projet relatif au renforcement des critères de qualité aurait été formellement discuté à maintes reprises lors de réunions du groupe d’experts des céréales.

101. Au demeurant, l’introduction tardive des dispositions attaquées résulterait essentiellement de ce qu’il ne serait pas apparu immédiatement, en raison des dérogations accordées aux autorités hongroises pour l’achat à l’intervention, que la campagne 2005/2006 serait exceptionnelle et entraînerait un accroissement supplémentaire des stocks justifiant l’urgence à agir. Les discussions n’auraient commencé qu’une fois que la Commission eût été avertie par les États membres de la dégradation rapide de leur stock.

102. La Commission soutient en outre qu’elle a tenu compte de la situation particulière des producteurs de maïs en Europe centrale, puisqu’elle a réduit le poids spécifique minimal requis de 73 à 71 kg/hl. Elle estime que ce critère est pertinent au regard du but légitime poursuivi et n’est pas préjudiciable aux agriculteurs hongrois. En effet, l’introduction du seul critère du poids spécifique minimal n’aurait pas l’impact décrit par la requérante sur les récoltes, puisque la diminution de la teneur en humidité maximale prévue par le Règlement, 13,5 au lieu de 14,5 %, et non contestée dans le cadre du recours impliquerait une augmentation de 0,5 à 1 kg/hl du poids spécifique du maïs présenté à l’intervention. L’introduction de ce nouveau critère de qualité ne saurait dès lors être considérée comme disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

103. Enfin, s’agissant de la prétendue difficulté pour les agriculteurs d’apprécier le poids spécifique de la récolte de maïs, la Commission relève que les méthodes traditionnelles existent dans toute la Communauté et que le choix de la Hongrie d’utiliser la méthode ISO, qui est utilisée pour le seigle, ne pose aucune difficulté aujourd’hui pour mesurer le poids spécifique. En tout état de cause, le poids spécifique du maïs n’aurait pu être anticipé avant la récolte.

– Appréciation du Tribunal

104. Tout en admettant que les producteurs doivent s’accommoder d’un certain niveau d’inconvénients économiques découlant d’éventuelles modifications législatives intervenant en cours d’exercice, la requérante soutient que, en l’espèce, la Commission, en rendant immédiatement applicable le nouveau critère du poids spécifique et en excluant la majeure partie du maïs hongrois de la possibilité d’achat en intervention, a violé les principes de sécurité juridique et de proportionnalité.

105. Dans la mesure où la présente argumentation met en cause la légalité des dispositions attaquées en ce qu’elles s’appliquent à la récolte en cours, il n’est plus nécessaire de l’examiner dès lors qu’il a déjà été conclu à l’annulation du Règlement sur ce point.

106. Dans la mesure où la requérante, bien que faisant état dans le cadre du présent moyen, pour l’essentiel, d’arguments concernant la récolte 2006, entendrait néanmoins contester la légalité des dispositions attaquées pour les périodes d’intervention des années ultérieures, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique constitue un principe fondamental du droit communautaire qui exige notamment qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts de la Cour du 13 février 1996, Van Es Douane Agenten, C‑143/93, Rec. p. I‑431, point 27, et du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, Rec. p. I‑2801, point 30), et que les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêt Crispoltoni II, point 63 supra, point 57).

107. Or, force est de constater que la requérante, d’une part, n’expose pas en quoi les dispositions attaquées ne seraient pas suffisamment claires pour permettre aux producteurs concernés de déterminer sans ambiguïté les conditions requises pour pouvoir présenter leur maïs à l’intervention et, d’autre part, n’explique pas les raisons pour lesquelles ceux-ci ne seraient pas en mesure de prendre les dispositions nécessaires pour que le maïs qu’ils produiront satisfassent le critère du poids spécifique requis à partir de la récolte prochaine. Outre que l’argumentation développée par la requérante ne semble viser que la récolte en cours, il convient d’observer que la requérante soutient par ailleurs que le poids spécifique dépend pour l’essentiel de la variété de semences utilisée et que, selon l’étude jointe en annexe A.6 à la requête, deux variétés de semences produisent un maïs d’un poids spécifique largement supérieur au minimum requis par les dispositions attaquées.

108. Par ailleurs, s’agissant de l’argument selon lequel le Règlement viole le principe de proportionnalité dans la mesure où il a pour effet d’exclure la majeure partie de la production hongroise de l’intervention, il suffit de constater que cette affirmation est contestée formellement par la Commission et n’est assortie d’aucun élément de preuve. En outre, il ressort des données fournies par la requérante que même pour les années antérieures une proportion importante de la production hongroise atteignait déjà le poids spécifique minimal requis par les nouvelles dispositions. Enfin, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, il existe, selon l’étude fournie par la requérante, des variétés de semences permettant de produire un maïs d’un poids spécifique supérieur au minimum requis.

109. Il résulte des considérations qui précèdent que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

Sur le deuxième moyen, tiré de l’incompétence de l’auteur du Règlement

Arguments des parties

110. La requérante soutient que la Commission n’était pas compétente, au regard de l’article 5 du règlement OCM, pour adopter le nouveau critère de qualité relatif au poids spécifique minimal pour le maïs au motif que celui-ci ne constitue pas un critère de qualité adéquat.

111. En effet, premièrement, la requérante souligne qu’elle a fait valoir à maintes reprises lors de l’élaboration du Règlement que le critère du poids spécifique minimal n’était pas pertinent au regard de l’objectif de conservation de longue durée des stocks poursuivi par celui-ci.

112. Deuxièmement, la requérante conteste que le poids spécifique est une question de qualité. Il ressortirait de l’un des documents fournis par la Commission à l’appui de sa proposition d’adoption du nouveau critère (annexe A.3c à la requête, p. 5) que le poids spécifique du maïs n’aurait aucune incidence sur la valeur nutritionnelle de la céréale, qu’elle soit destinée à l’alimentation animale ou humaine. Cette analyse serait confirmée par une publication figurant à l’annexe A.10 de la requête selon laquelle le poids spécifique et la teneur en humidité n’influenceraient pas la qualité du maïs pour l’alimentation animale eu égard à la qualité de la matière sèche présente dans la céréale.

113. Troisièmement, la requérante soutient que le critère du poids spécifique n’est pas appliqué dans les pratiques commerciales en Europe pour le maïs et qu’il n’existe pas de réglementation y relative. Ce facteur n’interviendrait donc pas dans la détermination du prix de la céréale et ne saurait être considéré comme une condition de qualité pertinente au sens de l’article 5 du règlement OCM.

114. Quatrièmement, ce paramètre serait utilisé aux États-Unis et au Canada, mais uniquement parce que le maïs serait destiné pour l’essentiel à l’alimentation humaine. Or, en Europe, le maïs serait surtout destiné à alimenter le bétail ainsi que l’indique le considérant 2 du règlement (CE) n° 1068/2005, de la Commission, du 6 juillet 2005, modifiant le règlement n° 824/2000 (JO L 174, p. 65).

115. La Commission fait valoir que l’adoption pour le maïs, comme ce fut le cas pour d’autres céréales, du critère du poids spécifique minimal afin de garantir une certaine qualité de cette céréale relève parfaitement de la compétence qui lui est déléguée par le Conseil conformément au règlement OCM.

116. Premièrement, la Commission considère que ce nouveau facteur du poids spécifique minimal est pertinent au regard de l’objectif d’amélioration de la qualité du maïs en vue d’une conservation de longue durée et d’une utilisation ultérieure de celui-ci. Elle estime en effet que dans la mesure où la teneur en eau du grain a une incidence sur le poids spécifique de celui-ci ainsi que sur sa conservation, le critère du poids spécifique permettra d’améliorer la qualité du maïs.

117. Deuxièmement, la Commission soutient que le poids spécifique est le critère généralement utilisé pour classer les types de grains de maïs selon leur qualité. Contrairement aux dires de la requérante, le test du poids spécifique serait un élément qui permet de distinguer aux États-Unis les cinq qualités américaines de grain. Par ailleurs, la Commission relève que le critère du poids spécifique minimal fixé par le Règlement à 71 kg/hl est légèrement inférieur à celui du grain de première qualité des États-Unis (71,4 kg/hl), alors que celui-ci n’est stocké que pendant de très courtes périodes, contrairement à la situation existante au sein de la Communauté. En revanche, le nouveau critère du poids spécifique se situerait en deçà du standard préconisé en France par l’Institut technique des céréales et des fourrages qui serait d’au moins 75 kg/hl pour le maïs de bonne qualité.

118. La Commission souligne qu’elle n’a trouvé nulle part confirmation de l’allégation de la requérante selon laquelle le maïs américain de première qualité serait destiné uniquement à l’alimentation humaine. Néanmoins, à supposer que cette allégation soit exacte, la Commission estime que le fait que le critère du poids spécifique retenu corresponde au critère de référence pour l’alimentation humaine aux États-Unis est un gage de qualité du grain de maïs.

119. Troisièmement, la Commission estime que la qualité nutritionnelle du grain de maïs dépend du poids spécifique. En effet, une analyse de différents lots de maïs de poids spécifiques différents montrerait une variation tant dans la composition chimique que dans la valeur nutritionnelle (énergie et acides aminés) des différents types de grains. La Commission précise à cet égard que l’analyse invoquée par la requérante et figurant à l’annexe A.10 de la requête porte sur la valeur nutritionnelle « en termes de matière sèche » et n’a donc qu’une valeur relative dans la mesure où c’est le grain complet, composé de matière sèche et d’eau, qui sert d’aliment au bétail.

120. Enfin, le fait que le critère du poids spécifique ne soit pas utilisé dans les pratiques commerciales au sein de l’Union européenne serait dépourvu de pertinence, puisqu’il s’agirait de déterminer les conditions de l’intervention pour assurer un stockage de longue durée d’un grain de bonne qualité et non de régir le commerce du maïs dans la Communauté. La Commission ajoute que l’usage ultérieur des céréales est inconnu au moment de l’achat de celles-ci par l’organisme d’intervention, de sorte qu’il est légitime de s’assurer de disposer d’un grain de bonne qualité, qu’il soit destiné à l’alimentation humaine ou animale.

Appréciation du Tribunal

121. La requérante soutient que la Commission n’était pas compétente au regard de l’article 5 du règlement OCM pour adopter le nouveau critère relatif au poids spécifique minimal pour le maïs au motif que celui-ci ne constituerait pas un critère de qualité adéquat.

122. Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre de la politique agricole commune, le Conseil peut être amené à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’exécution, cette dernière étant la seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation (arrêt de la Cour du 30 octobre 1975, Rey Soda, 23/75, Rec. p. 1279, point 11). Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 février 1996, France et Irlande/Commission (C‑296/93 et C‑307/93, Rec. p. I‑795), la Cour a jugé que la limitation du poids des carcasses admissibles à l’intervention fait partie des mesures d’exécution que la Commission est habilitée à arrêter, bien qu’elle puisse conduire à une réorientation de la production de la viande bovine et que les requérantes aient fait valoir que la disposition sur la base de laquelle elle a été adoptée ne donnait compétence à la Commission que pour déterminer les catégories, ce qui viserait le sexe et l’âge de l’animal, et les qualités, qui se définiraient par la conformation de la carcasse et son état d’engraissement, de la viande tandis que la Commission avait modifié la liste des produits admissibles à l’intervention.

123. Aux termes de l’article 6, sous b), du règlement OCM, la Commission a compétence pour fixer, selon la procédure du comité de gestion, « les conditions minimales concernant notamment la qualité et la quantité exigibles de chaque céréale pour qu’elle soit éligible à l’intervention ».

124. La requérante ne conteste pas que, selon les considérants 2 et 3 du Règlement, le critère du poids spécifique a été introduit aux fins de renforcer la qualité du maïs ou, à tout le moins, par cohérence avec les conditions de qualité fixées pour les autres céréales, mais se borne à soutenir que la Commission n’était pas compétente au motif que le poids spécifique ne constituerait pas un critère de qualité adéquat et viserait en réalité à limiter les quantités admissibles à l’intervention. Or, cette circonstance, à la supposer avérée, conduirait à constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation ou un détournement de pouvoir, mais ne saurait entraîner l’annulation pour défaut de compétence. Par définition, le détournement de pouvoir suppose que l’institution qui en est coupable disposait de la compétence pour adopter un acte, mais l’a utilisée en vue d’atteindre des fins autres que celles excipées. Les arguments invoqués par la requérante relèvent donc des moyens pris du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation et seront examinés dans ce cadre.

125. Il s’ensuit que le moyen pris du défaut de compétence doit être rejeté.

126. S’agissant des troisième et quatrième moyens, tirés respectivement du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation, ceux-ci étant étroitement liés, le Tribunal considère qu’il convient de les examiner conjointement.

Sur les troisième et quatrième moyens, tirés du détournement de pouvoir et de l’erreur manifeste d’appréciation

Arguments des parties

127. La requérante soutient que la Commission a abusé de sa compétence d’exécution conférée par le Conseil conformément au règlement OCM en ce que, sous couvert de renforcer les critères de qualité pour l’achat du maïs à l’intervention, elle aurait en fait changé la substance même du régime d’intervention de cette céréale.

128. La requérante met en doute la crédibilité de la poursuite de l’objectif de standardisation par l’adoption du critère du poids spécifique minimal. L’adoption de ce nouveau paramètre de qualité pour le maïs serait manifestement inappropriée pour réaliser l’objectif de standardisation dans la mesure où il ne constitue toujours pas un critère d’éligibilité à l’intervention pour le sorgho.

129. À supposer que l’introduction de la condition du poids spécifique ait été nécessaire aux fins de l’harmonisation et dans la mesure où cet objectif laisse une marge d’appréciation étendue, la situation de la Hongrie, ainsi que celle d’autres États membres, aurait dû amener la Commission à fixer la condition du poids spécifique à un niveau plus bas et à appliquer une réfaction plus importante que celle de deux points finalement retenue.

130. La requérante prétend que les dispositions attaquées ne visent pas à obtenir une standardisation, mais à exclure de l’intervention une partie considérable de la production hongroise et d’Europe centrale de maïs en raison du problème de la gestion des stocks. Cela serait confirmé par le fait qu’environ la moitié des variétés dites « à dent de cheval » cultivées par les producteurs hongrois ne remplirait pas le critère du poids spécifique fixé par la Commission.

131. La requérante se réfère, à cet égard, à l’allocution du membre de la Commission, M me  Fischer Boel, prononcée le 11 mai 2006 à Budapest, dans laquelle celle-ci a souligné que le secteur des céréales était confronté à un grave problème d’accroissement des stocks, qui ne serait qu’en partie la conséquence des récoltes abondantes des deux dernières années, car il résulterait en réalité de dysfonc tionnements du marché intérieur, à savoir la difficulté d’exporter le surplus des stocks des régions où le prix est inférieur au prix d’intervention vers les régions où les prix sont supérieurs. Lors de cette conférence, la Commission aurait fait état de son souhait de trouver une solution à long terme à ce nouveau problème.

132. En outre, la requérante soutient que, si l’objectif réellement poursuivi était la transformation du régime d’intervention, la Commission aurait, en renforçant les critères de qualité visés par le règlement n° 824/2000, outrepassé ses compétences d’exécution et méconnu la compétence du Conseil auquel il revenait de modifier le règlement OCM.

133. La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que, en fixant le poids spécifique du maïs à un niveau si élevé, elle n’a pas tenu compte de l’utilisation principale du maïs en tant qu’alimentation pour le bétail ni de la qualité moyenne des céréales récoltées dans la Communauté comme le précise le considérant 1 du règlement n° 824/2000.

134. La requérante considère que l’utilisation du maïs en tant qu’alimentation humaine ou animale influence dans une large mesure le niveau des critères qui définissent la qualité moyenne de la céréale de sorte que, lorsque le maïs est destiné à l’alimentation humaine, un niveau élevé des critères de qualité est justifié.

135. La requérante fait valoir que, dans la Communauté, le maïs est principalement destiné à nourrir le bétail et que, jusqu’à l’entrée en vigueur du Règlement, le critère du poids spécifique n’était pas utilisé pour cette céréale. Les valeurs standard fixées aux États-Unis et au Canada seraient justifiées, puisque, à la différence de celui cultivé en Europe, le maïs nord-américain serait destiné à l’alimentation humaine. Le critère du poids spécifique de 71 kg/hl retenu par la Commission correspondrait, selon ces standards, à un maïs de qualité supérieure destiné à l’alimentation humaine, alors que, dans ces pays, le maïs utilisé comme fourrage pour le bétail correspondrait à une qualité inférieure à celle destinée à l’alimentation humaine et aurait un poids spécifique de 64,8 kg/hl pour le Canada et de 67,2 kg/hl pour les États-Unis.

136. La requérante considère, par conséquent, que le niveau du poids spécifique tel que fixé par la Commission à 71 kg/hl est injustifié pour du maïs destiné principalement à l’alimentation animale et aurait dû être adapté à la qualité moyenne du maïs utilisé à cette fin et être de l’ordre de 64,8 à 67,2 kg/hl, voire moins.

137. Enfin, la requérante relève que les poids spécifiques retenus par la Commission pour les autres types de céréales sont du même ordre que les valeurs américaines.

138. La Commission conteste avoir voulu, sous couvert du renforcement des critères de qualité du maïs, modifier fondamentalement le régime d’intervention. Elle estime que la requérante n’avance aucun faisceau d’indices au soutien de cette thèse qui reposerait uniquement sur un discours prononcé par le membre de la Commission, M me  Fischer Boel, en mai 2006. La Commission soutient que si, lors de cette allocution, le membre de la Commission a effectivement fait part de la nécessité de mettre en place des solutions à long terme pour régler le nouveau problème qui affecte le régime d’intervention, elle pensait à une proposition de règlement modifiant l’organisation commune du marché des céréales visée par le règlement OCM en vue de supprimer le maïs du régime d’intervention. La Commission indique à cet égard qu’elle a adopté une proposition de règlement en ce sens le 15 décembre 2006.

139. La Commission, tout en reconnaissant que l’introduction des dispositions attaquées est liée au problème de l’accroissement des stocks d’intervention résultant notamment des campagnes 2004/2005 et 2005/2006 exceptionnelles, fait valoir qu’il ressort de l’exposé des motifs du Règlement que l’objectif poursuivi est d’assurer que les stocks d’intervention actuels soient constitués de céréales de bonne qualité permettant de les conserver et de garantir une utilisation ultérieure. Elle conteste que le Règlement se limite à répondre à un simple souci de standardisation, puisque aucun critère de poids spécifique n’a été fixé pour le sorgho dans la mesure où les organismes d’intervention ne font pas face au problème de stockage de longue durée pour cette céréale.

140. La Commission conteste également avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en renforçant les critères de qualité pour le maïs.

141. La Commission fait valoir que l’absence de critère du poids spécifique pour le maïs justifiait jusqu’alors la teneur du considérant 1 du règlement n° 824/2000 qui se réfère à des critères de qualité « correspondant autant que possible aux qualités moyennes » des céréales récoltées dans la Communauté. Toutefois, elle a estimé nécessaire, comme ce fut le cas pour les autres céréales éligibles à l’intervention, d’augmenter la qualité du maïs présenté à l’intervention aux fins d’éviter une dégradation trop rapide des stocks et de s’assurer d’une qualité « vendable » de celui-ci ultérieurement. La Commission estime, par conséquent, que les modifications actuelles sont dictées par l’objectif poursuivi par le Règlement et qu’elle n’est pas liée par le considérant 1 du règlement n° 824/2000.

142. La Commission soutient que le choix du poids spécifique minimal fixé à 71 kg/hl correspond au standard américain et permet à la plus grande partie de la production européenne de remplir ce critère, compte tenu des conditions climatiques durant la campagne 2006/2007.

143. La Commission souligne que la requérante ne démontre pas que le maïs américain de qualité supérieure est uniquement destiné à l’alimentation humaine. Elle relève que le maïs destiné à l’alimentation humaine est constitué de variétés très particulières qui ne sont pas visées par les dispositions attaquées (maïs « flint », maïs doux). En outre, les situations américaine et européenne ne seraient pas comparables dès lors que le stockage aux États-Unis serait de courte durée et que la commercialisation du maïs serait en général immédiate.

Appréciation du Tribunal

144. À titre principal, la requérante soutient, en substance, que le poids spécifique n’est pas un facteur de qualité, à tout le moins lorsque, comme dans la Communauté, le maïs est essentiellement destiné à l’alimentation animale. À titre subsidiaire, elle fait valoir que, en tout état de cause, les dispositions attaquées ont fixé le poids spécifique minimal à un niveau trop élevé.

145. Selon une première explication avancée incidemment par la Commission, le poids spécifique constituerait un critère pertinent pour le maïs au motif qu’il existerait un lien entre la teneur en eau et le poids spécifique de celui-ci.

146. Cette argumentation doit être écartée d’emblée. En effet, d’une part, non seulement cette justification ne trouve aucun appui dans le texte du Règlement, mais, en outre, la Commission a expressément soutenu que le renforcement des critères relatifs au taux d’humidité ainsi qu’aux pourcentages de grains brisés et chauffés visait à éviter une détérioration trop rapide des grains de maïs, tandis que le critère du poids spécifique concernait la qualité intrinsèque du maïs. D’autre part, la Commission ne saurait justifier de la pertinence du critère du poids spécifique en arguant de l’éventuelle incidence indirecte du poids spécifique sur la teneur en humidité dès lors que le Règlement prévoit déjà un critère fixant directement et expressément le taux maximal d’humidité en vue de l’admissibilité du maïs à l’intervention.

147. Plus fondamentalement, la Commission soutient que le poids spécifique a une influence sur la qualité du grain et que le niveau retenu est approprié. Elle précise que, tandis que les trois facteurs préexistants, humidité, pourcentage de grains brisés et pourcentage de grains chauffés, permettent d’éviter une détérioration trop rapide, le critère du poids spécifique permet d’assurer une qualité intrinsèque du maïs.

148. Il y a lieu de relever que le considérant 2 du Règlement expose qu’il convient de ne pas accepter à l’intervention des céréales dont la qualité ne permet pas une utilisation ou un stockage adéquats et de prendre en compte, à cette fin, la nouvelle situation liée notamment au stockage de longue durée et à ses effets sur la qualité des produits. Le considérant 3 indique ensuite :

« En conséquence, il s’avère nécessaire, en vue de rendre les produits d’intervention moins fragiles en termes de dégradation et d’utilisation ultérieure, de procéder à un renforcement des critères de qualité du maïs prévus à l’annexe I du règlement […] n° 824/2000. À cette fin, il convient de réduire la teneur maximale en humidité ainsi que le pourcentage maximal de grains brisés et de grains chauffés par séchage […] En outre, par cohérence avec les autres céréales éligibles au régime d’intervention, il convient également d’introduire un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs. »

149. Ainsi, s’il y a lieu de constater que, formellement, l’introduction d’un nouveau critère de poids spécifique pour le maïs figure, au sein du même considérant, parmi les mesures introduites en vue de répondre à l’objectif général de stockage des céréales mentionné au considérant 2, il n’en demeure pas moins qu’il ressort de la formulation du considérant 3 que l’introduction dudit critère n’est pas explicitement justifiée par la nécessité de rendre les produits d’intervention moins fragiles en termes de dégradation et d’utilisation ultérieure – seul le renforcement des critères de qualité que sont la teneur maximale en humidité et le pourcentage maximal de grains brisés et de grains chauffés par séchage étant visé à cet égard –, mais fait l’objet d’un motif spécifique, à savoir la nécessité d’assurer la cohérence avec les régimes applicables aux autres céréales éligibles au régime d’intervention.

150. Il convient dès lors de constater que le Règlement ne précise pas clairement et explicitement que l’introduction du critère du poids spécifique pour le maïs vise, en sus de la nécessité d’assurer la cohérence avec les régimes applicables aux autres céréales, à renforcer les critères de qualité du maïs.

151. Ainsi, le Règlement ne fait pas état de ce que le poids spécifique constitue un critère de qualité du maïs et, a fortiori, n’expose pas en quoi ce facteur peut être considéré comme pertinent pour apprécier la qualité du maïs.

152. Il s’ensuit que les explications fournies par la Commission en cours d’instance et selon lesquelles le poids spécifique constitue un critère de qualité pertinent ne correspondent pas à la raison d’être de l’introduction de ce critère telle qu’elle ressort d’une lecture stricte du Règlement. À supposer néanmoins que lesdites explications, bien que de nature sensiblement différentes des motifs exposés dans le Règlement, puissent être considérées comme complémentaires et non contradictoires avec lesdits motifs, le Tribunal examinera si c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a considéré que le poids spécifique constitue effectivement un critère de qualité pertinent pour le maïs, ce que conteste la requérante.

153. À cet égard, au soutien de son grief, la requérante a produit deux études (annexe A.3c et annexe A.10 de la requête) selon lesquelles le poids spécifique du maïs n’a pas d’incidence sur la valeur alimentaire du produit pour l’alimentation animale et humaine.

154. En réponse à ces arguments dûment étayés, la Commission s’est bornée à affirmer itérativement que le poids spécifique a une influence sur la qualité du grain de maïs. À l’exception d’un seul passage du mémoire en défense, elle n’a pas indiqué en quoi ce critère serait pertinent pour apprécier la qualité intrinsèque du maïs ni fourni la moindre étude ou le moindre document à l’appui de cette allégation. De même, lors de l’audience, en dépit des questions répétées du Tribunal, la Commission n’a pas été en mesure de fournir d’explications précises à cet égard.

155. Quant à la seule indication, figurant dans le mémoire en défense (point 90), tendant à expliciter en quoi le poids spécifique serait pertinent pour l’appréciation de la qualité du maïs, il convient de relever que, selon celle-ci, le poids spécifique a une incidence sur la valeur nutritive du maïs.

156. Or, ainsi que le fait valoir la requérante, force est de constater que cette affirmation est expressément contredite par la seule étude fournie par la Commission elle-même à cet égard. En effet, selon les termes univoques du document, figurant en annexe B.20 du mémoire en défense, intitulé « Guide pratique – Stockage et conservation des grains à la ferme – Principes généraux », « [i]l n’y a toutefois aucune relation entre la valeur alimentaire pour l’alimentation animale et humaine et le poids spécifique d’un grain ». Ce document explique, par ailleurs, que, autrefois, la connaissance du poids spécifique d’un lot de maïs était indispensable dès lors que, jusqu’au milieu du 20 e siècle, les céréales étant encore souvent commercialisées au volume, il fallait mesurer leur poids spécifique pour connaître exactement les masses livrées. Le poids spécifique ne serait plus utile de nos jours, du fait de la généralisation du pont-bascule.

157. Interrogée par le Tribunal lors de l’audience sur cette contradiction manifeste entre ses allégations et les pièces destinées à les étayer, la Commission s’est contentée de faire observer que ce même document indique que le poids spécifique reflète une certaine qualité physique. Or, outre qu’une telle indication ne se rapporte pas à la question du lien entre le poids spécifique et la valeur nutritive du maïs, une lecture attentive dudit document révèle que, si le poids spécifique a certes été conservé, ce n’est que « dans les transactions commerciales portant sur les céréales à paille » et dans la mesure où cela « reflète tout au plus une certaine qualité physique des grains ».

158. La Commission n’a donc pas été en mesure de dissiper la contradiction constatée de sorte que son allégation selon laquelle le poids spécifique reflète la valeur nutritive du maïs non seulement n’est étayée par aucun élément de preuve, mais constitue, de surcroît, une erreur manifeste d’appréciation au regard des seuls éléments dont dispose le Tribunal dans le cadre du présent recours.

159. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qu’il n’appartient pas au Tribunal de se substituer aux parties dans l’administration de la preuve, le Tribunal ne peut que constater que le Règlement est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

160. Les arguments invoqués par la Commission lors de l’audience, tirés des trois extraits de publications joints en annexes A.3b, A.3d et A.11 à la requête ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

161. S’agissant du document de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture intitulé « L’après-récolte des grains – organisation et techniques » (figurant à l’annexe A.3b de la requête), il suffit de constater qu’il n’aborde aucunement la question du poids spécifique du maïs.

162. S’agissant de l’étude de l’université du Minnesota intitulée « Drying, Handling, and Storing Wet, Immature, and Frost-Damaged Corn » (« Sécher, manipuler et stocker du maïs humide, immature et endommagé par le froid ») (jointe en annexe A.3d à la requête), si, ainsi que la Commission l’a souligné, il y est indiqué qu’un grain de basse qualité se conserve moins bien qu’un grain de qualité supérieure, il n’y est toutefois établi aucun lien entre la qualité du grain et son poids spécifique, lequel n’est d’ailleurs pas même mentionné.

163. S’agissant du document de la Commission canadienne des grains joint en annexe A.11 à la requête, il convient de relever qu’il s’agit d’une impression papier d’une page Internet intitulée « Table de conversion du poids spécifique » rassemblant des liens vers des sites de conversion des unités de mesure, anglo-saxonnes et européennes, du poids spécifique de différentes céréales et qu’ainsi il est totalement dépourvu de pertinence en l’espèce.

164. Enfin, en réponse aux questions du Tribunal, la Commission a fait référence à une étude dont elle a reconnu qu’elle ne figurait pas au dossier, mais qui serait annexée à ses secondes observations déposées dans le cadre de la procédure en référé. Or, ce document ne figurant pas au dossier dans le cadre du présent recours, le Tribunal ne peut en apprécier la pertinence. Par ailleurs, force est de constater que la Commission n’a pas expressément formulé de demande tendant à ce que ce document soit versé à la procédure. À supposer même qu’il faille interpréter la réponse de la Commission comme une telle demande, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 46 du règlement de procédure, les arguments de fait et de droit ainsi que les offres de preuve doivent, en principe, être formulés dans le mémoire en défense. Selon l’article 48, paragraphe 1, dudit règlement, les parties peuvent encore faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à condition qu’elles motivent le retard apporté à la présentation de celles-ci, sous peine d’entraîner leur rejet (arrêts du Tribunal du 28 septembre 1993, Nielsen et Møller/CES, T‑84/92, Rec. p. II‑949, point 39 ; du 14 juillet 1994, Herlitz/Commission, T‑66/92, Rec. p. II‑531, point 41, et du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 19). En outre, il convient de souligner que la pertinence du poids spécifique en tant que critère de qualité du maïs constituait la question centrale qui a été soulevée par la requérante dès le stade de la requête et qui l’avait déjà été, par la requérante et d’autres États membres, lors de l’élaboration du projet de règlement. Dès lors, en l’absence de toute motivation quant au retard apporté dans l’offre de preuve, celle-ci serait en tout état de cause irrecevable.

165. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions du Règlement relatives au critère du poids spécifique pour le maïs doivent être annulées conformément aux conclusions de la requérante.

166. Au demeurant, il y a lieu d’observer que la proposition de règlement du 15 décembre 2006 visant à supprimer le maïs du régime de l’intervention à partir de la campagne 2007/2008 ne mentionne, au titre des critères de qualité renforcés par le Règlement, que le taux d’humidité ainsi que les taux de grains brisés et de grains chauffés, sans même évoquer le critère du poids spécifique.

167. Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner si le faisceau d’indices invoqués par la requérante est de nature à établir un détournement de pouvoir de la part de la Commission ni les autres moyens tirés de la violation de l’obligation de motivation et de la violation du règlement de procédure du Comité de gestion des céréales.

Sur les dépens

168. Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante, en ce compris ceux afférents à la procédure en référé.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Les dispositions du règlement (CE) n° 1572/2006 de la Commission, du 18 octobre 2006, modifiant le règlement (CE) n° 824/2000 fixant les procédures de prise en charge de céréales par les organismes d’intervention ainsi que les méthodes d’analyse pour la détermination de la qualité, relatives au critère du poids spécifique pour le maïs sont annulées, à savoir :

– à l’article 1 er , point 1), les mots « et, dans le cas du maïs, les méthodes traditionnelles appliquées » ;

– à l’article 1 er , point 3), sous b), les mots « 73 kg/hl pour le maïs » ;

– à la ligne « E. Poids spécifique minimal (kg/hl) » du tableau du point 1) de l’annexe, la valeur « 71 », relative au maïs ;

– au tableau III du point 2) de l’annexe, les valeurs de réfaction du prix d’intervention concernant le maïs.

2) La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, en ce compris ceux afférents à la procédure en référé.