ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 octobre 2017 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Règlement (UE) no 604/2013 – Détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers – Article 27 – Voie de recours – Étendue du contrôle juridictionnel – Article 29 – Délai pour effectuer le transfert – Absence d’exécution du transfert dans le délai imparti – Obligations de l’État membre responsable – Transfert de responsabilité – Exigence d’une décision de l’État membre responsable »

Dans l’affaire C‑201/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche), par décision du 31 mars 2016, parvenue à la Cour le 12 avril 2016, dans la procédure

Majid Shiri, également connu sous le nom de Madzhdi Shiri,

en présence de

Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice–président, MM. L. Bay Larsen (rapporteur), T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça et A. Rosas, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, M. Safjan, D. Šváby, Mme A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et M. Vilaras, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mars 2017,

considérant les observations présentées :

pour M. Shiri, par Mes W. Weh et S. Harg, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme C. Crane et M. S. Brandon, en qualité d’agents, assistés de M. D. Blundell et de Mme M. Gray, barristers,

pour le gouvernement suisse, par M. E. Bichet, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par M. G. Wils et Mme M. Condou-Durande, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 27, paragraphe 1, et de l’article 29, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci‑après le « règlement Dublin III »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre de l’examen du recours formé par M. Majid Shiri, également connu sous le nom de Madzhdi Shiri, ressortissant iranien, contre la décision du Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl (office fédéral pour le droit des étrangers et le droit d’asile, Autriche) (ci‑après l’« office ») déclarant sa demande de protection internationale irrecevable, ordonnant son éloignement et constatant que son renvoi vers la Bulgarie est licite.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1560/2003

3

Le chapitre III du règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission, du 2 septembre 2003, portant modalités d’application du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers (JO 2003, L 222, p. 3), tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) no 118/2014 de la Commission, du 30 janvier 2014 (JO 2014, L 39, p. 1), définit une série de règles relatives à la mise en œuvre du transfert de la personne concernée vers l’État membre responsable au sens du règlement Dublin III.

4

L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« L’État membre responsable est tenu de permettre le transfert du demandeur dans les meilleurs délais et de veiller à ce qu’il ne soit pas mis d’obstacle à son entrée. Il lui incombe de déterminer, le cas échéant, le lieu de son territoire où le demandeur sera transféré ou remis aux autorités compétentes en tenant compte, d’une part, des contraintes géographiques et des modes de transport disponibles pour l’État membre qui procède au transfert. [...] »

Le règlement Dublin III

5

Les considérants 4, 5 et 19 du règlement Dublin III sont ainsi rédigés :

« (4)

Les conclusions [du Conseil européen, lors de sa réunion spéciale] de Tampere [les 15 et 16 octobre 1999,] ont également précisé que le [régime d’asile européen commun] devrait comporter à court terme une méthode claire et opérationnelle pour déterminer l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile.

(5)

Une telle méthode devrait être fondée sur des critères objectifs et équitables tant pour les États membres que pour les personnes concernées. Elle devrait, en particulier, permettre une détermination rapide de l’État membre responsable afin de garantir un accès effectif aux procédures d’octroi d’une protection internationale et ne pas compromettre l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale.

[...]

(19)

Afin de garantir une protection efficace des droits des personnes concernées, il y a lieu d’instaurer des garanties juridiques et le droit à un recours effectif à l’égard de décisions de transfert vers l’État membre responsable conformément, notamment, à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Afin de garantir le respect du droit international, un recours effectif contre de telles décisions devrait porter à la fois sur l’examen de l’application du présent règlement et sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré. »

6

L’article 3, paragraphe 1, de ce règlement dispose :

« Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un quelconque d’entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. »

7

L’article 17, paragraphe 1, premier alinéa, dudit règlement énonce :

« Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. »

8

Les articles 22 et 25 du même règlement établissent les règles relatives respectivement à la réponse à une requête de prise en charge et à la réponse à une requête de reprise en charge.

9

L’article 27, paragraphes 1 et 3, du règlement Dublin III est libellé comme suit :

« 1.   Le demandeur [...] dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.

[...]

3.   Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national :

a)

le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l’État membre concerné en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision ; ou

b)

le transfert est automatiquement suspendu et une telle suspension expire au terme d’un délai raisonnable, pendant lequel une juridiction, après un examen attentif et rigoureux de la requête, aura décidé s’il y a lieu d’accorder un effet suspensif à un recours ou une demande de révision ; ou

c)

la personne concernée a la possibilité de demander dans un délai raisonnable à une juridiction de suspendre l’exécution de la décision de transfert en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision. Les États membres veillent à ce qu’il existe un recours effectif, le transfert étant suspendu jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la première demande de suspension. La décision de suspendre ou non l’exécution de la décision de transfert est prise dans un délai raisonnable, en ménageant la possibilité d’un examen attentif et rigoureux de la demande de suspension. La décision de ne pas suspendre l’exécution de la décision de transfert doit être motivée. »

10

L’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement prévoit :

« 1.   Le transfert du demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27, paragraphe 3.

[...]

2.   Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11

M. Shiri est entré sur le territoire des États membres par la Bulgarie, État membre dans lequel il a introduit, le 19 février 2015, une demande de protection internationale.

12

Il a ensuite introduit, le 7 mars 2015, une demande de protection internationale en Autriche. L’office a demandé, le 9 mars 2015, aux autorités bulgares de reprendre M. Shiri en charge.

13

Le 23 mars 2015, les autorités bulgares ont accédé à cette requête aux fins de reprise en charge.

14

Le 2 juillet 2015, l’office a déclaré irrecevable la demande de protection internationale introduite par M. Shiri, a ordonné l’éloignement de celui-ci et a constaté que son renvoi vers la Bulgarie était licite.

15

M. Shiri a contesté cette décision devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche), en assortissant ce recours d’une demande aux fins de la reconnaissance de l’effet suspensif dudit recours. Sans se prononcer sur cette dernière demande, cette juridiction a annulé, le 20 juillet 2015, ladite décision, au motif que, en raison de la vulnérabilité de M. Shiri due à son état de santé, l’office aurait dû examiner s’il était tenu d’exercer la faculté prévue à l’article 17, paragraphe 1, du règlement Dublin III.

16

À la suite de cette annulation, par une nouvelle décision du 3 septembre 2015, l’office a déclaré irrecevable la demande de protection internationale déposée par M. Shiri, a ordonné l’éloignement de celui-ci et a constaté que son renvoi vers la Bulgarie était licite.

17

M. Shiri a contesté cette décision devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) par un recours reçu par cette juridiction le 17 septembre 2015, en assortissant ce recours d’une demande aux fins de la reconnaissance de l’effet suspensif dudit recours. Par des observations complémentaires du 23 septembre 2015, M. Shiri a fait valoir que la République d’Autriche était devenue l’État membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en raison de l’expiration du délai de transfert de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, du règlement Dublin III, intervenue à cette même date.

18

Le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a rejeté le recours par un arrêt du 30 septembre 2015, sans s’être prononcé sur la demande aux fins de la reconnaissance de l’effet suspensif du même recours. S’agissant de l’argument développé par M. Shiri dans son mémoire complémentaire du 23 septembre 2015 et tiré de l’expiration du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, du règlement Dublin III, il a jugé que, à la suite de l’annulation de la décision de l’office du 2 juillet 2015 et du renvoi de l’affaire à ce dernier aux fins d’une nouvelle décision, un nouveau délai de six mois a commencé à courir à partir du moment où le transfert de M. Shiri est redevenu possible, à savoir à partir du septième jour suivant la réception du recours introduit par celui-ci, soit à compter du 24 septembre 2015. Partant, le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a estimé que la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale introduite par M. Shiri incombait toujours à la République de Bulgarie et n’avait pas été transférée entretemps à la République d’Autriche.

19

M. Shiri a alors introduit un recours en Revision contre cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

20

Cette juridiction estime que, avant de se prononcer sur une éventuelle expiration du délai de transfert applicable à M. Shiri, il convient de vérifier si un demandeur de protection internationale peut se prévaloir d’un éventuel transfert de la responsabilité d’examiner sa demande de protection en raison de l’expiration de ce délai et si cette expiration suffit, à elle seule, à entraîner un tel transfert de responsabilité.

21

Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Les dispositions relatives au droit à un recours effectif contre les décisions de transfert, prévues dans le règlement [Dublin III], notamment l’article 27, paragraphe 1, de ce règlement, doivent-elles, à la lumière du considérant 19 dudit règlement, être interprétées en ce sens qu’un demandeur d’asile peut se prévaloir d’un transfert de la responsabilité à l’État membre requérant en raison de l’expiration du délai de six mois pour effectuer le transfert (dispositions combinées de l’article 29, paragraphe 2, et de l’article 29, paragraphe 1, du règlement [Dublin III]) ?

Dans le cas où la première question appelle une réponse affirmative :

2)

L’écoulement d’un délai de transfert non mis à profit suffit-il à entraîner le transfert de responsabilité prévu à l’article 29, paragraphe 2, première phrase, du règlement [Dublin III], ou un tel transfert de responsabilité en raison de l’expiration du délai suppose-t-il également que l’État membre responsable refuse de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée ? »

Sur la demande de réouverture de la procédure orale

22

À la suite de la lecture des conclusions de Mme l’avocat général lors de l’audience du 20 juillet 2017, M. Shiri a, par lettre parvenue au greffe de la Cour le 6 septembre 2017, demandé que soit ordonnée la réouverture de la phase orale de la procédure. À l’appui de cette demande, M. Shiri a fait valoir que les conclusions abordaient une question de droit relative au décompte du délai figurant à l’article 29, paragraphe 1, du règlement Dublin III qui n’avait pas été soumise à la Cour par la juridiction de renvoi et sur laquelle il n’avait donc pu faire valoir ses observations.

23

À cet égard, l’article 83 du règlement de procédure de la Cour permet à celle-ci, l’avocat général entendu, d’ordonner à tout moment la réouverture de la phase orale de la procédure, notamment lorsque l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument de droit qui n’a pas été débattu entre parties.

24

En l’espèce, il convient toutefois de constater que, en tout état de cause, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de prendre position sur la question de droit relative au décompte du délai figurant à l’article 29, paragraphe 1, du règlement Dublin III mentionnée par M. Shiri. Par ailleurs, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer et que ces éléments ont fait l’objet des débats menés devant elle.

25

Partant, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure.

Sur les questions préjudicielles

Sur la seconde question

26

Par sa seconde question, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que, si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la responsabilité est transférée de plein droit à l’État membre requérant, sans qu’il soit nécessaire que l’État membre responsable refuse de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée.

27

Conformément à l’article 29, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement Dublin III, le transfert de la personne concernée s’effectue dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de cette personne ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé.

28

À ce dernier égard, il découle de l’article 27, paragraphe 3, sous c), de ce règlement que, lorsque le droit national prévoit que la personne concernée a la possibilité de demander à une juridiction de suspendre l’exécution de la décision de transfert en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision, la juridiction saisie doit statuer sur cette demande dans un délai raisonnable et motiver sa décision si celle-ci rejette ladite demande.

29

L’article 29, paragraphe 2, dudit règlement précise que, si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant.

30

Il ressort du libellé même de cette disposition que celle-ci prévoit un transfert de plein droit de la responsabilité à l’État membre requérant, sans subordonner ce transfert à une quelconque réaction de l’État membre responsable (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, point 61).

31

Cette interprétation est, en outre, cohérente avec l’objectif de célérité dans le traitement des demandes de protection internationale, mentionné au considérant 5 du règlement Dublin III, en tant qu’elle garantit, en cas de retard dans la procédure de prise en charge ou de reprise en charge, que l’examen de la demande de protection internationale soit effectué dans l’État membre où se trouve le demandeur de protection internationale, afin de ne pas différer davantage cet examen (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, point 54).

32

Ladite interprétation est également reflétée par les règles relatives à la mise en œuvre du transfert énoncées au chapitre III du règlement no 1560/2003.

33

En effet, alors que l’article 8 de ce règlement oblige l’État membre responsable à permettre le transfert du demandeur dans les meilleurs délais, aucune disposition dudit règlement ne confère à cet État membre la faculté, après avoir accepté, explicitement ou implicitement, une requête de prise en charge ou de reprise en charge en application des articles 22 ou 25 du règlement Dublin III, de se prononcer à nouveau sur sa volonté de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée.

34

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III doit être interprété en ce sens que, si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la responsabilité est transférée de plein droit à l’État membre requérant, sans qu’il soit nécessaire que l’État membre responsable refuse de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée.

Sur la première question

35

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement, doit être interprété en ce sens qu’un demandeur de protection internationale peut invoquer, dans le cadre d’un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l’expiration du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, dudit règlement.

36

L’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III prévoit que le demandeur de protection internationale dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.

37

La portée du recours ouvert au demandeur de protection internationale contre une décision de transfert prise à son égard est précisée au considérant 19 de ce règlement, qui indique que, afin de garantir le respect du droit international, le recours effectif instauré par ledit règlement contre des décisions de transfert doit porter, d’une part, sur l’examen de l’application du même règlement et, d’autre part, sur l’examen de la situation en fait et en droit dans l’État membre vers lequel le demandeur est transféré (arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, point 43).

38

En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, au regard notamment de l’évolution générale qu’a connue le système de détermination de l’État membre responsable d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres du fait de l’adoption du règlement Dublin III et des objectifs visés par ce règlement, l’article 27, paragraphe 1, dudit règlement doit être interprété en ce sens que le recours qu’il prévoit doit pouvoir porter, notamment, sur le respect des garanties procédurales prévues par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, points 44 à 48 et jurisprudence citée).

39

Or, les procédures de prise en charge et de reprise en charge instituées par le règlement Dublin III doivent, en particulier, être menées dans le respect d’une série de délais impératifs, parmi lesquels figure le délai de six mois mentionné à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement. Si ces dispositions visent à encadrer ces procédures, elles contribuent également, au même titre que les critères énoncés au chapitre III dudit règlement, à déterminer l’État membre responsable. En effet, ainsi qu’il ressort des points 30 à 34 du présent arrêt, l’expiration de ce délai, sans que le transfert du demandeur de l’État membre requérant vers l’État membre responsable ait été effectué, emporte transfert de plein droit de la responsabilité du second État membre vers le premier (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, points 50 à 53).

40

Dans ces conditions, en vue d’assurer que la décision de transfert contestée a été adoptée à la suite d’une application correcte desdites procédures, la juridiction saisie d’un recours contre une décision de transfert doit pouvoir examiner les allégations d’un demandeur de protection internationale selon lesquelles cette décision aurait été adoptée en violation des dispositions figurant à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, en tant que l’État membre requérant serait déjà devenu l’État membre responsable au jour de l’adoption de ladite décision en raison de l’expiration préalable du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab, C‑670/16, EU:C:2017:587, point 55).

41

Cela étant, il importe de relever que, à la différence des délais en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juillet 2017, Mengesteab (C‑670/16, EU:C:2017:587), qui encadrent la formulation d’une requête aux fins de prise en charge, les délais énoncés à l’article 29 du règlement Dublin III ont pour objet d’encadrer non seulement l’adoption mais également l’exécution de la décision de transfert.

42

Il s’ensuit que ces délais peuvent expirer après l’adoption de la décision de transfert. Il y a d’ailleurs lieu de relever que, dans l’affaire en cause au principal, la personne concernée fait valoir que le délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement a expiré à une date postérieure à celle de l’adoption d’une décision de transfert.

43

À cet égard, les autorités compétentes de l’État membre requérant ne peuvent, dans une telle situation, procéder au transfert de la personne concernée vers un autre État membre et sont, au contraire, tenues de prendre d’office les dispositions nécessaires pour admettre la responsabilité du premier État membre et pour entamer sans retard l’examen de la demande de protection internationale introduite par cette personne.

44

Cela étant, eu égard, d’une part, à l’objectif, mentionné au considérant 19 du règlement Dublin III, de garantir, conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, une protection efficace des personnes concernées et, d’autre part, à l’objectif, rappelé au point 31 du présent arrêt, d’assurer avec célérité la détermination de l’État membre responsable du traitement d’une demande de protection internationale, dans l’intérêt tant des demandeurs d’une telle protection que du bon fonctionnement général du système institué par ce règlement, le demandeur doit pouvoir disposer d’une voie de recours effective et rapide qui lui permette de se prévaloir de l’expiration du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, dudit règlement intervenue postérieurement à l’adoption de la décision de transfert.

45

À cet égard, en l’occurrence, le droit que la réglementation autrichienne reconnaît au demandeur de protection internationale d’invoquer des circonstances postérieures à l’adoption de la décision de transfert prise à son égard, dans le cadre d’un recours dirigé contre cette décision, satisfait à cette obligation de prévoir une voie de recours effective et rapide.

46

Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 27, paragraphe 1, du règlement Dublin III, lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement, ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux doivent être interprétés en ce sens qu’un demandeur de protection internationale doit pouvoir disposer d’une voie de recours effective et rapide qui lui permette de se prévaloir de l’expiration du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, dudit règlement intervenue postérieurement à l’adoption de la décision de transfert. Le droit qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal reconnaît à un tel demandeur d’invoquer des circonstances postérieures à l’adoption de cette décision, dans le cadre d’un recours dirigé contre celle-ci, satisfait à cette obligation de prévoir une voie de recours effective et rapide.

Sur les dépens

47

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens que, si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la responsabilité est transférée de plein droit à l’État membre requérant, sans qu’il soit nécessaire que l’État membre responsable refuse de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée.

 

2)

L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement, ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’un demandeur de protection internationale doit pouvoir disposer d’une voie de recours effective et rapide qui lui permette de se prévaloir de l’expiration du délai de six mois tel que défini à l’article 29, paragraphes 1 et 2, dudit règlement intervenue postérieurement à l’adoption de la décision de transfert. Le droit qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal reconnaît à un tel demandeur d’invoquer des circonstances postérieures à l’adoption de cette décision, dans le cadre d’un recours dirigé contre celle-ci, satisfait à cette obligation de prévoir une voie de recours effective et rapide.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.