ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
12 janvier 2023 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Réglementation nationale prévoyant l’obligation pour l’opérateur public de s’approvisionner auprès des producteurs d’énergies renouvelables à un prix supérieur à celui du marché – Absence de versement d’une partie de l’aide concernée – Demande de compensation présentée par ces producteurs auprès d’une autorité publique distincte de celle qui est, en principe, tenue, en application de cette réglementation nationale, de verser cette aide et dont le budget est uniquement destiné à assurer son propre fonctionnement – Aide nouvelle – Obligation de notification – Aide de minimis – Règlement (UE) no 1407/2013 – Article 5, paragraphe 2 – Cumul – Prise en considération des montants d’aide déjà perçus pendant la période de référence sur le fondement de ladite réglementation nationale »
Dans les affaires jointes C‑702/20 et C‑17/21,
ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), par décisions du 18 décembre 2020 et du 7 janvier 2021, parvenues à la Cour respectivement le 22 décembre 2020 et le 11 janvier 2021, dans les procédures
«DOBELES HES»SIA (C‑702/20)
Sabiedrisko pakalpojumu regulēšanas komisija (C‑17/21)
en présence de :
Sabiedrisko pakalpojumu regulēšanas komisija,
Ekonomikas ministrija,
Finanšu ministrija,
« GM » SIA,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice–président, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe, L. S. Rossi, M. L. Arastey Sahún, présidentes de chambre, MM. M. Ilešič, J.–C. Bonichot (rapporteur), N. Piçarra, I. Jarukaitis, A. Kumin, N. Jääskinen, N. Wahl, M. Gavalec et Mme O. Spineanu–Matei, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. C. Di Bella, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 mars 2022,
considérant les observations présentées :
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pour « DOBELES HES » SIA et « GM » SIA, par M. J. Vaits, |
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pour la Sabiedrisko pakalpojumu regulēšanas komisija, par Mme E. Bergmane, MM. I. Birziņš, J. Miķelsons et Mme A. Ozola, |
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pour le gouvernement letton, par M. E. Bārdiņš, Mmes J. Davidoviča, I. Hūna et K. Pommere, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, Mme A. Hoesch et M. R. Kanitz, en qualité d’agents, |
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pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. Ruiz Sánchez, en qualité d’agent, |
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pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. A. M. de Ree, en qualité d’agents, |
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pour la Commission européenne, par MM. A. Bouchagiar, G. Braga da Cruz, I. Naglis et Mme I. Rubene, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2022,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, du règlement (UE) no 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de minimis (JO 2013, L 352, p. 1), et du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9). |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, « DOBELES HES » SIA et « GM » SIA (ci-après, ensemble, les « requérantes au principal »), à la Sabiedrisko pakalpojumu regulēšanas komisija (commission de régulation des services publics, Lettonie) (ci-après l’« autorité de régulation ») au sujet de la fixation du prix de rachat de l’électricité par l’entreprise de distribution agréée à un tarif trop bas pour la période allant du 1er mars 2006 au 30 novembre 2007 s’agissant de DOBELES HES et pour la période allant du 1er mars 2006 au 30 septembre 2008 s’agissant de GM. |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le traité d’adhésion et l’acte d’adhésion
3 |
Le traité entre le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande, le Royaume de Suède, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (États membres de l’Union européenne) et la République tchèque, la République d’Estonie, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la République de Malte, la République de Pologne, la République de Slovénie, la République slovaque relatif à l’adhésion de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque à l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 17), a été signé par la République de Lettonie le 16 avril 2003 et est entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « traité d’adhésion »). |
4 |
En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, du traité d’adhésion, les conditions de l’admission et les adaptations des traités sur lesquels l’Union européenne est fondée figurent dans l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’« acte d’adhésion »). |
5 |
L’article 22 de l’acte d’adhésion qui, au même titre que les autres dispositions de celui-ci, fait partie intégrante du traité d’adhésion, dispose que les mesures énumérées dans la liste figurant à son annexe IV sont appliquées dans les conditions définies par cette annexe. |
6 |
L’annexe IV, point 3, paragraphe 1, de l’acte d’adhésion dispose : « Les régimes d’aides et aides individuelles ci-après, mis à exécution dans un nouvel État membre avant la date de l’adhésion et toujours applicables après cette date, sont considérés lors de l’adhésion comme aide existante au sens de l’article [108, paragraphe 1, TFUE] :
Toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique et ne satisfont pas aux conditions susvisées sont considérées comme une aide nouvelle à la date de l’adhésion aux fins de l’application de l’article [108, paragraphe 3, TFUE.] » |
7 |
L’annexe IV, point 3, paragraphe 2, de l’acte d’adhésion établit la procédure applicable lorsqu’un nouvel État membre souhaite que la Commission examine une aide dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 1, sous c), de ce point, prévoyant qu’il communique, dans ce cas, régulièrement avec cette institution. Selon le paragraphe 3 dudit point, toute décision de la Commission de soulever des objections à l’égard d’une mesure, au sens du paragraphe 1, sous c), du même point, est considérée comme équivalant à une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, au sens du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). |
Le règlement no 1407/2013
8 |
L’article 3 du règlement no 1407/2013, intitulé « Aides de minimis », dispose : « 1. Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] et comme n’étant pas soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], les aides qui satisfont aux conditions énoncées dans le présent règlement. 2. Le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200000 [euros] sur une période de trois exercices fiscaux. [...] » |
9 |
L’article 5, paragraphe 2, de ce règlement est rédigé comme suit : « Les aides de minimis ne peuvent pas être cumulées avec des aides d’État octroyées pour les mêmes coûts admissibles ni avec des aides d’État en faveur de la même mesure de financement de risques si ce cumul conduit à un dépassement de l’intensité d’aide ou du montant d’aide les plus élevés applicables fixés, dans les circonstances propres à chaque cas, par un règlement d’exemption par catégorie ou une décision adoptés par la Commission. Les aides de minimis qui ne sont pas octroyées pour des coûts admissibles spécifiques ou qui ne peuvent pas être rattachées à de tels coûts peuvent être cumulées avec d’autres aides d’État octroyées sur le fondement d’un règlement d’exemption par catégorie ou d’une décision adoptée par la Commission. » |
10 |
L’article 7 dudit règlement, intitulé « Dispositions transitoires », prévoit, à son paragraphe 1 : « Le présent règlement s’applique aux aides accordées avant son entrée en vigueur si celles-ci remplissent toutes les conditions fixées dans le présent règlement. Toute aide ne remplissant pas lesdites conditions sera appréciée par la Commission conformément aux cadres, lignes directrices et communications applicables. » |
Le règlement 2015/1589
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L’article 1er du règlement 2015/1589 dispose : « Aux fins du présent règlement, on entend par :
[...] » |
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L’article 2 de ce règlement, intitulé « Notification d’une aide nouvelle », est rédigé comme suit : « 1. Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l’article 109 [TFUE] ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d’octroi d’une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l’État membre concerné. La Commission informe aussitôt l’État membre concerné de la réception d’une notification. 2. Dans sa notification, l’État membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 9 [...] » |
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L’article 3 dudit règlement, intitulé « Clause de suspension », prévoit : « Toute aide devant être notifiée en vertu de l’article 2, paragraphe 1, n’est mise à exécution que si la Commission a pris, ou est réputée avoir pris, une décision l’autorisant. » |
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L’article 17 du même règlement, intitulé « Prescription en matière de récupération de l’aide », dispose : « 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. 2. Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne. 3. Toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante. » |
Le droit letton
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L’article 40, paragraphe 1, de l’enerģētikas likums (loi relative à l’énergie), du 3 septembre 1998 (Latvijas Vēstnesis, 1998, no 273), dans sa version en vigueur au cours de la période allant du 1er juin 2001 au 7 juin 2005 (Latvijas Vēstnesis, 2001, no 83), dispose : « L’entreprise de distribution d’électricité agréée achète aux petites centrales hydroélectriques situées dans sa zone d’agrément et dont la capacité ne dépasse pas deux mégawatts, à condition que l’exploitation de ces centrales et de leurs équipements ait débuté avant le 1er janvier 2003, le surplus d’électricité que lesdites centrales produisent, une fois leurs propres besoins satisfaits et conformément aux paramètres nationaux de qualité de l’électricité, pendant huit ans à compter du début de l’exploitation de la centrale électrique concernée, à un prix correspondant à deux fois le tarif moyen de vente de l’électricité. Le prix d’un tel achat sera ensuite déterminé par l’autorité de régulation. » |
16 |
L’article 30, paragraphe 1, de l’elektroenerģijas tirgus likums (loi relative au marché de l’électricité), du 5 mai 2005 (Latvijas Vēstnesis, 2005, no 82), dans sa version en vigueur au cours de la période allant du 8 juin 2005 au 31 décembre 2014, dispose : « Les producteurs qui, pour la production d’électricité, utilisent des sources d’énergie renouvelables et qui ont commencé leur activité avant l’entrée en vigueur de la présente loi vendent l’électricité à l’opérateur public conformément aux conditions concernant le mode de fonctionnement, aux délais d’approvisionnement et aux prix qui leur étaient appliqués au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi. » |
17 |
L’article 30, paragraphe 3, de cette loi, dans sa version en vigueur au cours de la période allant du 8 juin 2005 au 14 mai 2008, prévoit : « L’opérateur public tient des registres séparés du volume et du coût de l’électricité achetée conformément aux modalités définies aux paragraphes 1 et 2 de la présente disposition. Le prix de cet achat est supporté par tous les clients finals d’électricité en Lettonie au prorata de leur consommation d’électricité, lorsqu’une partie de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables est achetée à l’opérateur public ou lorsque le coût supporté par ce dernier fait l’objet d’une compensation. » |
18 |
L’article 29, paragraphe 1, du likums « Par sabiedrisko pakalpojumu regulatoriem » (loi relative aux autorités de régulation des services publics), du 19 octobre 2000 (Latvijas Vēstnesis, 2000, no 394), dispose : « Le fonctionnement de l’autorité de régulation est financé par des recettes provenant de la perception de la redevance d’État pour la régulation des services publics (ci-après la “redevance d’État”) et de paiements pour les services fournis par l’autorité de régulation, qui sont prévus dans d’autres dispositions législatives et réglementaires. » |
19 |
L’article 30 de cette loi prévoit : « 1. Pour assurer la régulation des services publics, tous les prestataires de services publics dans les secteurs réglementés paient la redevance d’État. 2. La redevance d’État dans les secteurs réglementés est versée au budget de l’État et créditée sur le compte de l’autorité de régulation auprès du Trésor public. La redevance d’État payée dans les secteurs réglementés est destinée uniquement à assurer le fonctionnement de cette autorité. » |
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
20 |
Les requérantes au principal exploitent des centrales hydroélectriques et produisent ainsi de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables. |
21 |
Jusqu’au 7 juin 2005, l’article 40, paragraphe 1, de la loi relative à l’énergie disposait que les producteurs d’électricité avaient, sous certaines conditions, le droit de vendre leur excédent de production électrique à l’entreprise de distribution d’électricité agréée à un prix correspondant à deux fois le tarif moyen de vente de l’électricité. |
22 |
Cette disposition s’appliquait aux requérantes au principal. |
23 |
Le tarif moyen de l’électricité était déterminé par l’autorité de régulation, organisme indépendant de droit public créé par la loi relative aux autorités de régulation des services publics. Cette autorité de régulation est dotée d’une personnalité juridique propre, agit de manière autonome et gère son propre budget, lequel est approuvé par la voie législative. |
24 |
La loi relative au marché de l’électricité, dans sa version en vigueur à compter du 8 juin 2005, a modifié la procédure applicable pour la vente par les producteurs d’électricité d’excédents de production à un tarif majoré. Néanmoins, l’article 30, paragraphe 1, de cette loi prévoyait que les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables qui avaient déjà commencé leur activité à cette date conservaient le bénéfice des conditions antérieures, concernant en particulier les prix. |
25 |
L’autorité de régulation a interprété cette disposition comme ayant pour effet de bloquer, pour ces producteurs, le tarif moyen de vente de l’électricité à sa valeur en vigueur au 7 juin 2005 et a, dès lors, cessé d’actualiser ce tarif. À partir du 8 juin 2005, les requérantes au principal ont ainsi vendu le surplus de leur production à un prix correspondant au double du tarif moyen de vente de l’électricité alors en vigueur, l’autorité de régulation n’ayant plus actualisé ce tarif à compter de cette date. |
26 |
Toutefois, par une décision du 20 janvier 2010, la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle, Lettonie) a considéré que le terme « prix » employé à l’article 30, paragraphe 1, de la loi relative au marché de l’électricité devait être compris comme un mécanisme de fixation des prix, et non comme un prix fixe, et que l’interprétation, selon laquelle, après l’entrée en vigueur de la loi relative au marché de l’électricité, l'autorité de régulation n’était plus compétente pour fixer le tarif moyen de vente de l’électricité, était erronée. |
27 |
Les requérantes au principal ont réclamé à l’autorité de régulation le paiement de « dommages et intérêts » en réparation des pertes subies en raison de l’absence de fixation du tarif concerné à compter du 8 juin 2005. Le préjudice allégué correspond à la différence entre le prix payé aux requérantes au principal par l’opérateur public et le prix auquel ce dernier aurait dû acheter l’électricité à celles-ci si le tarif moyen de vente d’électricité avait été correctement fixé pour la période allant du 1er mars 2006 au 30 novembre 2007, s’agissant de DOBELES HES, et pour la période allant du 1er mars 2006 au 30 septembre 2008, s’agissant de GM. |
28 |
Devant le refus de l’autorité de régulation de leur payer les sommes correspondantes, les requérantes au principal ont saisi en 2011 le juge administratif. Par les arrêts du 31 mai 2019 et du 10 juillet 2019, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) a fait droit en partie aux demandes de DOBELES HES et de GM et a ordonné à l’autorité de régulation de leur verser, respectivement, la somme de 3406,63 euros et celle de 662,26 euros. Estimant toutefois qu’il s’agissait du versement d’aides d’État, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a subordonné le paiement de ces sommes à la condition que la Commission ait pris, ou soit réputée avoir pris, une décision autorisant de telles aides. En cours d’instance, elle avait en effet sollicité un avis de la Commission sur l’application des articles 107 et 108 TFUE, lequel avait été rendu en ce sens le 12 décembre 2018. |
29 |
L’autorité de régulation a formé un pourvoi en cassation contre ces arrêts devant la juridiction de renvoi. C’est dans ces conditions que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie) a décidé de surseoir à statuer dans les deux affaires au principal et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, formulées de manière identique dans ces deux affaires :
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Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
30 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui oblige l’entreprise de distribution d’électricité agréée à acheter l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix supérieur à celui du marché et qui prévoit que les surcoûts qui en résultent sont financés par un prélèvement obligatoire supporté par les consommateurs finals constitue une intervention « au moyen de ressources d’État », au sens de cette disposition. |
31 |
Il convient de rappeler que la qualification d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, suppose la réunion de quatre conditions, à savoir qu’il existe une intervention de l’État ou « au moyen de ressources d’État », que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, que ladite intervention accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et que la même intervention fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a., C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 57 ainsi que jurisprudence citée). |
32 |
La première question préjudicielle se rapporte uniquement à la première de ces conditions. À cet égard, il convient de noter que, selon une jurisprudence constante, une mesure peut être qualifiée d’intervention de l’État ou d’aide accordée « au moyen de ressources d’État » si, d’une part, la mesure est accordée directement ou indirectement au moyen de ces ressources et, d’autre part, la mesure est imputable à un État membre (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a.C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 58 ainsi que jurisprudence citée). |
33 |
S’agissant, en premier lieu, de la condition tenant à l’imputabilité à un État membre, force est de constater que le mécanisme de compensation en cause au principal a été institué par voie législative et qu’il est dès lors imputable à l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Vent de colère !, C‑262/12, EU:C:2013:851, point 18, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 50). |
34 |
S’agissant, en second lieu, de la condition tenant à ce que l’avantage soit accordé « au moyen de ressources d’État », sur laquelle s’interroge précisément la juridiction de renvoi, la Cour a jugé que des montants résultant du supplément de prix imposé par l’État aux acheteurs d’électricité s’apparentent à une taxe qui frappe l’électricité et ont pour origine des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a., C‑206/06, EU:C:2008:413, points 47 et 66). |
35 |
Des fonds doivent ainsi être considérés comme des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, s’ils proviennent de contributions obligatoires imposées par la législation de l’État membre concerné et s’ils sont gérés et répartis conformément à cette législation (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Vent de Colère !, C‑262/12, EU:C:2013:851, point 25). Il est, par conséquent, indifférent que le mécanisme de financement ne relève pas, au sens strict, de la catégorie des prélèvements de nature fiscale dans le droit national (arrêt du 16 septembre 2021, FVE Holýšov I e.a., C‑850/19 P, EU:C:2021:740, point 46 ainsi que jurisprudence citée). |
36 |
En revanche, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 36 de ses conclusions, le fait que la charge financière du prélèvement soit supportée dans les faits par une catégorie définie de personnes ne suffit pas à établir que les fonds issus de ce prélèvement ont le caractère de « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Encore faut-il que ledit prélèvement soit obligatoire en vertu du droit national. |
37 |
Ainsi, la Cour a jugé qu’il ne suffit pas que les gestionnaires de réseaux répercutent sur le prix de vente de l’électricité à leurs clients finals les surcoûts provoqués par leur obligation d’acheter l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables aux tarifs fixés par la loi, dès lors que cette compensation résulte seulement d’une pratique et non d’une obligation légale (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 70 et 71). |
38 |
Il résulte de ce qui précède que les fonds alimentés par une taxe ou d’autres prélèvements obligatoires en vertu de la législation nationale et gérés et répartis conformément à cette législation constituent des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
39 |
Toutefois, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, le critère mentionné au point précédent du présent arrêt n’est pas le seul permettant d’identifier des « ressources d’État », au sens de cette disposition. Le fait que des sommes restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État » (arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37, et du 21 octobre 2020, Eco TLC, C‑556/19, EU:C:220:844, point 36). |
40 |
En l’occurrence, il ressort des demandes de décision préjudicielle que le surcoût que représente pour l’entreprise de distribution agréée l’achat de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix correspondant à deux fois le tarif moyen de vente de l’électricité est financé, en vertu de la législation lettone concernée, par un prélèvement obligatoire supporté par tous les utilisateurs finals au prorata de leur consommation. |
41 |
Par ailleurs, selon les indications fournies à la Cour, notamment par le gouvernement letton lors de l’audience, les fonds issus de ce prélèvement sont collectés, gérés et répartis par une société entièrement détenue par l’État membre concerné et ne peuvent être dépensés à d’autres fins que celles prévues par la loi, à savoir la compensation du surcoût mentionné au point précédent. Ces fonds demeurent ainsi constamment sous contrôle public. |
42 |
Il s’ensuit que, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, les fonds au moyen desquels un avantage tarifaire est accordé, en application de la législation lettone concernée, aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables sont des « ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, au regard des deux critères alternatifs de cette notion rappelés aux points 38 et 39 du présent arrêt. |
43 |
À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question préjudicielle que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une réglementation nationale qui oblige l’entreprise de distribution d’électricité agréée à acheter l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix supérieur à celui du marché et qui prévoit que les surcoûts qui en résultent sont financés par un prélèvement obligatoire supporté par les consommateurs finals ou qui prévoit que les fonds servant à financer ces surcoûts demeurent constamment sous contrôle public constitue une intervention « au moyen de ressources d’État », au sens de cette disposition. |
Sur la deuxième question
44 |
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la qualification d’un avantage d’« aide d’État », au sens de cette disposition, est soumise à la condition que le marché concerné ait été au préalable entièrement libéralisé et, dans cette hypothèse, quels sont les éléments permettant de dater la libéralisation du marché de l’électricité en Lettonie. |
45 |
Selon le gouvernement letton, cette question doit être déclarée irrecevable, dès lors qu’elle n’est pas susceptible d’avoir une incidence sur la solution des litiges au principal. En effet, les sommes réclamées par les requérantes au principal répondraient aux critères d’aide d’État indépendamment de la date de la libéralisation du marché de l’électricité concerné. |
46 |
À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 24, ainsi que du 7 février 2018, American Express, C‑304/16, EU:C:2018:66, point 31). |
47 |
Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 25, ainsi que du 7 février 2018, American Express, C‑304/16, EU:C:2018:66, point 32). |
48 |
En l’occurrence, la deuxième question préjudicielle porte sur la notion d’« aide d’État », au sens de l’article 107 TFUE, et bénéficie en conséquence de la présomption de pertinence rappelée au point précédent du présent arrêt. |
49 |
Cette présomption de pertinence ne saurait être renversée en l’occurrence. En effet, il est constant que les litiges au principal portent sur la qualification d’aide de l’avantage tarifaire accordé aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables en application de la législation lettone concernée. Or, ainsi que le fait valoir la Commission dans ses observations, l’absence de libéralisation du marché de l’électricité pourrait avoir une incidence sur les conditions de cette qualification tenant à ce que l’intervention concernée soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et à ce qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence, rappelées au point 31 du présent arrêt. |
50 |
Il s’ensuit que la fin de non-recevoir soulevée par le gouvernement letton doit être écartée. |
51 |
En ce qui concerne l’influence de la libéralisation du marché concerné sur l’appréciation de l’existence d’une aide, il importe de rappeler qu’une aide d’État est susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, alors même que le marché concerné n’est que partiellement ouvert à la concurrence. Il suffit que, au moment de la mise en vigueur d’une mesure d’aide, il y ait une situation de concurrence effective sur le marché concerné pour qu’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres et de fausser ou de menacer de fausser la concurrence (arrêt du 23 janvier 2019, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C–387/17, EU:C:2019:51, points 39 et 40). |
52 |
Il s’ensuit qu’un avantage accordé à certaines entreprises est susceptible d’affecter les échanges entre les États membres et de fausser la concurrence même avant la libéralisation complète de ce marché (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, C–140/09, EU:C:2010:335, point 49). |
53 |
Partant, la date de la libéralisation complète du marché de l’électricité en Lettonie est sans pertinence pour apprécier si l’aide fournie par l’opérateur public dans cet État membre en achetant l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à un prix supérieur à celui du marché doit être qualifiée d’aide d’État. |
54 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la qualification d’un avantage d’« aide d’État », au sens de cette disposition, n’est pas soumise à la condition que le marché concerné ait été au préalable entièrement libéralisé. |
Sur la troisième question
55 |
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où l’avantage accordé aux producteurs d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables en vertu de la réglementation lettone pertinente ne constituerait pas une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le paiement des sommes réclamées par les requérantes au principal pourrait constituer, en revanche, le versement d’« aides », au sens de cette disposition. |
56 |
Au préalable, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, la Cour n’est pas compétente pour apprécier les faits du litige au principal ou pour appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles de l’Union dont elle a donné l’interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive du juge national (arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA/Presidenza del Consiglio dei Ministri, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 22 ainsi que jurisprudence citée). |
57 |
Il s’ensuit que, en l’occurrence, la Cour n’est, en particulier, pas compétente pour déterminer si les sommes en cause au principal constituent des aides d’État. |
58 |
En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction de renvoi tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui peuvent permettre à celle-ci d’apprécier la conformité d’une mesure nationale à ce droit en vue de statuer sur l’affaire dont elle est saisie. En matière d’aides d’État, la Cour peut notamment fournir au juge de renvoi les éléments d’interprétation lui permettant de déterminer si une mesure nationale peut être qualifiée d’« aide d’État », au sens du droit de l’Union (arrêt du 10 juin 2010, Fallimento Traghetti del Mediterraneo SpA, C‑140/09, EU:C:2010:335, point 24 ainsi que jurisprudence citée). |
59 |
À cet égard, il convient de rappeler que les aides publiques, qui constituent des mesures de l’autorité publique favorisant certaines entreprises ou certains produits, revêtent une nature juridique fondamentalement différente des dommages et intérêts que les autorités nationales sont, éventuellement, condamnées à verser à des particuliers, en réparation d’un préjudice qu’elles leur ont causé. Aussi les dommages et intérêts ne constituent-ils pas des aides d’État, au sens du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Asteris e.a., 106/87 à 120/87, EU:C:1988:457, points 23 et 24). |
60 |
En revanche, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé aux points 69 et 70 de ses conclusions, il est indifférent, pour déterminer si des sommes correspondent à des « aides d’État », que les recours tendant à en obtenir le versement soient qualifiés de « demandes en réparation » ou de « demandes de dommages et intérêts » en vertu du droit national. |
61 |
En l’occurrence, il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que les recours formés par les requérantes au principal contre l’autorité de régulation devant le juge administratif letton tendent à obtenir le paiement de sommes qu’elles estiment leur être dues en application de l’article 40, paragraphe 1, de la loi relative à l’énergie, dont elles considèrent qu’elles avaient conservé le bénéfice après l’année 2005, en vertu de l’article 30, paragraphe 1, de la loi relative au marché de l’électricité. En effet, par une décision du 20 janvier 2010, la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle) a considéré que, à la suite d’une erreur d’interprétation de cet article 30, paragraphe 1, l’autorité de régulation avait erronément omis d’actualiser le prix de rachat de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à compter du 8 juin 2005. |
62 |
En revanche, il ne ressort pas des explications fournies par la juridiction de renvoi que les sommes en cause au principal aient le caractère de « dommages et intérêts », au sens de la jurisprudence rappelée au point 59 du présent arrêt. En effet, les requérantes au principal ne demandent pas réparation d’un préjudice distinct de celui consistant dans le non-versement complet de l’avantage auquel elles estiment qu’elles avaient droit en application de la législation lettone concernée entre l’année 2006 et l’année 2008. En revanche, il en aurait été différemment si les recours au principal avaient eu pour objet la réparation de préjudices consécutifs à ce non-versement. |
63 |
Il s’ensuit que les sommes en cause au principal sont de même nature que celles déjà obtenues entre l’année 2006 et l’année 2008 par les requérantes au principal, en application de cette législation, et dont ces dernières demandent seulement la rectification du montant. |
64 |
Dans ces conditions, la qualification d’« aides d’État » de sommes telles que celles réclamées par les requérantes au principal, sur le fondement de la réglementation lettone pertinente, dépend du point de savoir si l’avantage accordé aux producteurs d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables en vertu de cette réglementation constitue lui-même une aide d’État. |
65 |
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la troisième question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale a institué une « aide d’État », au sens de cette disposition, le paiement d’une somme réclamée en justice en application de cette réglementation constitue également une telle aide. |
Sur la quatrième question
66 |
Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où l’avantage tarifaire accordé aux entreprises productrices d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables constituerait une « aide d’État », au sens de cette disposition, les demandes des requérantes au principal devraient être regardées comme des demandes de versement de la partie de cette aide d’État non perçue ou comme des demandes tendant à l’octroi par le juge saisi d’une aide d’État distincte. |
67 |
À cet égard, il résulte des points 61 à 63 du présent arrêt que les demandes des requérantes au principal visent à obtenir le versement d’une partie de l’avantage tarifaire accordé aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables qu’elles estiment leur être due en application de la législation lettone en vigueur entre l’année 2006 et l’année 2008. |
68 |
Par conséquent, si cet avantage tarifaire constitue une « aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, les demandes des requérantes au principal correspondent à une demande de versement d’une partie de cette aide d’État. |
69 |
Toutefois, selon la Commission, les sommes accordées par le juge national aux requérantes au principal constituent des aides d’État distinctes de l’avantage tarifaire instauré par la réglementation lettone concernée. |
70 |
À l’appui de sa thèse, la Commission soutient, tout d’abord, que la base juridique des « aides d’État » octroyées aux requérantes au principal dans les arrêts de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) n’est pas la loi relative à l’énergie, mais les arrêts de cette juridiction eux-mêmes. |
71 |
Toutefois, il convient de constater que, dans ces arrêts, ladite juridiction a accordé les sommes réclamées par les requérantes au principal en faisant explicitement application de la loi relative au marché de l’électricité telle qu’interprétée par la Latvijas Republikas Satversmes tiesa (Cour constitutionnelle). |
72 |
Ensuite, se prévalant du point 17 de l’arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, EU:C:2011:811), la Commission estime, de manière générale, que, du point de vue du droit de l’Union, il est indifférent qu’une aide d’État soit accordée par une juridiction ou par une autre autorité, notamment administrative. Les mesures d’aide d’État seraient définies objectivement par leurs effets et non par leurs causes ou leurs objectifs. Or, si une aide d’État ne pouvait être octroyée par une juridiction nationale, la notion d’« aide d’État » ne serait pas définie « objectivement », en fonction des effets de la mesure concernée, mais « subjectivement », selon l’autorité publique qui l’a adoptée. |
73 |
Toutefois, la jurisprudence citée au point précédent du présent arrêt, qui énonce que les « aides d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, se caractérisent par leurs effets et non par leurs objectifs, ne signifie pas pour autant qu’une aide d’État est définie exhaustivement par ses effets, à l’exclusion de tout autre critère. En effet, une aide d’État est définie également par sa nature, ne serait-ce que parce qu’elle est accordée « au moyen de ressources d’État », ainsi que l’article 107, paragraphe 1, TFUE le prévoit expressément. Par conséquent, la jurisprudence citée par la Commission n’a pas la portée que cette institution lui donne. Il ne peut, en particulier, en être tiré aucune conclusion concernant la possibilité qu’une juridiction nationale octroie une aide d’État. |
74 |
Enfin, la Commission se prévaut de l’arrêt du 4 mars 2020, Buonotourist/Commission (C‑586/18 P, EU:C:2020:152), dans lequel la Cour aurait jugé que la République italienne avait, au moyen d’un arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), accordé à un prestataire de services de transport par autobus une aide d’État consistant en une compensation de ses obligations de service public. |
75 |
Toutefois, il y a lieu de relever que, dans cet arrêt, la Cour a seulement indiqué, ainsi qu’il ressort du point 97 de celui-ci, que la mesure d’aide en cause « avait fait l’objet d’une décision du Consiglio di Stato (Conseil d’État) ». Or, si le juge national peut, le cas échéant, rendre un jugement dont il résulte que l’une des parties doit, en application du droit national, recevoir une somme correspondant à une aide d’État, cela ne signifie nullement que, dans ce cas, il accorde lui-même cette aide. Un tel jugement a pour seul effet, en vertu de l’autorité de la chose jugée, d’obliger l’autre partie, généralement l’autorité administrative compétente, à procéder au versement de ladite aide. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 mars 2020, Buonotourist/Commission (C‑586/18 P, EU:C:2020:152), la compensation pour obligations de service public avait été prévue par une décision des autorités italiennes, ainsi qu’il ressort du point 17 de cet arrêt. |
76 |
En tout état de cause, l'instauration en tant que telle d'une aide d'État ne saurait procéder d'une décision juridictionnelle. En effet, cette instauration d'une aide d'État relève d'une appréciation d'opportunité qui est étrangère à l'office du juge. |
77 |
Il convient d’ajouter que l’application des règles en matière d’aides d’État repose sur une obligation de coopération loyale entre, d’une part, les juridictions nationales et, d’autre part, la Commission et les juridictions de l’Union, dans le cadre de laquelle chacune agit en fonction du rôle qui lui est assigné par le traité FUE. Dans le cadre de cette coopération, les juridictions nationales doivent prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du droit de l’Union et s’abstenir de prendre celles qui sont susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du traité, ainsi qu’il découle de l’article 4, paragraphe 3, TUE (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755, point 41). |
78 |
Par conséquent, si la réglementation nationale concernée instaure un avantage constituant une aide d’État en faveur des producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, les sommes allouées aux parties requérantes au principal dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) ne sauraient en tout état de cause être regardées comme constituant des aides d’État distinctes de cet avantage. |
79 |
Il convient donc de répondre à la quatrième question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale instaurant un droit légal à un paiement majoré pour l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables constitue une « aide d’État », au sens de cette disposition, des demandes en justice visant à obtenir le bénéfice complet de ce droit doivent être regardées comme des demandes de versement de la partie de cette aide d’État non perçue, et non comme des demandes tendant à l’octroi par le juge saisi d’une aide d’État distincte. |
Sur la cinquième question
80 |
Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où les demandes en cause au principal devraient être regardées comme des demandes de versement de la partie d’aide d’État non perçue, ce versement devrait prendre en considération la situation du marché de l’électricité et l’état de la législation en vigueur à la date à laquelle il se produit, y compris les restrictions existant en matière de surcompensation. |
81 |
Conformément à une jurisprudence constante, la question préjudicielle soumise à la Cour doit porter sur une interprétation du droit de l’Union qui réponde à un besoin objectif de la décision que le juge national doit prendre (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 7 septembre 2016, Velikova, C‑228/15, non publiée, EU:C:2016:641, point 35 et jurisprudence citée). |
82 |
Il y a lieu de relever que les circonstances visées dans la cinquième question préjudicielle se rapportent, en substance, à l’appréciation de la compatibilité des mesures en cause au principal avec le marché intérieur, si ces mesures devaient être qualifiées d’aides d’État. Or, en vertu d’une jurisprudence constante, l’appréciation de la compatibilité de mesures d’aide ou d’un régime d’aides avec le marché intérieur relève de la compétence exclusive de la Commission, agissant sous le contrôle du juge de l’Union (arrêts du 23 mars 2006, Enirisorse, C‑237/04, EU:C:2006:197, point 23, et du 27 janvier 2022, Fondul Proprietatea, C‑179/20, EU:C:2022:58, point 83 ainsi que jurisprudence citée). Par conséquent, cette question est manifestement dépourvue d’utilité pour la solution des litiges au principal. |
83 |
Il résulte de ce qui précède que la cinquième question est irrecevable. |
Sur les sixième et septième questions
84 |
Par ses sixième et septième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, d’une part, le fait que les centrales éoliennes ont, contrairement aux centrales hydroélectriques, bénéficié d’une aide complète dans le passé et si, d’autre part, le fait que seule une partie des producteurs d’hydroélectricité est indemnisée sont pertinents pour l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
85 |
Il convient de rappeler que la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En effet, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation d’un texte de l’Union à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C‑347/16, EU:C:2017:816, point 56 et jurisprudence citée). |
86 |
Selon la jurisprudence de la Cour, cette exigence de précision vaut tout particulièrement dans le domaine de la concurrence, qui est caractérisé par des situations de fait et de droit complexes (arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C‑347/16, EU:C:2017:816, point 57 et jurisprudence citée). |
87 |
Il importe de souligner que les informations fournies dans les décisions de renvoi servent non seulement à permettre à la Cour de donner des réponses utiles, mais également à procurer aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter utilement des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (arrêt du 26 octobre 2017, Balgarska energiyna borsa, C‑347/16, EU:C:2017:816, points 58 et 59 et jurisprudence citée). |
88 |
Or, en l’occurrence, il y a lieu de constater que la décision de renvoi, qui se limite, pour l’essentiel, à invoquer les circonstances évoquées au point 84 du présent arrêt, ne contient pas d’explications quant aux raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la pertinence de ces circonstances dans le cadre de l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. |
89 |
Dans ces conditions, les sixième et septième questions doivent être déclarées irrecevables. |
Sur la huitième question
90 |
Par sa huitième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1407/2013, en particulier son article 5, paragraphe 2, doit être interprété en ce sens que les critères prévus pour les aides de minimis sont applicables aux aides en cause au principal, dans la mesure où le montant de ces dernières ne dépasse pas le seuil de minimis fixé à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement. |
91 |
Si, comme il est rappelé au point 82 du présent arrêt, les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour statuer sur la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, en revanche, elles peuvent être saisies de litiges les obligeant à interpréter et à appliquer la notion d’« aide », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en particulier en vue de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure de contrôle préalable prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE aurait dû ou non y être soumise (arrêts du 18 juillet 2007, Lucchini, C‑119/05, EU:C:2007:434, point 50, et du 26 octobre 2016, DEI et Commission/Alouminion tis Ellados, C‑590/14 P, EU:C:2016:797, point 98). Ainsi, une juridiction nationale peut être conduite à apprécier si une aide d’État relève du régime dérogatoire des aides de minimis, lesquelles ne sont pas soumises à l’obligation de notification prévue à cet article 108, paragraphe 3. |
92 |
En l’occurrence, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité du règlement no 1407/2013 dans les litiges au principal en raison du montant modique des sommes allouées aux requérantes au principal par le juge du fond, à savoir respectivement la somme de 3406,63 euros et celle de 662,26 euros. Toutefois, en application de l’article 5, paragraphe 2, de ce règlement, le plafond des aides de minimis doit être apprécié au regard des aides déjà octroyées « pour les mêmes coûts admissibles » ou au titre de « la même mesure de financement de risques ». Or, ainsi qu’il est exposé aux points 63 et 67 du présent arrêt, les sommes allouées aux requérantes au principal correspondent à une rectification du montant total des sommes déjà perçues et encore réclamées par ces dernières entre l’année 2006 et l’année 2008 en application de l’article 30, paragraphe 1, de la loi relative au marché de l’électricité. En conséquence, c’est au regard du montant total des sommes déjà perçues et des sommes encore réclamées par les requérantes au principal sur ce fondement pendant la période de référence que, à supposer qu’il s’agisse d’aides d’État, le caractère de minimis des aides en cause au principal doit être apprécié. |
93 |
Il convient donc de répondre à la huitième question préjudicielle que le règlement no 1407/2013, en particulier son article 5, paragraphe 2, doit être interprété en ce sens que le respect du seuil de minimis fixé à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement doit être apprécié au regard du montant de l’aide réclamée au titre de la réglementation nationale pertinente cumulé avec celui des versements déjà perçus pendant la période de référence au titre de cette réglementation. |
Sur les neuvième et dixième questions
94 |
Par ses neuvième et dixième questions, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, sous b) et c), du règlement 2015/1589 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où les sommes demandées par les requérantes au principal correspondraient à des aides d’État, ces aides devraient être qualifiées de « nouvelles » ou d’« existantes », au sens de cette disposition. La juridiction de renvoi cherche, en particulier, à savoir si ces sommes pourraient être considérées comme des « aides existantes », en application de l’article 1er, sous b), iv), du règlement 2015/1589. |
95 |
Ainsi qu’il est indiqué aux points 62 et 63 du présent arrêt, les sommes réclamées par les requérantes au principal représentent une partie de l’avantage tarifaire qu’elles estiment leur être dû en leur qualité de producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, en vertu de la réglementation lettone en vigueur entre l’année 2006 et l’année 2008. Ces sommes sont, par conséquent, de même nature que cet avantage tarifaire. |
96 |
C’est pourquoi la question de savoir si les sommes en cause au principal doivent être qualifiées d’« aides nouvelles » ou d’« aides existantes » dépend de celle de savoir laquelle de ces deux qualifications doit recevoir ledit avantage tarifaire, auquel ces sommes se rattachent, dans l’hypothèse où le même avantage devrait être qualifié d’« aide d’État ». |
97 |
S’agissant d’une question de qualification juridique des faits du litige au principal relevant de la compétence exclusive de la juridiction de renvoi, il convient de rappeler qu’il incombe seulement à la Cour d’apporter à cette juridiction des éléments d’interprétation des dispositions du droit de l’Union dont il appartiendra à cette dernière de faire application. |
98 |
L’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589 désigne par « aide nouvelle »« toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ». Ainsi, pour qu’une aide d’État soit considérée comme une « aide nouvelle », il doit être établi qu’elle n’est pas une « aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), du règlement 2015/1589, lequel distingue plusieurs catégories d’aides existantes. |
99 |
En premier lieu, l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589 désigne comme « aide existante »« les régimes d’aides et aides individuelles mis à exécution avant et toujours applicables après l’entrée en vigueur du [traité FUE] dans les États membres respectifs ». |
100 |
À cet égard, il convient de rappeler que l’avantage tarifaire en faveur des producteurs d’hydroélectricité instauré à l’article 40, paragraphe 1, de la loi relative à l’énergie avant l’adhésion de la République de Lettonie à l’Union a été prorogé par l’article 30, paragraphe 1, de la loi sur le marché de l’électricité. |
101 |
Toutefois, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, cette disposition est applicable « sans préjudice [...] de l’appendice de l’annexe IV de l’[acte d’adhésion] ». Or, il ressort du point 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de cette annexe IV que toutes les mesures encore applicables après la date d’adhésion qui constituent une aide publique sont considérées comme une aide nouvelle, à moins qu’elles n’aient été mises à exécution avant le 10 décembre 1994, qu’elles ne soient visées à l’appendice de l’annexe IV susmentionnée ou qu’elles n’aient été notifiées à la Commission sans que celle-ci ait soulevé d’objections en raison de doutes sérieux quant à la compatibilité des mesures avec le marché intérieur. |
102 |
En l’occurrence, la réglementation nationale pertinente n’est pas visée à l’appendice de l’annexe IV de l’acte d’adhésion et il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle qu’elle ait été mise en œuvre avant le 10 décembre 1994 ni qu’elle ait été notifiée à la Commission en tant que régime d’aides. |
103 |
Dans ces conditions, l’avantage tarifaire instauré par la loi relative à l'énergie et prorogé par la loi relative au marché de l'électricité ne saurait, s’il constitue une aide d’État, être qualifié d’« aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), i), du règlement 2015/1589, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. |
104 |
En deuxième lieu, l’article 1er, sous b), ii) et iii), du règlement 2015/1589 désigne comme « aide existante »« toute aide autorisée, c’est-à-dire les régimes d’aides et les aides individuelles autorisés par la Commission ou par le Conseil » ou « qui est réputée avoir été autorisée » par la Commission. Or, il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’avantage tarifaire en cause au principal n’a été autorisé ni par le Conseil ni par la Commission et qu’il ne peut non plus être réputé avoir été autorisé par cette dernière, dès lors qu’il ne lui a pas été notifié. Partant, cet avantage, s’il devait être qualifié d’aide d’État, ne peut davantage être regardé comme une « aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), ii) et iii), du règlement 2015/1589, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier. |
105 |
En troisième lieu, constitue également une « aide existante », en vertu de l’article 1er, sous b), iv), du règlement 2015/1589, « toute aide réputée existante conformément à l’article 17 du [règlement 2015/1589] ». |
106 |
L’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 prévoit que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération d’une aide illégale sont soumis à un délai de prescription de dix ans. En vertu du paragraphe 2 de cet article, ce délai de prescription commence à courir à la date à laquelle l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aides, et toute mesure prise par la Commission ou par un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt ce délai. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 3 dudit article, toute aide à l’égard de laquelle ledit délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante (arrêt du 26 avril 2018, ANGED, C‑233/16, EU:C:2018:280, point 79). |
107 |
Afin d’apprécier si les sommes réclamées par les requérantes au principal peuvent être qualifiées d’« aides existantes », au sens de l’article 1er, sous b), iv), du règlement 2015/1589, la juridiction de renvoi demande à la Cour, dans sa dixième question préjudicielle, si le point de départ du délai de prescription prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 devrait être fixé à la date de l’instauration de l’avantage tarifaire dont les requérantes au principal sollicitent le bénéfice ou à la date du paiement effectif intervenu en leur faveur à ce titre. |
108 |
À cet égard, il ressort de l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement que, pour fixer la date à laquelle le délai de prescription de dix ans commence à courir, cette disposition fait référence à la date de l’octroi de l’aide au bénéficiaire et non pas à la date d’adoption d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 81). |
109 |
Par ailleurs, aux fins de la computation de ce délai de prescription, l’aide concernée doit être considérée comme ayant été accordée au bénéficiaire uniquement à la date à laquelle elle est effectivement octroyée à ce dernier (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 82). |
110 |
En effet, l’article 17 du règlement 2015/1589 a pour objet de déterminer le délai dans lequel la Commission peut récupérer une aide illégalement versée. Par conséquent, le point de départ de ce délai ne saurait être fixé à une date antérieure à celle à laquelle l’aide illégale a été versée. |
111 |
En l’occurrence, ainsi qu’il est exposé au point 67 du présent arrêt, les sommes que réclament les requérantes au principal correspondent à la partie de l’avantage tarifaire qu’elles estiment leur être due en application de la réglementation lettone en vigueur entre l’année 2006 et l’année 2008 et qui ne leur aurait pas été versée en même temps que le reste de cet avantage. Or, tant que ces sommes n’ont pas été effectivement versées, il résulte du point précédent que le délai de prescription prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 n’a pas commencé à courir à leur égard. Certes, l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a fait droit aux demandes des requérantes au principal à hauteur respectivement de 3406,63 euros et de 662,26 euros. Toutefois, ainsi que M. l’avocat général l’a rappelé au point 87 de ses conclusions, les arrêts de cette juridiction ont prévu la suspension de leur exécution dans l’attente de la notification des aides concernées et de la décision subséquente de la Commission les concernant. Par conséquent, l’octroi effectif de ces aides, c’est-à-dire le paiement des sommes accordées, n’est pas encore intervenu et le délai de prescription prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 n’a dès lors pas commencé à courir ni a fortiori expiré. |
112 |
Partant, les conditions prévues à l’article 1er, sous b), iv), du règlement 2015/1589 ne sont pas satisfaites, de telle sorte que les sommes en cause au principal, si elles devaient être qualifiées de mesures d’aide, ne sauraient être regardées comme des « aide[s] existante[s] », au sens de cette disposition. |
113 |
En quatrième lieu, constitue également une « aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589, toute aide qui est réputée telle « parce qu’il peut être établi qu’elle ne constituait pas une aide au moment de sa mise en vigueur, mais qui est devenue une aide par la suite en raison de l’évolution du marché intérieur et sans avoir été modifiée par l’État membre ». Cette disposition précise que « [l]es mesures qui deviennent une aide à la suite de la libéralisation d’une activité par le droit de l’Union ne sont pas considérées comme une aide existante après la date fixée pour la libéralisation ». |
114 |
Il convient de relever que la demande de décision préjudicielle ne mentionne pas l’hypothèse selon laquelle le dispositif instauré en faveur de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables serait devenu une aide à la faveur d’une évolution du marché intérieur. Au demeurant, ainsi qu’il ressort du point 54 du présent arrêt, la qualification d’« aide d’État » n’exige pas que le marché de l’électricité ait été au préalable entièrement libéralisé. |
115 |
Il y a dès lors lieu de considérer que les sommes réclamées par les requérantes au principal, dans l’hypothèse où elles devraient être qualifiées d’aides d’État, ne constitueraient pas non plus une « aide existante », au sens de l’article 1er, sous b), v), du règlement 2015/1589. |
116 |
Eu égard aux considérations qui précédent, il y a lieu de répondre aux neuvième et dixième questions préjudicielles que l’article 1er, sous b) et c), du règlement 2015/1589 doit être interprété en ce sens que, dès lors qu’une aide d’État ne correspond à aucune des catégories d’aides existantes prévues à l’article 1er, sous b), de ce règlement, cette aide, y compris la partie de celle-ci dont le versement est ultérieurement réclamé, doit être qualifiée d’« aide nouvelle », au sens de l’article 1er, sous c), dudit règlement. |
Sur la onzième question
117 |
Par sa onzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 108, paragraphe 3, TFUE, l’article 2, paragraphe 1, et l’article 3 du règlement 2015/1589 doivent être interprétés en ce sens que le juge national peut faire droit à une demande ayant pour objet le versement d’une somme correspondant à une aide nouvelle non notifiée à la Commission sous réserve que cette aide soit au préalable dûment notifiée par les autorités nationales concernées à la Commission et que cette dernière donne, ou soit réputée avoir donné, son accord à cet égard. |
118 |
Cette question est destinée à permettre à la juridiction de renvoi d’apprécier la compatibilité des arrêts de l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale), actuellement sous pourvoi, avec les dispositions du droit de l’Union mentionnées au point précédent. En effet, ainsi qu’il est exposé au point 28 du présent arrêt, par ces arrêts, cette dernière juridiction a fait droit en partie aux demandes de DOBELES HES et de GM et a condamné l’autorité de régulation à verser à ces dernières, respectivement, la somme de 3406,63 euros et celle de 662,26 euros, à la condition que la Commission prenne, ou soit réputée avoir pris, une décision autorisant ces aides. |
119 |
Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la mission que le droit de l’Union assigne aux juridictions nationales dans la mise en œuvre du système de contrôle des aides d’État comporte, notamment, l’obligation, lorsque ces juridictions constatent que la mesure concernée aurait dû être notifiée à la Commission, de vérifier si l’État membre concerné s’est conformé à cette obligation et, si tel n’est pas le cas, de déclarer cette mesure illégale (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, OTP Bank, C‑672/13, EU:C:2015:185, point 68). |
120 |
Il appartient aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de la violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, conformément à leur droit national (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2015, OTP Bank, C‑672/13, EU:C:2015:185, point 69). |
121 |
Dans le cas où le juge national est saisi d’une demande visant à obtenir le versement d’une aide illégale, faute pour cette dernière d’avoir été notifiée à la Commission, la mission de contrôle des aides d’État que le droit de l’Union confie à ce juge doit dès lors conduire, en principe, ce dernier à rejeter cette demande. |
122 |
Néanmoins, une décision du juge national condamnant le défendeur au versement de l’aide en cause, mais sous réserve que celle-ci soit, au préalable, notifiée à la Commission par les autorités nationales concernées et que cette institution donne son accord, ou soit réputée l’avoir donné, est aussi de nature à éviter qu’une aide nouvelle soit versée en méconnaissance de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 3 du règlement 2015/1589. |
123 |
L’article 108, paragraphe 3, TFUE ainsi que l’article 2, paragraphe 1, et l’article 3 du règlement 2015/1589 doivent dès lors être interprétés en ce sens que le juge national peut faire droit à une demande ayant pour objet le versement d’une somme correspondant à une aide nouvelle non notifiée à la Commission, sous réserve que cette aide soit au préalable dûment notifiée par les autorités nationales concernées à cette institution et que cette dernière donne, ou soit réputée avoir donné, son accord à cet égard. |
Sur la douzième question
124 |
Par sa douzième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est pertinent, pour apprécier si des sommes ont le caractère d’une « aide d’État », au sens de cette disposition, que celles-ci soient réclamées à une autorité publique distincte de celle qui est, en principe, tenue de les verser en application de la réglementation nationale concernée et dont le budget est uniquement destiné à assurer son propre fonctionnement. |
125 |
Il résulte de l’article 107, paragraphe 1, TFUE que l’existence d’une aide d’État dépend non pas de l’organisme chargé de son versement en vertu du droit national, mais de l’origine étatique des fonds sur lesquels l’aide concernée est prélevée. Il est, en particulier, indifférent à cet égard que la personne chargée d’allouer l’avantage en question ait un statut public ou privé ou jouisse d’une autonomie statutaire en vertu du droit national (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2017, Commission/TV2/Danmark, C‑656/15 P, EU:C:2017:836, points 44 et 45). |
126 |
Ainsi, ne saurait influer sur la qualification d’un avantage comme aide d’État la circonstance qu’une partie de celui-ci, n’ayant pas été versée par l’organisme en principe chargé de le faire conformément au droit national, est réclamée à une autorité publique distincte dans le cadre d’un recours en justice. |
127 |
En conséquence, il y a lieu de répondre à la douzième question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est sans pertinence, pour apprécier si des sommes ont le caractère d’« aides d’État », au sens de cette disposition, que ces sommes soient réclamées à une autorité publique distincte de celle qui est, en principe, tenue de les verser en application de la réglementation nationale concernée et dont le budget est uniquement destiné à assurer son propre fonctionnement. |
Sur la treizième question
128 |
Par sa treizième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2002/20 est susceptible de s’opposer à l’« éventuelle indemnisation » des requérantes au principal par l’autorité de régulation. |
129 |
Il convient de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 100 de ses conclusions, que cette directive, qui concerne le marché des communications électroniques, n’est pas applicable au secteur de l’électricité. |
130 |
Il s’ensuit que la treizième question est manifestement dépourvue d’utilité pour la solution des litiges au principal et, partant, selon la jurisprudence rappelée au point 47 du présent arrêt, irrecevable. |
Sur les dépens
131 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit : |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le letton.