CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑100/17 P

Gul Ahmed Textile Mills Ltd

contre

Conseil de l’Union européenne

« Pourvoi – Dumping – Importations de linge de lit en coton originaire du Pakistan – Maintien de l’intérêt à agir – Incidence d’évènements survenant en cours d’instance – Motifs justifiant l’intérêt à agir – Charge de la preuve »

1. 

Le présent litige a pour objet le pourvoi formé par Gul Ahmed Textile Mills Ltd (ci-après « Gul Ahmed ») tendant à l’annulation, dans son intégralité, de l’arrêt du Tribunal du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (T‑199/04 RENV) ( 2 ). Par cet arrêt, le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par Gul Ahmed contre le règlement (CE) no 397/2004 du Conseil, du 2 mars 2004, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de linge de lit en coton originaire du Pakistan ( 3 ).

2. 

La présente affaire pose la question importante de savoir ce qui permet de parler de maintien de l’intérêt à agir. Ce sera l’occasion pour la Cour de déterminer si, compte tenu des situations matérielles et juridiques pouvant naître, l’annulation demandée est susceptible de procurer un bénéfice à la requérante. De manière plus générale, ce sera l’occasion pour la Cour d’étoffer sa jurisprudence concernant certains aspects de la procédure relatifs à l’appréciation de la persistance de l’intérêt à agir, notamment s’agissant de la charge de la preuve et des droits procéduraux du requérant.

Le cadre factuel et juridique

3.

Gul Ahmed est une entreprise pakistanaise qui confectionne du linge de lit en coton et l’exporte vers l’Union européenne.

4.

Le 4 novembre 2002, la Commission européenne a ouvert une enquête antidumping sur les importations de ce produit dans l’Union.

5.

Le 2 mars 2004, sur la base des résultats de cette enquête, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement no 397/2004 instituant un droit antidumping de 13,1 % sur les importations de linge de lit en coton originaire du Pakistan relevant des codes de la nomenclature combinée visés dans celui-ci.

6.

À la suite du réexamen effectué au titre de l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) no 384/96 ( 4 ), le règlement no 397/2004 a été modifié par le règlement (CE) no 695/2006 ( 5 ). Le taux du droit antidumping définitif applicable au linge de lit en coton confectionné par Gul Ahmed y a été fixé à 5,6 %.

7.

Conformément à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, le droit antidumping définitif ainsi établi a expiré le 4 mars 2009, soit cinq ans après qu’il a été institué.

8.

Le 28 mai 2004, Gul Ahmed a saisi le Tribunal d’un recours en annulation du règlement no 397/2004 pour autant que ce dernier la concernait.

9.

Gul Ahmed a fondé ce recours sur cinq moyens de droit. Par son deuxième moyen, elle a notamment fait valoir que, en calculant la valeur normale, le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 2, paragraphes 3 et 5, et l’article 18, paragraphe 4, du règlement de base ainsi que l’accord antidumping ( 6 ). Par son troisième moyen, elle a soutenu que l’ajustement au titre de la ristourne de droit intervenu dans la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation avait méconnu l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, l’accord antidumping ainsi que l’obligation de fournir une motivation adéquate conformément à l’article 296 TFUE.

10.

Par arrêt du 27 septembre 2011 rendu dans l’affaire Gul Ahmed Textile Mills/Conseil (T‑199/04) ( 7 ), le Tribunal a fait droit à la troisième branche du cinquième moyen ( 8 ) et, sans analyser les autres moyens soulevés, a annulé le règlement no 397/2004 pour autant qu’il concernait la requérante.

11.

Le Conseil, au soutien duquel la Commission est intervenue, a formé un pourvoi et a invité la Cour à annuler cet arrêt.

12.

Par arrêt du 14 novembre 2013 dans l’affaire Conseil/Gul Ahmed Textile Mills (C‑638/11 P) ( 9 ), la Cour a annulé l’arrêt T‑199/04 (arrêt du 27 septembre 2011, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, non publié, EU:T:2011:535) dans son intégralité et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en réservant les dépens.

13.

Le 26 novembre 2015, le Tribunal a tenu une audience dans l’affaire T‑199/04 RENV. Au cours de celle-ci, le Conseil, soutenu par la Commission, a fait valoir que Gul Ahmed n’avait plus intérêt à agir.

14.

À l’appui de cette allégation, ces deux institutions ont soutenu que les droits antidumping institués par le règlement no 397/2004 avaient expiré le 2 mars 2009, de sorte que les exportations du produit en cause n’y étaient plus soumises. Elles ont également affirmé que, conformément à l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le délai imparti pour introduire une action en responsabilité non contractuelle pour un préjudice causé dans l’application de ces droits avait expiré le 1er mai 2014 ( 10 ), et que le droit au remboursement des droits antidumping en vertu du code des douanes de l’Union était lui aussi prescrit ( 11 ). Elles ont avancé que l’annulation demandée n’était donc plus susceptible de procurer un quelconque bénéfice à Gul Ahmed.

15.

Le Tribunal a accordé à Gul Ahmed un délai de deux semaines à compter de l’audience pour présenter ses observations sur l’exception d’irrecevabilité ainsi soulevée (accompagnées de toute preuve documentaire pouvant étayer le maintien de son intérêt à agir dans cette affaire).

16.

Par lettre du 10 décembre 2015, Gul Ahmed a présenté ses observations et y a fait valoir qu’elle continuait à avoir un intérêt à agir. Elle a avancé les cinq motifs suivants : i) son intérêt à récupérer les dépens auprès du Conseil ; ii) la possibilité de former à l’avenir un recours en réparation du préjudice causé par le fait que le juge de l’Union n’aurait pas statué dans un délai raisonnable ; iii) ses chances d’obtenir le remboursement du droit antidumping définitif payé, iv) son intérêt à s’assurer qu’une telle illégalité ne se reproduira pas à l’avenir et v) la possibilité de former à l’avenir un recours en réparation du préjudice que lui aurait causé le règlement no 397/2004.

17.

La Commission et le Conseil ont présenté leurs observations par lettres des 6 et 20 janvier 2016. En substance, ils ont invité le Tribunal à rejeter les arguments de Gul Ahmed et à juger que cette entreprise avait perdu tout intérêt à agir. Il s’agissait donc, selon eux, d’un non-lieu à statuer.

L’arrêt attaqué et le pourvoi

18.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que i) un prétendu intérêt au remboursement des dépens par le Conseil ; ii) la prétendue possibilité de former à l’avenir un recours en réparation du préjudice causé par le fait que le juge de l’Union n’a pas statué dans un délai raisonnable, iii) un prétendu intérêt à s’assurer qu’une telle illégalité ne se reproduise pas à l’avenir et iv) un prétendu intérêt à rétablir la réputation de Gul Ahmed ne justifiaient pas l’intérêt à agir de celle-ci. Il a également estimé que v) la prétendue possibilité d’obtenir le remboursement du droit antidumping définitif payé justifiait bien un tel intérêt, mais uniquement au regard des premier, quatrième et cinquième moyens ( 12 ).

19.

Par conséquent, le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens et n’a examiné que les premier, quatrième et cinquième moyens. Il a conclu que ces derniers n’étaient pas fondés et a donc rejeté le recours dans son intégralité.

20.

Par le présent pourvoi, Gul Ahmed invite la Cour à annuler l’arrêt attaqué et à statuer au fond sur l’ensemble des moyens ou, à titre subsidiaire, à renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour une décision sur le fond. Elle soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi.

21.

Tout d’abord, Gul Ahmed fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’elle n’avait plus intérêt à agir en ce qui concerne les deuxième et troisième moyens soulevés dans la requête et que celui-ci n’a pas motivé son arrêt de manière adéquate. Ensuite, elle avance une série d’arguments selon lesquels le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs de droit en rejetant les deux premières branches du cinquième moyen.

22.

Le Conseil et la Commission invitent la Cour à rejeter le présent pourvoi comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, non fondé.

23.

Gul Ahmed, le Conseil et la Commission ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 25 janvier 2018.

24.

Comme la Cour me l’a demandé, je me limiterai, dans les présentes conclusions, à examiner le premier moyen.

Appréciation

Remarques générales sur la notion d’« intérêt à agir »

25.

En ce qui concerne la condition tenant à un intérêt à former un recours en annulation, telle qu’interprétée dans l’arrêt attaqué, le Tribunal place la barre haut. Pour y satisfaire, Gul Ahmed, si l’on suit le raisonnement du Tribunal, aurait non seulement dû introduire un recours en annulation, mais également un recours en réparation du préjudice que lui a causé le règlement no 397/2004 ainsi qu’un recours devant les autorités nationales compétentes visant au remboursement des droits antidumping versés pendant différentes périodes.

26.

Le temps passant, le règlement dont Gul Ahmed demandait l’annulation a expiré et tout recours en indemnité ou en remboursement des droits est devenu forclos. Gul Ahmed a-t-elle toutefois intérêt à poursuivre son recours en annulation ?

27.

À mon avis, la vérité est que le requérant qui se trouve dans une telle situation est tenu d’être tout à la fois prudent et alerte. En d’autres termes, il lui incombe de suivre attentivement les changements de sa situation juridique au fil du temps et d’entreprendre les démarches supplémentaires qui s’avéreraient nécessaires pour préserver son intérêt à agir. S’il ne le fait pas, il court le risque que le défendeur fasse valoir, avec succès, qu’il n’a plus intérêt à agir.

28.

Sous cet angle, un recours en annulation fructueux est un préalable afin d’effacer le dommage subi. Toutefois, dans la majorité des cas, ce recours ne suffira pas, à lui seul, pour réparer ce dommage. Pour cela, un recours en indemnité est nécessaire. Tout ceci ne signifie pas que le premier recours (le recours en annulation) dépend du recours en indemnité. Contrairement à ce que Gul Ahmed laisse entendre, la circonstance que ces deux actions soient séparées, bien qu’interconnectées, ne dénature pas le système complet de voies de recours que le traité met à la disposition des particuliers.

29.

Les conditions de recevabilité d’un recours en annulation sont énoncées à l’article 263 TFUE. Il faut, notamment, que i) l’acte dont l’annulation est demandée soit « destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers », ii) le requérant ait le droit d’agir en ce sens qu’il est directement et individuellement concerné et iii) le recours soit formé dans le respect des délais fixés dans cet article ( 13 ). En l’espèce, il ne fait aucun doute que le premier critère est rempli s’agissant du règlement no 397/2004. En ce qui concerne le deuxième, l’affirmation selon laquelle Gul Ahmed est directement et individuellement affectée par le règlement no 397/2004 n’a jamais été remise en cause. En effet, le règlement no 397/2004 cite Gul Ahmed parmi les fabricants pakistanais concernés par l’enquête antidumping, et cette entreprise certifie que des droits élevés ont été appliqués aux importations de ses produits dans l’Union. En ce qui concerne le troisième, il est constant que Gul Ahmed a introduit son recours en annulation dans le délai fixé à l’article 263 TFUE.

30.

Toutefois, réunir toutes les conditions posées à l’article 263 TFUE n’est pas suffisant. Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation formé par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où celle-ci a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’annulation de cet acte doit être susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, afin que ce recours puisse, s’il y est fait droit, procurer un avantage à la personne qui l’a intenté ( 14 ). Il est constant que Gul Ahmed satisfaisait à cette condition lors de l’introduction du recours en annulation.

31.

Si la condition tenant à l’intérêt à agir n’est pas prévue à l’article 263 TFUE, c’est une condition de recevabilité que le juge de l’Union soumet à une analyse séparée de celle des autres conditions posées dans cette disposition ( 15 ). Elle s’inspire de la théorie générale du droit de la procédure commune à tous les États membres, où elle a pour finalité de garantir l’absence d’un afflux massif d’actions introduites « dans l’intérêt général », qui risquerait de transformer le recours en annulation en une sorte d’« action populaire ».

32.

Selon la jurisprudence constante, l’intérêt à agir d’un requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci (sous peine d’irrecevabilité) et doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer ( 16 ). Cet intérêt doit être à la fois né et actuel ( 17 ).

33.

Le règlement no 397/2004 a expiré le 4 mars 2009. Cela ne prive cependant pas le présent pourvoi d’objet puisque cette expiration a eu un effet ex nunc, de sorte qu’elle n’a pas eu les résultats qu’aurait eus, en principe, une annulation ( 18 ).

34.

Il ressort clairement de la jurisprudence que l’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement lorsque l’acte litigieux ne produit plus d’effet à l’avenir ( 19 ). Lorsque la mesure en cause a cessé de produire ses effets en cours d’instance, la Cour doit apprécier l’intérêt à agir du requérant in concreto, en tenant compte, notamment, des conséquences de l’illégalité alléguée et de la nature du préjudice prétendument subi ( 20 ). Le requérant peut justifier cet intérêt à agir en invoquant le préjudice qu’il craint de subir à l’avenir, lequel peut revêtir plusieurs formes, telles que, par exemple, l’imposition non voulue de nouveaux droits antidumping, une limitation des débouchés commerciaux ou des restrictions au développement d’éventuels nouveaux produits.

35.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’intérêt à agir de Gul Ahmed avait disparu en cours d’instance s’agissant de certaines parties de sa requête, à savoir les deuxième et troisième moyens.

36.

Serait-il légitime d’interpréter la notion d’« intérêt à agir » de telle façon que celui-ci peut s’éteindre par le simple écoulement du temps, et avec celui-ci le droit du requérant à ce que sa cause soit examinée par le juge ?

37.

Par principe, je rejette cette approche.

38.

Cette interprétation signifierait que la durée de la procédure, qui n’est en principe pas imputable au requérant ( 21 ), pourrait faire disparaître son droit à un recours juridictionnel. Elle pourrait conduire à des inégalités devant la loi aléatoires en fonction de la durée de la procédure. Elle pourrait inciter les défendeurs à adopter des tactiques dilatoires dans l’espoir de faire obstacle à un contrôle juridictionnel.

39.

Cela reviendrait à accepter que les actes adoptés par les institutions dont les effets sont limités dans le temps et qui viennent à expiration après l’introduction d’un recours en annulation, mais avant qu’une juridiction ne puisse prononcer l’arrêt pertinent, échapperaient à tout contrôle par le juge de l’Union ( 22 ).

40.

Dans son arrêt historique Les Verts/Parlement ( 23 ), la Cour a affirmé que l’Union est une communauté de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité, ou à la loi qui en découle ( 24 ).

41.

La situation décrite dans les présentes conclusions serait incompatible tant avec cette jurisprudence qu’avec l’esprit de l’article 263 TFUE, aux termes duquel le juge de l’Union doit contrôler la légalité des actes des institutions destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers ( 25 ).

42.

La question de l’intérêt à agir revêt donc une importance constitutionnelle et doit être replacée dans le contexte plus large du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 26 ).

43.

Selon moi, tous ces éléments militent en faveur d’une interprétation large de la notion d’« intérêt à agir» ( 27 ).

44.

Je rejette l’affirmation du Conseil et de la Commission selon laquelle cette interprétation risque de transformer le recours en annulation en une « action populaire ». Dans le système national de nombreux États membres, une interprétation stricte de l’intérêt à agir peut en effet servir à protéger le système judiciaire d’un afflux massif de contentieux ( 28 ). En droit procédural de l’Union, cette notion s’étaye toutefois sur les conditions strictes touchant à la qualité pour agir prévues à l’article 263 TFUE.

45.

À l’instar de l’avocat général Bobek, je considère que l’existence d’un « intérêt à agir » ne devrait pas être manipulée de façon à garantir un certain niveau de contentieux ( 29 ). Au contraire, cette condition appelle une lecture démocratique à la lumière des droits de l’homme ( 30 ). Je me rallie également à la position de l’avocat général Kokott, qui s’est opposée à l’instauration d’exigences exorbitantes pour constater un intérêt à agir lorsque les conditions strictes des deuxième ou troisième cas de figure de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE sont déjà remplies ( 31 ).

46.

La perspective d’un bénéfice ou d’un avantage personnel en cas de recours fructueux devant le juge de l’Union est décisive s’agissant de déterminer l’existence d’un intérêt à agir. Ce critère est peut-être toutefois indûment subjectif et volatil, dans la mesure où il n’existe aucun seuil ou critère d’évaluation pour mesurer l’incidence positive requise d’accueillir le recours sur la situation du requérant ( 32 ).

47.

L’appréciation de l’intérêt à agir ne peut se faire qu’au cas par cas, in concreto, en tenant compte de l’ensemble des conséquences que pourrait avoir l’annulation de l’acte litigieux sur la situation individuelle du requérant. À cet égard, l’avocat général Wahl a relevé que la Cour s’efforce de ne pas définir la notion de « maintien de l’intérêt à agir » de manière trop restrictive ( 33 ). Je partage l’avis de l’avocat général Bobek, selon lequel établir un intérêt à agir ne devrait pas exiger davantage du requérant qu’une démonstration prima facie de l’impact négatif de l’acte litigieux sur celui-ci (ce qui implique l’existence d’un bénéfice personnel résultant de l’annulation de l’acte) ( 34 ). Exiger un niveau de preuve plus élevé pourrait obliger le requérant à prouver l’impossible ( 35 ).

48.

À cet égard, le degré de probabilité ou de plausibilité de l’obtention d’un avantage ne devrait avoir aucune importance ( 36 ). La magnitude de l’avantage éventuel ne devrait pas non plus avoir d’incidence. Si un avantage dépend notamment d’un recours en indemnité futur, le juge de l’Union ne devrait pas tenir compte du fond d’un tel recours et de ses perspectives de succès. Seule la perspective purement hypothétique et incertaine d’obtenir un avantage à l’avenir devrait exclure l’intérêt à agir du requérant ( 37 ) ; un avantage futur auquel on pourrait raisonnablement s’attendre dans des conditions normales justifie bien un intérêt à agir ( 38 ).

49.

Je ne pense pas qu’adopter une approche généreuse conduise la Cour à rendre des avis consultatifs sur des questions générales ou hypothétiques ( 39 ). Pour des motifs de bonne administration de la justice, d’économie de la procédure et d’opportunité, la Cour ne devrait pas non plus utiliser le « terrain de la recevabilité » pour éviter d’examiner le fond de l’affaire ( 40 ). Lorsqu’un requérant fait valoir un intérêt à agir suffisant lors du dépôt de son recours, à l’instar de Gul Ahmed en l’espèce, la Cour devrait examiner avec grand soin l’allégation selon laquelle il l’a par la suite perdu.

50.

C’est avec ces considérations pour toile de fond que j’examine désormais la question de la persistance de l’intérêt à agir de Gul Ahmed.

Sur la recevabilité du pourvoi

51.

Le Conseil invite la Cour à rejeter plusieurs branches du pourvoi pour irrecevabilité, pour autant que celles-ci tendent en substance à obtenir un réexamen des constatations factuelles du Tribunal et reproduisent les moyens soulevés devant celui-ci.

52.

Il est vrai que le présent pourvoi n’est pas toujours précis et, comme le Conseil le relève à juste titre, se borne parfois à des arguments qui ont déjà été exposés devant le Tribunal ( 41 ).

53.

Cela étant dit, il est clair que Gul Ahmed conteste l’interprétation et l’application du droit de l’Union faites par le Tribunal, de sorte que les points de droit examinés en première instance peuvent être réexaminés dans le cadre d’un pourvoi ( 42 ). De plus, elle soulève, quoique en termes généraux, l’insuffisance de la motivation du Tribunal. Cela constitue, en soi, une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi ( 43 ).

54.

En outre, la Cour ne saurait être tenue par les seuls arguments développés par les parties, mais peut, le cas échéant, et au-delà de ces arguments, appliquer les règles de droit pertinentes pour la solution du litige aux faits qui lui sont présentés ; s’il en allait autrement, elle pourrait être contrainte, dans certains cas, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées ( 44 ).

55.

Je propose donc à la Cour d’examiner le bien-fondé des arguments avancés par Gul Ahmed pour autant que ceux-ci portent sur des questions de droit et ne remettent pas en cause les constats et appréciations factuelles du Tribunal ( 45 ).

Aspects procéduraux tenant au prétendu défaut de la persistance de l’intérêt à agir

56.

Gul Ahmed fait valoir que l’article 129 du règlement de procédure du Tribunal, qui exige qu’un intérêt à agir soit démontré lors du dépôt de la requête, ne saurait être invoqué afin d’exiger du requérant qu’il le fasse à un stade ultérieur de la procédure. Partant, le requérant qui a prouvé son intérêt à agir lors de l’introduction de son recours est libéré de la charge de prouver la persistance de celui-ci au cours de la procédure.

57.

Selon la jurisprudence constante, il appartient au requérant d’apporter la preuve de son intérêt à agir ( 46 ). Toujours selon ladite jurisprudence, la Cour, d’office ou à la demande du défendeur (ou de toute autre partie ayant un intérêt à le faire), peut, à n’importe quel stade de la procédure, déterminer si l’intérêt à agir du requérant perdure ( 47 ).

58.

Toutefois, dès lors que le requérant a prouvé qu’il remplissait toutes les conditions de recevabilité lors du dépôt de la requête ( 48 ), comme l’a fait Gul Ahmed, j’estime qu’il doit exister une présomption de continuité en ce sens.

59.

Cette présomption vaut aussi longtemps qu’elle n’est pas contestée. Un requérant n’est donc pas tenu de verser des pièces, tous les deux mois (par exemple), pour démontrer qu’il a toujours intérêt à agir et « confirmer » sa requête d’origine. Une règle procédurale établissant une telle exigence serait impraticable.

60.

Le défendeur peut cependant tenter, à n’importe quel stade de la procédure, de renverser cette présomption. Puisqu’une telle exception s’apparente à une demande reconventionnelle, il appartient au défendeur d’indiquer, de manière précise et preuves à l’appui, ses griefs exacts ( 49 ). En effet, le requérant doit avoir connaissance des griefs invoqués à son égard. Il serait injuste d’attendre de lui qu’il anticipe l’exception soulevée et réfute d’avance tous les arguments susceptibles d’être invoqués. La Cour ne devrait donc pas accueillir une contestation du maintien de l’intérêt à agir non étayée ( 50 ).

61.

Dans un système procédural qui repose en grande partie sur la phase écrite (tel que celui devant le juge de l’Union), il serait normal de s’attendre à ce que cette exception soit soulevée par écrit. Si, comme en l’espèce, celle-ci est d’abord soulevée oralement lors de l’audience, il me semble que le juge devrait normalement fixer un délai dans lequel celui qui soulève cette exception (c’est‑à‑dire le défendeur) devrait être obligé de déposer une exception formelle, en délimitant précisément sa portée et en apportant les éléments de preuve nécessaires pour établir prima facie la perte de l’intérêt à agir du requérant.

62.

Dès lors que le défendeur l’a fait, la charge de la preuve incombe au requérant, qui doit bénéficier d’une possibilité raisonnable de présenter ses arguments dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage à l’égard de son adversaire ( 51 ). En vertu du principe d’égalité des armes, corollaire du droit à un procès équitable, la Cour devrait donner au requérant une période de temps pendant laquelle réfuter l’exception soulevée et pourrait ensuite fixer un délai afin que les autres parties intéressées puissent déposer leurs observations écrites sur ces questions ( 52 ).

63.

Après réception des observations des deux parties, le Tribunal doit examiner les arguments soulevés et les éléments versés au dossier avant de parvenir à sa décision ( 53 ).

64.

Cette voie n’est cependant pas celle qui a été suivie en l’espèce. Lors de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 25 novembre 2015, le Conseil et la Commission ont fait valoir, à l’oral, que l’intérêt à agir de Gul Ahmed avait disparu en cours d’instance dans la mesure où le règlement no 397/2004 avait expiré et que tout recours en indemnité était prescrit. Dans le même temps, la Commission a avancé plusieurs raisons susceptibles de justifier un intérêt à agir avant d’exposer des arguments détaillés, fondés sur une analyse de la jurisprudence, démontrant en quoi, selon elle, aucune ne pouvait justifier l’intérêt à agir de Gul Ahmed ( 54 ). Le Tribunal a ensuite octroyé deux semaines à Gul Ahmed pour présenter ses observations, et il a ensuite donné au Conseil et à la Commission la possibilité de s’exprimer sur celles‑ci. Toutes les parties ont présenté leurs observations dans le délai qui leur avait été imparti.

65.

Cette procédure est-elle viciée au motif que le Tribunal n’a pas respecté les règles générales proposées aux points 61 à 63 des présentes conclusions ?

66.

Je pense que les institutions ont suffisamment étayé, lors de l’audience, l’exception qu’elles avaient soulevée (sans que Gul Ahmed y ait apporté d’objection). Gul Ahmed était donc dans une situation où elle pouvait faire valoir sa position sur la contestation de son intérêt à agir. Il est vrai que l’on s’attend normalement à ce qu’une objection de cette nature, aussi sérieuse, soit soulevée à l’écrit. Toutefois, Gul Ahmed n’a jamais demandé au Tribunal d’ordonner aux parties ayant formulé une objection de le faire par écrit, pas plus qu’elle n’a exprimé de quelconque réserve quant à la procédure ayant été suivie. Dans de telles conditions, je suis d’avis que la procédure improvisée suivie par le Tribunal n’a pas méconnu les droits de la défense de Gul Ahmed.

67.

Eu égard à ce qui précède, je conclus que le Tribunal n’a violé ni les règles de procédure relatives à la charge de la preuve ni le principe d’égalité des armes.

Gul Ahmed a-t-elle intérêt à agir afin de faire disparaître le risque qu’une telle illégalité se reproduise à l’avenir ?

68.

Gul Ahmed fait valoir que les prétendues erreurs des institutions dans les calculs de la marge de dumping ne sont pas propres à l’affaire, mais sont susceptibles de se reproduire à l’avenir. Elle soutient qu’elle a donc raison de poursuivre la procédure afin d’empêcher le Conseil de reproduire cette illégalité à l’avenir.

69.

Le Conseil affirme qu’il n’existe aucun risque de ce genre. Tout d’abord, la possibilité d’ouvrir une nouvelle enquête sur le linge de lit en coton originaire du Pakistan serait purement hypothétique. Ensuite, et en tout état de cause, les erreurs alléguées seraient propres à l’affaire, car la méthode appliquée s’expliquerait par l’absence de données vérifiables couplée au manque de coopération de Gul Ahmed ( 55 ). Le Tribunal a jugé que Gul Ahmed n’avait présenté aucune argumentation spécifique et a donc rejeté sa prétention ( 56 ).

70.

L’intérêt à agir d’un requérant ne disparaît pas nécessairement lorsqu’un acte litigieux ne produit plus d’effet à l’avenir ( 57 ). Une annulation est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, notamment en évitant le renouvellement d’une pratique irrégulière de la part des institutions de l’Union ( 58 ). Cet intérêt à agir ne saurait toutefois exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir, indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours du requérant ( 59 ). On peut citer, par exemple, des erreurs d’interprétation de dispositions du droit de l’Union à la lumière des accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ( 60 ), notamment des erreurs liées à la méthode, aux critères ou aux formules appliqués, par opposition à des erreurs d’appréciation de circonstances factuelles spécifiques. Enfin, un requérant ne devrait pas avoir à prouver qu’il serait susceptible d’être directement concerné par la répétition future de cette illégalité dans une affaire analogue ( 61 ).

71.

En l’espèce, tout d’abord, le fait que plusieurs années se soient écoulées depuis l’expiration du droit antidumping définitif sur les importations dans l’Union de textile confectionné par Gul Ahmed ne rend pas purement hypothétique la possibilité d’une autre enquête. Bien au contraire, s’il venait un jour à sembler que les pratiques tarifaires des producteurs pakistanais de linge de lit en coton remplissent de nouveau les conditions posées pour l’application des règles de l’Union relatives à la défense contre les importations faisant l’objet d’un dumping, ceux‑ci pourraient bien faire l’objet d’une nouvelle enquête.

72.

Ensuite, le fait que le Conseil se soit fondé, faute de sources premières d’informations fiables, sur « toute autre méthode raisonnable » conformément à l’article 2, paragraphes 3, 5 et 6, du règlement de base ne signifie pas, en soi, que les erreurs de méthode alléguées fussent propres à l’affaire. Lorsqu’il a appliqué cette disposition, le Conseil a dû adopter une certaine méthode et s’appuyer sur certains critères.

73.

Il n’est pas aisé de tracer la ligne de démarcation entre erreurs potentiellement récurrentes, d’une part, et erreurs propres à l’affaire, d’autre part. Une solution donnée peut avoir été appliquée ad hoc et afin de répondre à une situation nouvelle ; elle peut également refléter une pratique administrative constante, ou « modèle », développée par la Commission pour gérer une situation récurrente. Dans ce dernier cas, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle se reproduise à l’avenir.

74.

À mon sens, il est peu probable que l’absence de données primaires fiables et le manque de coopération des personnes faisant l’objet de l’enquête soient des problèmes nouveaux dans le cadre d’une enquête antidumping. Il s’ensuit que, en principe, certaines prétendues erreurs qui pourraient avoir été commises lors d’une telle enquête peuvent en effet être des erreurs de méthode, et, partant, être susceptibles de se reproduire à l’avenir dans des enquêtes similaires.

75.

Toutefois, l’avocat de Gul Ahmed a insisté, lors de l’audience, sur le fait que, par son pourvoi, la requérante contestait l’absence de toute méthode particulière et que son recours reposait sur la circonstance que la Commission avait fondé ses constatations sur des choix ad hoc et arbitraires.

76.

Interprété ainsi, l’argument de Gul Ahmed n’identifie aucune erreur de droit commise par le Tribunal lors de la qualification des prétendues erreurs de la Commission propres à l’affaire. Comme le Conseil et la Commission le soulignent à juste titre, cet argument invite uniquement la Cour à réexaminer les arguments en fait et en droit qui ont été développés devant le Tribunal, ce qui ne relève pas de la compétence de celle-ci. En effet, par cet argument, Gul Ahmed reconnaît, en substance, que les erreurs alléguées étaient propres à l’affaire. J’en conclus que Gul Ahmed n’a pas démontré que l’illégalité alléguée serait susceptible de se reproduire à l’avenir et que le Tribunal a motivé sa position à suffisance de droit sur ce point ( 62 ).

Le rejet prétendument partiel du troisième moyen

77.

Gul Ahmed fait valoir que le Tribunal n’a pas respecté son obligation de motivation s’agissant du rejet prétendument partiel du troisième moyen et qu’il n’a pas statué sur le reste de ce moyen.

78.

Comme le Conseil et la Commission l’ont observé à juste titre, les arguments de Gul Ahmed procèdent d’une lecture manifestement erronée du point 58 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal s’est contenté d’y identifier cinq circonstances propres à l’affaire dans son analyse de la persistance de l’intérêt à la solution de ce litige. Il a jugé que Gul Ahmed n’avait pas d’intérêt à agir pour avancer ce moyen et qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ces points.

79.

Je propose donc de rejeter cette partie du pourvoi.

La prétendue violation du principe établi dans l’arrêt Shanghai Excell

80.

Gul Ahmed semble considérer que l’arrêt Shanghai Excell sous‑entend que déclarer son recours irrecevable reviendrait à admettre que des actes dont les effets juridiques expirent après qu’un recours en annulation contre ceux-ci a été formé, mais avant qu’un arrêt ne soit rendu, peuvent échapper à tout contrôle, ce qui est incompatible avec l’article 263 TFUE.

81.

Une telle lecture de l’arrêt Shanghai Excell impliquerait que, indépendamment du changement éventuel d’autres circonstances, un intérêt à agir doit être systématiquement considéré comme établi dans un recours en annulation portant sur des actes dont les effets juridiques expirent avant le prononcé de l’arrêt. Comme le Conseil et la Commission le soulignent à juste titre, un tel principe ne saurait être déduit de cet arrêt, et notamment des points 56 et suivants.

82.

Je propose donc de rejeter cette partie du pourvoi.

Le Tribunal a-t-il motivé son arrêt de manière adéquate ?

83.

Gul Ahmed soutient, quoique en termes généraux, que le Tribunal a enfreint l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne puisqu’il n’aurait pas motivé son arrêt ni examiné l’ensemble des arguments et éléments de preuve qu’elle a invoqués pour démontrer qu’elle continuait d’avoir un intérêt à agir.

84.

J’ai déjà examiné le caractère adéquat de la motivation du Tribunal en ce qui concerne le risque d’une illégalité récurrente à l’avenir ( 63 ). Je vais donc désormais analyser la motivation du Tribunal pour les autres moyens qui, selon Gul Ahmed, justifient son intérêt à agir.

Remboursement des dépens par le Conseil

85.

Gul Ahmed soutient qu’elle a un intérêt légitime à agir en vue d’être remboursée des dépens qu’elle a supportés. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé qu’une annulation du règlement no 397/2004 ne conférerait pas, en tant que telle, à la requérante un droit au remboursement des dépens étant donné qu’une telle demande fait l’objet d’un chef de conclusions différent et que même une partie gagnante peut dans certaines circonstances être condamnée aux dépens ( 64 ).

86.

Je suis d’accord avec la conclusion du Tribunal, mais pas avec son raisonnement.

87.

Demander la condamnation aux dépens de la partie qui succombe ne constitue pas un chef de conclusions autonome. C’est une demande accessoire et subordonnée au chef de conclusions principal tendant à l’annulation de l’acte litigieux. Si une partie perd son intérêt à agir à l’égard du chef de conclusions principal, elle perd également tout intérêt à demander le remboursement des dépens liés à la demande principale.

88.

L’article 58, paragraphe 2, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne dispose qu’un pourvoi dirigé uniquement contre la décision sur les dépens est irrecevable. Compte tenu du libellé et de l’objectif de cette disposition, l’intérêt à recouvrer les dépens ne saurait justifier, en tant que tel, la poursuite de la procédure. Pour justifier un tel intérêt, un requérant doit établir un intérêt allant au-delà de la question des dépens ( 65 ). La condition tenant à l’intérêt à agir perdrait tout son sens si la simple demande de condamnation de l’autre partie aux dépens suffisait à justifier un intérêt à poursuivre la procédure en annulation.

89.

Je propose donc à la Cour de conclure que le souhait de recouvrer les dépens ne constitue pas une base indépendante justifiant un intérêt à agir. Cette constatation ne justifie toutefois pas, à elle seule, l’annulation de l’arrêt attaqué, car la conclusion du Tribunal reste correcte.

Sur un futur recours en indemnité dû au fait que le juge de l’Union n’a pas statué dans un délai raisonnable

90.

Gul Ahmed s’appuie également sur son intention de demander réparation, à l’avenir, pour la durée prétendument excessive de la procédure devant le juge de l’Union. Le Tribunal a jugé que, pour obtenir réparation, Gul Ahmed doit introduire un recours en indemnité devant lui. Il s’ensuit qu’elle ne pourrait pas se prévaloir de ce motif pour justifier son intérêt à agir en l’espèce ( 66 ).

91.

Si je parviens à la même conclusion que le Tribunal, je suis un autre raisonnement.

92.

Il est de jurisprudence constante qu’un requérant peut conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte qui lui fait grief, pour autant qu’une conclusion d’illégalité pourrait servir de fondement à un futur recours en indemnité lié au préjudice moral ou matériel ( 67 ) que lui cause l’acte litigieux ( 68 ). Le requérant a notamment intérêt à agir lorsque l’annulation de l’acte litigieux est, par elle‑même, de nature à lui procurer un avantage dans le cadre de ce recours, notamment en accroissant les chances de succès de celui-ci ( 69 ). Un requérant a également intérêt à agir lorsque l’annulation est susceptible de constituer la base d’une éventuelle négociation extrajudiciaire avec l’auteur de l’acte annulé visant à réparer le dommage subi ( 70 ).

93.

Le succès du recours en indemnité pour durée excessive de la procédure ne dépend toutefois pas, en règle générale, du succès préalable du recours en annulation de l’acte litigieux ( 71 ).

94.

Je propose donc à la Cour de conclure que l’intention d’introduire à l’avenir un recours en indemnité pour durée excessive de la procédure n’entraîne pas le maintien de l’intérêt à agir dans le recours en annulation pendant. Cette constatation ne justifie toutefois pas, à elle seule, l’annulation de l’arrêt attaqué, car la conclusion du Tribunal reste correcte.

Remboursement des droits antidumping payés

95.

Gul Ahmed fait valoir que la demande que sa filiale, GTM (Europe) Ltd (ci-après « GTM »), a adressée aux autorités belges pour obtenir le remboursement des droits antidumping payés sur les importations en cause depuis août 2007, accompagnée d’autres demandes similaires, justifie le maintien de son intérêt à agir. Le Conseil fait valoir que l’intérêt à agir d’une filiale n’est pas pertinent.

96.

Le Tribunal a jugé, tout d’abord, que l’intérêt à agir de la filiale de Gul Ahmed « se confond » avec celui de cette dernière, de sorte qu’il le justifie ( 72 ). Ensuite, le Tribunal a constaté que la demande formée par GTM concernait les droits payés en vertu de la modification du règlement no 397/2004 par le règlement no 695/2006, qui remplace certains éléments tenant au dumping du règlement no 397/2004 ( 73 ). Il a également jugé que les deuxième et troisième moyens étaient destinés à contester les éléments du règlement no 397/2004 qui ont été remplacés et qu’une annulation demandée sur cette base ne pouvait donc pas avoir d’incidence sur la demande de remboursement des droits prélevés au titre du règlement ultérieur formée par GTM. Par conséquent, il a jugé que la demande de remboursement ne justifiait l’intérêt à agir de Gul Ahmed qu’en ce qui concernait les premier, quatrième et cinquième moyens soulevés devant lui ( 74 ). Il n’a pas examiné les autres demandes de remboursement auxquelles Gul Ahmed a fait référence dans ses mémoires.

97.

Lors de l’audience qui s’est tenue devant la Cour, Gul Ahmed a expliqué qu’elle n’avait pas présenté d’éléments de preuve pour étayer les autres demandes de remboursement au motif que celles-ci avaient été présentées par des importateurs indépendants de ses produits, ce qui, pensait-elle, les privait de pertinence en l’espèce.

98.

Dans ces conditions, on ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir fondé son appréciation sur la seule demande de remboursement formée par GTM. En outre, le Tribunal n’était ni spécifiquement tenu de justifier sa position quant à ces autres demandes, qui n’ont été invoquées que de manière générale, ni tenu de donner les raisons pour lesquelles il les jugeait dénuées de pertinence ( 75 ).

99.

Si le règlement no 397/2004 était annulé, la base juridique du remboursement des droits antidumping prélevés sur les importations des produits de Gul Ahmed serait l’article 116, paragraphe 1, sous a), du code des douanes de l’Union lu en combinaison avec l’article 117, paragraphe 1, de ce même code. Aux termes de l’article 121, paragraphe 1, sous a), de celui-ci, une demande de remboursement doit être déposée dans un délai de trois ans à compter de la date de la notification de la dette douanière en cause. Partant, Gul Ahmed ne pourrait justifier son intérêt à agir qu’en invoquant les demandes de remboursement présentées dans ce délai, telles que celle de GTM.

100.

Les deuxième et troisième moyens soulevés dans la requête de Gul Ahmed se réfèrent bien à des éléments du règlement no 397/2004 qui ont été remplacés par le règlement no 695/2006 ( 76 ). Même si les critères et la méthode utilisés par le Conseil aux fins de ce règlement peuvent, dans une certaine mesure, avoir été analogues à ceux utilisés pour le règlement no 397/2004 ( 77 ), une éventuelle annulation de ce dernier n’aurait aucun effet direct sur la légalité du règlement no 695/2006.

101.

En outre, même si le Tribunal annulait le règlement no 397/2004 et même si, en théorie, cette annulation pouvait inciter le Conseil à réexaminer le règlement no 695/2006 ou à le révoquer avec effet rétroactif, un tel cas de figure ne conférerait tout au plus à Gul Ahmed qu’une perspective incertaine et future d’obtenir un bénéfice. Cela ne suffirait pas, en soi, à justifier l’intérêt à agir de Gul Ahmed ( 78 ).

102.

Il s’ensuit que la motivation fournie par le Tribunal sur ce point pour rejeter les arguments de Gul Ahmed est suffisamment claire.

Rétablissement de la réputation de Gul Ahmed

103.

Les mémoires de Gul Ahmed et son pourvoi ne font aucune mention d’un intérêt au rétablissement de sa réputation. Le Tribunal a jugé que celle-ci « n’a aucunement développé son allégation » sur ce point ( 79 ). Lors de l’audience qui s’est tenue le 25 janvier 2018, la Commission a expliqué que, lors de l’audience devant le Tribunal, c’est elle qui avait soulevé et examiné cette question en tant que motif susceptible de justifier un intérêt à agir.

104.

La possibilité de rétablir la réputation d’un requérant ne touche pas à sa situation juridique, mais à sa situation matérielle. L’intérêt à agir peut être justifié par une possibilité réelle (par opposition à une certitude absolue) d’obtenir un tel bénéfice matériel ( 80 ).

105.

Selon la jurisprudence constante, l’institution de droits antidumping est une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping ( 81 ). D’après moi, le règlement qui institue un droit antidumping définitif peut porter atteinte à la réputation des personnes qu’il cite comme étant responsables des pratiques de dumping. Il est donc concevable que le requérant qui en demande l’annulation ait à tout le moins un intérêt moral à poursuivre la procédure puisqu’une telle annulation pourrait limiter l’atteinte à sa réputation, si ce n’est l’effacer ( 82 ). Cet intérêt à agir peut être justifié indépendamment de la nature des moyens soulevés ( 83 ).

106.

Toutefois, pour que ces principes s’appliquent, le requérant doit avoir soulevé l’atteinte portée à sa réputation par le règlement dont il demande l’annulation dans ses mémoires et en avoir apporté la preuve. Ce n’est pas le cas en l’espèce, et je n’examinerai donc pas cette possibilité plus avant.

Sur le futur recours en réparation du préjudice causé par le règlement no 397/2004

107.

Devant le Tribunal, Gul Ahmed s’est appuyée, quoique en termes généraux uniquement, sur la possibilité d’attaquer en justice le Conseil pour obtenir réparation du préjudice que lui a causé le règlement no 397/2004. Le Conseil et la Commission ont fait valoir qu’un recours en indemnité relatif au préjudice causé par le règlement no 397/2004 était, en tout état de cause, prescrit. Le Tribunal a omis d’examiner cet argument dans l’arrêt attaqué.

108.

En principe, un requérant conserve un intérêt à demander l’annulation d’un acte si la constatation de l’illégalité de celui-ci est susceptible de servir de fondement à un futur recours en indemnité relatif au préjudice que lui a causé l’acte litigieux ou pour des négociations futures avec l’auteur de cet acte ( 84 ). Un futur recours en indemnité ne peut toutefois procurer un bénéfice à un requérant que s’il n’est pas prescrit, et donc pas irrecevable.

109.

Aux termes de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les actions contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à compter de la survenance du fait qui y donne lieu, à moins que la prescription ne soit interrompue par l’introduction d’une action contre l’Union en matière de responsabilité non contractuelle devant la Cour de justice ( 85 ) ou par une demande préalable adressée à l’institution compétente de l’Union. Lorsque la responsabilité non contractuelle de l’Union trouve sa source dans un acte d’application générale, ce délai de prescription commence à courir lorsque les effets dommageables de cet acte se sont produits ( 86 ).

110.

Le droit de Gul Ahmed à obtenir réparation du préjudice qu’elle a subi pendant la période d’application du règlement no 397/2004, notamment s’agissant de son obligation de payer des droits antidumping sur les importations de ses produits dans l’Union, est prescrit. Ce règlement a expiré le 4 mars 2009 et le délai de prescription n’a jamais été interrompu. Le fait que Gul Ahmed ait formé un recours en annulation n’a notamment pas interrompu le délai de prescription ( 87 ).

111.

Il est théoriquement possible pour Gul Ahmed d’avoir subi d’autres préjudices qui ne se seraient matérialisés que plus tard et pour lesquels le délai de prescription n’aurait pas encore expiré. Toujours en théorie, elle pourrait subir des préjudices continus, tels que le paiement de frais de garantie bancaire ( 88 ) ou une atteinte à sa réputation ( 89 ), pour lesquels elle pourrait encore attaquer le Conseil en justice ( 90 ).

112.

J’ai déjà examiné l’atteinte à la réputation dans les présentes conclusions ( 91 ). Du reste, Gul Ahmed n’a pas identifié, que ce soit devant le Tribunal ou la Cour, de préjudice continu ou de recours en indemnité pendant. Elle ne peut donc pas établir un intérêt à agir sur la base d’arguments aussi vagues et peu étayés. On ne saurait reprocher au Tribunal de ne pas avoir expressément motivé sa position sur ce point ( 92 ).

Les conclusions relatives au respect de l’obligation de motivation

113.

Eu égard à ce qui précède, je conclus que la motivation fournie par le Tribunal est adéquate, de sorte que l’argument en sens contraire de Gul Ahmed devrait être rejeté.

Sur les dépens

114.

Étant donné que la Cour m’a demandé de n’examiner que le premier moyen de Gul Ahmed et que le sort réservé au présent pourvoi dépend en dernier ressort de la position de la Cour non seulement concernant ce moyen, mais également concernant le deuxième moyen, je ne présente aucune recommandation en matière de dépens en l’espèce.

Conclusion

115.

Par ces motifs, et sans préjudice de l’appréciation par la Cour du deuxième moyen à l’appui du pourvoi, je propose à la Cour de rejeter le premier moyen soulevé par Gul Ahmed Textile Mills Ltd.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:740.

( 3 ) JO 2004, L 66, p. 1.

( 4 ) Règlement du Conseil du 22 décembre 1995 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1, ci-après le « règlement de base »).

( 5 ) Règlement du Conseil du 5 mai 2006 modifiant le règlement no 397/2004 (JO 2006, L 121, p. 14).

( 6 ) Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (JO 1994, L 336, p. 1).

( 7 ) Non publié, EU:T:2011:535.

( 8 ) Ce moyen concernait le prétendu défaut d’examen, par le Conseil, de la question de savoir si certains facteurs avaient rompu le lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union.

( 9 ) EU:C:2013:732.

( 10 ) C’est-à-dire cinq ans à compter de la survenance du fait qui donne lieu au préjudice subi.

( 11 ) Aux termes de l’article 121, paragraphe 1, sous a), du r èglement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1), les demandes de remboursement doivent être présentées dans un délai de trois ans à compter de la date de la notification de la dette douanière.

( 12 ) Je relève que la liste des moyens examinés par le Tribunal n’est pas exactement identique à la liste des moyens soulevés par Gul Ahmed devant celui-ci. Je reviendrai ultérieurement sur cette incohérence (voir points 103 et 107 des présentes conclusions).

( 13 ) Voir premier, quatrième et dernier alinéas de l’article 263 TFUE.

( 14 ) Arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 55).

( 15 ) Voir conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:409, point 23).

( 16 ) Arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission (53/85, EU:C:1986:256, point 21), et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 57). Voir également, dans le cadre d’un pourvoi, arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13), et du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission (C‑362/05 P, ci-après l’« arrêt Wunenburger », EU:C:2007:322, point 42).

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 65), et du 26 février 2015, Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2015:124, point 34).

( 18 ) Arrêts du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission (C‑149/12 P, non publié, EU:C:2013:433, point 32), et du 23 décembre 2015, Parlement/Conseil (C‑595/14, EU:C:2015:847, point 23).

( 19 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 1998, Langnese-Iglo/Commission (C‑279/95 P, EU:C:1998:447), dans lequel la Cour a jugé que l’expiration de l’acte litigieux ne fait pas disparaître l’intérêt de trancher définitivement le litige sur la légalité et la portée des dispositions de celui-ci en vue de déterminer ses effets juridiques pendant la période précédant la date d’expiration (point 71). Dans le même ordre d’idées, l’intérêt à agir est susceptible de perdurer bien que l’acte litigieux soit caduc (arrêt Wunenburger, points 41 à 62), ait été abrogé (arrêt du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, points 34 et 35) ou ait été remplacé (arrêt du 7 octobre 2009, Vischim/Commission, T‑420/05, EU:T:2009:391, points 58 à 63), ne soit plus applicable (arrêt du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, EU:C:1988:200, point 16) ou ait été totalement exécuté et ait donc déjà produit tous ses effets (arrêt du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, EU:C:1986:256, point 21).

( 20 ) Arrêt du 23 décembre 2015, Parlement/Conseil (C‑595/14, EU:C:2015:847, point 18 et jurisprudence citée).

( 21 ) En l’espèce, la durée de la procédure n’est pas imputable à Gul Ahmed, si ce n’est une période de presque deux ans (du 15 octobre 2004 au 7 septembre 2006), pendant laquelle la procédure a été suspendue à la demande de la requérante.

( 22 ) Voir arrêt du 18 mars 2009, Shanghai Excell M&E Enterprise et Shanghai Adeptech Precision/Conseil (T‑299/05, ci-après l’« arrêt Shanghai Excell », EU:T:2009:72, point 56).

( 23 ) Arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166, point 23).

( 24 ) Il convient de relever que dans l’arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, EU:C:1986:166), la Cour a fait la célèbre constatation suivante : « le traité a établi un système complet de voies de recours et de procédure destiné à confier à la Cour de justice le contrôle de la légalité des actes des institutions » (voir point 23 de l’arrêt ; mise en italique par mes soins).

( 25 ) Comme le Tribunal l’a souligné à juste titre au point 57 de l’arrêt Shanghai Excell.

( 26 ) Note sans objet pour la version de langue française des présentes conclusions.

( 27 ) La Cour a suivi cette approche généreuse dans de nombreuses affaires. L’arrêt du 17 avril 2008, Flaherty e.a./Commission (C‑373/06 P, C‑379/06 P et C‑382/06 P, EU:C:2008:230), en est un exemple frappant. Un auteur de doctrine y voit « un certain libéralisme favorable à l’accès au juge », voir Van Raepenbusch, S., « Le recours en annulation », in Les recours des particuliers devant le juge de l’Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 47.

( 28 ) Voir point 31 des présentes conclusions.

( 29 ) Voir conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Binca Seafoods/Commission (C‑268/16 P, EU:C:2017:444, point 95).

( 30 ) Voir Renaudie, O., L’intérêt à agir devant le juge administratif, Paris, Berger‑Levrault, 2015, p. 43, qui met en évidence la nécessité d’une « lecture démocratique », « revisitée par les droits de l’Homme », de la condition tenant à l’intérêt à agir.

( 31 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Telefónica/Commission (C‑274/12 P, EU:C:2013:204, point 86).

( 32 ) Mariatte, F., Ritleng, D., Contentieux de l’Union européenne 1. Annulation, exception d’illégalité, Paris, Lamy, 1998, p. 108.

( 33 ) Voir, en ce sens, ses conclusions dans l’affaire Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:693, point 38).

( 34 ) Voir ses conclusions dans l’affaire Binca Seafoods/Commission (C‑268/16 P, EU:C:2017:444, point 93).

( 35 ) En d’autres termes, probatio diabolica. Voir, dans le même sens, arrêt du 11 avril 2013, Mindo/Commission (C‑652/11 P, EU:C:2013:229, point 50).

( 36 ) Dans certains cas, le juge de l’Union s’est référé à ce critère, sans toutefois en tirer de quelconques déductions. Voir, notamment, ordonnance du 6 juillet 2011, Petroci/Conseil (T‑160/11, non publiée, EU:T:2011:334, point 23).

( 37 ) Lenaerts, K., Maselis, I., Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, 2014, p. 360. Voir également arrêts du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group (C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 50) ; du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes (204/85, EU:C:1987:21, point 11), et du 30 avril 1998(Cityflyer Express/Commission, T‑16/96, EU:T:1998:78, point 30).

( 38 ) En matière de droits antidumping, le Tribunal a souvent interprété ce critère de manière large. Voir, notamment, arrêts du 29 juin 2000, Medici Grimm/Conseil (T‑7/99, EU:T:2000:175, points 54 à 56), et du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil (T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 47).

( 39 ) Voir Van Raepenbusch, S., op. cit. p. 47. Voir également conclusions de l’avocat général Kokott dans les affaires jointes Italie/Commission (C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, EU:C:2005:387, point 41) et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:409, point 28).

( 40 ) Voir, à cet égard, Wicker, G., « La légitimité de l’intérêt à agir », Études sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux : mélanges en l’honneur d’Yves Serra, Dalloz, 2006, p. 460.

( 41 ) Bien qu’elle ait présenté les points 42 à 60 de l’arrêt attaqué comme étant entachés d’erreurs de droit, Gul Ahmed a reconnu, lorsqu’elle a été interrogée lors de l’audience sur ce point, que son pourvoi ne visait en réalité que les points 49 et 55 à 60.

( 42 ) Arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission (C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 51 et jurisprudence citée).

( 43 ) Arrêt du 26 mai 2016, Rose Vision/Commission (C‑224/15 P, EU:C:2016:358, point 26).

( 44 ) Ordonnance du 27 septembre 2004, UER/M6 e.a. (C‑470/02 P, non publiée, EU:C:2004:565, point 69), ainsi qu’arrêts du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 65 à 67), et du 5 octobre 2009, Commission/Roodhuijzen (T‑58/08 P, EU:T:2009:385, points 34 à 37).

( 45 ) Voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 193).

( 46 ) Voir, en ce sens, ordonnance du 31 juillet 1989, S./Commission (206/89 R, EU:C:1989:333, point 8), et arrêt du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission (C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 27).

( 47 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13), et ordonnance du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission (T‑28/02, EU:T:2005:357, points 36 et 37). Voir également, en tant qu’exemples d’affaires dans lesquelles le Tribunal s’est saisi d’office de cette question, arrêts du 7 mars 2013, Acino/Commission (T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, points 29 à 46), et du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes (T‑87/11, non publié, EU:T:2013:161, points 43 à 49).

( 48 ) Voir points 29 et 30 des présentes conclusions.

( 49 ) Conformément au principe necessitas probandi incumbit ei qui agit. Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI (C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 23).

( 50 ) Voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Commission/Infront WM (C‑125/06 P, EU:C:2007:611, points 71 à 73), ainsi que l’arrêt du 13 mars 2008 rendu dans cette affaire (EU:C:2008:159, point 56) ; ordonnance du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission (C‑503/07 P, EU:C:2008:207, point 51), et arrêt du 11 mai 2010, PC‑Ware Information Technologies/Commission (T‑121/08, EU:T:2010:183, point 36). Voir également, en ce sens, Clausen, F., Les moyens d’ordre public dans le contentieux relevant de la Cour de justice de l’Union européenne, Université Paris II, 2017, à paraître chez Bruylant, p. 509.

( 51 ) Arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, points 71 et 72).

( 52 ) À cette fin, le Tribunal peut prendre les mesures d’organisation de la procédure pertinentes conformément aux articles 88 à 90 du règlement de procédure.

( 53 ) La séquence que j’ai établie dans les points précédents s’inspire de la procédure prévue à l’article 130, paragraphes 1 à 7, du règlement de procédure du Tribunal en cas d’objections préliminaires relatives à l’irrecevabilité du recours ou à la compétence du Tribunal. Voir, notamment, ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil (T‑18/10, EU:T:2011:419).

( 54 ) En réponse à des questions de la Cour lors de l’audience, la Commission a exposé de manière détaillée, et sans être contredit par Gul Ahmed, la façon dont les arguments relatifs à l’intérêt à agir avaient été présentés lors de l’audience devant le Tribunal. La Commission a précisé que ces moyens incluaient un futur recours en indemnité, une demande de remboursement des droits antidumping payés par les importateurs liés et la perspective du rétablissement de la réputation de Gul Ahmed.

( 55 ) Voir note en bas de page 77 des présentes conclusions.

( 56 ) Point 57 de l’arrêt attaqué.

( 57 ) Voir jurisprudence citée au point 34 des présentes conclusions.

( 58 ) Voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil (C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 25).

( 59 ) Arrêt Wunenburger, point 52.

( 60 ) Arrêt du 24 septembre 2008, Reliance Industries/Conseil et Commission (T‑45/06, EU:T:2008:398, point 43).

( 61 ) Si l’arrêt Wunenburger (point 58) et l’arrêt Shanghai Excell (point 51, dans le cadre d’un droit antidumping définitif) se réfèrent à une telle condition supplémentaire, l’arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil (C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 25), se réfère, de manière abstraite, au risque de reproduction à l’avenir en tant que tel.

( 62 ) Arrêt du 26 novembre 2013, Groupe Gascogne/Commission (C‑58/12 P, EU:C:2013:770, point 37).

( 63 ) Voir points 68 à 76 des présentes conclusions.

( 64 ) Voir point 52 de l’arrêt attaqué.

( 65 ) Voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C‑413/06 P, EU:C:2007:790, point 80).

( 66 ) Voir point 53 de l’arrêt attaqué.

( 67 ) Voir arrêts du 22 décembre 2008, Gordon/Commission (C‑198/07 P, EU:C:2008:761, points 19 et 60), et du 16 juillet 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission (C‑481/07 P, non publié, EU:C:2009:461, point 38).

( 68 ) Voir, notamment, arrêts du 5 mars 1980, Könecke Fleischwarenfabrik/Commission (76/79, EU:C:1980:68, point 9) ; du 31 mars 1998, France e.a./Commission (C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 74) ; du 13 juillet 2000, Parlement/Richard (C‑174/99 P, EU:C:2000:412, points 33 et 34), et du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission (C‑149/12 P, non publié, EU:C:2013:433, points 32 et 33).

( 69 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 75 et 80).

( 70 ) Arrêt Shanghai Excell, point 55. Voir également arrêts du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission (T‑457/09, EU:T:2014:683, point 139), et du 14 novembre 2013ICdA e.a./Commission, (T‑456/11, EU:T:2013:594, point 38).

( 71 ) Pour des exemples d’affaires démontrant que les requérants peuvent, en principe, intenter avec succès une action en justice contre l’Union pour le préjudice découlant de la durée excessive d’un recours en annulation bien que leurs recours en annulation aient été préalablement rejetés, voir arrêts du 1er février 2017, Kendrion/Union européenne (T‑479/14, EU:T:2017:48) ; du 10 janvier 2017, Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne (T‑577/14, EU:T:2017:1), ainsi que du 7 juin 2017, Guardian Europe/Union européenne (T‑673/15, EU:T:2017:377).

( 72 ) Aucune des parties n’a contesté cette constatation.

( 73 ) À savoir : détermination de la valeur normale et comparaison de celle-ci avec le prix à l’exportation.

( 74 ) Voir point 54 de l’arrêt attaqué.

( 75 ) Voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission (C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 38).

( 76 ) Ces éléments ont été constatés de nouveau après une nouvelle enquête. Sur la base des données obtenues grâce à cette enquête, le Conseil a fixé de nouveaux taux pour le droit antidumping dans ce règlement, qui ont remplacé ceux établis dans le règlement no 397/2004.

( 77 ) La méthode que la Commission a appliquée au cours de l’enquête ayant précédé l’adoption de ces deux règlements a quelque peu différé. Cela s’explique par le fait qu’au cours de la deuxième enquête, la Commission pouvait fonder ses constatations sur des données d’une qualité relativement bonne, données vérifiées rapportées par un groupe de producteurs pakistanais de linge de lit en coton, ce qui n’était pas le cas lors de la première enquête.

( 78 ) La situation aurait évidemment été différente si une telle annulation (qu’elle ait été accompagnée ou non du maintien des effets du règlement annulé) était intervenue avant l’adoption du règlement no 695/2006 ou alors que ce dernier était encore applicable. Les présentes conclusions n’ont toutefois pas pour objet l’examen plus poussé de ces scénarios hypothétiques.

( 79 ) Points 44 et 59 de l’arrêt attaqué.

( 80 ) Voir, en ce sens, l’analyse approfondie de l’avocat général Bobek dans ses conclusions dans les affaires jointes Bionorica et Diapharm/Commission (C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:297, points 47 à 57).

( 81 ) Arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil (C‑458/98 P, EU:C:2000:531, points 91 et 92).

( 82 ) Voir, par analogie, arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:331, points 70 à 72) ; du 8 septembre 2016, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil (C‑459/15 P, non publié, EU:C:2016:646, point 12) ; du 6 juin 2013, Ayadi/Commission (C‑183/12 P, non publié, EU:C:2013:369, points 59 à 81), et du 15 juin 2017, Al-Faqih e.a./Commission (C‑19/16 P, EU:C:2017:466, points 36 et 37). Voir également, par analogie, arrêt du 15 mars 1973, Marcato/Commission (37/72, EU:C:1973:33, points 6 et 7).

( 83 ) Voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Abdulrahim/Conseil et Commission (C‑239/12 P, EU:C:2013:30, point 66).

( 84 ) Voir point 92 des présentes conclusions.

( 85 ) Arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 55).

( 86 ) Arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission (C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 29).

( 87 ) Arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission (C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 36).

( 88 ) Arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission (C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 35).

( 89 ) Arrêt du 7 juin 2017, Guardian Europe/Union européenne (T‑673/15, EU:T:2017:377, point 42).

( 90 ) Une telle action serait recevable pour les préjudices nés pendant la période de cinq ans ayant précédé l’action en cause. Voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission (T‑28/03, EU:T:2005:139, point 70), et du 16 décembre 2015, Chart/SEAE (T‑138/14, EU:T:2015:981, point 58 et jurisprudence citée).

( 91 ) Voir points 103 à 106 des présentes conclusions.

( 92 ) Arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission (C‑202/07 P, EU:C:2009:214, point 30 et jurisprudence citée).