ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)

9 février 2023 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Union douanière – Tarif douanier commun – Classement des marchandises – Nomenclature combinée – Sous-positions 76169990 et 86090090 – Tubular Transport Running-system (TubeLock) – Notion de “conteneur” »

Dans l’affaire C‑788/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Retten i Esbjerg (tribunal d’Esbjerg, Danemark), par décision du 16 décembre 2021, parvenue à la Cour le 17 décembre 2021, dans la procédure

Skatteministeriet Departementet

contre

Global Gravity ApS,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, faisant fonction de président de chambre, M. S. Rodin et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure), juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement danois, par Mme V. Pasternak Jørgensen, en qualité d’agent, assistée de Me B. Søes Petersen, advokat,

pour la Commission européenne, par M. K. Rasmussen et Mme M. Salyková, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la sous-position 86090090 de la nomenclature combinée (ci-après la « NC »), figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013 (JO 2013, L 290, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Skatteministeriet Departementet (ministère des Contributions, Danemark) à Global Gravity ApS (ci-après « GG ») au sujet du classement tarifaire d’un dispositif de transport de tuyaux mis au point par cette dernière.

Le cadre juridique

Le SH

3

Le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le « SH ») a été institué par la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles, le 14 juin 1983, dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes (OMD), et approuvée, avec son protocole d’amendement du 24 juin 1986, au nom de la Communauté économique européenne, par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO 1987, L 198, p. 1). Les notes explicatives du SH sont élaborées au sein de l’OMD conformément aux dispositions de cette convention.

4

En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), point 2, de ladite convention, chaque partie contractante s’engage à appliquer les règles générales pour l’interprétation du SH ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions et à ne pas modifier la portée des sections, des chapitres, des positions ou des sous-positions du SH.

5

L’OMD approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la même convention, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH.

6

La position 8609 du SH, dans sa version applicable au litige au principal, porte sur les « cadres et conteneurs (y compris les conteneurs‑citernes et les conteneurs-réservoirs) spécialement conçus et équipés pour un ou plusieurs modes de transport ».

7

Aux termes des notes explicatives du SH relatives à cette position, dans leur version applicable au litige au principal :

« Les cadres et conteneurs sont des emballages spéciaux conçus et équipés pour pouvoir être acheminés par un ou plusieurs modes de transport (notamment par fer, par route, par eau ou par la voie aérienne). Ils sont munis de dispositifs (crochets, anneaux, supports, roulettes, etc.) pour en faciliter la manutention et l’arrimage à bord du véhicule terrestre, du véhicule aérien ou du bateau transporteur. Ils se prêtent au transport de porte à porte des marchandises sans changement d’emballage depuis le point de départ jusqu’au lieu d’arrivée. Ils sont de construction robuste de façon à permettre un usage répété.

Le type le plus courant, en bois ou en métal, consiste en une grande caisse munie de portes ou bien de panneaux latéraux démontables.

Parmi les principaux types de cadres et conteneurs, on peut citer :

1)

Les cadres spécialement adaptés au transport des mobiliers.

2)

Les cadres isothermes pour denrées ou marchandises périssables.

3)

Les conteneurs‑citernes et les conteneurs‑réservoirs, généralement de forme cylindrique, pour le transport des liquides ou des gaz ; ces emballages ne demeurent toutefois classés ici que s’ils sont montés sur un support permettant de les fixer sur un véhicule quelconque. Autrement présentés, ils suivent leur régime propre selon la matière constitutive.

4)

Les conteneurs ouverts affectés au transport de marchandises en vrac (charbon, minerai, pavés, briques, tuiles, etc.). Afin d’en faciliter le déchargement, les fonds ou les parois latérales sont souvent montés sur charnières.

5)

Les cadres et conteneurs pour le transport de marchandises particulières, notamment les ouvrages en verre, les articles en matières céramiques, les animaux vivants.

La capacité des cadres et conteneurs varie généralement entre 4 et 145 m3. Il en existe cependant de plus petits, mais leur capacité n’est normalement pas inférieure à 1 m3.

Sont exclues de la présente position :

a)

Les caisses de tout genre qui, bien que destinées au transport de porte à porte des marchandises, ne sont pas spécialement conçues pour être fixées ou amarrées sur un véhicule terrestre, un véhicule aérien ou un bateau. Ces emballages suivent leur régime propre selon la matière constitutive.

[...] »

La NC

8

L’article 1er du règlement no 2658/87, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO 2000, L 28, p. 16) (ci-après le « règlement no 2658/87 »), dispose :

« 1.   Une nomenclature des marchandises, ci-après dénommée [...] “NC”, qui remplit à la fois les exigences du tarif douanier commun, des statistiques du commerce extérieur de la Communauté et d’autres politiques communautaires relatives à l’importation ou à l’exportation de marchandises, est établie par la Commission.

2.   La [NC] reprend :

a)

la nomenclature du [SH] ;

b)

les subdivisions communautaires de cette nomenclature, dénommées “sous-positions NC” lorsque des taux de droits sont spécifiés en regard de celles-ci ;

c)

les dispositions préliminaires, les notes complémentaires de sections ou de chapitres et les notes de bas de page se rapportant aux sous-positions NC.

3.   La [NC] figure à l’annexe I. [...]

[...] »

9

En vertu de l’article 12, paragraphe 1, de ce règlement, la Commission adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la NC et des taux des droits de douane conformément à l’article 1er, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est publié au Journal officiel de l’Union européenne au plus tard le 31 octobre et est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

10

Il ressort du dossier dont dispose la Cour que la version de la NC applicable dans l’affaire au principal est celle résultant du règlement d’exécution no 1001/2013.

11

La première partie de la NC comprend un titre I, consacré aux règles générales, dont la section A, intitulée « Règles générales pour l’interprétation de la [NC] », dispose :

« Le classement des marchandises dans la [NC] est effectué conformément aux principes ci-après.

1.

Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

2.

a)

Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

b)

Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la règle 3.

3.

Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit :

a)

La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

b)

Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

c)

Dans le cas où les règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.

[...]

6.

Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions [...] Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires. »

12

La deuxième partie de la NC, intitulée « Tableau des droits », contient une section XV, intitulée « Métaux communs et ouvrages en ces métaux », qui comporte le chapitre 76 de cette nomenclature, intitulé « Aluminium et ouvrages en aluminium ».

13

Les positions 7601 à 7615 de la NC concernent différents produits spécifiques en aluminium, tels que l’aluminium sous forme brute et des barres et profilés en aluminium. La position 7616 de la NC est une position résiduelle qui vise les « autres ouvrages en aluminium ». La sous-position 761610 de la NC concerne un certain nombre de produits spécifiques tels que les pointes, les clous, les crampons appointés, les vis, les boulons et les écrous. La sous-position 761699 concerne les autres ouvrages.

14

La section XVII, intitulée « Matériel de transport », de la deuxième partie de la NC contient le chapitre 86 de cette nomenclature, intitulé « Véhicules et matériel pour voies ferrées ou similaires et leurs parties ; appareils mécaniques (y compris électromécaniques) de signalisation pour voies de communications ».

15

Les positions 8601 à 8608 de la NC concernent des produits tels que les locomotives, les automotrices, les véhicules pour l’entretien ou le service.

16

La position 8609 de la NC et ses sous-positions sont libellées comme suit :

« 8609 00

Cadres et conteneurs (y compris les conteneurs-citernes et les conteneurs-réservoirs) spécialement conçus et équipés pour un ou plusieurs modes de transport

8609 00 10

Conteneurs munis de blindage en plomb de protection contre les radiations, pour le transport des matières radioactives (Euratom)

8609 00 90

autres »

Le TARIC

17

En vertu de l’article 2 du règlement no 2658/87, la Commission européenne établit sur la base de la NC un tarif intégré des Communautés européennes, dénommé « TARIC », qui repose sur la NC et reprend, notamment, des subdivisions communautaires complémentaires, dénommées « sous-positions TARIC ».

18

L’article 3 de ce règlement prévoit :

« 1.   Chaque sous-position NC est assortie d’un code numérique composé de huit chiffres :

a)

les six premiers chiffres sont les codes numériques affectés aux positions et sous-positions de la nomenclature du [SH] ;

b)

les septième et huitième chiffres identifient les sous-positions NC. Lorsqu’une position ou sous-position du [SH] n’est pas subdivisée pour des besoins communautaires, les septième et huitième chiffres sont “00”.

2.   Les sous-positions du Taric sont identifiées par un neuvième et un dixième chiffre, qui forment avec les numéros de code visés au paragraphe 1 les numéros de code Taric. En l’absence de subdivisions communautaires, les neuvième et dixième chiffres sont “00”.

[...] »

19

En vertu de l’article 12, paragraphe 2, dudit règlement, les mesures et les informations relatives au tarif douanier commun ou au TARIC sont diffusées, dans la mesure du possible, sous format électronique par des moyens informatiques.

20

En ce qui concerne la sous-position 761699 de la NC, qui concerne les autres ouvrages en aluminium, le TARIC, dans sa version applicable au litige au principal, était libellé comme suit :

« 76169990 – – – autres :

– – – – faits à la main :

– – – – autres :

7616999010 – – – – – Colliers, brides et dispositifs de soutien, de raccordement, de serrage et d’espacement, destinés à certains types de véhicules aériens

[...]

7616999091 – – – – – – Radiateurs en aluminium et éléments ou sections composant ces radiateurs, que ces éléments soient ou non assemblés en blocs

7616999099 – – – – – – autres »

21

Le TARIC, dans sa version applicable au litige au principal, ne prévoyait pas de code spécifique associé à la sous-position 86090090 de la NC.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

22

Le 28 février 2014, GG a demandé au Skattestyrelsen (direction des contributions, Danemark) un renseignement tarifaire contraignant pour le produit appelé « Tubular Transport Running System (TTRS) » ou « TubeLock® » (ci-après le « TubeLock »).

23

Ce produit, mis au point par GG, la défenderesse au principal, est décrit comme étant un moyen sûr pour transporter des tuyaux à partir de l’usine jusqu’aux plates-formes de forage pétrolier et gazier en utilisant divers moyens de transport (par la route, par le train et/ou par bateau) sans qu’il soit nécessaire de modifier le conditionnement en cours de route.

24

Le TubeLock est composé d’un ensemble de traverses de maintien en aluminium, de deux barres d’assemblage en acier (une à gauche et une à droite) par traverse et de deux boulons M20 en acier par traverse, pour serrer celles-ci ensemble. Les traverses sont des pièces allongées en aluminium, munies d’un certain nombre d’encoches adaptées au diamètre des tubes. Après que les tuyaux ont été posés dans les encoches d’une première traverse, une deuxième traverse est posée dessus dans l’autre sens, à la suite de quoi une nouvelle couche de tuyaux peut être posée. Les deux barres d’assemblage sont chacune munies d’un œillet dans lequel est introduite une élingue lorsque le système de transport est déchargé du moyen transporteur. La construction robuste permettrait une utilisation répétée dudit produit. Les éléments du TubeLock sont importés ensemble, mais celui-ci se trouve, au moment de l’importation, en pièces détachées. Lorsque le produit n’est pas utilisé – c’est-à-dire lorsque les traverses n’enserrent pas des tuyaux – il peut être démonté et stocké dans un caisson de transport, si bien qu’il occupe peu de place.

25

Par décision du 15 août 2014, la direction des contributions a considéré que le TubeLock devait être classé en tant que produit d’aluminium dans la sous-position 76169990 de la NC (code marchandise TARIC 7616999099), pour laquelle le droit de douane était de 6 %.

26

GG a introduit un recours contre cette décision devant le Landsskatteretten (commission fiscale nationale, Danemark), lequel a jugé, le 2 décembre 2019, que le TubeLock devait être classé dans la sous-position 86090090 de la NC (code marchandise TARIC 8609009000) en tant que conteneur de marchandises, non soumis à un droit de douane.

27

Par requête du 28 février 2020, le ministère des Contributions a saisi la juridiction de renvoi, le Retten i Esbjerg (tribunal d’Esbjerg, Danemark), d’un recours contre cette décision en concluant au classement du TubeLock dans la sous-position 76169990 de la NC.

28

La juridiction de renvoi relève que, selon le ministère des Contributions, le produit concerné ne peut pas être classé dans la sous-position 86090090 de la NC parce que, premièrement, il n’est pas un conteneur de marchandises. En effet, il n’aurait pas de fond ou de côtés en matière solide, ne disposerait pas d’un volume spécifique et ne pourrait dès lors pas contenir des marchandises. Cette conclusion serait confirmée par les notes explicatives de la position 8609 de la NC.

29

Deuxièmement, le TubeLock ne serait pas spécialement conçu ou équipé pour un ou plusieurs modes de transport, alors que, pour relever de la sous-position 86090090 de la NC, un conteneur de marchandises devrait être muni de dispositifs pour en faciliter la manutention et l’arrimage à bord d’un véhicule transporteur, ainsi que cela ressortirait des notes explicatives. Or, les œillets des barres d’assemblage du TubeLock ne seraient pas utilisés pour l’arrimage dans un véhicule de transport. Cette caractéristique ne serait, par ailleurs, pas contestée par GG.

30

Troisièmement, le TubeLock relèverait de la sous-position TARIC 7616999099, comme « ouvrage en aluminium ». En effet, il s’agirait d’un article composite fait de différents matériaux. En outre, conformément à la règle 3 b) des règles générales pour l’interprétation de la NC, de tels produits – lorsque leur classement ne pourrait pas être effectué en application de la règle 3 a) – devraient être classés d’après la matière qui leur confère leur caractère essentiel. Or, les traverses de maintien du TubeLock constitueraient l’élément essentiel de ce système de transport et seraient en aluminium.

31

GG conteste ce classement. Les dispositifs pouvant être considérés comme des conteneurs figurant dans les notes explicatives du SH n’y seraient énumérés qu’à titre exemplatif. En outre, un conteneur de marchandises ne devrait pas forcément être muni de dispositifs en vue de l’arrimage à bord d’un véhicule transporteur pour pouvoir être qualifié de « conteneur de marchandises », au sens de la position 8609 de la NC. Par ailleurs, un produit ne pourrait pas être classé dans la position 7616 de la NC si la désignation des marchandises dans les « ouvrages en aluminium » est moins précise que dans une autre partie de la NC. Or, en l’occurrence, la sous-position 86090090 de cette nomenclature serait plus précise.

32

La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à l’interprétation de la notion de « conteneur de marchandises » et la portée de la position 8609 de la NC.

33

Dans ces circonstances, le Retten i Esbjerg (tribunal d’Esbjerg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Quels critères doivent être appliqués pour déterminer si un produit constitue un conteneur de marchandises relevant de la sous-position [86090090] de la [NC], telle qu’arrêtée par le [règlement d’exécution no 1001/2013] ? En particulier :

a)

chacun de ces critères permet-il isolément de classer un produit comme conteneur de marchandises,

b)

convient-il, pour déterminer si un produit doit être classé comme conteneur de marchandises, de procéder à une appréciation sous l’angle de plusieurs critères considérés ensemble, le produit pouvant être classé comme tel si plusieurs critères, mais non tous, sont réunis,

ou

c)

tous les critères doivent-ils être remplis cumulativement pour pouvoir classer un produit en tant que conteneur de marchandises ?

2)

La notion de “cadres et conteneurs” utilisée à la sous-position [86090090] de la [NC], telle qu’arrêtée par le [règlement d’exécution no 1001/2013], doit-elle être interprétée comme comprenant un produit consistant en un système de transport de tuyaux qui est constitué d’un certain nombre de traverses de maintien en aluminium, de deux barres d’assemblage en acier par traverse et de deux boulons M20 par traverse permettant de fixer celles-ci ensemble [le système étant utilisé de la manière suivante :] des tuyaux sont posés sur des traverses de maintien, d’autres traverses de maintien sont placées sur ces tuyaux, sur lesquelles des tuyaux sont à nouveau posés, et ainsi de suite jusqu’à ce que le chargement comprenne le nombre souhaité de tuyaux ; l’opération se termine toujours en plaçant sur l’ensemble un certain nombre de traverses de maintien ; lorsque les tuyaux sont attachés ensemble par les traverses de maintien et que la préparation du chargement est terminée, des élingues en acier sont accrochées aux barres d’assemblage se trouvant aux quatre coins du chargement (en les passant dans les œillets des barres) et la marchandise est prête à être chargée à l’aide soit d’une grue, soit d’un chariot élévateur si le transport doit se faire par voie terrestre ? »

Sur les questions préjudicielles

34

Par ses questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la sous-position 86090090 de la NC doit être interprétée en ce sens que relève de celle-ci un dispositif de transport de tuyaux qui est constitué d’un certain nombre de paires de traverses de maintien en aluminium, entre lesquelles sont posés perpendiculairement les tuyaux destinés à être transportés, ces paires de traverses étant reliées entre elles au moyen de deux barres d’assemblage en acier, équipées d’œillets, d’autres tuyaux pouvant ensuite être posés par le dessus selon le même procédé jusqu’à ce que le chargement comprenne le nombre de tuyaux devant être transportés, le chargement étant alors complété par l’accrochage d’élingues en acier aux barres d’assemblage se trouvant aux quatre coins du chargement (en les passant dans lesdits œillets), afin de faciliter la manutention de l’ensemble.

35

Il convient de rappeler d’emblée que, lorsque la Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel en matière de classement tarifaire, sa fonction consiste à éclairer la juridiction nationale sur les critères dont la mise en œuvre permettra à cette dernière de classer correctement les produits en cause dans la NC (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2021, Flavourstream, C‑822/19, EU:C:2021:444, point 33).

36

Selon les règles générales pour l’interprétation de la NC, le classement des marchandises est déterminé selon les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres de cette nomenclature. Dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de ladite nomenclature et des notes de sections ou de chapitres (arrêt du 28 avril 2022, PRODEX, C‑72/21, EU:C:2022:312, point 28).

37

En outre, la Cour a itérativement jugé que, en dépit de leur absence de force contraignante, les notes explicatives, notamment du SH, constituent des instruments importants afin d’assurer une application uniforme du tarif douanier commun et fournissent des éléments valables pour l’interprétation de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 25 février 2021, Bartosch Airport Supply Services, C‑772/19, EU:C:2021:141, point 23, et du 28 avril 2022, PRODEX, C‑72/21, EU:C:2022:312, point 29), pour autant que leur teneur est conforme aux dispositions qu’elles interprètent (voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2009, Kamino International Logistics, C‑376/07, EU:C:2009:105, point 48).

38

C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il y aura lieu d’examiner si une marchandise qui présente les caractéristiques du TubeLock est susceptible de relever de la sous-position 86090090 de la NC, qui constitue elle-même une subdivision de la sous-position 860900 de la NC, laquelle vise les « cadres et conteneurs (y compris les conteneurs-citernes et les conteneurs-réservoirs) spécialement conçus et équipés pour un ou plusieurs modes de transport ».

39

Il découle du libellé de cette dernière sous-position que, aux fins du classement d’un produit dans celle-ci, deux conditions doivent être cumulativement respectées : d’une part, ce produit doit être qualifié de « cadre ou conteneur » et, d’autre part, il doit être spécialement conçu et équipé pour un ou plusieurs modes de transport.

40

S’agissant de la première condition, soit la qualification de « cadre ou conteneur », il y a lieu d’observer, à titre liminaire, qu’il existe une divergence dans les différentes versions linguistiques de la sous-position 860900 de la NC. Ainsi, parmi celles-ci, les versions en langues française (« cadre ou conteneur »), italienne (« Casse mobili e contenitori »), néerlandaise (« Containers en dergelijke laadkisten ») et roumaine (« Cadre și containere ») utilisent deux termes. D’autres versions linguistiques n’utilisent qu’un seul terme, suivi d’un synonyme entre parenthèses. Il en va ainsi notamment des versions en langues danoise [« Godsbeholdere (containere) »] et allemande [« Warenbehälter (Container) »], ou se limitent à un terme, comme les versions en langues anglaise (« Containers »), polonaise (« Pojemniki ») et portuguaise (« Contentores »).

41

En outre, dans les versions linguistiques utilisant deux termes, ceux-ci n’ont pas nécessairement un sens identique. En effet, alors que les versions en langues néerlandaise et italienne utilisent, hormis le mot « conteneur », un équivalent du terme « caisse », les versions en langues roumaine et française recourent au mot « cadre ». Celui-ci n’est, à première vue, pas un synonyme du terme « conteneur » ou « caisse ».

42

Selon une jurisprudence constante, la formulation utilisée dans l’une des versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union ne saurait servir de base unique à l’interprétation de cette disposition ou se voir attribuer, à cet égard, un caractère prioritaire par rapport aux autres versions linguistiques dès lors que les dispositions du droit de l’Union doivent être interprétées et appliquées de manière uniforme, à la lumière des versions établies dans toutes les langues de l’Union (arrêt du 28 octobre 2021, KAHL et Roeper, C‑197/20 et C‑216/20, EU:C:2021:892, point 33).

43

À cet égard, il doit néanmoins être constaté que, en langues française et roumaine, l’une des acceptions du mot « cadre », dans le domaine du transport, est précisément celle d’une caisse de très grandes dimensions servant au transport de biens meubles par chemin de fer ou camion. En outre, en langue roumaine, le mot « cadru » est utilisé comme synonyme du mot « carcasă », ce qui désigne une structure tridimensionnelle ou une enveloppe, souvent en bois ou en métal.

44

Ainsi, ces termes employés dans les versions en langues française et roumaine de la sous-position 860900 de la NC apparaissent avoir le même sens que celui employé dans d’autres versions linguistiques de cette sous-position, tel que « casse » dans la version en langue italienne et « laadkist » dans la version en langue néerlandaise. Le fait que plusieurs versions linguistiques n’utilisent que le terme « conteneur » ou un synonyme de celui-ci corrobore par ailleurs l’interprétation selon laquelle le mot « cadre » employé dans les versions en langues française et roumaine doit s’entendre dans le même sens, à savoir celui de « cadre-conteneur » ou de « caisse ».

45

En outre, cette interprétation est étayée par le fait que la NC prévoit des sous-positions spécifiques dédiées à d’autres types de marchandises qui, bien que portant le nom de « cadres » ne sauraient en aucun cas relever de la sous-position 860900 de la NC, telles que la sous-position 441400, relative notamment à des « cadres en bois pour tableaux, photographies, miroirs ou objets similaires », et la sous-position 39252000, relative aux « portes, fenêtres et leurs cadres, chambranles et seuils ».

46

Le terme « cadre », au sens de la sous-position 860900 de la NC visant donc, ainsi qu’il résulte de ce qui précède, les cadres dans leur sens de « conteneurs », il n’en demeure pas moins que ni la NC ni ses notes de section ou de chapitre ne définissent exactement ce que recouvre cette dernière notion. Selon la jurisprudence de la Cour, il convient, dans ce cas, d’en déterminer la signification conformément au sens habituel en langage courant de ce terme, tout en tenant compte du contexte dans lequel il est utilisé et des objectifs poursuivis par la réglementation dont il fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Pfizer Consumer Healthcare, C‑182/19, EU:C:2020:243, point 48).

47

À cet égard, un conteneur désigne, dans le langage courant, un récipient de dimensions standardisées, composé au moins d’un fond et de parois latérales constitués d’un matériau rigide, destiné au stockage ou au transport de gaz ou de produits liquides ou solides et qui en facilite la manipulation pendant l’acheminement.

48

Cette interprétation de la notion de « conteneur » comme visant un « récipient », à savoir un objet creux, possédant un fond et des parois, est étayée par le libellé de la position 7310 de la NC, relative aux « réservoirs, fûts, tambours, bidons, boîtes et récipients similaires [...] », la désignation des marchandises relevant de cette position ne mentionnant que des « récipients » et les exemples donnés étant tous caractérisés par le fait qu’il s’agit de produits munis au moins d’un fond et de parois latérales en matériaux solides. Or, dès lors qu’il ressort du point précédent qu’un « conteneur », au sens de la sous-position 860900 de la NC est également un « récipient », il ne serait pas justifié de considérer que ce terme reçoive des interprétations différentes dans les diverses positions de la NC.

49

Ladite interprétation du terme « conteneur » comme visant un récipient pourvu au moins d’un fond et de parois latérales se trouve également corroborée par les notes explicatives de la position 8609 du SH. Celles-ci décrivent les produits relevant de cette position comme des « emballages », en citant comme exemple le plus courant une grande caisse munie de portes ou bien de panneaux latéraux démontables. Tous les exemples y donnés décrivent des récipients creux destinés à contenir certaines marchandises.

50

Ces notes font également état de la « capacité » des conteneurs, ce qui implique également qu’ils doivent être entendus comme des récipients destinés à renfermer les objets, liquides ou gaz à transporter.

51

Par ailleurs, en indiquant tant pour les cadres que pour les conteneurs que ceux-ci disposent d’une capacité, ces notes explicatives confirment que le terme « cadre » employé dans les versions en langues française et roumaine de cette sous-position doit être entendu comme désignant un récipient, et non pas un encadrement, un châssis ou un chambranle, dont il est question au point 45 du présent arrêt.

52

En l’occurrence, force est de constater qu’un dispositif de transport qui ne saurait contenir ou renfermer des tuyaux à transporter, mais qui les serre entre eux au moyen de barres métalliques à la manière d’un étrier, de telle sorte que ce dispositif ne recouvre qu’une partie très limitée de la surface de ces tuyaux, ne présente pas les caractéristiques et propriétés objectives d’un récipient, si bien qu’un tel produit ne revêt pas les caractéristiques requises pour être qualifié de « cadre ou conteneur », au sens de la sous-position 860900 de la NC.

53

Les conditions aux fins du classement d’un produit dans la sous-position concernée étant cumulatives, il n’y a pas lieu d’analyser la seconde condition à laquelle il doit être satisfait pour relever de la sous-position 860900 de la NC, à savoir que le produit doit être spécialement conçu et équipé pour un ou plusieurs modes de transport.

54

Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de répondre aux questions posées que la sous-position 86090090 de la NC doit être interprétée en ce sens que ne relève pas de celle-ci un dispositif de transport de tuyaux qui est constitué d’un certain nombre de paires de traverses de maintien en aluminium, entre lesquelles sont posés perpendiculairement les tuyaux destinés à être transportés, ces paires de traverses étant reliées entre elles au moyen de deux barres d’assemblage en acier, équipées d’œillets, d’autres tuyaux pouvant ensuite être posés par le dessus selon le même procédé jusqu’à ce que le chargement comprenne le nombre de tuyaux devant être transportés, le chargement étant alors complété par l’accrochage d’élingues en acier aux barres d’assemblage se trouvant aux quatre coins du chargement (en les passant dans lesdits œillets), afin de faciliter la manutention de l’ensemble, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

55

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

 

La sous-position 86090090 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version résultant du règlement d’exécution (UE) no 1001/2013 de la Commission, du 4 octobre 2013,

 

doit être interprétée en ce sens que :

 

ne relève pas de celle-ci un dispositif de transport de tuyaux qui est constitué d’un certain nombre de paires de traverses de maintien en aluminium, entre lesquelles sont posés perpendiculairement les tuyaux destinés à être transportés, ces paires de traverses étant reliées entre elles au moyen de deux barres d’assemblage en acier, équipées d’œillets, d’autres tuyaux pouvant ensuite être posés par le dessus selon le même procédé jusqu’à ce que le chargement comprenne le nombre de tuyaux devant être transportés, le chargement étant alors complété par l’accrochage d’élingues en acier aux barres d’assemblage se trouvant aux quatre coins du chargement (en les passant dans lesdits œillets), afin de faciliter la manutention de l’ensemble, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le danois.