CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 25 mars 2021 ( 1 )

Affaire C‑768/19

Bundesrepublik Deutschland

contre

SE,

partie intervenante

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht

(représentant de l’intérêt fédéral près la Cour administrative fédérale, Allemagne)

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Protection internationale – Protection subsidiaire – Directive 2011/95/UE – Article 2, sous j), troisième tiret – Droit à la protection subsidiaire conféré par la législation interne à un adulte en sa qualité de parent d’un enfant mineur bénéficiant de la protection subsidiaire – Moment auquel se vérifie la “minorité” »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle adressée par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) le 15 août 2019 et parvenue au greffe de la Cour le 18 octobre 2019 concerne l’interprétation de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ( 2 ) et de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Cette demande soulève une nouvelle fois des questions épineuses sur les moments auxquels il faut idéalement se placer pour statuer sur les demandes de regroupement familial relevant de la protection internationale octroyée à d’autres membres de la famille.

2.

La présente demande s’inscrit dans une procédure opposant SE à la Bundesrepublik Deutschland (République fédérale d’Allemagne) ayant pour objet le refus par cet État membre d’octroyer à SE une protection subsidiaire en tant que parent d’un enfant mineur non marié bénéficiant d’une protection subsidiaire dans ledit État membre (le fils de SE).

3.

Pour que SE et son fils soient considérés comme étant « membres de la famille » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, il faut, notamment, que le fils de SE soit mineur et non marié ( 3 ). La République fédérale d’Allemagne a refusé d’octroyer à SE la protection subsidiaire au motif que, lorsqu’il a sollicité l’asile dans cet État membre au titre de la minorité de son fils, SE a rempli une demande d’asile officielle dans ledit État membre un jour après la fin de la minorité de son fils.

4.

Dans la présente demande de décision préjudicielle, la Cour est appelée à déterminer, notamment, le moment auquel il faut se placer pour déterminer si le bénéficiaire de la protection (en l’espèce, le fils de SE) est un « mineur » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95.

5.

Avant d’examiner ces questions, il convient cependant d’exposer les dispositions applicables et les faits qui ont donné lieu à la procédure au principal.

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2011/95

6.

L’article 1er de la directive 2011/95, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objet d’établir des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection. »

7.

L’article 2 de la directive 2011/95, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

j)

“membres de la famille”, dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d’origine, les membres ci-après de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui sont présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale :

[...],

[...],

le père ou la mère du bénéficiaire d’une protection internationale ou tout autre adulte qui en est responsable de par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné, lorsque ledit bénéficiaire est mineur et non marié ;

k)

“mineur”, un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride âgé de moins de dix-huit ans ;

[...] »

8.

L’article 3 de la directive 2011/95, intitulé « Normes plus favorables », prévoit :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié ou de personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la présente directive. »

9.

L’article 23 de la directive 2011/95, intitulé « Maintien de l’unité familiale », énonce :

« 1.   Les États membres veillent à ce que l’unité familiale puisse être maintenue.

2.   Les États membres veillent à ce que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir cette protection puissent prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35, conformément aux procédures nationales et dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille.

[...] »

10.

L’article 24 de la directive 2011/95, intitulé « Titre de séjour », dispose :

« [...]

2.   Dès que possible après qu’une protection internationale a été octroyée, les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent. »

2. La directive 2013/32

11.

L’article 6 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ( 4 ), intitulé « Accès à la procédure », est rédigé comme suit :

« 1.   Lorsqu’une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l’enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande.

Si la demande de protection internationale est présentée à d’autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l’enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande.

[...]

2.   Les États membres veillent à ce que les personnes qui ont présenté une demande de protection internationale aient la possibilité concrète de l’introduire dans les meilleurs délais. Si les demandeurs n’introduisent pas leur demande, les États membres peuvent appliquer l’article 28 en conséquence.

3.   Sans préjudice du paragraphe 2, les États membres peuvent exiger que les demandes de protection internationale soient introduites en personne et/ou en un lieu désigné.

4.   Nonobstant le paragraphe 3, une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire est présenté par le demandeur ou, si le droit national le prévoit, un rapport officiel est parvenu aux autorités compétentes de l’État membre concerné.

[...] »

B.   Le droit allemand

12.

L’article 13 de l’Asylgesetz ( 5 ) (loi relative au droit d’asile, ci-après l’« AsylG »), du 2 septembre 2008, dispose :

« (1)   L’asile est demandé lorsqu’il ressort de la volonté que l’étranger a exprimée par écrit, oralement ou d’une autre façon, qu’il recherche sur le territoire fédéral une protection contre des persécutions politiques ou entend être protégé contre une reconduite à la frontière ou tout autre retour forcé dans un État où il risque d’être persécuté au sens de l’article 3, paragraphe 1, ou de subir une atteinte grave au sens de l’article 4, paragraphe 1.

[...] »

13.

L’article 14 de l’AsylG prévoit :

« (1)   La demande d’asile doit être introduite auprès de l’antenne de l’Office fédéral de la migration et des réfugiés rattachée au centre d’accueil compétent pour l’accueil de l’étranger. [...]

[...] »

14.

L’article 26 de l’AsylG énonce :

« [...]

(2)   L’enfant non marié d’un étranger bénéficiant du droit d’asile, qui est mineur au moment où il demande l’asile, se voit, à sa demande, octroyer l’asile lorsque le droit d’asile est définitivement octroyé à l’étranger sans pouvoir être révoqué ni retiré.

(3)   Les parents d’un mineur non marié bénéficiant du droit d’asile ou un autre adulte visé à l’article 2, sous j), de la directive [2011/95] se voient, à leur demande, octroyer le droit d’asile lorsque :

1. le droit d’asile est définitivement octroyé,

2. la famille visée à l’article 2, sous j), de la directive [2011/95] avait déjà été fondée dans l’État dans lequel le réfugié subit des persécutions politiques,

3. ils sont entrés sur le territoire avant l’octroi du droit d’asile ou ont introduit leur demande d’asile immédiatement après être entrés sur le territoire,

4. le droit d’asile octroyé ne peut être ni révoqué ni retiré, et

5. ils assurent l’entretien de la personne bénéficiant du droit d’asile.

La première phrase, points 1 à 4, s’applique par analogie aux membres de la fratrie non mariés du mineur bénéficiant du droit d’asile, qui étaient mineurs au moment où ils ont présenté leur demande.

[...]

(5)   Les paragraphes 1 à 4 s’appliqueront par analogie aux membres de la famille des bénéficiaires de la protection internationale, visés aux paragraphes 1 à 3. Le statut de réfugié ou la protection subsidiaire se substitue au droit à l’asile. [...]

[...] »

15.

L’article 77 de l’AsylG dispose :

« (1)   Dans les litiges relevant de la présente loi, le tribunal se fonde sur la situation en fait et en droit existant au moment de la dernière audience ; s’il statue sans audience préalable, le moment déterminant est celui où la décision est rendue. [...]

[...] »

III. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

16.

SE sollicite l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire au motif qu’il est le père d’un enfant mineur non marié qui a ce statut. SE est, à ses dires, ressortissant afghan et le père d’un fils né le 20 avril 1998 qui est entré sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne au cours de l’année 2012 et y a présenté une demande d’asile le 21 août 2012 ( 6 ).

17.

Par décision définitive du 13 mai 2016, le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, Allemagne, ci-après l’« Office fédéral ») a rejeté la demande d’asile du fils de SE. Il a néanmoins octroyé le statut conféré par la protection subsidiaire.

18.

Le requérant est entré, à ses dires, en Allemagne par la route au mois de janvier 2016. Il a sollicité l’asile au mois de février 2016 et a introduit une demande officielle de protection internationale le 21 avril 2016.

19.

L’Office fédéral a rejeté ses demandes visant à se voir reconnaître le bénéfice de l’asile, à se voir octroyer le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire ainsi qu’à entendre constater l’existence de motifs s’opposant à sa reconduite à la frontière au titre de l’article 60, paragraphe 5, et de l’article 60, paragraphe 7, première phrase, de l’Aufenthaltsgesetz (loi allemande sur le droit de séjour), du 25 février 2008 (BGBl. 2008 I, p. 162).

20.

Dans le jugement entrepris, le Verwaltungsgericht (tribunal administratif, Allemagne) a enjoint à la République fédérale d’Allemagne d’octroyer à SE le statut conféré par la protection subsidiaire au titre des dispositions combinées de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, et de l’article 26, paragraphe 5, de l’AsylG, en tant que parent d’un enfant mineur non marié bénéficiant de la protection subsidiaire.

21.

Selon le Verwaltungsgericht (tribunal administratif), le fils de SE était encore mineur au moment où SE a présenté la demande d’asile, qui est le moment auquel il faut se placer à cet égard. Dans ce contexte, une demande d’asile est réputée être présentée dès que l’autorité compétente a pris connaissance de la demande d’asile du demandeur de protection.

22.

Dans sa révision directe portée devant la juridiction de renvoi, la République fédérale d’Allemagne dénonce une violation de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, de l’AsylG. Selon elle, aux termes de l’article 77, paragraphe 1, première phrase, de l’AsylG, la situation en fait et en droit s’apprécie en se plaçant en principe au moment de la dernière audience devant le juge du fait ou, s’il a statué sans audience préalable, au moment de la décision du juge du fait qui a clos la procédure. L’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG ne comporte pas de dérogation légale explicite sur ce point. Ses conditions de fait et sa structure portent à croire qu’en tout état de cause un droit ne peut être dérivé que d’un enfant encore mineur au moment de l’octroi de son propre statut. Elle soutient que la disposition sert les intérêts du mineur bénéficiaire de la protection, lesquels ne s’étendraient en principe pas au-delà de sa minorité.

23.

La République fédérale d’Allemagne soutient également que même si la minorité devait s’apprécier au moment de la demande d’asile du parent, ce n’est pas le moment où l’asile est effectivement sollicité (article 13 de l’AsylG) qui compte, mais celui auquel la demande d’asile est officiellement introduite (article 14 de l’AsylG). Pour la demande requise à l’article 26, paragraphe 3, première phrase, de l’AsylG, il ne suffit pas que l’organisme compétent, ici l’Office fédéral, ait simplement connaissance de l’asile sollicité. L’octroi du statut requiert au préalable une demande (officielle) qui ne peut être valablement introduite qu’auprès de l’organisme compétent.

24.

C’est dans ce contexte que le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Lorsque, avant la majorité de son enfant, avec lequel une famille avait déjà été fondée dans le pays d’origine et qui s’est vu octroyer à la suite d’une demande de protection présentée avant sa majorité le statut conféré par la protection subsidiaire après avoir atteint sa majorité (ci-après le “bénéficiaire de la protection”), un demandeur d’asile est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil du bénéficiaire de la protection et y a également présenté une demande de protection internationale (ci-après le “demandeur d’asile”) et lorsqu’une législation nationale se réfère à l’article 2, sous j), de la directive [2011/95] pour conférer un droit à l’octroi de la protection subsidiaire tiré du bénéficiaire de la protection, faut-il, pour déterminer si le bénéficiaire de la protection est “mineur” au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive [2011/95], se placer au moment où il est statué sur la demande d’asile du demandeur d’asile ou à un moment antérieur, notamment au moment où

a) le bénéficiaire de la protection s’est vu octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire,

b) le demandeur d’asile a présenté sa demande d’asile,

c) le demandeur d’asile est entré sur le territoire de l’État membre d’accueil ou

d) le bénéficiaire de la protection a présenté sa demande d’asile ?

2)

Dans l’hypothèse où

a) c’est le moment auquel la demande d’asile a été présentée qui compte :

faut-il retenir à cet effet la présentation de la demande de protection par écrit, oralement ou d’une autre façon, qui a été portée à la connaissance de l’autorité nationale habilitée à connaître de la demande d’asile (sollicitation) ou l’introduction de la demande de protection internationale ?

b) c’est le moment auquel le demandeur d’asile est entré sur le territoire ou le moment auquel celui-ci a présenté la demande d’asile qui compte :

le fait qu’il n’avait pas encore été statué à ce moment-là sur la demande de protection du futur bénéficiaire de la protection doit-il être pris en considération ?

3)

a)

Dans la situation décrite dans la première question, à quelles conditions le demandeur d’asile sera-t-il un “membre de la famille” (article 2, sous j), de la directive [2011/95]) présent “dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale” que celui dans lequel est présent le bénéficiaire d’une protection internationale avec lequel une famille avait “déjà été fondée dans le pays d’origine” ? Cela présuppose-t-il en particulier que la vie familiale visée à l’article 7 de la [Charte] ait repris entre le bénéficiaire de la protection et le demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil ou la simple présence concomitante du bénéficiaire de la protection et du demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil suffit-elle à cet effet ? Un parent est-il également un membre de la famille lorsque, dans les circonstances de l’espèce, l’entrée sur le territoire ne visait pas à assumer effectivement envers une personne bénéficiaire d’une protection internationale encore mineure et non mariée la responsabilité visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive [2011/95] ?

b)

S’il est répondu à la troisième question, sous a), que la vie familiale, au sens de l’article 7 de la Charte, doit avoir repris entre le bénéficiaire de la protection et le demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil, le moment auquel la vie familiale a repris doit-il être pris en considération ? Faut-il considérer à cet égard que la vie familiale a repris dans un certain délai après l’entrée du demandeur d’asile sur le territoire, au moment où le demandeur d’asile présente sa demande ou à un moment où le bénéficiaire de la protection était encore mineur ?

4)

Un demandeur d’asile cesse-t-il d’avoir la qualité de “membre de la famille” au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive [2011/95] à la date de la majorité du bénéficiaire de la protection lorsque prend ainsi fin la responsabilité envers une personne qui est mineure et non mariée ? Si cette question devait appeler une réponse négative : cette qualité de “membre de la famille” (et les droits qui en découlent) persiste-t-elle au-delà de cette date pour une durée illimitée ou devient-elle caduque après un certain délai (le cas échéant, lequel ?) ou à la survenance d’un événement déterminé (le cas échéant, lequel ?) ? »

IV. La procédure devant la Cour

25.

Des observations écrites ont été présentées par les gouvernements allemand et hongrois ainsi que par la Commission européenne. Le 26 mai 2020, la procédure a été suspendue dans la présente affaire par ordonnance du président de la Cour prise au titre de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure de la Cour jusqu’à l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577). Cet arrêt a été signifié à la juridiction de renvoi dans la présente procédure pour vérifier si elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Par ordonnance du 19 août 2020, parvenue au greffe de la Cour le 26 août 2020, la juridiction de renvoi a avisé la Cour qu’elle souhaitait maintenir sa demande de décision préjudicielle. Par décision du 28 août 2020, le président de la Cour a mis fin à la suspension de la procédure dans la présente affaire.

26.

Le 10 novembre 2020, le gouvernement allemand a été invité à préciser dans une réponse écrite les différences, notamment en matière de procédure, de délais et de conditions, existant en droit allemand entre la sollicitation informelle de l’asile, au sens de l’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG, et la demande formelle d’asile, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de cette loi. Le gouvernement allemand a répondu à cette question le 14 décembre 2020.

27.

Le 10 novembre 2020, les parties et autres intéressés ont été invités, au titre de l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à se prononcer sur les conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), aux fins de la réponse à apporter notamment à la première question préjudicielle posée dans la présente procédure. Le gouvernement hongrois et la Commission ont présenté des observations à cet égard.

V. La compétence de la Cour

28.

Le gouvernement allemand a émis des doutes quant à la compétence de la Cour pour examiner les questions préjudicielles. Selon ce gouvernement, les questions soulevées portent sur l’interprétation d’une disposition nationale qui n’est pas imposée par le droit de l’Union et qui, de par son libellé, ne se réfère aux définitions données par le droit de l’Union à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 qu’en ce qui concerne les notions d’« autre adulte » et de « famille ».

29.

On doit relever que, dans ses questions, la juridiction de renvoi sollicite l’interprétation de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 et de l’article 7 de la Charte. Elle ne fait aucune allusion à la législation interne dans ces questions.

30.

Il ressort néanmoins de la demande de décision préjudicielle que SE sollicite une protection internationale en tant que membre de la famille (parent d’un enfant mineur non marié) au titre des dispositions combinées de l’article 26, paragraphe 5, et de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, de l’AsylG et non pas du droit de l’Union, et notamment pas de la directive 2011/95. Pour déterminer le statut de SE en droit interne, il apparaîtrait néanmoins crucial de savoir si, au moment auquel il faut se placer, le fils de SE est un enfant mineur non marié et donc si SE est un membre de la famille conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95. Cela est dû au renvoi que l’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG fait à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 ( 7 ).

31.

Dans son arrêt du 4 octobre 2018, Ahmedbekova (C‑652/16, EU:C:2018:801, points 68 à 74), la Cour a relevé que la directive 2011/95 ne prévoit pas d’extension du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire aux membres de la famille de la personne à laquelle ce statut est octroyé. Il découle, en effet, de l’article 23 de cette directive que celle-ci se limite à imposer aux États membres d’aménager leur droit national de manière à ce que les membres de la famille, au sens visé à l’article 2, sous j), de ladite directive, du bénéficiaire d’un tel statut puissent, s’ils ne remplissent pas individuellement les conditions pour l’octroi du même statut, prétendre à certains avantages, qui comprennent notamment la délivrance d’un titre de séjour, l’accès à l’emploi ou l’accès à l’éducation et qui ont pour objet de maintenir l’unité familiale. Cependant, l’article 3 de la directive 2011/95 permet à un État membre de prévoir, en cas d’octroi, en vertu du régime instauré par cette directive, d’une protection internationale à un membre d’une famille, d’étendre le bénéfice de cette protection à d’autres membres de cette famille, pour autant que ceux-ci ne relèvent pas d’une cause d’exclusion visée à l’article 12 de ladite directive et que leur situation présente, en raison du besoin de maintien de l’unité familiale, un lien avec la logique de protection internationale.

32.

La Cour a également indiqué que l’octroi, à titre dérivé, du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire à des membres de la famille, en raison du besoin de maintien de l’unité familiale des intéressés, présente un lien avec la logique de protection internationale ayant conduit à cette dernière reconnaissance ( 8 ).

33.

Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi ( 9 ), il ressortirait du dossier transmis à la Cour que la République fédérale d’Allemagne a usé de la faculté que lui offre l’article 3 de la directive 2011/95 d’élargir la protection à certains membres de la famille visés à l’article 2, sous j), de cette directive.

34.

Il ressort toutefois d’une jurisprudence constante de la Cour que celle-ci est compétente pour statuer sur une demande de décision préjudicielle portant sur des dispositions du droit de l’Union, dans des situations dans lesquelles, même si les faits au principal ne relèvent pas directement du champ d’application de ce droit, les dispositions dudit droit ont été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci. En effet, dans de telles situations, il existe un intérêt certain de l’Union à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme. Ainsi, une interprétation par la Cour de dispositions du droit de l’Union dans des situations ne relevant pas du champ d’application de celles-ci se justifie lorsque ces dispositions ont été rendues applicables à de telles situations par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique à ces situations et à celles qui relèvent du champ d’application desdites dispositions ( 10 ).

35.

L’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG renvoyant spécifiquement à la notion de « famille » visée à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 et rien n’indiquant que cette dernière disposition ne soit pas applicable de manière directe et inconditionnelle à des situations telles que celle en cause dans la procédure au principal, l’intérêt de l’Union dicte dès lors clairement à la Cour de statuer sur la présente demande de décision préjudicielle.

36.

Je considère donc que la Cour est compétente pour répondre aux questions préjudicielles posées.

VI. L’examen des questions préjudicielles posées

A.   Sur les première et deuxième questions préjudicielles

1. Observations liminaires

37.

Par ses première et deuxième questions, qui peuvent être examinées conjointement par commodité, la juridiction de renvoi souhaite déterminer, dans une situation comme celle qui se présente dans la procédure au principal, où un parent (en l’espèce SE) entend tirer du statut de protection subsidiaire d’un enfant mineur non marié un droit à une protection subsidiaire au titre de la législation interne, à quel moment il faut se placer pour déterminer si la personne bénéficiaire de la protection internationale, en l’espèce le fils de SE, est un « mineur » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 ( 11 ).

38.

Ainsi que la Commission l’a relevé dans ses observations, la réponse à cette question est nécessaire au regard du droit de l’Union pour déterminer si SE peut prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de la directive 2011/95, comme le prévoit l’article 23, paragraphe 2, de cette directive ( 12 ).

39.

La définition de « mineur » figurant à l’article 2, sous k), de la directive 2011/95, visant « un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride âgé de moins de dix-huit ans », n’est pas en cause dans la procédure au principal.

40.

Ce qui est en cause, en revanche, c’est le moment auquel il faut se placer pour vérifier si une personne a la qualité de « mineur » afin de déterminer si ce mineur et une autre personne sont des « membres de la famille » aux fins de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95. Aux termes de l’article 2, sous j), de cette directive, l’expression « membres de la famille » comprend, dans la mesure où la famille était déjà fondée dans le pays d’origine, le père d’un mineur non marié bénéficiaire d’une protection internationale, lorsque ce père est présent dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale.

41.

La juridiction de renvoi a exposé à la Cour cinq moments différents auxquels on pourrait se placer, à savoir :

le moment où il a été statué sur la demande d’asile de SE (corps de la première question préjudicielle) ;

le moment auquel le fils de SE s’est vu octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire [première question, sous a)] ;

le moment auquel SE a présenté sa demande d’asile [première question, sous b)] ;

le moment auquel SE est entré sur le territoire allemand [première question, sous c)], ou

le moment auquel le fils de SE a présenté sa demande d’asile [première question, sous d)].

42.

Le gouvernement allemand considère que le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 est le jour de la décision statuant sur la demande du membre de la famille entendant faire valoir un droit tiré de celui du bénéficiaire de la protection.

43.

Le gouvernement hongrois considère que l’emploi du présent à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 récuse toute approche rétrospective de la qualité de « mineur ». La situation en fait et en droit sur laquelle une décision est fondée doit donc être examinée et évaluée à la lumière des circonstances qui sont celles du moment où la décision est prise. Une interprétation différente dans la présente affaire signifierait que les autorités devraient partir de la fiction que la personne en question est encore mineure alors que ce n’est plus le cas. Une telle fiction ne saurait être déduite ni des dispositions de cette directive ni de son objet, et elle serait contraire à la sécurité juridique requise. Selon ce gouvernement, le moment auquel il faut se placer est le jour auquel il est statué sur la demande de protection internationale introduite par le membre de la famille du bénéficiaire de protection internationale.

44.

La Commission, en revanche, considère que les dispositions combinées de l’article 2, sous j), troisième tiret, lu conjointement avec l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95 doivent être interprétées en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride qui était âgé de moins de 18 ans au moment de la présentation de sa demande de protection internationale dans un État membre, mais qui est devenu majeur durant la procédure et à qui le statut conféré par la protection subsidiaire a été accordé ultérieurement, doit être considéré comme étant « mineur » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de cette directive, si son père est entré sur le territoire du même État membre avant que le bénéficiaire de la protection soit devenu majeur, et a introduit la demande visée à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95 dans un délai raisonnable à partir du jour où le bénéficiaire de la protection a été reconnu comme tel.

2. L’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248)

45.

Il ressort clairement de la décision de renvoi que les différents moments présentés par la juridiction de renvoi ont été inspirés, à tout le moins en partie, par l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248) ( 13 ). Je vais dès lors exposer de manière relativement détaillée les faits et la décision propres à cette affaire pour mieux saisir les différents moments présentés par la juridiction de renvoi.

46.

L’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), concernait le droit d’une jeune fille mineure non accompagnée qui était entrée sur le territoire néerlandais et avait sollicité l’asile alors qu’elle était mineure, mais qui avait obtenu le statut de réfugiée et sollicitait le regroupement familial avec ses parents après avoir atteint l’âge de la majorité.

47.

La question posée à la Cour était de savoir si l’article 2, initio et sous f) ( 14 ), de la directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial ( 15 ) doit être interprété en ce sens que doit être qualifié de « mineur », au sens de cette disposition, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui était âgé de moins de 18 ans au moment de son entrée sur le territoire d’un État membre et de l’introduction de sa demande d’asile dans cet État, mais qui, au cours de la procédure d’asile, atteint l’âge de la majorité et se voit, par la suite, accorder l’asile avec effet rétroactif à la date de sa demande. La Cour a dit pour droit que l’article 2, initio et sous f), de la directive 2003/86, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive ( 16 ), doit être interprété en ce sens que doit être qualifié de « mineur », au sens de cette disposition, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui était âgé de moins de 18 ans au moment de son entrée sur le territoire d’un État membre et de l’introduction de sa demande d’asile dans cet État, mais qui, au cours de la procédure d’asile, atteint l’âge de la majorité et se voit par la suite reconnaître le statut de réfugié.

48.

D’après la Cour, faire dépendre le droit au regroupement familial visé à l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 du moment où l’autorité nationale compétente adopte formellement la décision reconnaissant la qualité de « réfugié » à la personne concernée, au lieu d’inciter les autorités nationales à traiter prioritairement les demandes de protection internationale émanant de mineurs non accompagnés afin de tenir compte de leur vulnérabilité particulière, pourrait avoir l’effet inverse, en contrecarrant l’objectif poursuivi tant par la directive 2013/32 que par les directives 2003/86 et 2011/95 d’assurer que, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, l’intérêt supérieur de l’enfant soit effectivement une considération primordiale pour les États membres lors de l’application de ces directives ( 17 ).

49.

La Cour a considéré que retenir la date d’introduction de la demande de protection internationale comme étant celle à laquelle il convient de se référer pour apprécier l’âge d’un réfugié aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 permet de garantir un traitement identique et prévisible à tous les demandeurs se trouvant chronologiquement dans la même situation, en assurant que le succès de la demande de regroupement familial dépende principalement de circonstances imputables au demandeur et non pas à l’administration, telles que la durée de traitement de la demande de protection internationale ou de la demande de regroupement familial. La Cour a cependant indiqué qu’un réfugié qui avait la qualité de « mineur non accompagné » au moment de sa demande, mais qui est devenu majeur au cours de la procédure, doit faire sa demande de regroupement dans un délai raisonnable ( 18 ). À cet égard, la Cour a considéré que la demande doit être introduite dans un délai de trois mois à dater du jour où le « mineur » concerné s’est vu reconnaître la qualité de « réfugié ».

3. L’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577)

50.

Je considère également que l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), postérieur à la présente demande de décision préjudicielle, présente un intérêt.

51.

Dans cette affaire, la Cour était appelée à préciser, notamment, si l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens que la date à laquelle il convient de se référer pour déterminer si un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride non marié est un « enfant mineur », au sens de cette disposition, est celle à laquelle est présentée la demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial pour enfants mineurs, ou celle à laquelle il est statué sur cette demande par les autorités compétentes de cet État membre, le cas échéant après un recours dirigé contre une décision de rejet d’une telle demande.

52.

Aux points 36 et 37 de l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), la Cour a indiqué sans ambiguïté que retenir la date à laquelle l’autorité compétente de l’État membre concerné statue sur la demande d’entrée et de séjour sur le territoire de cet État membre aux fins du regroupement familial comme étant celle à laquelle il convient de se référer pour apprécier l’âge du demandeur aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2003/86 ne serait conforme ni aux objectifs poursuivis par cette directive ni aux exigences découlant de l’article 7 et de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, en ce que les autorités et les juridictions nationales compétentes ne seraient pas incitées à traiter prioritairement les requêtes des mineurs avec l’urgence nécessaire pour tenir compte de leur vulnérabilité et pourraient ainsi agir d’une manière qui mettrait en péril les droits mêmes au regroupement familial de ces mineurs. La Cour a dès lors considéré que l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens que la date à laquelle il convient de se référer pour déterminer si un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride non marié est un enfant mineur, au sens de cette disposition, est celle à laquelle est présentée la demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial pour enfants mineurs, et non celle à laquelle il est statué sur cette demande par les autorités compétentes de cet État membre.

4. Analyse succincte des arrêts en question

53.

Ainsi que je l’ai indiqué, les arrêts du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), et du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), concernaient l’interprétation de la directive 2003/86.

54.

On soulignera d’emblée que la directive 2003/86 a été adoptée le 22 septembre 2003. Elle a dès lors été adoptée sept mois environ avant la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ( 19 ). La directive 2004/83, qui a été remplacée par la suite par la directive 2011/95, a introduit pour la première fois le statut de protection subsidiaire dans le droit de l’Union. Cette chronologie explique pourquoi la directive 2003/86 ne vise que les réfugiés et non pas les ressortissants de pays tiers ou les apatrides bénéficiant du statut conféré par la protection subsidiaire. Alors que les droits des membres de la famille des réfugiés sont régis en grande partie par les directives 2003/86 et 2011/95 ( 20 ), l’ancienne directive 2004/83 ne concerne pas les droits des membres de la famille des bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire.

55.

En effet, au point 34 de l’arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192), la Cour a confirmé que la directive 2003/86 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’applique pas à des ressortissants de pays tiers membres de la famille d’un bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire ( 21 ).

56.

Je crois que la solution adoptée dans l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), à l’endroit du droit au regroupement familial d’un mineur non accompagné qui bénéficiait du statut de réfugié au titre de l’article 2, sous f), et de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 présente un intérêt pour la présente affaire. Cependant, l’analyse faite dans cet arrêt n’est pas pleinement transposable à la présente affaire qui comprend des différences essentielles tant en fait qu’en droit. En particulier, dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), c’est l’enfant mineur non accompagné qui sollicitait le regroupement familial au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 et ce n’était pas (comme ici) un parent qui s’efforçait de rejoindre son enfant au titre, notamment, des articles 23 et suivants de la directive 2011/95.

57.

De surcroît, alors que la présente affaire concerne la question des droits d’un parent d’un particulier qui s’est vu accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), est aussi quelque peu différente en ce qu’elle concerne l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/86 qui impose aux États membres d’autoriser l’entrée et le séjour des enfants mineurs non mariés d’un réfugié.

5. Application de la jurisprudence en l’espèce

58.

On relèvera que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 ne précise pas le moment auquel il faut se placer. Bien que le législateur de l’Union aurait pu avantageusement préciser ce point, il se trouve néanmoins qu’il ne découle pas de cette lacune que chaque État membre puisse unilatéralement déterminer le moment qu’il souhaite choisir pour déterminer si certaines personnes sont des « membres de la famille » aux fins de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95. Plusieurs raisons me conduisent à cette conclusion.

59.

Premièrement, l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 ne fait aucun renvoi à la législation interne ou à des États membres et, deuxièmement, rien dans cette disposition ni dans une quelconque disposition autre de cette directive ne suggère que le législateur de l’Union ait entendu laisser à chaque État membre la responsabilité de déterminer le moment pertinent en question.

60.

Dans ses arrêts du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 41), et du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 30), la Cour a rappelé que, conformément aux exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité, une disposition de ce droit qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte, notamment, du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

61.

Selon moi, l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 doit être lu au regard de l’article 23 de cette directive, qui dispose en termes très clairs et dépourvus d’ambiguïté à son paragraphe 1 que « [l]es États membres veillent à ce que l’unité familiale puisse être maintenue » (mise en italique par mes soins). De surcroît, le considérant 16 de ladite directive indique que celle-ci respecte les droits fondamentaux, ainsi que les principes reconnus notamment par la Charte, et vise surtout à promouvoir, entre autres, l’application des articles 7 et 24 de la Charte.

62.

Il est de jurisprudence constante que l’article 7 de la Charte, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale, doit être lu en corrélation avec l’obligation de prise en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant, reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de cette Charte, et en tenant compte de la nécessité pour un enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles avec ses deux parents ( 22 ), reconnue à l’article 24, paragraphe 3, de ladite Charte.

63.

Il découle de ce qui précède que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 doit être interprété dans l’intérêt de l’enfant concerné et en vue de promouvoir la vie familiale.

64.

Je considère qu’il ne serait pas conforme à l’intérêt de l’enfant concerné, ni à la promotion de la vie familiale dans le contexte de procédures telles que celle de l’espèce, ni, bien entendu, à l’esprit des arrêts du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), et du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), de retenir comme moment auquel il faille se placer pour vérifier la qualité de « mineur » visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, la date à laquelle il a été effectivement statué sur la demande d’asile de SE ( 23 ) ou la date à laquelle le fils de SE s’est vu accorder la protection subsidiaire ( 24 ).

65.

Il ressort clairement des arrêts du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 55), et du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), que la Cour n’a pas envisagé de faire dépendre le droit d’un demandeur à la vie familiale de la rapidité et de la longueur du traitement et de l’examen d’une demande dans un État membre. Le principe qui préside à ces deux arrêts est que le droit de faire une demande de regroupement familial ne peut pas être tributaire du hasard de dates auxquelles certaines décisions sont rendues par des tiers.

66.

Selon moi, il en va ainsi indépendamment de savoir si la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire au titre de la directive 2011/95 est un acte déclaratoire ou non. À cet égard, on relèvera que le considérant 21 de cette directive indique que « [l]a reconnaissance du statut de réfugié est un acte déclaratif ». On ne trouve cependant aucun considérant équivalent dans ladite directive à propos de la protection subsidiaire ( 25 ). Néanmoins, alors que l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), évoque le caractère déclaratoire de la reconnaissance du statut de réfugié ( 26 ), dans cet arrêt, la Cour a souligné que faire dépendre le droit au regroupement familial visé à l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 du moment où l’autorité nationale compétente adopte formellement la décision reconnaissant la qualité de « réfugié » à la personne concernée et, dès lors, de la plus ou moins grande célérité avec laquelle la demande de protection internationale est traitée par cette autorité remettrait en cause l’effet utile de cette disposition. Cette approche irait à l’encontre non seulement de l’objectif de cette directive, qui est de favoriser le regroupement familial et d’accorder, à cet égard, une protection particulière aux réfugiés, notamment aux mineurs non accompagnés, mais également des principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique ( 27 ).

67.

La Cour a adopté une approche similaire dans son arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577). Dans ses motifs, cependant, la Cour n’a pas évoqué le caractère déclaratoire d’un acte reconnaissant le statut de réfugié, mais a plutôt souligné les droits tirés de l’article 7 et de l’article 24, paragraphes 2 et 3, de la Charte ainsi que les intérêts des enfants concernés. Elle a relevé que le droit au regroupement familial ne doit pas dépendre de circonstances aléatoires et non prévisibles, entièrement imputables aux autorités et aux juridictions nationales compétentes de l’État membre concerné ( 28 ).

68.

Il ressortirait du dossier national déposé devant la Cour dans la présente affaire que, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il y aurait un intervalle de près de quatre années entre le moment auquel le fils de SE a sollicité l’asile (le 21 août 2012) et le jour auquel la protection subsidiaire lui a été accordée (le 13 mai 2016). La juridiction de renvoi n’a donné aucune explication sur cette longueur considérable. On pourrait peut-être supposer, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, que cela puisse être dû à certains recours engagés par le fils de SE contre le rejet de sa demande d’asile par l’Office fédéral. On se contentera de dire que la demande d’asile de SE est pendante depuis l’année 2016.

69.

Selon moi, mis à part le risque d’érosion des droits ( 29 ) garantis par l’article 7 et l’article 24 de la Charte, il serait également contraire à l’article 47 de la Charte et au droit à un recours effectif que l’obligation pour un demandeur de protection internationale d’exercer les recours prévus à l’article 46 de la directive 2013/32 puisse conduire à une situation dans laquelle les membres de la famille perdent leur droit au maintien de l’unité familiale et tous les droits qui en découlent notamment au titre de la directive 2011/95 en raison de l’inévitable écoulement du temps inhérent à ce type de contentieux et sur lequel le demandeur semble n’avoir aucune maîtrise. Pareille situation pourrait faire grandement obstacle à l’exercice de recours en justice qui pourraient s’offrir autrement et dissuader de manière déraisonnable de les engager ( 30 ).

70.

À cet égard, je considère, à l’instar des gouvernements allemand et hongrois ( 31 ), que le fait que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 requiert un examen complet et ex nunc tant des faits que des points de droit par une cour ou un tribunal d’un État membre saisi en première instance ou en appel d’un recours contre une décision statuant sur une demande de protection internationale est dénué de pertinence pour décider, notamment, le moment auquel il faut se placer aux fins de vérifier si la personne bénéficiaire de la protection (en l’espèce le fils de SE) est un « mineur » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95. L’idée de l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 est d’assurer que la décision de la juridiction compétente sur la protection internationale est fondée sur des éléments de fait et de droit actualisés ( 32 ). Cette disposition n’a strictement rien ajouté au droit des membres de la famille de prétendre, au titre de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95, aux avantages visés aux articles 24 à 35 de cette directive ni bien entendu au moment auquel ces droits sont dérivés.

71.

En ce qui concerne le moment retenu dans la première question préjudicielle, sous c), à savoir la date à laquelle SE est entré sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 requiert sans ambiguïté que les membres de la famille en question soient « présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale » ( 33 ). Pour que cette disposition s’applique, il faudrait donc que SE soit entré sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne avant que son fils ait atteint l’âge de la majorité et que le fils de SE ait sollicité la protection internationale lorsqu’il était mineur, étant donné que SE cherche à tirer des droits à cet égard.

72.

Même si la présence dans l’État membre en question et une demande de protection internationale faite par le « mineur » en question sont des conditions nécessaires, elles ne suffisent cependant pas à elles seules à faire naître un droit aux avantages visés à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95. Les membres de la famille du bénéficiaire de protection internationale qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir cette protection doivent, conformément à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95, pouvoir « prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 » ( 34 ). Selon moi, c’est quand ils y prétendent que l’on se met à examiner le droit aux avantages en question, en sorte que c’est le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » du bénéficiaire de la protection internationale visé à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95.

73.

Je considère dès lors que, pour qu’un père bénéficie des droits conférés par l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95 à titre de « membre de la famille » d’un « mineur » bénéficiaire de la protection internationale, ces droits doivent être effectivement réclamés ou sollicités par le père en question lorsque le bénéficiaire de la protection internationale est toujours mineur. Dans un cas comme celui que l’on rencontre dans la procédure au principal, le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 est donc, en principe, le jour auquel le demandeur d’asile (SE) a présenté sa demande d’asile [première question préjudicielle, sous b) – en 2016]. Compte tenu des termes clairs de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95, je ne considère dès lors pas que le jour auquel le bénéficiaire de la protection internationale (le fils de SE) a présenté sa demande d’asile ( 35 ) ait, en soi, une incidence sur la vérification de sa qualité de « mineur » visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 [première question préjudicielle, sous d) – en 2012].

74.

Le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » du fils de SE visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 est donc le jour auquel SE a sollicité l’asile [première question préjudicielle, sous b) – en 2016], pourvu que le fils de SE ait demandé la protection internationale avant d’avoir atteint l’âge de la majorité et pourvu que les deux membres de la famille en question soient également présents dans le même État membre avant que le fils de SE atteigne l’âge de la majorité.

75.

Étant donné que je considère que c’est le moment auquel SE a présenté sa demande d’asile qui est décisif, la deuxième question préjudicielle soulevée par la juridiction de renvoi se pose, de ce fait, également. Cette question vise à savoir si le moment qui compte est celui auquel l’asile a été sollicité ou celui auquel la demande d’asile a été officiellement introduite ( 36 ).

76.

Ladite question préjudicielle requiert d’interpréter l’article 6 de la directive 2013/32. À mes yeux, la réponse à cette même question soulevée par la juridiction de renvoi peut être trouvée aux points 92 à 94 de l’arrêt du 25 juin 2020, Ministerio Fiscal (Autorité susceptible de recevoir une demande de protection internationale) (C‑36/20 PPU, EU:C:2020:495), dans lesquels la Cour a indiqué en substance qu’un ressortissant d’un pays tiers acquiert la qualité de « demandeur de protection internationale », au sens de l’article 2, sous c), de la directive 2013/32, dès le moment où il « présente » une telle demande. L’action de « présenter » une demande de protection internationale ne requiert aucune formalité administrative, ces formalités devant être respectées lors de l’« introduction » de la demande. Il s’ensuit que l’acquisition de la qualité de « demandeur de protection internationale » ne saurait être subordonnée ni à l’enregistrement ni à l’introduction de la demande et que le fait, pour un ressortissant d’un pays tiers, de manifester sa volonté de demander la protection internationale devant une « autre autorité », au sens de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2013/32, suffit à lui conférer la qualité de« demandeur de protection internationale ». La présentation de cette demande suffit, partant, à déclencher le délai de six jours ouvrables dans lequel l’État membre concerné doit enregistrer ladite demande.

77.

Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaîtrait dès lors que le moment pertinent de la demande d’asile de SE remonte au mois de février 2016 plutôt qu’au jour où il a introduit sa demande officielle de protection internationale, le 21 avril 2016. La demande d’asile de SE ayant dès lors été présentée alors que son fils était toujours mineur, SE était donc un membre de la famille aux fins de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95.

78.

En réponse aux première et deuxième questions préjudicielles de la juridiction de renvoi, je considère dès lors que, dans les circonstances d’une affaire telle que celle qui fait l’objet de la procédure au principal, le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » du bénéficiaire de la protection internationale visée à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 est le jour auquel son père a présenté une demande de protection internationale conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32, pourvu que le bénéficiaire de la protection internationale ait demandé cette protection avant d’avoir atteint l’âge de la majorité et que les deux membres de la famille en question soient présents dans le même État membre avant que le bénéficiaire de la protection internationale atteigne l’âge de la majorité.

B.   Sur la troisième question préjudicielle

79.

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu conjointement avec l’article 23, paragraphe 1, de cette directive, requiert que la vie familiale visée à l’article 7 de la Charte ait repris entre les « membres de la famille » en question ou si la simple présence concomitante du bénéficiaire de la protection et du membre de la famille dans l’État membre en question suffit à établir la qualité de « membre de la famille » ( 37 ).

80.

L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 ne fait dépendre la notion de « membre de la famille » à l’égard du père d’un bénéficiaire de la protection internationale ( 38 ) que de trois conditions, à savoir que la famille soit déjà fondée dans le pays d’origine ( 39 ), que les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale soient présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale et que le bénéficiaire de la protection internationale soit un mineur non marié.

81.

L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, en particulier la présence requise des membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale dans le même État membre, n’exige pas que ces derniers reprennent la vie familiale au sens de l’article 7 de la Charte. L’article 7 de la Charte prescrit de respecter la vie familiale. Cependant, il n’impose aux membres de la famille aucune exigence spécifique en ce qui concerne l’intensité de leur relation familiale.

82.

L’article 23, paragraphe 1, de la directive 2011/95 dispose que les États membres veillent à ce que l’unité familiale puisse être maintenue. À cet égard, l’article 23, paragraphe 2, de cette directive impose aux États membres des obligations positives précises, assorties de droits subjectifs particuliers clairement définis. Cette disposition impose aux États membres de veiller à ce que les « membres de la famille », tels que définis à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95, puissent prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de cette directive. Ces avantages doivent, en principe, être accordés aux membres de la famille ( 40 ). Aucune marge d’appréciation n’a été laissée aux États membres à cet égard ( 41 ).

83.

Ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre dans ses observations, la reprise de la vie familiale ne peut en réalité pas dépendre purement des souhaits des membres de la famille en question, mais plutôt de conditions qu’ils ne maîtrisent pas, tel le lieu où ils sont installés. Ce qui est peut-être plus important, dès lors que la directive 2011/95 n’a pas imposé le moindre critère à cet égard, c’est que l’on n’aperçoit pas clairement comment la reprise de la vie familiale pourrait être contrôlée et vérifiée par les autorités nationales compétentes d’une manière loyale, objective et proportionnée.

84.

Si, toutefois, un mineur non marié qui atteint l’âge de la majorité indique expressément par écrit qu’il ou elle ne souhaite pas maintenir l’unité familiale, l’objectif de l’article 23 de la directive 2011/95 ne peut pas être réalisé et les autorités nationales compétentes ne sont pas tenues d’accorder aux membres de la famille les avantages correspondants au titre des articles 24 à 35 de cette directive.

85.

Bien que le fils de SE ait eu 18 ans et ait atteint l’âge de la majorité le 20 avril 2016, rien n’indique dans le dossier transmis à la Cour, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, qu’il ait eu une objection à un moment donné au maintien de l’unité familiale ou à un regroupement avec son père.

C.   Sur la quatrième question préjudicielle

86.

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si un demandeur d’asile cesse d’avoir la qualité de « membre de la famille », au sens de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95, à la date de la majorité ou du mariage du bénéficiaire de la protection. La juridiction de renvoi cherche ainsi à vérifier, au cas où le père du bénéficiaire de la protection conserve en principe la qualité de « membre de la famille », au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de cette directive, au-delà du moment auquel l’enfant atteint l’âge de la majorité, si, au-delà de la situation dans laquelle prend fin le séjour du père dans l’État membre d’accueil ou la vocation de l’enfant à la protection, cette qualité devient caduque à un certain moment ou à la survenance d’un certain événement ( 42 ).

87.

Je considère que, conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, et à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95, les droits des membres de la famille ne persistent pas pour une durée illimitée.

88.

Selon moi, le droit que les membres de la famille tirent de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 de prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de cette directive persiste après que le bénéficiaire de la protection subsidiaire atteint l’âge de la majorité pour la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé conformément à l’article 24, paragraphe 2, de ladite directive.

89.

À cet égard, l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2011/95 dispose que « les États membres délivrent aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire et aux membres de leur famille un titre de séjour valable pendant une période d’au moins un an et renouvelable pour une période d’au moins deux ans, à moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent » ( 43 ).

VII. Conclusion

90.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht (Cour administrative fédérale, Allemagne) de la manière suivante :

Dans des circonstances telles que celles qui se présentent dans la procédure au principal, le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur » du bénéficiaire de la protection internationale visé à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, est le jour auquel son père présente une demande de protection internationale conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, pourvu que le bénéficiaire de la protection internationale ait sollicité cette protection avant d’avoir atteint l’âge de la majorité et que les deux membres de la famille en question soient présents dans le même État membre avant que le bénéficiaire de la protection internationale atteigne l’âge de la majorité.

Conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, la notion de « membres de la famille » est liée, à l’endroit du père du bénéficiaire d’une protection internationale, à seulement trois conditions, à savoir que la famille soit déjà fondée dans le pays d’origine, que les membres de la famille du bénéficiaire de la protection internationale soient présents dans le même État membre en raison de la demande de protection internationale et que le bénéficiaire de la protection internationale soit un mineur non marié. L’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 ne requiert pas entre les membres de la famille en question le rétablissement de la vie familiale visée à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Si un mineur non marié, visé à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, qui atteint l’âge de la majorité indique expressément par écrit qu’il ou elle ne souhaite pas maintenir l’unité familiale, l’objectif de l’article 23 de cette directive ne peut pas être réalisé et les autorités nationales compétentes ne sont pas tenues d’accorder aux membres de la famille les avantages correspondants au titre des articles 24 à 35 de ladite directive.

Conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, et à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95, les droits des membres de la famille ne persistent pas pour une durée illimitée. Le droit que les membres de la famille tirent de l’article 2, sous j), troisième tiret, et de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95 de prétendre aux avantages visés aux articles 24 à 35 de cette directive persiste après que le bénéficiaire de la protection subsidiaire atteint l’âge de la majorité pour la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé, conformément à l’article 24, paragraphe 2, de ladite directive.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2011, L 337, p. 9.

( 3 ) Ces conditions ne sont pas en cause dans la présente procédure.

( 4 ) JO 2013, L 180, p. 60.

( 5 ) BGBl. 2008 I, p. 1798, dans la version visée par la juridiction de renvoi.

( 6 ) La date du 21 août 2012 figure dans le dossier de procédure national que la juridiction de renvoi a transmis au greffe de la Cour. Elle ne figure pas dans la demande de décision préjudicielle et doit donc être vérifiée par la juridiction de renvoi.

( 7 ) D’après la juridiction de renvoi, « la demande du requérant de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire en tant que parent aboutirait dès lors si, dans la période de référence, son fils était mineur au sens de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, de l’AsylG et que le requérant assumait son entretien au sens de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, point 5, de l’AsylG. L’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG vise à transposer l’article 23, paragraphe 2, de la directive [2011/95] ». Voir points 12 et 13 de la décision de renvoi.

( 8 ) Voir arrêt du 4 octobre 2018, Ahmedbekova (C‑652/16, EU:C:2018:801, point 73).

( 9 ) Au point 13 de la décision, la juridiction de renvoi a indiqué que l’article 26, paragraphe 3, de l’AsylG vise à transposer l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95. Sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, il apparaîtrait toutefois, à mes yeux, que le champ d’application de cette disposition de droit interne est plus étendu que celui de l’article 23, paragraphe 2, de cette directive et que, dans certaines circonstances, la disposition nationale étend la protection internationale à des membres de la famille.

( 10 ) Arrêt du 7 novembre 2018, K et B (C‑380/17, EU:C:2018:877, points 34 à 36 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, points 35 à 37).

( 11 ) Le dossier transmis à la Cour montre que le fils de SE était mineur lorsque SE est entré sur le territoire allemand au mois de janvier 2016 et a sollicité l’asile au mois de février 2016. Cependant, le fils de SE a cessé d’être mineur le 20 avril 2016, un jour avant que SE n’introduise une demande officielle de protection internationale, le 21 avril 2016. De surcroît, le 13 mai 2016, le fils de SE n’était plus mineur lorsqu’il s’est vu octroyer le statut de protection subsidiaire. La juridiction de renvoi relève que, conformément au principe général de l’article 77 de l’AsylG, une partie de la jurisprudence nationale se place également pour la qualité de « mineur » du bénéficiaire de la protection à la date de la décision statuant sur la demande d’asile du parent. Une autre partie de la jurisprudence nationale estime en revanche suffisant que le bénéficiaire de la protection fût encore mineur au moment où le parent présente sa demande d’asile. Elle se fonde à cet égard essentiellement sur les principes dictés par le droit de l’Union et transpose à la protection internationale des parents le moment expressément fixé pour les enfants dans la protection internationale dérivée (voir article 26, paragraphe 2, de l’AsylG) en dépit de l’absence de règle sur ce point. Voir point 16 de la décision de renvoi.

( 12 ) La Cour ne peut pas se prononcer sur les incidences qu’aura sa réponse en droit interne et en particulier au regard des dispositions combinées de l’article 26, paragraphe 3, première phrase, et de l’article 26, paragraphe 5, de l’AsylG. Il appartient à la juridiction de renvoi de le faire.

( 13 ) Voir point 18 de la décision de renvoi.

( 14 ) Cette disposition définit un « mineur non accompagné » comme étant « tout ressortissant de pays tiers ou apatride âgé de moins de 18 ans, entrant sur le territoire d’un État membre sans être accompagné d’un adulte qui soit responsable de lui de par la loi ou la coutume, aussi longtemps qu’il n’est pas effectivement pris en charge par une telle personne, ou toute personne mineure qui est laissée seule après être entrée sur le territoire d’un État membre ».

( 15 ) JO 2003, L 251, p. 12.

( 16 ) Cette disposition prévoit en substance que si le réfugié est un mineur non accompagné, les États membres autorisent l’entrée et le séjour aux fins du regroupement familial de ses ascendants directs au premier degré.

( 17 ) Voir arrêts du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 58), et du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU :C :2020 :577, points 36 et 37). Au point 49 de l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU :C :2018 :248), la Cour a relevé que ni le libellé de l’article 2, initio et sous f), de la directive 2003/86 ni celui de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive ne permettent à eux seuls d’apporter une réponse à la question posée dans cette affaire. Elle a dès lors également considéré l’économie générale et l’objectif de ladite directive. À cet égard, la Cour a considéré que faire dépendre le droit au regroupement familial visé à l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 du moment où l’autorité nationale compétente adopte formellement la décision reconnaissant la qualité de « réfugié » à la personne concernée et, dès lors, de la plus ou moins grande célérité avec laquelle la demande de protection internationale est traitée par cette autorité remettrait en cause l’effet utile de cette disposition et irait à l’encontre non seulement de l’objectif de cette directive, qui est de favoriser le regroupement familial et d’accorder, à cet égard, une protection particulière aux réfugiés, notamment aux mineurs non accompagnés, mais également des principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique. Voir arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 55).

( 18 ) Au point 50 de l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248), la Cour a rappelé en substance que l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 s’applique uniquement au regroupement familial des réfugiés reconnus comme tels par les États membres.

( 19 ) JO 2004, L 304, p. 12.

( 20 ) Voir, également, directive 2013/32.

( 21 ) Voir article 3, paragraphe 2, sous c), de la directive 2003/86.

( 22 ) Arrêt du 13 mars 2019, E. (C‑635/17, EU:C:2019:192, point 55 et jurisprudence citée).

( 23 ) Texte principal de la première question préjudicielle.

( 24 ) Première question préjudicielle, sous a).

( 25 ) Même s’il n’y a aucun considérant équivalent au considérant 21 à propos de la protection subsidiaire, je considère que, après le dépôt d’une demande de protection internationale, tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions de fond énoncées au chapitre V de la directive 2011/95 pour bénéficier de la protection subsidiaire a un droit subjectif à être reconnu comme titulaire du statut conféré par la protection subsidiaire même avant l’adoption officielle de la décision sur ce point. De surcroît, la Cour a relevé au point 32 de l’arrêt du 1er mars 2016, Alo et Osso (C‑443/14 et C‑444/14, EU:C:2016:127), que les considérants 8, 9 et 39 de la directive 2011/95 indiquent que le législateur de l’Union a souhaité, en répondant à l’invitation du programme de Stockholm, mettre en place un statut uniforme en faveur de l’ensemble des bénéficiaires d’une protection internationale et qu’il a, par conséquent, choisi d’accorder aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes droits et avantages que ceux dont jouissent les réfugiés, sauf dérogations nécessaires et objectivement justifiées. À cet égard, aucune dérogation n’est prévue concernant les bénéficiaires de la protection subsidiaire au titre de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2011/95. Cette disposition évoque spécifiquement le bénéficiaire d’une protection internationale.

( 26 ) Selon moi, la question du caractère déclaratoire du statut de réfugié s’est posée, notamment parce que l’article 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2003/86 dispose spécifiquement que cette directive ne s’applique pas lorsque le regroupant « sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié et dont la demande n’a pas encore fait l’objet d’une décision définitive ». Voir arrêt du 12 avril 2018, A et S (C‑550/16, EU:C:2018:248, point 50). La directive 2011/95 ne comporte aucune disposition équivalente.

( 27 ) Au point 60 de l’arrêt du 12 avril 2018, A et S (C 550/16, EU:C:2018:248), la Cour a indiqué que « retenir la date d’introduction de la demande de protection internationale comme étant celle à laquelle il convient de se référer pour apprécier l’âge d’un réfugié aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 permet de garantir un traitement identique et prévisible à tous les demandeurs se trouvant chronologiquement dans la même situation, en assurant que le succès de la demande de regroupement familial dépend principalement de circonstances imputables au demandeur et non pas à l’administration, telles que la durée de traitement de la demande de protection internationale ou de la demande de regroupement familial ».

( 28 ) Arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, point 43). De surcroît, l’autorisation d’entrée et de séjour visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 2003/86 qui était en cause dans cette affaire n’est pas un acte déclaratoire, ainsi que la Commission l’a indiqué.

( 29 ) Voir, également, mes conclusions dans les affaires jointes État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:222, point 43).

( 30 ) Voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577, points 53 à 55).

( 31 ) Le gouvernement allemand considère que, en ce qui concerne la condition voulant que le bénéficiaire de la protection soit un « mineur » au sens de l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, ce qui compte est la date à laquelle il est statué sur la demande du membre de la famille qui souhaite faire valoir un droit tiré de celui du bénéficiaire de la protection. Ce gouvernement relève en particulier que, étant donné que l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2011/95 requiert un examen complet et ex nunc, le droit de l’Union part donc du principe que ce qui est déterminant est la situation de fait et de droit à la date de l’examen. Cela plaide déjà à l’encontre d’avancer – du moins en partie – le moment pertinent, antérieur à la date à laquelle la décision est prise, auquel doivent exister les conditions de fait pour qualifier un proche de « membre de la famille » au sens de la définition donnée à l’article 2, sous j), de la directive 2011/95. Le gouvernement hongrois considère que les indications que la Cour a données dans son arrêt du 16 juillet 2020, État belge (Regroupement familial – Enfant mineur) (C‑133/19, C‑136/19 et C‑137/19, EU:C:2020:577), ne sont pas applicables par analogie en l’espèce, compte tenu en particulier de l’exigence énoncée à l’article 46, paragraphe 3, de la directive 2013/32 telle que réaffirmée par la Cour dans son arrêt du 25 juillet 2018, Alheto (C‑585/16, EU:C:2018:584), voulant que la situation tant de fait que de droit dans laquelle s’inscrit la demande d’asile soit soumise à un examen complet et ex nunc. D’après ce gouvernement, le passage du mineur à l’âge adulte après l’introduction de la demande est une circonstance que la juridiction ne peut ignorer dans son délibéré compte tenu de l’examen ex nunc requis. Le gouvernement hongrois considère que le même principe s’applique à la procédure administrative. Il réaffirme dès lors que la date à laquelle il est statué sur la demande (faite par SE) de protection internationale au titre d’une situation familiale est le moment auquel il faut se placer pour vérifier la qualité de « mineur ».

( 32 ) Voir, également, par analogie, à propos de la procédure administrative, article 10, paragraphe 3, sous b), ainsi que article 45, paragraphe 2, sous a), de la directive 2013/32. Dans le contexte juridictionnel national, voir article 77 de l’AsylG.

( 33 ) Cette disposition requiert également que « la famille [fût] déjà fondée dans le pays d’origine ».

( 34 ) Mise en italique par mes soins.

( 35 ) Le fils de SE a présenté sa demande d’asile au cours de l’année 2012.

( 36 ) Au point 3 de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi a indiqué que SE a sollicité l’asile au mois de février 2016 et a introduit une demande de protection internationale le 21 avril 2016. La juridiction de renvoi a également relevé aux points 20 et 21 de sa demande que la sollicitation matérielle de l’asile visée à l’article 13, paragraphe 1, de l’AsylG ne requiert pas de forme précise alors que la demande d’asile visée à l’article 14, paragraphe 1, première phrase, de l’AsylG doit en principe être introduite auprès de l’antenne compétente de l’Office fédéral. D’après la juridiction de renvoi, le fait que l’article 6 de la directive 2013/32 habilite les États membres à prévoir d’introduire une demande qui aura été présentée et leur impose seulement d’en donner la possibilité aussi rapidement que possible sans fixer de délai concret à cet effet pourrait porter à croire que la minorité s’apprécie au moment de l’introduction de la demande. Même si aucun délai minimal, de principe ou maximal n’a ainsi été fixé, il reste que la demande doit pouvoir être introduite dans les meilleurs délais, c’est-à-dire sans retard fautif. La juridiction de renvoi a relevé cependant qu’il n’est pas absolument certain que l’on respecte les principes de l’égalité de traitement et de la sécurité juridique ainsi que l’effet utile en s’attachant à l’introduction de la demande.

( 37 ) Le gouvernement allemand considère que la définition de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 ne peut pas, à cet égard, être examinée indépendamment de l’article 23, paragraphe 2, de cette directive, lequel vise le maintien de l’unité familiale. Il faut donc que la vie familiale visée à l’article 7 de la Charte ait repris entre le bénéficiaire de la protection et le demandeur d’asile dans l’État membre d’accueil. En outre, il faut que l’entrée sur le territoire ait visé à exercer (de nouveau) effectivement l’autorité parentale. Le gouvernement hongrois considère que l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95 veut que, pour invoquer la qualité de « membre de la famille », il ne suffit pas que des membres de la famille séjournent simultanément sur le territoire d’un État membre, mais il est également nécessaire que des liens familiaux existent réellement entre eux, ce qui implique que la vie familiale entre le parent et l’enfant mineur doit effectivement se poursuivre dans l’État membre en cause.

( 38 ) Cette disposition vise « le père ou la mère du bénéficiaire d’une protection internationale ou tout autre adulte qui en est responsable » (mise en italique par mes soins). Si le lien familial entre un parent et un mineur non marié est présumé lorsque toutes les conditions de l’article 2, sous j), de la directive 2011/95 sont remplies, un lien « parental » avec un autre adulte doit, à mon sens, être également prouvé par le droit ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné.

( 39 ) À mon sens, les membres de la famille peuvent être tenus de produire des pièces attestant que la famille était déjà fondée dans le pays d’origine. Voir, par analogie, article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/86 qui impose que la demande d’entrée et de séjour présentée aux autorités compétentes d’un État membre soit accompagnée de pièces justificatives prouvant les liens familiaux.

( 40 ) À moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public ne s’y opposent. Voir, par exemple, articles 24 et 25 de la directive 2011/95.

( 41 ) Hormis à l’égard des exceptions spécifiques à ces obligations, énoncées à l’article 23, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/95. C’est ainsi qu’un membre de la famille ne peut pas bénéficier de l’article 23, paragraphes 1 et 2, de cette directive lorsqu’il ou elle est exclu(e) du bénéfice de la protection internationale en application des chapitres III et V de ladite directive. Voir article 23, paragraphe 3, de la même directive. De surcroît, les États membres peuvent refuser, limiter ou retirer les avantages en question pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public. Voir article 23, paragraphe 4, de la directive 2011/95. Rien n’indique, dans le dossier transmis à la Cour, que ces exceptions jouent d’une manière ou d’une autre en l’espèce.

( 42 ) Les gouvernements allemand et hongrois considèrent que, conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, la qualité de « membre de la famille » requiert que la personne de référence soit un mineur et ne soit pas marié. Il s’ensuit que la qualité de « membre de la famille » cesse lorsque la personne de référence atteint l’âge de la majorité ou se marie. La Commission considère que, conformément à l’article 2, sous j), troisième tiret, de la directive 2011/95, lu conjointement avec l’article 23, paragraphe 2, de cette directive, les droits des membres de la famille persistent après que le bénéficiaire de la protection atteint l’âge de la majorité, pendant la durée de validité du titre de séjour qui leur est accordé conformément à l’article 24, paragraphe 2, de ladite directive.

( 43 ) Mise en italique par mes soins.