61993A0481

Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 13 décembre 1995. - Vereniging van Exporteurs in Levende Varkens et autres et Nederlandse Bond van Waaghouders van Levend Vee et autres contre Commission des Communautés européennes. - Porcs vivants - Décisions 93/128/CEE et 93/177/CEE de la Commission, relatives à certaines mesures de protection, au regard de la maladie vésiculeuse du porc, aux Pays-Bas et en Italie - Recours en annulation - Recours en indemnité. - Affaires jointes T-481/93 et T-484/93.

Recueil de jurisprudence 1995 page II-02941


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Recours en annulation ° Intérêt à agir ° Recours dirigé contre un acte abrogé ° Effets respectifs de l' abrogation et de l' annulation

(Traité CEE, art. 174 et 176)

2. Recours en annulation ° Personnes physiques ou morales ° Actes les concernant directement et individuellement ° Décision de la Commission, adoptée sur la base de la directive 90/425 et adressée aux États membres, interdisant l' exportation d' une espèce animale à partir de certains d' entre eux ou la soumettant à des conditions particulières ° Opérateurs du secteur concerné et associations les regroupant

(Traité CEE, art. 173, alinéa 2; directive du Conseil 90/425)

3. Recours en indemnité ° Caractère autonome par rapport au recours en annulation ° Épuisement des voies de recours internes ° Exception ° Impossibilité d' obtenir réparation devant le juge national à raison de l' imputabilité du préjudice à la Communauté

(Traité CEE, art. 178)

4. Responsabilité non contractuelle ° Conditions ° Acte normatif impliquant des choix de politique économique ° Décision de la Commission, fondée sur l' article 10, paragraphes 3 et 4, de la directive 90/425, interdisant l' exportation d' une espèce animale à partir de certains États membres ou la soumettant à des conditions particulières ° Violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers

(Traité CEE, art. 43 et 215, alinéa 2; directive du Conseil 90/425, art. 10, § 3 et 4)

5. Responsabilité non contractuelle ° Conditions ° Acte normatif impliquant des choix de politique économique ° Violation suffisamment caractérisée d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers ° Interdiction ou mesures restrictives visant les exportations d' une espèce animale à partir de certains États membres dans le but d' éviter la propagation d' une épidémie ° Principes de proportionnalité, d' égalité de traitement et de protection de la confiance légitime ° Violation ° Absence ° Responsabilité non engagée

(Traité CEE, art. 215, alinéa 2; directive du Conseil 90/425, art. 10, § 3 et 4; décisions de la Commission 93/128 et 93/177)

Sommaire


1. Un requérant peut justifier d' un intérêt à introduire un recours en annulation à l' encontre d' un acte abrogé, car l' abrogation n' entraîne pas les mêmes effets juridiques qu' une annulation éventuelle par le Tribunal. En effet, l' abrogation d' un acte d' une institution n' est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, alors que son annulation produit un effet ex tunc. De plus, dans le cas où un acte est annulé, l' institution dont il émane est tenue, en vertu de l' article 176 du traité, de prendre les mesures qu' implique l' exécution de l' arrêt, ce qui peut comporter une remise en état adéquate pour effacer les conséquences qu' avait produites l' acte ou la renonciation à adopter un acte identique.

2. Est irrecevable le recours en annulation, dirigé contre une décision de la Commission, prise sur le fondement de la directive 90/425, relative aux contrôles sanitaires dans les échanges intracommunautaires de certains animaux et adressée aux États membres, interdisant les exportations d' une espèce à partir de certains États membres ou imposant à ces États des mesures spécifiques de contrôle vétérinaire, introduit par des opérateurs exerçant, dans les États membres visés, une activité de négoce ou d' exportation des espèces concernées.

Ces opérateurs ne sont pas, en effet, atteints par une telle décision en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d' une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, de telle sorte qu' ils puissent être considérés comme individuellement concernés au sens de l' article 173, deuxième alinéa, du traité. En premier lieu, le fait que leur nombre et leur identité auraient été connus avant l' adoption de la décision n' est pas suffisant pour leur conférer cette qualité. En second lieu, ils ne sauraient se prévaloir du fait qu' ils auraient participé ou dû participer au processus ayant conduit à l' adoption de la décision, car les opérateurs économiques ne bénéficient pas du droit d' être entendus lorsque la Commission adopte des mesures conservatoires au titre de la directive précitée, et n' ont pas vu leur position modifiée du seul fait qu' ils se sont adressés à la Commission pour critiquer la décision prise. Enfin, la Commission n' était pas tenue de tenir compte des conséquences qu' allait produire sa décision sur leur situation.

Est également irrecevable le recours dirigé contre la même décision par une association regroupant lesdits opérateurs, faute pour celle-ci de pouvoir faire état d' un intérêt propre qu' elle pourrait tirer d' une position de négociatrice qu' elle aurait occupée face à la Commission ou de pouvoir prétendre s' être substituée à ses adhérents qui auraient eux-mêmes disposé d' un droit de recours.

3. L' action en indemnité est une voie de recours autonome ayant sa fonction propre dans le cadre du système des voies de recours prévu par le traité.

Un recours en indemnité n' est irrecevable pour absence d' épuisement des voies de recours internes que si les voies de recours nationales assurent de manière efficace la protection des particuliers qui s' estiment lésés par les actes des institutions communautaires. Tel n' est pas le cas lorsque l' illégalité alléguée n' émane pas d' un organisme national, mais d' une institution communautaire. En effet, on est alors en présence d' un préjudice imputable à la Communauté, dont la réparation ne peut être assurée par le recours aux voies de droit nationales, puisque le juge communautaire dispose d' une compétence exclusive pour connaître des recours visant à la réparation d' un tel préjudice.

4. La responsabilité non contractuelle de la Communauté pour des actes normatifs, notamment ceux regardant la politique économique, ne saurait être engagée qu' en présence d' une violation d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. Si l' institution a adopté l' acte dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation, l' engagement de la responsabilité de la Communauté exige, en outre, que la violation soit caractérisée, c' est-à-dire qu' elle revête un caractère manifeste et grave.

Tel est précisément le cas lorsque des opérateurs économiques entendent mettre en cause la responsabilité de la Communauté dans une hypothèse où la Commission, dans le domaine de la politique agricole commune, a fait usage du pouvoir qu' elle détient en vertu de l' article 10, paragraphes 3 et 4, de la directive 90/425 pour, par voie de décision adressée aux États membres, édicter une interdiction d' exportation d' une espèce animale à partir de certains États membres ou imposer des conditions particulières à de telles exportations.

Figurent au nombre des règles supérieures de droit protégeant les particuliers le principe de proportionnalité, l' interdiction du détournement de pouvoir, le principe d' égalité de traitement, le principe de protection de la confiance légitime et le droit d' être entendu.

5. Ni la décision 93/128, qui interdit les exportations d' une espèce animale à partir de certains États membres, ni la décision 93/177, qui soumet ces mêmes exportations à des conditions particulières, n' engagent la responsabilité de la Communauté à l' égard des opérateurs exerçant, dans les États membres visés, une activité de négoce ou d' exportation des espèces concernées, dans le chef desquels l' adoption de ces décisions n' a pas constitué une violation manifeste et grave des principes de proportionnalité, d' égalité de traitement ou de protection de la confiance légitime.

D' une part, en effet, dans une situation d' urgence, caractérisée par l' apparition d' une maladie dangereuse susceptible, compte tenu de l' importance des courants d' exportation, de se propager facilement dans d' autres États membres et par le risque de voir certains États membres arrêter des mesures unilatérales de protection, la Commission n' a pas, en adoptant dans un but de protection de la santé publique et de la santé animale la décision 93/128, de durée d' application limitée, puis la décision 93/177 qui a permis une reprise des exportations, violé de manière manifeste et grave le principe de proportionnalité.

D' autre part, il ne saurait être reproché à la Commission une violation du principe d' égalité de traitement, dès lors que la situation dans les États membres dont les exportations étaient visées par lesdites décisions n' était pas comparable à celle prévalant dans les autres États membres.

Enfin, les opérateurs dont l' activité a été entravée ne pouvaient légitimement espérer que, placée dans une situation telle que celle à laquelle elle s' est trouvée confrontée, la Commission ne prendrait pas des mesures du type de celles qu' elle a arrêtées.

Parties


Dans les affaires jointes T-481/93 et T-484/93,

Vereniging van Exporteurs in Levende Varkens, association de droit néerlandais, établie à Roosendaal (Pays-Bas), ainsi que les personnes physiques et morales membres de cette association dont les noms figurent sur la liste annexée au présent arrêt,

et

Nederlandse Bond van Waaghouders van Levend Vee, association de droit néerlandais, établie à Roosendaal (Pays-Bas), ainsi que les personnes physiques et morales membres de cette association dont les noms figurent sur la liste annexée au présent arrêt,

représentées par Me Inne Cath, avocat au barreau de La Haye, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Lambert Dupong, 14, rue des Bains,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Thomas van Rijn, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Mes Tom Ottervanger, avocat au barreau de Rotterdam, et Harold Nyssens, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d' une part, l' annulation des décisions 93/128/CEE et 93/177/CEE de la Commission en date, respectivement, du 26 février et du 26 mars 1993, relatives à certaines mesures de protection, au regard de la maladie vésiculeuse du porc, aux Pays-Bas et en Italie (JO L 50, p. 29, et JO L 74, p. 88), et, d' autre part, l' octroi de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMI RE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. C. P. Briët, faisant fonction de président, C. W. Bellamy et J. Azizi, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 juillet 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


Contexte

1 Le présent litige se place dans le contexte de la lutte contre la propagation de la maladie vésiculeuse du porc dans les États membres. Bien que cette maladie ne soit pas dangereuse pour les animaux, elle est combattue de manière intensive dans la Communauté en raison de sa similitude, du point de vue clinique, avec la fièvre aphteuse, une maladie très contagieuse entraînant le plus souvent la mort des animaux atteints.

Cadre réglementaire

2 La directive 90/425/CEE du Conseil, du 26 juin 1990, institue un système de contrôles vétérinaires et zootechniques applicables dans les échanges intracommunautaires de certains animaux vivants et produits dans la perspective de la réalisation du marché intérieur (JO L 224, p. 29, ci-après "directive 90/425"). Les animaux visés par la directive 90/425 sont, entre autres, les porcs vivants.

3 La directive 90/425 envisage de supprimer les contrôles vétérinaires effectués aux frontières internes de la Communauté en remplaçant ceux-ci, d' une part, par des contrôles effectués dans l' État membre d' expédition et, d' autre part, par des contrôles par sondage et de nature non discriminatoire effectués dans l' État membre de destination.

4 Les articles 8 et 9 de la directive 90/425 ont trait aux mesures que les États membres de destination et d' expédition sont tenus de prendre dans le cas où, lors d' un contrôle au lieu de destination de l' envoi ou en cours de transport, les autorités compétentes d' un État membre constatent la présence d' agents responsables d' une maladie telle que la maladie vésiculeuse du porc.

5 L' article 10 de la directive 90/425 a trait aux mesures de prévention et aux mesures conservatoires qui peuvent être prises dans un pareil cas. Les paragraphes 3 et 4 de cet article revêtent une importance particulière pour le présent litige. L' article 10, paragraphe 3, se lit comme suit:

"Si la Commission n' a pas été informée des mesures prises ou si elle estime les mesures insuffisantes, elle peut, en collaboration avec l' État membre concerné, dans l' attente de la réunion du comité vétérinaire permanent, prendre des mesures conservatoires à l' égard des animaux ... provenant de la région touchée par l' épizootie ou d' une exploitation, d' un centre ou d' un organisme donnés. Ces mesures sont soumises au comité vétérinaire permanent dans les délais les plus brefs pour être confirmées, modifiées ou infirmées selon la procédure prévue à l' article 17."

6 L' article 10, paragraphe 4, de la directive 90/425 se lit comme suit:

"Dans tous les cas, la Commission procède au sein du comité vétérinaire permanent, dans les meilleurs délais, à un examen de la situation. Elle arrête, selon la procédure prévue à l' article 17, les mesures nécessaires pour les animaux ... visés à l' article 1er ... Elle suit l' évolution de la situation et, selon la même procédure, modifie ou abroge, en fonction de cette évolution, les décisions prises."

7 L' article 2 de la directive 90/425 précise qu' il y a lieu d' entendre par "exploitation" l' établissement agricole où les animaux sont détenus et élevés de façon habituelle, et par "centre ou organisme" toute entreprise qui procède à la production, au stockage, au traitement ou à la manipulation des produits dérivés d' animaux visés par la directive.

Faits à l' origine des recours

8 Le 19 février 1993, les autorités italiennes ont adressé, par télécopie, à la Commission et à l' ambassade des Pays-Bas à Rome une lettre dans laquelle elles ont fait savoir que l' Institut zooprophylactique de Brescia (Italie) avait isolé le virus de la maladie vésiculeuse du porc sur 10 échantillons de rates et de reins de porcs vivants expédiés le 22 janvier 1993 d' Oirschot (Pays-Bas) vers l' Italie. Dans la lettre, les autorités italiennes ont précisé que cette information était transmise "aux fins de faciliter une enquête épidémiologique dans l' exploitation de provenance du lot en question".

9 Suite à l' envoi de cette lettre, les services de la Commission ont convoqué les autorités vétérinaires italiennes et néerlandaises à une réunion qui devait se tenir le 26 février 1993 à Bruxelles. Les autorités italiennes n' ayant pas donné suite à cette convocation, seules les autorités néerlandaises ont été informées à cette occasion que la Commission envisageait d' arrêter, le jour même, une décision interdisant les exportations de porcs vivants en provenance des Pays-Bas et d' Italie. Les autorités néerlandaises ont fait savoir qu' elles étaient en désaccord avec la décision envisagée.

10 Le soir même du 26 février 1993, la Commission a arrêté la décision 93/128/CEE, relative à certaines mesures de protection, au regard de la maladie vésiculeuse du porc, aux Pays-Bas et en Italie (JO L 50, p. 29, ci-après "décision 93/128").

11 Il ressort du deuxième visa de la décision 93/128 que celle-ci est fondée sur l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425. Dans les considérants, il est indiqué, entre autres, que, au cours de l' année 1992, certains foyers de maladie vésiculeuse du porc se sont déclarés aux Pays-Bas et en Italie; que le virus de la maladie a été isolé et que des anticorps dudit virus ont été détectés dans des porcs envoyés des Pays-Bas vers l' Italie; que, depuis 1991, la maladie est endémique en Italie; que la Commission a envoyé des missions d' experts aux Pays-Bas et en Italie afin d' examiner la situation; et que les porcs originaires des Pays-Bas et d' Italie sont susceptibles de mettre en danger les troupeaux des autres États membres au regard du commerce des porcs vivants.

12 Le dispositif de la décision 93/128 prévoit, dans son article 1er, que tant les Pays-Bas que l' Italie "n' expédient pas de porcs vivants provenant de (leur) territoire vers les autres États membres". L' article 2 dispose que "(l)es États membres modifient les mesures qu' ils appliquent aux échanges pour les rendre conformes à la présente décision". L' article 3 précise que "(l)a présente décision est applicable jusqu' au 1er avril 1993". Selon l' article 4, enfin, "(l)es États membres sont destinataires de la présente décision".

13 Le 3 mars 1993, l' avocat de la Vereniging van Exporteurs in Levende Varkens (association des exportateurs de porcs vivants, ci-après "VELV") a adressé à la Commission une lettre dans laquelle il contestait la légalité de la décision 93/128 et déclarait que l' institution serait tenue responsable des dommages qui en résulteraient.

14 Le comité vétérinaire permanent s' est réuni le 4 mars 1993. Aux dires de la Commission, les représentants de huit États membres se sont ralliés, lors de cette réunion, à la mesure prise par la Commission.

15 Le 9 mars 1993, l' avocat de la VELV a adressé à la Commission une seconde lettre dans laquelle il a déclaré, entre autres, que la décision 93/128 était une mesure disproportionnée parce qu' il était possible, selon lui, d' obtenir le même résultat par des mesures moins restrictives, comme des contrôles à l' exportation.

16 Les 10 et 11 mars 1993, les 16 et 17 mars 1993 ainsi que le 22 mars 1993, le comité vétérinaire permanent s' est à nouveau réuni pour discuter des projets de mesures soumis par la Commission afin de remplacer les interdictions d' exportation. Lors de sa réunion du 22 mars 1993, le comité a rendu un avis favorable sur trois projets de décision.

17 La Commission a arrêté les trois décisions le 26 mars 1993. Il s' agit de la décision 93/177/CEE, relative à certaines mesures de protection, au regard de la maladie vésiculeuse du porc, aux Pays-Bas et en Italie (JO L 74, p. 88, ci-après "décision 93/177"), de la décision 93/178/CEE, relative à certaines mesures de protection au regard de la maladie vésiculeuse du porc (JO L 74, p. 91), et de la décision 93/179/CEE, abrogeant la décision 93/128 (JO L 74, p. 93, ci-après "décision 93/179").

18 La décision 93/177, qui est adressée aux États membres, édicte un certain nombre de conditions à remplir lors du transport de porcs vivants d' Italie et des Pays-Bas vers d' autres États membres, ainsi que des critères à respecter pour les lieux de rassemblement. Le deuxième visa de la décision mentionne, dans la version en langue néerlandaise, que celle-ci est fondée sur l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425, alors que dans les autres versions linguistiques ce même visa dit que la décision est fondée sur l' article 10, paragraphe 4, de la directive.

19 Par décision 93/243/CEE, du 30 avril 1993, modifiant la décision 93/177 (JO L 110, p. 41, ci-après "décision 93/243"), la Commission a décidé que certaines mesures de la décision 93/177 ne s' appliquaient plus avec effet immédiat, tandis que d' autres mesures de la décision 93/177 ne s' appliqueraient plus à partir du 6 mai 1993.

La procédure

20 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 mai 1993, les parties requérantes, à savoir la VEVL et la Nederlandse Bond van Waaghouders van Levend Vee (ligue néerlandaise des exploitants de marché de bétail vivant, ci-après "NBWLV") ainsi que les personnes physiques et morales membres de ces associations dont les noms figurent sur la liste annexée au présent arrêt, ont introduit un recours en annulation de la décision 93/128 conformément à l' article 173 du traité ainsi qu' un recours en indemnité, fondé sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, visant à la réparation des dommages qu' elles prétendent avoir subi à cause de cette décision.

21 Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er juin 1993, les parties requérantes ont introduit un recours en annulation de la décision 93/177 conformément à l' article 173 du traité, ainsi qu' un recours en indemnité, fondé sur les articles 178 et 215, deuxième alinéa, du traité, visant à la réparation des dommages qu' elles prétendent avoir subis à cause de cette décision.

22 Par ordonnance du 27 septembre 1993, la Cour a renvoyé les affaires devant le Tribunal, en application de l' article 4 de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21). Le greffe du Tribunal a attribué aux deux affaires, respectivement, les numéros T-481/93 et T-484/93.

23 Par ordonnance du 29 mai 1995, le Tribunal (troisième chambre) a décidé, en application de l' article 50 du règlement de procédure, de joindre les deux affaires aux fins de la procédure orale et de l' arrêt.

24 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d' ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d' instruction préalables. L' audience publique, au cours de laquelle les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal, s' est déroulée le 11 juillet 1995.

Conclusions des parties

25 Dans l' affaire T-481/93, les parties requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours recevable;

° dans la mesure où le recours est recevable, déclarer nulle, en tout ou en partie, la décision 93/128;

° condamner la Commission à leur verser une indemnité réparant intégralement l' ensemble des dommages qu' elles ont subis ou vont encore subir suite aux mesures édictées par la décision 93/128, dommages qui seront ultérieurement déterminés ou précisés par elles, ou, à tout le moins, une indemnité que le Tribunal jugera adéquate, à majorer des intérêts légaux applicables aux Pays-Bas à calculer:

° pour la VELV et ses membres: à compter du 3 mars 1993, à savoir le jour auquel la Commission a été sommée par lettre du même jour, jusqu' au jour du parfait paiement;

° pour la NBWLV et ses membres: à compter du jour de l' introduction de la requête, jusqu' au jour du parfait paiement;

° ordonner toutes dispositions et mesures complémentaires que le Tribunal estimera adéquates;

° condamner la Commission aux dépens.

26 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours en annulation irrecevable ou le rejeter comme non fondé;

° rejeter le recours en indemnité comme non fondé;

° condamner les parties requérantes aux dépens de l' instance.

27 Dans l' affaire T-484/93, les parties requérantes concluent à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours recevable;

° dans la mesure où le recours est recevable, annuler, en tout ou en partie, ou déclarer nulle la décision 93/177;

° condamner la Commission à leur verser une indemnité réparant intégralement l' ensemble des dommages qu' elles ont subis ou vont encore subir suite aux mesures édictées par la décision 93/177, dommages qui seront ultérieurement déterminés ou précisés par elles, ou, à tout le moins, une indemnité que le Tribunal jugera adéquate, à majorer des intérêts légaux applicables aux Pays-Bas à compter du jour de l' introduction de la requête jusqu' au jour du parfait paiement;

° ordonner toutes dispositions et mesures complémentaires que le Tribunal estimera adéquates;

° condamner la Commission aux dépens.

28 La Commission conclut à ce qu' il plaise au Tribunal:

° déclarer le recours en annulation irrecevable ou le rejeter comme non fondé;

° rejeter le recours en indemnité comme non fondé;

° condamner les parties requérantes aux dépens de l' instance.

Sur la recevabilité

A ° Quant à la recevabilité des conclusions en annulation

Arguments des parties

29 Les parties requérantes admettent qu' elles ne sont pas les destinataires des décisions litigieuses, mais se déclarent directement et individuellement concernées par celles-ci au sens de l' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, alors en vigueur, de sorte que leurs conclusions en annulation seraient recevables.

30 Elles estiment que les décisions les concernent directement parce que l' interdiction d' exportation énoncée par la décision 93/128 et les mesures édictées par la décision 93/177 étaient immédiatement exécutoires au sens de l' arrêt de la Cour du 1er juillet 1965, Toepfer/Commission (106/63 et 107/63, Rec. p. 525, 533).

31 Les parties requérantes estiment que les décisions litigieuses les concernent individuellement pour trois raisons.

32 En premier lieu, elles font remarquer que leur nombre et leur identité étaient déjà constants avant l' adoption des décisions, élément qui aurait amené la Cour, dans l' arrêt Toepfer/Commission, précité, à considérer que le requérant en question était individuellement concerné.

33 En deuxième lieu, elles se réfèrent à leur participation au processus qui a mené à l' adoption des décisions litigieuses. Elles précisent quel a été ou aurait dû, selon elles, être leur rôle dans la procédure d' adoption.

34 Quant à la décision 93/128, elles s' appuient sur l' arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universitaet Muenchen (C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14), pour soutenir que c' est à tort que la Commission a refusé qu' elles fassent connaître leur point de vue avant l' adoption de la décision. Elles estiment, dès lors, qu' elles doivent avoir la possibilité de soumettre la validité de cette décision à l' examen du Tribunal par la voie d' un recours direct.

35 Quant à la décision 93/177, elles s' appuient sur l' arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, Rec. p. 391, point 24), et rappellent que, immédiatement après que la Commission eut arrêté la décision 93/128, elles ont formulé des griefs à l' encontre de cette décision et prié la Commission, à plusieurs reprises, de prendre en considération des mesures de rechange concrètement définies. Elles estiment donc avoir joué un rôle actif dans le cadre du processus d' adoption de la décision 93/177.

36 En troisième lieu, enfin, les parties requérantes font valoir, dans leur mémoire en réplique, que, comme dans l' arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207, points 19 et 31), les décisions litigieuses ont rendu impossible, en tout ou en partie, l' exécution de contrats d' approvisionnement et de livraison qu' elles avaient conclus avant leur adoption. Elles offrent de fournir des informations sur ces contrats.

37 Les parties requérantes affirment que les deux associations figurant parmi elles sont directement et individuellement concernées par les décisions litigieuses en leur qualité de négociateur agissant dans l' intérêt de leurs membres, comme c' était le cas du Landbouwschap dans l' arrêt de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 17 à 25, plus particulièrement point 21). Par ailleurs, elles relèvent qu' il ressort de l' arrêt Technische Universitaet Muenchen, précité, que le simple fait que la Commission n' a pas voulu connaître le point de vue de ces associations ne saurait faire obstacle à l' application, en l' espèce, du principe consacré par l' arrêt Van der Kooy e.a./Commission.

38 La Commission fait observer que les décisions contestées ont une portée générale, de sorte qu' elles atteignent les parties requérantes en raison de leurs qualités objectives d' exportateurs et d' exploitants de marchés, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique (arrêt de la Cour du 14 juillet 1983, Spijker/Commission, 231/82, Rec. p. 2559, point 9, et ordonnance du 21 juin 1993, Van Parijs e.a./Conseil et Commission, C-257/93, Rec. p. I-3335, point 12). Elle estime, dès lors, que les décisions ne concernent pas individuellement les parties requérantes et que, partant, les conclusions en annulation sont irrecevables.

39 Elle souligne que le fait que les actes contestés sont des décisions et non pas des règlements n' enlève rien à leur caractère général, étant donné que, conformément à l' arrêt de la Cour du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil (6/68, Rec. p. 595, 604), la forme d' un acte est sans incidence sur la nature de celui-ci. Par ailleurs, elle souligne que le caractère général des décisions attaquées ressort également du fait qu' elles sont destinées à tous les États membres, et non pas seulement aux Pays-Bas et à l' Italie.

40 La Commission expose, en outre, qu' il ressort de l' arrêt de la Cour du 18 janvier 1979, Usines de Beauport/Conseil (103/78 à 109/78, Rec. p. 17, points 15 et 16), que des limites de caractère territorial apportées au champ d' application d' un acte communautaire ne mettent pas en cause la nature normative de celui-ci. De plus, elle soutient que, conformément à l' arrêt Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, précité (p. 605), le caractère général d' un acte n' est pas davantage mis en cause par la limitation de la durée de cet acte.

41 Quant à l' argument des parties requérantes selon lequel leur nombre et leur identité étaient déjà constants avant que les décisions ne soient arrêtées, la Commission fait remarquer qu' il ressort de l' arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a. et Grèce/Commission (97/86, 193/86, 99/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 13), que la portée générale et, partant, la nature réglementaire d' un acte ne sont pas mis en cause par la possibilité de déterminer le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels il s' applique à un moment donné, tant qu' il est constant que cette application s' effectue en vertu d' une situation objective de droit ou de fait définie par l' acte, en relation avec la finalité de ce dernier.

42 La Commission affirme que c' est à tort que les parties requérantes invoquent l' arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, parce que cette affaire concernait le domaine des aides d' État, dans lequel certains droits sont explicitement garantis aux particuliers, ce qui ne serait pas le cas en l' espèce.

43 A propos de l' arrêt Piraiki-Pitraiki e.a./Commission, précité, elle fait valoir que la prétendue conclusion par les parties requérantes de contrats de livraison avant l' adoption des décisions litigieuses ne saurait avoir une influence sur la qualification des décisions parce que l' intérêt de la protection sanitaire des porcs nécessite des mesures immédiatement applicables.

44 La Commission relève que, en tout état de cause, les associations qui figurent parmi les parties requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées. Selon elle, ces associations se trouvent dans une situation différente de celle dans laquelle le Landbouwschap se trouvait dans l' affaire Van der Kooy e.a./Commission, précitée, de sorte que la jurisprudence de la Cour, selon laquelle un recours introduit par des associations se trouvant dans une situation comme celle de l' espèce est irrecevable, s' applique (ordonnance de la Cour du 11 juillet 1979, Fédération nationale des producteurs de vins de table et vins de pays/Commission, 60/79, Rec. p. 2429, 2432).

45 Enfin, la Commission soutient que les conclusions en annulation sont irrecevables du simple fait que les parties requérantes n' ont plus d' intérêt à faire annuler les décisions contestées. En effet, d' après elle, avant l' introduction du recours dans l' affaire T-481/93, la décision 93/128 avait été abrogée par la décision 93/179, tandis que, avant l' introduction du recours dans l' affaire T-484/93, la décision 93/177 avait été abrogée en grande partie, notamment sur les points que contestent les parties requérantes, par la décision 93/243.

Appréciation du Tribunal

Sur l' intérêt à agir

46 Le Tribunal observe, d' abord, que l' abrogation par la Commission des décisions litigieuses ne saurait équivaloir à leur annulation éventuelle par le Tribunal, en ce que l' abrogation de décisions n' est pas une reconnaissance de leur illégalité. En outre, l' abrogation des décisions litigieuses a produit un effet ex nunc, alors qu' une annulation éventuelle produirait un effet ex tunc: ce n' est que dans ce dernier cas que les décisions seraient considérées comme nulles et non avenues au sens de l' article 174 du traité.

47 Le Tribunal rappelle, ensuite, que, dans le cas où un acte est annulé, l' institution dont émane l' acte est tenue, en vertu de l' article 176 du traité, de prendre les mesures qu' implique l' exécution de l' arrêt. Ces mesures ont trait, notamment, à l' anéantissement des effets des illégalités constatées dans l' arrêt d' annulation. C' est ainsi que l' institution concernée peut être amenée à effectuer une remise en état adéquate de la situation du requérant ou à éviter qu' un acte identique ne soit adopté (voir l' arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-0000, points 59 et 60, et la jurisprudence qui y est citée).

48 Il ressort de ce qui précède que l' annulation des décisions litigieuses est susceptible d' avoir, par elle-même, des conséquences juridiques, de sorte que les parties requérantes ont conservé leur intérêt à obtenir l' annulation de ces décisions. Il s' ensuit que l' argument de la Commission, selon lequel les conclusions en annulation seraient irrecevables en raison du défaut d' intérêt des parties requérantes à obtenir l' annulation des décisions litigieuses, doit être rejeté.

Sur la recevabilité des conclusions en annulation présentées par les parties requérantes autres que les associations

49 L' article 173, deuxième alinéa, du traité CEE (l' actuel article 173, quatrième alinéa, du traité CE) dispose que "toute personne physique ou morale peut former ... un recours ... contre les décisions qui, bien que prises sous l' apparence d' un règlement ou d' une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement".

50 Il a été précisé dans la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que, dans certaines circonstances, même un acte normatif, s' appliquant à la généralité des opérateurs économiques intéressés, peut concerner individuellement certains d' entre eux (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, points 13 et 14, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19; ordonnance du Tribunal du 11 janvier 1995, Cassa nazionale di previdenza ed assistenza a favore degli avvocati e procuratori/Conseil,T-116/94, Rec. p. II-1, point 26). Dans une telle hypothèse, un acte communautaire pourrait alors à la fois revêtir un caractère normatif et, à l' égard de certains opérateurs économiques intéressés, un caractère décisionnel.

51 Toutefois, une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement que si elle est atteinte, par l' acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d' une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Codorníu/Conseil, précité, point 20; arrêt du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de Vittel e.a./Commission, T-12/93, Rec. p. II-1247, point 36).

52 Par conséquent, il y a lieu de vérifier si, en l' espèce, les parties requérantes autres que les associations sont atteintes par les décisions litigieuses en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou s' il existe une situation de fait qui les caractérise, au regard de ces décisions, par rapport à tout autre opérateur économique.

53 Dans ce contexte, les parties requérantes ont soutenu, en premier lieu, que leur nombre et leur identité étaient déjà connus avant l' adoption des décisions litigieuses. A cet égard, même à supposer que l' affirmation des requérants soit vraie, le Tribunal relève que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l' identité des sujets de droit auxquels s' applique une mesure ne suffit pas en soi à établir que ces sujets sont individuellement concernés par cette mesure (voir, en dernier lieu, l' ordonnance du Tribunal du 29 juin 1995, Cantina cooperativa fra produttori vitivinicoli di Torre di Mosto e.a./Commission, T-183/94, Rec. p. II-1941, point 48, et la jurisprudence qui y est citée).

54 Les parties requérantes s' appuient, en deuxième lieu, sur des arguments tirés de leur prétendue participation au processus ayant mené à l' adoption des décisions litigieuses.

55 A cet égard, le Tribunal observe, d' abord, que la réglementation concernée, et plus particulièrement la directive 90/425, ne contient aucune disposition selon laquelle la Commission, avant l' adoption d' une décision fondée sur l' article 10, paragraphe 3 ou 4, de la directive, serait tenue de suivre une procédure dans le cadre de laquelle les personnes de la catégorie à laquelle appartiennent les parties requérantes, auraient le droit d' être entendues.

56 En outre, il ne ressort pas de la jurisprudence, notamment pas de l' arrêt Technische Universitaet Muenchen, précité, que, même en l' absence d' une disposition expresse en ce sens, la Commission aurait été tenue d' entendre les parties requérantes. Le Tribunal rappelle que, dans cette affaire préjudicielle, la Cour avait à se prononcer sur la validité d' une décision de la Commission, selon laquelle un certain modèle de microscope, comme celui que la Technische Universitaet Muenchen avait acquis, ne pouvait pas être importé dans la Communauté en franchise douanière, du fait que des appareils ayant une valeur scientifique équivalente à l' appareil acquis par l' université, susceptibles d' être utilisés aux mêmes fins, seraient fabriqués dans la Communauté. Dans son arrêt, la Cour a observé que l' université connaissait le mieux les caractéristiques que l' appareil concerné devait remplir, eu égard aux travaux envisagés. Elle en a déduit que, même en l' absence d' une disposition expresse à cet égard, l' université avait le droit d' être entendue dans la procédure administrative devant la Commission.

57 Le Tribunal constate que les circonstances particulières à l' origine de l' affaire Technische Universitaet Muenchen font défaut dans le cas d' espèce, de sorte que la solution à laquelle la Cour est parvenue dans cette affaire, et que le Tribunal a d' ailleurs appliquée dans son arrêt du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission (T-346/94, Rec. p. II-0000, point 36), ne peut pas être retenue en l' espèce. En effet, contrairement à ce qui était le cas dans l' affaire Technische Universitaet Muenchen, dans le présent litige la Commission n' a pas pris les décisions contestées pour résoudre une question qui concernait, de fait, spécifiquement un seul opérateur économique bien déterminé. Par ailleurs, il ne s' agit pas, en l' espèce, d' une situation dans laquelle les caractéristiques de la matière concernée sont, par définition, le mieux connues par les parties requérantes.

58 Le Tribunal relève, au demeurant, qu' une obligation pour la Commission d' entendre, avant l' adoption d' une décision, comme celles attaquées en l' espèce, les opérateurs économiques intéressés, tels que les parties requérantes, serait difficilement compatible, d' une part, avec l' objectif de la directive 90/425, à savoir la protection de la santé animale et humaine, et, d' autre part, avec la nature même de mesures conservatoires, lesquelles sont prises en cas d' urgence et doivent, dès lors, pouvoir être adoptées rapidement.

59 Le Tribunal observe, enfin, que le fait qu' une personne intervienne, d' une manière ou d' une autre, dans le processus menant à l' adoption d' un acte communautaire, notamment en adressant à l' institution communautaire compétente des lettres critiquant un acte qu' elle a déjà adopté et tendant à infléchir son action ultérieure, n' est pas, en soi, de nature à individualiser cette personne (voir aussi ordonnance du Tribunal du 9 août 1995, Greenpeace/Commission, T-585/93, Rec. p. II-0000, point 56).

60 Dans ces circonstances, les arguments des parties requérantes tirés de leur prétendue participation au processus ayant mené à l' adoption des décisions litigieuses doivent être rejetés.

61 En troisième lieu, enfin, les parties requérantes tirent un argument de l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité. A cet égard, le Tribunal observe que, selon une jurisprudence désormais bien établie, le fait que la Commission ait l' obligation, en vertu de dispositions spécifiques, de tenir compte des conséquences de l' acte qu' elle envisage d' adopter sur la situation de certains particuliers est certes de nature à individualiser ces derniers (voir, outre l' arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, l' arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 11; arrêt Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 67).

62 Toutefois, dans le cas d' espèce, la réglementation communautaire, notamment la directive 90/425, ne contient aucune disposition obligeant la Commission à tenir compte, au moment où elle adopte une décision comme les décisions litigieuses, des conséquences de celle-ci sur la situation des particuliers comme les parties requérantes. Il s' ensuit que cet argument doit également être rejeté.

63 Il résulte de ce qui précède que les parties requérantes autres que les associations n' ont pas démontré qu' elles sont atteintes par les décisions litigieuses en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou qu' il existe une situation de fait qui les caractérise, au regard de ces décisions, par rapport à tout autre opérateur économique. Par conséquent, elles ne sont pas individuellement concernées par les décisions litigieuses. Il y a donc lieu de constater l' irrecevabilité des conclusions en annulation qu' elles ont présentées, sans qu' il soit nécessaire d' examiner la question de savoir si elles sont directement concernées par lesdites décisions.

Sur la recevabilité des conclusions en annulation présentées par les associations figurant parmi les parties requérantes

64 Il ressort de la jurisprudence qu' un recours en annulation introduit par une association qui n' en est pas le destinataire est recevable dans deux situations. La première est lorsque l' association a un intérêt propre à agir, notamment parce que sa position de négociatrice a été affectée par l' acte dont l' annulation est demandée (voir, par exemple, l' arrêt Van der Kooy e.a./Commission, précité, points 17 à 25). La seconde situation est celle dans laquelle l' association, en introduisant son recours, s' est substituée à un ou à plusieurs de ses membres qu' elle représente, à la condition que ses membres eux-mêmes aient été en situation d' introduire un recours recevable (voir l' arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93, T-448/93 et T-449/93, Rec. p. II-0000, point 60).

65 Or, dans le cas d' espèce, les associations requérantes n' ont apporté aucun argument démontrant qu' elles ont un intérêt propre à obtenir l' annulation des décisions attaquées. Plus particulièrement, elles n' ont pas démontré avoir été affectées dans une position de négociatrice. En outre, il a déjà été jugé que les parties requérantes autres que les associations ne sont pas recevables à introduire un recours en annulation (voir ci-dessus points 49 à 63). Par conséquent, les conclusions en annulation présentées par les associations requérantes ne peuvent être considérées comme recevables au motif que lesdites associations se seraient substituées à certains de leurs membres. Il s' ensuit que leurs conclusions ne sont pas recevables.

66 Il résulte de tout ce qui précède que l' ensemble des conclusions en annulation est irrecevable et doit, dès lors, être rejeté.

B ° Quant à la recevabilité des conclusions en indemnité

Arguments des parties

67 Les parties requérantes soutiennent que, conformément à l' arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn/Commission (175/84, Rec. p. 753, point 26), leurs conclusions en indemnité, fondées sur les articles 178 et 215 du traité, sont recevables indépendamment de la question de savoir si les conclusions en annulation sont recevables. Elles admettent que, dans certains cas, la recevabilité d' une demande en indemnité peut dépendre de l' épuisement des recours internes, mais font valoir que cette exception ne joue aucun rôle en l' espèce parce que les décisions litigieuses n' ont laissé aucun choix aux États membres, et certainement pas aux Pays-Bas.

68 La Commission fait observer que les décisions 93/128 et 93/177 ont été mises en oeuvre aux Pays-Bas par des mesures nationales et qu' il ressort des mémoires des parties requérantes que celles-ci ont également engagé des procédures contre les autorités néerlandaises devant les juridictions nationales. Elle estime que ces voies de recours internes doivent être épuisées avant qu' une demande en indemnité puisse être formée devant le juge communautaire. La défenderesse soutient que, en tout état de cause, les associations figurant parmi les parties requérantes ne peuvent pas prouver l' existence d' un intérêt personnel dans les présentes affaires et affirme que les conclusions en indemnité sont donc irrecevables en ce qui les concernent.

Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité des conclusions en indemnité présentées par les parties requérantes autres que les associations

69 Le Tribunal rappelle, d' abord, que, selon une jurisprudence bien établie, l' action en indemnité est une voie de recours autonome ayant sa fonction propre dans le cadre du système des voies de recours prévu par le traité (voir, par exemple, l' arrêt Krohn/Commission, précité, point 26, et l' arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 31). Le Tribunal observe, ensuite, que, dans leurs requêtes, les parties requérantes autres que les associations ont indiqué de manière suffisamment précise les raisons pour lesquelles elles estiment que les conditions requises pour la réparation du préjudice qu' elles prétendent avoir subi sont réunies, de sorte que, à leur égard, les requêtes répondent aux exigences de l' article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

70 Quant à l' argument de la Commission tiré du fait que les parties requérantes n' auraient pas épuisé les voies de recours nationales, le Tribunal observe que, pour qu' une action en indemnité soit irrecevable pour ce motif, il faut que les voies de recours nationales assurent de manière efficace la protection des particuliers qui s' estiment lésés par les actes des institutions communautaires (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 30 mai 1989, Roquette frères/Commission, 20/88, Rec. p. 1553, point 15).

71 Tel n' est pas le cas en l' espèce, puisque l' illégalité alléguée dans le cadre des conclusions en indemnité n' émane pas d' un organisme national, mais d' une institution communautaire. Les préjudices qui pourraient éventuellement résulter de la mise en oeuvre de la réglementation communautaire par les autorités néerlandaises seraient, dès lors, imputables à la Communauté (voir, par exemple, l' arrêt Krohn/Commission, précité, points 18 à 19, et l' arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, point 9).

72 Comme le juge communautaire a compétence exclusive pour statuer, en vertu de l' article 215 du traité, sur les recours en indemnisation d' un dommage imputable à la Communauté (arrêts de la Cour du 27 septembre 1988, Asteris e.a./Grèce et CEE, 106/87 à 120/87, Rec. p. 5515, point 14, et du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C-282/90, Rec. p. I-1937, point 14), les voies de droit nationales ne pourraient ipso facto permettre d' assurer aux requérantes une protection efficace de leurs droits. Par conséquent, l' argument de la Commission tiré du défaut d' épuisement des voies internes doit être rejeté.

73 Au demeurant, au cours de l' audience, les parties requérantes ont précisé que la procédure nationale qu' elles ont engagée contre les autorités néerlandaises, d' ailleurs déjà terminée, ne concernait pas les décisions 93/128 et 93/177, mais la manière dont lesdites autorités ont exécuté la décision 93/243. Par conséquent, dans le cas d' espèce, il n' existe, en tout état de cause, aucun risque que les parties requérantes soient indemnisées deux fois in idem.

74 Pour les motifs qui précèdent, les conclusions en indemnité présentées par les parties requérantes autres que les associations sont recevables.

Sur la recevabilité des conclusions en indemnité présentées par les associations figurant parmi les parties requérantes

75 Le Tribunal observe que, selon l' article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, une requête doit indiquer l' objet du litige et l' exposé sommaire des moyens invoqués. Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir des éléments qui permettent d' identifier, entre autres, le préjudice que le requérant prétend avoir subi ainsi que le caractère et l' étendue de ce préjudice. Par ailleurs, la violation dudit article 44, paragraphe 1, sous c), compte parmi les fins de non-recevoir que le Tribunal peut soulever d' office, à tout stade de procédure, en vertu de l' article 113 du règlement de procédure (voir l' arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, points 73 et 74).

76 Or, le Tribunal constate que, dans les deux requêtes, les associations requérantes n' ont fourni aucun élément en ce qui concerne le préjudice qu' elles auraient subi à cause des décisions litigieuses; toutes les informations et données concernant le préjudice ont trait aux autres parties requérantes.

77 Le Tribunal constate, en outre, que les associations requérantes n' ont pas établi, ni même invoqué, qu' elles exercent un droit à réparation qui leur aurait été cédé par d' autres personnes (voir l' arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955, point 5).

78 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que les conclusions en indemnité présentées par les associations figurant parmi les parties requérantes sont irrecevables.

Sur le bien-fondé des conclusions en indemnité présentées par les parties requérantes autres que les associations

A ° Observations liminaires

79 Le Tribunal rappelle que l' article 215, deuxième alinéa, du traité dispose que, en matière de responsabilité non contractuelle, la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions dans l' exercice de leurs fonctions.

80 Selon une jurisprudence bien établie de la Cour et du Tribunal, la responsabilité non contractuelle de la Communauté ne peut être engagée que si un ensemble de conditions, en ce qui concerne l' illégalité du comportement reproché à l' institution communautaire, la réalité du dommage et l' existence d' un lien de causalité entre le comportement illégal et le préjudice invoqué, est réuni (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmuehle e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, point 18; l' arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Blackspur e.a./Conseil et Commission, T-168/94, Rec. p. II-0000, point 38).

81 Dans le cadre de la première condition, relative à l' existence d' un comportement illégal, la Cour a précisé que la responsabilité de la Communauté pour des actes normatifs, notamment ceux regardant la politique économique, ne saurait être engagée qu' en présence d' une violation d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. Si l' institution a adopté l' acte dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation, l' engagement de la responsabilité de la Communauté exige, en outre, que la violation soit caractérisée, c' est-à-dire qu' elle revête un caractère manifeste et grave (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 2 décembre 1971, Schoeppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 11, et du 25 mai 1978, HNL e.a./Conseil et Commission, 83/76 et 94/76, 4/77, 15/77 et 40/77, Rec. p. 1209, point 6).

82 Il y a donc lieu d' examiner, d' abord, si les décisions litigieuses sont des actes normatifs et, ensuite, dans l' affirmative, si la Commission a adopté les décisions dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation.

B ° Quant à la question de savoir si les décisions litigieuses sont des actes normatifs

Arguments des parties

83 La Commission estime que les décisions litigieuses sont des actes normatifs. Elle souligne, notamment, que les décisions ont une portée générale, s' appliquent à des situations décrites de façon objective et produisent des effets juridiques pour des catégories générales de personnes définies in abstracto.

84 Les parties requérantes répondent, d' abord, qu' il ne s' agit pas, en l' espèce, de règlements ou de directives ayant un caractère normatif en vertu de l' article 189 du traité, mais de décisions individuelles. Il s' ensuit, d' après elles, que les décisions n' ont pas de portée générale mais s' adressent exclusivement à deux destinataires individuellement désignés, à savoir les Pays-Bas et l' Italie. En outre, les parties requérantes nient que les décisions s' appliquent à des situations décrites de façon objective, dès lors qu' elles ne décrivent pas la moindre situation, mais imposent seulement des obligations concrètes à leurs deux destinataires.

85 Les parties requérantes font également remarquer que les effets juridiques obligatoires que produisent, à leur égard, les décisions litigieuses, ne découlent pas des décisions elles-mêmes, mais des mesures prises par les autorités néerlandaises pour exécuter ces décisions, à savoir, notamment, le fait que ces autorités ont refusé de délivrer les certificats d' exportation nécessaires. Par ailleurs, elles soulignent que l' existence de ces mesures d' exécution n' affecte en rien la recevabilité des recours en indemnité, étant donné que les décisions n' ont pas laissé de marge d' appréciation aux autorités néerlandaises.

Appréciation du Tribunal

86 Le Tribunal observe, à titre liminaire, qu' il est de jurisprudence constante que la nature d' un acte ne saurait être recherchée dans sa forme extérieure, mais dans la portée générale ou non de l' acte en question (voir, par exemple, l' arrêt Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, précité, p. 604, et l' arrêt de la Cour du 5 mai 1977, Koninklijke Scholten Honig/Conseil et Commission, 101/76, Rec. p. 797, points 7 et 9).

87 A cet égard, le Tribunal constate que, en vertu de l' article 1er de la décision 93/128, les Pays-Bas et l' Italie sont obligés de ne plus expédier, pendant la période d' application de la décision, des porcs vivants vers d' autres États membres. Il est vrai que, à l' égard de ces deux États membres, la décision produit les effets juridiques d' un acte individuel. Toutefois, à l' égard des requérantes, la décision produit des effets qui sont ceux d' un acte de portée générale, de la même manière que, par exemple, un règlement interdisant aux exportateurs établis aux Pays-Bas et en Italie d' exporter des porcs vivants vers d' autres États membres. Dès lors, la décision 93/128 est un acte ayant, à l' égard de la catégorie abstraite à laquelle appartiennent les parties requérantes, une portée générale et, partant, est, à leur égard, de nature normative.

88 En ce qui concerne, ensuite, la décision 93/177, le Tribunal observe que cette décision édicte, notamment, un certain nombre de conditions auxquelles doivent répondre les exportations de porcs vivants expédiés d' Italie et des Pays-Bas vers les autres États membres (voir l' article 1er de la décision). Ces conditions sont rédigées en des termes généraux et abstraits, produisant des effets juridiques pour des catégories de personnes définies de manière générale et abstraite. Par conséquent, le Tribunal considère que la décision 93/177 a une portée générale et, partant, qu' elle est de nature normative.

C ° Quant à la question de savoir si la Commission a adopté les décisions litigieuses dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation

Arguments des parties

89 Les parties requérantes estiment que les compétences conférées à la Commission par la directive 90/425, notamment par son article 10, paragraphe 3, ne lui laissent pas un large pouvoir d' appréciation. Elles soutiennent, dès lors, que la Commission n' a pas adopté les décisions litigieuses dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation.

90 La Commission estime qu' elle a adopté les décisions litigieuses dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation. A cet égard, elle note que le contexte normatif de la directive 90/425, qui lui laisse un tel pouvoir, doit s' étendre aux décisions prises en exécution des dispositions de celle-ci.

Appréciation du Tribunal

91 Le Tribunal constate, d' abord, que, eu égard, d' une part, à la référence à l' article 43 du traité dans la directive 90/425, sur la base de laquelle les décisions litigieuses ont été prises, et, d' autre part, à leur contenu même, les décisions litigieuses relèvent du domaine de la politique agricole commune, matière dans laquelle il faut normalement reconnaître aux institutions communautaires un large pouvoir d' appréciation, compte tenu des responsabilités qui leur sont conférées par le traité (voir, par exemple, l' arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Vandemoortele/Commission, 27/85, Rec. p. 1129, point 31).

92 Le Tribunal observe, ensuite, en ce qui concerne, plus spécifiquement, la décision 93/128, qu' elle a été adoptée sur la base de l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425. Cet article dispose que, "(s)i la Commission n' a pas été informée des mesures prises ou si elle estime que les mesures prises sont insuffisantes, elle peut ... prendre des mesures conservatoires...". Le Tribunal considère que les mots "estime" et, plus particulièrement, "peut" font clairement apparaître que la Commission dispose d' un large pouvoir d' appréciation pour adopter une décision fondée sur cet article.

93 En ce qui concerne, plus spécifiquement, la décision 93/177, le Tribunal note, d' abord, qu' elle a été adoptée sur la base de l' article 10, paragraphe 4, de la directive 90/425. En effet, bien que le deuxième visa de la décision fasse apparaître, dans sa version en langue néerlandaise, qu' elle a été prise sur la base de l' article 10, paragraphe 3, de la directive, il ressort clairement de toutes les autres versions linguistiques, ainsi que de la référence dans la décision à la consultation du comité vétérinaire permanent, qu' il s' agit, dans la version en langue néerlandaise, d' une erreur de plume, et que la décision a été en réalité adoptée sur la base de l' article 10, paragraphe 4, de la directive 90/425.

94 Le Tribunal constate, ensuite, que l' article 10, paragraphe 4, de la directive 90/425 prévoit que "la Commission ... arrête, selon la procédure prévue à l' article 17, les mesures nécessaires ...". La procédure concernée requiert que le comité vétérinaire permanent émette un avis sur les mesures proposées par la Commission. Cette dernière ne peut prendre les mesures concernées que si l' avis du comité est positif: dans le cas d' un avis négatif, la Commission doit soumettre les mesures au Conseil.

95 Le Tribunal observe que la procédure de l' article 17 de la directive 90/425 restreint, d' une certaine façon, le pouvoir d' appréciation de la Commission lorsqu' elle entend adopter des mesures sur la base de l' article 10, paragraphe 4. Toutefois, eu égard, notamment, au fait que l' initiative des mesures appartient à la Commission, qu' elle peut déterminer, en première instance, le contenu et la nature de celles-ci, et que l' article 10, paragraphe 4, ne prévoit aucune autre condition à laquelle l' exercice du pouvoir de la Commission est soumis, le Tribunal considère que la Commission dispose également d' un large pouvoir d' appréciation pour adopter une décision sur la base de cet article.

96 Il ressort de ce qui précède que les décisions litigieuses sont, à l' égard des parties requérantes, des actes normatifs que la Commission a adoptés dans l' exercice d' un large pouvoir d' appréciation. Par conséquent, la responsabilité de la Communauté pour le préjudice que les parties requérantes prétendent avoir subi à cause des décisions litigieuses ne peut être engagée que si la Commission a méconnu, de manière manifeste et grave, une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.

97 A ce stade du raisonnement, il y a d' abord lieu de rechercher quelles sont, parmi les règles dont les parties requérantes invoquent une violation de la part de la Commission, les règles supérieures de droit protégeant les particuliers. Il convient, ensuite, d' examiner si la Commission, en adoptant les décisions litigieuses, a méconnu une ou plusieurs de ces règles de manière manifeste et grave.

D ° Quant aux règles supérieures de droit protégeant les particuliers

Observations liminaires

98 Afin de démontrer l' illégalité des décisions litigieuses, les parties requérantes invoquent six moyens identiques dans les deux affaires. Le premier moyen est tiré d' une violation de l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425, le deuxième d' une violation du principe de proportionnalité, le troisième d' un détournement de pouvoir, le quatrième d' une violation du principe de l' égalité de traitement, le cinquième d' une violation du principe de la protection de la confiance légitime et le sixième, enfin, d' une violation du droit d' être entendu. En outre, dans l' affaire T-484/93, les parties requérantes soulèvent encore un septième moyen, tiré d' une violation de l' article 190 du traité.

Arguments des parties

99 Dans leurs mémoires, les parties discutent, notamment, la question de savoir si l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425 constitue une règle supérieure de droit protégeant les particuliers.

100 Les parties requérantes sont d' avis que ladite disposition offre également des garanties aux particuliers. A l' appui de cette affirmation, elles renvoient à l' arrêt Sofrimport/Commission, précité (point 26).

101 La Commission estime que l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425 ne contient pas de garanties visant à protéger les particuliers, mais se limite uniquement à répartir les compétences entre les États membres et la Communauté. Elle observe qu' il ressort de l' arrêt Vreugdenhil/Commission, précité (points 20 et 21), qu' une telle règle de compétence n' appartient pas aux "règles supérieures de droit" et qu' une violation de cette règle ne peut, dès lors, engager la responsabilité de la Communauté en l' espèce.

Appréciation du Tribunal

102 Le Tribunal constate que les moyens suivants ont tous trait à une violation d' une règle supérieure de droit protégeant les particuliers:

° le moyen relatif à une violation du principe de proportionnalité (voir, à titre d' exemple, arrêt de la Cour du 13 novembre 1973, Werhahn e.a./Conseil, 63/72 à 69/72, Rec. p. 1229, points 14 à 28, plus particulièrement point 18; arrêt Unifruit Hellas/Commission, précité, point 42);

° le moyen relatif à un détournement de pouvoir (voir, à titre d' exemple, arrêt de la Cour du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C-119/88, Rec. p. I-2189, point 19; arrêt Unifruit Hellas/Commission, précité, point 40);

° le moyen relatif à une violation du principe de l' égalité de traitement (voir, à titre d' exemple, arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier frères e.a./Conseil, 64/76 et 113/76, 167/78 et 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 11; arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Stahlwerke Peine-Salzgitter/Commission, T-120/89, Rec. p. II-279, point 92);

° le moyen relatif à une violation du principe de la confiance légitime (voir, à titre d' exemple, arrêts Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 15; Unifruit Hellas/Commission, précité, point 42);

° le moyen relatif à une violation du droit d' être entendu (voir en ce sens arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Fiskano/Commission, C-135/92, Rec. p. I-2885, points 39 et 40).

103 En ce qui concerne, ensuite, l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425, le Tribunal considère que cet article ne saurait être considéré comme étant une règle supérieure de droit protégeant les particuliers que dans la seule mesure où il prévoit que des mesures conservatoires peuvent être prises "à l' égard des animaux ... provenant de la région touchée par l' épizootie ou d' une exploitation, d' un centre ou d' un organisme donnés". Le Tribunal observe qu' il agit ici de l' expression du principe de proportionnalité, qui fait déjà l' objet d' un moyen distinct (voir ci-dessus point 102).

104 Enfin, en ce qui concerne le moyen relatif à la motivation des décisions litigieuses, le Tribunal observe que, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l' obligation de motivation, consacrée par l' article 190 du traité, n' est pas une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (voir arrêts de la Cour du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885, point 14, et AERPO e.a./Commission, précité, point 20; arrêt Unifruit Hellas/Commission, précité, point 41). Par conséquent, le Tribunal ne procédera pas à l' examen du bien-fondé de ce moyen, car il ne peut pas conduire à la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

E ° Quant à la question de savoir si la Commission, en adoptant les décisions litigieuses, a méconnu, de manière manifeste et grave, une règle supérieure de droit protégeant les particuliers

En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du principe de proportionnalité

Arguments des parties

105 Les parties requérantes affirment que les décisions 93/128 et 93/177 ont été arrêtées en violation du principe de proportionnalité tel que celui-ci ressort des articles 30 à 36 du traité et a été consacré par la jurisprudence (arrêt de la Cour du 18 septembre 1986, Commission/Allemagne, 116/82, Rec. p. 2519, point 21). A l' appui de cette affirmation, les parties requérantes soutiennent, à titre principal, que les décisions ne remplissent pas la condition de nécessité et, à titre subsidiaire, que les mesures qu' elles prévoient ne sont pas les moins contraignantes pour atteindre l' objectif poursuivi.

106 En ce qui concerne la condition de nécessité, les parties requérantes font observer, d' abord, que la Commission n' a pas démontré ou même rendu plausible qu' il était nécessaire d' arrêter des mesures applicables à l' ensemble du territoire des Pays-Bas. Elles renvoient à l' article 10, paragraphe 3, de la directive 90/425, selon lequel des mesures conservatoires ne peuvent être prises qu' à l' égard, notamment, d' une région qui est touchée par l' épizootie. Elles soulignent que les porcs vivants sur lesquels la présence du virus avait été constatée venaient du centre de rassemblement d' Oirschot, et font valoir qu' il n' y avait aucune raison de considérer que l' ensemble du territoire des Pays-Bas constituait une région touchée par l' épizootie.

107 Les parties requérantes font valoir, ensuite, que la condition de nécessité n' est pas remplie étant donné l' absence de constatation d' une quelconque manifestation de la maladie aux Pays-Bas. A ce propos, elles font remarquer que la période d' incubation de la maladie est de peu de jours et que, en conséquence, il est possible que la contamination ait eu lieu en Italie, à savoir au cours de la période de deux à trois jours pendant laquelle les porcs attendaient l' abattage à Nola (Italie). Elles tiennent, d' ailleurs, à souligner que, avant l' adoption des décisions litigieuses, la Commission n' a procédé à aucune enquête pour établir la source de la contamination.

108 Les parties requérantes estiment également qu' il n' était pas nécessaire d' arrêter les décisions litigieuses parce que la possibilité d' arrêter des mesures nationales n' était pas épuisée. Enfin, selon elles, l' absence de nécessité ressort de la genèse des décisions litigieuses: le fait même que la Commission ait remplacé la décision 93/128 par la décision 93/177, qui, à son tour, a été abrogée, à tout le moins en grande partie, par la décision 93/243, démontre, d' après elles, que l' adoption de ces décisions n' était pas nécessaire.

109 A titre subsidiaire, les parties requérantes relèvent qu' il ressort de la jurisprudence (voir, notamment, l' arrêt Commission/Allemagne, précité, point 21) que les restrictions imposées par les actes des institutions communautaires ne peuvent pas dépasser ce qui est nécessaire pour réaliser l' objectif visé. Elles exposent que, si les décisions litigieuses répondent à la condition de nécessité, quod non, elles ne répondent pas, en tout état de cause, à cette condition. Il en ressort, d' après elles, que la Commission a violé le principe de proportionnalité en adoptant les décisions.

110 La Commission reconnaît qu' une intervention fondée sur l' article 10, paragraphes 3 et 4, de la directive 90/425 doit être conforme au principe de proportionnalité et doit, dès lors, être nécessaire et non démesurée. Elle estime pourtant que, dans le cas d' espèce, les décisions contestées répondent à ces deux conditions.

111 A cet égard, la Commission fait observer, à titre liminaire, que, dans le domaine de la politique agricole commune, la Communauté jouit d' une grande marge d' appréciation, qui, d' ailleurs, ne s' applique pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation de données de base (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette frères/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 25).

112 Quant à la nécessité de la décision 93/128, la Commission fait valoir qu' elle est intervenue en réaction à la lettre que les autorités italiennes lui ont adressée le 19 février 1993. D' après la Commission, cette lettre permettait de conclure que le lieu de contamination se trouvait soit aux Pays-Bas (dans une ou plusieurs exploitations ou dans le centre de rassemblement de Oirschot), soit dans le moyen de transport, soit en Italie (dans l' abattoir de Nola).

113 La Commission souligne, ensuite, que, à l' époque de l' adoption des décisions, elle avait toutes les raisons d' être extrêmement vigilante, étant donné les mauvais antécédents tant aux Pays-Bas qu' en Italie dans le domaine de la lutte contre la maladie. En effet, d' après la Commission, la maladie a sévi aux Pays-Bas pendant cinq mois en 1992, tandis qu' en Italie elle était endémique.

114 En outre, la Commission relève que, en raison du grand nombre de porcs vivants exportés par les Pays-Bas vers d' autres États membres, il existait un risque considérable que, si la maladie se trouvait réellement aux Pays-Bas, celle-ci se propage dans d' autres États membres, ce qui, selon la Commission, exigeait qu' elle réagisse rapidement. Par ailleurs, elle fait remarquer qu' à cause de l' urgence de l' affaire les résultats de recherches plus poussées ne pouvaient pas être attendus et qu' elle a donc dû prendre des mesures sur la base de présomptions.

115 La Commission estime que, dans ces circonstances, la décision 93/128 remplit la condition de nécessité.

116 Quant à la nécessité de la décision 93/177, qui repose sur la décision 93/128, la Commission explique que, à l' époque de l' adoption de cette décision, elle ne savait pas encore avec exactitude où se situait l' origine de la contamination. Par ailleurs, la Commission s' oppose à la thèse des parties requérantes selon laquelle l' adoption de la décision 93/177 montre que la décision 93/128 n' était pas nécessaire. En effet, selon la défenderesse, elle n' a été en mesure d' arrêter les mesures moins restrictives que prévoit la décision 93/177 que parce qu' elle a disposé de suffisamment de temps pour l' adoption de cette décision, ce qui n' avait pas été le cas avant l' adoption de la décision 93/128.

117 Quant au caractère prétendument démesuré de la décision 93/128, la Commission fait savoir qu' il fallait établir une interdiction pour tout le territoire des Pays-Bas, d' une part, parce qu' il était difficile, à l' époque, de déterminer avec précision le lieu d' origine de la maladie et, d' autre part, parce qu' il était possible que la maladie se soit déjà propagée à l' intérieur des Pays-Bas. En outre, la Commission fait observer que, en raison de l' urgence de l' affaire et compte tenu du temps dont les autorités nationales ont besoin pour préparer les mesures d' exécution nécessaires, il n' y avait pas de solution de rechange efficace.

118 Quant à la décision 93/177, la Commission conteste la thèse des requérantes pour qui cette décision est démesurée. Par ailleurs, elle fait remarquer que, en contestant la décision 93/177, les parties requérantes s' opposent précisément à un système de contrôle qu' elles ont proposé elles-mêmes, dans leur lettre du 9 mars 1993, en remplacement des mesures établies par la décision 93/128.

Appréciation du Tribunal

° Observations liminaires

119 Le Tribunal rappelle que le principe de proportionnalité est reconnu par une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal comme faisant partie des principes généraux du droit communautaire. En vertu de ce principe, les mesures imposées par un acte communautaire doivent être aptes à réaliser l' objectif visé en ne dépassant pas les limites de ce qui est nécessaire à cet effet (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 14 janvier 1987, Zuckerfabrik Bedburg e.a./Conseil et Commission, 281/84, Rec. p. 49, point 36, et Commission/Allemagne, précité, point 21). Le principe de proportionnalité exige en outre que, lorsqu' un choix s' offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 16 octobre 1991, Werner Faust, C-24/90, Rec. p. I-4905, point 12; arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T-6/92 et T-52/92, Rec. p. II-1047, point 111).

120 En ce qui concerne le contrôle juridictionnel des conditions indiquées, il y a pourtant lieu de préciser que, ainsi qu' il a été dit ci-dessus (point 91), le législateur communautaire dispose en matière de politique agricole commune d' un large pouvoir d' appréciation, correspondant aux responsabilités politiques que les articles 40 à 43 du traité lui attribuent. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d' une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l' objectif que l' institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d' une telle mesure (voir les arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Schraeder, 265/87, Rec. p. 2237, point 22, et du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I-4023, point 14). En outre, pour que le principe de proportionnalité soit méconnu de manière manifeste et grave, de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté dans un cas comme celui de l' espèce, il doit s' agir d' une erreur d' une telle gravité que le comportement de l' institution confinerait à l' arbitraire (voir l' arrêt de la Cour du 5 décembre 1979, Amylum et Tunnel Refineries/Conseil et Commission, 116/77 et 124/77, Rec. p. 3497, point 19).

121 C' est à la lumière de ces principes qu' il y a lieu d' examiner si, en adoptant les décisions litigieuses, la Commission a méconnu, de manière manifeste et grave, le principe de proportionnalité.

° Sur la décision 93/128

122 En premier lieu, le Tribunal observe que la Commission a réagi à la suite de la constatation de la présence d' une maladie dangereuse, la maladie vésiculeuse du porc, et qu' elle a adopté la décision 93/128 en vue de protéger la santé publique et la santé animale. Le Tribunal considère que, ce faisant, la Commission a tenu compte d' un intérêt public supérieur (voir également l' arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, précité, point 21).

123 En deuxième lieu, le Tribunal observe que la décision 93/128 interdit les exportations de porcs vivants tant des Pays-Bas que d' Italie vers d' autres États membres et que, selon le rapport scientifique produit par les parties requérantes elles-mêmes en annexe 11 à leurs requêtes, la source de la maladie vésiculeuse du porc pouvait, en effet, se trouver soit aux Pays-Bas (dans le centre de rassemblement de Oirschot), soit en Italie (dans l' abattoir de Nola). Le Tribunal note, en outre, qu' au cours de l' audience les parties requérantes ont affirmé que, à l' époque des faits, il n' était pas exclu que des porcs vivants, qui se trouvaient initialement dans un centre de rassemblement, passent ensuite dans un autre centre, de sorte que, si la source de la maladie se trouvait à Oirschot, elle pouvait s' être propagée à l' intérieur du pays.

124 En troisième lieu, le Tribunal observe que, ainsi que l' affirment les parties requérantes, les Pays-Bas sont un exportateur important de porcs vivants. Selon les statistiques présentées par les parties requérantes, le nombre de porcs de boucherie ("vleesvarkens") et le nombre de porcelets ("biggen") exportés des Pays-Bas vers d' autres États membres ont chacun atteint, tant en 1992 qu' en 1993, des niveaux supérieurs à deux millions d' unités, ce qui fait que les Pays-Bas se rangent parmi les plus importants exportateurs de porcs vivants dans la Communauté. C' est donc à juste titre que la Commission a tenu compte du fait que, si la source de la maladie se trouvait réellement aux Pays-Bas, celle-ci se propagerait facilement dans d' autres États membres en l' absence de mesures.

125 En quatrième lieu, le Tribunal estime que c' est à bon droit que la Commission a souligné, au cours de l' audience, qu' il existait un risque que, si elle n' adoptait pas des mesures strictes afin de combattre la propagation de la maladie, d' autres États membres agissent d' eux- mêmes et arrêtent leurs propres mesures, créant ainsi une situation dans laquelle les échanges entre les États membres pourraient être faussés de manière plus considérable.

126 En cinquième lieu, le Tribunal constate qu' il y avait une situation d' urgence devant laquelle la Commission devait réagir rapidement. Cette urgence a eu pour conséquence que la Commission a dû adopter des mesures qui pouvaient être mises en place facilement, sans que trop de temps de préparation soit nécessaire.

127 En sixième lieu, enfin, le Tribunal rappelle que la décision 93/128 a eu une durée d' application relativement limitée, à savoir quatre semaines, de sorte que les inconvénients causés par la décision ont été, eux aussi, relativement limités.

128 Au vu de ces constatations, le Tribunal estime que la Commission, en adoptant la décision 93/128, n' a pas dépassé, du moins pas d' une manière qui confinerait à l' arbitraire, les limites de ce qui était nécessaire pour atteindre le but visé par la décision. Il s' ensuit que la décision 93/128 ne viole pas le principe de proportionnalité, en tout cas pas de manière manifeste et grave.

° Sur la décision 93/177

129 Le Tribunal observe, d' abord, que la décision 93/177 n' interdit pas catégoriquement, comme le fait la décision 93/128, les exportations des Pays-Bas (et d' Italie) vers d' autres États membres, mais soumet celles-ci à certaines conditions. Comme le démontrent les statistiques produites par les parties requérantes (annexes 3 à 5 à la réplique), les exportations de porcs vivants des Pays-Bas vers d' autres États membres ont effectivement repris sous l' application de cette décision pour atteindre, dans une période de quelques semaines, leur ancien niveau.

130 Le Tribunal observe, ensuite, que les mesures édictées par la décision 93/177 ont été approuvées par le comité vétérinaire permanent et que les plus importantes d' entre elles, à savoir celles contenues dans l' article 1er, ont eu une durée d' application relativement réduite, à savoir de cinq à six semaines.

131 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la Commission, en adoptant la décision 93/177, n' a pas violé le principe de proportionnalité, a fortiori pas de manière manifeste et grave.

En ce qui concerne le moyen tiré d' un détournement de pouvoir

Arguments des parties

132 Les parties requérantes, qui font observer que tant l' interdiction d' exportation instituée par la décision 93/128 que les restrictions à l' exportation imposées par la décision 93/177 sont des moyens extrêmement efficaces pour mettre fin à la fois à la suprématie des Pays-Bas dans les exportations de porcs vivants vers d' autres États membres et pour protéger la production nationale d' autres États membres, font valoir, en substance, qu' en adoptant lesdites décisions la Commission s' est rendue coupable d' un détournement de pouvoir.

133 La Commission renvoie au point 24 de l' arrêt Fedesa e.a., précité, et fait valoir que l' affirmation des parties requérantes est dépourvue de tout fondement.

Appréciation du Tribunal

134 Il ressort d' une jurisprudence constante qu' un acte communautaire n' est entaché d' un détournement de pouvoir que s' il apparaît, sur la base d' indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou, à tout le moins, déterminant, d' atteindre des fins autres que celles excipées ou afin d' éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l' espèce (voir, par exemple, arrêts de la Cour du 21 février 1984, Walzstahl-Vereinigung et Thyssen/Commission, 140/82, 146/82, 221/82 et 226/82, Rec. p. 951, point 27, et Fedesa e.a., précité, point 24).

135 Or, le Tribunal observe que, dans leurs mémoires, les parties requérantes n' ont apporté aucun élément objectif, pertinent et concordant, démontrant que la Commission aurait adopté les décisions litigieuses pour atteindre des fins autres que celles excipées ou afin d' éluder une procédure spécialement prévue par le traité. Il s' ensuit que le moyen tiré d' un détournement de pouvoir doit être rejeté.

En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du principe de l' égalité de traitement

Arguments des parties

136 Les parties requérantes allèguent que, en adoptant les décisions litigieuses, la Commission a violé le principe d' égalité inscrit à l' article 40, paragraphe 3, du traité, tel que celui-ci a été interprété, entre autres, dans l' arrêt de la Cour du 12 avril 1984, Unifrex/Commission et Conseil (281/82, Rec. p. 1969, point 30).

137 A l' appui de ce moyen, les parties requérantes font observer, d' abord, qu' il ressort du troisième considérant de la décision 93/128 que celle-ci a été adoptée, notamment, parce que "le virus de la maladie vésiculeuse du porc a été isolé et que des anticorps dudit virus ont été détectés dans les porcs envoyés des Pays-Bas vers l' Italie". Elles font remarquer, ensuite, que le fait de constater la présence d' anticorps et d' isoler le virus ne permet pas d' établir le lieu de la contamination.

138 A cet égard, les parties requérantes relèvent qu' il ressort des tests effectués à Brescia que, au cours de la période du 2 septembre 1992 au 15 février 1993, des anticorps du virus de la maladie ont été retrouvés principalement sur des porcs provenant de Belgique (242), puis, en ordre décroissant, des Pays-Bas (90), d' Allemagne (34) et de France (32). Elles soulignent que, si la présence d' anticorps a été constatée sur des porcs provenant des Pays-Bas, notamment en septembre et en octobre 1992, le nombre de cas constatés en janvier 1993 était faible, tandis qu' en février 1993 aucun cas n' avait été constaté.

139 Dans ces circonstances, les parties requérantes estiment que, en n' adoptant des mesures qu' à l' égard des Pays-Bas, la Commission a traité cet État membre différemment des autres et qu' elle a ainsi violé le principe d' égalité de traitement.

140 La Commission relève que la présence du virus en Italie n' a été établie que sur des porcs provenant des Pays-Bas et que cette circonstance constitue déjà à elle seule une différence objective justifiant l' application d' un traitement différencié à l' égard des Pays-Bas et de l' Italie.

Appréciation du Tribunal

141 Il ressort de la jurisprudence que le principe de l' égalité de traitement veut que les situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu' une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir, par exemple, l' arrêt Unifrex/Commission et Conseil, précité, point 30).

142 Or, le Tribunal constate que, dans le cas d' espèce, la Commission a adopté des mesures à l' égard des Pays-Bas et de l' Italie en raison de la constatation, en Italie, de la présence du virus de la maladie vésiculeuse du porc sur des porcs vivants expédiés des Pays-Bas, alors que seule la présence d' anticorps du virus a été constatée dans des porcs vivants provenant d' autres États membres. Il est constant entre les parties que la constatation de la présence d' anticorps ne suffit pas pour savoir si les animaux sont contaminés par la maladie ou non, puisqu' il peut y avoir des cas de "fausse séropositivité". En revanche, la constatation de la présence du virus est la preuve que les animaux sont contaminés par la maladie. Le Tribunal considère que, dès lors, et ainsi que l' a fait valoir à juste titre la Commission, la différence de traitement entre, d' une part, les Pays-Bas et l' Italie et, d' autre part, les autres États membres, se justifie objectivement. En conséquence, le moyen tiré d' une violation du principe de l' égalité de traitement ne peut pas être accueilli.

En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du principe de la protection de la confiance légitime

Arguments des parties

143 Les parties requérantes exposent qu' il ressort de l' arrêt Zuckerfabrik Bedburg e.a./Commission, précité, que le principe de la protection de la confiance légitime est violé et la responsabilité de la Communauté engagée si une mesure communautaire est prise 1) à défaut d' un intérêt public péremptoire en sens contraire, 2) avec effet immédiat et sans avertissement, 3) de manière non prévisible pour un opérateur économique prudent et 4) en l' absence de mesures transitoires adéquates.

144 Elles estiment que ces quatre conditions ont été remplies en l' espèce, de sorte qu' en adoptant les décisions litigieuses la Commission a violé le principe de la protection de la confiance légitime. En ce qui concerne plus particulièrement l' intérêt public péremptoire en sens contraire, elles estiment qu' à la lumière de l' arrêt Sofrimport/Commission, précité (points 26 à 29), un tel intérêt fait défaut dans le cas d' espèce.

145 La Commission rétorque que l' arrêt Zuckerfabrik Bedburg e.a./Commission, précité, ne saurait être invoqué dans le présent litige étant donné que cette affaire concernait une mesure visant à modifier des montants compensatoires monétaires et qu' il s' agissait donc d' une situation de fait différente de celle du présent litige.

146 Elle estime, d' ailleurs, que la lutte contre la propagation de la maladie vésiculeuse du porc constitue bel et bien un intérêt public péremptoire et que tout marchand d' animaux doit tenir compte des mesures que les pouvoirs publics peuvent adopter en vue de combattre les maladies animales susceptibles de lui causer un préjudice.

147 Quant à l' arrêt Sofrimport/Commission, précité, la Commission fait encore observer qu' il n' est pas pertinent pour le présent litige parce que, dans cette affaire, il s' agissait d' une législation prévoyant explicitement qu' il fallait tenir compte d' une certaine catégorie d' intéressés, alors que la directive 90/425, notamment son article 10, paragraphe 3, ne contient pas de dispositions similaires.

Appréciation du Tribunal

148 Il ressort de la jurisprudence que la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d' une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d' appréciation des institutions communautaires (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 33). Si un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l' adoption d' une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice de ce principe lorsque cette mesure est adoptée (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 44; arrêt Unifruit Hellas/Commission, précité, point 51).

149 Le Tribunal observe que, dans le cas d' espèce, les parties requérantes n' ont apporté aucun élément démontrant que la Commission a fait naître dans leur chef des espérances fondées, dans le fait qu' elle n' arrêterait pas de mesures conservatoires, comme celles contestées dans le présent litige. Le Tribunal considère, en outre, que le large pouvoir d' appréciation dont dispose la Commission en la matière habilitait celle-ci à modifier, en cas de besoin, la situation existante, de sorte que les opérateurs économiques n' étaient pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien de cette situation. En outre, le Tribunal estime qu' un opérateur économique prudent et avisé doit être en mesure de prévoir que, dans un cas où, comme en l' espèce, la présence du virus d' une maladie visée par la directive 90/425 est constatée sur des animaux expédiés d' un État membre vers un autre État membre, la Commission peut être amenée à adopter, en vertu de l' article 10, paragraphes 3 et 4, de la directive 90/425, des mesures conservatoires telles que celles de l' espèce.

150 Il s' ensuit que le moyen tiré d' une violation du principe de la protection de la confiance légitime doit être rejeté.

En ce qui concerne le moyen tiré d' une violation du droit d' être entendu

Arguments des parties

151 Les parties requérantes font valoir que, en adoptant les décisions litigieuses, la Commission a violé le principe selon lequel, avant d' adopter un acte faisant grief, les institutions communautaires doivent permettre aux intéressés de faire connaître leur point de vue et doivent dûment motiver l' acte sur ce point (arrêt Technische Universitaet Muenchen, précité, points 13 et 14; arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27, et du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission, C-48/90 et C-66/90, Rec. p. I-565, point 45).

152 La Commission note, d' abord, que l' Italie et les Pays-Bas ont été invités à discuter avec elle et que ce dernier État membre a effectivement été entendu au cours de la réunion du 26 février 1993. La défenderesse fait remarquer, ensuite, que, selon elle, le droit communautaire ne contient pas de principe général selon lequel les intéressés doivent être entendus avant l' adoption d' une mesure communautaire. En effet, d' après elle, il ressort de l' arrêt Belgique/Commission, précité (point 27), qu' une personne déterminée ne doit être entendue que dans le cas où une procédure administrative est engagée contre elle. Comme une telle procédure fait défaut dans le cas d' espèce, la défenderesse est d' avis qu' il ne lui incombait pas d' entendre les parties requérantes.

153 Elle fait observer, en outre, que les parties requérantes demandent que, avant de prendre des décisions politiques comme les mesures en question, les institutions communautaires consultent les secteurs économiques concernés. Selon la Commission, dans le cas où une telle obligation existait, l' exercice des compétences conférées aux institutions communautaires serait totalement paralysé, ce qui ne peut être accepté.

Appréciation du Tribunal

154 A l' égard de ce moyen, il suffit de constater que, ainsi qu' il a été établi dans le cadre de l' examen de la recevabilité (voir points 55 à 57 ci-dessus), la Commission n' était pas tenue d' entendre les parties requérantes avant l' adoption des décisions litigieuses. Pour ce seul motif déjà, le moyen tiré d' une violation du droit d' être entendu ne peut pas être accueilli.

F ° Observations finales

155 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que les parties requérantes n' ont pas pu démontrer que la Commission, en adoptant les décisions litigieuses, a méconnu, de manière manifeste et grave, une règle supérieure de droit protégeant les particuliers. La première condition pour l' engagement de la responsabilité de la Communauté, à savoir la présence d' un comportement illégal de la part d' une institution, faisant défaut, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité précitées, sans qu' il soit besoin d' examiner si les autres conditions pour l' engagement de la responsabilité de la Communauté sont remplies.

156 Il s' ensuit que les recours doivent être rejetés dans leur ensemble.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

157 Aux termes de l' article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu, au regard des conclusions de la Commission, de les condamner aux dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1) Les recours sont rejetés.

2) Les parties requérantes sont condamnées aux dépens.