ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 mars 2018 ( *1 )

« Pourvoi – Aides d’État – Aides mises à exécution par la République française en faveur de Sernam – Aide à la restructuration et recapitalisation, garanties et abandon de créances par la SNCF envers Sernam – Décision déclarant ces aides incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur récupération – Vente des actifs en bloc – Notion de “vente” – Confusion entre l’objet et le prix de la vente des actifs en bloc – Procédure ouverte et transparente – Critère de l’investisseur privé – Application de ce principe à une cession des actifs en bloc – Mesures compensatoires »

Dans l’affaire C‑127/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 février 2016,

SNCF Mobilités, anciennement Société nationale des chemins de fer français (SNCF), établie à Saint-Denis (France), représentée par Mes P. Beurier, O. Billard, M. G. Fabre et V. Landes, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République française,

Mory SA, en liquidation,

Mory Team, en liquidation,

établies à Pantin (France), représentées par Mes B. Vatier et F. Loubières, avocats,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, J.‑C. Bonichot, S. Rodin et E. Regan (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 mars 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, SNCF Mobilités, anciennement Société nationale des chemins de fer français (ci-après la « SNCF »), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 17 décembre 2015, SNCF/Commission (T‑242/12, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:1003), par lequel celui-ci a rejeté son recours visant à l’annulation de la décision 2012/398/UE de la Commission, du 9 mars 2012, concernant l’aide d’État no SA.12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO 2012, L 195, p. 19, ci-après la « décision Sernam 3 »).

Les antécédents du litige

2

Au début des années 2000, la situation financière de Sernam SA, dont l’activité était structurellement déficitaire, a nécessité la mise en œuvre d’un plan de restructuration, reposant notamment sur des mesures d’assistance commerciale et de redressement, prises par la SNCF, constitutives d’aides d’État. Par décision du 23 mai 2001 concernant l’aide d’État NN 122/2000 (ex NJ 140/2000) (JO 2001, C 199, p. 15, ci-après la « décision Sernam 1 »), la Commission européenne a approuvé une aide à la restructuration du groupe Sernam et a déclaré compatible avec le marché intérieur un montant d’aide de 503 millions d’euros au titre de la restructuration de Sernam, envisagée initialement dans le cadre d’un projet de reprise de cette dernière par Geodis SA.

3

Par courrier du 17 juin 2002, les autorités françaises ont informé la Commission que les aides approuvées par la décision Sernam 1 avaient été exécutées dans des conditions différentes de celles sur la base desquelles la Commission avait pris cette décision. Par ailleurs, par courrier du 8 juillet 2002, la Commission a été saisie d’une plainte concernant le dossier Sernam.

4

Par lettre du 30 avril 2003, la Commission a informé la République française de sa décision, intitulée « Aides d’État – France – Invitation à présenter des observations en application de l’[article 108, paragraphe 2, TFUE] concernant l’aide C 32/03 (ex NN 122/2000) – “Sernam 2 : Révision des aides à la restructuration” » (JO 2003, C 182, p. 2), d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’encontre de ces aides.

5

Par sa décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise « Sernam » (JO 2006, L 140, p. 1, ci-après la « décision Sernam 2 »), la Commission a conclu au non-respect de la décision Sernam 1, ce qui constituait un abus de l’aide, au sens de l’article 1er, sous g), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

6

À ce titre, elle a constaté qu’un montant d’aide supplémentaire de 41 millions d’euros avait été illégalement versé pour couvrir certaines pertes postérieures à l’adoption de la décision Sernam 1 et en a ordonné le remboursement. Néanmoins, la Commission a également constaté que les autorités françaises avaient rempli plusieurs de leurs objectifs en conformité avec la décision Sernam 1 et que l’aide examinée répondait aux critères de modification d’un plan de restructuration prévus au point 3.2.4 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2). La Commission a donc confirmé la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide d’État de 503 millions d’euros autorisée par la décision Sernam 1, sous réserve du respect de deux conditions, à savoir, d’une part, le recentrage de Sernam sur ses activités d’acheminement ferroviaire et, d’autre part, le remplacement de ses activités d’acheminement par transport routier par le recours aux services d’entreprises indépendantes. Alternativement, la décision Sernam 2 prévoyait également la possibilité d’une cession des actifs en bloc de Sernam.

7

Ainsi, le dispositif de la décision Sernam 2 est libellé comme suit :

« Article premier

1.   L’aide d’État en faveur de [...] Sernam, approuvée en mai 2001, à hauteur du montant de 503 millions [d’euros], est compatible avec le marché commun aux conditions prévues aux articles 3 et 4.

2.   L’aide d’État mise à exécution par la [République française] en faveur de [...] Sernam, pour un montant de 41 millions [d’euros] est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1.   La [République française] prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer, auprès de son bénéficiaire, l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, et déjà illégalement mise à sa disposition.

2.   La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu’à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

1.   Sous réserve du paragraphe 2, les conditions suivantes devront être respectées :

a)

Sernam ne pourra développer que ses activités d’acheminement de messagerie par voie ferroviaire suivant le concept du Train bloc express, “TBE”). À cet égard, la SNCF garantit d’offrir à tout autre opérateur qui en fait la demande, les mêmes conditions que celles accordées à Sernam pour le développement de transport ferroviaire de fret, “TBE”.

b)

En revanche, Sernam devra, au cours des deux prochaines années à compter de la date de notification de la présente décision, remplacer intégralement ses moyens propres et services de transport routier par des moyens et services de transport routier d’une ou de plusieurs entreprises juridiquement et économiquement indépendantes de la SNCF et choisies selon une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire.

Par moyens propres et services de transport routier de Sernam sont visés l’ensemble des moyens routiers — à savoir, les véhicules de transport routier — de la compagnie Sernam en pleine propriété ou en leasing/location ;

Les entreprises qui reprendront les activités routières de Sernam, devront assurer l’ensemble de la prestation de transport routier avec leurs ressources propres.

2.   Dans le cas où Sernam vend ses actifs en bloc, d’ici au 30 juin 2005, au prix du marché, à une société n’ayant pas de lien juridique avec la SNCF, moyennant une procédure transparente et ouverte, les conditions du paragraphe 1 ne s’appliquent pas.

Article 4

Toute vente partielle ou entière de Sernam doit être effectuée au prix du marché et moyennant une procédure transparente et ouverte à tous ses concurrents. Dans ces conditions, le remboursement de l’aide de 41 millions [d’euros] incombera à [...] Sernam si celle-ci continue d’exister.

Article 5

La [République française] informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s’y conformer.

Article 6

La République française est destinataire de la présente décision. »

8

La SNCF a décidé de mettre en œuvre la voie ouverte à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 qui prévoyait la possibilité d’une cession des actifs en bloc de Sernam. Selon les autorités françaises, la situation économique de Sernam n’a pas permis d’obtenir des propositions de valorisation positive dans le cadre de l’appel d’offres diligenté pour le compte de la SNCF par une banque. Toutes les offres remises dans le cadre de cette procédure auraient conclu à une valeur très largement négative. Aucune offre ferme n’ayant été soumise, la décision de poursuivre les discussions uniquement avec le consortium formé par le candidat no 5 associé à l’équipe de direction de Sernam a été prise. Le 15 juin 2005, le candidat no 5 a finalement fait savoir oralement à la SNCF son incapacité à remettre une offre de reprise, même conditionnelle, avant le 30 juin 2005.

9

Le 30 juin 2005, la SNCF a pris la décision de conclure la vente avec Financière Sernam SAS qui était détenue à 100 % par l’équipe de direction de Sernam.

10

Le processus de cession a eu lieu en quatre étapes qui sont visées dans le protocole d’accord signé le 21 juillet 2005 par la SNCF, Sernam, Sernam Xpress SAS, l’une des dix filiales détenues à 100 % par Sernam, et Financière Sernam. Premièrement, la SNCF a recapitalisé Sernam à hauteur de 57 millions d’euros. Deuxièmement, Sernam a effectué, au profit de Sernam Xpress, un apport partiel d’actifs. Cet apport portait sur tous les éléments d’actifs, y compris les 57 millions d’euros de la recapitalisation, et de passifs de Sernam, à l’exception de certains passifs financiers représentant un montant global de 38,5 millions d’euros. En contrepartie, Sernam a reçu une part de Sernam Xpress d’une valeur nominale de 100 euros. Troisièmement, immédiatement après la réalisation de l’apport, Sernam Xpress a procédé à une augmentation de capital de 2 millions d’euros, qui a été entièrement souscrite par la SNCF. À la suite de cette opération, la SNCF détenait la majorité des parts de Sernam Xpress. Quatrièmement, Sernam et la SNCF ont cédé la totalité de leurs parts dans Sernam Xpress à Financière Sernam pour un prix de 2 millions d’euros.

11

À l’issue de cette cession, Sernam a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, le 15 décembre 2005. La créance de 41 millions d’euros, correspondant à l’aide d’État devant être remboursée en vertu de la décision Sernam 2, a été inscrite au passif de la liquidation de Sernam. Sur ce montant, la SNCF a pu effectivement récupérer une somme de 2,75 millions d’euros à l’issue de la procédure de liquidation.

12

Dès le 24 juin 2005, un premier plaignant a dénoncé à la Commission la mauvaise application de la décision Sernam 2. Par lettres des 10 avril 2006 et 23 avril 2007, la Commission a été saisie d’une autre plainte par une seconde partie intéressée. Les deux plaignants estimaient en substance que la décision Sernam 2 avait été appliquée abusivement.

13

Par décision du 16 juillet 2008, intitulée « Aides d’État – France – Aide d’État C 37/08 – Application de la décision Sernam 2 – Invitation à présenter des observations en application de l’article [108, paragraphe 2, TFUE] » (JO 2009, C 4, p. 5), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, laquelle a conduit à l’adoption de la décision Sernam 3, le 9 mars 2012.

14

Dans cette dernière décision, la Commission a estimé que l’aide incompatible avec le marché intérieur de 41 millions d’euros n’avait pas été récupérée. Elle a également considéré que le processus de cession n’avait pas respecté les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 et en a conclu que l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros, autorisée sous conditions par la décision Sernam 2, avait été mise en œuvre de manière abusive. La Commission a, en outre, considéré que les mesures mises en œuvre par la SNCF aux fins de réaliser cette cession constituaient de nouvelles aides d’État incompatibles avec le marché intérieur. Ces nouvelles aides comprenaient la recapitalisation à hauteur de 57 millions d’euros de Sernam par la SNCF, l’abandon de créance de la SNCF envers Sernam pour un montant de 38,5 millions d’euros ainsi que les garanties octroyées par la SNCF lors de la transmission des activités de Sernam à Financière Sernam, à l’exception de la garantie accordée aux cheminots.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2012, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision Sernam 3.

16

La requérante a soulevé six moyens à l’appui de sa demande d’annulation. Ces moyens étaient tirés, premièrement, d’une violation des droits de la défense, en ce que la Commission a formulé une prise de position dans la décision Sernam 3 en ce qui concerne l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé au cas d’espèce qui ne figurait pas dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, deuxièmement, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, troisièmement, d’une violation de l’obligation de respect d’un délai raisonnable et du principe de sécurité juridique, quatrièmement, d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’avait pas respecté les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, cinquièmement, d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que l’obligation de récupération de l’aide d’État de 41 millions d’euros déclarée incompatible avec le marché intérieur par la décision Sernam 2 avait été transférée à Financière Sernam et à ses filiales, et, enfin, sixièmement, d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que les mesures prévues par le protocole d’accord du 21 juillet 2005 comportaient de nouvelles aides d’État en faveur de Sernam Xpress et de Financière Sernam.

17

Par l’arrêt attaqué, sans se prononcer sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission contre le recours en première instance, le Tribunal a rejeté l’ensemble du recours, bien qu’il ait accueilli l’argument de la SNCF selon lequel la Commission avait considéré, de manière erronée, que la cession des actifs en bloc de Sernam à un prix négatif ne constituait pas une vente. Ainsi, tel qu’il ressort des points 100 à 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la notion de « vente » n’exclut pas nécessairement que la cession visée se réalise à prix négatif.

Les conclusions des parties devant la Cour

18

Par son pourvoi, la SNCF demande à la Cour :

de déclarer le pourvoi recevable et fondé ;

d’annuler l’arrêt attaqué, et

de condamner la Commission aux dépens.

19

La Commission, Mory SA et Mory Team concluent au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen

Sur la première branche du premier moyen

– Argumentation des parties

20

Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir estimé, aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué, que la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 était d’interrompre l’activité économique de Sernam.

21

Tout d’abord, une telle conclusion reposerait sur une erreur de droit. La vente des actifs en bloc prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 impliquerait que l’ensemble des actifs de l’entreprise soit cédé en un seul bloc à un seul acquéreur. Ainsi, la notion de cession des actifs en bloc aurait pour conséquence inéluctable la poursuite des activités de l’entreprise.

22

À cet égard, le Tribunal aurait également entaché l’arrêt attaqué d’une insuffisance de motivation en n’expliquant pas comment une cession de l’ensemble des actifs de Sernam en un seul bloc à un seul et unique acquéreur, censé au surplus, comme l’indique le considérant 217 de la décision Sernam 2, reprendre les parts de marché libérées par Sernam, aurait pu conduire à l’interruption des activités économiques de celle-ci.

23

En outre, au stade du mémoire en réplique, la requérante reproche à la Commission de soutenir que la cession des actifs en bloc de Sernam a pour finalité d’interrompre les activités de celle-ci alors que la Commission a elle-même expliqué, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, EU:C:2004:238, points 68 à 70), et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, EU:T:2005:364, point 73), que l’effet d’une telle cession était la poursuite de l’activité économique d’une entreprise.

24

Ensuite, la requérante estime que le considérant 217 de la décision Sernam 2 énonce clairement la finalité de la cession des actifs en bloc de Sernam, à savoir que Sernam n’opère plus dans sa forme juridique antérieure et que ses parts de marché soient libérées au profit d’un acquéreur indépendant. L’objectif poursuivi, tel qu’il ressortirait de l’article 3, paragraphe 2, de cette décision, lu à la lumière du considérant 217 de celle-ci, serait donc de rompre pour l’avenir tout lien capitalistique entre la SNCF et sa filiale afin d’éviter l’octroi de nouvelles aides d’État.

25

En indiquant, aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué, que la finalité de la cession des actifs en bloc de Sernam était d’interrompre l’activité économique de celle-ci, le Tribunal aurait retenu une finalité qui ne ressort ni du dispositif ni des motifs de la décision Sernam 2. Pareillement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir fait mention, au point 218 de l’arrêt attaqué, d’un acquéreur intégrant les actifs de Sernam dans sa propre stratégie commerciale, alors que cette condition ne figure pas au libellé du considérant 217 de la décision Sernam 2, qui ne vise qu’un acquéreur indépendant, c’est-à-dire sans lien juridique avec la SNCF. Ce faisant, le Tribunal aurait retenu une interprétation qui diverge des termes de cette décision, alors que ceux-ci sont dépourvus de la moindre ambiguïté.

26

Or, la jurisprudence de la Cour limiterait le recours à l’interprétation du dispositif d’un acte à la lumière des motifs qui ont conduit à son adoption aux cas où ce dispositif ne serait pas suffisamment explicite (arrêt du 19 juin 1980, Roudolff, 803/79, EU:C:1980:166, point 7). En appliquant ce principe interprétatif en l’espèce, alors que les termes de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne le justifient pas, le Tribunal aurait dénaturé cette décision.

27

Enfin, le Tribunal aurait entaché l’arrêt attaqué d’une contradiction de motifs dans la mesure où il a considéré, aux points 194 et 195 de cet arrêt, que le considérant 217 de la décision Sernam 2 établissait clairement que la finalité de la cession des actifs en bloc était d’interrompre l’activité économique de Sernam, tout en ayant estimé, au point 218 de l’arrêt attaqué, que ce même considérant pouvait « donner l’apparence d’une poursuite de l’activité économique » de celle-ci.

28

La Commission, soutenue par Mory et Mory Team, estime que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

29

Il convient, d’emblée, d’écarter le reproche visant les méthodes d’interprétation mises en œuvre par le Tribunal. Aux points 86 et 87 de l’arrêt attaqué, celui-ci a rappelé, pour en faire application, une jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, d’une part, l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union doit tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêt du 27 septembre 2017, Nintendo, C‑24/16 et C‑25/16, EU:C:2017:724, point 70 ainsi que jurisprudence citée) et, d’autre part, le dispositif d’un acte de l’Union est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt du 25 octobre 2011, eDate Advertising e.a., C‑509/09 et C‑161/10, EU:C:2011:685, point 55 ainsi que jurisprudence citée).

30

En ce que la requérante reproche au Tribunal, y compris lorsqu’elle allègue une dénaturation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, d’avoir commis des erreurs de droit dans l’appréciation de la finalité de cette disposition, il y a lieu de rappeler que, au point 191 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il ressort des considérants 200 et 208 à 211 de cette décision, qui appartiennent à une section intitulée « Prévention de distorsions de concurrence – contreparties spécifiques », que ladite décision visait à établir des contreparties en raison de l’aide dont Sernam a bénéficié, et de son application abusive, en exigeant de celle-ci de se retirer « durablement des segments de marché essentiellement surcapacitaires », afin d’éviter qu’une « entreprise, qui aurait dû cesser ses activités à la suite de ses difficultés déclarées, [occupe] artificiellement des parts de marché extrêmement sollicitées au détriment d’entreprises concurrentes et financièrement saines ».

31

Il en résulte, comme l’a constaté le Tribunal au point 192 de l’arrêt attaqué, que l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2 avait pour but de « supprimer la présence de Sernam sur le marché surcapacitaire aux fins de prévenir toute distorsion de concurrence liée à l’octroi de l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros », en exigeant la reprise des activités routières de Sernam par d’autres entreprises et la diversification des activités de Sernam vers le fret ferroviaire.

32

Il y a lieu, également, de rappeler que, d’une part, le Tribunal a constaté, au point 193 de l’arrêt attaqué, que le considérant 217 de la décision Sernam 2, faisant référence à la libération des parts de marché au profit de l’acquéreur indépendant, s’inscrivait, comme les considérants 200 et 208 à 211 de cette décision, dans la partie de celle-ci dédiée aux préventions de distorsions de concurrence et, d’autre part, il a relevé, au point 194 de cet arrêt, que « les deux paragraphes de l’article 3 de la décision Sernam 2, qui sont expressément alternatifs, conditionnaient l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros et visaient le même objectif de prévention des distorsions de concurrence entraînées par cette aide ».

33

Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a pu en déduire, aux points 194 et 195 de l’arrêt attaqué, que la finalité de la vente des actifs en bloc de Sernam prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière du considérant 217 de celle-ci, visait l’interruption de l’activité économique de Sernam et la disparition de celle-ci, ce qui aurait rendu inutile le respect des conditions figurant à l’article 3, paragraphe 1, de cette décision.

34

S’agissant du respect de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la motivation d’un arrêt doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 83 et jurisprudence citée).

35

Or, force est de constater que les points 191 à 195 de l’arrêt attaqué, tels que résumés aux points 30 à 33 du présent arrêt, exposent à suffisance de droit les motifs pour lesquels le Tribunal a considéré que la finalité de la cession des actifs en bloc de Sernam visait à interrompre l’activité économique de cette entreprise.

36

L’argument de la requérante consistant à soutenir que le Tribunal a commis une contradiction de motifs n’est pas davantage susceptible d’être accueilli. En effet, il y a lieu de relever que, si le Tribunal a considéré, au point 218 de l’arrêt attaqué, que, selon le considérant 217 de la décision Sernam 2, l’acquéreur des actifs en bloc pourrait de facto poursuivre ses activités propres avec les actifs de Sernam, ce qui pouvait donner l’apparence d’une poursuite de l’activité économique de celle-ci, il a immédiatement précisé « qu’il devait s’agir de l’activité d’un tout autre acteur que Sernam, c’est-à-dire de l’acquéreur, intégrant les actifs de Sernam dans sa propre stratégie commerciale, sans quoi les parts de marché de la bénéficiaire ne sauraient être considérées comme “libérées” ».

37

D’ailleurs, par cette précision, le Tribunal n’a fait que confirmer, sans dénaturer la décision Sernam 2, que l’application de l’article 3, paragraphe 2, de cette décision suppose la vente des actifs de Sernam à un acquéreur indépendant.

38

Au demeurant, l’argument tiré de ce que la position soutenue par la Commission dans son mémoire en réponse serait différente de celle qu’elle aurait défendue dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, EU:C:2004:238, points 68 à 70), et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, EU:T:2005:364, point 73), alors qu’il ne démontre pas en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans son appréciation de la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, doit être rejeté comme étant irrecevable (voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2016, SV Capital/ABE, C‑577/15 P, EU:C:2016:947, point 69).

39

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

Sur la deuxième branche du premier moyen

– Argumentation des parties

40

Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir, au point 90 de l’arrêt attaqué, interprété la notion de « vente » mentionnée à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 comme faisant référence à une transmission effective des actifs à la date du 30 juin 2005. Or, ni l’article 3, paragraphe 2, ni le considérant 217 de la décision Sernam 2 ne feraient référence à une telle transmission effective. En outre, selon le droit français, et en particulier selon l’article 1583 du code civil, une vente résulterait de l’accord entre l’acheteur et le vendeur, dès que ceux-ci ont convenu de la chose et du prix, et ce même si la chose n’a pas encore été livrée, ni le prix payé. Ainsi, en ayant attribué au terme « vente » une signification qui, allant au-delà des termes dépourvus d’ambiguïté utilisés par la Commission, ne ressort ni du dispositif ni des motifs de la décision Sernam 2 et qui se heurte à la signification que revêt ce terme dans les ordres juridiques nationaux, le Tribunal aurait dénaturé la notion de « vente », commettant de ce fait une erreur de droit.

41

La Commission estime que la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

42

Il y a lieu d’observer que, comme il ressort des points 30 à 33 du présent arrêt, la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière du considérant 217 de celle-ci, visait à garantir la libération effective des parts de marché au profit d’un acquéreur indépendant.

43

Ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 90 de l’arrêt attaqué, que le respect de la condition temporelle prévue l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, selon laquelle cette disposition pouvait s’appliquer « [d]ans le cas où Sernam [vendrait] ses actifs en bloc d’ici au 30 juin 2005 », nécessitait une transmission effective des actifs à cette date et a constaté, au point 91 de cet arrêt, que cette date butoir n’avait pas été respectée.

44

Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

Sur la troisième branche du premier moyen

– Argumentation des parties

45

Par la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit et a entaché l’arrêt attaqué d’une insuffisance de motivation en considérant, aux points 118 et 124 de cet arrêt, que la vente des actifs en bloc de Sernam, telle que prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, devait porter sur les seuls actifs.

46

En premier lieu, la requérante soutient que, en se contentant de reproduire l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ainsi que le considérant 217 de cette décision pour affirmer, d’une part, au point 117 de l’arrêt attaqué, que la décision Sernam 2 opposait « clairement la “vente de l’intégralité de Sernam (actifs et passifs)” à la “vente des actifs en bloc” de Sernam », et en conclure, d’autre part, aux points 118 et 124 de cet arrêt, que la Commission avait à bon droit considéré que la vente des actifs en bloc devait porter sur les seuls actifs et exclure les passifs, le Tribunal a procédé par affirmation péremptoire et a, ainsi, entaché ledit arrêt d’une insuffisance de motivation.

47

En second lieu, la requérante estime que l’opposition retenue par le Tribunal entre la vente de l’intégralité de Sernam, incluant les actifs et les passifs, et la vente des actifs en bloc à l’exclusion des passifs est erronée.

48

Tout d’abord, une telle opposition procéderait d’une dénaturation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, dans la mesure où cette disposition ne préciserait en aucune manière que les actifs devaient être vendus seuls et exclure tout passif.

49

Ensuite, la requérante conteste la conclusion du Tribunal, figurant au point 119 de l’arrêt attaqué, selon laquelle interpréter la vente des actifs en bloc comme pouvant inclure les passifs reviendrait à nier la différence entre les deux conditions alternatives énoncées aux deux paragraphes de l’article 3 de la décision Sernam 2 et attachées aux deux scénarios de vente envisagés au considérant 217 de cette décision.

50

Les conditions attachées au premier scenario, à savoir celui d’une vente intégrale de Sernam, auraient pour but d’atténuer les conséquences défavorables pour les concurrents du maintien sur le marché de Sernam en imposant une reprise des activités routières de Sernam par d’autres entreprises et la diversification de ses activités vers le fret ferroviaire. Ces conditions ne se justifieraient pas dans le second scenario, à savoir celui d’une cession des actifs en bloc de Sernam, puisque Sernam n’opérerait plus sous sa forme juridique antérieure et aurait libéré ses parts de marché à un acquéreur indépendant. Les conditions attachées à chacun des deux scenarios seraient donc bien différentes.

51

Enfin, la requérante fait valoir que, au regard de la finalité prétendument recherchée à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, l’ajout de passifs aux actifs n’a aucune incidence sur la poursuite de l’activité économique, mais a seulement, éventuellement, une incidence sur la valorisation.

52

Si la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 avait été d’interrompre l’activité économique de Sernam, il aurait fallu que cette disposition fasse référence à une voie de cession permettant d’atteindre cet objectif, telle que la cession d’actifs pris séparément ou par lots.

53

La Commission considère que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

54

En ce qui concerne, en premier lieu, l’argument selon lequel l’opposition retenue par le Tribunal entre la vente de l’intégralité de Sernam, incluant les actifs et les passifs, et la vente des actifs en bloc à l’exclusion des passifs serait erronée, il y a lieu d’emblée de rappeler que, comme il a été observé aux points 30 à 33 du présent arrêt, les paragraphes 1 et 2 de l’article 3 de la décision Sernam 2 constituent deux options alternatives visant une même finalité, à savoir l’interruption de l’activité économique de Sernam dans un marché surcapacitaire.

55

À cet égard, il y a lieu de constater que le considérant 217 de la décision Sernam 2 précise que, si les activités de Sernam devaient se poursuivre dans le cadre d’une vente de l’intégralité de celle-ci, en y incluant les actifs et les passifs, les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, de cette décision devraient s’appliquer. En revanche, tel ne serait pas le cas dans l’hypothèse d’une cession des actifs en bloc de Sernam, l’interruption des activités de celle-ci résultant de la libération des parts de marché de cette société au bénéfice d’un acquéreur indépendant et du désengagement de celle-ci d’un secteur surcapacitaire.

56

Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a pu considérer, au point 117 de l’arrêt attaqué, que la décision Sernam 2 opposait clairement la vente de l’intégralité de Sernam, incluant les actifs et les passifs, à la vente des actifs en bloc de celle-ci, et en déduire, aux points 118 et 124 de cet arrêt, que la cession des actifs en bloc de Sernam visée à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière du considérant 217 de celle-ci, devait s’entendre comme excluant les passifs.

57

Contrairement à ce que suggère la requérante, une autre interprétation, comme l’a indiqué le Tribunal au point 119 de l’arrêt attaqué, équivaudrait à nier la différence existant entre les deux conditions alternatives énoncées à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision Sernam 2.

58

Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, à suivre le raisonnement avancé par la requérante, il serait possible de vendre la quasi-intégralité de Sernam et que celle-ci poursuive son activité sans qu’il soit nécessaire de mettre en œuvre les contreparties prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, privant ainsi l’article 3, paragraphe 2, de cette décision de tout effet utile.

59

Pour ce qui est, en second lieu, du défaut de motivation de l’arrêt attaqué allégué par la requérante, il convient de constater que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt, l’arrêt attaqué satisfait aux exigences de motivation qui incombaient au Tribunal, dès lors que ce dernier a exposé, aux points 117 à 119 de cet arrêt, les motifs pour lesquels il a estimé que la vente des actifs en bloc ne devait porter que sur les actifs.

60

Eu égard à ce qui précède, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée. Partant, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

61

Par le deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant estimé, aux points 163 et 164 de l’arrêt attaqué, que la cession des actifs en bloc de Sernam n’avait pas résulté d’un appel d’offres ouvert et transparent, comme l’exigeait l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, au motif que c’est le consortium formé du candidat no 5 et de l’équipe de direction de Sernam qui avait initialement participé à l’appel d’offres, et non pas ses membres individuellement, et que l’équipe de direction n’avait donc pas participé de manière autonome à la procédure depuis son origine. Il ne ressortirait ni de la décision Sernam 2 ni du droit de l’Union que le candidat finalement sélectionné à l’issue d’une procédure d’appel d’offres doive avoir participé de manière autonome au processus depuis son origine.

62

La requérante rappelle que le candidat no 5 et l’équipe de direction de Sernam avaient été, au sein d’un consortium, associés à l’appel d’offres dès le début de la procédure et avaient proposé la valeur la moins négative pour les actifs en bloc. Ce n’est qu’après le retrait du candidat no 5 que l’équipe de direction de Sernam a décidé de poursuivre le processus et de présenter, seule, l’offre de reprise portée initialement par le consortium. Ainsi, la requérante estime que de telles circonstances remplissent les exigences relatives au caractère ouvert et transparent d’un appel d’offres telles qu’elles ressortent de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence de la Cour.

63

En effet, dans sa pratique décisionnelle, la Commission exigerait, à cet égard, que toutes les parties, sollicitées ou non sollicitées, susceptibles d’être intéressées par l’acquisition en cause aient eu l’occasion de présenter une offre et disposé, pour ce faire, de possibilités d’information et de conditions de délai identiques. De plus, dans les arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, EU:C:2004:238, point 95), et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, EU:T:2005:364, point 73), il aurait été considéré que le fait qu’une vente ne se soit pas produite immédiatement, mais ait été précédée de tentatives infructueuses avec une autre société était un indice de nature à établir que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente.

64

De surcroît, la requérante estime qu’il est possible d’admettre que les principes d’ouverture et de transparence en matière de marchés publics puissent s’appliquer par analogie aux procédures de cession d’actifs. Or, il ressortirait de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), ainsi que de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), que le droit de l’Union autorise l’attribution d’un tel marché à un opérateur économique, sans publicité ni mise en concurrence préalable, après l’échec d’une première procédure d’appel d’offres, alors même que l’opérateur n’a pas participé à cette première procédure et sans que cela constitue une infraction aux principes d’ouverture et de transparence. Ces principes devraient a fortiori être considérés comme respectés lorsque les actifs ont été cédés à la dernière personne intéressée et la seule à avoir fait une offre ferme, alors même qu’elle a participé à l’intégralité du processus, étant associée, dans un premier temps, à un consortium dont l’autre partie s’est désistée en cours de procédure.

65

La Commission considère que le deuxième moyen est irrecevable ou, à titre subsidiaire, non fondé.

Appréciation de la Cour

66

Tout d’abord, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur une éventuelle analogie entre l’appel d’offres concernant la présente affaire et les principes applicables en matière de marchés publics, exposée au point 64 du présent arrêt, il convient d’observer que l’argument tiré par la requérante de cette éventuelle analogie repose sur le fait que, à l’issue de la procédure d’appel d’offres, aucune offre ou aucune offre appropriée n’avait été déposée. Or, un tel argument ne pourrait prospérer que si était remise en cause la constatation factuelle effectuée par le Tribunal, au point 170 de l’arrêt attaqué, selon laquelle « la “dernière personne intéressée” de la procédure d’appel d’offres transparente et ouverte était le candidat no 4. [...] Or, ainsi que le souligne la Commission dans ses écritures, après le retrait du candidat no 5, il aurait dès lors fallu se tourner vers le candidat no 4, qui faisait partie du processus depuis le début et avait également manifesté son intérêt à l’issue du second tour ». Ledit argument, qui invite la Cour à substituer son analyse à celle effectuée par le Tribunal dans le cadre de son appréciation souveraine des faits et des éléments de preuve, est donc irrecevable et doit être écarté.

67

Ensuite, la pratique suivie par la Commission dans ses décisions ou dans ses lignes directrices, à supposer même qu’elle vienne au soutien de l’argument de la requérante, ne saurait, en tout état de cause, lier la Cour dans son interprétation des règles de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 68).

68

En tout état de cause, comme le Tribunal l’a rappelé à juste titre au point 183 de l’arrêt attaqué, selon la jurisprudence de la Cour, le caractère ouvert et transparent d’une procédure d’appel d’offres s’apprécie en fonction d’un faisceau d’indices propres aux circonstances de chaque affaire (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 95).

69

Dès lors, au vu des faits propres à la présente espèce, en ayant constaté, aux points 170 et 171 de l’arrêt attaqué, que l’offre retenue n’émanait pas d’un candidat ayant participé de manière autonome à l’appel d’offres depuis le début de la procédure, le Tribunal a pu, à bon droit, estimer, au point 174 de cet arrêt, que l’exigence relative au caractère ouvert et transparent de la procédure n’avait pas été respectée.

70

Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

71

Par le troisième moyen, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit et une dénaturation des faits, aux points 165 à 167 et 170 de l’arrêt attaqué, en ayant considéré que l’offre ferme de l’équipe de direction de Sernam ne pouvait pas être considérée comme issue d’un appel d’offres ouvert et transparent au motif que cette offre était beaucoup plus défavorable au vendeur que les offres non engageantes présentées lors du second tour de la procédure d’appel d’offres par les candidats nos 4 et 5.

72

Cette analyse reposerait sur une dénaturation des faits de l’espèce. Le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que le montant de recapitalisation proposé par ces deux candidats supposait nécessairement qu’il resterait dans la trésorerie de Sernam, à la date de réalisation de l’opération, le montant figurant au bilan de l’année 2004, soit 49,2 millions d’euros. Or, l’offre présentée par l’équipe de direction de Sernam, le 30 juin 2005, qui faisait référence à une recapitalisation à hauteur de 59 millions d’euros, tiendrait compte, quant à elle, de la forte détérioration de la trésorerie de Sernam entre le 31 décembre 2004 et le 30 juin 2005.

73

La Commission considère que le troisième moyen est inopérant ou, à titre subsidiaire, non fondé.

Appréciation de la Cour

74

En ce que la requérante critique l’appréciation faite par le Tribunal des offres formulées par l’équipe de direction de Sernam et les candidats nos 4 et 5, il suffit de constater qu’elle vise à remettre en cause l’un des éléments ayant amené le Tribunal à estimer, au point 174 de l’arrêt attaqué, que l’offre de cette équipe de direction ne résultait pas d’une procédure d’appel d’offres ouverte et transparente.

75

Or, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 68 et 69 du présent arrêt, relative au deuxième moyen du pourvoi, à la lumière des faits de la présente affaire, la circonstance que l’équipe de direction de Sernam n’a pas pris part, de façon autonome, à la procédure d’appel d’offres dès son origine suffit à établir que le caractère ouvert et transparent de cette procédure, exigé à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, n’a pas été respecté.

76

Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme inopérant.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

77

Par le quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir constaté, au point 153 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas confondu l’objet de la vente et le prix de la vente en estimant que, à travers les recapitalisations successives de Sernam puis de Sernam Xpress, une somme nette de 57 millions d’euros avait été ajoutée aux actifs, en violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

78

En premier lieu, en ayant affirmé, de façon péremptoire, au point 153 de l’arrêt attaqué, qu’« il suffit de constater que la Commission n’a fait aucune confusion entre l’objet de la vente et le prix de la vente », le Tribunal aurait entaché cet arrêt d’une insuffisance de motivation.

79

En deuxième lieu, en ayant refusé d’admettre, au point 153 de l’arrêt attaqué, que la recapitalisation de 57 millions d’euros représentait le prix négatif « payé » pour les actifs en bloc de Sernam, le Tribunal aurait également entaché l’arrêt attaqué d’une contradiction de motifs puisque, aux points 103 et 107 de l’arrêt attaqué, il aurait admis que le droit des aides d’État se préoccupe non pas des formes juridiques que peuvent revêtir les transactions, mais de leur réalité économique et qu’il est possible de procéder à une vente à prix négatif moyennant une recapitalisation préalable par le vendeur.

80

En troisième lieu, le Tribunal aurait commis plusieurs erreurs de droit. D’une part, son appréciation, au point 153 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la somme de 57 millions d’euros nets, au moyen des recapitalisations successives de Sernam puis de Sernam Xpress, serait venue s’ajouter aux actifs de ces sociétés, serait erronée. Selon la requérante, la recapitalisation à hauteur de 57 millions d’euros ne constitue pas un ajout aux actifs cédés, mais correspond au prix négatif payé pour l’acquisition des actifs en bloc de Sernam.

81

D’autre part, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une deuxième erreur de droit en ce qu’il a constaté, aux points 154 et 158 de l’arrêt attaqué, que le prix négatif résulte du fait que l’obligation de ne vendre que les actifs de Sernam, sans les passifs, n’avait pas été respectée et que, si la requérante avait respecté cette obligation, le prix de vente aurait été positif ou nul. Selon la requérante, dans la mesure où la vente des actifs en bloc impliquerait la poursuite de l’activité de Sernam, le caractère structurellement déficitaire de l’activité cédée et le transfert automatique des contrats de travail, comme le prévoit le droit français, entraîneraient nécessairement une valorisation négative de l’activité. Ainsi, l’existence d’un prix négatif serait due non pas à l’ajout de certains passifs, mais à la cession d’une entité structurellement déficitaire.

82

La Commission considère que le quatrième moyen est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

Appréciation de la Cour

83

S’agissant, en premier lieu, de la critique relative à un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, il y a lieu d’observer que, au point 152 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que la Commission a estimé, au considérant 117 de la décision Sernam 3, que, « à travers les recapitalisations de Sernam et de Sernam Xpress, une somme nette de 57 millions d’euros avait été ajoutée aux actifs de Sernam et qu’un tel ajout aux actifs n’était pas autorisé par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ».

84

Il en ressort, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 34 du présent arrêt, que le Tribunal a exposé avec toute la clarté requise les raisons pour lesquelles la Commission n’avait pas confondu l’objet de la vente et le prix de la vente.

85

En deuxième lieu, il ne saurait être soutenu que le point 153 de l’arrêt attaqué contredit les points 103 et 107 de ce même arrêt. En effet, ces derniers points ont trait à l’analyse de la notion de « vente » par laquelle le Tribunal a considéré, dans le cadre de la deuxième branche du quatrième moyen présentée en première instance, qu’une vente peut être réalisée à un prix négatif, notamment au moyen d’une recapitalisation préalable effectuée par le vendeur.

86

Cette question se distingue de celle de savoir si, dans le cas d’espèce, la Commission pouvait estimer, comme elle le fait au considérant 117 de la décision Sernam 3, qu’un ajout d’actifs avait été effectué en violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, question que le Tribunal a tranchée dans le cadre de la quatrième branche du quatrième moyen présentée devant lui et dont relève le point 153 de l’arrêt attaqué.

87

En troisième lieu, pour autant que la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis les erreurs de droit exposées aux points 80 et 81 du présent arrêt, force est, d’une part, de constater que, au point 153 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté d’observer qu’une somme nette de 57 millions d’euros a été ajoutée aux actifs au moyen d’une recapitalisation de Sernam, un élément factuel qui n’est pas contesté par les parties.

88

D’autre part, ainsi qu’il ressort des points 54 à 58 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que l’inclusion des passifs à la vente des actifs en bloc de Sernam ne respectait pas l’obligation imposée par la décision Sernam 2. La conséquence qu’il en a tirée, aux points 154 et 158 de l’arrêt attaqué, en ayant constaté que le prix négatif payé pour les actifs de Sernam aurait été positif ou nul si seuls les actifs avaient été vendus, relève quant à elle d’une appréciation factuelle. Dès lors que la requérante n’allègue aucune dénaturation des faits, son argumentation doit être rejetée comme étant irrecevable.

89

Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, non fondé et, en partie, irrecevable.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

90

Par le cinquième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir dénaturé l’article 4 de la décision Sernam 2, au point 278 de l’arrêt attaqué, et d’avoir considéré à tort, au point 279 de cet arrêt, que, Sernam ayant continué d’exister économiquement au sein de Sernam Xpress, puis de Financière Sernam, l’inscription au passif de la liquidation de Sernam de la créance de récupération de l’aide de 41 millions d’euros violait cette disposition.

91

En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 278 de l’arrêt attaqué, que « l’allusion faite à la continuation de l’existence de Sernam, à l’article 4 de la décision Sernam 2, ne pouvait que faire allusion au maintien de l’activité économique de Sernam », alors que cette disposition prévoyait seulement que « le remboursement de l’aide de 41 millions [d’euros incomberait] à [...] Sernam si celle-ci [continuait] d’exister ».

92

Ladite disposition étant dépourvue d’ambiguïté, elle devrait faire l’objet d’une interprétation littérale. Ainsi, la référence qui y est faite à l’existence de « Sernam » devrait s’entendre comme étant l’existence de la personne morale constituée par Sernam. L’article 4 de la décision Sernam 2 se contenterait donc de distinguer selon que la personne morale Sernam continue d’exister ou non, sans prendre en considération, explicitement ou implicitement, la question de l’interruption de l’activité économique de celle-ci.

93

La requérante, se référant au point 77 de l’arrêt du 20 septembre 2001, Banks (C‑390/98, EU:C:2001:456), et au point 80 de l’arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, EU:C:2004:238), fait valoir qu’une telle interprétation est conforme à la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle, en cas de vente des actifs d’une société bénéficiaire d’une aide d’État à un tiers au prix du marché, le bénéfice de l’aide est incorporé au prix du marché, de sorte que le vendeur conserve la jouissance effective de l’aide.

94

En donnant à l’article 4 de la décision Sernam 2 un sens et une portée qu’il ne saurait avoir, compte tenu de sa rédaction dépourvue d’ambiguïté, le Tribunal aurait dénaturé cette disposition et commis une erreur de droit.

95

En second lieu, sur le fondement du point 135 de l’arrêt du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission (T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386), et du point 155 de l’arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission (T‑123/09, EU:T:2012:164), la requérante observe que l’appréciation de l’existence d’une continuité économique entre une société ayant bénéficié d’aides d’État et l’acquéreur de ses actifs, impliquant de ce fait le transfert de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides à l’acquéreur desdits actifs, s’effectue en fonction de l’objet du transfert, du prix de celui-ci, de l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, du moment où le transfert a lieu ou encore de la logique économique de l’opération. Or, la mise en œuvre de ces critères par le Tribunal dans son appréciation de la continuité économique entre Sernam et l’acquéreur des actifs en bloc de celle-ci serait entachée de plusieurs erreurs de droit.

96

Tout d’abord, en ce qui concerne l’identité des actionnaires, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 242 de l’arrêt attaqué, que la continuité économique devait s’apprécier entre Sernam et Sernam Xpress. Le droit français n’admettant pas, notamment, qu’un prix négatif soit stipulé dans un contrat de vente, les conditions fixées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 auraient rendu impossible une vente directe des actifs en bloc de Sernam à Financière Sernam. Le procédé choisi, à savoir l’apport-cession, précédé d’une recapitalisation, aurait assuré, dans le cadre de ces contraintes juridiques nationales, que la réalité économique de l’opération soit une cession d’actifs en bloc de Sernam à Financière Sernam.

97

En ayant porté son analyse sur les rapports entre Sernam et Sernam Xpress, le Tribunal aurait artificiellement décomposé une opération unique et ainsi violé le principe selon lequel le droit des aides d’État se préoccupe non pas des formes juridiques que peuvent revêtir les transactions, mais de leur réalité économique. Le Tribunal aurait, par ailleurs, commis une contradiction de motifs au regard du principe, rappelé au point 107 de l’arrêt attaqué, selon lequel une vente peut être effectuée à un prix négatif.

98

Ensuite, pour ce qui est du prix du transfert, la requérante reproche au Tribunal d’avoir, au point 255 de l’arrêt attaqué, refusé de prendre en considération le prix de marché payé pour les actifs de Sernam, alors que ce critère est, notamment sur le fondement des arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, EU:C:2004:238, point 86), et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, EU:T:2005:364, points 97 à 99), l’un des critères les plus importants pour conclure à l’absence de continuité économique.

99

De plus, en ce qui concerne l’objet du transfert, le Tribunal aurait considéré à tort, au point 240 de l’arrêt attaqué, que ce critère était satisfait au motif que l’intégralité de l’entreprise avait été cédée en violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Or, seuls les passifs d’exploitation, et non l’ensemble des passifs, auraient été ajoutés aux actifs, ce qui rendrait l’analyse effectuée par le Tribunal inopérante.

100

Par ailleurs, la requérante critique l’appréciation, effectuée par le Tribunal au point 246 de l’arrêt attaqué et relative au moment du transfert, selon laquelle il a estimé que le moment de la mise en œuvre de la décision de récupération d’une aide illégale est aussi propice au contournement de l’obligation de récupération d’une telle aide que la phase de procédure formelle d’examen. En l’espèce, aucun contournement ne pourrait être allégué dès lors que la Commission a elle-même prévu la possibilité d’une cession des actifs en bloc et que lesdits actifs ont été vendus au prix du marché.

101

Enfin, pour ce qui est de la logique économique de l’opération, la requérante estime que le Tribunal a conclu, de manière erronée, à la violation de la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 dans la mesure où l’activité de Sernam n’a pas été interrompue. Or, ce serait précisément cette disposition qui rendrait le transfert de l’activité de Sernam possible en permettant une cession des actifs en bloc de Sernam.

102

La Commission considère que les arguments développés à l’appui du cinquième moyen sont inopérants ou, à titre subsidiaire, non fondés.

Appréciation de la Cour

103

Pour autant que la requérante critique, en premier lieu, la signification que le Tribunal a donnée à la continuation de l’existence de Sernam, au point 278 de l’arrêt attaqué, il convient de constater que, bien qu’elle invoque une dénaturation de l’article 4 de la décision Sernam 2, la requérante vise, en réalité, à contester l’interprétation que le Tribunal a faite de cette disposition.

104

À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (voir, notamment, arrêt du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 111 ainsi que jurisprudence citée). Le rétablissement de la situation antérieure au versement d’une aide illégale ou incompatible avec le marché intérieur constitue une exigence nécessaire à la préservation de l’effet utile des dispositions des traités relatives aux aides d’État (arrêt du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, EU:C:2001:456, point 75).

105

De ce point de vue, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (voir, notamment, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Aer Lingus et Ryanair Designated Activity, C‑164/15 P et C‑165/15 P, EU:C:2016:990, point 39).

106

Ainsi, comme l’a rappelé le Tribunal, au point 277 de l’arrêt attaqué, les aides illégales doivent être récupérées auprès de la société qui poursuit l’activité économique de l’entreprise ayant bénéficié de ces aides lorsqu’il est établi que cette société conserve la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice desdites aides (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, EU:C:2013:31, point 109 et jurisprudence citée).

107

Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré, au point 278 de l’arrêt attaqué, que la continuation de l’existence de Sernam, dont fait mention l’article 4 de la décision Sernam 2, « ne pouvait que faire allusion au maintien de l’activité économique de Sernam ».

108

Pour ce qui est, en second lieu, des erreurs de droit alléguées quant à l’analyse de la continuité économique, il convient de rappeler qu’une telle continuité entre les sociétés parties à un transfert d’actifs s’apprécie en fonction de l’objet du transfert, à savoir les actifs et les passifs, le maintien de la force de travail, les actifs groupés, du prix du transfert, de l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, du moment où le transfert a lieu, à savoir après le début de l’enquête, l’ouverture de la procédure ou la décision finale, ou encore de la logique économique de l’opération (voir, notamment, arrêt du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission, C‑328/99 et C‑399/00, EU:C:2003:252, point 78).

109

Premièrement, pour ce qui est de l’objet du transfert, il y a lieu d’observer que, au point 240 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a fait que rappeler les constatations factuelles effectuées aux points 134 à 137 de cet arrêt, selon lesquelles l’objet de la transaction ne se limitait pas à une vente des actifs de Sernam, mais portait sur la transmission de l’intégralité, incluant les actifs et les passifs, de celle-ci. Or, force est de constater que la requérante ne conteste pas ces constatations dans le cadre du pourvoi.

110

Deuxièmement, il y a lieu d’observer, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 66 à 69 du présent arrêt, que le Tribunal a pu, à juste titre, estimer que l’offre de l’équipe de direction de Sernam ne résultait pas d’une procédure d’appel d’offres ouverte et transparente. Ainsi, c’est à bon droit qu’il a considéré, au point 255 de l’arrêt attaqué, que, pour cette raison, le prix négatif payé en l’espèce n’était pas un prix de marché.

111

De plus, pour étayer ce jugement, le Tribunal a retenu d’autres éléments, qui restent incontestés par la requérante, notamment en ayant observé, aux points 256 et 260 de l’arrêt attaqué, que le prétendu prix de marché correspondait à une aide opérationnelle et que les expertises fournies ne pouvaient démontrer que le prix de cession était un tel prix de marché. Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir refusé de prendre en considération le critère du prix de marché.

112

Troisièmement, pour ce qui est de l’erreur de droit alléguée par la requérante quant à l’application du critère de l’identité des actionnaires, il y a lieu de constater que, s’il convient d’accorder une prépondérance à la réalité économique des aides d’État, les formes juridiques de celles-ci peuvent également s’avérer pertinentes afin d’apprécier cette réalité économique. En particulier, la question de la transmission de l’aide s’apprécie différemment suivant qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une vente de parts sociales ou dans celui d’une vente de tout ou partie des actifs (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, points 78 et 84).

113

Il en ressort que c’est à bon droit que le Tribunal n’a pas censuré, au point 242 de l’arrêt attaqué, la prise en compte par la Commission de la relation entre Sernam et Sernam Xpress pour conclure que Sernam Xpress était la débitrice de l’obligation de récupération de l’aide illégale, une obligation transmise in fine à Financière Sernam en raison de sa fusion avec Sernam Xpress.

114

Au demeurant, pour les mêmes raisons que celles figurant aux points 85 et 86 du présent arrêt, la requérante ne peut soutenir que le Tribunal a contredit, dans le cadre de son analyse du critère lié à l’identité des actionnaires, la constatation qu’il a énoncée au point 107 de l’arrêt attaqué quant à la possibilité de procéder, en principe, à des ventes à des prix négatifs.

115

En ce qui concerne, par ailleurs, le moment du transfert, force est de constater que, au point 246 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à constater que « le moment de la mise en œuvre d’une décision impliquant la possibilité d’une vente d’actifs en bloc du bénéficiaire de l’aide, ainsi qu’une obligation de récupération d’une aide illégale et incompatible, apparaît comme au moins aussi propice au contournement de l’obligation de récupération que la phase de procédure formelle d’examen », ce qui ne saurait constituer une erreur de droit.

116

Pour autant que la requérante soutient qu’aucun contournement ne peut être allégué puisque la possibilité d’une cession des actifs en bloc de Sernam a été prévue par la décision Sernam 2, il suffit de rappeler qu’il ressort, notamment, des points 54 à 58 ainsi que 109 à 111 du présent arrêt, que cette cession n’a pas été limitée aux seuls actifs de Sernam et qu’elle ne s’est pas effectuée au prix du marché. Par conséquent, les exigences prévues à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’ont pas été respectées.

117

Enfin, l’argument par lequel la requérante reproche au Tribunal d’avoir estimé, dans le cadre de l’appréciation de la logique économique de l’opération de cession, que, l’activité économique de Sernam n’ayant pas été interrompue, la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’a pas été respectée ne saurait prospérer. Il suffit, en effet, de rappeler qu’il ressort des points 30 à 33 du présent arrêt que la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 consistait bien en une telle interruption.

118

Par conséquent, les arguments par lesquels la requérante estime que le Tribunal a commis des erreurs de droit quant à l’analyse de la continuité économique entre Sernam et les acquéreurs de ses actifs en bloc sont non fondés

119

Eu égard à ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le sixième moyen

Sur la première branche du sixième moyen

– Argumentation des parties

120

Par la première branche du sixième moyen, la requérante fait grief au Tribunal de n’avoir pris en compte qu’un seul des motifs soulevés par la Commission pour écarter l’application du critère de l’investisseur privé à la cession des actifs en bloc de Sernam et d’avoir affirmé, au point 312 de l’arrêt attaqué, après avoir établi que ce critère était inapplicable du fait qu’une telle cession permise par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 était un équivalent des mesures compensatoires prévues à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, qu’« il n’y [avait] plus lieu d’examiner les autres arguments [...] avancés par la Commission pour justifier la non-applicabilité du critère de l’investisseur privé, tiré du contexte dit “de récupération” des aides d’État ». Ce faisant, le Tribunal aurait entaché la motivation de cet arrêt d’un défaut de réponse en ne considérant pas les griefs que la requérante avait adressés, dans son recours en première instance, contre l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé du fait de la prétendue situation de récupération.

121

La requérante estime également que les deux motifs sur lesquels se fonde la Commission pour écarter le critère de l’investisseur privé sont antinomiques. En effet, la Commission ne pourrait justifier l’exclusion de ce critère à la fois sur le fondement d’une situation de récupération, impliquant que l’aide en cause est incompatible avec le marché intérieur, et sur celui de l’existence d’une mesure compensatoire, impliquant que cette aide est compatible avec ce marché. Le Tribunal n’aurait ainsi pas statué sur la contradiction de motifs qui entachait la motivation de la décision Sernam 3.

122

La Commission considère que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

123

Il convient, d’emblée, d’écarter l’argument par lequel la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir sanctionné la contradiction de motifs sur laquelle la décision Sernam 3 serait fondée. En effet, une telle argumentation, qui n’est invoquée par la requérante qu’au stade du mémoire en réplique, n’a pas été soulevée devant le Tribunal. Or, il ne saurait être fait grief au Tribunal de ne pas avoir examiné un argument qui ne lui a pas été présenté.

124

Pour ce qui est de l’argument de la requérante tiré d’un défaut de réponse, il y a lieu d’observer que, aux points 286 et 287 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait état des raisons avancées par la Commission pour écarter le critère de l’investisseur privé. Comme le Tribunal l’a rappelé, la Commission se fonde, aux considérants 154 et 155 de la décision Sernam 3, sur deux motifs, à savoir, en premier lieu, sur celui tiré de ce que ce critère ne trouve pas à s’appliquer dans une situation de récupération d’aide et, en second lieu, sur celui tiré de ce que la vente des actifs en bloc de Sernam permise par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 s’inscrit dans une situation de compensation qui exclut la prise en compte du principe de l’investisseur privé avisé.

125

Aux points 288 à 311 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné l’applicabilité du critère de l’investisseur privé aux mesures compensatoires et a conclu à l’exclusion de ce critère, en ayant observé, au point 309 de cet arrêt, que « la logique compensatoire de la vente des actifs en bloc de Sernam, rappelée au considérant 155 de la décision [Sernam 3], était différente de la logique d’un opérateur privé cherchant à maximiser ses profits ou, en l’occurrence, à minimiser ses pertes ».

126

Partant, force est de constater que l’argument tiré de ce que la Commission aurait commis une éventuelle erreur de droit en considérant que le critère de l’investisseur privé était également inapplicable du fait de la situation de récupération dans laquelle s’inscrivait la vente des actifs en bloc de Seram était, en tout état de cause, inopérant. Par conséquent, le Tribunal a pu, sans entacher la motivation de l’arrêt attaqué d’un défaut de réponse, considérer, au point 312 de cet arrêt, qu’il n’y avait plus lieu d’examiner un tel argument.

127

Eu égard à ce qui précède, la première branche du sixième moyen doit être considérée comme non fondée.

Sur la deuxième branche du sixième moyen

– Argumentation des parties

128

Par la deuxième branche du sixième moyen, la requérante estime que, en validant l’approche retenue par la Commission au considérant 155 de la décision Sernam 3 selon laquelle, la vente des actifs en bloc de Sernam étant une mesure compensatoire, le principe de l’investisseur privé avisé était inapplicable, le Tribunal a dénaturé la décision Sernam 2. Au soutien de cette deuxième branche, la requérante invoque quatre arguments.

129

Premièrement, le Tribunal aurait travesti ce qui ressort du texte de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. L’obligation, prévue à cette disposition, d’une cession des actifs en bloc de Sernam au prix du marché et au terme d’une procédure d’appel d’offres transparente et ouverte correspondrait précisément à l’application du critère de l’investisseur privé avisé. Une telle conclusion ressortirait d’ailleurs de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] (JO 2016, C 262, p. 1). En écartant l’application du critère de l’investisseur privé avisé à la cession des actifs en bloc de Sernam, le Tribunal aurait dénaturé les faits du litige et le contenu de la décision Sernam 2 en substituant sa propre motivation à celle contenue dans cette décision.

130

Deuxièmement, le Tribunal aurait dénaturé la décision Sernam 2 en considérant, au point 301 de l’arrêt attaqué, que, « [d]ans la mesure où la condition relative à la vente des actifs en bloc excluait les passifs, l’éventualité d’obtenir un prix négatif en l’espèce était exclue par définition ». Or, en considérant que la cession des actifs en bloc de Sernam devait exclure tout passif, le Tribunal aurait, comme la requérante l’a également soutenu à l’appui de la troisième branche du premier moyen du pourvoi, ainsi qu’il est exposé aux points 47 à 52 du présent arrêt, dénaturé l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Il en aurait fait de même en ajoutant une condition non prévue par la décision Sernam 2 en ayant considéré que le prix de cession des actifs en bloc de Sernam ne pouvait être négatif. En effet, les termes de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne feraient mention que de l’exigence d’un prix de marché qui, en vertu de la jurisprudence, peut être négatif ainsi qu’il ressortirait des arrêts du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission (C‑334/99, EU:C:2003:55, point 133), et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission (T‑511/09, EU:T:2015:284, point 139).

131

Troisièmement, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une contradiction de motifs en ayant considéré, au point 301 de l’arrêt attaqué, que « l’éventualité d’obtenir un prix négatif en l’espèce était exclue par définition ». Une telle constatation irait à l’encontre de l’affirmation contenue au point 100 de cet arrêt selon laquelle, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, « la seule exigence relative au prix était celle d’un prix de marché ».

132

Quatrièmement, la requérante estime que la valeur positive ou négative du prix de marché n’aurait eu aucune incidence sur la réalisation de la finalité poursuivie à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. En vertu du considérant 217 de cette décision, cette finalité consisterait en ce que Sernam libère ses parts de marché au profit d’un acquéreur indépendant et n’opère plus sous sa forme juridique antérieure, sans que la nécessité d’un prix positif apparaisse. Or, selon la requérante, de tels objectifs auraient été réalisés lors de la cession des actifs de Sernam à un prix de marché, certes négatif, suivant une procédure d’appel d’offres transparente et ouverte. Par conséquent, le Tribunal aurait également dénaturé la décision Sernam 2 en ayant estimé que la cession des actifs en bloc de Sernam ne pouvait pas, par définition, se réaliser moyennant un prix négatif.

133

Il ressortirait, par ailleurs, du point 80 des lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1) que les mesures compensatoires visant à limiter les distorsions de concurrence « doivent donc normalement prendre la forme de cessions d’entreprises autonomes viables en activité qui, si elles sont exploitées par un acquéreur approprié, doivent pouvoir exercer une concurrence effective à long terme ». La finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 rejoindrait parfaitement cette logique en assurant la libération des parts de marché de Sernam au profit de l’acquéreur des actifs de celle-ci et en permettant à celui-ci d’exercer une concurrence effective à long terme. À cet égard, la valeur du prix de marché n’aurait aucune incidence.

134

La Commission considère que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

135

Il convient d’emblée d’observer que, bien que la requérante allègue une dénaturation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, elle vise, en réalité, à dénoncer une interprétation erronée que le Tribunal aurait faite de cette disposition, ayant amené celui-ci à écarter le critère de l’investisseur privé avisé.

136

Premièrement, c’est à tort que la requérante soutient que l’obligation d’une vente au prix du marché au terme d’une procédure d’appel d’offres ouverte et transparente correspond à l’application du critère de l’investisseur privé avisé.

137

À cet égard, il convient de rappeler que, pour ce qui est de ce critère, la question de son applicabilité doit être distinguée de celle de son application (voir, notamment, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, points 29 et 33).

138

Comme l’a énoncé à juste titre le Tribunal, au point 292 de l’arrêt attaqué, l’applicabilité du critère de l’investisseur privé dépend, en définitive, de ce que l’État membre concerné accorde en sa qualité d’actionnaire, et non pas en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise lui appartenant (voir, notamment, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 81, ainsi que du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 31).

139

L’intervention de la personne publique en sa qualité d’actionnaire ayant été constatée, et donc l’applicabilité du critère de l’investisseur privé établie, l’application de ce critère vise, ensuite, à déterminer si l’avantage économique accordé, sous quelque forme que ce soit, au moyen de ressources de l’État à une entreprise publique est, en raison de ses effets, de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre les États membres (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 89).

140

Certes, pour ce qui est de l’application du critère de l’investisseur privé, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le prix du marché est le prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence est prêt à payer pour une société dans la situation où elle se trouve et que, lorsqu’une autorité publique procède à la vente d’une entreprise lui appartenant par la voie d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle, il peut être présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée (voir, notamment, arrêts du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 92 et 94, ainsi que du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 32).

141

Toutefois, et contrairement à ce que prétend la requérante, l’applicabilité du critère de l’investisseur privé avisé ne saurait être inférée d’une condition qui relève habituellement de son application. Partant, il ne peut être conclu qu’une cession à un prix de marché et moyennant une procédure d’appel d’offres ouverte et transparente constitue nécessairement la mise en œuvre de ce critère.

142

Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 142 de ses conclusions, exiger que des mesures compensatoires soient mises en œuvre dans des conditions visant à rétablir une concurrence saine relève de l’essence même de la compensation, mais ne présume en rien le rôle endossé par l’État au moment de leur mise en œuvre.

143

Deuxièmement, en ce que la requérante conteste la conclusion du Tribunal, au point 301 de l’arrêt attaqué, quant au prix de vente des actifs en bloc de Sernam, il y a lieu d’observer que c’est au vu de l’obligation d’exclure les passifs de cette cession que le Tribunal a constaté que l’éventualité d’obtenir un prix négatif était exclue par définition. Or, ainsi qu’il ressort des points 54 à 58 du présent arrêt, c’est à bon droit que celui-ci a considéré que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 devait s’entendre comme exigeant une telle exclusion des passifs. Par conséquent, il ne saurait être allégué que, ce faisant, le Tribunal a ajouté une condition non prévue par la décision Sernam 2.

144

Troisièmement, en ce que la requérante invoque une contradiction de motifs commise par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, il y a lieu d’observer qu’elle fait valoir une argumentation analogue à celle développée dans le cadre du quatrième moyen et résumée au point 79 du présent arrêt. À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 85 du présent arrêt, l’affirmation, au point 100 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la seule exigence relative au prix, sur la base d’une interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, était celle d’un prix de marché moyennant une procédure ouverte et transparente, a trait à l’analyse de la notion de « vente » par laquelle le Tribunal a considéré, dans le cadre de la deuxième branche du quatrième moyen présentée en première instance, qu’une vente peut, en principe, être réalisée à un prix négatif.

145

Cette considération porte donc sur une question différente de celle, examinée par le Tribunal au point 301 de l’arrêt attaqué, de savoir si, dans le cas d’espèce relatif à la vente en bloc des actifs de Sernam, une vente à un prix négatif était possible. Pour ces raisons, l’argument tiré de ladite contradiction de motifs n’est pas fondé.

146

Quatrièmement, en ce que la requérante estime que le caractère positif ou négatif du prix de cession n’aurait aucune incidence quant à la finalité poursuivie à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, il y a lieu d’observer que, dans la mesure où la valorisation de ce prix dépend de l’inclusion des passifs dans la cession ou de leur exclusion de celle-ci, cet argument se confond avec celui-ci développé dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, suivant lequel l’ajout de passifs à la vente des actifs en bloc de Sernam n’aurait aucune incidence sur cette finalité. Cet argument doit donc être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 54 à 58 du présent arrêt.

147

Eu égard à ce qui précède, la deuxième branche du sixième moyen doit être considérée comme non fondée.

Sur la troisième branche du sixième moyen

– Argumentation des parties

148

Par la troisième branche du sixième moyen, la requérante soutient que, en faisant droit à l’argument selon lequel le principe de l’investisseur privé avisé était inapplicable à la cession des actifs en bloc de Sernam en raison de la nature compensatoire de cette cession, le Tribunal a violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

149

Selon la requérante, la mise en œuvre d’une mesure compensatoire incombe au bénéficiaire de l’aide, qui peut indifféremment être une entreprise publique ou une entreprise privée, et non à l’État en tant que puissance publique. Dès lors, rien ne justifierait de rejeter l’application du principe de l’investisseur privé avisé à l’occasion de la mise en œuvre d’une mesure compensatoire.

150

Il ressortirait d’ailleurs de la jurisprudence de la Cour, et notamment des arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 78), ainsi que du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep (C‑224/12 P, EU:C:2014:213, points 32 à 37), que l’application dudit principe est incontournable et s’impose à la Commission avant que celle-ci ne puisse conclure à l’existence d’une aide d’État sur le fondement de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

151

Si la décision Sernam 2 imposait d’atteindre un objectif précis, il serait évident que, en droit, la requérante, en sa qualité d’actionnaire de Sernam, devrait se comporter de manière économiquement rationnelle afin d’atteindre cet objectif, comme le ferait un investisseur privé, sauf à accorder de nouvelles aides d’État.

152

À ce titre, la jurisprudence, et notamment l’arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission (T‑565/08, EU:T:2012:415, points 83 et 84), tiendrait pleinement compte du fait que les investisseurs privés adoptent le comportement le plus économiquement rationnel dans le cadre fixé par les contraintes et dans les limites permises par la loi. Or, au vu des circonstances de l’espèce, toute autre solution que celle effectivement mise en œuvre, notamment une liquidation judiciaire, aurait été plus coûteuse. En ayant refusé de comparer le comportement de la requérante à la rationalité économique qui aurait été celle d’un investisseur privé placé dans les mêmes circonstances et en ayant constaté, au point 309 de l’arrêt attaqué, que la logique compensatoire de la vente des actifs en bloc de Sernam était différente de la logique d’un opérateur économique privé cherchant à maximiser ses profits ou, en l’occurrence, à minimiser ses pertes, le Tribunal aurait violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

153

De plus, la question de la rationalité économique du comportement de la requérante devant s’appliquer à l’ensemble des éléments de la cession, le Tribunal aurait également commis des erreurs de droit et violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE aux points 323 et 327 de l’arrêt attaqué, qui concernent les nouvelles aides identifiées par la Commission, à savoir, respectivement, l’inscription de créances au passif de la liquidation judiciaire de Sernam et les garanties de passif octroyées au cessionnaire.

154

Par ailleurs, en ayant estimé, au point 310 de l’arrêt attaqué, que « les mesures litigieuses résultent donc directement de la violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 et n’ont donc aucun rapport avec l’application du critère de l’investisseur privé », le Tribunal aurait commis une erreur de droit dès lors que cette constatation est viciée par le refus d’appliquer le critère de l’investisseur privé en violation de l’article 107 TFUE.

155

La Commission considère que la troisième branche du sixième moyen doit être rejetée.

– Appréciation de la Cour

156

En ce que la requérante fait grief au Tribunal d’avoir exclu la prise en compte du critère de l’investisseur privé, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que, conformément à la jurisprudence évoquée au point 138 du présent arrêt, l’applicabilité de ce critère dépend du fait que l’État membre concerné agit en sa qualité d’actionnaire, et non pas en sa qualité de puissance publique. À cet égard, la Commission procède à une appréciation globale prenant en compte, outre les éléments fournis par l’État membre concerné, tout autre élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si la mesure en cause ressortit à la qualité d’actionnaire ou à celle de puissance publique dudit État membre (voir, en ce sens, arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 86 ; du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, point 60, ainsi que du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 102).

157

Ensuite, il convient d’observer que, aux fins de constater l’existence d’une aide d’État, le critère de l’investisseur privé permet d’établir si les mesures adoptées par l’État membre concerné ont obéi à un critère de rationalité économique, de sorte qu’un investisseur privé pourrait également être en mesure de les accepter (voir, notamment, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 36). Ainsi, en vertu de ce critère, les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’« aide », au sens de l’article 107 TFUE, ne sont pas satisfaites si l’entreprise publique bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (voir, notamment, arrêt du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C:2014:2142, point 30 ainsi que jurisprudence citée).

158

Eu égard à ce qui précède, force est de constater que le critère de l’investisseur privé suppose que le comportement de la personne publique puisse être comparé à celui d’un investisseur agissant dans les conditions normales du marché.

159

Or, comme il ressort des points 30 à 32 du présent arrêt et ainsi que l’a relevé le Tribunal aux points 305 et 306 de l’arrêt attaqué, la cession des actifs en bloc de Sernam, visée à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, constituait une mesure compensatoire destinée à prévenir les distorsions de concurrence. Partant, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer, aux points 307 et 308 de l’arrêt attaqué, que les mesures prévues à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne correspondaient pas aux conditions normales du marché et qu’ainsi, comme il l’a relevé au point 309 de cet arrêt, « la logique compensatoire de la vente des actifs en bloc de Sernam [...] était différente de la logique d’un opérateur privé cherchant à maximiser ses profits ou, en l’occurrence, à minimiser ses pertes », pour en déduire, au point 311 dudit arrêt, qu’il ne pouvait être reproché à la Commission d’avoir écarté, pour de tels motifs, le critère de l’investisseur privé au considérant 155 de la décision Sernam 3.

160

Certes, ce critère ne fait pas abstraction des obligations auxquelles sont soumis les opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C:2014:2142, point 33 ainsi que jurisprudence citée). Toutefois, les obligations qui sont constitutives des conditions normales du marché ne sauraient être confondues avec celles visant à prévenir la distorsion de la concurrence au sein de ce marché.

161

Si, comme le soutient la requérante, la mise en œuvre de la décision Sernam 2 impliquait qu’elle se comporte de manière économiquement rationnelle, cette mise en œuvre ne pouvait pour autant se faire en violation de l’article 3, paragraphe 2, de cette décision, comme l’a estimé le Tribunal au point 310 de l’arrêt attaqué. Il convient d’ailleurs de constater que, en ce que la requérante postule qu’une entreprise privée ayant à appliquer la décision Sernam 2 opterait, par rationalité économique, pour les mêmes conditions de cession des actifs en bloc que celles choisies en l’espèce, son argumentation se fonde sur la prémisse erronée d’une compatibilité de ces modalités de cession avec la finalité et les obligations imposées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

162

Par ailleurs, comme le reconnaît la requérante, les mesures considérées par la Commission comme étant de nouvelles aides d’État ne sont pas détachables de l’application de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Ces mesures ne peuvent donc pas être appréciées indépendamment de la finalité compensatoire de cette disposition, et c’est donc à bon droit que le Tribunal n’a pas appliqué le critère de l’investisseur privé avisé à ces nouveaux avantages, aux points 323 et 327 de l’arrêt attaqué.

163

Eu égard à ce qui précède, la troisième branche du sixième moyen doit être rejetée. Partant, le sixième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

164

Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

165

En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

166

Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

167

La Commission ainsi que Mory et Mory Team ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission ainsi que par Mory et Mory Team.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

SNCF Mobilités supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne ainsi que par Mory SA et Mory Team.

 

Silva de Lapuerta

Fernlund

Bonichot

Rodin

Regan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mars 2018.

Le greffier

A. Calot Escobar

Le président de la Ière chambre

R. Silva de Lapuerta


( *1 ) Langue de procédure : le français.