CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 11 avril 2018 ( 1 )

Affaire C‑600/16 P

National Iranian Tanker Company

contre

Conseil de l’Union européenne

« Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire – Gel des fonds – Recours en annulation – Décision de réinscription sur la liste après annulation, pour des raisons de fond, de la décision initiale d’inscription par les juridictions de l’Union – Article 266 TFUE – Principes généraux du droit de l’Union – Droits fondamentaux – Droit à un recours effectif – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 6, paragraphe 1, et article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »

I. Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Cour est une nouvelle fois appelée à se prononcer sur la conformité au droit de l’Union de mesures restrictives prises par le Conseil de l’Union européenne en vue d’amener la République islamique d’Iran à se conformer à ses obligations internationales en ce qui concerne ses activités de prolifération nucléaire ; l’une des questions soumises à la Cour est toutefois nouvelle. La mesure restrictive en cause consiste en une décision du Conseil de réinscrire une entité sur les listes des personnes et entités visées, ses fonds se trouvant ainsi gelés. Cette décision a été prise peu de temps après que le Tribunal de l’Union européenne avait constaté l’illégalité de la décision initiale d’inscription, obligeant ainsi le Conseil à « prendre les mesures que comporte l’exécution » de l’arrêt du Tribunal, conformément à l’article 266 TFUE. La question nouvelle qui se pose est dès lors la suivante : lorsque la réaction du Conseil consiste à réinscrire la même entité sur les listes, en se fondant sur le même critère de désignation dans un contexte factuel qui, en substance, n’a pas changé, cela viole-t-il, parmi d’autres principes de droit de l’Union, le droit de l’entité concernée à un recours effectif contre la décision initiale d’inscription, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ?

2.

Voici la question centrale qui se pose dans le cadre du pourvoi introduit par la National Iranian Tanker Company (ci-après « NITC ») contre l’arrêt du Tribunal du 14 septembre 2016, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑207/15, non publié, ci-après l’« arrêt NITC II », EU:T:2016:471) ; par cet arrêt, le Tribunal avait rejeté le recours en annulation introduit par NITC contre certains actes, réinscrivant NITC sur la liste des personnes et entités devant faire l’objet d’un gel des fonds et des ressources économiques dans le cadre des mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire (ci-après les « mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran »).

3.

Dans le cadre du premier moyen du pourvoi, NITC fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant, aux points 45 à 64 et 68 de l’arrêt NITC II, que la décision du Conseil la réinscrivant sur ladite liste ne violait pas les principes d’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique, de confiance légitime et du caractère définitif des décisions de justice, ni le droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la Charte.

4.

Au cœur de l’argumentation avancée par NITC est l’idée que, tant qu’il est permis au Conseil de donner une qualification nouvelle aux mêmes faits dans le but de satisfaire à un critère de désignation, alors que le Tribunal a jugé, par un arrêt définitif et revêtu de l’autorité de la chose jugée, que les faits allégués ne justifiaient pas la première inscription sur la liste et alors que la situation de fait n’a pas changé depuis cette première décision, le droit de l’intéressé à un recours réel et effectif serait vidé de son sens. Selon NITC, l’intéressé serait en effet obligé d’introduire une nouvelle procédure portant en substance sur les mêmes éléments de fait et de droit, ce qui est contraire au principe de l’État de droit.

5.

Pour réfuter les arguments avancés par NITC, le Conseil s’appuie avant tout sur les arrêts rendus dans les affaires Kadi ( 2 ), OMPI ( 3 ) et Interporc ( 4 ), et invoque le pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 266 TFUE en ce qui concerne les mesures à prendre après que le juge de l’Union a prononcé une annulation sur le fondement de l’article 264 TFUE.

6.

Ainsi que la Cour l’a demandé, les présentes conclusions se concentreront sur ce premier moyen du pourvoi.

7.

Il y a lieu de noter que la présente affaire est la première d’une série d’affaires actuellement pendantes devant la Cour, dans lesquelles un requérant soutient que, à tout le moins en matière de mesures restrictives, le système des recours devant les juridictions de l’Union doit être réinterprété à la lumière du droit à un recours effectif et à celle d’autres principes du droit de l’Union ( 5 ). La présente affaire offre donc l’occasion à la Cour de faire évoluer sa jurisprudence si cela est nécessaire pour assurer au justiciable une protection juridictionnelle effective dans l’Union.

II. Les antécédents du litige

8.

NITC est une société iranienne spécialisée dans le transport de pétrole brut et de gaz. Elle exploite une des plus grandes flottes de pétroliers au monde. Des pétroliers sont des navires conçus pour transporter du pétrole en vrac.

9.

À la suite de plusieurs résolutions arrêtant des mesures visant à amener la République islamique d’Iran à se conformer à ses obligations internationales en matière de prolifération nucléaire, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci‑après le « Conseil de sécurité ») a adopté le 9 juin 2010 la résolution 1929 (2010) (ci-après la « résolution 1929 »), laquelle a institué des mesures plus sévères à l’encontre de la République islamique d’Iran, « en notant le lien potentiel entre les recettes que l’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération» ( 6 ). Le 17 juin 2010, le Conseil européen a invité le Conseil à adopter des mesures mettant en œuvre la résolution 1929 ainsi que des mesures d’accompagnement, qui devaient entre autres porter sur les grands secteurs de l’industrie gazière et pétrolière ( 7 ).

10.

Le 26 juillet 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC ( 8 ). L’annexe II de cette décision contenait la liste des personnes et entités – autres que celles désignées au niveau des Nations unies – dont les fonds et ressources économiques étaient gelés ( 9 ).

11.

Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 ( 10 ), concernant des mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran, en réaction à sa préoccupation croissante concernant la nature du programme nucléaire mis en œuvre par la République islamique d’Iran ( 11 ). Le considérant 13 de la décision 2012/35 déclare que les mesures de gel des fonds « devraient être appliquées à l’égard d’autres personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes et entités apportant un soutien financier, logistique ou matériel au gouvernement iranien» ( 12 ).

12.

La décision 2012/35 a ainsi ajouté la disposition suivante à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, prévoyant le gel des fonds appartenant aux personnes et entités ci-après :

« c)

les autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II» ( 13 ).

13.

Le 23 mars 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 ( 14 ). En vue de mettre en œuvre l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 (telle que modifiée par la décision 2012/35 ( 15 )), l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 267/2012 prévoit que sont gelés les fonds et ressources économiques des personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX de ce règlement, qui ont été reconnus :

« d)

comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés» ( 16 ).

A.   La première inscription sur les listes

14.

Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 ( 17 ). Le Conseil a jugé nécessaire d’instaurer des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran, compte tenu du fait que cette dernière ne s’était pas engagée sérieusement dans des négociations afin de répondre aux préoccupations internationales relatives à son programme nucléaire ( 18 ). Le considérant 16 de cette décision précise qu’il convient d’inscrire « en particulier les entités détenues par l’État iranien se livrant à des activités dans le secteur du pétrole et du gaz » sur la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe II de la décision 2010/413, « étant donné qu’elles fournissent une source de revenus substantielle au gouvernement iranien ».

15.

À cette fin, l’article 1er, point 8, sous a), de la décision 2012/635 a remplacé l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, afin de prévoir que « d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II » feraient l’objet de mesures restrictives. L’article 2 de la décision 2012/635 a inscrit NITC à l’annexe II de la décision 2010/413, laquelle contenait la liste, entre autres, des personnes et entités appuyant le gouvernement iranien ( 19 ).

16.

Toujours le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 945/2012 ( 20 ), mettant en œuvre le règlement no 267/2012. Compte tenu de la situation en Iran, et conformément à la décision 2012/635, le Conseil a considéré qu’il convenait d’ajouter d’autres personnes et entités à la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives qui figure à l’annexe IX du règlement no 267/2012 ( 21 ). L’article 1er de ce règlement d’exécution a inscrit NITC à l’annexe IX du règlement no 267/2012, laquelle contenait la liste, entre autres, des personnes et entités appuyant le gouvernement iranien ( 22 ).

17.

NITC a été inscrite sur ces listes par la décision 2012/635 et le règlement d’exécution no 945/2012 en application du critère de désignation prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012 (ci-après la « première inscription »), pour les raisons suivantes :

« Effectivement contrôlée par le gouvernement iranien. Fournit un soutien financier au gouvernement iranien par l’intermédiaire de ses actionnaires qui entretiennent des liens avec le gouvernement. »

18.

Le 16 octobre 2012, NITC a été informée par le Conseil de la première inscription. Un échange de courriers entre NITC et le Conseil s’est ensuivi ( 23 ).

19.

Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 1263/2012 modifiant le règlement no 267/2012 ( 24 ). Le règlement 1263/2012 a, entre autres, remplacé l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012 par la disposition suivante : « comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou contrôlent ou des personnes et entités qui leur sont associées» ( 25 ). Le critère de désignation appliqué à NITC n’a donc pas été affecté.

20.

Le 27 décembre 2012, NITC a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision 2012/635 et du règlement d’exécution no 945/2012, pour autant que ces actes la concernaient.

B.   L’arrêt NITC I

21.

Par arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑565/12, ci-après l’« arrêt NITC I », EU:T:2014:608), le Tribunal a accueilli le premier moyen invoqué par NITC à l’appui de son recours, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil en considérant que NITC répondait au critère de désignation ( 26 ).

22.

Étant donné que l’arrêt NITC I est au centre de la présente affaire, j’estime utile de rappeler le raisonnement du Tribunal un peu plus en détail.

23.

Tout d’abord, le Tribunal a rejeté l’argument avancé par le Conseil lors de l’audience selon lequel l’implication de NITC dans le secteur iranien du pétrole et du gaz, par son activité de transport de pétrole brut produit en Iran, permettait à elle seule de prouver que NITC fournissait un appui financier au gouvernement iranien, au motif que le transport de pétrole n’avait aucun rapport avec l’existence alléguée de liens entre les actionnaires de NITC et le gouvernement iranien ( 27 ).

24.

Le Tribunal a également rejeté l’argument développé par le Conseil lors de l’audience selon lequel NITC était restée après sa privatisation sous le contrôle de la National Iranian Oil Company (ci-après « NIOC »), une entité entièrement détenue par l’État iranien et qui faisait également l’objet de mesures restrictives en raison du soutien financier apporté au gouvernement iranien. Pour ce faire, le Tribunal s’est fondé sur le fait que les motifs d’inscription du nom de NITC ne se référaient pas à un soutien financier indirect résultant des liens entre NITC et NIOC ( 28 ).

25.

Le Tribunal a par ailleurs déclaré : « En outre, et en tout état de cause, dans la mesure où les arguments susmentionnés du Conseil visent à établir que la requérante apporte un soutien financier indirect au gouvernement iranien, grâce à son activité de transport maritime de gaz et de pétrole, il y a lieu de constater que la réglementation applicable prévoit le critère relatif à la fourniture d’un appui financier au gouvernement iranien, et non celui de la fourniture d’un appui financier indirect. Or, contrairement aux allégations du Conseil, la seule circonstance que, par son activité de transport, la requérante soit impliquée dans le secteur du pétrole et du gaz iranien, lequel représente l’une des principales sources de revenus du gouvernement iranien, ne saurait être considérée comme couverte par le critère juridique relatif à la fourniture d’un appui financier à ce gouvernement» ( 29 ).

26.

Ensuite, en ce qui concerne la structure du capital de NITC, le Tribunal a constaté que ni les propositions d’inscrire son nom sur la liste présentées par trois États membres, ni les autres documents contenus dans le dossier du Conseil, n’identifiaient les actionnaires de NITC et ne renfermaient « le moindre indice » susceptible d’étayer les motifs invoqués par le Conseil ( 30 ). À cet égard, le Tribunal a jugé que le Conseil ne saurait invoquer certains arguments factuels – dont celui que les actions de NITC étaient détenues par trois fonds de pension de l’État, 33 % de son capital étant détenus par le State Pension Fund, 33 % par le Social Security Retirement Fund, et 33 % par le NIOC Pension and Savings Fund –, dans la mesure où ces arguments ne figuraient pas dans son dossier et n’avaient pas été communiqués à NITC en temps utile ( 31 ).

27.

Le Tribunal a par conséquent considéré que les éléments susceptibles d’être pris en considération ne contenaient aucun indice permettant d’étayer les motifs invoqués et a jugé qu’il convenait dès lors d’annuler la première inscription ( 32 ).

28.

En ce qui concerne les effets de cette annulation dans le temps, le Tribunal a rejeté la demande de NITC que l’annulation soit prononcée avec effet immédiat, car cela aurait permis à NITC de transférer tout ou partie de ses actifs hors de l’Union, sans que le Conseil pût le cas échéant appliquer en temps utile l’article 266 TFUE en vue de remédier aux irrégularités constatées dans l’arrêt, de sorte qu’une atteinte sérieuse et irréversible risquerait d’être causée à l’efficacité de tout gel d’avoirs susceptible d’être, à l’avenir, décidé par le Conseil à l’égard de NITC ( 33 ).

29.

Concernant l’application de l’article 266 TFUE, le Tribunal a précisé : « il y a lieu de relever que l’annulation par le présent arrêt de l’inscription du nom de la requérante sur les listes découle du fait que les motifs de cette inscription ne sont pas étayés par des preuves suffisantes […]. Bien qu’il appartienne au Conseil de décider des mesures d’exécution de cet arrêt, une nouvelle inscription du nom de la requérante ne saurait être exclue d’emblée. En effet, dans le cadre de ce nouvel examen, le Conseil a la possibilité de réinscrire le nom de la requérante sur la base de motifs étayés à suffisance de droit» ( 34 ).

30.

Dans ces conditions, le Tribunal a décidé que les effets des mesures restrictives en cause devaient être maintenus à l’égard de NITC, jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi fixé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ou, si un pourvoi était introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi ( 35 ).

31.

Le Conseil n’a pas formé pourvoi contre l’arrêt NITC I. L’annulation de la première inscription a par conséquent pris effet le 20 septembre 2014 ( 36 ).

C.   La deuxième inscription sur les listes

32.

Environ un mois plus tard, le Conseil a informé NITC, par un courrier daté du 23 octobre 2014, de ce qu’il avait l’intention de la réinscrire sur les listes en cause, sur le fondement du critère de désignation prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, visant les personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien. C’est sur la base de ce même critère de désignation qu’avait été prise la décision d’inscription annulée par le Tribunal par l’arrêt NITC I.

33.

Un échange de courriers entre NITC et le Conseil s’est ensuivi ( 37 ). Le Conseil a notamment adressé, le 27 octobre 2014, six courriers électroniques à NITC, contenant les pièces justificatives mentionnées dans sa lettre du 23 octobre 2014. Ces pièces justificatives comportaient des informations sur les fonds de pension actionnaires de NITC ainsi que sur les activités de transport de pétrole de NITC ; la majorité desdites pièces ne portaient pas de date officielle ( 38 ) et l’une d’entre elles avait été produite par le Conseil dans le cadre de l’affaire NITC I ( 39 ).

34.

Par courrier du 5 février 2015, le Conseil a fourni à NITC un extrait déclassifié de la proposition visant à la réinscrire sur les listes en cause (ci-après la « proposition de réinscription ») ( 40 ). Dans la section de la proposition de réinscription relative au soutien financier fourni au gouvernement iranien par l’intermédiaire des actionnaires de NITC appartenant à l’État ou contrôlés par le gouvernement, il était indiqué que, selon un document officiel de NITC daté du 21 août 2006, NITC appartenait à trois fonds de pension – le State Retirement Fund (33 %), la Social Security Organization (33 %) et l’Oil Industry Employees Retirement and Savings Fund (34 %) ; cette déclaration était précisée et étayée par des liens vers des informations publiquement accessibles et par plusieurs des documents justificatifs susmentionnés ( 41 ).

35.

Dans la section de la proposition de réinscription relative à la fourniture, par NITC, d’un soutien logistique au gouvernement iranien, consistant à transporter des produits pétroliers iraniens, il était indiqué que, selon une lettre adressée par NITC au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, NITC était l’une des premières compagnies de transport maritime au monde, dont les activités se limitaient au transport de pétrole brut ( 42 ). Les activités de transport de NITC étaient étayées en renvoyant au site Internet de NIOC et par un lien vers un article de l’Institute for the Study of War, paru au cours de l’année 2012, que le Conseil avait produit dans le cadre de l’affaire NITC I afin de prouver que NITC avait transporté près de la moitié du pétrole brut produit en Iran au cours de l’année 2011 ( 43 ). La proposition de réinscription déclarait que, comme le pétrole constituait pour le gouvernement iranien une source de revenus substantielle, son transport, par NITC, à destination des marchés d’exportation et sa livraison dans des ports et des îles étaient une préoccupation centrale de ce gouvernement concernant la logistique et faisaient partie intégrante du commerce de pétrole ( 44 ). Par ailleurs, selon la proposition de réinscription, des articles de presse indiquaient que le gouvernement iranien dépendait de NITC pour l’exportation de pétrole, cette déclaration étant assortie de liens vers cinq articles (dont trois antérieurs à la première inscription de NITC), ainsi que vers un article concernant les activités de transport de NITC consécutivement à l’arrêt NITC I ( 45 ).

36.

Dans ses écritures, NITC soutient que toutes les informations sur lesquelles le Conseil s’est appuyé lors de la réinscription sont et étaient accessibles au public ou avaient été fournies par NITC dans le cadre de sa correspondance avec l’Union européenne.

37.

Le 12 février 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/236 ( 46 ) modifiant la décision 2010/413 et le règlement d’exécution (UE) 2015/230 ( 47 ) mettant en œuvre le règlement no 267/2012. Par ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »), le Conseil a réinscrit NITC à l’annexe II de la décision 2010/413 ( 48 ) et à l’annexe IX du règlement no 267/2012 ( 49 ) en application du critère de désignation prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, visant les personnes et entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien. Ainsi que susmentionné, c’est sur ce même critère de désignation que se fondait la première inscription.

38.

NITC a été réinscrite sur les listes en cause par la décision 2015/236 et le règlement d’exécution 2015/230 (ci-après la « deuxième inscription ») pour les raisons suivantes :

« La National Iranian Tanker Company fournit un soutien financier au gouvernement iranien par l’intermédiaire de ses actionnaires, à savoir l’Iranian State Retirement Fund, l’Iranian Social Security Organization et l’Oil Industry Employees Retirement and Savings Fund qui sont des entités contrôlées par le gouvernement. En outre, la NITC est un des plus grands exploitants de transporteurs de pétrole brut dans le monde et un des principaux transporteurs de pétrole brut iranien. En conséquence, la NITC fournit un appui logistique au gouvernement iranien en transportant du pétrole iranien. »

39.

La réinscription du nom de NITC sur les listes en cause reposait donc sur deux motifs. Le premier motif était la fourniture, par NITC, d’un soutien financier au gouvernement iranien par l’intermédiaire de ses actionnaires. Il s’agit là du même motif que celui qui avait justifié la première inscription, mais les termes en ont été légèrement modifiés et les noms des trois fonds de pension actionnaires de NITC ont été ajoutés. Le second motif était relatif à la fourniture, par NITC, d’un soutien logistique au gouvernement iranien, consistant à exercer son activité économique, c’est-à-dire à transporter du pétrole iranien. Dans l’arrêt NITC I, le Tribunal avait jugé, en substance, que le seul fait que NITC transportait du pétrole iranien n’équivalait pas à la fourniture d’un soutien financier au gouvernement iranien ; il n’avait, en revanche, pas eu à se prononcer sur la question de la fourniture d’un soutien logistique ( 50 ).

40.

Le 16 février 2015, le Conseil a informé NITC de la deuxième inscription ( 51 ).

41.

Il convient de noter que, le 16 janvier 2016, la réinscription de NITC opérée par la décision (PESC) 2015/236 a été suspendue ( 52 ) et celle effectuée par le règlement d’exécution 2015/230 effacée ( 53 ) par le Conseil ( 54 ). Cela s’inscrit dans le contexte plus large du plan d’action global commun ( 55 ) conclu entre le groupe E3/EU+3 ( 56 ) et la République islamique d’Iran, qui apporte une solution à long terme à la question du nucléaire iranien et implique une levée générale des sanctions du Conseil de sécurité, de l’Union ainsi que nationales, liées au programme nucléaire iranien ( 57 ).

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt NITC II

42.

Le 24 avril 2015, NITC saisi le Tribunal d’un recours en annulation des actes attaqués pour autant qu’ils la concernaient.

43.

Le même jour, NITC a introduit une demande en référé en vue d’obtenir le sursis à l’exécution des actes attaqués pour autant qu’ils la concernaient.

A.   L’ordonnance du président du Tribunal dans l’affaire NITC II

44.

Par ordonnance du 16 juillet 2015, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑207/15 R, publiée par extraits, ci-après l’« ordonnance NITC II », EU:T:2015:535), le président du Tribunal a rejeté la demande de mesures provisoires de NITC, estimant que les conditions tenant à l’urgence et à la mise en balance des intérêts n’étaient pas satisfaites ( 58 ). Il a, en revanche, considéré que la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris était bien remplie, dès lors que le débat mené par les parties avait révélé l’existence d’une controverse juridique sur la portée de l’article 47 de la Charte et de l’article 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), dont il a rappelé qu’ils consacraient tous deux le droit à un recours effectif, c’est-à-dire à une protection juridictionnelle effective « en pratique comme en droit» ( 59 ).

45.

Comme, dans le cadre du présent pourvoi, les parties se réfèrent dans leur argumentation à l’ordonnance NITC II, je résumerai ci-après le raisonnement suivi par le président du Tribunal.

46.

Le président du Tribunal a notamment observé que, si le Conseil était autorisé à invoquer la jurisprudence relative à l’article 266 TFUE pour remédier à des constatations d’illégalité qui ont motivé l’annulation d’une mesure restrictive, en adoptant une nouvelle mesure ayant le même effet pratique que la précédente, et ce dans un contexte factuel qui n’a pas changé en substance, le Conseil serait en mesure de maintenir en vigueur, par l’introduction systématique de pourvois, une suite ininterrompue de telles mesures, et ce même sans que le contexte factuel à la base de ces mesures et annulations ait changé en substance ( 60 ).

47.

Le président du Tribunal a considéré que, dans ces conditions, il convenait de s’interroger sur le point de savoir si le respect du droit fondamental à un recours effectif n’exigeait pas d’introduire un élément de forclusion, obligeant le Conseil de faire état de l’ensemble des motifs d’inscription et des preuves lors de la première inscription, ce qui l’empêcherait, en cas de censure de ces motifs et preuves par le juge européen, de s’en servir pour justifier une réinscription de la même personne ou entité. Le président du Tribunal a souligné que le cas d’espèce semblait illustrer la nécessité de l’introduction d’un tel élément de forclusion, étant donné que l’activité économique de NITC consistant à transporter du pétrole iranien, tout comme la composition de son actionnariat, ne semblaient pas avoir changé entre la date de la première inscription, en 2012, et celle de la réinscription, en 2015. Il a également observé que les preuves invoquées par le Conseil à l’appui de la réinscription dans ses observations étaient antérieures à la première inscription de NITC sur les listes en cause, à l’exception d’un document qui y était postérieur, mais ne contenait pas d’information nouvelle ( 61 ).

48.

Le président du Tribunal a par ailleurs précisé qu’il n’était pas possible à NITC d’invoquer l’autorité de la chose jugée de l’arrêt NITC I, au sens strict du terme, étant donné que, eu égard à sa date d’adoption, la décision de réinscription portait sur une autre période d’activité économique de NITC que la première inscription. Il a ajouté qu’il n’en demeurait pas moins que l’activité (consistant à transporter du pétrole iranien) était restée en substance inchangée et que la différence des périodes d’activité visées était le résultat de sa réinscription, opérée par le Conseil sur une base factuelle également en substance inchangée. Il pouvait donc être considéré que l’autorité de la chose jugée était uniquement exclue du fait que le Conseil avait prolongé artificiellement les mesures restrictives imposées à NITC, en faisant désormais état d’éléments qui auraient pu être invoqués lors de la première inscription. Le président du Tribunal a observé qu’une telle approche, même si elle n’était pas incompatible avec le concept de l’autorité de la chose jugée, pouvait contribuer à une violation du droit de NITC à un recours effectif ( 62 ).

49.

Le président du Tribunal a déclaré qu’il s’ensuivait, d’une part, que la jurisprudence relative à l’article 266 TFUE pourrait nécessiter, sous l’aspect du droit à un recours effectif, une interprétation restrictive. D’autre part, il pouvait être objecté que la portée du droit à un recours effectif ne devait pas être indûment limitée au seul recours en annulation assorti d’une demande de mesures provisoires, étant donné que l’intéressé avait la possibilité d’introduire un recours en indemnité. Il appartenait au Tribunal de statuer sur ce point dans le cadre de son arrêt sur le fond ( 63 ).

B.   L’arrêt du Tribunal dans l’affaire NITC II

50.

Par l’arrêt NITC II, le Tribunal a rejeté, dans son intégralité, le recours en annulation introduit par NITC.

51.

NITC avait avancé cinq moyens à l’appui de son recours, dont le premier, tiré de la violation des principes d’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique et de confiance légitime, ainsi que du droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte, nous intéresse ici ( 64 ). Le Tribunal a rejeté ce moyen pour les raisons suivantes.

52.

En premier lieu, en ce qui concerne le principe d’autorité de la chose jugée, le Tribunal a considéré que l’un des motifs ainsi que les éléments de preuve invoqués par le Conseil au soutien des actes attaqués étaient distincts de ceux qui avaient été soumis devant le Tribunal dans le cadre de la procédure qui avait donné lieu à l’arrêt NITC I et que la réinscription de NITC sur les listes en cause ne contrevenait donc pas à ce principe ( 65 ).

53.

Concernant le soutien financier, le Tribunal a constaté que le Conseil invoquait de nouvelles pièces qui ne figuraient pas dans le dossier lors de la première inscription et sur lesquelles le Tribunal n’avait pas statué dans l’arrêt NITC I ( 66 ). Il a considéré que, même si le Conseil s’appuyait sur des éléments de preuve portant, pour la plupart, une date antérieure à la première inscription, cette circonstance ne saurait être reprochée au Conseil, car l’obtention d’éléments de preuve étayant les motifs retenus à l’encontre d’une personne ou d’une entité se révélait parfois difficile pour le Conseil étant donné, notamment, que ce dernier dépendait de la diligence des États membres dans la communication de ces éléments ( 67 ). Il se pourrait dès lors que le Conseil obtienne les éléments nécessaires pour étayer les motifs d’une inscription postérieurement à la date à laquelle cette inscription avait été décidée ; si cette circonstance ne purgeait pas la première décision d’inscription de son irrégularité, elle pouvait cependant suffire à rendre légale une décision ultérieure de réinscription adoptée sur la base des mêmes motifs que ceux retenus lors de la première inscription, pour autant que les éléments de preuve obtenus par le Conseil étayent à suffisance de droit lesdits motifs ( 68 ).

54.

Par ailleurs, concernant le soutien logistique, le Tribunal a observé que, bien que les circonstances factuelles qui soutenaient ce motif, à savoir les activités de NITC dans le transport de pétrole iranien, eussent été invoquées par le Conseil lors de l’audience dans l’affaire NITC I à l’appui du motif relatif au soutien financier, le Tribunal n’avait aucunement examiné dans l’arrêt NITC I si l’implication de NITC dans le secteur iranien de l’énergie pouvait constituer un appui logistique au gouvernement iranien ( 69 ). Le Tribunal a également rejeté l’argument avancé par NITC selon lequel le Conseil aurait dû invoquer le soutien logistique lors de la première inscription, étant donné qu’un seul motif suffisait pour justifier l’inscription d’une personne ou d’une entité sur les listes en cause ; le Conseil était donc libre de retenir le motif qu’il estimait le plus pertinent, sans qu’une éventuelle erreur commise dans le choix de ce motif ne pût l’empêcher de retenir ultérieurement un motif qu’il aurait pu invoquer lors de la première inscription ( 70 ).

55.

En deuxième lieu, en ce qui concerne les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, le Tribunal a jugé que, bien que le Conseil n’ait pas introduit de pourvoi contre l’arrêt NITC I et n’ait pas réinscrit NITC sur les listes en cause dans le délai de pourvoi, ces circonstances ne sauraient avoir fait naître chez NITC d’espérance fondée que son nom ne serait pas réinscrit sur lesdites listes ; par ailleurs, le Conseil n’était pas obligé de procéder à la réinscription dans ce délai ( 71 ).

56.

En dernier lieu, en ce qui concerne le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte, le Tribunal a déclaré que la réinscription de NITC ne remettait aucunement en cause l’effectivité du recours introduit dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt NITC I ( 72 ). Il en allait ainsi pour trois raisons.

57.

Premièrement, la première inscription avait été éliminée rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union, de sorte que NITC était censée n’avoir jamais été inscrite sur les listes en cause pour la période antérieure à l’arrêt NITC I ( 73 ).

58.

Deuxièmement, aucun des principes invoqués par NITC (autorité de la chose jugée, confiance légitime et sécurité juridique) ne s’opposait à sa réinscription ; pour autant que les éléments de preuve retenus à l’encontre de NITC fussent suffisants pour justifier sa réinscription, l’annulation de la première inscription ne saurait constituer un élément susceptible de remettre en cause la légalité de la réinscription ( 74 ).

59.

Troisièmement, l’annulation de la première inscription par l’arrêt NITC I pouvait constituer le fondement d’un recours en responsabilité ( 75 ). Le Tribunal a souligné que, lorsque le Conseil décidait de réinscrire le nom d’une personne ou d’une entité à la suite d’un arrêt annulant la première inscription, il devait faire preuve d’une « rigueur particulière » lors de son réexamen afin de s’assurer que la décision de réinscription ne fût pas affectée des mêmes irrégularités que celles constatées dans l’arrêt d’annulation et d’éviter que la personne ou l’entité concernée ne fût, pour une deuxième fois, soumise injustement à des mesures restrictives ( 76 ). Par conséquent, le Tribunal a déclaré que, s’il devait être constaté que la réinscription de NITC était entachée des mêmes irrégularités que celles relevées dans l’arrêt NITC I, le manquement du Conseil à son « obligation de rigueur » pourrait être pris en considération dans l’appréciation de l’illégalité du comportement de ce dernier lors d’un recours en responsabilité ultérieur ; le constat de l’illégalité de la première inscription par le Tribunal dans cet arrêt pourrait ainsi être de nature à faciliter l’obtention de dommages et intérêts par NITC du fait des inscriptions subséquentes et injustifiées ( 77 ).

IV. La procédure devant la Cour

60.

Par son pourvoi, introduit le 24 novembre 2016, NITC demande à la Cour d’annuler l’arrêt NITC II ainsi que les actes attaqués pour autant qu’ils concernent NITC ; à titre subsidiaire, elle conclut à ce que l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tels que modifiés, soient déclarés inapplicables pour autant qu’ils s’appliquent à NITC, car entachés d’illégalité. NITC demande également à la Cour de condamner le Conseil aux dépens, tant de première instance que du pourvoi.

61.

Le Conseil conclut au rejet du pourvoi ; à titre subsidiaire, il conclut à ce que, si la Cour décide d’annuler l’arrêt NITC II et de statuer elle-même définitivement sur le litige, il lui plaise de rejeter le recours en annulation et en déclaration d’inapplicabilité. Le Conseil demande enfin à la Cour de condamner NITC aux dépens du pourvoi.

62.

NITC et le Conseil ont participé à l’audience qui a eu lieu le 24 janvier 2018.

V. Sur le premier moyen, tiré de la violation des principes d’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique, de confiance légitime et du caractère définitif des décisions de justice, ainsi que du droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte

A.   L’argumentation des parties

63.

Par son premier moyen, NITC invite la Cour à faire évoluer sa jurisprudence de sorte à encadrer l’exercice de ses pouvoirs de désignation par le Conseil par certaines limites, afin qu’il lui soit impossible de rétablir des mesures restrictives à l’encontre d’une personne ou d’une entité en se fondant sur le même critère de désignation et les mêmes allégations factuelles que celles qui ont déjà été écartées pour des raisons de fond par le juge européen dans un précédent arrêt. NITC soutient que cela est nécessaire pour garantir le droit à un recours effectif que l’article 47 de la Charte reconnaît à l’intéressé. Si non, le Conseil serait en mesure de retenir ou de « mettre de côté » des éléments de droit et de fait, et de commettre ainsi un abus de procédure, qui aurait pour effet de priver l’intéressé de son droit à un recours effectif en ce qui concerne l’arrêt annulant la première inscription. Le droit positif actuel entraîne un « contentieux en boucle » et contraint l’intéressé à saisir la justice encore et encore. Par ailleurs, compte tenu des conditions très strictes de la responsabilité non contractuelle et du fait que les juridictions de l’Union ont refusé d’ordonner la suspension provisoire des mesures restrictives, NITC soutient qu’il est d’autant plus important que la Cour donne son plein effet au droit à un recours effectif dans le cadre de la présente procédure.

64.

NITC souligne en premier lieu les circonstances particulières de la présente affaire, dans laquelle : 1) NITC a obtenu un arrêt définitif et contraignant du Tribunal, annulant la première inscription pour des raisons de fond ; 2) les allégations factuelles avancées à l’encontre de NITC n’ont matériellement pas changé depuis la procédure qui a donné lieu à cet arrêt définitif, et 3) les éléments de preuve supplémentaires utilisés pour justifier la réinscription de NITC et qui n’avaient pas été invoqués lors de la première inscription étaient à la disposition du Conseil, qui aurait pu se les procurer à tout moment en faisant preuve d’une diligence raisonnable.

65.

NITC observe à cet égard que les allégations factuelles avancées à l’appui de sa réinscription sont les mêmes que celles invoquées en vain par le Conseil pour justifier la première inscription, à savoir que NITC fournit un appui au gouvernement iranien parce que, premièrement, ses actionnaires (des fonds de pension iraniens) sont prétendument contrôlés par ce gouvernement et, deuxièmement, elle est un transporteur clé de pétrole iranien qui fournit une source de revenus substantielle au gouvernement iranien. Selon NITC, le Conseil s’est borné à « réétiqueter » les mêmes faits allégués, les qualifiant désormais de soutien logistique au lieu de soutien financier. NITC affirme que, compte tenu du caractère non exhaustif de la liste des différents types de soutien susceptibles d’être fournis au gouvernement iranien aux fins du critère de désignation en cause, le Conseil pourrait continuer à la réinscrire sur les listes en cause sur la base des mêmes allégations factuelles en utilisant à chaque fois une étiquette différente, quel que soit le nombre de fois qu’elle aurait obtenu gain de cause devant le Tribunal.

66.

Par ailleurs, NITC fait valoir que toutes les informations sur lesquelles le Conseil s’est appuyé au moment de la réinscription étaient contenues dans des documents accessibles au public sur Internet ou avaient été fournies par NITC dans le cadre de sa correspondance avec l’Union. NITC soutient par ailleurs, en ce qui concerne les documents dont le Conseil pouvait disposer avant la première inscription, que le Conseil et les États membres sont tenus d’une obligation réciproque de coopération loyale et que le Conseil doit dès lors s’assurer que les États membres ont collecté tous les éléments de preuve disponibles afin que le Conseil puisse faire valoir l’ensemble de ses arguments au moment de la première inscription.

67.

En deuxième lieu, NITC estime qu’il convient de suivre la suggestion de faire de la jurisprudence relative à l’article 266 TFUE une interprétation restrictive, faite par le président du Tribunal dans l’ordonnance NITC II. Cela implique d’imposer un délai de forclusion, ce qui oblige le Conseil à faire état de toutes les raisons et éléments de preuve lors de la première inscription et lui interdit de les invoquer pour réinscrire la même personne ou entité, ce qui est aux yeux de NITC la seule approche correcte. NITC reproche au Tribunal de ne pas avoir abordé ces aspects dans l’arrêt NITC II et d’avoir interprété le droit à un recours effectif de manière étroite. En ce qui concerne l’article 266 TFUE, NITC conteste également l’affirmation du Conseil selon laquelle, avec le recul et à la lumière de l’arrêt NITC I, il a examiné l’activité économique de transport de pétrole de NITC sous l’angle de la fourniture d’un soutien logistique ; pour cela, elle fait valoir que la Conseil avait déjà avancé en vain des arguments fondés sur cette activité, à propos de la fourniture d’un soutien financier, dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à cet arrêt.

68.

En troisième lieu, NITC considère que, bien que, à strictement parler, il n’y ait pas eu de violation du principe d’autorité de la chose jugée, le droit à un recours effectif et les autres principes qu’elle invoque exigent que, sauf intérêt public impérieux, le Conseil « [fasse] valoir tous ses arguments » pour qu’ils soient tous débattus dans le cadre d’une même procédure ( 78 ). Elle souligne que cette cause de forclusion ne serait donc pas absolue et que, même s’il était possible que la personne concernée se trouve dans certains cas indûment avantagée, cette solution ne serait pas différente de l’approche adoptée par la Cour au sujet d’autres types d’obstacles procéduraux, tels que des délais ; en tout état de cause, les conséquences résultant pour les particuliers de l’absence de limites de ce type sont particulièrement graves s’agissant de procédures relatives à des mesures restrictives.

69.

En quatrième lieu, NITC relève que le Conseil ne tente pas d’expliquer ou de justifier son comportement dans le cadre de la réinscription de NITC, et soutient que le Conseil ne peut pas tirer argument des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc.

70.

En cinquième lieu, NITC attire l’attention de la Cour sur la jurisprudence de la Cour EDH relative à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 13 de la CEDH ; elle souligne que le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte doit l’être « en pratique comme en droit ».

71.

Le Conseil réfute l’affirmation de NITC, selon laquelle les principes d’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique, de confiance légitime et du caractère définitif des décisions de justice, ainsi que le droit à un recours effectif, font en l’espèce obstacle à l’adoption de la décision de réinscription.

72.

Le Conseil avance en premier lieu, s’appuyant sur les arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc, qu’il n’est nullement exigé que le Conseil invoque tous les motifs possibles et éléments de preuve lors de la première inscription ou que la motivation d’une nouvelle décision d’inscription soit limitée à des faits ou circonstances postérieurs ou à des éléments de preuve qui ne sont devenus disponibles qu’après l’inscription initiale.

73.

En deuxième lieu, le Conseil rappelle que, en vertu de l’article 266 TFUE, il appartient à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’une juridiction de l’Union. Le Conseil souligne à cet égard que c’est au Conseil et non au Tribunal ou à la Cour qu’il appartient d’examiner tous les faits susceptibles d’être pertinents et de décider s’il convient de réinscrire l’intéressé sur les listes. Le Conseil observe par ailleurs que la portée de cet examen en application de l’article 266 TFUE diffère de ce qui peut être le cas dans les systèmes de common law et que la jurisprudence concernant l’article 266 TFUE en matière de mesures restrictives ne saurait être limitée, comme NITC tente de le faire.

74.

En troisième lieu, le Conseil conteste l’affirmation avancée par NITC, selon laquelle il s’est borné à requalifier les mêmes faits de soutien financier en soutien logistique, et fait valoir que le soutien logistique est un motif parfaitement distinct. Le Conseil déclare qu’il tire des leçons de la jurisprudence en matière de mesures restrictives et que, avec le recul, il aurait dû examiner le motif du soutien logistique lors de la première inscription. Il estime toutefois qu’il pouvait raisonnablement analyser le support fourni par NITC comme étant un support financier à travers le lien avec ses actionnaires, raison pour laquelle il avait visé ce motif lors de la première inscription, et qu’il n’est pas tenu de préciser tous les différents types de soutien qu’une entité donnée peut être considérée fournir au gouvernement iranien.

75.

En quatrième lieu, le Conseil maintient qu’il ne commet pas d’abus en prenant des décisions de réinscription, ainsi qu’en atteste sa pratique concernant les mesures restrictives à l’encontre de la République islamique d’Iran. Il rappelle également qu’un recours en responsabilité est ouvert à l’intéressé dans l’hypothèse où le Conseil adopterait une décision de réinscription passant outre un précédent arrêt d’une juridiction de l’Union.

76.

En cinquième lieu, le Conseil affirme que l’ordonnance NITC II s’est bornée à constater qu’il existait entre les parties une controverse juridique qui devait donner lieu à un examen dans le cadre de la procédure au fond ; elle n’a pas jugé que la décision de réinscription violait le droit de NITC à un recours effectif.

B.   Analyse

77.

À l’issue de mon analyse, je conclurai qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen. Si je suis d’avis qu’il n’est pas possible de trancher la présente affaire par simple application de la jurisprudence telle qu’elle résulte des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc et que les mesures restrictives prises par le Conseil trouvent une limite en le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte, eu égard à la jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH, je ne considère pas que le Tribunal ait commis une erreur de droit en jugeant que la décision de réinscription respectait le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte ou ait commis une autre erreur dans son application du droit de l’Union.

78.

Mon analyse se fera en trois étapes.

79.

Je commencerai par quelques observations liminaires afin de tracer le contour des problèmes de droit sur lesquels la Cour devra statuer dans le cadre du présent pourvoi.

80.

J’examinerai par la suite l’application de la jurisprudence, telle qu’elle résulte des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc, au regard des faits de la présente affaire.

81.

Je me pencherai, enfin, sur le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte, eu égard à : a) la jurisprudence de la Cour concernant l’article 266 TFUE, b) la jurisprudence pertinente de la CEDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH, et c) leur application au regard des faits de la présente affaire.

1. Observations liminaires

82.

À première vue, les questions soulevées par ce premier moyen du pourvoi se présentent sous une apparence de simplicité trompeuse ( 79 ). La jurisprudence de la Cour concernant les principes d’autorité de la chose jugée, de sécurité juridique et de confiance légitime est bien établie et, d’après moi, le Tribunal en a fait une application correcte dans l’arrêt NITC II. Par ailleurs, il ne saurait être soutenu que NITC n’aurait pas pu accéder à un tribunal et obtenir un contrôle juridictionnel des actes attaqués au sens où l’entend la jurisprudence de la Cour concernant le droit à un recours effectif ( 80 ). En outre, la jurisprudence de la Cour relative à l’article 266 TFUE, aux termes duquel il appartient à l’institution dont émane l’acte qui vient d’être annulé par un arrêt d’une juridiction de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution de cet arrêt ( 81 ), reconnaît à cette institution un pouvoir d’appréciation quant à la manière dont il convient de réagir ( 82 ).

83.

À y regarder de plus près, les questions soulevées par le présent pourvoi se révèlent cependant plus délicates et complexes.

84.

Pour le dire simplement, la présente affaire exige de s’interroger sur la question de savoir si le pouvoir d’appréciation dont une institution de l’Union jouit dans le cadre de l’article 266 TFUE en ce qui concerne la façon de remédier aux illégalités identifiées dans un arrêt d’une juridiction de l’Union se trouve limité par le droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la Charte, lu à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH. La décision de réinscrire NITC sur les listes en cause prise en l’espèce par le Conseil après l’annulation de la première inscription par le Tribunal pose cette question avec acuité.

85.

La question centrale soulevée par la présente affaire est donc, d’après moi, essentiellement de savoir si la Cour doit affiner sa jurisprudence concernant l’article 266 TFUE à la lumière du droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte, de sorte à assurer aux particuliers une protection juridictionnelle effective dans les litiges portant sur des décisions de réinscription, et peut-être même plus largement encore.

86.

La présente affaire concerne également l’interprétation de certains principes invoqués par NITC – autorité de la chose jugée, sécurité juridique, confiance légitime ainsi que le caractère définitif des décisions de justice. Compte tenu notamment des observations faites lors de l’audience par le représentant de NITC, je considère que ces allégations sont de simples branches de l’argument selon lequel NITC devait, en vertu de l’article 47 de la Charte, bénéficier d’un recours effectif contre la décision procédant à sa première inscription, mais en a été privée. Je les examinerai donc uniquement dans la mesure où elles revêtent de la pertinence aux fins de l’argumentation de NITC concernant l’article 47 de la Charte.

2. Les arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc et les faits de la présente affaire

87.

Je considère qu’il n’est pas possible de trancher la présente affaire par simple application de la jurisprudence telle qu’elle résulte des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc ; les raisons en sont les suivantes.

88.

Premièrement, dans l’arrêt Kadi I ( 83 ), qui concernait le contrôle juridictionnel de mesures restrictives prises par l’Union pour mettre en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la Cour a jugé, entre autres, que, comme le Conseil n’avait informé M. Kadi ni des motifs de son inscription sur la liste alors en cause, ni des éléments de preuve sur lesquels cette inscription reposait, et ne lui avait pas accordé le droit à être entendu, les droits fondamentaux de la défense et à un contrôle juridictionnel effectif de M. Kadi avaient été violés et une restriction injustifiée avait été apportée à son droit fondamental de propriété ( 84 ). Par conséquent, elle a annulé les mesures en cause pour autant qu’elles concernaient M. Kadi, mais leur effet a été maintenu pour une période d’une durée maximale de trois mois afin de permettre au Conseil de remédier aux violations constatées ( 85 ).

89.

Afin de remédier aux violations susmentionnées, la Commission a transmis à M. Kadi le résumé des motifs relatifs à son inscription sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives fourni par le Conseil de sécurité et lui a donné l’occasion de faire valoir ses observations sur ces motifs ; après examen de ces observations, la Commission a considéré que l’inscription de M. Kadi sur la liste alors en cause était justifiée et a donc maintenu son nom sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, en raison de ses liens avec le réseau Al-Qaida ( 86 ). Autrement dit, M. Kadi n’a jamais été désinscrit de la liste, comme l’a été NITC.

90.

M. Kadi a par la suite contesté les mesures restrictives maintenant son inscription sur la liste, que le Tribunal a annulées ( 87 ). Sur pourvoi introduit par la Commission, le Conseil et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord devant la Cour pour contester l’arrêt du Tribunal accueillant le recours en annulation, la Cour ( 88 ), qui a rejeté le pourvoi, a de nouveau dû se prononcer sur des questions relatives au contrôle juridictionnel de mesures restrictives prises par l’Union afin de mettre en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité et notamment sur la question de savoir si le respect des droits fondamentaux de M. Kadi nécessitait de divulguer les informations et éléments de preuve sur lesquels son inscription sur la liste en cause reposait, étant donné que la Commission avait maintenu son inscription sur la base d’un résumé des motifs fourni par le Conseil de sécurité ( 89 ). La Cour a jugé que, en ce qui concernait l’un des motifs, bien que les éléments invoqués relatifs à des faits supposés avoir eu lieu durant l’année 1992 auraient pu être suffisants pour justifier l’inscription initiale, en 2002, de M. Kadi sur la liste en cause, ces mêmes éléments, non autrement étayés, ne pouvaient pas justifier le maintien de l’inscription après 2008, eu égard à la distance temporelle qui séparait les deux actes ( 90 ).

91.

Par conséquent, comme la décision d’inscription en cause dans la procédure qui a donné lieu à l’arrêt Kadi I ne contenait aucune motivation, la Cour a contrôlé dans l’arrêt Kadi II pour la première fois les motifs et éléments de preuve invoqués par l’institution de l’Union concernée pour justifier le maintien de l’inscription de M. Kadi sur la liste alors en cause. Dans cet arrêt, la Cour n’a donc pas procédé au contrôle de la légalité d’une décision de réinscription prise par le Conseil sur la base de motifs et d’allégations factuelles sur lesquels les juridictions de l’Union avaient déjà statué dans le cadre d’un précédent recours en annulation.

92.

Deuxièmement, l’arrêt OMPI II ( 91 ) n’a pas donné lieu à un arrêt de la Cour sur pourvoi et ne la lie pas.

93.

Cela étant, dans ladite affaire, l’entité désignée avait introduit un recours en annulation contre la décision de réinscription prise par le Conseil dans le cadre de mesures restrictives prises par l’Union de manière autonome en vue de combattre le terrorisme. Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutenait que la décision de réinscription contrevenait à l’article 266 TFUE et au précédent arrêt du Tribunal ( 92 ), par lequel ce dernier avait annulé la décision initiale d’inscription pour défaut de motivation (un vice de forme) et violation des droits de la défense (un vice de procédure) ( 93 ). La requérante faisait notamment valoir que la décision de réinscription était fondée sur la même décision nationale et sur les mêmes éléments de preuve que la décision précédente et que, eu égard aux principes de sécurité juridique et de confiance légitime, le Conseil n’était pas en droit de « recycler » ainsi de tels éléments pour former la base de la décision de réinscription ( 94 ).

94.

Le Tribunal a rejeté ce moyen, déclarant : « À cet égard, il suffit de relever que l’annulation d’un acte pour vices de forme ou de procédure ne porte aucunement préjudice au droit de l’institution auteur de cet acte d’adopter un nouvel acte en se fondant sur les mêmes éléments de fait et de droit que ceux qui avaient été à la base de l’acte annulé, pour autant qu’elle respecte, à cette occasion, les règles de forme ou de procédure dont la violation a été sanctionnée et que la confiance légitime des intéressés soit dûment respectée» ( 95 ). Le Tribunal a également jugé que la circonstance que la décision de réinscription soit fondée sur la même décision nationale et sur les mêmes éléments de preuve que la décision précédente serait, à la supposer établie, sans incidence sur la légalité de cette décision et que la confiance légitime de la requérante avait été respectée ( 96 ).

95.

L’arrêt OMPI II portait donc uniquement sur une situation dans laquelle la décision d’inscription initiale avait été annulée pour des vices de forme et de procédure. Ce n’est pas le cas de la première inscription en cause dans le cadre du présent pourvoi, qui a été annulée pour des raisons de fond ( 97 ). Par ailleurs, comme la décision d’inscription initiale était dépourvue de toute motivation, c’est dans l’arrêt OMPI II que le Tribunal a examiné pour la première fois les motifs et éléments de preuve invoqués dans la décision de réinscription.

96.

Troisièmement, l’arrêt Interporc ( 98 ) est afférent à l’accès aux documents des institutions de l’Union, et plus spécifiquement à ceux de la Commission en application de son code de conduite de l’époque ( 99 ). Le litige avait pour origine une demande de la requérante d’accéder à certains documents qui avaient amené les autorités nationales à recouvrer des droits à l’importation à son égard ( 100 ). Consécutivement au rejet de la demande initiale de la requérante, le secrétaire général de la Commission a pris une décision rejetant sa demande confirmative en invoquant l’exception relative à la protection de l’intérêt public (procédures juridictionnelles) ( 101 ) ; cette dernière décision a été annulée par le Tribunal en raison du caractère insuffisant de sa motivation ( 102 ).

97.

En exécution de cet arrêt, conformément à l’article 266 TFUE, le secrétaire général a adopté une nouvelle décision, rejetant une nouvelle fois la demande confirmative, mais pour d’autres motifs, invoquant un motif nouveau (la règle dite de l’auteur) ( 103 ), tout comme la protection de l’intérêt public (procédures juridictionnelles) ( 104 ). La requérante a introduit un recours en annulation contre cette nouvelle décision, en invoquant, entre autres, qu’elle ne pouvait pas être fondée sur des motifs qui n’avaient pas été considérés dans la décision initiale ( 105 ).

98.

La Cour, statuant sur pourvoi, a rejeté cet argument dans l’arrêt Interporc. Après avoir rappelé la jurisprudence relative à l’article 266 TFUE, la Cour a jugé que, dès lors que les effets du premier arrêt impliquaient que la décision initiale n’avait jamais existé et que le secrétaire général était tenu, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre une nouvelle décision, c’était à bon droit que le Tribunal avait jugé que le secrétaire général pouvait procéder à un réexamen complet des demandes d’accès et, par conséquent, invoquer dans la décision subséquente des motifs autres que ceux sur lesquels il avait fondé la décision initiale et, notamment, la règle de l’auteur ( 106 ). La Cour a par ailleurs dit pour droit que la possibilité d’un réexamen complet impliquait également que le secrétaire général n’était pas censé reprendre, dans la décision subséquente, tous les motifs de rejet pour adopter une décision assurant une exécution correcte de l’arrêt d’annulation, mais qu’il devait seulement se fonder sur ceux qu’il considérait, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, comme devant être appliqués en l’espèce ( 107 ).

99.

Par conséquent, s’il semble possible de tirer argument de l’arrêt Interporc pour considérer que le Conseil dispose d’un pouvoir d’appréciation pour invoquer un motif nouveau (en l’occurrence, le soutien logistique) à l’appui de la réinscription de NITC sur les listes en cause, j’estime que cet arrêt est dépourvu de pertinence dans le cadre du présent pourvoi, et ce pour trois raisons.

100.

Premièrement, l’arrêt Interporc s’inscrit dans un contexte différent, celui de l’accès aux documents des institutions de l’Union (à ses tout débuts, qui plus est) ; or, la législation de l’Union et les objectifs à atteindre dans ce domaine diffèrent de ceux de la politique étrangère et de sécurité commune, domaine auquel appartiennent les mesures restrictives adoptées par l’Union. En outre, les conséquences directes pour la situation juridique de l’intéressé sont, d’après moi, plus graves lorsqu’il s’agit de mesures restrictives prises à son égard. Comme la Cour l’a reconnu, le gel des fonds a des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur les droits et libertés de la personne concernée ( 108 ).

101.

Deuxièmement, les arguments juridiques invoqués devant la Cour dans l’affaire Interporc diffèrent de ceux avancés dans le cadre du présent pourvoi ; en particulier, aucune violation du droit à un recours effectif n’avait été alléguée dans l’affaire Interporc ( 109 ). Cela n’a à mes yeux rien de surprenant, étant donné que l’arrêt Interporc a été rendu le 6 mars 2003, presque sept ans avant que la Charte se voie conférer un caractère contraignant (avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009) et, partant, à une époque à laquelle la jurisprudence de la Cour concernant la Charte n’était pas encore pleinement développée. Cela dit, je voudrais souligner que cet arrêt ainsi que plusieurs autres arrêts rendus dans le même domaine ont été critiqués en dehors de toute considération relative à la Charte, en raison de ce qui a été appelé le contentieux « en boucle » devant les juridictions de l’Union, résultant de la combinaison du fait que, conformément à cette jurisprudence, les institutions de l’Union sont en droit d’invoquer une seule exception au droit d’accès à la fois, et du fait que l’article 263 TFUE ne permet pas aux juridictions de l’Union d’adresser à l’institution concernée une injonction de produire le document demandé ( 110 ).

102.

Troisièmement, l’arrêt Interporc ne concernait pas un cas où une institution a adopté une décision parfaitement nouvelle, fondée sur un motif reposant sur des allégations de fait qui avaient été expressément rejetées par un précédent arrêt d’annulation.

103.

Dans ces conditions, je ne suis pas convaincu qu’il soit possible de tirer des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc des enseignements clairs en ce qui concerne la décision de réinscription prise par le Conseil en cause dans le cadre du présent pourvoi.

3. Sur le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte et son application au regard des faits de la présente affaire

104.

L’article 47, premier alinéa, de la Charte énonce que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues à cet article. L’article 47, deuxième alinéa, de la Charte édicte d’autres droits concernant la procédure, dont celui à accéder à un tribunal impartial.

105.

Pour commencer, je rappellerai que, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, le Conseil est lié par les dispositions de cette dernière. Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le sens et la portée du droit à un recours effectif et du droit à accéder à un tribunal impartial en vertu de l’article 47 de la Charte doivent être les mêmes que ceux que leur confèrent l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH ( 111 ). Ils sont définis non seulement par le texte de la CEDH, mais aussi par la jurisprudence de la Cour EDH, à la lumière de laquelle il convient d’interpréter l’article 47 de la Charte ( 112 ).

106.

Par voie de conséquence, le Conseil est lié par l’article 47 de la Charte lorsqu’il adopte des mesures restrictives, comme il l’est pour tout autre acte de l’Union. Par ailleurs, le respect de l’article 47 de la Charte par le Conseil concernant des mesures restrictives sera apprécié au regard de la jurisprudence pertinente de la Cour EDH relative à l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH. J’examinerai les principes dégagés dans le cadre de cette dernière jurisprudence, ainsi que la jurisprudence de la Cour concernant l’article 266 TFUE.

a) La jurisprudence de la Cour concernant l’article 266 TFUE

107.

Ainsi que je l’ai déjà mentionné, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé en application de l’article 264 TFUE est tenue de prendre les mesures qu’implique l’exécution de l’arrêt d’annulation. Ces mesures n’ont pas trait à la disparition de l’acte de l’ordre juridique de l’Union, puisque cette disparition résulte de l’annulation même par le juge européen, mais concernent notamment l’anéantissement des effets produits par l’acte en question et qui sont affectés par les illégalités constatées ( 113 ).

108.

Ainsi que la Cour l’a jugé, pour s’acquitter de l’obligation de se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, qui lui incombe en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de cet arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif ( 114 ).

109.

Il est de même de jurisprudence établie que, afin de pouvoir s’acquitter de l’obligation que lui impose l’article 266 TFUE, l’institution concernée dispose d’un pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à adopter afin de donner plein effet à l’arrêt d’annulation, compte tenu des circonstances particulières du cas concret ( 115 ). La Cour a dit pour droit, de façon constante, qu’il n’appartient pas aux juridictions de l’Union de se substituer à l’institution concernée en précisant les mesures à adopter en vue d’exécuter leurs arrêts ( 116 ). L’article 266 TFUE est ainsi interprété comme interdisant aux juridictions de l’Union également d’adresser des injonctions à l’institution concernée aux fins de remédier à l’illégalité constatée dans l’arrêt d’annulation ( 117 ).

110.

Cependant, au regard de la jurisprudence de la Cour concernant l’article 266 TFUE, il est, à mes yeux, une chose de reconnaître à l’institution concernée un pouvoir d’appréciation quant à la manière dont elle choisit de corriger les illégalités constatées dans l’arrêt d’annulation. C’en est une autre si l’institution fait de cette faculté un usage qui vide l’article 47 de la Charte de sa substance.

b) La jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH

111.

Renvoyant à l’arrêt de la Cour EDH dans l’affaire Hornsby c. Grèce ( 118 ), le Tribunal a considéré dans l’arrêt NITC II que le droit à un recours effectif en matière de mesures restrictives serait « illusoire » si l’ordre juridique de l’Union permettait qu’un arrêt rendu par le juge de l’Union reste inopérant au détriment d’une partie et que l’exécution d’un arrêt du Tribunal devait dès lors être considérée comme faisant partie intégrante du « recours » aux fins du droit à un recours effectif inscrit à l’article 47 de la Charte ( 119 ). En effet, dans l’arrêt Hornsby c. Grèce, la Cour EDH a jugé que l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH consacrait le « droit à un tribunal », dont le droit d’accès constituait un aspect, et que l’on ne comprendrait pas que cet article décrive en détail les garanties de procédure – équité, publicité et célérité – accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires ( 120 ).

112.

En ce qui concerne la portée du droit à un procès équitable devant un tribunal, garanti par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour EDH a jugé que ce droit « doit s’interpréter à la lumière du préambule de la [CEDH], qui énonce la prééminence du droit comme élément du patrimoine commun des États contractants. Un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit est le principe de la sécurité des rapports juridiques, qui veut, entre autres, que la solution donnée de manière définitive à tout litige par les tribunaux ne soit plus remise en cause» ( 121 ). La Cour EDH a par ailleurs déclaré : « La sécurité juridique présuppose le respect du principe de l’autorité de la chose jugée […], c’est-à-dire du caractère définitif des décisions de justice. En vertu de ce principe, aucune partie ne peut solliciter la révision d’un jugement définitif et exécutoire à la seule fin d’obtenir un réexamen de l’affaire et une nouvelle décision à son sujet» ( 122 ).

113.

Concernant le principe d’autorité de la chose jugée, la Cour EDH a souligné que, « dans tous les systèmes juridiques, l’autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice est limitée tant ad personam que dans sa portée matérielle» ( 123 ) et qu’« il est de la responsabilité de l’État d’organiser le système juridique de telle sorte que des procédures connexes soient identifiées et fassent le cas échéant l’objet d’une jonction ou que l’introduction d’une nouvelle procédure ayant le même objet soit interdite, afin de prévenir que des décisions définitives fassent, dans le cadre d’une procédure parallèle, l’objet d’une révision, qui deviendrait un appel déguisé» ( 124 ).

114.

Dans sa jurisprudence relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, la Cour EDH s’est ainsi prononcée sur des affaires dans lesquelles un jugement qui était déjà définitif avait été annulé par une décision subséquente, et a tracé un cadre aux fins de l’application des principes de sécurité juridique et d’autorité de la chose jugée (du caractère définitif des décisions de justice), à l’intérieur duquel elle en a développé les différentes composantes.

115.

Par exemple, dans l’affaire Kehaya e.a. c. Bulgarie ( 125 ), la question de savoir si un terrain déterminé appartenait à l’État ou aux requérants a été réexaminée dans une procédure subséquente et a reçu une réponse différente ( 126 ). La Cour EDH a considéré que « le fait d’offrir une “deuxième chance” à l’État d’obtenir un réexamen d’un litige qui a déjà été tranché par un jugement définitif rendu à l’issue d’une procédure contradictoire » était « déséquilibré et source d’insécurité juridique» ( 127 ). Elle a dès lors jugé que les droits conférés aux requérants par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH étaient menacés, étant donné que la décision subséquente « avait réduit à néant l’entièreté d’une procédure judiciaire, qui s’était conclue par une décision de justice définitive […] laquelle, de surcroît, avait été exécutée» ( 128 ). En privant de tout effet de droit le jugement définitif qui avait été rendu à l’issue de la première procédure, les autorités publiques avaient violé le principe de sécurité juridique inhérent à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 129 ).

116.

Par ailleurs, l’arrêt Esertas c. Lituanie ( 130 ) concernait une situation, dans laquelle les prétentions n’étaient pas identiques, mais avaient trait à exactement la même relation juridique, et les mêmes faits étaient déterminants pour l’issue du litige ; seule la période visée par ces prétentions différait ( 131 ). La Cour EDH a jugé qu’« une situation dans laquelle des faits, qui ont déjà été établis par une décision définitive rendue à l’issue d’une première procédure, font ensuite l’objet d’une appréciation différente par les tribunaux dans le cadre d’une nouvelle procédure opposant les mêmes parties, est comparable à la situation où, à la suite d’une réouverture de la procédure, une décision contraignante et exécutoire est annulée dans son intégralité» ( 132 ). Elle a jugé que, par conséquent, ce type de situation pouvait également constituer une violation du principe de sécurité juridique et de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 133 ).

117.

En ce qui concerne le droit à un recours effectif, consacré à l’article 13 de la CEDH, la Cour EDH a souligné dans sa jurisprudence que, bien que la portée de cette disposition puisse varier en fonction de la nature du grief que le requérant fonde sur la CEDH, « le recours exigé par l’article 13 doit être “effectif” en pratique comme en droit, en ce sens particulièrement que son exercice ne doit pas être entravé de manière injustifiée par les actes ou omissions des autorités de l’État» ( 134 ) ou « en ce sens qu’ils auraient pu empêcher la survenance ou la continuation de la violation alléguée ou auraient pu fournir à l’intéressé un redressement approprié pour toute violation s’étant déjà produite» ( 135 ). La Cour EDH a ainsi conclu « que la décision définitive prenne la forme d’une décision judiciaire ou d’une décision administrative, le droit interne et la CEDH prévoient qu’elle doit être exécutée» ( 136 ). Par cette conclusion, la Cour EDH a tracé un arc rejoignant son arrêt Hornsby c. Grèce, susmentionné, et sa jurisprudence en ce domaine, dans laquelle elle a développé cette règle à partir de ce qu’il est convenu d’appeler le « droit à un tribunal », découlant de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ( 137 ).

118.

Eu égard à ce qui précède, j’observe que l’interprétation faite par la Cour EDH du droit à un procès équitable au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH tient compte de la nécessité de garantir la sécurité juridique en interdisant tout jugement subséquent, dont elle considère qu’il donnerait aux autorités publiques une « deuxième chance » de soumettre à la justice des questions en substance identiques à celles ayant donné lieu au premier jugement, même dans des situations dans lesquelles l’autorité de la chose jugée au sens strict n’est pas remise en cause. Par ailleurs, en prenant en considération l’efficacité du recours en pratique comme en droit, l’interprétation faite par la Cour EDH de l’article 13 de la CEDH met l’accent sur la nécessité d’assurer l’exécution du jugement et sur le fait que ce jugement doit être obtenu et mis en œuvre de façon utile et répondre de manière adéquate aux griefs du requérant. Je considère qu’il convient d’avoir égard à ces éléments lors de l’interprétation du droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte et de son application à la décision de réinscription en cause dans la présente affaire.

c) Application au regard des faits de la présente affaire

119.

Je suis par conséquent d’avis que, lu à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH, il convient d’interpréter l’article 47 de la Charte en ce sens qu’il limite le pouvoir d’appréciation dont dispose une institution de l’Union pour adopter, conformément à l’article 266 TFUE, des mesures afin de remédier à une illégalité constatée par un arrêt des juridictions de l’Union, dans une situation qui pourrait être considérée offrir à cette institution une « deuxième chance » de réexaminer des questions juridiques qui ont été tranchées dans cet arrêt, privant ainsi le justiciable de son droit à un recours effectif en ce qui concerne ledit arrêt ( 138 ). Je soulignerai que, conformément à l’article 47 de la Charte, les recours doivent être effectifs en pratique comme en droit.

120.

Contrairement à ce que soutient le Conseil, cette approche ne vise pas à apporter des limites à la jurisprudence de la Cour concernant l’article 266 TFUE en matière de mesures restrictives. Au contraire, elle assure de façon plus générale la parfaite conformité du régime des mesures d’exécution des arrêts mis en place par l’article 266 TFUE à l’article 47 de la Charte.

121.

En outre, la possibilité d’introduire une action en dommages et intérêts afin d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union ne fait pas obstacle à ce que l’on adopte cette approche ( 139 ). J’en conviens, une action en responsabilité est en principe ouverte au justiciable en vue d’obtenir réparation du préjudice subi en conséquence des actes et du comportement illégaux du Conseil dans le cadre de l’adoption de décisions de réinscription en matière de mesures restrictives ( 140 ). Une action en responsabilité ne me semble toutefois pas être apte à remédier de façon adéquate aux conséquences de la violation du droit à un recours effectif dans les circonstances de la présente affaire si le pouvoir d’appréciation du Conseil quant au choix des mesures qu’il estime nécessaires pour remédier à l’illégalité est considéré être conforme à l’article 266 TFUE. En effet, les conditions pour que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit engagée ne seraient pas remplies, l’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ( 141 ) n’étant pas satisfaite.

122.

Cela étant, l’arrêt NITC II du Tribunal ne comporte, à mes yeux, pas d’erreur de droit.

123.

Je considère que le motif du soutien financier et celui du soutien logistique constituent des motifs distincts, sur lesquels le Conseil s’est fondé pour réinscrire NITC sur les listes en cause en application du critère de désignation énoncé à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413 et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, lesquels visent la fourniture d’un appui au gouvernement iranien.

124.

Le terme « notamment » utilisé à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012 (« un appui, notamment matériel, logistique ou financier ») indique que l’énumération des trois types de soutien y visés n’est pas exhaustive ( 142 ) et peut également couvrir d’autres types de soutien ( 143 ). En effet, les juridictions de l’Union ont jugé que ce critère vise tout support qui, même s’il n’a, en tant que tel, aucun lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire, est cependant, par son importance quantitative ou qualitative, susceptible de favoriser celle-ci, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant de poursuivre les activités de prolifération ( 144 ).

125.

Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que le droit de NITC à un recours effectif n’a en l’occurrence pas été violé ; non seulement, l’arrêt NITC I a été effectivement exécuté, mais, de plus, dans cet arrêt, le Tribunal n’avait pas statué sur le motif tiré du soutien logistique. Par conséquent, il ne ressort pas du dossier que le Conseil aurait obtenu un réexamen de ce qui avait été jugé dans ledit arrêt.

126.

Par ailleurs, même si la déclaration du Tribunal, citée au point 54 des présentes conclusions, relative à l’étendue du pouvoir du Conseil de donner une qualification nouvelle aux faits allégués, de sorte à viser le soutien logistique, pourrait éventuellement entrer en conflit avec la jurisprudence de la Cour EDH concernant le contentieux de « deuxième chance » (voir points 112 à 116 des présentes conclusions), aucun argument plus précis, appliquant cette jurisprudence aux faits de la présente affaire, n’a été avancé.

127.

Je soulignerai également que les éléments soumis à la Cour dans le cadre du présent pourvoi n’ont pas étayé l’allégation selon laquelle le Conseil aurait « mis de côté » et retenu des arguments de droit et de fait lors de la première inscription en vue de s’en servir lors d’une réinscription de NITC sur les listes en cause.

128.

Par conséquent, je conclus que, bien qu’il ne soit pas possible de trancher la présente affaire par simple application de la jurisprudence telle qu’elle résulte des arrêts rendus dans les affaires Kadi, OMPI et Interporc et que les mesures restrictives prises par le Conseil trouvent une limite en le droit à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte, eu égard à la jurisprudence pertinente de la Cour EDH concernant l’article 6, paragraphe 1, et l’article 13 de la CEDH, je ne considère pas que, dans les circonstances caractérisant la présente affaire, la décision de réinscription ait violé le droit de NITC à un recours effectif en vertu de l’article 47 de la Charte.

VI. Conclusion

129.

À la lumière de l’analyse qui précède, je suggère à la Cour de rejeter le premier moyen invoqué par la National Iranian Tanker Company à l’appui du pourvoi.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461), ainsi que du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518).

( 3 ) Arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑256/07, EU:T:2008:461).

( 4 ) Arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission (C‑41/00 P, EU:C:2003:125).

( 5 ) Voir affaires Bank Tejarat/Conseil (C‑248/17 P) et Islamic Republic of Iran Shipping Lines e.a./Conseil (C‑225/17 P).

( 6 ) Résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée lors de la 6335e réunion du Conseil de sécurité le 9 juin 2010, dix-septième considérant.

( 7 ) Conclusions du Conseil européen du 17 juin 2010, EUCO 13/10, annexe II « Déclaration sur l’Iran », point 4.

( 8 ) JO 2010, L 195, p. 39. Le considérant 22 de cette décision fait référence à la résolution 1929 et au lien potentiel entre les recettes que la République islamique d’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération.

( 9 ) Voir décision 2010/413, article 23, paragraphe 2, article 24, paragraphe 2, et article 25, paragraphe 1.

( 10 ) JO 2012, L 19, p. 22. Le considérant 8 de cette décision rappelle le lien potentiel entre les recettes que la République islamique d’Iran tire de son secteur de l’énergie et le financement de ses activités nucléaires posant un risque de prolifération, comme souligné dans la résolution 1929.

( 11 ) Voir décision 2012/35, considérants 5 et 6.

( 12 ) C’est moi qui souligne.

( 13 ) Décision 2012/35, article 1er, point 7, sous a), ii). C’est moi qui souligne. L’article 1er, point 8, de cette décision a remplacé l’article 24, paragraphe 2, de la décision 2010/413, afin de préciser que, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne ou à une entité les mesures visées, entre autres, à l’article 20, paragraphe 1, sous c), il doit modifier l’annexe II en conséquence.

( 14 ) JO 2012, L 88, p. 1.

( 15 ) Voir règlement no 267/2012, considérant 11.

( 16 ) C’est moi qui souligne. En application de l’article 46, paragraphe 2, du règlement no 267/2012, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures visées, entre autres, à l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement, il doit modifier l’annexe IX en conséquence.

( 17 ) JO 2012, L 282, p. 58.

( 18 ) Décision 2012/635, considérant 5.

( 19 ) Décision 2012/635, annexe, II, B, point 31.

( 20 ) JO 2012, L 282, p. 16.

( 21 ) Règlement d’exécution no 945/2012, considérant 2.

( 22 ) Règlement d’exécution no 945/2012, annexe, II, B, point 31.

( 23 ) Voir arrêt du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil (T‑565/12, EU:T:2014:608, points 16 à 18).

( 24 ) JO 2012, L 356, p. 34.

( 25 ) Voir règlement no 1263/2012, article 1er, point 11, sous a). C’est moi qui souligne.

( 26 ) Arrêt NITC I, point 66. Le Tribunal a rejeté le deuxième moyen avancé par NITC, tiré d’une violation de l’obligation de motivation ; ibid., points 35 à 47. Comme il accueillait le premier moyen, le Tribunal n’a pas examiné les autres moyens : ibid., point 67.

( 27 ) Arrêt NITC I, point 58.

( 28 ) Arrêt NITC I, point 59.

( 29 ) Arrêt NITC I, point 60. C’est moi qui souligne.

( 30 ) Arrêt NITC I, point 61.

( 31 ) Arrêt NITC I, point 62 (renvoyant aux points 51 et 52).

( 32 ) Arrêt NITC I, points 64 à 67.

( 33 ) Arrêt NITC I, point 77.

( 34 ) Arrêt NITC I, point 77.

( 35 ) Arrêt NITC I, point 78.

( 36 ) Il ressort du dossier que l’arrêt NITC I a été notifié aux parties le 9 juillet 2014. Compte tenu du délai fixé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (deux mois, auxquels s’ajoute un délai de distance de dix jours), les effets de la première inscription ont été maintenus à l’égard de NITC jusqu’au 19 septembre 2014.

( 37 ) Voir arrêt NITC II, points 23 à 29.

( 38 ) Produites en annexe aux écritures de NITC dans le cadre de la présente procédure de pourvoi, ces documents justificatifs consistaient en : 1) une note intitulée « Divestment of State Companies in Iran » (Cession d’entreprises en Iran) (non datée, date RELEX 20 décembre 2013) ; 2) un article intitulé « New Labor Minister ends Saeed Mortazavi’s Appointment on the Social Security Organization’s Board of Trustees » (Le nouveau ministre du Travail met fin au mandat de Saaed Mortazavi au conseil d’administration de la Social Security Organization), Iran Daily Brief (daté du 19 août 2013, date RELEX 16 octobre 2014) ; 3) la page du site Internet de la Social Security Organization concernant la composition du conseil d’administration (consultée le 13 octobre 2014, date RELEX 16 octobre 2014) ; 4) un texte intitulé « Social Security Law of the Islamic Republic of Iran » (loi sur la sécurité sociale de la République islamique d’Iran) (non daté, date RELEX 16 octobre 2014) ; 5) rapport de la société Dun et Bradstreet sur la Social Security Organization (non daté, date RELEX 16 octobre 2014) ; 6) rapport de la société Dun et Bradstreet sur le Civil Servants Pension Fund (non daté, date RELEX 16 octobre 2014) ; 7) une « traduction inofficielle » d’un entretien avec M. Soori, ancien président de NITC (non daté, date RELEX 16 octobre 2014) ; 8) lettre adressée par NITC à Mme Ashton, haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ayant pour objet la « déclaration de NITC sur l’article du Lloyd’s List du 18 janvier 2012 – “NITC to be targeted by sanctions” (NITC sur le point d’être visée par des sanctions) » (datée du 19 janvier 2012, date RELEX 16 octobre 2014), et 9) une page du site Internet de NIOC, citant les activités de NITC parmi celles des filiales de NIOC (consultée le 12 février 2014, date RELEX 16 octobre 2014). Le sigle RELEX désigne le groupe des conseillers pour les relations extérieures du Conseil.

( 39 ) Le Tribunal a fait référence à la lettre citée à la note 38, point 8, dans le cadre de son examen du moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation : voir arrêt NITC I, points 10 et 34.

( 40 ) Extrait du document COREU CFSP/0084/14, Doc 16211/14 LIMITE, 27 novembre 2014, produit par NITC en annexe à ses écritures dans le cadre de la présente procédure de pourvoi.

( 41 ) Proposition de réinscription, points 1 à 6.

( 42 ) Proposition de réinscription, point 7.

( 43 ) Proposition de réinscription, point 8. Voir arrêt NITC I, point 50.

( 44 ) Proposition de réinscription, point 9.

( 45 ) Proposition de réinscription, point 11 [contenant des liens vers des articles de presse datés – dans l’ordre dans lequel ils sont cités – des 21 juin 2012, 17 avril 2012, 11 décembre 2013, 15 novembre 2012, 16 avril 2012 (voir note 43) et 11 juillet 2014].

( 46 ) JO 2015, L 39, p. 18.

( 47 ) JO 2015, L 39, p. 3.

( 48 ) Décision 2015/236, annexe, I, I, B, point 140.

( 49 ) Règlement d’exécution 2015/230, annexe, I, I, B, point 140.

( 50 ) Voir point 25 des présentes conclusions.

( 51 ) Arrêt NITC II, point 32.

( 52 ) Décision (PESC) 2015/1863 du Conseil, du 18 octobre 2015, modifiant la décision 2010/413 (JO 2015, L 274, p. 174), article 1er, point 16.

( 53 ) Règlement d’exécution (UE) 2015/1862 du Conseil, du 18 octobre 2015, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2015, L 274, p. 161), article 1er.

( 54 ) Décision (PESC) 2016/37 du Conseil, du 16 janvier 2016, concernant la date d’application de la décision 2015/1863 (JO 2016, L 11I, p. 1) ; informations concernant la date d’application du règlement (UE) 2015/1861 du Conseil modifiant le règlement no 267/2012 et du règlement d’exécution 2015/1862 (JO 2016, C 15I, p. 1).

( 55 ) Accessible à l’adresse http://www.consilium.europa.eu/en/policies/sanctions/iran/jcpoa-restrictive-measures/

( 56 ) La République fédérale d’Allemagne, la République française, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, la République populaire de Chine, la Fédération de Russie, les États-Unis d’Amérique, ainsi que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

( 57 ) Voir note d’information sur la levée des sanctions de l’UE dans le cadre du plan d’action global commun, Bruxelles, 16 janvier 2016, dernière mise à jour le 3 août 2017, SN 10176/1/17 REV 1, accessible à l’adresse indiquée à la note en bas de page 55 des présentes conclusions.

( 58 ) Ordonnance NITC II, points 59, 80 et 81.

( 59 ) Ordonnance NITC II, points 43 et 50, le premier point renvoyant à l’arrêt de la Cour EDH du 13 novembre 2007, Ramadhi e.a. c. Albanie (CE:ECHR:2007:1113JUD003822202R, § 48).

( 60 ) Ordonnance NITC II, points 43 et 44.

( 61 ) Ordonnance NITC II, points 45 et 46.

( 62 ) Ordonnance NITC II, point 47.

( 63 ) Ordonnance NITC II, points 48 et 49.

( 64 ) Arrêt NITC II, point 39.

( 65 ) Arrêt NITC II, points 45, 46, 50 et 55.

( 66 ) Arrêt NITC II, point 51.

( 67 ) Arrêt NITC II, point 52.

( 68 ) Arrêt NITC II, point 52.

( 69 ) Arrêt NITC II, point 53.

( 70 ) Arrêt NITC II, point 54.

( 71 ) Arrêt NITC II, points 56 à 60.

( 72 ) Arrêt NITC II, point 62.

( 73 ) Arrêt NITC II, point 63.

( 74 ) Arrêt NITC II, point 64.

( 75 ) Arrêt NITC II, point 65.

( 76 ) Arrêt NITC II, point 66.

( 77 ) Arrêt NITC II, point 67.

( 78 ) Dans ses écritures, NITC déclare que cette position s’inspire de la jurisprudence des juridictions du Royaume-Uni en matière de procédure civile, citant notamment les arrêts Henderson v Henderson (1843) 3 Hare 100 et Johnson v Gore Wood [2002] 2 AC 1.

( 79 ) Pour emprunter l’expression utilisée par l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans ses conclusions dans l’affaire Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, EU:C:1999:36, point 2).

( 80 ) Arrêts du 6 octobre 2015, Schrems (C‑362/14, EU:C:2015:650, point 95), ainsi que du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, points 44 à 59) ; voir, notamment, conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:2, point 67), ainsi que conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire UBS Europe e.a. (C‑358/16, EU:C:2017:606, point 77).

( 81 ) L’article 266, premier alinéa, TFUE énonce : « L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. »

( 82 ) Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, points 52 et 53). Voir, par ailleurs, sous-section V.B.3.a) des présentes conclusions.

( 83 ) Arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission (C‑402/05 P et C‑415/05 P, ci-après l’« arrêt Kadi I », EU:C:2008:461).

( 84 ) Arrêt Kadi I, points 333 à 371.

( 85 ) Arrêt Kadi I, points 372 à 376.

( 86 ) Voir conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires jointes Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:176, points 19 à 28).

( 87 ) Arrêt du 30 septembre 2010, Kadi/Commission (T‑85/09, EU:T:2010:418).

( 88 ) Arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, ci-après l’« arrêt Kadi II »).

( 89 ) Voir arrêt Kadi II, points 103 à 134.

( 90 ) Arrêt Kadi II, point 156.

( 91 ) Arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑256/07, ci-après l’« arrêt OMPI II », EU:T:2008:461). L’affaire a été radiée, après retrait du pourvoi, par ordonnance du président de la Cour du 3 juin 2009, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (C‑576/08 P, non publiée, EU:C:2009:335). Il y a eu un troisième arrêt, du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil (T‑284/08, EU:T:2008:550), lequel a fait l’objet d’un pourvoi, rejeté par arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran (C‑27/09 P, EU:C:2011:853).

( 92 ) Arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, EU:T:2006:384, ci-après l’« arrêt OMPI I »), lequel n’a pas donné lieu à pourvoi.

( 93 ) Arrêt OMPI II, points 3, 50 et 52.

( 94 ) Arrêt OMPI II, points 72 et 73.

( 95 ) Arrêt OMPI II, point 75 (renvoyant au point 65). C’est moi qui souligne.

( 96 ) Arrêt OMPI II, point 76 (renvoyant au point 67).

( 97 ) Il convient d’observer que, dans l’arrêt NITC I, le Tribunal a souligné, à propos du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, que l’argument avancé par NITC, selon lequel les actionnaires de cette dernière n’entretenaient plus de liens avec le gouvernement iranien, concernait l’appréciation du bien-fondé des motifs mis en avant par le Conseil et relevait donc de la légalité au fond de l’acte en cause. Il s’agissait donc d’une question distincte de celle de la motivation, qui concerne une formalité substantielle. Voir arrêt NITC I, point 46.

( 98 ) Arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission (C‑41/00 P, EU:C:2003:125, ci-après l’« arrêt Interporc »).

( 99 ) Décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission, du 8 février 1994, relative à l’accès du public aux documents de la Commission (JO 1994, L 46, p. 58), adoptant et mettant en œuvre le code de conduite concernant l’accès du public aux documents de la Commission et du Conseil y annexé. Cette décision a été abrogée par la décision 2001/937/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 5 décembre 2001, modifiant son règlement intérieur (JO 2001, L 345, p. 94), en vue de mettre en œuvre le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Il convient de noter que ce dernier règlement a été adopté sur le fondement de l’actuel article 15, paragraphe 3, TFUE, lequel, tout comme l’article 42 de la Charte, inscrit le droit d’accès aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union dans le droit primaire de l’Union.

( 100 ) Arrêt du 6 février 1998, Interporc/Commission (T‑124/96, EU:T:1998:25, ci-après l’« arrêt Interporc I », points 9 à 13).

( 101 ) Arrêt Interporc I, points 14 à 18.

( 102 ) Arrêt Interporc I, points 54 à 57. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.

( 103 ) Alors applicable ; elle n’a pas été reprise dans le règlement no 1049/2001.

( 104 ) Arrêt du 7 décembre 1999, Interporc/Commission (T‑92/98, EU:T:1999:308, ci‑après l’« arrêt Interporc II », point 20).

( 105 ) Arrêt Interporc II, point 52.

( 106 ) Arrêt Interporc, point 31.

( 107 ) Arrêt Interporc, point 32.

( 108 ) Voir, notamment, arrêts du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil (C‑548/09 P, EU:C:2011:735, point 49), ainsi que du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 70 et jurisprudence citée).

( 109 ) Je note que la violation du droit à un recours effectif n’avait pas non plus été spécifiquement alléguée dans les affaires Kadi et OMPI. L’arrêt Kadi II portait sur les garanties procédurales entourant le droit à une protection juridictionnelle effective : voir arrêt Kadi II, points 97 à 165. Dans l’arrêt Kadi I, la Cour a constaté que le droit des requérants à un recours effectif avait été violé, mais a fondé ce constat sur le fait qu’ils n’avaient pas été informés des éléments retenus à leur égard et sur leurs droits de la défense : voir arrêt Kadi I, points 349 à 351. Par ailleurs, bien qu’il n’eût pas été invoqué dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à l’arrêt OMPI II, le droit à un recours effectif avait été distingué du droit à un procès équitable dans l’arrêt OMPI I, points 89 et 94.

( 110 ) Voir Rossi, L., et Vinagre e Silva, P., Public Access to Documents in the EU, Oxford, Hart Publishing, 2017, p. 59 à 62, 175 à 177, 197 et 198. Il convient de noter que, en ce qui concerne plus particulièrement l’accès aux documents, les juridictions de l’Union ont rejeté des demandes de revenir sur leur jurisprudence, interdisant aux juridictions de l’Union d’adresser des injonctions aux institutions, à la lumière, entre autres, de l’article 47 de la Charte : voir, notamment, arrêts du 2 octobre 2014, Strack/Commission (C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 145 à 148), ainsi que du 11 juin 2015, McCullough/Cedefop (T‑496/13, non publié, EU:T:2015:374, points 16 à 28).

( 111 ) Article 52, paragraphe 3, de la Charte ; explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17), explication ad article 47. Cela ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde « une protection plus étendue », conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte : voir mes conclusions dans l’affaire Egenberger (C‑414/16, EU:C:2017:851).

( 112 ) Explications relatives à la Charte, explication ad article 52. Voir, notamment, arrêt du 30 juin 2016, Toma et Biroul Executorului Judecătoresc Horațiu-Vasile Cruduleci (C‑205/15, EU:C:2016:499, point 41 et jurisprudence citée) ; conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:2, points 73 et 74).

( 113 ) Arrêt du 7 juin 2006, Österreichische Postsparkasse/Commission (T‑213/01 et T‑214/01, EU:T:2006:151, point 54).

( 114 ) Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 35 et jurisprudence citée).

( 115 ) Voir, notamment, arrêts du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS (C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 76), ainsi que du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:434, points 52 et 53) ; conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Commission/McBride e.a. (C‑361/14 P, EU:C:2016:25, point 70). Cela a été souligné par l’avocat général Léger dans ses conclusions dans l’affaire Interporc/Commission (C‑41/00 P, EU:C:2002:162, points 65 à 69).

( 116 ) Voir conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Mattila/Conseil et Commission (C‑353/01 P, EU:C:2003:403, point 30 et jurisprudence citée).

( 117 ) Voir, notamment, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission (C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, point 146). Cette jurisprudence s’articule harmonieusement avec celle concernant l’étendue des pouvoirs des juridictions de l’Union en vertu de l’article 263 TFUE, leur interdisant d’adresser des injonctions aux institutions, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de leurs arrêts : voir, notamment, ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission (C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24).

( 118 ) Cour EDH, 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce, (CE:ECHR:1997:0319JUD001835791, § 40 et 41).

( 119 ) Arrêt NITCI II, point 61.

( 120 ) Cour EDH, 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce (CE:ECHR:1997:0319JUD001835791, § 40). Voir également Cour EDH, 25 juillet 2017, Panorama Ltd et Miličić c. Bosnie-Herzégovine (CE:ECHR:2017:0725JUD006999710, § 62 et jurisprudence citée).

( 121 ) Voir, notamment, Cour EDH, 28 octobre 1999, Brumărescu c. Roumanie (CE:ECHR:1999:1028JUD002834295, § 61) ; 24 juillet 2003, Riabykh c. Russie (CE:ECHR:2003:0724JUD005285499, § 51), ainsi que 21 avril 2016, Chengelyan e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2016:0421JUD004740507, § 31 et jurisprudence citée).

( 122 ) Cour EDH, 6 décembre 2005, Popov c. Moldova (no 2) (CE:ECHR:2005:1206JUD001996004, § 45) ; voir, notamment, 27 octobre 2016, Vardanyan et Nanushyan c. Arménie (CE:ECHR:2016:1027JUD000800107, § 67 et jurisprudence citée).

( 123 ) Voir, notamment, Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799, § 66), ainsi que 16 janvier 2014, Brletić c. Croatie (CE:ECHR:2014:0116JUD004200910, § 43).

( 124 ) Cour EDH, 13 novembre 2007, Driza c. Albanie (CE:ECHR:2007:1113JUD003377102, § 69).

( 125 ) Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799).

( 126 ) Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799, § 59, 60, 62, 67 et 68).

( 127 ) Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799, § 69).

( 128 ) Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799, § 70).

( 129 ) Cour EDH, 12 janvier 2006, Kehaya e.a. c. Bulgarie (CE:ECHR:2006:0112JUD004779799, § 70).

( 130 ) Cour EDH, 31 mai 2012, Esertas c. Lituanie (CE:ECHR:2012:0531JUD005020806).

( 131 ) Cour EDH, 31 mai 2012, Esertas c. Lituanie (CE:ECHR:2012:0531JUD005020806, § 23 et 24).

( 132 ) Cour EDH, 31 mai 2012, Esertas c. Lituanie (CE:ECHR:2012:0531JUD005020806, § 25).

( 133 ) Cour EDH, 31 mai 2012, Esertas c. Lituanie (CE:ECHR:2012:0531JUD005020806, § 25).

( 134 ) Cour EDH, 27 juin 2000, İlhan c. Turquie (CE:ECHR:2000:0627JUD002227793, § 97) ; voir, notamment, Cour EDH, 12 septembre 2012, Nada c. Suisse (CE:ECHR:2012 :0912JUD 001059308, § 207 et jurisprudence citée).

( 135 ) Cour EDH, 26 octobre 2000, Kudła c. Pologne (CE:ECHR:2000:1026JUD003021096, § 157 et 158) ; voir, notamment, Cour EDH, 16 janvier 2018, Ciocodeică c. Roumanie (CE:ECHR:2018:0116JUD002741309, § 88 et jurisprudence citée). Il convient d’observer que l’article 35, paragraphe 1, de la CEDH, lequel édicte la condition de l’épuisement des voies de recours internes, se fonde sur l’hypothèse, incorporée dans l’article 13 avec lequel il présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée des droits que l’intéressé tire de la CEDH : voir Cour EDH, 26 octobre 2000, Kudła c. Pologne (CE:ECHR:2000:1026JUD003021096, § 152). La Cour EDH considère qu’un recours qui dépend d’un acte discrétionnaire des autorités ne peut passer pour un recours effectif au sens de l’article 35, paragraphe 1, de la CEDH : voir, notamment, Cour EDH, décision de 29 juin 2004, B. et L. c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2004:0629DEC 003653602, p. 9), ainsi que 29 avril 2008, Burden c. Royaume-Uni (CE:ECHR:2008:0429JUD 001337805, § 40 et jurisprudence citée).

( 136 ) Cour EDH, 13 novembre 2007, Ramadhi e.a. c. Albanie (CE:ECHR:2007:1113JUD 003822202R, § 49). Voir, notamment, Cour EDH, 3 février 2009, Nuri c. Albanie (CE:ECHR:2009:0203JUD 001230604, § 8), ainsi que 3 février 2009, Hamzaraj c. Albanie (no 1) (CE:ECHR:2009:0203JUD 004526404, § 26).

( 137 ) Cour EDH, 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce (CE:ECHR:1997:0319JUD001835791, § 40). Voir, notamment, Cour EDH, 31 juillet 2012, Manushaqe Puto e.a. c. Albanie (CE:ECHR:2012:0731JUD000060407, § 72, 90 et 94) [renvoyant à l’arrêt de la Cour EDH du 19 mars 1997, Hornsby c. Grèce (CE:ECHR:1997:0319JUD 001835791, § 40)].

( 138 ) Il convient de noter que l’exercice des droits consacrés à l’article 47 de la Charte est toujours susceptible de faire l’objet d’une limitation justifiée, comme le prévoit l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Voir, notamment, arrêt Kadi II, point 101.

( 139 ) Voir article 268 et article 340, deuxième alinéa, TFUE.

( 140 ) Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 2017, HTTS/Conseil (T‑692/15, EU:T:2017:890) (rejet de l’action en dommages et intérêts), ainsi qu’affaire Bateni/Conseil (T‑455/17, en cours) ; voir également, à cet égard, arrêt du 18 septembre 2015, HTTS et Bateni/Conseil (T‑45/14, non publié, EU:T:2015:650, point 66).

( 141 ) Voir, notamment, arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil (C‑45/15 P, EU:C:2017:402, points 29 et 30).

( 142 ) Il peut être utile de préciser que toutes les versions linguistiques de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012 ne sont pas identiques. La majorité d’entre elles place le terme « appui » au début de l’énumération d’exemples du soutien fourni (« support, such as material, logistical or financial support »). Quelques versions linguistiques (voir, notamment, les versions en langues allemande, estonienne et finnoise), en revanche, citent immédiatement les trois exemples de soutien, matériel, logistique ou financier. Cela semble accréditer encore la thèse selon laquelle le motif du soutien financier et celui du soutien logistique sont distincts et que, dans l’arrêt NITC II, le Tribunal n’a pas statué au fond sur le « soutien » en général, mais uniquement sur le motif relatif au soutien financier.

( 143 ) Voir, notamment, arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128, point 84), ainsi qu’ordonnance du 4 avril 2017, Sharif University of Technology/Conseil (C‑385/16 P, non publiée, EU:C:2017:258, point 68).

( 144 ) Arrêt du 28 avril 2016, Sharif University of Technology/Conseil (T‑52/15, EU:T:2016:254, points 54 et 59, ainsi que jurisprudence citée) [pourvoi rejeté par ordonnance du 4 avril 2017, Sharif University of Technology/Conseil (C‑385/16 P, non publiée, EU:C:2017:258)]. Voir, notamment, arrêts du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C‑440/14 P, EU:C:2016:128, points 79 à 81), ainsi que du 8 septembre 2016, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil (C‑459/15 P, non publié, EU:C:2016:646, point 58 et jurisprudence citée).