ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

26 janvier 2017 ( *1 )

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marchés belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien des installations sanitaires pour salles de bains — Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen — Coordination des prix et échange d’informations commerciales sensibles — Infraction unique — Preuve — Amendes — Pleine juridiction — Délai raisonnable — Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑625/13 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 novembre 2013,

Villeroy & Boch AG, établie à Mettlach (Allemagne), représentée par Mes M. Klusmann et T. Kreifels, Rechtsanwälte, assistés de M. S. Thomas, professeur,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. L. Malferrari, F. Castillo de la Torre et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, Mme M. Berger, MM. E. Levits, S. Rodin (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 septembre 2015,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 novembre 2015,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Villeroy & Boch AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 septembre 2013, Villeroy & Boch Austria e.a./Commission (T‑373/10, T‑374/10, T‑382/10 et T‑402/10, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2013:455), en tant que, par cet arrêt, celui-ci a partiellement rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision C (2010) 4185 final de la Commission, du 23 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39092 – Installations sanitaires pour salles de bains) (ci-après la « décision litigieuse »), en tant qu’elle la concerne.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1/2003

2

Le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit, à son article 23, paragraphes 2 et 3 :

« 2.   La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence :

a)

elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 ou 102 TFUE] [...]

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]

3.   Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci. »

Les lignes directrices de 2006

3

Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 ») indiquent, à leur point 2, que, en ce qui concerne la détermination des amendes, « la Commission doit prendre en considération la durée et la gravité de l’infraction » et que « l’amende infligée ne doit pas excéder les limites indiquées à l’article 23, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, du règlement (CE) no 1/2003 ».

4

Le point 37 des lignes directrices de 2006 énonce :

« Bien que les présentes Lignes directrices exposent la méthodologie générale pour la fixation d’amendes, les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie ou des limites fixées au point 21. »

Les antécédents du litige et la décision litigieuse

5

Les produits concernés par l’entente sont les installations sanitaires pour salles de bains faisant partie de l’un des trois sous-groupes de produits suivants, à savoir les articles de robinetterie, les enceintes de douche et leurs accessoires ainsi que les articles en céramique (ci-après les « trois sous-groupes de produits »).

6

Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 19 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés comme suit.

7

Par la décision litigieuse, la Commission a constaté l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE »), dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains. Cette infraction, à laquelle 17 entreprises auraient participé, se serait déroulée au cours de différentes périodes comprises entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004 et aurait pris la forme d’un ensemble d’accords anticoncurrentiels ou de pratiques concertées sur les territoires belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien.

8

Plus précisément, la Commission a indiqué, dans la décision litigieuse, que l’infraction constatée consistait, premièrement, en la coordination, par lesdits fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, des hausses de prix annuelles et d’autres éléments de tarification, dans le cadre de réunions régulières au sein d’associations nationales professionnelles, deuxièmement, en la fixation ou en la coordination des prix à l’occasion d’événements spécifiques tels que l’augmentation du coût des matières premières, l’introduction de l’euro ainsi que l’instauration de péages routiers et, troisièmement, en la divulgation et en l’échange d’informations commerciales sensibles. En outre, la Commission a constaté que la fixation des prix dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains suivait un cycle annuel. Dans ce cadre, les fabricants fixaient leurs barèmes de prix, qui restaient généralement en vigueur pendant un an et servaient de base aux relations commerciales avec les grossistes.

9

Villeroy & Boch ainsi que les autres requérantes en première instance, Villeroy & Boch Austria GmbH (ci-après « Villeroy & Boch Autriche »), Villeroy & Boch SAS (ci-après « Villeroy & Boch France ») et Villeroy & Boch Belgium SA (ci-après « Villeroy & Boch Belgique ») opèrent dans le secteur des équipements sanitaires pour salles de bains. Villeroy & Boch détient l’intégralité du capital de Villeroy & Boch Autriche, de Villeroy & Boch France, de Villeroy & Boch Belgique, d’Ucosan BV et de ses filiales ainsi que de Villeroy & Boch SARL (ci-après « Villeroy & Boch Luxembourg »).

10

Le 15 juillet 2004, Masco Corp. et ses filiales, parmi lesquelles Hansgrohe AG, qui fabrique des articles de robinetterie, et Hüppe GmbH, qui fabrique des enceintes de douche, ont informé la Commission de l’existence d’une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains et ont demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication de 2002 sur la coopération ») ou, à défaut, d’une réduction du montant des amendes susceptibles d’être prononcées contre elles. Le 2 mars 2005, la Commission a adopté une décision conditionnelle d’immunité d’amendes au profit de Masco, conformément au paragraphe 8, sous a), et au paragraphe 15, de cette communication.

11

Les 9 et 10 novembre 2004, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs sociétés et associations nationales professionnelles opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains.

12

Les 15 et 19 novembre 2004, Grohe Beteiligungs GmbH et ses filiales ainsi qu’American Standard Inc. (ci-après « Ideal Standard ») ont, respectivement, sollicité l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, la réduction de leur montant.

13

Ayant adressé, au cours de la période allant du 15 novembre 2005 au 16 mai 2006, des demandes de renseignements à plusieurs sociétés et associations opérant dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains, y compris aux requérantes en première instance, la Commission a, le 26 mars 2007, adopté une communication des griefs, laquelle a été notifiée à celles-ci.

14

Les 17 et 19 janvier 2006, Roca SARL ainsi que Hansa Metallwerke AG et ses filiales ont également respectivement demandé à bénéficier de l’immunité d’amendes au titre de la communication de 2002 sur la coopération ou, à défaut, de la réduction de leur montant. Le 20 janvier 2006, Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG Armaturenfabrik a présenté une demande similaire.

15

À la suite d’une audition, tenue du 12 au 14 novembre 2007, à laquelle les requérantes en première instance ont participé, de l’envoi le 9 juillet 2009 d’une lettre d’exposé des faits attirant l’attention de celles-ci sur certaines preuves sur lesquelles la Commission envisageait de se fonder dans le cadre de l’adoption d’une décision finale et de demandes d’informations supplémentaires adressées par la suite notamment auxdites requérantes, la Commission a, le 23 juin 2010, adopté la décision litigieuse. Par cette décision, elle a considéré que les pratiques décrites au point 8 du présent arrêt faisaient partie d’un plan global visant à restreindre la concurrence entre les destinataires de ladite décision et présentaient les caractéristiques d’une infraction unique et continue, dont le champ d’application couvrait les trois sous-groupes de produits et s’étendait aux territoires belge, allemand, français, italien, néerlandais et autrichien. À cet égard, elle a notamment souligné le fait que lesdites pratiques avaient été conformes à un modèle récurrent qui s’était avéré être le même dans les six États membres couverts par son enquête. Elle a également relevé l’existence d’associations nationales professionnelles concernant l’ensemble des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « organismes de coordination », d’associations nationales professionnelles comprenant des membres dont l’activité avait trait à au moins deux des trois sous-groupes de produits, qu’elle a nommées « associations multi-produits », ainsi que d’associations spécialisées comprenant des membres dont l’activité portait sur l’un des trois sous-groupes de produits. Enfin, elle a constaté la présence d’un groupe central d’entreprises ayant participé à l’entente dans différents États membres et dans le cadre d’organismes de coordination et d’associations multi-produits.

16

Selon la Commission, les requérantes en première instance ont participé à l’infraction en cause en tant que membres des associations suivantes, à savoir l’IndustrieForum Sanitär, qui a remplacé à partir de l’année 2001 le Freundeskreis der deutschen Sanitärindustrie, l’Arbeitskreis Baden und Duschen, qui a remplacé à partir de l’année 2003 l’Arbeitskreis Duschabtrennungen et le Fachverband Sanitär-Keramische Industrie (ci-après le « FSKI ») en Allemagne, l’Arbeitskreis Sanitärindustrie (ci-après l’« ASI ») en Autriche, le Vitreous China-group (ci-après le « VCG ») en Belgique, la Sanitair Fabrikanten Platform aux Pays-Bas et l’Association française des industries de céramique sanitaire (AFICS) en France. S’agissant de l’infraction commise aux Pays-Bas, la Commission a constaté en substance, au considérant 1179 de la décision litigieuse, que les entreprises y ayant participé ne pouvaient se voir infliger une amende à ce titre pour cause de prescription.

17

À l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission a énuméré les entreprises sanctionnées pour une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à compter du 1er janvier 1994, en raison de leur participation à une entente dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche pour des périodes variables entre le 16 octobre 1992 et le 9 novembre 2004. S’agissant des requérantes en première instance, la Commission a sanctionné, à l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision, Villeroy & Boch pour sa participation à ladite infraction unique du 28 septembre 1994 au 9 novembre 2004 et ses filiales Villeroy & Boch Belgique, Villeroy & Boch France et Villeroy & Boch Autriche pour des périodes allant du 12 octobre 1994 au plus tôt au 9 novembre 2004.

18

À l’article 2, paragraphe 8, de la décision litigieuse, la Commission a infligé des amendes, premièrement, à Villeroy & Boch, de 54436347 euros, deuxièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch Autriche, de 6083604 euros, troisièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch Belgique, de 2942608 euros et, quatrièmement, solidairement à Villeroy & Boch et à Villeroy & Boch France, de 8068441 euros. Le montant total des amendes infligées aux requérantes en première instance s’élevait donc à 71531000 euros.

19

Aux fins du calcul de ces amendes, la Commission s’est fondée sur les lignes directrices de 2006.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, la requérante a introduit un recours dans l’affaire T‑374/10 tendant à l’annulation de la décision litigieuse dans la mesure où elle la concerne ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées.

21

Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante a fait valoir devant le Tribunal que la Commission a qualifié à tort l’infraction constatée d’infraction unique, complexe et continue et, à titre subsidiaire, que, en procédant ainsi, elle a violé l’obligation de motivation notamment en ne délimitant pas de façon suffisamment précise les marchés en cause.

22

Villeroy & Boch a également fait valoir qu’elle n’a commis aucune infraction sur les marchés de produits et géographiques en cause, à savoir en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche. S’agissant plus particulièrement des infractions prétendument commises en Allemagne, en France et en Autriche, Villeroy & Boch a avancé que la responsabilité du comportement anticoncurrentiel de ses filiales sur ces marchés ne pouvait lui être imputée.

23

Enfin, Villeroy & Boch a contesté le caractère solidaire des amendes qui lui ont été infligées et a soutenu, à titre subsidiaire, que le montant de ces amendes devrait être réduit dans la mesure notamment où la Commission a pris en considération à tort des ventes sans rapport avec l’infraction, où ce montant est disproportionné, méconnaissant ainsi l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, et compte tenu de la durée excessive de la procédure administrative.

24

À titre subsidiaire, la requérante a présenté des conclusions en réduction du montant des amendes infligées.

25

Le Tribunal a estimé, au point 395 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas établi que Villeroy & Boch avait participé à l’infraction unique en cause avant le 12 octobre 1994. L’annulation partielle de l’article 1er, paragraphe 7, de la décision litigieuse prononcée par le Tribunal est restée toutefois sans conséquence sur le montant des amendes infligées à Villeroy & Boch à l’article 2, paragraphe 8, de ladite décision. En effet, aux fins dudit calcul, la Commission n’aurait pris en considération sa participation à une infraction qu’à compter du 12 octobre 1994, comme cela ressort clairement du tableau D de la décision litigieuse.

26

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus.

Les conclusions des parties

27

La requérante demande à la Cour :

d’annuler en totalité l’arrêt attaqué, dans la mesure où, par cet arrêt, le Tribunal a partiellement rejeté son recours ;

à titre subsidiaire, d’annuler partiellement l’article 1er de la décision litigieuse dans la forme résultant de l’arrêt attaqué, pour autant qu’il la concerne ;

à titre plus subsidiaire, de diminuer dûment l’amende qui lui a été infligée en vertu de l’article 2 de la décision litigieuse ;

à titre encore plus subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue à nouveau, et

de condamner la Commission aux dépens.

28

La Commission demande à la Cour :

de rejeter le pourvoi dans son ensemble comme étant en partie irrecevable et en partie manifestement non fondé et

de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

29

À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève onze moyens.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

30

Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit à son détriment s’agissant des faits commis en France.

31

Le Tribunal, par la même chambre et par le même juge rapporteur, le même jour et concernant les mêmes questions et la même décision, aurait apprécié deux éléments de preuve, à savoir les déclarations faites dans le cadre du programme de clémence par Ideal Standard et les déclarations de Roca, de manière diamétralement opposée dans l’arrêt attaqué et dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 118 à 120), en violation du principe d’égalité de traitement et de la présomption d’innocence, au détriment de la requérante.

32

En effet, aux points 287 à 290 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait estimé que les déclarations d’Ideal Standard et celles de Roca avaient permis d’établir la participation de Villeroy & Boch France à trois réunions de l’AFICS organisées pendant l’année 2004, au cours desquelles des discussions illicites auraient eu lieu. À cet égard, le Tribunal aurait, en substance, rappelé que le témoignage d’une entreprise ayant demandé la clémence ne peut servir de preuve en vertu du principe testis unus, testis nullus (un seul témoin, pas de témoin) à moins qu’un tel témoignage ne soit étayé par celui d’autres participants à l’entente. Toutefois, tel serait, selon le Tribunal, le cas dans la présente affaire puisque le témoignage fourni dans le cadre de la demande de clémence d’Ideal Standard aurait été confirmé par la déclaration de Roca.

33

Or, selon la requérante, l’appréciation des preuves ainsi effectuée par le Tribunal est manifestement contraire à celle faite de ces mêmes éléments de preuve dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 118 à 120), qui concerne également la décision litigieuse.

34

De même, la requérante estime que le Tribunal a apprécié la valeur probante de la déclaration faite par Duravit AG de manière contradictoire dans ce dernier arrêt et dans l’arrêt attaqué, violant ainsi le principe d’égalité de traitement des éléments de preuve ainsi que le principe in dubio pro reo. En effet, dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 115 et 116), le Tribunal aurait considéré que cette déclaration était inopposable aux requérantes dans cette affaire dès lors qu’elle ne leur avait pas été communiquée au cours de la procédure administrative. En revanche, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait accepté de tenir compte de cette même déclaration. Ainsi, au point 293 de cet arrêt, le Tribunal aurait indiqué que, si la décision litigieuse « ne s’appuie pas » sur ladite déclaration, il n’en demeure pas moins que celle-ci a confirmé celle d’Ideal Standard quant à la teneur des discussions illicites qui se sont « probablement » tenues le 25 février 2004.

35

En outre, la requérante soutient que le Tribunal, en retenant à sa charge la déclaration faite par Duravit, dont il savait pourtant qu’elle lui était inopposable et que la Commission n’avait pas elle-même retenue dans la décision litigieuse, a modifié la motivation de cette décision et a violé l’article 263 et l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

36

Dès lors qu’aucun autre élément de preuve n’a été invoqué s’agissant de l’infraction pouvant prétendument être imputée à la requérante en France, la condamnation de celle-ci serait fondée sur les erreurs de droit mentionnées ci-dessus, s’agissant des faits commis en France.

37

La Commission conclut au rejet du premier moyen.

Appréciation de la Cour

38

Afin de répondre au premier moyen, il y a lieu de rappeler que l’appréciation par le Tribunal de la force probante d’un document ne peut, en principe, être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments (voir, notamment, arrêt du 2 octobre 2003, Salzgitter/Commission,C‑182/99 P, EU:C:2003:526, point 43 et jurisprudence citée), laquelle n’a pas été invoquée en l’espèce.

39

En revanche, conformément à une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou suffisante est une question de droit pouvant, en tant que telle, être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission,C‑105/04 P, EU:C:2006:592, point 71 et jurisprudence citée).

40

En l’occurrence, le Tribunal a, au point 287 de l’arrêt attaqué, constaté que la Commission s’est appuyée sur les déclarations d’Ideal Standard et de Roca pour établir la participation de Villeroy & Boch France aux réunions de l’AFICS en 2004. Au point 289 dudit arrêt, le Tribunal a souligné que, s’il ressort de la jurisprudence que la déclaration d’un bénéficiaire d’une réduction totale ou partielle d’amendes qui est contestée par une partie doit être corroborée, rien ne s’oppose à ce qu’une telle corroboration puisse résulter du témoignage d’une autre entreprise ayant participé à l’entente, quand bien même cette dernière aurait également bénéficié d’une réduction d’amendes. Après avoir examiné la valeur probante de la déclaration faite par Roca, le Tribunal a, au point 290 du même arrêt, conclu qu’il y a lieu de constater que la déclaration d’Ideal Standard, telle que corroborée par celle de Roca, établit à suffisance de droit la tenue des discussions illicites en cause.

41

Or, la requérante soutient que cette motivation est contradictoire avec celle retenue dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457).

42

Toutefois, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses arrêts ne saurait en principe s’étendre jusqu’à imposer qu’il justifie la solution retenue dans une affaire par rapport à celle retenue dans une autre affaire dont il a été saisi, quand bien même elle concernerait la même décision (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66 ainsi que jurisprudence citée).

43

Partant, l’argument de la requérante tiré d’une motivation contradictoire entre l’arrêt attaqué et l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457), doit être rejeté.

44

S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal ne pouvait retenir à sa charge la déclaration faite par Duravit, force est de constater qu’il procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, la mention de cette déclaration, au point 293 de l’arrêt attaqué, a uniquement pour objet de répondre à un argument des requérantes en première instance invoquant ladite déclaration et visant à mettre en doute la véracité des déclarations d’Ideal Standard et de Roca. Ainsi, le Tribunal n’a pas retenu la déclaration de Duravit comme élément à charge à l’égard de la requérante, comme cela est confirmé par le point 295 dudit arrêt, dans lequel le Tribunal a constaté que les déclarations d’Ideal Standard et de Roca suffisent à établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

45

Eu égard à ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

46

Par son deuxième moyen, divisé en deux branches, la requérante soutient, en premier lieu, que le Tribunal a violé l’obligation de motivation dans la mesure où il a, au point 233 de l’arrêt attaqué, rejeté son moyen tiré de l’absence d’infraction en Italie en se fondant sur le postulat erroné selon lequel elle n’aurait pas contesté le fait qu’elle avait eu connaissance de la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles sur le territoire de cet État membre.

47

En second lieu, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué viole les règles de la logique et l’interdiction de la discrimination s’agissant de l’appréciation matérielle et de l’imputation de l’infraction prétendument commise en Italie. En effet, au point 234 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait imputé à la requérante cette infraction commise par un tiers sur la base de sa connaissance alléguée de ladite infraction, et ce alors même que la requérante n’exercerait pas d’activité en Italie et n’aurait pas participé aux réunions de l’association professionnelle dans cet État membre. Or, simultanément, les principaux griefs invoqués contre les principaux auteurs présumés de la même infraction auraient été en grande partie ou totalement écartés dans trois autres arrêts concernant la décision litigieuse rendus le même jour par la même chambre du Tribunal composée des mêmes juges.

48

Ainsi, aux points 335 et suivants de l’arrêt du 16 septembre 2013, Duravit e.a./Commission (T‑364/10, non publié, EU:T:2013:477), le Tribunal aurait constaté que Duravit, Duravit SA et Duravit BeLux SPRL/BVBA ne pouvaient se voir reprocher ni leur participation aux infractions commises en Italie ni leur connaissance de celles-ci, même si elles étaient présentes sur le marché italien par l’intermédiaire d’une entreprise commune.

49

La même conclusion pourrait être tirée d’un autre arrêt rendu par la même chambre avec le même juge rapporteur, le même jour, concernant les mêmes questions relatives à l’Italie, à savoir l’arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449, points 70 et suivants). Dans cet arrêt, le Tribunal aurait en effet indiqué que les entreprises du groupe Ideal Standard, en dépit de leur participation établie à des réunions de l’association professionnelle en Italie, au cours desquelles des discussions contraires aux règles de la concurrence auraient eu lieu, devaient être mises hors de cause s’agissant de la période allant du mois de mars 1993 au mois de mars 2000.

50

Une motivation identique aurait également conduit le Tribunal, dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 222 et 223), à la différence de ce qu’il a jugé dans l’arrêt attaqué, à annuler partiellement la décision litigieuse s’agissant de l’infraction reprochée en Italie.

51

Eu égard à ce qui précède, l’appréciation des preuves faite par le Tribunal, au point 233 de l’arrêt attaqué, lu conjointement avec les points 66 et suivants dudit arrêt, ne saurait, sur le fond, être retenue.

52

La Commission conclut au rejet du deuxième moyen.

Appréciation de la Cour

53

En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen, force est de constater, à la lecture du point 59 de la requête en annulation invoqué par la requérante au soutien dudit moyen, que, comme le Tribunal l’a en substance relevé au point 233 de l’arrêt attaqué, celle-ci s’est contentée de contester avoir eu connaissance de pratiques anticoncurrentielles en Italie, sans avancer aucun argument au soutien de cette allégation et sans que celle-ci repose sur des éléments de preuve circonstanciés. De surcroît, ledit point 59 se rapporte au premier moyen d’annulation et non à la troisième branche du troisième moyen d’annulation, de telle sorte qu’il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas y avoir répondu dans l’analyse de cette dernière branche aux points 231 à 234 de l’arrêt attaqué.

54

Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

55

S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une violation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer, en eux-mêmes et pris isolément, une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 156 ainsi que jurisprudence citée).

56

Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient de notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait eu connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 157 ainsi que jurisprudence citée).

57

Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de cette infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par la suite, de celle‑ci dans son ensemble (voir arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 158 ainsi que jurisprudence citée).

58

Par ailleurs, afin de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il n’y a pas lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique. En revanche, la condition tenant à la notion d’objectif unique implique qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent par conséquent pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, points 247 et 248).

59

En outre, il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que l’article 101, paragraphe 1, TFUE concerne uniquement soit les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence, ou encore sur des marchés situés en amont ou en aval ou qui sont voisins dudit marché, soit les entreprises qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée. En effet, il découle d’une jurisprudence bien établie de la Cour que le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère de façon générale à tous les accords et à toutes les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives, tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles soit concerné par les termes des arrangements en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC‑Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 34 et 35 ainsi que jurisprudence citée).

60

Il résulte de cette jurisprudence que le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, considérer que la requérante avait participé à une infraction unique couvrant notamment le territoire italien dès lors qu’elle avait eu connaissance de la conduite de pratiques anticoncurrentielles sur ce territoire, lesquelles pratiques faisaient partie du plan global décrit au point 15 du présent arrêt, et ce bien que la requérante n’ait pas elle-même mis en œuvre ces pratiques.

61

En ce qui concerne l’argument relatif à la solution retenue dans les arrêts du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449), du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457), et du 16 septembre 2013, Duravit e.a./Commission (T‑364/10, non publié, EU:T:2013:477), il convient de rappeler, ainsi qu’il a été exposé au point 42 du présent arrêt, que l’obligation pour le Tribunal de motiver ses arrêts ne saurait en principe s’étendre jusqu’à imposer qu’il justifie la solution retenue dans une affaire par rapport à celle retenue dans une autre affaire dont il a été saisi, quand bien même elle concernerait la même décision.

62

En outre, le fait que le Tribunal ait pu procéder à l’annulation partielle de la décision litigieuse en tant qu’elle concerne la participation aux infractions reprochées de certains autres membres de l’entente concernée, sur certains marchés géographiques et pendant des périodes déterminées, ne suffit pas à remettre en cause le constat effectué dans l’arrêt attaqué concernant l’existence d’un plan d’ensemble couvrant les trois sous-groupes de produits et les six États membres concernés en raison de l’objet identique des comportements en cause faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Le cas échéant, de telles annulations partielles ne peuvent aboutir qu’à une réduction de l’amende imposée à chacune des entreprises concernées, pour autant que les marchés géographiques en cause ont été pris en compte dans le calcul de l’amende infligée à celles-ci.

63

Partant, c’est à tort que la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit au motif qu’il a rejeté son moyen tiré de l’absence d’infraction en Italie alors qu’il a considéré que la participation à cette infraction de certaines des entreprises présentes sur le marché italien n’était, en tout ou partie, pas établie pendant l’intégralité des périodes retenues par la Commission.

64

Il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen n’est pas fondée.

65

Il convient, dès lors, de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

66

Par la première branche de son troisième moyen, la requérante critique, en substance, le fait que le Tribunal a illégalement admis l’intérêt légitime de la Commission à constater une infraction prescrite commise aux Pays-Bas, en violation de ses compétences au titre de l’article 263 TFUE et de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En effet, la présente affaire ne concernerait pas une situation dans laquelle il existe un tel intérêt.

67

Par la seconde branche de son troisième moyen, la requérante soutient qu’il existe une contradiction manifeste entre le point 2 du dispositif et les motifs de l’arrêt attaqué. En effet, alors que la Commission avait initialement retenu une infraction continue d’une durée de plus de cinq ans aux Pays-Bas, le Tribunal aurait, au point 321 de l’arrêt attaqué, finalement considéré que la requérante ne pouvait être sanctionnée pour l’infraction commise dans cet État membre que pour les périodes allant, d’une part, du 26 novembre 1996 au 1er décembre 1997 et, d’autre part, du 20 janvier au 1er décembre 1999. En vertu de ses propres observations, le Tribunal aurait dû, comme cela a été fait s’agissant de l’infraction commise en Allemagne au point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, annuler la décision litigieuse à cet égard, pour autant qu’il y est indiqué que la requérante a participé aux Pays-Bas à une entente dans le secteur des équipements de salles de bains pendant une durée dépassant les périodes susmentionnées. Or, le Tribunal aurait omis d’en tenir compte, ce qui constitue une erreur de droit qui doit, en conséquence, conduire à l’annulation au moins partielle de l’arrêt attaqué.

68

La Commission conclut au rejet du troisième moyen.

Appréciation de la Cour

69

Afin de répondre à la première branche du troisième moyen, il convient, s’agissant, en premier lieu, de l’argument de la requérante tiré de la violation de l’article 263 TFUE, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI,C‑286/04 P, EU:C:2005:422, points 49 et 50, ainsi que du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission,C‑131/03 P, EU:C:2006:541, points 49 et 50).

70

Or, la requérante n’expose pas les raisons pour lesquelles elle estime que le Tribunal a méconnu ses compétences au titre de l’article 263 TFUE en considérant que, en l’espèce, la Commission disposait d’un intérêt légitime à constater l’infraction commise aux Pays-Bas.

71

Partant, cet argument est irrecevable.

72

S’agissant, en second lieu, de l’argument de la requérante tiré de la violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas tenu de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige dès lors que la motivation permet aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles il n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C‑431/07 P, EU:C:2009:223, point 42, ainsi que du 22 mai 2014, Armando Álvarez/Commission,C‑36/12 P, EU:C:2014:349, point 31).

73

Or, après avoir rappelé que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et à une jurisprudence constante, la Commission peut, lorsqu’elle dispose d’un intérêt légitime, constater la commission d’une infraction ne pouvant plus donner lieu à la condamnation au paiement d’une amende pour cause de prescription, le Tribunal a, au point 304 de l’arrêt attaqué, considéré que la Commission disposait d’un tel intérêt en l’espèce. En effet, afin de renforcer son constat qu’une infraction unique avait été commise, la Commission avait, selon le Tribunal, un intérêt légitime à constater l’ensemble des pratiques illicites auxquelles des entreprises telles que la requérante, qu’elle a considérée comme faisant partie du « groupe central d’entreprises » ayant mis en œuvre l’infraction reprochée, auraient participé, y compris pour les périodes qui pourraient être considérées comme étant prescrites.

74

En procédant ainsi, le Tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des allégations de la requérante, a motivé l’arrêt attaqué à suffisance de droit.

75

Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est en partie irrecevable et en partie non fondée.

76

En ce qui concerne la seconde branche de ce moyen tirée d’une contradiction entre les motifs et le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, lequel ne reflèterait pas les constatations faites par le Tribunal au point 321 de cet arrêt, il convient de souligner que celles-ci n’infirment pas le constat, figurant au point 2 de ce dispositif, selon lequel la requérante a participé, à compter du 12 octobre 1994, à une infraction unique dans le secteur des installations sanitaires pour salles de bains en Belgique, en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et en Autriche, le Tribunal ayant relevé que les comportements infractionnels en cause avaient commencé dès cette date dans ce dernier État membre. Au demeurant, contrairement à ce que la requérante soutient, si le Tribunal a partiellement annulé la décision litigieuse dans l’affaire T‑374/10, ce n’est pas parce que la Commission aurait commis une erreur d’appréciation s’agissant de l’infraction commise en Allemagne, mais c’est précisément parce que la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit que la requérante avait participé à une infraction aux Pays-Bas dès le 28 septembre 1994, comme cela ressort clairement de la lecture combinée des points 321 et 395 de l’arrêt attaqué.

77

Il s’ensuit que la seconde branche du troisième moyen est non fondée.

78

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le troisième moyen, comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

79

Par son quatrième moyen, divisé en quatre branches, la requérante fait valoir, en premier lieu, que les allégations qu’elle a faites dans le cadre de la procédure concernant les faits commis en Belgique ont été relatées de manière incorrecte, ce qui a entraîné une erreur de motivation de l’arrêt attaqué contraire à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Les motifs retenus par le Tribunal, aux points 243 et suivants dudit arrêt, seraient en effet fondés sur l’hypothèse incorrecte selon laquelle M. Z. faisait encore partie du personnel de Villeroy & Boch Belgique après le 1er janvier 2003. En réalité, comme la requérante l’aurait exposé à l’audience devant le Tribunal et comme celui-ci l’aurait lui-même constaté, M. Z. n’aurait plus eu, à compter de cette date, aucun lien organisationnel ou résultant d’un contrat de travail avec Villeroy & Boch Belgique, ce qui exclut par conséquent toute imputation des faits à la requérante.

80

En deuxième lieu, la requérante soutient, à titre subsidiaire, que le Tribunal a méconnu l’article 101 TFUE en considérant que Villeroy & Boch Belgique avait participé à une infraction concernant les articles en céramique en Belgique alors qu’elle n’était plus active sur ce marché depuis la fin de l’année 2002. En particulier, le Tribunal n’aurait pas indiqué par quels « agissements » cette société aurait pu, après son retrait du marché, se coordonner avec les autres participants à l’entente pour restreindre la concurrence sur ce marché. À la lumière de la motivation adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449, points 79 et suivants), ainsi que du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 222 et suivants), il ne serait pas possible d’imputer à Villeroy & Boch Belgique, ou indirectement à la requérante, la responsabilité de faits des tiers, qui auraient été commis après la date de ce retrait. Comme l’aurait indiqué le Tribunal dans lesdits arrêts, un tel grief aurait exigé que soient établis les autres éléments constitutifs de l’infraction unique, plus précisément la concordance de l’« objet » ou de l’« effet » des restrictions de la concurrence sur le marché belge, condition qui ne serait cependant manifestement pas remplie dans la présente affaire. En tout état de cause, l’appréciation contradictoire des faits dans l’arrêt attaqué et dans l’arrêt du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449), constituerait une violation du principe d’égalité de traitement au détriment de la requérante.

81

En troisième lieu, s’agissant de la preuve de l’existence de pratiques concertées lors des réunions des 28 et 29 avril 2003 en Belgique, le Tribunal aurait admis, au point 271 de l’arrêt attaqué, que l’administration de la preuve soit limitée à l’observation selon laquelle l’absence de fixation d’un pourcentage unique d’octroi de bonus aux grossistes « ne permet pas d’exclure que la concurrence ait été faussée en conséquence de l’échange d’informations en question ». Cependant, même s’il devait être considéré que cette thèse du Tribunal est fondée, cela ne suffirait logiquement pas à rapporter la preuve de l’infraction. Il y aurait soit une violation de l’obligation de motivation, au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, soit une violation du principe in dubio pro reo inscrit à l’article 48, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

82

En quatrième lieu, l’arrêt attaqué serait, aux points 272 et 274, entaché d’une erreur de droit dans la mesure où il retient une infraction unique, complexe et continue s’agissant de l’ensemble des infractions reprochées sur le marché belge des articles de salle de bains en céramique.

83

Les faits constatés par la Commission sur la base de la réunion du VCG ne permettraient en effet pas de conclure que toute la période de l’infraction retenue doive être interprétée comme formant une infraction unique. Au contraire, après la réunion du VCG des 28 et 29 avril 2003, aurait été observée une interruption manifeste qui fait obstacle à ce que soient fusionnées, sur le plan juridique, les réunions antérieures et postérieures pour former une infraction unique et continue.

84

La Commission conclut au rejet du quatrième moyen.

Appréciation de la Cour

85

S’agissant, en premier lieu, de la première branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’obligation de motivation dans la mesure où le Tribunal n’aurait pas tenu compte de l’allégation de la requérante selon laquelle M. Z. n’avait plus aucun lien avec Villeroy & Boch Belgique à compter du 1er janvier 2003, il convient de relever que, lors de la procédure écrite devant le Tribunal, la requérante avait simplement signalé, afin de contester sa participation à l’entente en Belgique à partir de cette date, que Villeroy & Boch Luxembourg « avait repris, à la fin 2002, l’entreprise de céramique de la société belge ». Ainsi, ce n’est qu’au cours de la procédure orale devant le Tribunal que la requérante a, pour la première fois, soutenu expressément qu’elle ne pouvait être tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel sur le marché belge des articles en céramique à compter du 1er janvier 2003 dans la mesure où la personne participant aux réunions de l’entente, à savoir M. Z., était, depuis cette date, employée non plus par Villeroy & Boch Belgique, mais par Villeroy & Boch Luxembourg.

86

Or, l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Partant, l’argument de la requérante avancé lors de l’audience devant le Tribunal était manifestement irrecevable, puisqu’il portait sur un moyen nouveau fondé sur un élément de fait dont la requérante était la première informée et qui ne s’est pas révélé pendant la procédure.

87

Certes, le Tribunal ne s’est pas expressément prononcé sur la recevabilité ou le bien-fondé de cet argument. Toutefois, conformément à la jurisprudence de la Cour, il ne saurait être exigé du Tribunal, chaque fois qu’une partie invoque, au cours de la procédure, un moyen nouveau qui ne répond manifestement pas aux exigences de l’article 48, paragraphe 2, de son règlement de procédure soit qu’il explique dans son arrêt les raisons pour lesquelles ce moyen est irrecevable, soit qu’il l’examine au fond (voir, notamment, arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission, C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, point 22 et jurisprudence citée).

88

Il en découle que le Tribunal n’a pas violé l’obligation de motivation en affirmant, au point 248 de l’arrêt attaqué, sans tenir compte de l’allégation tardive de la requérante selon laquelle M. Z. n’était plus, à compter du 1er janvier 2003, employé par Villeroy & Boch Belgique et sans expliquer pourquoi cette allégation était manifestement irrecevable, que la participation de M. Z. aux réunions de l’entente « établit que Villeroy & Boch Belgique continuait à participer activement à l’infraction dans son intérêt propre ainsi que dans celui de l’entreprise, au sens du droit de la concurrence, dont elle faisait partie ».

89

Partant, la première branche du quatrième moyen est non fondée.

90

S’agissant, en deuxième lieu, de la deuxième branche de ce moyen, tirée de la violation de l’article 101 TFUE, il convient de souligner que la requérante ne remet pas en cause le constat du Tribunal selon lequel les réunions du VCG avant et après le 1er janvier 2003 avaient un caractère illicite, mais estime que c’est à tort que le Tribunal a considéré qu’elle avait participé à l’infraction alors que Villeroy & Boch Belgique n’était plus active sur le marché belge des articles en céramique depuis la fin de l’année 2002.

91

Or, il résulte de la jurisprudence citée au point 59 du présent arrêt que c’est à juste titre que le Tribunal a, au point 242 de l’arrêt attaqué, considéré qu’une entreprise était susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché.

92

À cet égard, il y a lieu de préciser que, d’une part, contrairement à ce que la requérante soutient, le Tribunal a démontré que Villeroy & Boch Belgique avait participé activement à l’infraction reprochée. Ainsi, il a, aux points 244 et 248 de l’arrêt attaqué, souligné que la participation ininterrompue de M. Z. pour le compte de Villeroy & Boch Belgique aux réunions du VCG, dont la requérante ne conteste pas le caractère illicite, avant et après le 1er janvier 2003, c’est-à-dire y compris après que cette société avait cessé toute activité sur le marché des articles en céramique, établissait la participation active de cette dernière à l’infraction. D’autre part, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les divers agissements reprochés aux participants à cette infraction, dont Villeroy & Boch Belgique, ont été exposés en détails aux points 255 à 277 de l’arrêt attaqué.

93

Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante tiré de ce que Villeroy & Boch Belgique avait cessé toute activité dans le domaine des articles en céramique à compter de la fin de l’année 2002 doit être rejeté.

94

Eu égard à la jurisprudence exposé au point 42 du présent arrêt, cette conclusion ne saurait être remise en cause à la lumière de la solution retenue dans les arrêts du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449, point 84), et du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457, points 220 et suivants).

95

Il s’ensuit que la deuxième branche du quatrième moyen n’est pas fondée.

96

Enfin, concernant, en troisième lieu, les arguments avancés par la requérante dans le cadre des troisième et quatrième branches de ce moyen, il y a lieu de relever que, par ceux-ci, la requérante vise essentiellement, sous couvert d’allégations d’erreurs de droit commises par le Tribunal, à contester l’appréciation des preuves relatives aux différentes réunions illicites, laquelle relève de la compétence exclusive du Tribunal. Ces arguments doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.

97

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’écarter le quatrième moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

Sur le cinquième moyen

Argumentation des parties

98

Par son cinquième moyen, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué viole l’article 101 TFUE en tant qu’il confirme l’existence d’une infraction commise au cours des années 2002 à 2004 en Allemagne.

99

Concernant plus particulièrement la preuve de pratiques anticoncurrentielles touchant aux enceintes de douche pendant l’année 2002, la requérante considère que le raisonnement du Tribunal, aux points 116 et 117 de l’arrêt attaqué, est entaché d’une erreur de droit, car il méconnait ses allégations contenues au point 135 de sa requête en annulation et au point 49 de son mémoire en réplique devant le Tribunal. Ce dernier aurait commis, en outre, une erreur de droit, en ayant qualifié d’échange illicite d’informations commerciales sensibles une discussion entre concurrents concernant la date de l’envoi des nouvelles listes de prix annuelles.

100

S’agissant de la preuve d’agissements anticoncurrentiels dans le domaine des articles en céramique au cours de l’année 2002, la requérante estime que le Tribunal ne pouvait, au point 143 de l’arrêt attaqué, considérer qu’elle n’avait pas interrompu sa participation aux pratiques illicites pour l’année 2002 au motif que les effets anticoncurrentiels des discussions illicites ayant eu lieu au cours de l’année 2001 se seraient déployés au cours de l’année 2002 et qu’elle ne se serait pas distanciée publiquement de ces discussions ni de celles qui se sont tenues au cours de l’année 2003, et ce alors même que, comme le Tribunal l’a constaté, il n’existait pas de preuve directe de la tenue de réunions illicites au cours de l’année 2002.

101

En ce qui concerne les agissements reprochés sur le marché des articles en céramique pour l’année 2003, la requérante fait valoir que le point 144 de l’arrêt attaqué dénature ses allégations s’agissant de la preuve de sa participation aux réunions du FSKI du 17 janvier 2003 ainsi que des 4 et 5 juillet 2003, violant ainsi l’article 101 TFUE et le droit à un procès équitable. En effet, le Tribunal aurait indiqué qu’il n’a pas été contesté par la requérante que, en vertu du procès-verbal de cette dernière réunion, « les fabricants d’articles en céramique s’étaient accordés pour que l’augmentation des coûts de péages routiers ne soit pas supportée par les seuls fabricants d’articles en céramique, mais pour qu’ils soient répercutés sur leurs clients », et que la requérante n’a pas contesté « la crédibilité » de ce procès-verbal, ce qui serait incorrect et parfaitement contraire aux arguments clairement invoqués par la requérante devant le Tribunal.

102

En outre, le Tribunal n’aurait pas, au point 145 de l’arrêt attaqué, exposé en quoi les échanges ayant eu lieu lors de ces réunions entraîneraient une réduction effective des secrets de la concurrence du fait de l’élimination d’incertitudes pertinentes au regard de la concurrence ni quels aspects des informations échangées seraient constitutifs de tels secrets. Or, dès lors que, comme la requérante l’aurait exposé devant le Tribunal, en l’espèce, les informations échangées étaient de notoriété publique, ces échanges ne sauraient être qualifiés d’entente illicite interdite par l’article 101 TFUE.

103

De même, l’existence d’une infraction touchant aux enceintes de douche et aux articles en céramique commise au cours de l’année 2004 n’aurait pas été établie. En effet, pour démontrer la participation de la requérante à cette infraction, le Tribunal se serait, aux points 121 et 148 de l’arrêt attaqué, fondé exclusivement sur le fait que les membres de l’IndustrieForum Sanitär et du Freundeskreis der deutschen Sanitärindustrie, lors d’une réunion organisée le 20 juillet 2004, « s’étaient échangé des informations commerciales détaillées, société par société, relatives à l’évolution de leurs chiffres d’affaires en Allemagne et à leurs exportations ainsi qu’en ce qui concerne leurs prévisions de croissance » et, en particulier, sur le fait que, la requérante aurait indiqué que son chiffre d’affaires avait augmenté de 5,5 %, que les exportations étaient en hausse et que ses prévisions étaient de 5 % de hausse de son chiffre d’affaires en Allemagne.

104

Or, d’une part, l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation dans la mesure où le Tribunal n’a pas exposé les raisons pour lesquelles il considérait que les discussions ayant eu lieu lors de ladite réunion du 20 juillet 2004 pouvaient réduire les secrets de la concurrence protégés au titre de l’article 101 TFUE.

105

D’autre part, il est impossible, selon la requérante, que la communication du chiffre d’affaires total enregistré au cours de l’exercice précédent d’une entreprise ou d’un groupe à des concurrents ou à des tiers non concurrents, l’échange d’informations sur l’augmentation des exportations ou encore la communication des prévisions en termes d’augmentation du chiffre d’affaires ou de statistiques sur l’évolution de celui-ci puissent être qualifiés de violation de l’article 101 TFUE. En effet, ces données commerciales ne permettraient à elles seules de tirer aucune conclusion quant aux pratiques de l’entreprise concernée sur le marché, à la rentabilité des opérations qu’elle réalise ou à la stratégie envisagée afin d’atteindre les objectifs d’évolution du chiffre d’affaires. Ainsi, aucun opérateur sur le marché ne pourrait, sur la base des informations échangées, anticiper avec une plus grande certitude le comportement commercial futur de ses concurrents sur le marché. En outre, certaines de ces données seraient publiées régulièrement et rapidement par pratiquement toutes les entreprises, une telle publication étant, dans la plupart des cas, obligatoire en vertu des dispositions du droit commercial, du droit des marchés de capitaux et des règles applicables en matière de concentration.

106

La Commission conclut au rejet du cinquième moyen.

Appréciation de la Cour

107

Eu égard à la jurisprudence exposée au point 38 du présent arrêt, les arguments avancés par la requérante dans le cadre de son cinquième moyen sont irrecevables pour autant qu’ils visent à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve concernant les infractions commise en Allemagne au cours des années 2002 à 2004.

108

Pour le reste, il convient de souligner, en ce qui concerne, en premier lieu, les agissements touchant aux enceintes de douche durant l’année 2002, d’une part, que c’est à tort que la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à ses allégations contenues au point 135 de sa requête en annulation et au point 49 de son mémoire en réplique dès lors que, comme la Commission l’a relevé, ces allégations concernaient l’infraction commise en Autriche et non en Allemagne.

109

D’autre part, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en qualifiant d’échange illicite une discussion entre concurrents concernant la date de l’envoi des nouvelles listes de prix annuels procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, aux points 116 et 117 de cet arrêt, le Tribunal a uniquement constaté que cet échange d’informations établissait que la requérante et ses concurrents n’avaient pas cessé, entre l’année 2001 et l’année 2003, de se communiquer des informations commerciales sensibles. Ainsi, le Tribunal n’a pas jugé que ledit échange enfreignait, à lui seul, l’article 101 TFUE.

110

En ce qui concerne, en deuxième lieu, les arguments de la requérante concernant les agissements commis dans le domaine des articles en céramique au cours de l’année 2002, le Tribunal a considéré, au point 143 de l’arrêt attaqué, que, malgré l’absence de preuves directes de la participation de la requérante à des réunions illicites au cours de cette année, la Commission pouvait valablement considérer que celle-ci n’avait pas interrompu sa participation à l’infraction reprochée au cours de cette même année. À cet égard, le Tribunal a en effet constaté, d’une part, que les effets anticoncurrentiels des discussions illicites ayant eu lieu au cours de l’année 2001 concernant les hausses de prix pour l’année 2002, réunions auxquelles la requérante a participé, s’étaient déployés au cours de cette dernière année et, d’autre part, que la requérante avait participé à des discussions illicites concernant les hausses des prix au cours des années 2001 et 2003 et ne s’était pas publiquement distanciée de celles-ci.

111

Or, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit, dans la plupart des cas, être inférée d’un certain nombre de coïncidences ou d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence. Ainsi, s’agissant, notamment, d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que la preuve directe de la participation d’une société à cette infraction pendant une période déterminée n’a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation, également pendant cette période, soit constatée, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants, l’absence de distanciation publique de cette société pouvant être prise en compte à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission,C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 26 à 28 et jurisprudence citée).

112

Eu égard à cette jurisprudence et aux constatations factuelles du Tribunal exposées au point 110 du présent arrêt, c’est sans commettre d’erreur de droit ou de motivation que ce dernier a jugé que la requérante pouvait être considérée comme ayant maintenu sa participation à l’entente en cause pendant l’année 2002.

113

Concernant, en troisième lieu, l’année 2003, il convient de souligner, d’une part, que la circonstance que, contrairement à ce qu’aurait indiqué le Tribunal au point 144 de cet arrêt, la requérante aurait, au point 115 de sa requête en annulation, contesté l’interprétation du compte-rendu de la réunion du FSKI des 4 et 5 juillet 2003 faite par la Commission, n’est pas de nature à remettre en cause, par elle-même, les constatations factuelles effectuées par le Tribunal.

114

S’agissant, d’autre part, du bien-fondé des constatations effectuées au point 145 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que la requérante soutient, le Tribunal n’a pas considéré que tout échange d’informations entre concurrents était susceptible d’enfreindre l’article 101 TFUE et a exposé les raisons pour lesquelles il considérait que les discussions ayant eu lieu lors de la réunion du FSKI des 4 et 5 juillet 2003 avaient un caractère anticoncurrentiel. À cet égard, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré que des discussions au cours desquelles les fabricants d’articles en céramique se sont accordés pour que l’augmentation des coûts de péage routiers soit répercutée sur les clients suppriment le degré d’incertitude entre les concurrents et équivalent à une coordination sur les prix, de telle sorte qu’elles constituent une pratique anticoncurrentielle, et ce quand bien même une telle répercussion eût été prévisible par les tiers ou le public.

115

Concernant, en quatrième lieu, l’année 2004, il convient, d’une part, de rejeter l’argument de la requérante tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que cette dernière fait valoir, le Tribunal a exposé, aux points 123 et 149 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il considérait que les échanges d’informations visés aux points 121 et 148 de cet arrêt étaient anticoncurrentiels. Ainsi, le Tribunal a souligné que ces échanges venaient au soutien de la coordination de hausses de prix décidée au cours de l’année 2003 pour l’année 2004 et qu’ils étaient de nature à permettre à la requérante et à ses concurrents d’anticiper avec une plus grande certitude leur comportement commercial futur respectif sur le marché. Ce faisant, le Tribunal a motivé l’arrêt attaqué.

116

En ce qui concerne, d’autre part, le bien-fondé de ces constatations du Tribunal, il suffit de relever que la requérante ne remet pas en cause le constat du Tribunal opéré aux points 123 et 149 de l’arrêt attaqué, selon lequel les échanges visés aux points 121 et 148 de cet arrêt sont anticoncurrentiels du fait qu’ils viennent au soutien de la coordination de hausses de prix décidée au cours de l’année 2003 pour l’année 2004, l’existence d’une telle coordination n’étant pas non plus contestée par la requérante dans le cadre du présent pourvoi. Dès lors qu’un tel élément suffit à constater l’existence d’une infraction, les arguments de la requérante selon lesquels lesdits échanges ne sont pas, en tant que tels, constitutifs d’une violation des règles de concurrence sont inopérants.

117

Le cinquième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

Sur le sixième moyen

Argumentation des parties

118

Par son sixième moyen, la requérante, s’agissant des infractions prétendument commises en Autriche au cours de la période comprise entre le 12 octobre 1994 et le 9 novembre 2004, fait valoir que les constatations du Tribunal sont incorrectes et doivent être annulées.

119

Concernant plus particulièrement l’année 1994, le Tribunal aurait, aux points 175 et 176 de l’arrêt attaqué, fait une interprétation extensive des constatations de la Commission, modifiant ainsi la motivation de la décision litigieuse en violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. En effet, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé, la Commission n’a pas relevé, aux considérants 299 à 301 de cette décision, que, lors des réunions de l’ASI ayant eu lieu au cours de l’année 1994, il était question non seulement d’enceintes de douche et d’articles de robinetterie, mais également d’articles en céramique pour salles de bains.

120

Concernant les années 1995 à 1997, le Tribunal aurait, aux points 185, 190 et 196 de l’arrêt attaqué, observé que Villeroy & Boch Autriche a participé à des discussions illicites au cours des réunions tenues les 16 novembre 1995, 23 avril 1996 et 15 octobre 1997.

121

Toutefois, s’agissant de la réunion tenue le 16 novembre 1995, la requérante soutient en substance que cette conclusion est entachée d’erreurs de droit, ne serait-ce que parce que le Tribunal n’a pas répondu à l’ensemble de ses arguments. Les observations du Tribunal, aux points 189 et suivants de l’arrêt attaqué, concernant la réunion du 23 avril 1996, selon lesquelles peu importe que la discussion en cause ait été organisée à la demande des grossistes, seraient également entachées d’erreurs de droit, dès lors qu’il existe une explication alternative tout à fait licite aux pratiques reprochées, selon laquelle les grossistes dans le domaine des articles de salles de bains exigeaient expressément l’introduction de listes de prix annuels à certaines dates afin de pouvoir publier leurs catalogues. S’agissant de la réunion du 15 octobre 1997, le Tribunal aurait en outre, au point 194 de l’arrêt attaqué, dépassé les limites du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE en se fondant sur des motifs qui ne figuraient pas dans la communication des griefs de la Commission.

122

Pour l’année 1998, les observations du Tribunal, aux points 197 et suivants de l’arrêt attaqué, concernant la participation alléguée de Villeroy & Boch Autriche à une infraction au droit des ententes, seraient également entachées d’erreurs de droit car contradictoires. En effet, le Tribunal aurait observé, aux points 197 à 202 dudit arrêt, que la Commission n’a pas rapporté la preuve de la participation de Villeroy & Boch Autriche à des discussions contraires au droit de la concurrence au cours de l’année 1998. En particulier, le témoignage de Masco n’aurait pas permis de prouver une telle participation. Il serait illogique que le Tribunal se fonde ensuite sur le même témoignage de Masco, au point 203 du même arrêt, pour prouver que Villeroy & Boch ne s’est pas distanciée des pratiques illicites au cours de l’année 1998. Le Tribunal aurait donc méconnu également les principes juridiques établis par la jurisprudence, selon lesquels un faisceau d’indices ne peut suffire à établir le caractère contraire au droit de la concurrence d’une réunion que lorsqu’il démontre le caractère systématique des réunions ainsi que leur contenu anticoncurrentiel et que cela est étayé par la déclaration d’une entreprise disposant d’une valeur probante importante. Aucune de ces deux conditions ne serait remplie dans la présente affaire.

123

Concernant l’année 1999, les conclusions du Tribunal, au point 208 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles la preuve rapportée par la Commission, à savoir le procès-verbal manuscrit de la réunion de l’ASI du 6 septembre 1999 rédigé par Ideal Standard, établit à suffisance de droit la participation de Villeroy & Boch à des discussions illicites, seraient entachées d’erreurs de droit. En effet, le témoignage d’une entreprise qui a demandé une réduction d’amende au titre de la communication de 2002 sur la coopération ne saurait constituer une preuve suffisante de l’existence d’une infraction dès lors que son exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées.

124

Concernant l’année 2000, le Tribunal aurait estimé, en se fondant sur le compte-rendu de la réunion de l’ASI des 12 et 13 octobre 2000, au point 214 de l’arrêt attaqué, que, en dépit de l’absence de preuves directes de la participation de Villeroy & Boch Autriche aux agissements anticoncurrentiels au cours de cette année, « il y a lieu de relever que les effets des discussions illicites, qui se sont tenues en 1999, se sont déployés durant l’année 2000 ». Or, ce compte-rendu, dont le Tribunal fait au demeurant une interprétation erronée, ne constituerait pas une preuve suffisante à cet égard.

125

S’agissant de l’année 2001, le Tribunal aurait retenu, aux points 214 à 218 de l’arrêt attaqué, la participation de Villeroy & Boch Autriche aux discussions illicites au seul motif que les discussions illicites alléguées au cours de l’année 2000 auraient continué de produire leurs effets. Pour motiver ses observations, le Tribunal se serait borné à renvoyer aux considérants 652 à 658 de la décision litigieuse, sans expliquer en quoi les observations auxquelles il renvoie sont convaincantes.

126

En ce qui concerne les années 2002 et 2003, le Tribunal n’aurait pas tenu compte des allégations de la requérante.

127

S’agissant enfin de l’année 2004, les observations du Tribunal, au point 228 de l’arrêt attaqué, seraient contradictoires et entachées d’erreur de droit. En effet, le Tribunal aurait, à ce point, estimé que Villeroy & Boch Autriche, qui n’a pas participé à la réunion de l’ASI du 22 janvier 2004, a été informée, par le compte-rendu de cette réunion, des décisions prises par ses concurrents au cours de celle-ci, alors que, au point 212 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que le fait que des procès-verbaux de réunions de l’ASI devaient en principe être envoyés à l’ensemble des membres de cette association ne permettait pas d’établir, à lui seul, que Villeroy & Boch Autriche en ait effectivement pris connaissance.

128

La Commission conclut au rejet du sixième moyen.

Appréciation de la Cour

129

Par son sixième moyen, la requérante invoque diverses erreurs dans les constatations du Tribunal s’agissant des infractions prétendument commises en Autriche entre le 12 octobre 1994 et le 9 novembre 2004.

130

En ce qui concerne, premièrement, les arguments de la requérante relatifs à l’année 1994, force est de constater que, en l’espèce, la requérante se borne à reproduire l’argumentation avancée en première instance devant le Tribunal. Il en va de même s’agissant des arguments concernant la réunion du 23 avril 1996. Eu égard à la jurisprudence rappelée au point 69 du présent arrêt, ces arguments doivent dès lors être rejetés comme étant irrecevables.

131

En ce qui concerne, deuxièmement, les arguments de la requérante relatifs aux réunions ayant eu lieu le 16 novembre 1995 et le 15 octobre 1997, tirés en substance d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, il y a également lieu de les rejeter. En effet, le Tribunal a, aux points 180 à 185 et 192 à 196 de l’arrêt attaqué, examiné et rejeté les arguments de la requérante relatifs aux infractions commises en Autriche en ce qui concerne ces différentes réunions. Pour chacune d’entre elles, le Tribunal s’est référé aux preuves pertinentes et à la décision litigieuse avant d’écarter l’argumentation de la requérante comme étant non fondée. Ce faisant, le Tribunal a motivé l’arrêt attaqué.

132

S’agissant de la réunion du 15 octobre 1997, il convient en outre de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal se serait fondé sur des motifs qui n’auraient pas été inclus dans la communication des griefs de la Commission. En effet, force est de constater que le Tribunal s’est, au point 194 de l’arrêt attaqué, fondé sur les motifs exposés aux points 295 et 307 de la décision litigieuse. Or, la requérante n’a pas invoqué, devant le Tribunal, de discordance entre cette décision et la communication des griefs sur ce point. Par conséquent, elle ne saurait, conformément à une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission,C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 54), faire valoir un tel argument au stade du pourvoi devant la Cour.

133

Concernant, troisièmement, les réunions des 30 avril et 18 juin 1998, il convient de relever que le Tribunal a constaté, au point 199 de l’arrêt attaqué, qu’aucune preuve avancée par la Commission ne permet d’établir la participation de la requérante à l’infraction. Toutefois, au point 203 dudit arrêt, le Tribunal a clairement considéré que, en l’absence d’une distanciation publique de la requérante et du fait que les effets anticoncurrentiels de l’accord du 15 octobre 1997 continuaient à déployer leurs effets au cours de l’année suivante, la Commission pouvait considérer que la requérante n’avait pas cessé de participer à l’infraction durant l’année 1998. En procédant ainsi, le Tribunal a non seulement respecté son obligation de motivation permettant ainsi aux parties de contester son raisonnement et à la Cour d’exercer son contrôle dans le cadre du pourvoi, mais n’a, eu égard à la jurisprudence exposée au point 111 du présent arrêt, commis aucune erreur de droit dans l’administration de la preuve. Le Tribunal ne s’est pas non plus contredit ni n’a violé son obligation de motivation en considérant que, bien que la déclaration de Masco ne permît pas, à elle seule, de prouver la participation de la requérante aux échanges d’informations au cours de l’année 1998, elle pouvait légitimement être prise en compte, parmi d’autres éléments, dans le cadre du faisceau d’indices concordants décrit au point 203 de l’arrêt attaqué afin de démontrer que Villeroy & Boch Autriche n’avait pas interrompu sa participation aux pratiques illicites pour l’année 1998.

134

Concernant, quatrièmement, les réunions qui ont eu lieu au cours de l’année 1999, il convient de constater, ainsi qu’il ressort sans ambiguïté du point 206 de l’arrêt attaqué, que la Commission s’est fondée sur un compte-rendu manuscrit de la réunion du 6 septembre 1999, établi par un représentant d’Ideal Standard le jour même de la réunion infractionnelle. Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle preuve, qui ne date pas de la présentation par cette société de sa demande de clémence au titre de la communication de 2002 sur la coopération, mais qui est contemporaine des faits, ainsi que le Tribunal l’a exposé au point 207 de l’arrêt attaqué, ne nécessite pas d’autres preuves concordantes. Il convient donc de rejeter ledit argument comme étant non fondé.

135

Concernant, cinquièmement, la réunion de l’ASI des 12 et 13 octobre 2000, force est de constater que les arguments de la requérante se fondent sur une lecture erronée du point 214 de l’arrêt attaqué. En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, le Tribunal ne s’est pas fondé sur le compte-rendu de cette réunion pour constater que les effets des discussions illicites qui ont eu lieu au cours de l’année 1999 se sont déployés durant l’année 2000. En outre, ces arguments visent essentiellement à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve par le Tribunal, sans toutefois prouver une dénaturation de ceux-ci. Partant, ils sont, eu égard à la jurisprudence exposée au point 38 du présent arrêt, irrecevables.

136

Concernant, sixièmement, l’année 2001, l’argument de la requérante se fonde également sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit, partant, être rejeté. En effet, il ressort clairement des points 215 à 218 de cet arrêt que le Tribunal n’a pas retenu la participation de Villeroy & Boch Autriche aux discussions illicites s’étant tenues au cours de l’année 2001 au motif que celles ayant eu lieu pendant l’année 2000 auraient continué de produire leurs effets l’année suivante. En effet, aux points 215 à 217 dudit arrêt, le Tribunal s’est fondé sur la participation de cette société à plusieurs réunions pendant l’année 2001 au cours desquelles les participants se sont accordés sur la date à laquelle les barèmes de prix seraient envoyés aux grossistes et sur la date de la hausse des prix, ainsi que sur la concordance de ces réunions avec d’autres réunions ayant eu lieu au cours des années 2000 et 2001, auxquelles ladite société n’a pas participé, mais durant lesquelles les membres de l’ASI ont évoqué des hausses de prix chiffrées à compter du 1er janvier 2002.

137

Concernant, septièmement, les arguments de la requérante tirés d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal n’a pas tenu compte de ses allégations s’agissant des années 2002 et 2003, il suffit de constater que, pour chacune des réunions pertinentes, le Tribunal, aux points 219 à 226 de l’arrêt attaqué, s’est référé aux preuves pertinentes et à la décision litigieuse avant d’écarter l’argumentation de la requérante comme étant non fondée. Au vu de la jurisprudence exposée au point 72 du présent arrêt, il n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des allégations de la requérante. Partant, lesdits arguments de la requérante doivent être rejetés.

138

S’agissant enfin des arguments de la requérante concernant la réunion du 22 janvier 2004, force est de constater que la requérante cherche à remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve faite par le Tribunal, sans toutefois invoquer de dénaturation de ceux-ci. Partant, ces arguments sont, eu égard à la jurisprudence exposée au point 38 du présent arrêt, irrecevables.

139

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de rejeter le sixième moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

Sur les septième et neuvième moyens

Argumentation des parties

140

Par son septième moyen, soulevé à titre subsidiaire, la requérante, s’agissant des agissements reprochés concernant les infractions prétendument commises en Belgique, en France et en Autriche, soutient qu’ils ne permettent pas d’établir sa participation à ces infractions, puisqu’ils sont imputables à ses filiales, et non à elle personnellement.

141

À cet égard, la requérante soutient que la notion d’unité économique, telle qu’appliquée par la Commission et le Tribunal dans la présente affaire, entraîne l’imputation d’agissements à une société indépendamment de toute faute de la part de cette dernière, en violation des garanties offertes par la Charte, en particulier du droit à la présomption d’innocence et du principe in dubio pro reo garantis par l’article 48, paragraphe 1, de celle-ci, du principe de la légalité des délits et des peines et de l’article 101 TFUE, et ce d’autant plus que la présomption d’existence d’une unité économique en cas de détention par la société mère de 100 % du capital de sa filiale serait en pratique irréfutable. Si, selon la requérante, la Cour a admis cette notion dans sa jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur de la Charte, ladite jurisprudence devrait évoluer. En outre, l’arrêt attaqué violerait l’obligation de motivation résultant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, car il ne répondrait pas à ces arguments de la requérante et ne contiendrait aucune motivation s’agissant de parties importantes de l’infraction reprochée.

142

Par son neuvième moyen, la requérante critique le fait que l’arrêt attaqué a confirmé l’amende qui lui a été infligée en tant que débiteur solidaire de sa filiale.

143

En effet, même s’il était possible d’invoquer la responsabilité de la société mère au titre des agissements de sa filiale en application de la notion d’unité économique, la reconnaissance d’une responsabilité solidaire pour le paiement des amendes infligées aux filiales de la requérante devrait être écartée dès lors que, d’une part, aucun acte juridique de l’Union ne contient de disposition prévoyant le prononcé d’une amende à titre solidaire et, d’autre part, la reconnaissance d’une telle responsabilité solidaire priverait la requérante du droit à une amende infligée à titre individuel en fonction de la faute reprochée, en violation du principe de la responsabilité personnelle. À titre subsidiaire, la requérante soutient que la Commission et le Tribunal auraient dû, en tout état de cause, calculer la quote-part du montant de l’amende due par chaque codébiteur en fonction de la part de responsabilité de chacun.

144

La Commission conclut au rejet des septième et neuvième moyens.

Appréciation de la Cour

145

Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, qui n’a pas été remise en cause avec l’entrée en vigueur de la Charte, dans certaines circonstances, une personne juridique qui n’est pas l’auteur d’une infraction au droit de la concurrence peut néanmoins être sanctionnée pour le comportement infractionnel d’une autre personne juridique, dès lors que ces personnes font toutes deux partie de la même entité économique et forment ainsi une entreprise au sens de l’article 101 TFUE (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 45).

146

Il résulte ainsi d’une jurisprudence constante que le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

147

À cet égard, la Cour a précisé que, dans le cas particulier où une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union européenne, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale (arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 28 ainsi que jurisprudence citée).

148

Dans une telle situation, il suffit que la Commission prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue, directement ou indirectement, par sa société mère pour considérer que ladite présomption est remplie. Il incombe ensuite à cette dernière de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve suffisants relatifs aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre elle-même et sa filiale de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché. À défaut pour la société mère de renverser cette présomption, la Commission pourra considérer que cette dernière société et sa filiale font partie d’une même unité économique et que la première est responsable du comportement de la seconde, et condamner ces deux sociétés solidairement au paiement d’une amende, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de la société mère dans l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, points 27 et 29 à 32 ainsi que jurisprudence citée).

149

Au demeurant, il convient de préciser que, contrairement à ce que la requérante soutient, la jurisprudence qui précède ne méconnaît ni le droit à la présomption d’innocence garanti par l’article 48, paragraphe 1, de la Charte ni les principes in dubio pro reo et de la légalité des délits et des peines. En effet, la présomption de l’exercice d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale en cas de détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital de cette dernière n’aboutit pas à une présomption de culpabilité de l’une ou l’autre de ces sociétés, de sorte qu’elle ne viole ni le droit à la présomption d’innocence ni le principe in dubio pro reo. Quant au principe de la légalité des délits et des peines, il exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment, cette condition se trouvant remplie quand le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale (arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, non publié, EU:C:2008:295, point 39). Or, la jurisprudence de la Cour exposée aux points 145 à 148 du présent arrêt ne méconnaît pas ce principe.

150

Concernant la non-répartition des amendes entre les sociétés concernées, il convient de rappeler que la notion du droit de l’Union de solidarité pour le paiement de l’amende, en ce qu’elle n’est qu’une manifestation d’un effet de plein droit de la notion d’entreprise, ne concerne que l’entreprise et non les sociétés qui composent celle-ci (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 57).

151

S’il découle de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 que la Commission peut condamner solidairement à une amende plusieurs sociétés, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, ni le libellé de cette disposition ni l’objectif du mécanisme de solidarité ne permettent de considérer que ce pouvoir de sanction s’étendrait, au-delà de la détermination de la relation externe de solidarité, à celui de déterminer les quotes-parts des codébiteurs solidaires dans le cadre de leur relation interne (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 58).

152

Au contraire, l’objectif du mécanisme de solidarité réside dans le fait qu’il constitue un instrument juridique supplémentaire, dont dispose la Commission afin de renforcer l’efficacité de son action en matière de recouvrement des amendes infligées pour des infractions au droit de la concurrence, dès lors que ce mécanisme réduit, pour la Commission en tant que créancier de la dette que représentent ces amendes, le risque d’insolvabilité, ce qui participe à l’objectif de dissuasion qui est généralement poursuivi par le droit de la concurrence, ainsi que le Tribunal l’a d’ailleurs affirmé, en substance et à bon droit, au point 325 de l’arrêt attaqué (arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 59 ainsi que jurisprudence citée).

153

Or, la détermination, dans la relation interne existant entre codébiteurs solidaires, des quotes-parts de ceux-ci ne vise pas ce double objectif. Il s’agit, en effet, d’un contentieux qui intervient à un stade ultérieur, qui ne présente en principe plus d’intérêt pour la Commission, dans la mesure où la totalité de l’amende lui a été payée par l’un ou par plusieurs desdits codébiteurs. Partant, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle détermine de telles quotes-parts (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Commission e.a./Siemens Österreich e.a.,C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, points 60 à 64).

154

En l’espèce, la requérante ne conteste pas qu’elle possédait, au moment de l’infraction qui lui est imputée, 100 % du capital des sociétés dont des employés ont participé aux discussions anticoncurrentielles en cause en Belgique, en France et en Autriche, et ne prétend pas avoir soumis au Tribunal des éléments de nature à renverser la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante sur ces sociétés. Partant, eu égard à la jurisprudence exposée aux points 145 à 153 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que la Commission pouvait lui imputer le comportement anticoncurrentiel de ses filiales en Belgique, en France et en Autriche et la condamner avec ces dernières au paiement d’amendes solidaires, sans déterminer les quotes-parts du montant de ces amendes dues par chacune d’entre elles.

155

Enfin, il convient de rejeter les arguments de la requérante tirés d’une insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué. Ainsi, s’agissant en particulier de la possibilité pour la Commission d’imputer à la requérante les agissements de ses filiales en France et en Autriche, il y a lieu de considérer que les points 155 à 165 de l’arrêt attaqué, ainsi que le point 284 de cet arrêt qui renvoie aux points 97 et 98 de celui-ci, sont motivés à suffisance de droit. En effet, après avoir rappelé la jurisprudence concernant la notion d’unité économique, le Tribunal a relevé que Villeroy & Boch détenait 100 % du capital de ses filiales et qu’elle n’avait pas cherché à renverser la présomption selon laquelle elle exerçait une influence déterminante à l’égard de ces dernières, puis il a répondu aux arguments de la requérante tirés d’une violation du principe de la légalité des délits et des peines et du droit à la présomption d’innocence. En ce qui concerne la possibilité pour la Commission d’imputer à la requérante les comportements de Villeroy & Boch Belgique dans la mesure où elle exerçait une influence déterminante sur celle-ci, le Tribunal n’était pas tenu de prendre position sur ce point dans l’arrêt attaqué dès lors que, contrairement à ce qu’elle soutient, la requérante n’a pas, devant le Tribunal, contesté cette possibilité.

156

Il y a donc lieu de rejeter les septième et neuvième moyens comme étant non fondés.

Sur le huitième moyen

Argumentation des parties

157

Par son huitième moyen, la requérante soutient que l’arrêt attaqué viole l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE, car c’est à tort que le Tribunal a retenu l’existence d’une infraction unique, complexe et continue en l’espèce.

158

À cet égard, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la notion juridique d’infraction unique, complexe et continue est, en tant que telle, incompatible avec l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE et ne peut donc pas être appliquée. En effet, cette notion serait dépourvue de toute base juridique en droit de l’Union. En outre, la requérante soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation dans la mesure où le Tribunal n’a pas répondu à ses arguments sur ce point.

159

En deuxième lieu, la requérante soutient que, en ayant constaté l’existence d’une infraction unique dans la présente affaire, l’arrêt attaqué a méconnu les principes du procès équitable. En effet, dès lors que le Tribunal a estimé que la requérante peut se voir imputer une infraction à laquelle elle n’a pas participé, mais qui relève d’une infraction unique à laquelle elle a pris part, la requérante ne pourrait, afin de contester sa participation à cette infraction unique, utilement faire valoir le fait qu’elle n’a pas pris part à cette première infraction et serait donc privée d’un moyen de défense efficace. Ainsi, elle pourrait uniquement contester sa connaissance de l’infraction en cause.

160

En troisième lieu, la requérante estime, à titre subsidiaire, que les conditions de la reconnaissance d’une infraction unique n’étaient pas réunies en l’espèce dans la mesure où la Commission n’a pas défini le marché pertinent et où l’existence d’un rapport de complémentarité entre les différents agissements reprochés n’a pas été établie.

161

En quatrième lieu, la requérante considère que, en tout état de cause, en raison de l’existence d’annulations partielles de la décision litigieuse en ce qui concerne certains États membres dans les arrêts du 16 septembre 2013, Wabco Europe e.a./Commission (T‑380/10, EU:T:2013:449), du 16 septembre 2013, Keramag Keramische Werke e.a./Commission (T‑379/10 et T‑381/10, non publié, EU:T:2013:457), ainsi que du 16 septembre 2013, Duravit e.a./Commission (T‑364/10, non publié, EU:T:2013:477), et du fait que certaines entreprises peuvent ne pas avoir eu connaissance de l’ensemble de l’infraction, il ne pourrait y avoir une infraction globale telle que définie dans cette décision.

162

La Commission conclut au rejet du huitième moyen.

Appréciation de la Cour

163

Eu égard à la jurisprudence exposée aux points 55 à 59 du présent arrêt, il y a lieu, premièrement, de rejeter les arguments de la requérante selon lesquels la notion juridique d’infraction unique, complexe et continue serait incompatible avec l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE et méconnaîtrait les principes du procès équitable, sans égard à la recevabilité de ce dernier argument.

164

Deuxièmement, il convient de constater que, contrairement à ce que la requérante soutient, le Tribunal a, en rappelant cette jurisprudence aux points 32 à 34, 41, 42 et 46 à 48 de l’arrêt attaqué, motivé cet arrêt à suffisance de droit.

165

Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les conditions de la reconnaissance d’une infraction unique ne seraient pas réunies en l’espèce dans la mesure où la Commission n’aurait pas défini le marché pertinent, il y a lieu de constater, comme le Tribunal l’a à juste titre relevé au point 54 de l’arrêt attaqué et comme la requérante l’admet, que la circonstance que les marchés de produits et géographiques couverts par l’infraction soient distincts ne fait en tout état de cause pas obstacle au constat d’infraction unique. Partant, cet argument est en tout état de cause inopérant.

166

Quatrièmement, le Tribunal n’a, aux points 63 à 71 de l’arrêt attaqué, pas commis d’erreur de droit en considérant que la Commission pouvait en l’espèce conclure à l’existence d’un objectif unique tendant à établir une infraction unique. En effet, il a, sur la base des constatations factuelles effectuées aux points 66, 69 et 71 de l’arrêt attaqué, établi, à suffisance de droit, que les différents comportements reprochés visaient un même but, à savoir, pour tous les fabricants d’installations sanitaires pour salles de bains, coordonner leur comportement vis-à-vis des grossistes. À cet égard, il convient de souligner que, contrairement à ce que la requérante soutient, la notion d’objectif commun a, ainsi qu’il ressort desdits points 66, 69 et 71, été déterminée non pas par une référence générale à l’existence d’une distorsion de la concurrence sur les marchés concernés par l’infraction, mais par référence à différents éléments objectifs, tels que le rôle central joué par les grossistes dans le circuit de distribution, les caractéristiques de ce circuit, l’existence d’organismes de coordination et d’associations multi-produits, la similitude de mise en œuvre des arrangements collusoires et les chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les pratiques concernées.

167

Dans ces conditions, sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien de complémentarité entre les pratiques reprochées, une infraction unique et continue étant susceptible d’être imputée à des entreprises non concurrentes et ne nécessitant pas une définition systématique des marchés pertinents, et en considérant que la requérante est, d’une part, responsable de sa participation directe à l’infraction reprochée et, d’autre part, responsable de sa participation indirecte à celle-ci, dans la mesure où elle a eu connaissance de l’ensemble des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente en cause dans la poursuite des mêmes objectifs ou pour avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir estimé que la Commission n’a commis aucune erreur en concluant à l’existence d’une infraction unique et continue en l’espèce.

168

Enfin, en ce qui concerne l’argumentation relative aux annulations partielles de la décision litigieuse prononcées dans le cadre d’autres affaires ayant trait à la présente entente, il convient de rappeler que l’appréciation des preuves concernant les divers marchés nationaux relève de la compétence exclusive du Tribunal. Pour autant que cette argumentation viserait à remettre en cause l’existence d’une infraction unique, complexe et continue, il convient de souligner, comme exposé au point 62 du présent arrêt, que le fait que le Tribunal a partiellement annulé la décision litigieuse en tant qu’elle concerne la participation à l’infraction reprochée de certaines des entreprises concernées sur certains marchés géographiques pour des périodes données ne suffit pas à remettre en cause le constat du Tribunal concernant l’existence d’un plan d’ensemble couvrant les trois sous-groupes de produits et les six États membres concernés et d’un objet identique faussant le jeu de la concurrence.

169

Par conséquent, il y a lieu de rejeter le huitième moyen comme étant en partie inopérant et en partie non fondé.

Sur les dixième et onzième moyens

Argumentation des parties

170

Par son dixième moyen, la requérante invoque l’erreur de droit commise par le Tribunal qui n’a pas exercé pleinement le pouvoir de contrôle de pleine juridiction qui lui est conféré.

171

En effet, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait uniquement exercé un contrôle de la légalité sur la fixation du montant de l’amende, contrairement aux conclusions de la requérante.

172

Or, la requérante considère que, pour des raisons de sécurité juridique et afin de garantir le droit à un procès équitable, le Tribunal et la Cour sont tenus, dans chaque affaire dont ils sont saisis concernant la fixation par la Commission d’une amende ou d’une astreinte, d’exercer effectivement la compétence de pleine juridiction qui leur est conférée en vertu de l’article 31 du règlement no 1/2003, en particulier dans un contexte où aucune norme légale ne prévoit une harmonisation des sanctions et où la Commission a appliqué trois méthodes différentes de calcul des amendes pour les années 1998 à 2006.

173

Par ailleurs, en l’espèce, la requérante considère que le Tribunal n’a pas fait une vérification indépendante du montant initial de l’amende et que celle-ci aurait dû être réduite, dans l’exercice du pouvoir de pleine juridiction compte tenu de la gravité de l’infraction qui ne concerne qu’un nombre limité d’États membres majoritairement petits. À cet égard, il ne serait pas possible de comprendre pour quelle raison la Commission a sanctionné les agissements reprochés en l’espèce plus sévèrement que des ententes de même nature couvrant l’ensemble du territoire de l’Espace économique européen. En outre, le Tribunal aurait dû accorder à la requérante une réduction du montant de l’amende pour violation du principe du délai raisonnable en raison de la durée excessive de la procédure administrative, qui a duré au total près de six ans.

174

Par son onzième moyen, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité. À cet égard, elle estime que, pour déterminer la gravité de l’infraction, le Tribunal est tenu de prendre en considération les effets de l’infraction en cause sur le marché ainsi que les chiffres d’affaires réalisés sur les marchés concernés, ce qu’il n’a pas fait.

175

Le Tribunal aurait également dû s’assurer que le montant des amendes infligées par la décision litigieuse était proportionné dans l’absolu, ce qui ne serait pas le cas lorsque le chiffre d’affaires couvert par l’infraction est de 115 millions d’euros et que le montant total des amendes est de 71,5 millions d’euros.

176

Partant, la requérante demande à la Cour de rectifier ces omissions illicites du Tribunal et de réduire elle-même le montant des amendes infligées.

177

La Commission conclut au rejet des dixième et onzième moyens.

Appréciation de la Cour

178

Selon la jurisprudence constante, le contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE implique que le juge de l’Union exerce un contrôle, tant de droit que de fait, de la décision attaquée au regard des arguments invoqués par la partie requérante et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler cette décision et de modifier le montant des amendes (voir arrêt du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C‑295/12 P, EU:C:2014:2062, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

179

Le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction reconnue au juge de l’Union à l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission,C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

180

Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 ainsi que jurisprudence citée).

181

Or, l’exercice de cette compétence de pleine juridiction n’équivaut cependant pas à un contrôle d’office et la procédure est contradictoire. C’est à la partie requérante qu’il appartient, en principe, de soulever les moyens à l’encontre de la décision attaquée et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

182

À cet égard, il convient de souligner que l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision attaquée ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est en effet pas indispensable au respect de ce principe que le Tribunal, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission,C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 66).

183

Par ailleurs, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié, dans chaque cas particulier, la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement considéré à la lumière de l’article 101 TFUE et de l’article 23 du règlement no 1/2003 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de réduction du montant de l’amende. La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, la portée dissuasive des amendes, les circonstances particulières de l’affaire et son contexte, y compris le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu en tirer, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, points 95, 99 et 100).

184

En outre, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union. Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (voir, notamment, arrêt du 30 mai 2013, Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, non publié, EU:C:2013:351, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

185

C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les dixième et onzième moyens.

186

Or, il ressort clairement de ladite jurisprudence que, en premier lieu, le contrôle de pleine juridiction concerne uniquement la sanction infligée et non pas l’intégralité de la décision attaquée et, en second lieu, ni la compétence de pleine juridiction ni le contrôle de légalité n’équivalent au contrôle d’office et, dès lors, ceux-ci n’exigeaient pas que le Tribunal procède d’office à une nouvelle instruction complète du dossier, indépendamment des griefs formulés par la requérante.

187

En l’espèce, il y a lieu de constater que le Tribunal a exercé, à partir du point 335 de l’arrêt attaqué, un contrôle effectif du montant de l’amende, qu’il a répondu aux différents arguments de la requérante et qu’il a, aux points 397 à 402 de cet arrêt, statué sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende, ne se limitant donc pas à contrôler la légalité de ce montant, contrairement à ce que soutient la requérante. À cet égard, le Tribunal a en particulier relevé, au point 384 dudit arrêt, que le coefficient de 15 % au titre des coefficients « gravité de l’infraction » et « montant additionnel » était un minimum au regard de la nature particulièrement grave de l’infraction en cause, puis a estimé, aux points 397 à 401 du même arrêt, qu’aucun des éléments avancés par les requérantes en première instance ne justifiait une réduction du montant de l’amende.

188

Concernant plus particulièrement l’examen de la gravité de l’infraction reprochée, il convient de constater que le Tribunal a rappelé, au point 381 de l’arrêt attaqué, notamment le point 23 des lignes directrices de 2006, qui dispose que « les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle ». Le Tribunal a exposé, au point 383 dudit arrêt, la motivation retenue par la Commission au considérant 1211 de la décision litigieuse, aux termes duquel la coordination horizontale de prix était, en raison de sa nature même, une des restrictions de concurrence les plus nocives et que l’infraction était une infraction unique, continue et complexe couvrant six États membres et touchant les trois sous-groupes de produits, avant de constater, au point 384 de l’arrêt attaqué, la nature particulièrement grave de l’infraction en cause qui justifiait l’application d’un coefficient de gravité de 15 % et, au point 385 dudit arrêt, la participation de la requérante « au groupe central d’entreprises » ayant mis en œuvre l’infraction constatée.

189

En ayant ainsi tenu compte de l’ensemble des paramètres pertinents pour apprécier la gravité de l’infraction reprochée, la coordination horizontale des prix et la participation de la requérante à celle-ci étant par ailleurs prouvées, et en ayant répondu aux arguments de la requérante sur ce point, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit et a satisfait à son obligation de contrôle juridictionnel effectif de la décision litigieuse.

190

Concernant l’appréciation de la durée excessive de la procédure administrative, il convient de rappeler que, si la violation du principe du respect du délai raisonnable par la Commission est susceptible de justifier l’annulation d’une décision prise par celle-ci à l’issue d’une procédure administrative fondée sur les articles 101 et 102 TFUE dès lors qu’elle emporte également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée, une telle violation du principe du respect du délai raisonnable, à la supposer établie, n’est pas susceptible de conduire à une réduction du montant de l’amende infligée (voir, notamment, arrêts du 9 juin 2016, CEPSA/Commission,C‑608/13 P, EU:C:2016:414, point 61, et du 9 juin 2016, PROAS/Commission,C‑616/13 P, EU:C:2016:415, point 74 ainsi que jurisprudence citée). Or, en l’occurrence, ainsi que cela ressort du point 173 du présent arrêt, il est constant que, par son argument portant sur l’appréciation incorrecte de la durée excessive de la procédure administrative par le Tribunal, la requérante tend uniquement à obtenir une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

191

Partant, sans égard à son bien-fondé, cet argument doit être rejeté comme étant inopérant.

192

Enfin, s’agissant de la proportionnalité du montant de l’amende infligée en tant que telle, la requérante n’avance aucun argument de nature à démontrer que le niveau de la sanction infligée est inapproprié ou excessif. À cet égard, l’argument selon lequel le montant d’une amende de 71,5 millions d’euros serait disproportionné par rapport au chiffre d’affaires concerné par l’entente d’un montant de 115 millions d’euros, doit être rejeté. En effet, il est constant que, en l’espèce, le montant final de l’amende infligée a été réduit de manière à ne pas dépasser 10 % du chiffre d’affaires total de la requérante réalisé au cours de l’exercice social précédent, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Or, cette limite garantit déjà que le niveau de cette amende ne soit pas disproportionné par rapport à la taille de l’entreprise, telle que déterminée par son chiffre d’affaires global (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission,C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 280 à 282).

193

Eu égard aux considérations qui précèdent, les dixième et onzième moyens doivent être rejetés comme étant en partie inopérants et en partie non fondés.

194

Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

195

Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête :

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Villeroy & Boch AG est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.