ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

2 septembre 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Santé publique – Règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine – Règlement (CE) no 1069/2009 – Article 9, sous d), et article 10, sous a) et f) – Classement des produits – Décomposition, détérioration et présence de corps étrangers dans la matière – Incidence sur la classification initiale »

Dans l’affaire C‑836/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne), par décision du 14 novembre 2019, parvenue à la Cour le 18 novembre 2019, dans la procédure

Toropet Ltd

contre

Landkreis Greiz,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra, D. Šváby (rapporteur), S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Toropet Ltd, par M. S. Artopée, Rechtsanwalt,

pour le Landkreis Greiz, par M. K. Reiher, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme B. Eggers et M. W. Farrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, sous d), et de l’article 10, sous a) et f), du règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles sanitaires applicables aux sous‑produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) no 1774/2002 (règlement relatif aux sous‑produits animaux) (JO 2009, L 300, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Toropet Ltd, une société de droit anglais exploitant un établissement de transformation des abats établie en Allemagne, au Landkreis Greiz (district de Greiz, Allemagne) au sujet d’une décision de ce dernier ordonnant l’élimination de certains sous‑produits animaux.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 178/2002

3

Le règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), prévoit, à son article 14, paragraphe 5 :

« Pour déterminer si une denrée alimentaire est impropre à la consommation humaine, il est tenu compte de la question de savoir si cette denrée alimentaire est inacceptable pour la consommation humaine compte tenu de l’utilisation prévue, pour des raisons de contamination, d’origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition. »

Le règlement (CE) no 1013/2006

4

L’article 2, point 2, du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2006, concernant les transferts de déchets (JO 2006, L 190, p. 1), définit la notion de « déchets dangereux », par renvoi à la définition qui en est donnée à l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, relative aux déchets dangereux (JO 1991, L 377, p. 20).

Le règlement (CE) no 853/2004

5

L’annexe I du règlement (CE) no 853/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, fixant des règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale (JO 2004, L 139, p. 55, et rectificatifs JO 2004, L 226, p. 22, et JO 2013, L 160, p. 15), dispose, à ses points 1.9 et 8.1 :

« 1.9 “carcasse” : le corps d’un animal après l’abattage et l’habillage ;

[...]

8.1 “produits d’origine animale” :

les denrées alimentaires d’origine animale, y compris le miel et le sang ;

les mollusques bivalves, les échinodermes, les tuniciers et les gastéropodes marins vivants destinés à la consommation humaine,

et

les autres animaux destinés à être préparés en vue d’être fournis vivants au consommateur final ».

Le règlement no 1069/2009

6

Les considérants 2, 5, 6, 11, 29, 35, 36 et 38 du règlement no 1069/2009 énoncent :

« (2)

Les sous-produits animaux apparaissent principalement lors de l’abattage des animaux destinés à la consommation humaine, lors de la fabrication de produits d’origine animale comme les produits laitiers, au moment de l’élimination des animaux morts et dans le cadre des mesures de lutte contre les maladies. Quelle que soit leur origine, ils constituent une source de risques potentiels pour la santé publique et animale et pour l’environnement. Ces risques doivent être maîtrisés de manière adéquate, soit par l’acheminement des produits concernés vers des moyens sûrs d’élimination, soit par leur utilisation à diverses fins, à condition que certains critères stricts permettant de limiter les risques sanitaires soient respectés.

[...]

(5)

Les règles sanitaires de la Communauté applicables à la collecte, au transport, à la manipulation, au traitement, à la conversion, à la transformation, à l’entreposage, à la mise sur le marché, à la distribution, à l’utilisation ou à l’élimination des sous-produits animaux devraient faire l’objet d’un cadre cohérent et complet.

(6)

Ces règles générales devraient être proportionnées aux risques sanitaires que pose la manipulation des sous-produits animaux par des exploitants aux différents stades de la chaîne, de leur collecte à leur utilisation ou à leur élimination. Elles devraient également tenir compte des risques pour l’environnement liés aux différentes opérations. Le cadre communautaire devrait comprendre des règles sanitaires relatives à la mise sur le marché, notamment aux échanges intracommunautaires et à l’importation de sous-produits animaux, le cas échéant.

[...]

(11)

[...] Il convient d’énoncer clairement les objectifs clefs de la réglementation relative aux sous-produits animaux, à savoir maîtriser les risques pour la santé publique et animale et protéger la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Les dispositions du présent règlement devraient permettre d’atteindre ces objectifs.

[...]

(29)

Il convient d’établir un classement des sous-produits animaux et des produits dérivés en trois catégories selon le degré de risque qu’ils présentent pour la santé publique et animale, sur la base d’évaluations des risques. Les sous-produits animaux et les produits dérivés à haut risque ne devraient être utilisés qu’en dehors de la chaîne alimentaire animale, tandis que l’utilisation des sous-produits et produits dérivés à plus faible risque devrait être autorisée sous certaines conditions de sécurité.

[...]

(35)

[...] Par mesures de précaution, tout autre sous‑produit animal relevant d’aucune des trois catégories devrait continuer à être considéré par défaut comme une matière de catégorie 2, notamment afin de renforcer le principe de l’exclusion générale de ces matières de la chaîne alimentaire des animaux d’élevage autres que les animaux à fourrure.

(36)

Les autres textes législatifs entrés en vigueur après l’adoption du règlement (CE) no 178/2002 [...], à savoir le règlement (CE) no 852/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires [(JO 2004, L 139, p. 1)], le règlement (CE) no 853/2004 et le règlement (CE) no 183/2005 du Parlement européen et du Conseil du 12 janvier 2005 établissant des exigences en matière d’hygiène des aliments pour animaux [(JO 2005, L 35, p. 1)], et complétés par le règlement (CE) no 1774/2002 [du Parlement européen et du Conseil, du 3 octobre 2002, établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux non destinés à la consommation humaine (JO 2002, L 273, p. 1)], confient aux exploitants du secteur de l’alimentation humaine et animale la tâche essentielle de respecter les dispositions communautaires destinées à protéger la santé publique et animale. En cohérence avec ces textes, la responsabilité première de veiller à ce que les exigences du présent règlement soient respectées devrait également incomber aux exploitants dont les activités relèvent du présent règlement. Cette obligation devrait être clarifiée et précisée quant aux moyens destinés à garantir la traçabilité, par exemple une collecte et un acheminement séparés des sous-produits animaux. [...]

[...]

(38)

L’utilisation de sous-produits animaux ne devrait être autorisée que si les risques pour la santé publique et animale sont réduits au minimum au cours de leur transformation et de la mise sur le marché de produits dérivés à base de sous-produits animaux. Lorsque cela n’est pas possible, il y a lieu d’éliminer les sous-produits animaux en respectant certaines conditions de sécurité. Il convient d’établir clairement les possibilités d’utilisation des sous-produits animaux relevant des différentes catégories en cohérence avec le reste de la législation communautaire. D’une manière générale, les possibilités d’utilisation applicables à une catégorie à haut risque devraient également s’appliquer aux catégories à risque faible, sauf considérations spéciales applicables compte tenu des dangers inhérents à certains sous-produits animaux. »

7

L’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1069/2009 est rédigé comme suit :

« Le présent règlement s’applique :

a)

aux sous-produits animaux et aux produits dérivés qui sont exclus de la consommation humaine en vertu de la législation communautaire ; [...] »

8

L’article 3 dudit règlement, intitulé « Définitions », prévoit, à ses points 3, 4, 10 et 11 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

3.

“produits d’origine animale”, les produits d’origine animale, au sens du point 8.1 de l’annexe I du règlement (CE) no 853/2004 ;

4.

“carcasse”, toute carcasse au sens du point 1.9 de l’annexe I du règlement (CE) no 853/2004 ;

[...]

10.

“autorité compétente”, l’autorité centrale d’un État membre chargée d’assurer le respect des exigences du présent règlement ou toute autorité à laquelle cette compétence a été déléguée ; ce terme désigne aussi, le cas échéant, l’autorité correspondante d’un pays tiers ;

11.

“exploitant”, toute personne physique ou morale, y compris le transporteur, le négociant ou l’utilisateur, qui exerce son contrôle sur un sous‑produit animal ou un produit dérivé ».

9

L’article 4 du règlement no 1069/2009, intitulé « Point de départ de la chaîne de fabrication et obligations », dispose, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.   Les exploitants qui génèrent des sous-produits animaux ou des produits dérivés qui relèvent du champ d’application du présent règlement les identifient comme tels et veillent à ce qu’ils soient traités conformément au présent règlement (point de départ).

2.   À tous les stades de la collecte, du transport, de la manipulation, du traitement, de la conversion, de la transformation, de l’entreposage, de la mise sur le marché, de la distribution, de l’utilisation et de l’élimination des sous-produits animaux et des produits dérivés dans des entreprises sous leur contrôle, les exploitants veillent à ce que lesdits sous-produits et produits dérivés respectent les prescriptions du présent règlement qui s’appliquent à leurs activités.

3.   Les États membres contrôlent et vérifient que les exploitants respectent les prescriptions du présent règlement tout au long de la chaîne des opérations portant sur les sous‑produits animaux et les produits dérivés, telle qu’elle est visée au paragraphe 2. À cet effet, ils mettent en place un système de contrôles officiels, conformément à la législation communautaire appropriée. »

10

L’article 7 de ce règlement, intitulé « Classement des sous-produits animaux et des produits dérivés », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les sous-produits animaux sont classés en catégories spécifiques reflétant leur niveau de risque pour la santé publique et animale, selon les listes établies aux articles 8, 9 et 10. »

11

L’article 8 dudit règlement, intitulé « Matières de catégorie 1 », dispose, à son point g) :

« Les matières de catégorie 1 comprennent les sous‑produits animaux suivants :

[...]

g)

les mélanges de matières de catégorie 1 avec des matières des catégories 2 et/ou 3. »

12

L’article 9 du même règlement, intitulé « Matières de catégorie 2 », dispose, à ses points d) et h) :

« Les matières de catégorie 2 comprennent les sous-produits animaux suivants :

[...]

d)

les produits d’origine animale qui ont été déclarés impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers dans ces produits ;

[...]

h)

les sous-produits animaux autres que les matières de catégorie 1 ou 3. »

13

L’article 10 du règlement no 1069/2009, intitulé « Matières de catégorie 3 », prévoit, à ses points a) et f) :

« Les matières de catégorie 3 comprennent les sous‑produits animaux suivants :

a)

les carcasses et parties d’animaux abattus ou, dans le cas du gibier, les corps ou parties d’animaux mis à mort, qui sont propres à la consommation humaine en vertu de la législation communautaire, mais qui, pour des raisons commerciales, ne sont pas destinés à une telle consommation ;

[...]

f)

les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits, qui ne sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou en raison de défauts de fabrication ou d’emballage ou d’autres défauts n’entraînant aucun risque pour la santé humaine ou animale ;

[...] »

14

L’article 14 de ce règlement, intitulé « Élimination et utilisation des matières de catégorie 3 », est ainsi libellé :

« Les matières de catégorie 3 :

a)

sont éliminées comme déchets, par incinération, avec ou sans transformation préalable ;

b)

si elles constituent des déchets, sont éliminées ou valorisées par coïncinération, avec ou sans transformation préalable ;

c)

sont éliminées dans une décharge autorisée, après transformation ;

d)

sont transformées, sauf dans le cas de matières de catégorie 3 altérées par un phénomène de décomposition ou par une détérioration, de sorte qu’elles comportent, du fait de ce produit, un risque inacceptable pour la santé publique et animale, [...]

[...] »

15

L’article 24 dudit règlement, intitulé « Agrément des établissements et usines », dispose :

« 1.   Les exploitants veillent à ce que les établissements ou usines sous leur contrôle soient agrées par l’autorité compétente lorsque ces établissements et usines effectuent une ou plusieurs des activités suivantes :

a)

la transformation des sous‑produits animaux par stérilisation sous pression, par des méthodes de transformation visées à l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, point b), ou par d’autres méthodes autorisées conformément à l’article 20 ;

[...]

h)

la manipulation de sous‑produits animaux après leur collecte, sous la forme d’opérations telles que le tri, la découpe, la réfrigération, la congélation, le salage ou l’enlèvement des peaux et des cuirs ou de matériels à risque spécifiés ;

[...] »

16

L’article 25 du même règlement, intitulé « Règles générales d’hygiène », dispose, à son paragraphe 1, sous e) :

« Les exploitants veillent à ce que les établissements ou les usines sous leur contrôle qui effectuent les activités visées à l’article 24, paragraphe 1, points a) et h) :

[...]

e)

soient pourvus de dispositifs appropriés pour le nettoyage et la désinfection des conteneurs et des véhicules, de façon à éviter les risques de contamination. »

17

Aux termes de l’article 28 du règlement no 1069/2009, intitulé « Autocontrôles » :

« Les exploitants mettent en place, appliquent et maintiennent des autocontrôles dans leurs établissements ou leurs usines afin de surveiller le respect du présent règlement. Ils veillent à ce qu’aucun sous-produit animal ou produit dérivé non conforme au présent règlement ou suspecté de non-conformité avec ce dernier ne sorte de l’établissement ou de l’usine, hormis à des fins d’élimination. »

Le règlement (UE) no 142/2011

18

L’annexe IV du règlement (UE) no 142/2011 de la Commission, du 25 février 2011, portant application du règlement no 1069/2009 et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières en vertu de cette directive (JO 2011, L 54, p. 1), énonce, à son chapitre I, section 4, point 3 :

« Outre les conditions générales énoncées à la section 1, les exigences suivantes s’appliquent.

[...]

3.

Les usines de transformation de matière de catégorie 3 doivent être dotées d’une installation permettant de détecter la présence de corps étrangers, tels des matériaux d’emballage et des pièces métalliques, dans les sous-produits animaux ou les produits dérivés, si elles transforment des matières destinées à l’alimentation des animaux. Ces corps étrangers doivent être enlevés avant ou pendant la transformation. »

Le droit allemand

La loi sur l’élimination des sous‑produits animaux

19

Le Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (loi sur l’élimination des sous‑produits animaux), du 25 janvier 2004 (BGBl. 2004 I, p. 82), dans sa version applicable au litige au principal (BGBl. 2016 I, p. 1966) (ci-après la « loi sur l’élimination des sous‑produits animaux »), prévoit, à son article 1er, intitulé « Champ d’application » :

« La présente loi vise à mettre en œuvre le [règlement no 1069/2009], ainsi que les actes juridiques de la Communauté ou de l’Union européenne d’application directe, adoptés en vertu ou en exécution de ce règlement. »

20

L’article 3 de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux, intitulé « Obligation d’élimination », est ainsi libellé :

« 1.   Lorsque, conformément aux dispositions mentionnées à l’article 1er,

1)

les sous-produits animaux de catégorie 1 au sens de l’article 8 du règlement (CE) no 1069/2009,

2)

les sous-produits animaux de catégorie 2 au sens de l’article 9 du règlement (CE) no 1069/2009, à l’exclusion du lisier, du guano, du contenu de l’appareil digestif, du lait, des produits laitiers, du colostrum, des œufs et des produits à base d’œufs, ou

3)

les produits dérivés des sous-produits animaux cités aux points 1 ou 2

doivent être récupérés, collectés, identifiés, transportés, entreposés, traités, transformés, utilisés ou éliminés, l’autorité compétente fixe les conditions de récupération, de collecte, d’identification, de transport, d’entreposage, de traitement, de transformation, d’utilisation et d’élimination. L’autorité compétente doit récupérer, collecter, identifier, transporter, entreposer, traiter, transformer, utiliser ou éliminer

1)

les sous-produits animaux de catégorie 1,

2)

les sous-produits animaux de catégorie 2, à l’exclusion du lisier, du guano, du contenu de l’appareil digestif, du lait, des produits laitiers, du colostrum, ainsi que des œufs et des produits à base d’œufs, et

3)

les produits dérivés des sous-produits animaux cités aux points 1 ou 2

qui sont générés sur son territoire conformément aux actes juridiques d’application directe visés à l’article 1er, à la présente loi et aux dispositions adoptées en vertu de celle‑ci. Jusqu’à leur récupération par l’autorité compétente, les obligations des propriétaires d’identifier, de transporter et d’entreposer les sous-produits animaux et les produits dérivés générés chez eux, prévues par les dispositions des actes juridiques d’application directe visés à l’article 1er, restent inchangées. L’autorité compétente peut faire appel à des tiers pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la deuxième phrase. La deuxième phrase s’applique également aux animaux sauvages morts, dans la mesure où l’autorité compétente a ordonné une utilisation, une transformation ou une élimination pour des motifs liés à la lutte contre les maladies animales.

2.   La deuxième phrase du paragraphe 1 ne s’applique pas lorsque les sous‑produits animaux et les produits dérivés sont destinés à la fabrication d’aliments pour animaux et de produits dérivés visés aux articles 33 et 36 du règlement (CE) no 1069/2009 et que les sous-produits animaux et produits dérivés ont été collectés, identifiés, transportés, entreposés, traités, transformés ou utilisés par des exploitants, établissements ou usines enregistrés conformément à l’article 23 du règlement (CE) no 1069/2009 ou agréés conformément à l’article 24 du règlement (CE) no 1069/2009.

3.   En ce qui concerne les sous-produits animaux et les produits dérivés visés à la première phrase du paragraphe 1, l’autorité compétente peut transférer partiellement ou intégralement à une personne physique ou morale de droit privé exploitant un établissement de transformation ou une installation d’incinération ou de coïncinération, avec son consentement, l’obligation de récupérer, de collecter, d’identifier, de transporter, d’entreposer, de traiter, de transformer, d’utiliser ou d’éliminer les sous-produits animaux ou produits dérivés, pour autant que :

1)

aucun intérêt public supérieur ne s’y oppose,

2)

l’établissement de transformation ou l’installation d’incinération ou de coïncinération respecte les exigences applicables à la méthode de transformation concernée, énoncées aux articles 6, 8 et 9 du règlement (UE) no 142/2011 de la Commission, du 25 février 2011, portant application du règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et portant application de la directive 97/78/CE du Conseil en ce qui concerne certains échantillons et articles exemptés des contrôles vétérinaires effectués aux frontières (JO 2011, L 54, p. 1), dans sa version actualisée, et

3)

le respect des autres dispositions du règlement (CE) no 1069/2009, des actes juridiques adoptés aux fins de son exécution, de la présente loi et des dispositions adoptées en vertu de celle‑ci soit garanti.

Dans le cas d’un transfert partiel, celui‑ci peut être subordonné à la condition que l’établissement de transformation ou l’installation d’incinération ou de coïncinération récupère, collecte, identifie, transporte, entrepose, traite, transforme, utilise ou élimine les sous-produits animaux et produits dérivés générés dans une zone donnée, lorsque l’intérêt public l’exige.

4.   L’autorité compétente peut obliger un établissement de transformation ou une installation d’incinération ou de coïncinération à autoriser temporairement, contre une rémunération raisonnable tenant compte des charges et des produits, l’utilisation partagée de l’établissement ou de l’installation en vue de la transformation ou de l’élimination des sous‑produits animaux ou produits dérivés visés à la première phrase du paragraphe 1 qui sont générés en dehors de la zone d’intervention de l’établissement de transformation ou de l’installation d’incinération ou de coïncinération, pour autant que cela soit raisonnable et que les sous-produits animaux ou les produits dérivés ne puissent pas être utilement transformés ou éliminés d’une autre manière ou ne puissent l’être que moyennant des surcoûts considérables. S’il n’est pas possible de parvenir à un accord sur la rémunération, celle‑ci est fixée par l’autorité compétente. »

21

L’article 12 de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux, intitulé « Contrôle », dispose :

« (1)   Le respect des dispositions des actes juridiques d’application directe visés à l’article 1er, le respect des dispositions de la présente loi et des règlements adoptés en vertu de celle‑ci, ainsi que des injonctions exécutoires prononcées conformément aux actes juridiques d’application directe visés à l’article 1er, à la présente loi ou à un règlement adopté en vertu de celle‑ci, sont contrôlés par l’autorité compétente, et dans le domaine de la Bundeswehr (armée fédérale) par les services désignés par le ministère fédéral de la Défense.

(2)   L’autorité compétente peut prononcer, au cas par cas, les injonctions nécessaires au respect des dispositions des actes juridiques d’application directe visés à l’article 1er de la présente loi ainsi que des règlements adoptés en vertu de celle‑ci. Cette disposition s’applique également après l’enregistrement visé à l’article 23 du règlement [...] no 1069/2009 ou après l’octroi d’un agrément au titre de l’article 24 du règlement [...] no 1069/2009. »

La loi du Land de Thuringe portant application de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux

22

Le Thüringer Ausführungsgesetz zum Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (loi du Land de Thuringe portant application de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux), du 10 juin 2005 (Thür GVBl. 2005, p. 224), dispose, à son article 2, intitulé « Responsables de la transformation et de l’élimination des sous-produits animaux des catégories 1 et 2 » :

« (1)   Les arrondissements et villes-arrondissements sont des collectivités de droit public compétentes (organismes responsables de l’élimination) au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux. Ils accomplissent cette mission dans le cadre de l’auto-administration.

(2)   Pour s’acquitter de cette mission, les organismes responsables de l’élimination visés au paragraphe 1 peuvent constituer une association de collectivités locales. Les modalités de fonctionnement sont fixées par le statut. Seul cet organisme responsable de l’élimination est chargé d’accomplir cette mission par l’intermédiaire de l’association. »

23

L’article 3 de la loi du Land de Thuringe portant application de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux, intitulé « Zones d’intervention », est ainsi libellé :

« (1)   Le ministère chargé des Affaires vétérinaires détermine par voie réglementaire, en concertation avec les organismes responsables de l’élimination, les zones à l’intérieur desquelles lesdits organismes doivent récupérer, collecter, transporter, entreposer, traiter, transformer ou éliminer les sous-produits animaux visés à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux. À cet égard, les intérêts de la protection contre les maladies animales, la production des sous-produits animaux visés à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux, les conditions de circulation et la capacité des usines de transformation doivent être pris en considération.

(2)   Le ministère chargé des Affaires vétérinaires peut, dans des cas très exceptionnels, autoriser le traitement, la transformation ou l’élimination des sous-produits animaux visés à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la loi sur l’élimination des sous‑produits animaux dans des établissements de transformation, des installations d’incinération ou de coïncinération en dehors de la zone d’intervention arrêtée conformément au paragraphe 1. »

Le règlement de Thuringe relatif aux zones d’intervention adopté en vertu de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux

24

Le Thüringer Verordnung über die Einzugsbereiche nach dem Tierische Nebenprodukte-Beseitigungsgesetz (règlement de Thuringe relatif aux zones d’intervention adopté en vertu de la loi fédérale sur l’élimination des sous-produits animaux), du 11 octobre 2005 (Thür GVBl. 2005, p. 355), prévoit, à son article 1er :

« La zone d’intervention de l’établissement de transformation situé à Elxleben, arrondissement de Sömmerda, s’étend, pour les matières visées à l’article 3, paragraphe 1, première phrase, de la [loi sur l’élimination des sous‑produits animaux] dans sa version applicable à la date des faits, à l’ensemble du territoire du Land. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

25

Toropet exploite en Allemagne un établissement agrée en vertu du règlement no 1069/2009 en tant qu’établissement intermédiaire pour les matières de catégorie 3, au sens de l’article 10 de ce règlement, et elle est également enregistrée comme transporteur de sous‑produits animaux. Cette société n’est toutefois pas autorisée à manipuler des matières de catégories 1 et 2, au sens des articles 8 et 9 dudit règlement. Dans le cadre de ses activités, Toropet transforme des abats animaux et les commercialise, notamment, auprès des fabricants d’aliments pour animaux, de recycleurs de graisses animales et d’usines de production de biogaz.

26

Le 23 janvier 2018, lors d’un contrôle administratif effectué dans cet établissement intermédiaire, le district de Greiz a constaté la présence de moisissures, de pourritures et de corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre, des résidus de plastique et de la sciure de bois, dans 38 palox contenant des sous‑produits animaux de catégorie 3. En raison de ces défauts, le district de Greiz a reclassé les matières concernées en catégorie 2 et a ordonné l’élimination immédiate des 38 palox par la voie d’une exécution forcée par l’intervention d’un tiers qui a été réalisée le jour même. Les frais liés à ces opérations, d’un montant de 2346,17 euros, ont été mis à la charge de Toropet.

27

Cette exécution forcée a été confirmée par la décision du district de Greiz du 25 janvier 2018, dans laquelle celui-ci a précisé que, en raison desdits défauts, les matières en cause ne pouvaient plus être classées dans la catégorie 3, mais devaient être classées dans la catégorie 2. Or, ni Toropet ni son partenaire commercial, qui devait se charger de la transformation de ces matières, ne seraient autorisés à manipuler des matières de catégorie 2. De surcroît, en l’absence d’une chambre froide séparée, les matières en cause n’auraient pas pu être entreposées sur place jusqu’à ce qu’une solution à l’amiable soit trouvée.

28

Le 9 octobre 2018, Toropet a formé un recours devant le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera, Allemagne) tendant à l’annulation de la décision du 25 janvier 2018.

29

Dans le cadre de son recours, Toropet reproche au district de Greiz d’avoir commis une erreur en reclassant les matières en cause en catégorie 2 sans effectuer d’examen scientifique. Elle conteste le bien‑fondé de l’appréciation selon laquelle ces matières seraient avariées, pourries ou moisies. Toropet considère que le critère utilisé par les vétérinaires et le district de Greiz, à savoir celui tiré du fait que les produits sont propres à la consommation humaine, irait au‑delà des dispositions de l’article 10 du règlement no 1069/2009.

30

Toropet relève qu’il ressort de l’article 14, sous d), de ce règlement que la décomposition et la détérioration des sous‑produits animaux ne justifient pas un reclassement dans une catégorie inférieure, car une valorisation conformément à l’article 14, sous b), dudit règlement est possible et qu’une élimination n’est pas toujours nécessaire. Selon Toropet, les sous‑produits animaux en cause pouvaient relever de l’article 10, sous f), du même règlement, dès lors que cette disposition n’exclut que des produits présentant des risques majeurs causés par les maladies animales. Or, elle est d’avis que la viande altérée par de la moisissure ou de la pourriture n’engendre pas un tel risque. En ce qui concerne la présence de corps étrangers dans les matières concernées, tels que des morceaux de plâtre, des résidus de plastique et de la sciure de bois, elle ne saurait conduire à un reclassement, pour autant qu’une simple séparation mécanique est possible.

31

En particulier, cette société fait valoir que, puisque les matières de catégorie 3 ne sont pas destinées à la consommation humaine, le fait que les matières en cause soient ou non propres à une telle consommation n’est pas pertinent.

32

La juridiction de renvoi relève que les sous‑produits animaux en cause concernaient principalement des matières classées initialement en catégorie 3 en vertu soit de l’article 10, sous a), du règlement no 1069/2009, qui couvre les carcasses et parties d’animaux abattus propres à la consommation humaine, mais qui ne sont pas destinées à une telle consommation, soit de l’article 10, sous f), de ce règlement, couvrant les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits, qui ne sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou d’autres raisons n’entraînant pas de risque pour la santé humaine ou animale.

33

Selon cette juridiction, la décomposition et la détérioration des matières de catégorie 3 rendent celles‑ci, en principe, impropres à la consommation humaine et entraînent un risque pour la santé humaine et animale. Par conséquent, elle se demande si de tels changements doivent conduire à un reclassement des matières concernées dans une catégorie différente.

34

La juridiction de renvoi relève que l’objectif principal du règlement no 1069/2009, comme il ressort de son considérant 11 ainsi que de son article 1er, est de maîtriser les risques pour la santé publique et animale et de protéger la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Dès lors, la dangerosité ne serait pas limitée à la santé humaine. L’article 14, sous d), de ce règlement soulignerait d’ailleurs que la décomposition et la détérioration entraînent des risques pour la santé publique et animale.

35

Toutefois, la juridiction de renvoi estime que l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 peut s’opposer à la modification du classement initial des matières concernées, à la suite d’une décomposition ou d’une détérioration de celles-ci. En effet, selon cette juridiction, il peut être déduit de cette disposition que la décomposition et la détérioration affectent, en principe, non pas le classement, mais uniquement l’utilisation des matières de catégorie 3. Selon elle, si l’utilisation de ces matières à des fins de fabrication d’aliments pour animaux est exclue en vertu de l’article 14, sous d), de ce règlement, il semble, en revanche, possible d’utiliser lesdites matières à d’autres fins, notamment en les valorisant par coïncinération, conformément à l’article 14, sous b), dudit règlement.

36

La juridiction de renvoi s’interroge également sur l’interprétation de l’article 9, sous d), du règlement no 1069/2009. En effet, en vertu de cette disposition, les matières déclarées impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers doivent être classées dans la catégorie 2. Toutefois, il ressortirait du chapitre I, section 4, point 3, de l’annexe IV du règlement no 142/2011 que la présence de corps étrangers ne suffit pas pour entraîner le classement des matières concernées dans la catégorie 2, dès lors que la réglementation exige que les usines de transformation des matières de catégorie 3 soient dotées d’une installation permettant de détecter ces corps étrangers, lesquels doivent être enlevés avant ou pendant la transformation. De surcroît, la juridiction de renvoi se demande si la prévention du risque de la présence de corps étrangers est pertinente lorsque les matières de catégorie 3 sont destinées non pas à être transformées en alimentation animale, mais à être incinérées ou à servir à la fabrication de biodiesel.

37

Dans ces conditions, le Verwaltungsgericht Gera (tribunal administratif de Gera) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 10, sous a), du [règlement no 1069/2009] doit‑il être interprété en ce sens que le bénéfice du classement initial en tant que matières de catégorie 3 est perdu lorsque ces matières deviennent impropres à la consommation humaine en raison d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration ?

2)

L’article 10, sous f), du [règlement no 1069/2009] doit‑il être interprété en ce sens que le bénéfice du classement initial en tant que matières de catégorie 3 pour les produits d’origine animale ou les aliments contenant de tels produits est perdu lorsque des processus de décomposition ou de détérioration ultérieurs de ces matières présentent un risque pour la santé publique et animale ?

3)

La réglementation de l’article 9, sous d), du [règlement no 1069/2009] doit‑elle être interprétée de manière restrictive en ce sens que les matières qui ont été mélangées avec des corps étrangers tels que des sciures de bois ne doivent être classées en tant que matières de catégorie 2 que s’il s’agit de matières à transformer et qu’elles sont destinées à l’alimentation animale ? »

Sur les questions préjudicielles

38

Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 doit être interprété en ce sens que des sous‑produits animaux initialement classés comme des matières de catégorie 3, conformément à cette disposition, altérés par un phénomène de décomposition ou par une détérioration, ou mélangés avec des corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, de sorte qu’ils ne sont plus propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvus de tout risque pour la santé humaine ou animale, ne respectent pas le niveau de risque associé à ce classement et doivent, par conséquent, être reclassés en catégorie inférieure.

39

Afin de répondre à ces questions, il convient, dans un premier temps, de préciser les modalités de classement d’un sous-produit animal dans une catégorie donnée avant d’analyser, dans un second temps, si un tel classement est immuable ou si un sous-produit animal peut être reclassé soit en raison d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration soit en raison de son mélange avec des corps étrangers, survenu après son classement initial.

40

En premier lieu, s’agissant des modalités de classement d’un sous-produit animal dans une catégorie donnée, il convient de relever que le classement des sous‑produits animaux et des produits dérivés est régi par le titre I, chapitre I, section 4, du règlement no 1069/2009, laquelle comporte les articles 7 à 10 de celui‑ci.

41

Selon l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, les sous‑produits animaux sont classés en catégories spécifiques au regard du critère du niveau de risque qu’ils présentent pour la santé publique et animale. Plus particulièrement, ledit règlement prévoit trois catégories, conformément aux articles 8, 9 et 10 de celui-ci, couvrant, respectivement, les matières de catégories 1, 2, et 3, les sous‑produits animaux devant nécessairement entrer dans l’une de ces trois catégories. Ainsi, relèvent de la catégorie 3 les matières qui ont été considérées par le législateur de l’Union comme étant à faible risque tandis que les matières relevant des catégories 1 et 2 présentent un haut risque pour la santé publique et animale, les matières de catégorie 1 étant celles qui présentent le risque le plus élevé.

42

Premièrement, il ressort du libellé de l’article 9, sous h), du règlement no 1069/2009 que la liste des matières de catégorie 2 comprend les sous-produits animaux autres que les matières de catégories 1 ou 3, de telle sorte que la catégorie 2 constitue une catégorie résiduelle. En outre, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 62 de ses conclusions, l’article 9, sous h), de ce règlement doit, à la lumière du considérant 35 de celui-ci, selon lequel tout sous‑produit animal ne relevant d’aucune des trois catégories devrait être considéré par défaut comme une matière de catégorie 2, être interprété de manière large en ce sens qu’il couvre tout sous‑produit animal n’ayant pas été classé dans une autre catégorie.

43

Il en découle que les listes de matières des catégories 1 et 3, prévues aux articles 8 et 10 du règlement no 1069/2009, ont un caractère exhaustif et doivent, partant, être interprétées de manière stricte en ce que, d’une part, elles comprennent uniquement les matières qui y sont expressément énumérées et, d’autre part, ces matières doivent respecter, en application de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement, le niveau de risque attaché à la catégorie concernée.

44

Il s’ensuit que ne relèvent de la catégorie 3 que les matières qui y sont expressément mentionnées et qui respectent le niveau de risque attaché à cette catégorie.

45

Deuxièmement, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 54 de ses conclusions, il convient de souligner que le niveau de risque constitue également le critère pertinent pour l’utilisation finale des sous‑produits animaux. Le règlement no 1069/2009 a prévu, à ses articles 12 à 14, lus à lumière de son considérant 38, des listes d’utilisations et d’éliminations possibles pour chaque catégorie de matières ainsi que des règles applicables à chacune d’elles afin que ce niveau de risque soit réduit au minimum, sans pour autant exclure la possibilité que les utilisations et les éliminations applicables à une catégorie à haut risque s’étendent également à des matières relevant de catégories à risque faible.

46

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que les matières en cause au principal étaient initialement classées dans la catégorie 3, conformément à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009.

47

Tandis que l’article 10, sous a), de ce règlement prévoit que relèvent de cette catégorie les carcasses et les parties d’animaux abattus qui sont propres à la consommation humaine, mais qui ne sont pas destinées à une telle consommation pour des raisons commerciales, l’article 10, sous f), dudit règlement couvre les matières telles que les produits d’origine animale, qui ne sont plus destinés à la consommation humaine pour des raisons commerciales ou en raison de défauts de fabrication ou d’emballage ou d’autres défauts n’entraînant aucun risque pour la santé humaine ou animale. Il s’ensuit que le critère permettant de déterminer si un sous-produit animal relève de l’une de ces dispositions réside dans l’exigence d’être propre à la consommation humaine et/ou d’être dépourvu de tout risque pour la santé humaine ou animale.

48

À cet égard, s’agissant, en particulier, de la détermination du caractère propre à la consommation humaine des denrées alimentaires, l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 178/2002 prévoit qu’une denrée impropre à la consommation humaine est celle qui est inacceptable pour une telle consommation pour des raisons de contamination, d’origine externe ou autre, ou par putréfaction, détérioration ou décomposition.

49

En second lieu, il convient d’examiner si des défauts liés à un phénomène de décomposition ou de détérioration et à la présence de corps étrangers, tels que ceux qui ont été constatés dans le cadre du contrôle administratif du 23 janvier 2018, décrit au point 26 du présent arrêt, sont de nature à modifier le niveau de risque que présentent des matières classées initialement comme des matières de catégorie 3, au sens de l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, de sorte à justifier un reclassement de ces matières dans la catégorie 2.

50

Il convient d’emblée de souligner que ni l’article 7 du règlement no 1069/2009 ni aucune autre disposition de ce règlement ne prévoit de manière expresse le reclassement dans une catégorie inférieure de matières initialement classées en catégorie 3. En effet, en ce qu’il se limite à énoncer que le classement d’un sous-produit animal reflète le niveau de risque de celui-ci pour la santé publique et animale, le libellé de cet article 7 ne permet pas de déterminer si une matière peut faire l’objet d’un reclassement.

51

Par conséquent, compte tenu de l’absence de précisions utiles figurant à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, il convient, aux fins de l’interprétation de cette disposition, de tenir compte notamment du contexte dans lequel celle‑ci s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Vion Livestock, C‑383/16, EU:C:2017:783, point 35 et jurisprudence citée).

52

S’agissant, premièrement, des objectifs poursuivis par le règlement no 1069/2009, il ressort de l’article 1er et des considérants 2, 5, 6 et 11 de ce règlement que les objectifs principaux poursuivis par la réglementation relative aux sous‑produits animaux consistent à maîtriser de manière adéquate les risques pour la santé publique et animale et à préserver la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale ainsi que d’établir un cadre cohérent et complet de règles sanitaires qui soient proportionnées aux risques sanitaires que pose la manipulation des sous‑produits animaux par des exploitants aux différents stades de la chaîne, de leur collecte à leur utilisation ou à leur élimination.

53

Il en résulte que le législateur de l’Union a entendu maîtriser les risques pour la santé publique et animale tout au long de l’exploitation des sous-produits animaux, de manière adéquate et proportionnée, ce qui implique que le classement d’un sous-produit animal puisse être réévalué à tout moment de son exploitation et, partant, conduire à un reclassement de ce sous-produit lorsque ce dernier ne répond plus aux conditions posées pour son classement initial.

54

Cette interprétation est corroborée, deuxièmement, par le contexte dans lequel s’inscrivent les articles 7 et 10 du règlement no 1069/2009.

55

En effet, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, il incombe à tous les exploitants de veiller à ce que les sous‑produits animaux respectent les règles dudit règlement « [à] tous les stades de la collecte, du transport, de la manipulation, du traitement, de la conversion, de la transformation, de l’entreposage, de la mise sur le marché, de la distribution, de l’utilisation et de l’élimination » de ces sous‑produits animaux.

56

En outre, il convient également de souligner que le règlement no 1069/2009, conformément à son considérant 36, prévoit la responsabilité première des exploitants de veiller à ce que les exigences de ce règlement soient respectées afin de protéger la santé publique et animale. À cet égard, les exploitants sont obligés de respecter les exigences dudit règlement s’appliquant à leurs activités lorsqu’ils traitent des sous‑produits animaux. Dans ce contexte, l’article 28 du règlement no 1069/2009 fait obligation aux exploitants de veiller, au moyen d’un système d’autocontrôles, à ce qu’aucun sous‑produit animal non conforme à ce règlement ou suspecté de non‑conformité avec ce dernier ne sorte de l’établissement ou de l’usine, hormis à des fins d’élimination.

57

De même, les États membres, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1069/2009, mettent en place un système de contrôles officiels dans le cadre desquels ils contrôlent et vérifient que les exploitants respectent les prescriptions dudit règlement tout au long de la chaîne des opérations portant sur les sous‑produits animaux. Cette disposition confirme également que les exploitants doivent vérifier à chaque étape de la chaîne des opérations si les sous‑produits animaux demeurent bien dans la catégorie dans laquelle ils ont été initialement classés.

58

Il résulte, dès lors, du contexte dans lequel s’inscrit l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009 et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ces dispositions font partie que le classement initial de matières dans une catégorie spécifique doit être contrôlé et vérifié tout au long de la chaîne des opérations de sorte que si ces matières ne correspondent plus au niveau de risque qui leur était initialement associé, leur reclassement doit être effectué afin de garantir la sécurité de la chaîne alimentaire humaine et animale. Dès lors, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 80 de ses conclusions, le classement dans une catégorie n’est pas immuable, mais dépend du maintien du niveau de risque qui lui est associé.

59

Il s’ensuit qu’une altération des matières telles que celles en cause au principal, initialement classées dans la catégorie 3 conformément à l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, par un phénomène de décomposition ou par une détérioration ou par la présence de corps étrangers, de sorte que ces matières ne sont plus propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvues de tout risque pour la santé humaine ou animale, doit nécessairement conduire à leur reclassement dans une catégorie inférieure.

60

En effet, comme l’ont relevé tant la juridiction de renvoi que la Commission européenne, un phénomène de décomposition ou une détérioration de matières de catégorie 3 donne naissance à des toxines qui les rendent, en principe, impropres à la consommation humaine et produisent également un risque pour la santé humaine et animale.

61

Par conséquent, les sous‑produits animaux initialement classés dans la catégorie 3, tels que ceux en cause au principal, qui présentent un niveau de risque plus élevé que celui permis pour être classé dans cette catégorie perdent le bénéfice de leur classement dans cette dernière.

62

Il s’ensuit que, ainsi qu’il a été relevé au point 42 du présent arrêt, conformément à l’article 9, sous h), du règlement no 1069/2009, relèvent de la catégorie 2 les sous‑produits animaux autres que les matières de catégorie 1 ou 3. Dès lors, cette dernière disposition devrait s’appliquer à des sous‑produits animaux qui en raison d’un phénomène de décomposition ou d’une détérioration présentent un niveau de risque trop élevé pour répondre aux exigences des matières de catégorie 3.

63

S’agissant de la présence de corps étrangers tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois dans les matières en cause au principal, premièrement, il ressort des informations figurant dans la demande de décision préjudicielle et dans le dossier dont la Cour dispose, que, au vu de leur nature, ceux‑ci ne sont pas considérés comme étant des déchets dangereux au sens du règlement no 1013/2006. Partant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 43 de ses conclusions, un tel mélange est, en principe, soumis à l’application du règlement no 1069/2009 (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, P. F. Kamstra Recycling e.a., C‑21/19 à C‑23/19, EU:C:2020:636, point 55).

64

Deuxièmement, il convient de relever que le chapitre I, section 4, point 3, de l’annexe IV du règlement no 142/2011 impose aux usines de transformation de matière de catégorie 3 d’être dotées d’une installation permettant de détecter la présence de corps étrangers, tels que des matériaux d’emballage et des pièces métalliques. Ainsi, à l’instar de ce qu’ont relevé M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions ainsi que la Commission et le district de Greiz, ne relèvent de cette disposition que les corps étrangers mélangés à des matières de catégorie 3 qui peuvent être extraits facilement, en toute sécurité, et dans le respect des exigences concernant le niveau de risque prévues pour cette catégorie par le règlement no 1069/2009.

65

Or, des corps étrangers tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, à supposer que ceux‑ci puissent être détectés, peuvent s’associer avec le sous‑produit animal de manière si étroite que l’extraction de ces corps étrangers pourrait être si ce n’est impossible du moins difficile à réaliser, de sorte qu’ils ne sauraient être considérés comme des corps étrangers qui relèvent du chapitre I, section 4, point 3, de l’annexe IV du règlement no 142/2011.

66

À cet égard, il convient de relever, à l’instar de M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, que le mélange de sous‑produits animaux avec des corps étrangers tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois présente les mêmes caractéristiques et notamment le même niveau de risque que les matières de catégorie 2 visées à l’article 9, sous d), du règlement no 1069/2009 qui couvre « les produits d’origine animale qui ont été déclarés impropres à la consommation humaine en raison de la présence de corps étrangers ». Partant, un mélange tel que celui en cause au principal devrait être classé dans la catégorie 2 soit en vertu de cet article 9, sous d), s’agissant de produits d’origine animale, au sens de cette disposition, soit en vertu de l’article 9, sous h), dudit règlement, s’agissant d’autres sous‑produits animaux.

67

Enfin, l’argumentation selon laquelle il pourrait être déduit de l’article 14, sous d), du règlement no 1069/2009 que la décomposition ou la détérioration affectent non pas le classement, mais l’utilisation des matières de catégorie 3 ne saurait prospérer dans la mesure où cette interprétation irait à l’encontre tant de l’objectif que de la structure du règlement no 1069/2009.

68

En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 45 du présent arrêt, les articles 12 à 14 du règlement no 1069/2009 ont établi des listes d’utilisations et d’éliminations possibles pour les matières de catégories 1 à 3, visées respectivement aux articles 8 à 10 de ce règlement, en suivant toujours le niveau de risque que comportent les différentes catégories. Par conséquent, l’article 14 dudit règlement ne prévoit pas des exigences à remplir aux fins de classement des matières en catégories, lesquelles sont exclusivement définies aux articles 8 à 10 du même règlement, et ne saurait donc porter atteinte à la logique inhérente au classement instauré par le législateur de l’Union à ces articles.

69

Dans ce même contexte, l’argumentation de Toropet selon laquelle le classement initial des matières en catégorie 3 pourrait être maintenu, nonobstant la décomposition ou la détérioration qui les affectent ou malgré leur mélange avec des corps étrangers, dans la mesure où ces matières pourraient être utilisées non pas aux fins d’être transformées en alimentation animale, mais à d’autres fins, telles que leur incinération ou leur transformation en biogaz, ne saurait être suivie. Le changement de la destination initiale des matières en cause ne saurait justifier leur maintien dans la catégorie 3 eu égard au niveau de risque élevé de celles-ci pour la santé humaine et animale.

70

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre aux trois questions que l’article 7, paragraphe 1, l’article 9, sous h), et l’article 10, sous a) et f), du règlement no 1069/2009, lus à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, doivent être interprétés en ce sens que des sous‑produits animaux initialement classés comme des matières de catégorie 3, conformément à l’article 10, sous a) et f), de ce dernier, altérés par un phénomène de décomposition ou par une détérioration, ou mélangés avec des corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, de sorte qu’ils ne sont plus propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvus de tout risque pour la santé humaine ou animale, ne respectent pas le niveau de risque associé à ce classement et doivent, par conséquent, être reclassés en catégorie inférieure.

Sur les dépens

71

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

L’article 7, paragraphe 1, l’article 9, sous h), et l’article 10, sous a) et f), du règlement (CE) no 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles sanitaires applicables aux sous‑produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et abrogeant le règlement (CE) no 1774/2002 (règlement relatif aux sous‑produits animaux), lus à la lumière de l’article 4, paragraphe 2, de ce règlement, doivent être interprétés en ce sens que des sous‑produits animaux initialement classés comme des matières de catégorie 3, conformément à l’article 10, sous a) et f), de ce dernier, altérés par un phénomène de décomposition ou par une détérioration, ou mélangés avec des corps étrangers, tels que des morceaux de plâtre ou de la sciure de bois, de sorte qu’ils ne sont plus propres à la consommation humaine et/ou ne sont pas dépourvus de tout risque pour la santé humaine ou animale, ne respectent pas le niveau de risque associé à ce classement et doivent, par conséquent, être reclassés en catégorie inférieure.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.