ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
13 novembre 2018 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 604/2013 – Règlement (CE) no 1560/2003 – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale – Critères et mécanismes de détermination – Requête de prise ou de reprise en charge d’un demandeur d’asile – Réponse négative de l’État membre requis – Demande de réexamen – Article 5, paragraphe 2, du règlement no 1560/2003 – Délai de réponse – Expiration – Effets »
Dans les affaires jointes C‑47/17 et C‑48/17,
ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas), par décisions des 23 janvier et 26 janvier 2017, parvenues à la Cour, respectivement, les 1er février et 3 février 2017, dans les procédures
X (C‑47/17),
X (C‑48/17)
contre
Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, MM. J.‑C. Bonichot, M. Vilaras et F. Biltgen, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič (rapporteur), J. Malenovský, E. Levits, L. Bay Larsen et S. Rodin, juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : Mme L. Carrasco Marco, administratrice,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2018,
considérant les observations présentées :
– |
pour X (C‑47/17), par Me C. C. Westermann-Smit, advocaat, |
– |
pour X (C‑48/17), par Mes D. G. J. Sanderink et A. Khalaf, advocaten, |
– |
pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. K. Bulterman et M. L. Noort, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et R. Kanitz, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement hongrois, par Mme M. M. Tátrai ainsi que par MM. M. Z. Fehér et G. Koós, en qualité d’agents, |
– |
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon ainsi que par Mmes R. Fadoju et C. Crane, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell, barrister, |
– |
pour le gouvernement suisse, par M. E. Bichet, en qualité d’agent, |
– |
pour la Commission européenne, par M. G. Wils et Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agents, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 mars 2018,
rend le présent
Arrêt
1 |
Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 de la Commission, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 39, p. 1) (ci-après le « règlement d’exécution »). |
2 |
Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant deux demandeurs d’asile au Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, Pays-Bas, ci-après le « secrétaire d’État »). |
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement Eurodac
3 |
Le règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) no 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (JO 2013, L 180, p. 1, ci‑après le « règlement Eurodac »), dispose, à son article 9 : « 1. Chaque État membre relève sans tarder l’empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d’une protection internationale âgé de 14 ans au moins et la transmet au système central dès que possible et au plus tard 72 heures suivant l’introduction de la demande de protection internationale telle que définie à l’article 20, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013 [...] [...] 3. Les données dactyloscopiques [...] qui sont transmises par un État membre [...] sont comparées automatiquement avec les données dactyloscopiques transmises par d’autres États membres qui sont déjà conservées dans le système central. [...] 5. Le système central transmet automatiquement le résultat positif ou négatif de la comparaison à l’État membre d’origine. [...] [...] » |
4 |
L’article 14 du règlement Eurodac prévoit : « 1. Chaque État membre relève sans tarder l’empreinte digitale de tous les doigts de chaque ressortissant de pays tiers ou apatride, âgé de 14 ans au moins, qui, à l’occasion du franchissement irrégulier de sa frontière terrestre, maritime ou aérienne en provenance d’un pays tiers, a été interpellé par les autorités de contrôle compétentes et qui n’a pas été refoulé ou qui demeure physiquement sur le territoire des États membres et ne fait pas l’objet d’une mesure de confinement, de rétention ou de détention durant toute la période comprise entre son interpellation et son éloignement sur le fondement de la décision de refoulement. 2. L’État membre concerné transmet, dès que possible et au plus tard 72 heures après son interpellation, au système central les données [...] relatives à tout ressortissant de pays tiers ou apatride se trouvant dans la situation décrite au paragraphe 1 et qui n’a pas été refoulé [...] [...] » |
Le règlement Dublin III
5 |
Les considérants 4, 5, 7 et 12 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »), énoncent :
[...]
[...]
|
6 |
Selon l’article 2, sous d), du règlement Dublin III, aux fins de ce règlement, on entend par « examen d’une demande de protection internationale », « l’ensemble des mesures d’examen, des décisions ou des jugements rendus par les autorités compétentes sur une demande de protection internationale conformément à la directive 2013/32/UE et à la directive 2011/95/UE, à l’exception des procédures de détermination de l’État membre responsable en vertu du présent règlement ». |
7 |
L’article 3, paragraphe 2, du règlement Dublin III dispose : « Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l’examen. Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu’il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable devient l’État membre responsable. » |
8 |
L’article 13, paragraphe 1, du règlement Dublin III est libellé comme suit : « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement [Eurodac], que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. » |
9 |
L’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III énonce : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. [...] » |
10 |
L’article 18 dudit règlement dispose : « 1. L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :
[...] 2. Dans les cas relevant du champ d’application du paragraphe 1, points a) et b), l’État membre responsable est tenu d’examiner la demande de protection internationale présentée par le demandeur ou de mener à son terme l’examen. [...] » |
11 |
L’article 20, paragraphes 1 et 5, du même règlement prévoit : « 1. Le processus de détermination de l’État membre responsable commence dès qu’une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d’un État membre. [...] 5. L’État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d’achever le processus de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre État membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre État membre pendant le processus de détermination de l’État membre responsable. [...] » |
12 |
L’article 21 du règlement Dublin III énonce : « 1. L’État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu’un autre État membre est responsable de l’examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’introduction de la demande au sens de l’article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (“hit”) Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l’article 14 du règlement [Eurodac], la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l’article 15, paragraphe 2, dudit règlement. Si la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur n’est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe à l’État membre auprès duquel la demande a été introduite. 2. L’État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence dans les cas où la demande de protection internationale a été introduite à la suite d’un refus d’entrée ou de séjour, d’une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l’exécution d’une mesure d’éloignement. La requête indique les raisons qui justifient une réponse urgente et le délai dans lequel une réponse est attendue. Ce délai est d’au moins une semaine. 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l’aide d’un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l’État membre requis de vérifier s’il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. La Commission adopte, par voie d’actes d’exécution, des conditions uniformes pour l’établissement et la présentation des requêtes aux fins de prise en charge. [...] » |
13 |
L’article 22 du règlement Dublin III dispose : « 1. L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d’un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. [...] 3. La Commission établit et revoit périodiquement, par voie d’actes d’exécution, deux listes indiquant les éléments de preuve et les indices pertinents [...] [...] 6. Si l’État membre requérant a invoqué l’urgence conformément aux dispositions de l’article 21, paragraphe 2, l’État membre requis met tout en œuvre pour respecter le délai demandé. Exceptionnellement, lorsqu’il peut être démontré que l’examen d’une requête aux fins de prise en charge d’un demandeur est particulièrement complexe, l’État membre requis peut donner sa réponse après le délai demandé, mais en tout état de cause dans un délai d’un mois. Dans ce cas, l’État membre requis doit informer l’État membre requérant dans le délai initialement demandé qu’il a décidé de répondre ultérieurement. 7. L’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d’un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. » |
14 |
L’article 23 du règlement Dublin III prévoit : « 1. Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (“hit”), en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement [Eurodac]. Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l’État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe 2. 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. 4. Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l’aide d’un formulaire type et comprend des éléments de preuve ou des indices tels que décrits dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, et/ou des éléments pertinents tirés des déclarations de la personne concernée, qui permettent aux autorités de l’État membre requis de vérifier s’il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. La Commission adopte, par voie d’actes d’exécution, des conditions uniformes pour l’établissement et la présentation des requêtes aux fins de reprise en charge. [...] » |
15 |
L’article 25 du règlement Dublin III énonce : « 1. L’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. 2. L’absence de réponse à l’expiration du délai d’un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. » |
16 |
L’article 29 du règlement Dublin III prévoit : « 1. Le transfert du demandeur [...] de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé [...] [...] 2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. [...] » |
17 |
Selon le tableau de correspondance, figurant à l’annexe II du règlement Dublin III, l’article 18 et l’article 20, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil, du 18 février 2003, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 50, p. 1, ci-après le « règlement Dublin II »), qui a été abrogé et remplacé par le règlement Dublin III, correspondent, respectivement, à l’article 22 et à l’article 25, paragraphe 1, de ce dernier règlement. |
Le règlement d’exécution
18 |
Aux termes du préambule du règlement d’exécution, celui-ci a été arrêté « vu le règlement [Dublin II], et notamment son article 15, paragraphe 5, son article 17, paragraphe 3, son article 18, paragraphe 3, son article 19, paragraphes 3 et 5, son article 20, paragraphes 1, 3 et 4, et son article 22, paragraphe 2 ». |
19 |
L’article 5 du règlement d’exécution énonce : « 1. Lorsque, après vérification, l’État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu’il envoie à l’État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus. 2. Lorsque l’État membre requérant estime que le refus qui lui est opposé repose sur une erreur d’appréciation ou lorsqu’il dispose d’éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter un réexamen de sa requête. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative. L’État membre requis s’efforce de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l’article 18, paragraphes 1 et 6, et à l’article 20, paragraphe 1, point b), du règlement [Dublin II]. » |
20 |
L’annexe X du règlement d’exécution contient, dans sa partie A, des informations sur le règlement Dublin III pour les demandeurs d’une protection internationale. Sous l’intitulé « Combien de temps faudra-t-il pour décider quel pays examinera ma demande ? Combien de temps faudra-t-il avant que ma demande soit examinée ? », il est exposé, notamment, que « [l]a durée totale de la procédure [définie par le règlement Dublin III], jusqu’au transfert dans ce pays, peut, dans des circonstances normales, prendre jusqu’à onze mois. Votre demande d’asile sera ensuite examinée par le pays responsable. Ce délai peut changer si vous vous cachez aux autorités, si vous êtes emprisonné ou retenu, ou si vous faites appel de la décision de transfert ». La partie B de cette annexe, contenant des informations sur cette procédure pour des demandeurs d’une protection internationale faisant l’objet de ladite procédure, expose à cet égard plus en détail les délais prévus pour l’introduction d’une demande de prise ou de reprise en charge et pour la réponse à une telle demande ainsi que pour le transfert de l’intéressé. |
Le droit néerlandais
La loi générale sur la procédure administrative
21 |
L’article 4:17, paragraphe 1, de l’Algemene wet bestuursrecht (loi générale sur la procédure administrative) prévoit que, si elle ne statue pas en temps utile sur une demande, l’autorité administrative est tenue de verser une astreinte au demandeur pour chaque jour de retard, cette durée ne pouvant toutefois pas dépasser 42 jours. L’article 4:17, paragraphe 2, de cette loi dispose que le montant de l’astreinte est de 20 euros par jour pour les quatorze premiers jours de retard, de 30 euros par jour pour les quatorze jours suivants et de 40 euros par jour pour les autres jours. Selon l’article 4:17, paragraphe 3, de ladite loi, le premier jour à compter duquel l’astreinte est due est le jour de l’expiration du délai de deux semaines qui commence à courir le lendemain de l’expiration du délai imparti pour statuer et de la réception par l’autorité administrative de la lettre de mise en demeure envoyée par le demandeur. L’article 4:17, paragraphe 5, de la même loi dispose que l’introduction d’un recours dirigé contre le défaut de statuer en temps utile n’a pas pour effet de suspendre l’astreinte. En vertu de l’article 4:17, paragraphe 6, sous c), de la loi générale sur la procédure administrative, l’astreinte n’est pas due lorsque la demande est manifestement irrecevable ou manifestement non fondée. |
22 |
L’article 6:2, sous b), de ladite loi prévoit : « Aux fins de l’application des dispositions légales en matière de recours et de réclamation, le défaut de statuer en temps utile équivaut à une décision. » |
23 |
L’article 6:12, paragraphe 2, de la même loi dispose : « Un recours peut être introduit dès que l’autorité administrative n’a pas statué en temps utile et que le délai de deux semaines, qui commence à courir le lendemain du jour où l’intéressé a notifié par écrit à l’autorité administrative sa carence, a expiré. » |
24 |
L’article 8:55b, paragraphe 1, de la loi générale sur la procédure administrative énonce : « Lorsque le recours est dirigé contre un défaut de statuer en temps utile, le juge administratif se prononce, en application de l’article 8:54 de [cette loi], dans un délai de huit semaines à compter de la réception de la requête et du respect des critères prévus à l’article 6:5 de [ladite loi], à moins qu’il n’estime nécessaire d’instruire l’affaire à l’audience. » |
25 |
L’article 8:55c de la loi générale sur la procédure administrative prévoit : « Le juge administratif détermine également, lorsqu’il y est invité et que le recours est fondé, le montant de l’astreinte due. » |
26 |
En application de l’article 8:55d, paragraphe 1, de ladite loi, si le recours est fondé et qu’aucune décision n’a encore été notifiée, le juge administratif ordonne à l’autorité administrative de notifier une décision dans un délai de deux semaines à compter du lendemain de la signification du jugement. En vertu du paragraphe 2 de cet article, le juge administratif assortit son jugement d’une astreinte supplémentaire pour chaque jour de retard dans l’exécution du jugement par l’autorité administrative. |
La loi sur les étrangers
27 |
L’article 30, paragraphe 1, de la Vreemdelingenwet 2000 (loi sur les étrangers de 2000), dans sa version applicable aux faits au principal (ci‑après la « loi sur les étrangers »), dispose qu’une demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile n’est pas examinée lorsqu’il est établi, au titre du règlement Dublin III, qu’un autre État membre est responsable du traitement de la demande. |
28 |
L’article 42, paragraphe 1, de la loi sur les étrangers prévoit qu’une décision doit être prise dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande de séjour temporaire pour demandeur d’asile. |
29 |
L’article 42, paragraphe 4, de ladite loi dispose que le délai visé au paragraphe 1 de cet article peut être prolongé d’une durée ne pouvant excéder neuf mois supplémentaires lorsque :
|
30 |
L’article 42, paragraphe 6, de la loi sur les étrangers énonce que, lorsque, dans le cadre d’une demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile, est examinée, au titre de l’article 30 de cette loi, la question de savoir si cette demande doit ou non être examinée, le délai visé au paragraphe 1 de cet article ne commence à courir qu’à partir du moment où il est établi, conformément au règlement Dublin III, que le Royaume des Pays-Bas est responsable du traitement de la demande. |
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
L’affaire C‑47/17
31 |
Le 24 janvier 2016, le requérant au principal, de nationalité syrienne, a introduit aux Pays-Bas, auprès du secrétaire d’État, une demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile. |
32 |
Ce même jour, le secrétaire d’État a, en consultant la base de données Eurodac, reçu un résultat positif indiquant que ledit requérant avait, le 22 janvier 2016, introduit une demande de protection internationale en Allemagne, ce qui est toutefois contesté par l’intéressé. |
33 |
Le 24 mars 2016, le secrétaire d’État a introduit une requête aux fins de reprise en charge du requérant au principal auprès des autorités allemandes, au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III. |
34 |
Par lettre du 7 avril 2016, les autorités allemandes ont rejeté la requête aux fins de reprise en charge. Aux termes de cette lettre, les autorités allemandes ont indiqué répondre pour le moment par la négative pour respecter le délai de réponse prévu à l’article 25, paragraphe 1, du règlement Dublin III, la réponse nécessitant un examen plus poussé en Allemagne, dont les autorités néerlandaises seraient informées sans avoir à en faire la demande. |
35 |
Le 14 avril 2016, le secrétaire d’État a introduit une demande de réexamen auprès des autorités allemandes, à laquelle celles-ci n’ont toutefois pas répondu. |
36 |
Par lettre du 29 août 2016, le requérant au principal a demandé au secrétaire d’État d’examiner sa demande et de considérer le refus du 7 avril 2016 des autorités allemandes comme un refus définitif. Le secrétaire d’État n’a pas répondu sur le fond à cette demande. |
37 |
Le 17 novembre 2016, le requérant au principal a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, invoquant l’absence de décision, en temps utile, sur sa demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile et demandant à cette juridiction de condamner le secrétaire d’État au paiement d’une astreinte à compter du jour de sa carence à statuer, de lui ordonner de statuer dans un délai fixé par ladite juridiction et d’assortir cette injonction d’une astreinte supplémentaire de 100 euros par jour de retard. |
38 |
Le 22 décembre 2016, le secrétaire d’État a informé la juridiction de renvoi du fait que, le 14 décembre 2016, il avait retiré sa requête aux fins de reprise en charge, introduite auprès des autorités allemandes, et que la demande d’asile du requérant au principal serait désormais traitée au titre de la Nederlandse Algemene Asielprocedure (procédure générale d’asile néerlandaise). |
39 |
Les parties au principal s’opposent sur la question de savoir si le délai dans lequel le secrétaire d’État doit statuer sur la demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile, introduite par le requérant au principal le 24 janvier 2016, a entre-temps expiré. |
40 |
À cet égard, le requérant au principal fait, notamment, valoir que, après l’expiration des délais fixés par le règlement Dublin III pour la procédure de reprise en charge, l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale doit avoir été déterminé. Si l’État membre requis répond, dans les délais, par la négative à la demande de reprise en charge, la responsabilité incomberait, à partir de ce moment-là, à l’État membre requérant. Partant, le délai de six mois pour statuer sur la demande d’asile commencerait à courir à partir de ce moment. Étant donné que, le 7 avril 2016, les autorités allemandes ont refusé la requête aux fins de reprise en charge, le Royaume des Pays-Bas serait, depuis cette même date, responsable de l’examen de la demande d’asile du requérant au principal, de sorte que le délai imparti pour statuer sur cette demande aurait expiré le 7 octobre 2016. |
41 |
En revanche, selon le secrétaire d’État, le délai pour statuer sur ladite demande n’a commencé à courir qu’à partir du 14 décembre 2016, date à laquelle le Royaume des Pays-Bas s’est déclaré responsable de son traitement. |
42 |
Dans ces conditions, le Rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
|
L’affaire C‑48/17
43 |
Le 22 septembre 2015, le requérant au principal, de nationalité érythréenne, a introduit auprès du secrétaire d’État une demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile aux Pays-Bas. Selon la base de données Eurodac, celui-ci avait déjà introduit, le 9 juin 2015, une demande de protection internationale en Suisse. Il résulte, par ailleurs, du dossier soumis à la Cour que, en passant par la mer Méditerranée, le requérant au principal est arrivé à la fin du mois de mai 2015 en Italie, où ses empreintes digitales ne semblent toutefois pas avoir été relevées et où celui-ci n’apparaît pas avoir introduit de demande de protection internationale. |
44 |
Le 20 novembre 2015, le secrétaire d’État a introduit, auprès des autorités suisses, une requête aux fins de reprise en charge du requérant au principal, au titre de l’article 18, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin III. |
45 |
Le 25 novembre 2015, les autorités suisses ont rejeté cette requête, au motif que, dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre responsable pour le traitement de la demande de protection internationale que le requérant avait introduite en Suisse, ces autorités avaient adressé une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge aux autorités italiennes, laquelle était restée sans réponse, de sorte que, à partir du 1er septembre 2015, la République italienne serait devenue responsable du traitement de cette demande. |
46 |
Le 27 novembre 2015, le secrétaire d’État a introduit, auprès des autorités italiennes, une requête aux fins de reprise en charge du requérant au principal. |
47 |
Le 30 novembre 2015, les autorités italiennes ont rejeté cette requête. |
48 |
Le 1er décembre 2015, le secrétaire d’État a introduit une demande de réexamen auprès des autorités italiennes et, le 18 janvier 2016, il a envoyé une lettre de rappel à ces autorités. |
49 |
Le 26 janvier 2016, les autorités italiennes ont accepté ladite requête. |
50 |
Par décision du 19 avril 2016, le secrétaire d’État a refusé d’examiner la demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile introduite par le requérant au principal, au motif que la République italienne serait responsable du traitement de ladite demande. |
51 |
Le requérant au principal a introduit un recours contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Il a en outre demandé au juge des référés d’interdire, par voie de mesure provisoire, au secrétaire d’État de l’expulser avant l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter du jour où la juridiction de renvoi aura statué sur le recours. Par ordonnance du 30 juin 2016, le juge des référés a fait droit à cette demande de mesure provisoire. |
52 |
Les parties au principal s’opposent, notamment, sur la question de savoir si la partie défenderesse est devenue responsable ou non de l’examen de la demande de permis de séjour temporaire pour demandeur d’asile introduite par le requérant au principal en raison du fait que les autorités italiennes, après avoir rejeté dans un premier temps la requête aux fins de reprise en charge introduite par le secrétaire d’État, n’ont pas répondu à la demande de réexamen dans le délai imparti. |
53 |
Dans ces conditions, le Rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour six questions préjudicielles qui sont, en substance, identiques à celles posées dans l’affaire C‑47/17, étant entendu que, d’une part, le délai mentionné dans la quatrième question a été adapté à la situation en cause dans l’affaire C‑48/17 en se référant à un délai de sept semaines et demie et, d’autre part, la cinquième question dans cette affaire ne mentionne que l’hypothèse du dépassement d’un délai de deux semaines ou d’un délai raisonnable. |
La procédure devant la Cour
54 |
Par décision du président de la Cour du 13 février 2017, les affaires C‑47/17 et C‑48/17 ont été jointes aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt. |
55 |
Dans sa demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑47/17, la juridiction de renvoi a demandé l’application de la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président de la Cour du 15 mars 2017, X (C‑47/17 et C‑48/17, non publiée, EU:C:2017:224). Si, dans un premier temps, il a néanmoins été décidé d’accorder un traitement prioritaire aux présentes affaires en raison de la situation du requérant au principal dans l’affaire C‑47/17, celui-ci a toutefois signalé à la Cour, dans ses observations écrites, que, après l’introduction de la demande de décision préjudicielle, les autorités néerlandaises se sont prononcées de manière favorable sur sa demande d’asile, de sorte que le litige au principal ne porte désormais plus que sur une compensation financière pour l’absence de prise de décision sur cette demande dans les délais. Le traitement prioritaire ne se justifiant plus dans de telles conditions, il a été décidé de mettre fin à celui-ci et de soumettre l’affaire au traitement ordinaire. |
Sur les questions préjudicielles
56 |
Par ses questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre compétent pour le traitement d’une demande de protection internationale, l’État membre saisi d’une requête de prise ou de reprise en charge en vertu de l’article 21 ou de l’article 23 du règlement Dublin III, qui a répondu par la négative à celle-ci dans les délais prévus à l’article 22 ou à l’article 25 de ce règlement et qui, par la suite, a été saisi d’une demande de réexamen en vertu de cet article 5, paragraphe 2, doit répondre à cette dernière dans un certain délai. Elle se demande quel est, le cas échéant, ce délai et quels sont les effets de l’absence de réponse, dans ledit délai, de l’État membre requis à la demande de réexamen de l’État membre requérant. |
57 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que les procédures de prise et de reprise en charge doivent obligatoirement être conduites en conformité avec les règles énoncées, notamment, au chapitre VI du règlement Dublin III, et qu’elles doivent, en particulier, être menées dans le respect d’une série de délais impératifs (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, points 49 et 50, ainsi que du 25 janvier 2018, Hasan, C‑360/16, EU:C:2018:35, point 60). |
58 |
Ainsi, l’article 21, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoit que la requête aux fins de prise en charge doit être formulée dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale. Nonobstant ce premier délai, en cas de résultat positif Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l’article 14 du règlement Eurodac, cette requête doit être formulée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat. |
59 |
De manière analogue, l’article 23, paragraphe 2, du règlement Dublin III dispose qu’une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac, en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement Eurodac. Si cette requête est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l’État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement Dublin III. |
60 |
Il importe, à cet égard, de relever que le législateur de l’Union a défini les effets de l’expiration de ces délais en précisant, à l’article 21, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement Dublin III ainsi qu’à l’article 23, paragraphe 3, de celui-ci, que, si lesdites requêtes ne sont pas formulées dans lesdits délais, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe à l’État membre requérant. |
61 |
En outre, le législateur de l’Union a établi de tels délais impératifs ainsi que les effets de leur expiration également pour ce qui concerne la réponse à une requête de prise ou de reprise en charge. |
62 |
En effet, s’agissant, d’une part, de la réponse à une requête aux fins de prise en charge, l’article 22, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoit que l’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur celle-ci dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. |
63 |
En vertu de l’article 22, paragraphe 6, du règlement Dublin III, si l’État membre requérant a invoqué l’urgence conformément aux dispositions de l’article 21, paragraphe 2, de ce règlement, l’État membre requis met tout en œuvre pour respecter le délai demandé, lequel est d’au moins une semaine. Exceptionnellement, lorsqu’il peut être démontré que l’examen d’une requête aux fins de prise en charge d’un demandeur est particulièrement complexe, l’État membre requis peut donner sa réponse après le délai demandé, mais en tout état de cause dans un délai d’un mois. Dans ce cas, l’État membre requis doit informer l’État membre requérant dans le délai initialement demandé qu’il a décidé de répondre ultérieurement. |
64 |
Aux termes de l’article 22, paragraphe 7, du règlement Dublin III, l’absence de réponse à l’expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 de cet article ou du délai d’un mois prévu au paragraphe 6 dudit article équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. |
65 |
D’autre part, en ce qui concerne la réponse à une requête aux fins de reprise en charge, l’article 25, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoit que l’État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur celle-ci aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n’excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. |
66 |
En application de l’article 25, paragraphe 2, du règlement Dublin III, l’absence de réponse à l’expiration du délai d’un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 de cet article équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l’obligation d’assurer une bonne organisation de son arrivée. |
67 |
S’agissant des effets que l’article 22, paragraphe 7, et l’article 25, paragraphe 2, du règlement Dublin III attachent à l’absence de réponse, à l’expiration des délais impératifs prévus à l’article 22, paragraphes 1 et 6, ainsi qu’à l’article 25, paragraphe 1, de ce règlement, à une requête de prise ou de reprise en charge, il importe de souligner que ces effets ne sauraient être contournés par l’envoi d’une réponse de pure forme à l’État membre requérant. En effet, il résulte sans équivoque de cet article 22, paragraphe 1, et de cet article 25, paragraphe 1, que l’État membre requis doit, dans le respect de ces délais impératifs, procéder à toutes les vérifications nécessaires pour pouvoir statuer sur la requête aux fins de prise ou de reprise en charge. L’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution précise, par ailleurs, qu’une réponse négative à une telle requête doit être pleinement motivée et expliquer en détail les raisons du refus. |
68 |
Cependant, aux termes de l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. |
69 |
Il résulte des dispositions citées aux points 58 à 68 du présent arrêt que, par celles-ci, le législateur de l’Union a encadré les procédures de prise et de reprise en charge par une série de délais impératifs qui contribuent, de manière déterminante, à la réalisation de l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, mentionné au considérant 5 du règlement Dublin III, en garantissant que ces procédures seront mises en œuvre sans retard injustifié (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, points 53 et 54 ; du 25 octobre 2017, Shiri, C‑201/16, EU:C:2017:805, point 31, ainsi que du 25 janvier 2018, Hasan, C‑360/16, EU:C:2018:35, point 62). |
70 |
Cette série de délais impératifs témoigne de l’importance particulière que le législateur de l’Union a attachée à la détermination rapide de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale et du fait que, eu égard à l’objectif de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et de ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, il importe, selon ce législateur, que de telles demandes soient, le cas échéant, examinées par un État membre autre que celui désigné comme responsable en vertu des critères énoncés au chapitre III de ce règlement. |
71 |
C’est compte tenu de ces considérations qu’il convient d’analyser les questions préjudicielles, telles que reformulées au point 56 du présent arrêt, relatives aux délais applicables à la procédure de réexamen prévue à l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution. |
72 |
Aux termes de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution, lorsque l’État membre requérant estime que le refus de prise ou de reprise en charge du demandeur qui lui est opposé par l’État membre requis repose sur une erreur d’appréciation ou lorsqu’il dispose d’éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter de ce dernier État membre un réexamen de sa requête aux fins d’une telle prise ou reprise en charge. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative de l’État membre requis. Ce dernier doit alors s’efforcer de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l’article 18, paragraphes 1 et 6, et à l’article 20, paragraphe 1, sous b), du règlement Dublin II, qui correspondent à ceux désormais prévus à l’article 22, paragraphes 1 et 6, ainsi qu’à l’article 25, paragraphe 1, du règlement Dublin III. |
73 |
Il convient de constater qu’il ressort du libellé même de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution que la possibilité pour l’État membre requérant de saisir l’État membre requis d’une demande de réexamen, après que ce dernier a refusé de donner suite à la requête de prise ou de reprise en charge, constitue une « procédure additionnelle ». Cette disposition doit, dans la mesure où le règlement d’exécution vise, selon son considérant 1, à assurer la mise en œuvre effective du règlement Dublin II, qui a été abrogé et remplacé par le règlement Dublin III, faire l’objet d’une interprétation conforme aux dispositions de ce dernier règlement et aux objectifs poursuivis par celui-ci. |
74 |
L’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution doit ainsi être interprété de telle sorte que la durée de la procédure additionnelle de réexamen, qui est une procédure facultative, soit circonscrite de manière stricte et prévisible, et ce tant dans un souci de sécurité juridique pour l’ensemble des parties concernées qu’afin de garantir sa compatibilité avec le cadre temporel précis instauré par le règlement Dublin III et de ne pas altérer l’objectif de célérité dans le traitement de demandes de protection internationale, poursuivi par ce règlement. Une procédure de réexamen qui aurait une durée indéterminée, avec pour conséquence de laisser en suspens la question de savoir quel est l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale et de retarder ainsi de manière importante, voire potentiellement illimitée, l’examen d’une telle demande, serait incompatible avec cet objectif de célérité. |
75 |
Ledit objectif, qui sous-tend également l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution, est traduit, selon les termes mêmes de cette disposition, par un encadrement temporel strict à travers l’établissement d’un délai de trois semaines accordé à l’État membre requérant pour pouvoir adresser une demande de réexamen à l’État membre requis et d’un délai de deux semaines pour la réponse éventuelle de ce dernier à ladite demande. |
76 |
Ainsi, premièrement, il résulte sans équivoque des termes de l’article 5, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement d’exécution que la faculté offerte à cet article 5, paragraphe 2, à l’État membre requérant de solliciter un réexamen de sa requête de prise ou de reprise en charge auprès de l’État membre requis doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative de ce dernier. Il s’ensuit que, à l’expiration de ce délai impératif, l’État membre requérant perd cette faculté. |
77 |
Deuxièmement, s’agissant du délai dont dispose l’État membre requis pour répondre à une demande de réexamen, l’article 5, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement d’exécution dispose que cet État s’efforce de répondre dans les deux semaines. Cette disposition entend inciter l’État membre requis à coopérer loyalement avec l’État membre requérant en réexaminant, dans le délai prévu par ladite disposition, la requête de ce dernier État membre aux fins d’une prise ou d’une reprise en charge de l’intéressé, mais elle ne vise pas à instaurer une obligation légale de répondre à une demande de réexamen sous peine de se voir transférer la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale. |
78 |
Cette constatation est corroborée par le fait que, à la différence de l’article 22, paragraphe 7, et de l’article 25, paragraphe 2, du règlement Dublin III, l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution ne prévoit pas que l’absence de réponse à l’expiration du délai de deux semaines équivaudrait à l’acceptation de la requête et entraînerait l’obligation de prendre ou de reprendre en charge la personne concernée. |
79 |
De tels effets ne sauraient davantage être attachés à l’absence de réponse de l’État membre requis à la demande de réexamen de l’État membre requérant dans le délai maximal d’un mois qui est prévu à l’article 25, paragraphe 1, du règlement Dublin III et auquel se réfère la juridiction de renvoi dans ses deuxièmes questions. En effet, outre qu’une telle interprétation serait contraire à la lettre même de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution, la dernière phrase de cette disposition précise expressément que la procédure additionnelle de réexamen ne rouvre pas les délais dont dispose l’État membre requis pour répondre à une requête de prise ou de reprise en charge, en vertu de l’article 22, paragraphes 1 et 6, ainsi que de l’article 25, paragraphe 1, du règlement Dublin III, délais qui, par définition, ont été respectés dans la situation où l’État membre requérant demande un réexamen. |
80 |
Il résulte ainsi de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution que, dès lors que l’État membre requis a, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, répondu par la négative à une requête de prise ou de reprise en charge dans les délais impartis à cet effet par le règlement Dublin III, la procédure additionnelle de réexamen ne saurait déclencher les effets prévus à l’article 22, paragraphe 7, et à l’article 25, paragraphe 2, de ce règlement. |
81 |
Troisièmement, s’agissant de la question de savoir quelle est alors la portée juridique du délai de deux semaines prévu à l’article 5, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement d’exécution et quels sont les effets attachés à l’expiration de celui-ci, il convient de rappeler que cette disposition doit, ainsi qu’il a été indiqué au point 73 du présent arrêt, faire l’objet d’une interprétation conforme aux dispositions du règlement Dublin III et aux objectifs poursuivis par celui-ci, notamment à celui d’établir une méthode claire et opérationnelle pour déterminer rapidement l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une telle protection et de ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, mentionné aux considérants 4 et 5 de ce règlement. |
82 |
Or, cet objectif du règlement Dublin III ne serait pas respecté par une interprétation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution selon laquelle le délai de deux semaines visé par cette disposition serait purement indicatif, de sorte que la procédure additionnelle de réexamen ne serait délimitée par aucun délai de réponse ou serait délimitée uniquement par un délai de réponse « raisonnable » dont la durée n’est pas prédéfinie, auquel font référence les troisième et quatrième questions préjudicielles, et qui devrait être apprécié par les juridictions nationales au cas par cas en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. |
83 |
En effet, l’application d’un tel délai de réponse « raisonnable » donnerait lieu à une importante insécurité juridique dès lors que, tant pour les administrations des États membres concernés que pour les demandeurs d’une protection internationale, il serait impossible de déterminer par avance la durée exacte de ce délai dans une situation donnée, ce qui pourrait, par ailleurs, conduire ces demandeurs à saisir les juridictions nationales afin de faire vérifier le respect dudit délai et donc inciter à l’engagement d’actions judiciaires qui retarderaient, à leur tour, la détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale. |
84 |
Ainsi, une interprétation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution selon laquelle la procédure additionnelle de réexamen serait délimitée uniquement par un délai de réponse « raisonnable » dont la durée n’est pas prédéfinie irait à l’encontre des objectifs du règlement Dublin III et serait également incompatible avec l’économie générale des procédures de prise et de reprise en charge, telles que conçues par ce règlement, que le législateur de l’Union a pris le soin d’encadrer par des délais clairement définis, prévisibles et relativement courts. |
85 |
Il importe encore de relever, à cet égard, que les présentes affaires se distinguent de celles dans lesquelles la Cour a fait application de la notion de « délai raisonnable ». En effet, tandis que ces dernières affaires étaient caractérisées par l’absence de disposition du droit de l’Union précisant le délai en cause (voir, notamment, arrêts du 28 février 2013, Réexamen Arango Jaramillo e.a./BEI, C‑334/12 RX‑II, EU:C:2013:134, points 5, 28 et 33 ; du 16 juillet 2015, Lanigan, C‑237/15 PPU, EU:C:2015:474, points 44 et 48 ; du 5 avril 2016, Aranyosi et Căldăraru, C‑404/15 et C‑659/15 PPU, EU:C:2016:198, points 97 et 104 ; du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, points 89 et 95 à 97 ; du 13 septembre 2017, Khir Amayry, C‑60/16, EU:C:2017:675, point 41 ; du 12 avril 2018, A et S, C‑550/16, EU:C:2018:248, points 45 et 61, ainsi que du 27 juin 2018, Diallo, C‑246/17, EU:C:2018:499, points 58 et 69), la Commission a, en revanche, prévu, à l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution, un délai précis, de deux semaines, dans lequel l’État membre requis doit s’efforcer de répondre à une demande de réexamen qui lui est adressée par l’État membre requérant. |
86 |
Dans ces conditions, il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement d’exécution en ce sens que l’expiration du délai de réponse de deux semaines prévu par cette disposition clôture de manière définitive la procédure additionnelle de réexamen, que l’État membre requis ait ou non répondu dans ce délai à la demande de réexamen de l’État membre requérant. |
87 |
Partant, à moins de disposer encore du temps nécessaire pour pouvoir introduire, dans les délais impératifs prévus à cet effet à l’article 21, paragraphe 1, et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement Dublin III, une nouvelle requête de prise ou de reprise en charge, l’État membre requérant doit être considéré comme responsable de l’examen de la demande de protection internationale concernée. |
88 |
Il y a lieu de relever, quatrièmement, que le délai de réponse prévu, respectivement, à l’article 22, paragraphes 1 et 6, du règlement Dublin III ou à l’article 25, paragraphe 1, de ce règlement n’a pas d’incidence sur la computation des délais prévus pour la procédure additionnelle de réexamen. En effet, une interprétation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement d’exécution en ce sens que cette procédure ne pourrait se dérouler que dans les limites tracées par ces dispositions du règlement Dublin III, de sorte qu’elle serait possible uniquement dans la mesure où l’État membre requis n’aurait pas épuisé le délai prévu pour sa réponse à la requête de prise ou de reprise en charge, ferait, en pratique, largement obstacle à l’application de ladite procédure et ne saurait, dès lors, être considérée comme étant utile pour la mise en œuvre du règlement Dublin III. |
89 |
Partant, l’État membre requérant est en droit d’adresser à l’État membre requis une demande de réexamen dans le délai, prescrit à l’article 5, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement d’exécution, de trois semaines à compter de la réception de la réponse négative de l’État membre requis, quand bien même la clôture de cette procédure additionnelle de réexamen à l’expiration du délai de deux semaines prévu à l’article 5, paragraphe 2, troisième phrase, du règlement d’exécution surviendrait après l’expiration des délais prévus, respectivement, à l’article 22, paragraphes 1 et 6, du règlement Dublin III ou à l’article 25, paragraphe 1, de ce règlement. |
90 |
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que:
|
Sur les dépens
91 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit : |
L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 de la Commission, du 30 janvier 2014, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre de la procédure de détermination de l’État membre compétent pour le traitement d’une demande de protection internationale, l’État membre saisi d’une requête de prise ou de reprise en charge en vertu de l’article 21 ou de l’article 23 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, qui, après avoir procédé aux vérifications nécessaires, a répondu par la négative à celle-ci dans les délais prévus à l’article 22 ou à l’article 25 de ce dernier règlement et qui, par la suite, a été saisi d’une demande de réexamen en vertu dudit article 5, paragraphe 2, doit s’efforcer, dans un esprit de coopération loyale, de répondre à cette dernière dans un délai de deux semaines. |
Lorsque l’État membre requis ne répond pas dans ce délai de deux semaines à ladite demande, la procédure additionnelle de réexamen est définitivement close, de sorte que l’État membre requérant doit, à compter de l’expiration dudit délai, être considéré comme responsable de l’examen de la demande de protection internationale, à moins de disposer encore du temps nécessaire pour pouvoir introduire, dans les délais impératifs prévus à cet effet à l’article 21, paragraphe 1, et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 604/2013, une nouvelle requête de prise ou de reprise en charge. |
Signatures |
( *1 ) Langue de procédure : le néerlandais.