ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

3 mars 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Directive 2008/118/CE – Régime général d’accise – Article 1er, paragraphe 2 – Taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise – Directive 2009/28/CE – Promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Article 1er et article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), ce dernier point étant lu à la lumière de l’article 2, sous k) – Directive 2009/72/CE – Règles communes pour le marché intérieur de l’électricité – Impôt sur la valeur de production de l’énergie électrique – Nature et structure de l’impôt – Impôt frappant de la même manière l’électricité produite à partir de sources renouvelables et celle produite à partir de sources non renouvelables »

Dans l’affaire C‑220/19,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana (Cour supérieure de justice de la Communauté valencienne, Espagne), par décision du 22 février 2019, parvenue à la Cour le 11 mars 2019, dans la procédure

Promociones Oliva Park SL

contre

Tribunal Económico Administrativo Regional (TEAR) de la Comunidad Valenciana,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. Lycourgos et I. Jarukaitis (rapporteur), juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour Promociones Oliva Park SL, par Mes J. Terrón Díaz et S. J. Llopis Nadal, abogados,

pour le gouvernement espagnol, initialement par M. A. Rubio González, puis par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mmes A. Armenia et O. Beynet ainsi que par M. P. Arenas, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12), de l’article 1er, de l’article 2, sous k), et de l’article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), et des articles 32 à 34 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO 2009, L 211, p. 55).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Promociones Oliva Park SL (ci-après « Oliva Park ») au Tribunal Económico Administrativo Regional de la Comunidad Valenciana (Tribunal économique administratif régional de la Communauté valencienne, Espagne) (ci-après le « TEAR ») au sujet du rejet d’une demande de rectification des autoliquidations de l’impôt sur la valeur de production de l’énergie électrique (ci-après l’« IVPEE ») au titre des années 2013 à 2016.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 2008/118

3

L’article 1er de la directive 2008/118 prévoit :

« 1.   La présente directive établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés “produits soumis à accise” :

a)

les produits énergétiques et l’électricité relevant de la directive 2003/96/CE [du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51)] ;

[...]

2.   Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation [de l’Union] applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt, ces règles n’incluant pas les dispositions relatives aux exonérations.

[...] »

La directive 2009/28

4

Aux termes de l’article 1er de la directive 2009/28, intitulé « Objet et champ d’application » :

« La présente directive définit un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables. Elle fixe des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie et la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie pour les transports. [...] »

5

L’article 2, second alinéa, sous k), de cette directive, intitulé « Définitions », définit la notion de « régime d’aide » comme visant « tout instrument, régime ou mécanisme appliqué par un État membre ou un groupe d’États membres, destiné à promouvoir l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables grâce à une réduction du coût de cette énergie par une augmentation du prix de vente ou du volume d’achat de cette énergie, au moyen d’une obligation d’utiliser ce type d’énergie ou d’une autre mesure incitative ; cela inclut, mais sans s’y limiter, les aides à l’investissement, les exonérations ou réductions fiscales, les remboursements d’impôt, les régimes d’aide liés à l’obligation d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, y compris ceux utilisant les certificats verts, et les régimes de soutien direct des prix, y compris les tarifs de rachat et les primes ».

6

L’article 3 de ladite directive, intitulé « Objectifs contraignants nationaux globaux et mesures concernant l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables », dispose :

« 1.   Chaque État membre veille à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables, calculée conformément aux articles 5 à 11, dans sa consommation finale d’énergie en 2020 corresponde au minimum à son objectif national global en ce qui concerne la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables pour l’année 2020, comme le prévoit le tableau figurant dans la partie A de l’annexe I, troisième colonne. [...]

2.   Les États membres mettent en place des mesures conçues de manière efficace pour garantir que leur part d’énergie produite à partir de sources renouvelables est au moins égale à celle prévue dans la trajectoire indicative établie dans l’annexe I, partie B.

3.   Afin d’atteindre les objectifs fixés aux paragraphes 1 et 2, les États membres peuvent notamment appliquer les mesures suivantes :

a)

régimes d’aide ;

[...] »

La directive 2009/72

7

L’article 1er de la directive 2009/72, intitulé « Objet et champ d’application », prévoit :

« La présente directive établit des règles communes concernant la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité, ainsi que des dispositions relatives à la protection des consommateurs, en vue de l’amélioration et de l’intégration de marchés de l’électricité compétitifs dans [l’Union européenne]. Elle définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité, l’accès ouvert au marché, les critères et les procédures applicables en ce qui concerne les appels d’offres et l’octroi des autorisations ainsi que l’exploitation des réseaux. [...] »

8

Les articles 32 à 34 de la directive 2009/72, qui figurent sous le chapitre VIII de celle-ci, intitulé « Organisation de l’accès au réseau », régissent les modalités de cet accès.

9

L’article 32 de cette directive, intitulé « Accès des tiers », prévoit, à son paragraphe 1, que les États membres veillent à ce que soit mis en place un système d’accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution d’électricité, qui doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau.

10

L’article 33 de ladite directive, intitulé « Ouverture du marché et réciprocité », porte sur l’ouverture du marché de l’électricité et la réciprocité, et l’article 34 de la même directive, intitulé « Lignes directes », est relatif aux mesures assurant l’accès aux lignes directes à tous les producteurs d’électricité, fournisseurs d’électricité et clients éligibles établis sur le territoire d’un État membre concerné.

Le droit espagnol

11

Le préambule de la Ley 15/2012 de medidas fiscales para la sostenibilidad energética (loi 15/2012, portant mesures fiscales en vue d’une utilisation durable de l’énergie), du 27 décembre 2012 (BOE no 312, du 28 décembre 2012, p. 88081), expose :

« I. La présente loi a pour objet d’adapter notre système fiscal à un usage plus efficace et plus respectueux de l’environnement et du développement durable [...]

[...]

La présente loi est fondée principalement sur l’article 45 de la Constitution [...] Ainsi, l’un des axes de cette réforme fiscale est d’internaliser les coûts environnementaux résultant de la production d’électricité [...] La présente loi doit inciter à améliorer nos niveaux d’efficacité énergétique tout en permettant d’assurer une meilleure gestion des ressources naturelles et de soutenir le nouveau modèle de développement durable, tant du point de vue économique et social qu’environnemental.

[...]

À cette fin, la présente loi instaure trois nouveaux impôts : l’[IVPEE] [...]

II. En ce sens et dans le but également de favoriser l’équilibre budgétaire, le titre I de la présente loi institue un impôt sur la valeur de production de l’énergie électrique, direct et de nature réelle, qui frappe la réalisation d’activités de production et d’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique espagnol.

Cet impôt frappe la capacité économique des producteurs d’énergie électrique dont les installations, d’une part, sont à l’origine d’investissements importants réalisés dans les réseaux de transport et de distribution d’énergie électrique afin de pouvoir évacuer l’énergie qu’elles fournissent à ces derniers et, d’autre part, entraînent, elles-mêmes ou en raison de l’existence même et du développement de ces réseaux, des effets indubitables sur l’environnement, tout en générant des coûts considérables qui sont nécessaires au maintien de la garantie d’approvisionnement. L’impôt s’applique à la production de toutes les installations de production d’électricité. »

12

L’article 1er de cette loi prévoit :

« L’[IVPEE] est une contribution de caractère direct et de nature réelle qui frappe la réalisation d’activités de production et d’introduction d’énergie électrique (production nette d’énergie) dans le réseau électrique à travers chacune des installations visées à l’article 4 de la présente loi. »

13

L’article 2 de ladite loi, relatif au champ d’application territorial de l’IVPEE, dispose que cet impôt s’applique sur tout le territoire espagnol.

14

L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la loi 15/2012 définit le fait générateur de l’IVPEE de la manière suivante :

« 1.   Constituent le fait générateur la production et l’introduction dans le réseau électrique, incluant le réseau électrique péninsulaire et les territoires insulaires et extrapéninsulaires, d’énergie électrique (production nette d’énergie) dans n’importe laquelle des installations visées au titre IV de la Ley 54/1997 del Sector Eléctrico [(loi 54/1997, relative au secteur de l’électricité), du 27 novembre 1997 (BOE no 285, du 28 novembre 1997, p. 35097)].

2.   La production nette, au sens de la présente loi, correspond à l’énergie mesurée aux bornes des alternateurs, de laquelle on soustrait les consommations auxiliaires pour la génération d’électricité et les pertes subies jusqu’au point de raccordement au réseau. »

15

Aux termes de l’article 5 de la loi 15/2012 :

« Sont assujetties à l’impôt les personnes physiques et morales et les entités visées à l’article 35, paragraphe 4, de la Ley 58/2003 General Tributaria [(loi 58/2003, portant code général des impôts), du 17 décembre 2003 (BOE no 302, du 18 décembre 2003, p. 44987)], qui exercent les activités visées à l’article 4. »

16

L’article 6 de la loi 15/2012 prévoit :

« 1.   La base d’imposition de l’impôt est constituée du montant total à percevoir par le contribuable pour la production et l’introduction d’énergie électrique (production nette d’énergie) dans le réseau électrique pour chaque installation, pendant la période d’imposition.

À cette fin, le calcul du montant total inclut la rémunération prévue dans tous les régimes économiques découlant des dispositions de la [loi 54/1997] pendant la période d’imposition correspondante, ainsi que la rémunération prévue dans le régime économique spécifique en cas d’activités de production et d’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique sur les territoires insulaires et extrapéninsulaires. »

17

Aux termes de l’article 8 de la loi 15/2012, le taux d’imposition de l’IVPEE est de 7 %.

18

L’article 10 de cette loi prévoit :

« 1.   Les contribuables sont tenus de procéder à l’autoliquidation de l’impôt et de payer son montant dans le courant du mois de novembre suivant le mois au cours duquel il devient exigible [...]

2.   Entre le 1er et le 20 des mois de mai, de septembre, de novembre et de février de l’année suivante, les contribuables qui réalisent le fait imposable doivent effectuer un paiement fractionné correspondant à la période des trois, six, neuf ou douze mois de chaque année civile [...]

3.   Les paiements fractionnés sont calculés sur la base de la valeur de la production nette d’énergie électrique réalisée depuis le début de la période d’imposition jusqu’à la fin de la période de trois, de six, de neuf ou de douze mois visée au paragraphe précédent, en appliquant le taux d’imposition prévu à l’article 8 de la présente loi [...]

À cet effet, est considéré comme étant la valeur de la production le montant total à percevoir par le contribuable pour la production et l’introduction d’énergie électrique (production nette d’énergie) dans le réseau électrique pour chaque installation, pendant la période correspondante.

[...] »

19

La deuxième disposition additionnelle de cette loi prévoit :

« Chaque année, la loi sur les budgets généraux de l’État prévoit que les coûts du réseau électrique visés à l’article 13 de la [loi 54/1997] sont financés par un montant équivalent à la somme des éléments suivants :

a)

l’estimation des montants annuellement perçus au titre des impôts et redevances inclus dans la présente loi ;

[...] »

20

Dans sa réponse à la demande d’éclaircissements adressée par la Cour à la juridiction de renvoi conformément à l’article 101 du règlement de procédure de la Cour, la juridiction de renvoi a indiqué, s’agissant de la rémunération de l’activité de production d’électricité constituant la base d’imposition de l’IVPEE en vertu de l’article 6 de la loi 15/2012, que cette rémunération était initialement réglementée à l’article 16 de la loi 54/1997, qui a été partiellement modifié par le Real Decreto-ley 9/2013 por el que se adoptan medidas urgentes para garantizar la estabilidad financiera del sistema eléctrico (décret-loi royal 9/2013, portant mesures urgentes afin de garantir la stabilité financière du système électrique), du 12 juillet 2013 (BOE no167, du 13 juillet 2013, p. 52106), et que cette loi a été remplacée par la Ley 24/2013 del Sector Eléctrico (loi 24/2013, relative au secteur de l’électricité), du 26 décembre 2013 (BOE no 310, du 27 décembre 2013, p. 105198), laquelle est entrée en vigueur le 28 décembre 2013.

21

La juridiction de renvoi a précisé, dans cette réponse, que, selon la première disposition transitoire, paragraphe 1, de la loi 24/2013, tant que les règles d’application de celle-ci nécessaires à la mise en œuvre de certaines de ses dispositions n’ont pas été prises, les dispositions correspondantes de la loi 54/1997 ont continué à s’appliquer. Dès lors, s’agissant des années 2013 à 2016, la réglementation régissant la rémunération de l’activité de production d’électricité au sens de la loi 15/2012 était, en ce qui concerne tous les points nécessitant des règles d’application et pour lesquels ces règles n’avaient pas été adoptées avant l’expiration de ces exercices, celle issue de la loi 54/1997. À cet égard, il ressort des réponses données par les intéressés participant à la présente procédure aux questions posées par la Cour que les composantes de cette rémunération prévues par les lois 15/2012 et 54/1997 sont en substance les mêmes.

22

Aux termes de l’article 14, paragraphes 5 à 7, de la loi 24/2013 :

« 5.   La rémunération de l’activité de production comprend les éléments suivants :

a)

l’énergie électrique négociée sur les marchés journalier et infrajournalier. L’énergie électrique négociée sur le marché journalier et les marchés aux enchères infrajournaliers est rémunérée sur la base du prix d’équilibre entre l’offre et la demande d’énergie électrique sur ces marchés, obtenu grâce aux mécanismes mis en place.

L’énergie électrique négociée sur les marchés bilatéraux, physiques ou à terme est rémunérée sur la base du prix des opérations conclues de manière définitive sur les marchés en question. Cet élément de rémunération est défini en tenant compte des pertes subies sur les réseaux ainsi que des frais occasionnés par les perturbations du fonctionnement normal du système d’offres ;

b)

les services d’ajustement, y compris les services peu fréquents et les services d’équilibrage du système, nécessaires pour garantir un approvisionnement adéquat du consommateur ;

[...]

c)

le cas échéant, la rémunération au titre du mécanisme de capacité [...]

d)

le cas échéant, la rémunération supplémentaire visée au paragraphe 6 pour l’activité de production d’énergie électrique dans les réseaux électriques des territoires extrapéninsulaires ;

e)

le cas échéant, la rémunération spécifique visée au paragraphe 7 pour la production d’énergie électrique à partir de sources renouvelables, de cogénération à haut rendement et de résidus.

6.   Le gouvernement peut définir un élément de rémunération supplémentaire pour couvrir la différence entre les coûts d’investissement et d’exploitation de l’activité de production d’énergie électrique réalisée dans les systèmes électriques des territoires extrapéninsulaires et les recettes tirées de cette activité de production [...]

7.   À titre exceptionnel, le gouvernement peut établir un régime de rémunération spécifique destiné à encourager la production à partir de sources d’énergie renouvelables, de cogénération à haut rendement et de résidus, lorsqu’il existe une obligation d’atteindre des objectifs énergétiques visés par des directives ou d’autres dispositions du droit de l’Union européenne ou lorsque l’introduction d’un tel régime suppose une réduction du coût énergétique et de la dépendance énergétique externe [...]

[...] »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

Oliva Park a présenté à l’Oficina Gestora de Impuestos Especiales de Valencia (office de gestion des accises de Valence, Espagne) une demande de rectification des autoliquidations de l’IVPEE au titre des années 2013 à 2016 ainsi qu’une demande de remboursement d’un montant de 12609,58 euros.

24

Ces demandes n’ayant pas été accueillies, Oliva Park a saisi le TEAR d’une réclamation, qui a été rejetée par une décision du 28 septembre 2017.

25

Oliva Park a formé un recours contentieux devant le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana (Cour supérieure de justice de la Communauté valencienne, Espagne) contre cette dernière décision.

26

À l’appui de son recours, Oliva Park soutient, notamment, que l’IVPEE est contraire au droit de l’Union, en particulier aux directives 2008/118, 2009/28 et 2009/72.

27

S’agissant plus spécifiquement de la contrariété alléguée de l’IVPEE avec la directive 2008/118, Oliva Park fait valoir que cet impôt, qui s’ajoute à d’autres impôts frappant le même bien ou service, constitue en fait un impôt indirect qui frappe la production d’énergie électrique à partir de sources renouvelables, avec pour conséquence de défavoriser celle-ci par rapport à la production d’énergie à partir de sources non renouvelables, sans faire de distinction en fonction de l’intensité et de la pollution de l’environnement. Cette société fait également valoir l’absence de finalité comportementale de l’IVPEE et la violation de la liberté de marché et de la liberté d’entreprise.

28

De son côté, le gouvernement espagnol conteste cette argumentation en faisant valoir que l’IVPEE est une contribution directe frappant la production et l’introduction de l’énergie électrique dans le réseau électrique, sans répercussion sur le consommateur, ayant une finalité environnementale spécifique dépourvue de lien avec le principe du pollueur-payeur, les producteurs d’énergie renouvelable ne faisant pas l’objet d’une discrimination s’agissant de la possibilité de récupérer le coût de l’IVPEE. Ainsi, cet impôt ne méconnaîtrait pas le droit de l’Union.

29

La juridiction de renvoi souligne que plusieurs raisons la conduisent à interroger la Cour par la voie préjudicielle. En effet, bien que l’IVPEE soit régi comme un impôt direct, sa nature et ses éléments essentiels seraient propres à un impôt indirect. De même, si cet impôt a officiellement une finalité environnementale, il s’agirait en substance d’un impôt sans fins spécifiques, visant à la perception de recettes, et non pas d’un impôt comportemental. Enfin, outre que la production d’énergie électrique à partir de sources renouvelables ferait l’objet d’une discrimination, l’IVPEE fausserait le marché intérieur de l’énergie électrique et méconnaîtrait la libre concurrence.

30

Cette juridiction relève que, si la loi 15/2012 a conçu l’IVPEE comme un impôt direct ayant pour objet, comme le précise son préambule, « l’internalisation des coûts environnementaux découlant de la production d’énergie électrique », elle considère toutefois que cette désignation ne correspond pas à sa véritable nature. En effet, en premier lieu, cet impôt ne tiendrait aucun compte des caractéristiques propres au contribuable, de la source de production d’électricité ou encore de l’intensité de l’utilisation des réseaux de transport et de distribution.

31

En deuxième lieu, à la différence des impôts directs, sa base d’imposition serait constituée non pas des revenus nets, mais des revenus bruts des contribuables, cet impôt frappant toutes les rémunérations économiques tirées de l’activité de production et d’introduction de l’énergie électrique dans le réseau.

32

En troisième lieu, alors que le principe de progressivité exige que l’opérateur économique qui pollue plus paie plus, le taux de l’IVPEE serait de 7 % pour tous les contribuables.

33

En quatrième lieu, aucune exemption ou bonification ne serait prévue en fonction de l’utilisation de sources renouvelables pour la production de l’électricité ou de l’impact des activités des contribuables sur l’environnement. Les opérateurs qui produisent l’électricité à partir de sources non renouvelables seraient ainsi favorisés.

34

En cinquième lieu, la conclusion selon laquelle l’IVPEE constitue un impôt indirect serait corroborée par le fait que la gestion de la perception de cet impôt incombe à la Dependencia de Aduanas e Impuestos Especiales de la Agencia Tributaria (direction des douanes et accises de l’administration fiscale, Espagne), les accises étant, par définition, des impôts indirects.

35

En sixième lieu, la charge fiscale que représente l’IVPEE serait supportée par les consommateurs au moyen du prix final de l’électricité. En outre, le régime de rémunération des installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables aurait expressément inclus cet impôt comme coût d’exploitation devant être supporté par les consommateurs.

36

Il s’ensuit, selon la juridiction de renvoi, que l’IVPEE présente des caractéristiques propres à un impôt sur la consommation, puisque ses éléments essentiels ont indubitablement une relation avec la consommation. En effet, il frapperait l’énergie électrique produite et introduite dans le réseau électrique pour son utilisation par des sujets économiques distincts du producteur, les consommations auxiliaires pour la génération d’électricité et les pertes jusqu’au point de raccordement au réseau étant expressément exclues de sa base d’imposition.

37

La juridiction de renvoi considère également que l’IVPEE est contraire au droit de l’Union en raison de son absence de fin spécifique. En effet, malgré l’indication, figurant dans le préambule de la loi 15/2012, selon laquelle cet impôt a pour objectif l’harmonisation de l’ordre fiscal espagnol aux fins d’une utilisation plus efficace et respectueuse de l’environnement, sa perception n’aurait aucune finalité spécifique ou comportementale et serait destinée non pas à financer des politiques environnementales concrètes, mais uniquement à percevoir des recettes. À cet égard, le prélèvement de l’IVPEE viserait à faire face aux coûts très élevés nécessaires au maintien de la garantie de fourniture et, en particulier, à rémunérer les activités de production, de transport, de distribution et de commercialisation de l’énergie électrique. Du reste, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) aurait jugé qu’aucun des éléments structurels de l’IVPEE ne reflète une finalité environnementale.

38

En outre, le fait générateur de cet impôt serait dépourvu de tout lien avec l’objectif environnemental et n’opérerait aucune différenciation en fonction de l’impact sur l’environnement de la technologie employée pour la production de l’électricité.

39

La juridiction de renvoi exprime également des doutes quant à la compatibilité de l’IVPEE avec l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2009/28. En effet, le prélèvement n’étant pas proportionnel aux coûts, il pourrait avoir pour effet de décourager la production d’énergie à partir de sources renouvelables.

40

Par ailleurs, l’énergie importée en Espagne n’étant pas soumise à l’IVPEE, cet impôt favoriserait les producteurs d’électricité des autres États membres et serait ainsi à l’origine d’une distorsion de concurrence, prohibée par l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La création d’un tel avantage anticoncurrentiel en faveur des producteurs non nationaux affecterait également la libre circulation des marchandises, la liberté d’établissement et la libre prestation de services, régis par la directive 2009/72, qui exige que l’accès des tiers au réseau en cause soit assuré de manière objective et non discriminatoire.

41

Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana (Cour supérieure de justice de la Communauté valencienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

[L]’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un impôt formellement direct, tel que l’IVPEE, qui, compte tenu de sa véritable nature, s’avère être un impôt indirect sans finalité spécifique, visant exclusivement à percevoir des recettes, sans que la qualification que lui attribue le droit national puisse primer sur l’interprétation du droit de l’Union, laquelle est régie par les objectifs propres à cet ordre juridique et en fonction des caractéristiques objectives de la contribution ?

2)

[E]n dépit de la qualification de l’IVPEE d’impôt environnemental, cette contribution poursuit-elle essentiellement une finalité de perception de recettes, en frappant de la même manière des activités de production et d’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique indépendamment de leur intensité et de leur incidence sur l’environnement, en violation de l’article 1er et de l’article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), ce dernier lu en combinaison avec l’article 2, sous k), de la directive [2009/28] ?

3)

[Y] a-t-il lieu de considérer que le principe de libre concurrence et de promotion de l’énergie produite à partir de sources renouvelables s’oppose à l’IVPEE, dans la mesure où ce dernier prévoit le même traitement fiscal pour l’énergie provenant de sources non renouvelables que pour celle provenant de sources renouvelables, ces dernières étant discriminées et le régime d’aide prévu à l’article 2, sous k), et dans les dispositions correspondantes de la directive 2009/28 étant méconnu ?

4)

[E]nfin, le principe de libre concurrence précité et les articles [32 à 34] [...] de la directive 2009/72 s’opposent-ils à l’IVPEE, au motif que ce dernier permet une discrimination positive des producteurs d’énergie électrique non nationaux, au préjudice des producteurs espagnols, avec distorsion du marché intérieur de l’énergie électrique et de l’accès au réseau ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

42

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe la production et l’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique sur le territoire national et dont la base d’imposition est constituée du montant total des revenus du contribuable tirés de l’accomplissement de ces activités.

43

À titre liminaire, il convient de relever que l’IVPEE est qualifié, dans le préambule de la loi 15/2012, comme étant un impôt direct qui frappe « la réalisation d’activités de production et d’introduction de l’énergie électrique dans le réseau électrique », à savoir la « capacité économique des producteurs d’énergie électrique ». Le gouvernement espagnol précise à cet égard que cet impôt a été conçu comme un impôt direct et que sa charge ne peut être répercutée sur le consommateur final, compte tenu du fonctionnement du marché espagnol de l’électricité.

44

Toutefois, la juridiction de renvoi, à l’instar de la requérante au principal, considère que, malgré cette qualification d’impôt direct, l’IVPEE constitue, eu égard à ses caractéristiques propres, un impôt indirect dont la charge fiscale est répercutée sur le consommateur final d’électricité et relève, comme tel, de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118.

45

À cet égard, la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit de l’Union incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée dans le droit national (arrêt du 18 janvier 2017, IRCCS – Fondazione Santa Lucia, C‑189/15, EU:C:2017:17, point 29 et jurisprudence citée).

46

Il convient, dès lors, afin de répondre à la question posée, de déterminer si l’IVPEE peut être qualifié de taxe indirecte supplémentaire frappant un produit soumis à accise, en l’occurrence l’électricité, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118.

47

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, celle-ci établit le régime général des droits d’accise frappant directement ou indirectement la consommation de certains produits soumis à accise, au nombre desquels figure l’électricité, celle-ci relevant de la directive 2003/96. L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 prévoit que les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation de l’Union applicables à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée.

48

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, cet article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, qui vise à tenir compte de la diversité des traditions fiscales des États membres en la matière et du recours fréquent aux impositions indirectes pour la mise en œuvre de politiques non budgétaires, permet aux États membres d’établir, en sus de l’accise minimale, d’autres impositions indirectes poursuivant une finalité spécifique. La notion de « taxes indirectes supplémentaires », au sens de cette disposition, désigne ainsi les taxes indirectes qui frappent la consommation des produits énumérés à l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, autres que les « droits d’accise », au sens de cette dernière disposition, et qui sont prélevées à des fins spécifiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, points 58 et 59).

49

Dès lors, afin de déterminer si l’IVPEE est susceptible de relever de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, il convient de vérifier si cet impôt constitue une taxe indirecte frappant directement ou indirectement la consommation d’électricité visée par la directive 2003/96 (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, point 60).

50

En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que le fait générateur de l’IVPEE est la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique, à savoir la production nette d’énergie, celle-ci étant définie, au sens de la loi 15/2012, comme l’énergie de laquelle sont soustraites les consommations auxiliaires pour la génération d’électricité et les pertes subies jusqu’au point de raccordement au réseau.

51

En outre, il est constant que l’IVPEE est perçu non pas directement auprès des consommateurs d’électricité, mais auprès des opérateurs économiques qui la produisent et l’introduisent dans le réseau (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, point 64).

52

Certes, le poids économique d’une taxe peut, en principe, être indirectement supporté intégralement par le consommateur final d’électricité lorsque le producteur inclut le montant de cette taxe dans le prix de chaque quantité de produit mise à la consommation de manière à ce que cet impôt soit neutre pour ce producteur (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, point 64).

53

Tel n’est toutefois pas le cas en l’occurrence.

54

En effet, premièrement, ainsi que la juridiction de renvoi le fait observer, il n’existe pas de mécanisme formel de répercussion de l’impôt. Or, dans une telle situation, le fait que l’application de l’IVPEE entraîne une augmentation du prix de l’énergie et, par suite, de la facture électrique pour tous les consommateurs finaux n’apparaît pas, à lui seul, suffisant pour conclure que cet impôt est intégralement répercuté sur ces consommateurs. Dans le cas contraire, tout impôt supporté par les producteurs d’électricité ayant une incidence, même minime, sur le prix final de l’électricité payé par les consommateurs devrait être considéré comme étant un impôt indirect, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118, en dépit de l’absence de lien direct et indissociable entre un tel impôt et la consommation d’électricité.

55

Deuxièmement, il y a lieu de relever, s’agissant des modalités de calcul de l’IVPEE, que la base d’imposition de cet impôt est constituée du montant total à percevoir par le contribuable pour la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique, auquel est appliqué un taux d’imposition uniforme égal à 7 %.

56

Ainsi qu’il ressort du dossier dont dispose la Cour, le calcul de ce montant inclut, en vertu de l’article 6 de la loi 15/2012, la rémunération de l’activité de production d’électricité. En vertu des dispositions pertinentes des lois 54/1997 et 24/2013, cette rémunération comprend l’énergie électrique négociée sur les marchés journalier et infrajournalier, qui est rémunérée sur la base du prix d’équilibre entre l’offre et la demande, les services d’ajustement nécessaires pour garantir un approvisionnement adéquat du consommateur, la rémunération au titre des mécanismes de capacité ainsi que les rémunérations supplémentaires pour les activités respectives de production d’électricité dans les territoires extrapéninsulaires et de production d’électricité à partir de sources renouvelables.

57

L’ensemble des parties intéressées ont indiqué, dans leurs réponses aux questions posées par la Cour, que certaines parties constitutives de la base d’imposition de l’IVPEE, telles qu’énumérées au point précédent, ne dépendent pas de la quantité d’électricité effectivement produite et introduite dans le réseau. Ainsi que l’a indiqué le gouvernement espagnol, tel est notamment le cas des services d’ajustement, dans le cadre desquels est rémunérée la disponibilité d’une certaine capacité de production, ainsi que des mécanismes de capacité, dans le cadre desquels le montant constituant la rémunération des producteurs concernés est fixé à une certaine somme d’euros par mégawatt et est fondé, respectivement, sur la mise à disposition d’une certaine capacité de production ainsi que sur la taille et la capacité de production de l’usine. Selon ce gouvernement, tel est également le cas des rémunérations spécifiques pour la production d’électricité à partir de sources renouvelables, de cogénération à haut rendement et de résidus, ainsi que pour la production d’électricité sur les territoires extrapéninsulaires, pour lesquels est prévu un paiement supplémentaire par rapport aux revenus sur le marché d’électricité perçus par les producteurs concernés.

58

Il découle des considérations qui précèdent que l’IVPEE est calculé en fonction de la seule qualité de producteur d’électricité, sur la base des revenus des contribuables partiellement fixes et donc indépendamment de la quantité d’électricité effectivement produite et introduite dans le réseau électrique. Dès lors, il ne saurait être constaté de lien direct et indissociable entre cet impôt et la consommation d’électricité.

59

Par conséquent, l’IVPEE ne constituant pas un impôt indirect qui frappe directement ou indirectement la consommation de l’électricité visée par la directive 2003/96, il ne saurait relever de l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems, C‑5/14, EU:C:2015:354, point 66).

60

Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la première question que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe la production et l’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique sur le territoire national et dont la base d’imposition est constituée du montant total des revenus du contribuable tirés de l’accomplissement de ces activités, sans prendre en compte la quantité d’électricité effectivement produite et introduite dans ce réseau.

Sur les deuxième et troisième questions

61

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er et l’article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28, ce dernier point étant lu en combinaison avec l’article 2, second alinéa, sous k), de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe d’un taux unique la production d’électricité et son introduction dans le réseau électrique, y compris lorsque cette électricité est produite à partir de sources renouvelables, et qui a pour objectif non pas de protéger l’environnement, mais d’augmenter le volume des recettes budgétaires.

62

Il convient de relever, à cet égard, que la directive 2009/28 a pour objet, ainsi qu’il ressort de son article 1er, de définir un cadre commun pour la promotion de la production d’énergie à partir de sources renouvelables, en fixant, notamment, des objectifs nationaux contraignants concernant la part de l’énergie produite à partir de telles sources dans la consommation finale brute d’énergie.

63

Ainsi, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, les États membres ont l’obligation de veiller à ce que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans leur consommation finale d’énergie au cours de l’année 2020 corresponde au minimum à l’objectif national global, tel que prévu à l’annexe I, partie A, de ladite directive, lequel doit être cohérent avec l’objectif consistant à atteindre, dans la consommation finale brute d’énergie de l’Union, une part d’énergie produite à partir de sources renouvelables de 20 % au moins.

64

En outre, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2009/28, les États membres sont tenus de mettre en place des mesures conçues de manière efficace pour garantir que leur part d’énergie produite à partir de sources renouvelables soit au moins égale à celle prévue dans la « trajectoire indicative », figurant à l’annexe I, partie B, de cette directive.

65

Afin d’atteindre ces objectifs, les États membres peuvent, selon l’article 3, paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28, mettre en place des régimes d’aide, au sens de l’article 2, second alinéa, sous k), de celle-ci, ces derniers pouvant consister à accorder des aides à l’investissement, instituer des exonérations ou des réductions fiscales, prévoir des remboursements d’impôt ou encore imposer l’obligation d’utiliser de l’énergie produite à partir de sources renouvelables.

66

La juridiction de renvoi considère que l’IVPEE est susceptible d’avoir pour effet de décourager la production d’énergie électrique à partir de sources renouvelables, puisqu’il frappe tous les producteurs nationaux et est calculé sans prendre en compte les coûts de production.

67

Il convient de relever, à cet égard, qu’aucune des dispositions de la directive 2009/28 mentionnées aux points 62 à 65 du présent arrêt n’interdit aux États membres d’instituer un impôt, tel que l’IVPEE, frappant la production d’électricité et l’introduction de celle-ci dans le réseau, y compris lorsque cette électricité est produite à partir de sources d’énergie renouvelables (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen e.a., C‑215/16, C‑216/16, C‑220/16 et C‑221/16, EU:C:2017:705, point 30).

68

En effet, il ressort du libellé même de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2009/28, en particulier du terme « peuvent », que les États membres ne sont nullement obligés, en vue de promouvoir l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, d’adopter des régimes d’aide ni, a fortiori, s’ils font le choix d’adopter de tels régimes, de concevoir ceux-ci sous la forme d’exonérations ou de réductions fiscales. Les États membres disposent ainsi d’une marge d’appréciation quant aux mesures qu’ils estiment appropriées pour atteindre les objectifs contraignants nationaux globaux visés à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de cette directive, lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen e.a., C‑215/16, C‑216/16, C‑220/16 et C‑221/16, EU:C:2017:705, points 31 et 32, ainsi que du 11 juillet 2019, Agrenergy et Fusignano Due, C‑180/18, C‑286/18 et C‑287/18, EU:C:2019:605, point 27).

69

Dès lors, la possibilité pour les États membres, prévue à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2009/28, d’adopter des régimes d’aide destinés à promouvoir l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, le cas échéant sous la forme d’exonérations ou de réductions fiscales, n’implique en rien que ceux-ci seraient empêchés de taxer les entreprises développant de telles sources d’énergie (arrêt du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen e.a., C‑215/16, C‑216/16, C‑220/16 et C‑221/16, EU:C:2017:705, point 33).

70

Il convient, par conséquent, de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 1er et l’article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28, ce dernier point étant lu en combinaison avec l’article 2, second alinéa, sous k), de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe d’un taux unique la production d’électricité et son introduction dans le réseau électrique, y compris lorsque cette électricité est produite à partir de sources renouvelables, et qui a pour objectif non pas de protéger l’environnement, mais d’augmenter le volume des recettes budgétaires.

Sur la quatrième question

71

Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE et les articles 32 à 34 de la directive 2009/72 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique sur le territoire d’un État membre, dans le cas où cet impôt n’est pas applicable à l’introduction, dans ce réseau, de l’électricité produite dans les autres États membres.

72

La juridiction de renvoi indique, à cet égard, que l’IVPEE favorise les producteurs d’électricité établis dans les autres États membres, puisqu’il ne frappe que les producteurs nationaux, et en conclut à l’existence d’une distorsion de la concurrence, en violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

73

Dans la mesure où il ressort de la réponse à la première question que l’IVPEE constitue un impôt direct frappant l’activité de production et d’introduction d’électricité dans le réseau électrique, il convient de rappeler que, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit de l’Union (arrêt du 22 décembre 2010, Tankreederei I, C‑287/10, EU:C:2010:827, point 14).

74

À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que les taxes n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État, à moins qu’elles ne constituent le mode de financement d’une mesure d’aide, de telle sorte qu’elles font partie intégrante de cette mesure (arrêt du 20 septembre 2018, Carrefour Hypermarchés e.a., C‑510/16, EU:C:2018:751, point 14 ainsi que jurisprudence citée).

75

Or, en l’occurrence, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que les recettes provenant de la perception de l’IVPEE constituent le mode de financement d’une mesure d’aide d’État, au sens de cette jurisprudence. Il s’ensuit que cet impôt ne saurait être regardé comme entrant dans le champ d’application des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État.

76

Concernant, en second lieu, la directive 2009/72, il convient de constater que les articles 32 à 34 de cette directive visent le principe général de non-discrimination dans le domaine du marché intérieur de l’électricité en régissant l’accès des tiers au réseau de manière objective et non discriminatoire.

77

En l’occurrence, la juridiction de renvoi indique que la réglementation relative à l’IVPEE permet une discrimination positive des producteurs d’énergie électrique non nationaux, au détriment des producteurs espagnols, avec une distorsion du marché intérieur de l’énergie électrique et d’accès au réseau.

78

Or, il suffit, à cet égard, de relever que, dans la mesure où la directive 2009/72 ne constitue pas une mesure relative au rapprochement des dispositions fiscales des États membres, le principe de non-discrimination visé aux articles 32 à 34 de cette directive ne s’applique pas à une réglementation nationale instituant un impôt qui frappe la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique sur le territoire d’un État membre (voir, par analogie, arrêt du 7 novembre 2019, UNESA e.a., C‑80/18 à C‑83/18, EU:C:2019:934, point 51).

79

Au vu de ces considérations, il convient de répondre à la quatrième question que l’article 107, paragraphe 1, TFUE et les articles 32 à 34 de la directive 2009/72 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt national qui frappe la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique sur le territoire d’un État membre, dans le cas où cet impôt n’est pas applicable à l’introduction, dans ce réseau, de l’électricité produite dans les autres États membres.

Sur les dépens

80

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe la production et l’introduction d’énergie électrique dans le réseau électrique sur le territoire national et dont la base d’imposition est constituée du montant total des revenus du contribuable tirés de l’accomplissement de ces activités, sans prendre en compte la quantité d’électricité effectivement produite et introduite dans ce réseau.

 

2)

L’article 1er et l’article 3, paragraphes 1 et 2 ainsi que paragraphe 3, sous a), de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE, ce dernier point étant lu en combinaison avec l’article 2, second alinéa, sous k), de cette directive, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt qui frappe d’un taux unique la production d’électricité et son introduction dans le réseau électrique, y compris lorsque cette électricité est produite à partir de sources renouvelables, et qui a pour objectif non pas de protéger l’environnement, mais d’augmenter le volume des recettes budgétaires.

 

3)

L’article 107, paragraphe 1, TFUE et les articles 32 à 34 de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale prévoyant le prélèvement d’un impôt national qui frappe la production et l’introduction d’électricité dans le réseau électrique sur le territoire d’un État membre, dans le cas où cet impôt n’est pas applicable à l’introduction, dans ce réseau, de l’électricité produite dans les autres États membres.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.