ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

3 février 2022 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 122 – Taux réduit pour les livraisons de bois de chauffage – Différenciation en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives des produits – Formes de bois destinées à la combustion servant le même besoin du consommateur et se trouvant en concurrence – Principe de neutralité fiscale »

Dans l’affaire C‑515/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 10 juin 2020, parvenue à la Cour le 14 octobre 2020, dans la procédure

B AG

contre

Finanzamt A,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. N. Jääskinen et J.‑C. Bonichot (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour B AG, par M. T. Hammer, Wirtschaftsprüfer et Steuerberater, ainsi que par Mme C. Hammer, Steuerberater,

pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Costanzo, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme L. Lozano Palacios et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 98 et 122 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant B AG au Finanzamt A (administration des finances A, Allemagne) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de l’application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aux livraisons de bois déchiqueté.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive TVA

3

Aux termes du considérant 4 de la directive TVA :

« La réalisation de l’objectif de l’instauration d’un marché intérieur suppose l’application, dans les États membres, de législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ne faussant pas les conditions de concurrence et n’entravant pas la libre circulation des marchandises et des services. Il est donc nécessaire de réaliser une harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires au moyen d’un système de [TVA], ayant pour objet l’élimination, dans toute la mesure du possible, des facteurs qui sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence, tant sur le plan national que sur le plan communautaire. »

4

Le considérant 7 de cette directive est ainsi rédigé :

« Le système commun de TVA devrait, même si les taux et les exonérations ne sont pas complètement harmonisés, aboutir à une neutralité concurrentielle, en ce sens que sur le territoire de chaque État membre les biens et les services semblables supportent la même charge fiscale, quelle que soit la longueur du circuit de production et de distribution. »

5

L’article 96 de ladite directive dispose :

« Les États membres appliquent un taux normal de TVA fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services. »

6

L’article 98 de la directive TVA prévoit :

« 1.   Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2.   Les taux réduits s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l’annexe III.

[...]

3.   En appliquant les taux réduits prévus au paragraphe 1 aux catégories qui se réfèrent à des biens, les États membres peuvent recourir à la nomenclature combinée pour délimiter avec précision la catégorie concernée. »

7

L’annexe III de cette directive, qui fixe la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet des taux réduits visés à l’article 98 de celle-ci, ne contient pas de catégorie de produits « bois de chauffage ».

8

Les articles 109 à 122 de ladite directive fixent les conditions dans lesquelles les États membres peuvent appliquer des taux réduits de TVA, tant que le régime définitif n’a pas été introduit.

9

L’article 122 de la même directive énonce :

« Les États membres peuvent appliquer un taux réduit [...] aux livraisons de bois de chauffage. »

La NC

10

La nomenclature combinée (ci-après la « NC ) figure à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO 1987, L 256, p. 1), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 1101/2014 de la Commission, du 16 octobre 2014 (JO 2014, L 312, p. 1).

11

Elle comporte notamment les positions tarifaires suivantes :

Code NC

Désignation des marchandises

4401

Bois de chauffage en rondins, bûches, ramilles, fagots ou sous formes similaires ; bois en plaquettes ou en particules; sciures, déchets et débris de bois, même agglomérés sous forme de bûches, briquettes, boulettes ou sous formes similaires

4401 10 00

– Bois de chauffage en rondins, bûches, ramilles, fagots ou sous formes similaires

 

– Bois en plaquettes ou en particules

4401 21 00

– – de conifères

4401 22 00

– – autres que de conifères

 

– Sciures, déchets et débris de bois, même agglomérés sous forme de bûches, briquettes, boulettes ou sous formes similaires

4401 31 00

– – Boulettes de bois

4401 39

– – autres

4401 39 20

– – – agglomérés (sous forme de briquettes, par exemple)

 

– – – autres

4401 39 30

– – – – Sciures

Le droit allemand

12

L’article 12 de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires) dispose :

« (1)   Le taux de la taxe s’élève à 19 % de la base d’imposition pour toutes les opérations imposables (articles 10 et 11, article 25, paragraphe 3, et article 25a, paragraphes 3 et 4).

(2)   Le taux d’imposition est réduit à 7 % pour les opérations suivantes :

1. la livraison, l’importation ou l’acquisition intracommunautaire des biens visés à l’annexe 2, à l’exception des biens mentionnés au numéro 49, sous f), et aux numéros 53 et 54 ;

[...] »

13

Le numéro 48 de l’annexe 2 de cette loi est libellé comme suit :

[Numéro d’ordre]

Désignation des marchandises

Tarif douanier (chapitre, position, sous-position)

48

Bois, à savoir :

 

 

a) Bois de chauffage en rondins, bûches, ramilles, fagots ou sous formes similaires

Sous-position 4401 10 00

 

b) Sciures, déchets et débris de bois, même agglomérés sous forme de bûches, briquettes, boulettes ou sous formes similaires

Sous-position 4401 30

Le litige au principal et les questions préjudicielles

14

Le litige porte sur l’application du taux réduit de la TVA aux livraisons de bois déchiqueté.

15

La requérante au principal a commercialisé au cours de l’année 2015 du bois déchiqueté portant les appellations protégées « Flokets weiss » (bois déchiqueté dit « industriel ») et « Flokets natur » (bois déchiqueté dit « forestier ») et a assuré l’entretien d’installations de chauffage utilisant comme combustible du bois déchiqueté.

16

Le bois déchiqueté industriel provient de la découpe de grumes dont les chutes sont réduites en bois déchiqueté par des broyeurs hachoirs. Le bois déchiqueté forestier provient des houppiers et des taillis issus de l’entretien des forêts. Les résidus de bois sont broyés par une machine dans la forêt et ensuite séchés par la requérante au principal.

17

Au cours de l’exercice fiscal 2015, la requérante au principal a livré du bois déchiqueté forestier et industriel à la commune A et à la paroisse B. Elle a également livré au cours de cette période, dans le cadre d’une convention passée avec la commune C concernant le « suivi du fonctionnement d’une installation de chauffage au bois déchiqueté incluant l’entretien et le nettoyage », du bois déchiqueté en tant que combustible.

18

Dans la déclaration provisoire de TVA relative à l’exercice 2015, la requérante au principal a appliqué aux prestations susmentionnées le taux normal (19 %), conformément à l’avis de l’administration fiscale exprimé lors d’un contrôle fiscal antérieur.

19

La requérante au principal a contesté ce taux devant le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne), qui a partiellement accueilli le recours. Cette juridiction a jugé que les livraisons de bois déchiqueté à la commune A et à la paroisse B devaient être soumises au taux réduit, mais que le bouquet de prestations fourni à la commune C devait quant à lui être taxé au taux normal, puisqu’il constituait une prestation globale unique.

20

Tant la requérante au principal que l’administration fiscale ont formé un pourvoi en révision contre le jugement du Finanzgericht (tribunal des finances) devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne).

21

Cette juridiction s’interroge, en premier lieu, sur la notion de « bois de chauffage », figurant à l’article 122 de la directive TVA, en particulier sur le point de savoir si cette notion inclut le bois déchiqueté.

22

En deuxième lieu, la juridiction de renvoi se demande si, dans l’exercice de la faculté prévue à l’article 122 de la directive TVA, les États membres sont habilités à délimiter avec précision le champ d’application d’un taux réduit de la taxe pour des livraisons de bois de chauffage en recourant à la NC ou si l’habilitation en ce sens prévue à l’article 98, paragraphe 3, de cette directive est limitée aux cas d’application d’un taux réduit de la taxe à la livraison de biens entrant dans les catégories énumérées à l’annexe III de ladite directive.

23

En troisième lieu, dans l’hypothèse où les États membres seraient habilités à préciser le champ d’application du taux réduit de la TVA pour des livraisons de bois de chauffage au moyen de la NC, la juridiction de renvoi souhaite savoir si le principe de neutralité fiscale s’oppose à l’application de taux différents de taxe à des formes différentes de bois de chauffage.

24

Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Faut-il interpréter la notion de bois de chauffage figurant à l’article 122 de la [directive TVA] en ce sens qu’elle couvre tout bois dont les propriétés objectives le destinent exclusivement à être brûlé ?

2)

Un État membre qui instaure au titre de l’article 122 de la [directive TVA] un taux réduit pour les livraisons de bois de chauffage peut-il en délimiter avec précision le champ d’application conformément à l’article 98, paragraphe 3, de la [directive TVA] en se référant à la [NC] ?

3)

Si la deuxième question appelle une réponse affirmative : un État membre peut-il exercer l’habilitation que lui confèrent l’article 122 de la [directive TVA] et l’article 98, paragraphe 3, de la [directive TVA] à délimiter le champ d’application du taux réduit de la taxe pour des livraisons de bois de chauffage en recourant à la [NC], dans le respect du principe de neutralité fiscale, de telle manière que les livraisons de différentes formes de bois de chauffage, qui se distinguent dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, mais qui, du point de vue d’un consommateur moyen, servent, selon le critère de la similitude dans l’utilisation, au même besoin (en l’espèce chauffer) et se trouvent de ce fait mutuellement en concurrence, sont soumises à des taux distincts de taxe ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 122 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion de « bois de chauffage » englobe tout bois dont les propriétés objectives le destinent exclusivement à être brûlé.

26

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, indépendamment des qualifications utilisées dans les États membres [arrêt du 9 septembre 2021, Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (Demande ultérieure de protection internationale), C‑18/20, EU:C:2021:710, point 32].

27

Il en résulte que, en l’absence de renvoi à l’article 122 de la directive TVA, la notion de « bois de chauffage » figurant à cette disposition doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union dont le sens et la portée doivent être identiques dans l’ensemble des États membres. Partant, il appartient à la Cour de donner à cette notion une interprétation uniforme dans l’ordre juridique de l’Union.

28

À cet égard, en l’absence d’une définition du « bois de chauffage » figurant dans cette directive, il y a lieu de se référer, d’une part, au sens habituel de l’expression dans le langage courant (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2021, Phantasialand, C‑406/20, EU:C:2021:720, point 29), à savoir un bois destiné à être brûlé en vue d’assurer le chauffage de locaux publics ou privés.

29

D’autre part, il convient de relever que l’article 122 de la directive TVA présente un caractère dérogatoire. En effet, selon l’article 96 de cette directive, le même taux de TVA, à savoir le taux normal fixé par chaque État membre, est applicable aux livraisons de biens et aux prestations de services. C’est donc par exception à cette règle que la possibilité d’appliquer, à titre provisoire, un taux réduit de TVA notamment au bois de chauffage est prévue à l’article 122 de ladite directive.

30

En tant que disposition dérogatoire, cet article doit faire l’objet d’une interprétation stricte [arrêts du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 147, ainsi que du 16 juillet 2020, JE (Loi applicable au divorce), C‑249/19, EU:C:2020:570, point 23], ainsi que, par voie de conséquence, la notion de « bois de chauffage » qui en détermine le champ d’application. Il y a donc lieu de considérer comme « bois de chauffage », conformément à la définition qu’en propose la juridiction de renvoi, tout bois dont les propriétés objectives, tel un degré prédéterminé de séchage, le destinent exclusivement à être brûlé.

31

Il résulte de ce qui précède que l’article 122 de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion de bois de chauffage, au sens de cet article, désigne tout bois dont les propriétés objectives le destinent exclusivement à être brûlé.

Sur la deuxième question

32

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 122 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui, en application de cette disposition, instaure un taux réduit de TVA pour les livraisons de bois de chauffage, peut en délimiter le champ d’application, conformément à l’article 98, paragraphe 3, de ladite directive en se référant à la NC.

33

Il convient de rappeler que, en ce qui concerne les catégories de livraisons de biens listées à l’annexe III de la directive TVA, pouvant faire l’objet d’un taux réduit de TVA en vertu de l’article 98, paragraphes 1 et 2, de cette directive, le paragraphe 3 de cet article permet expressément aux États membres de délimiter plus précisément ces catégories en se référant à la NC.

34

En revanche, la même possibilité ne peut pas se déduire du libellé même de l’article 122 de la directive TVA, lequel se borne à énoncer que les États membres peuvent appliquer un taux réduit notamment aux livraisons de bois de chauffage, tant que le régime définitif n’a pas été introduit.

35

Toutefois, il y a lieu de souligner, d’une part, que, ainsi qu’il a été exposé au point 30 du présent arrêt, l’article 122 de la directive TVA représente une disposition dérogatoire et doit, en conséquence, faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, il n’est pas loisible aux États membres d’accorder le bénéfice d’un taux réduit à d’autres livraisons de bois que celle de bois de chauffage en application de cette disposition.

36

D’autre part, dès lors que l’article 122 de la directive TVA accorde aux États membres la faculté, pendant une période transitoire, d’appliquer un taux réduit aux livraisons de bois de chauffage, ces États peuvent renoncer à appliquer un tel taux à ces livraisons et choisir de leur appliquer le taux normal prévu à l’article 96 de cette directive. Une telle faculté inclut aussi la possibilité d’appliquer un taux réduit à certaines livraisons de bois de chauffage seulement, pourvu que cette faculté s’exerce dans les limites strictes de la dérogation, ainsi qu’il a été rappelé au point précédent.

37

En effet, à l’instar de ce qui ressort d’une jurisprudence constante de la Cour s’agissant de l’article 98 de la directive TVA (arrêt du 27 juin 2019, Belgisch Syndicaat van Chiropraxie e.a., C‑597/17, EU:C:2019:544, point 44), il y a lieu de relever que le législateur de l’Union a, à l’article 122 de cette directive, uniquement prévu une faculté, pour les États membres, d’appliquer, à titre dérogatoire et transitoire, un taux réduit de TVA aux livraisons, notamment, de bois de chauffage. Partant, les États membres ont la possibilité de réserver le bénéfice de ce taux réduit à une partie seulement de ces livraisons.

38

Ainsi, il appartient aux États membres qui entendent faire un usage restreint et donc sélectif de la faculté que leur confère l’article 122 de la directive TVA de préciser par tout moyen dans leur droit national les livraisons de bois de chauffage qu’ils choisissent de faire bénéficier d’un taux réduit. Aucune disposition de droit de l’Union ne leur interdit de recourir à cette fin à un instrument de ce droit et, en particulier, de se référer à la NC, même si cet article 122, à la différence de l’article 98 de cette directive, ne le prévoit pas expressément.

39

Cependant, la faculté, découlant de l’article 122 de la directive TVA, de réserver le bénéfice d’un taux réduit à certaines livraisons de bois de chauffage seulement est subordonnée au respect du principe de neutralité fiscale. En effet, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, il est permis aux États membres de déterminer plus précisément les catégories de livraisons de biens ou de prestations de services auxquelles ladite directive leur permet d’appliquer un taux réduit, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (arrêts du 22 avril 2021, Dyrektor Izby Administracji Skarbowej w Katowicach, C-703/19, EU:C:2021:314, point 38, et du 9 septembre 2021, Phantasialand, C-406/20, EU:C:2021:720, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

40

À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 122 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui, en application de cet article, instaure un taux réduit de TVA pour les livraisons de bois de chauffage, peut en limiter le champ d’application à certaines catégories de livraisons de bois de chauffage en se référant à la NC, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale.

Sur la troisième question

41

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que la livraison de bois déchiqueté soit exclue du bénéfice du taux réduit applicable à la livraison d’autres formes de bois de chauffage.

42

Ainsi qu’il a été rappelé au point 40 du présent arrêt, lorsqu’un État membre fait le choix d’appliquer de manière sélective le taux réduit de TVA aux livraisons de biens ou prestations de services auxquelles la directive TVA permet d’appliquer un tel taux, il lui incombe de respecter le principe de neutralité fiscale.

43

Ce principe s’oppose à ce que, du point de vue de la TVA, des biens ou des prestations de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités de manière différente (arrêt du 9 septembre 2021, Phantasialand, C‑406/20, EU:C:2021:720, point 37 et jurisprudence citée).

44

Selon une jurisprudence constante, afin de déterminer si des biens ou des prestations de services sont semblables, il convient de tenir principalement compte du point de vue du consommateur moyen. Des biens ou des prestations de services sont semblables lorsqu’ils présentent des propriétés analogues et répondent aux mêmes besoins auprès du consommateur, en fonction d’un critère de comparabilité dans l’utilisation, et lorsque les différences existantes n’influent pas de manière considérable sur la décision du consommateur moyen de recourir à l’un ou à l’autre desdits biens ou prestations de services (arrêt du 9 septembre 2021, Phantasialand, C‑406/20, EU:C:2021:720, point 38 et jurisprudence citée).

45

En d’autres termes, il s’agit d’examiner si les biens ou les prestations de services en cause se trouvent, du point de vue du consommateur moyen, dans un rapport de substitution. En effet, dans cette hypothèse, l’application de taux de TVA différents est susceptible d’affecter le choix du consommateur, ce qui indiquerait, par conséquent, une violation du principe de neutralité fiscale (arrêt du 9 septembre 2021, Phantasialand, C‑406/20, EU:C:2021:720, point 39 et jurisprudence citée).

46

Il incombe donc à la juridiction de renvoi de procéder à un examen concret afin de déterminer si le bois déchiqueté est substituable aux autres formes de bois de chauffage du point de vue du consommateur moyen.

47

En conséquence, il y a lieu de répondre à la troisième question que le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que le droit national exclue du bénéfice du taux réduit de TVA la livraison de bois déchiqueté, alors qu’il en fait bénéficier les livraisons d’autres formes de bois de chauffage, sous réserve que, dans l’esprit du consommateur moyen, le bois déchiqueté ne soit pas substituable à ces autres formes de bois de chauffage, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

48

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 122 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que la notion de bois de chauffage, au sens de cet article, désigne tout bois dont les propriétés objectives le destinent exclusivement à être brûlé.

 

2)

L’article 122 de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui, en application de cet article, instaure un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour les livraisons de bois de chauffage peut en limiter le champ d’application à certaines catégories de livraisons de bois de chauffage en se référant à la nomenclature combinée, sous réserve de respecter le principe de neutralité fiscale.

 

3)

Le principe de neutralité fiscale doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que le droit national exclue du bénéfice du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée la livraison de bois déchiqueté, alors qu’il en fait bénéficier les livraisons d’autres formes de bois de chauffage, sous réserve que, dans l’esprit du consommateur moyen, le bois déchiqueté ne soit pas substituable à ces autres formes de bois de chauffage, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.