ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

27 octobre 2016 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5 – Marque figurative comportant les éléments verbaux “SO’BiO ētic” – Opposition du titulaire des marques verbales et figuratives de l’Union européenne et nationales comportant l’élément verbal “SO…?” – Refus d’enregistrement »

Dans l’affaire C‑537/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 novembre 2014,

Debonair Trading Internacional Lda, représentée par Me D. Selden, advocate, et M. T. Alkin, barrister,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Groupe Léa Nature SA, représentée par Me S. Arnaud, avocat,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et P. Geroulakos, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. J. Malenovský et D. Šváby (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Wathelet,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Debonair Trading Internacional Lda (ci‑après « Debonair ») et, par son pourvoi incident, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2014, Groupe Léa Nature/OHMI – Debonair Trading Internacional (SO’BiO ētic) (T‑341/13, EU:T:2014:802, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui‑ci a annulé la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 26 mars 2013 (affaire R 203/2011-1), relative à une procédure d’opposition entre Groupe Léa Nature SA et Debonair (ci‑après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Le règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), qui est entré en vigueur le 13 avril 2009.

3        L’article 8 du règlement n° 207/2009, intitulé « Motifs relatifs de refus », dispose, à son paragraphe 1 :

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

[...]

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. »

4        L’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 prévoit :

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice. »

 Les antécédents du litige

5        Le Tribunal a résumé les faits à l’origine du litige comme suit aux points 1 à 10 de l’arrêt attaqué :

« 1      Le 27 mars 2008, [Groupe Léa Nature] a présenté une demande d’enregistrement de marque [de l’Union européenne] à l’[EUIPO], en vertu du règlement [n° 207/2009].

2      La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3      Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 3 et 25, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : “Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; eaux de toilette, produits pour parfumer le linge, produits de la parfumerie, bases pour parfum de fleurs et de plantes, micro-capsules parfumées, encens, eaux de senteur, huiles pour la parfumerie, shampooings, huiles à usage cosmétique, crèmes cosmétiques, laits pour le visage et pour le corps, laits de toilette, pommade à usage cosmétique, préparations cosmétiques pour le bain non à usage médical, sels pour le bain non à usage médical ; désodorisants à usage personnel ; aromates (huiles essentielles), bois odorants, eau de Cologne, savons désinfectants et désodorisants, eau de lavande, produits pour fumigations (parfums), bains moussants non à usage médical, préparations cosmétiques pour l’amincissement, masques de beauté, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits épilatoires, cosmétiques pour animaux, produits de démaquillage, lotions à usage cosmétique, produits de maquillage, produits pour le soin des ongles, produits cosmétiques de gommage, menthe pour la parfumerie, pots-pourris odorants, savons contre la transpiration des pieds, serviettes imprégnées de lotions cosmétiques, eaux de senteur, extraits de fleurs et de plantes (parfumerie), essence de menthe pour la parfumerie, pastilles et gommes à mâcher à usage cosmétique, tous ces produits étant issus de l’agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus” ;

–        classe 25 : “Vêtements (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie, peignoirs, chemises, tee-shirts, foulards, bandanas, chapeaux, casquettes, pardessus, parkas, tous ces produits étant issus de l’agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus”.

[...]

5      Le 9 septembre 2008, [Debonair] a formé opposition au titre de l’article [41 du règlement n° 207/2009] à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6      L’opposition était fondée, notamment, sur les droits antérieurs suivants (ci‑après, pris ensemble, les “marques antérieures”) :

–        enregistrement communautaire n° 485078 de la marque verbale SO… ?, [...] désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : “Produits de toilette ; produits pour le soin de la peau, du cuir chevelu et du corps ; produits de bronzage ; produits pour renforcer et durcir les ongles ; produits pour le bain et la douche ; savons de toilette ; produits pour tonifier le corps ; tous non médicinaux; parfums ; fragrances ; après-rasage, laits, huiles, crèmes, gels, poudres et lotions ; mousses à raser ; cosmétiques ; eau de Cologne ; eaux de toilette ; huiles essentielles ; shampooings ; après-shampooings ; lotions pour les cheveux ; produits pour les cheveux ; produits coiffants ; produits de toilette contre la transpiration ; déodorants à usage personnel ; dentifrices” ;

–        enregistrement au Royaume-Uni n° 2482729 de la marque verbale SO… ?, [...] désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : “Vêtements, articles de chaussures, chapellerie, t-shirts, casquettes”.

7      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement [n° 207/2009].

8      Le 23 novembre 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

9      Le 21 janvier 2011, [Debonair] a formé un recours auprès de l’[EUIPO], au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la [décision litigieuse], la première chambre de recours de l’[EUIPO] a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande de marque. En particulier, elle a relevé, tout d’abord, que, bien que la marque communautaire antérieure n° 485 078 ait été soumise à la preuve de l’usage en vertu de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, la division d’opposition n’avait pas examiné si un usage sérieux avait été établi. À cet égard, la chambre de recours a considéré que, sur la base des éléments de preuve produits par [Debonair], il avait été démontré que la marque en cause avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les “parfums, eaux de toilette, fragrances, lotions pour le corps, sprays pour le corps et rouges à lèvres”, relevant du champ des produits cosmétiques. Ensuite, la chambre de recours a constaté, d’une part, que, à l’exception des “préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver” relevant de la classe 3, les produits désignés par la demande de marque étaient similaires ou identiques aux produits visés par les marques antérieures et, d’autre part, que les signes en conflit étaient similaires, en raison de la présence de l’élément commun “so”, qui constituait l’élément dominant desdits signes. Par conséquent et eu égard au caractère distinctif accru des marques antérieures ainsi qu’au fait que [Debonair] était titulaire d’une famille de marques contenant l’élément “so”, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit pour les produits identiques ou similaires. Enfin, elle a estimé que, s’agissant des “préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver”, pour lesquelles l’opposition n’avait pas été accueillie sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il existait un risque que leur vente porte préjudice à la renommée des marques antérieures, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juin 2013, Groupe Léa Nature a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

7        À l’appui de son recours, Groupe Léa Nature a invoqué quatre moyens.

8        Le pourvoi ne portant que sur l’appréciation opérée par le Tribunal dans le cadre des troisième et quatrième moyens, il convient de se limiter à résumer ceux‑ci ainsi que le raisonnement tenu par le Tribunal à leur égard.

9        En ce qui concerne le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, Groupe Léa Nature a notamment fait valoir que, d’une part, la première chambre de recours de l’EUIPO avait commis une erreur d’appréciation en constatant que les signes en conflit sont similaires au motif que l’élément « so » est dominant, alors que cet élément serait élogieux et ne revêtirait, dès lors, qu’un caractère distinctif faible, et, d’autre part, les signes en conflit ne présentent pas de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

10      À cet égard, le Tribunal a rappelé, aux points 63 à 68 de l’arrêt attaqué, les principes généraux qui doivent être respectés dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. Conformément à ces principes, cette appréciation, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.

11      S’agissant de la comparaison visuelle, le Tribunal a considéré que la première chambre de recours de l’EUIPO avait considéré à tort que l’élément « so » domine l’impression d’ensemble par rapport aux signes de ponctuation.

12      Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a mis en avant, tout d’abord, au point 71 de l’arrêt attaqué, la circonstance que, s’agissant des signes verbaux relativement brefs, les éléments de début et de fin du signe sont aussi importants que les éléments centraux. Ensuite, il a constaté, au point 72 de cet arrêt, que l’appréciation de la première chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle les signes de ponctuation figurant dans la partie finale des marques antérieures sont « généralement » dépourvus de caractère distinctif n’est pas fondée, et ne ressort d’ailleurs nullement de la jurisprudence à laquelle il est fait référence dans la décision litigieuse. Enfin, au point 73 de l’arrêt attaqué, il a estimé que, même si l’élément « so » n’est pas descriptif des produits relevant des classes visées par la demande d’enregistrement, il devait être conclu, eu égard aux constatations figurant au point 87 de l’arrêt attaqué, que cet élément a une fonction laudative et qu’il ne revêt qu’un caractère distinctif intrinsèque faible par rapport auxdits produits. Sur cette base, au point 74 de l’arrêt attaqué, il a conclu que c’est à tort que, dans son analyse relative aux marques antérieures, la première chambre de recours de l’EUIPO a dissocié l’élément « so » et considéré qu’il domine l’impression d’ensemble par rapport aux signes de ponctuation.

13      En ce qui concerne la marque dont l’enregistrement est demandé, le Tribunal a estimé, aux points 75 à 78 de l’arrêt attaqué, que celle‑ci comporte, en outre, des éléments verbaux ainsi que des éléments figuratifs qui sont absents des marques antérieures. Quant à l’élément « so », celui‑ci ne constituerait pas l’élément dominant de la marque dont l’enregistrement est demandé. En effet, l’élément « bio » serait d’importance au moins équivalente à celle de l’élément « so », eu égard à sa taille et à sa position au centre du signe. Quant à l’élément « ētic », bien qu’étant de taille réduite, celui‑ci ne serait pas négligeable. En effet, il pourrait être lu en conjonction avec l’élément « bio ». Eu égard à l’ensemble de ces considérations, le Tribunal a jugé que les signes en conflit, hormis l’élément verbal « so », qui ne domine pas l’impression d’ensemble, ne présentent pas de similitude sur le plan visuel.

14      S’agissant de la comparaison phonétique, aux points 81 à 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, bien que la longueur, le rythme et l’intonation du signe demandé soient différents s’agissant de chacune des marques en conflit, en ce qui concerne l’élément commun, à savoir l’élément « so », la prononciation de celui‑ci est identique par le public pertinent. Par ailleurs, le Tribunal a souligné que, dès lors que le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque, en l’espèce l’élément « so », a, normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle‑ci. Dès lors, le Tribunal a considéré que les signes en conflit sont faiblement similaires sur le plan phonétique.

15      S’agissant de la comparaison conceptuelle, le Tribunal a jugé, aux points 85 à 89 de l’arrêt attaqué, que les signes en conflit ne sont pas similaires conceptuellement. Il a notamment constaté, au point 87 de cet arrêt, que, pour autant que l’élément « so » est présent dans les deux signes en conflit, celui‑ci peut avoir plusieurs significations, à savoir que, hors contexte, il peut être compris par le public pertinent comme signifiant « alors », « donc » ou « ainsi », alors que, accompagné d’un autre terme, il aurait une fonction laudative ou renverrait à l’adverbe « tellement », indiquant une importance ou un degré.

16      Sur la base de toutes ces considérations, le Tribunal a estimé, au point 90 de l’arrêt attaqué, que les signes en conflit ne sont pas similaires sur les plans visuel et conceptuel et qu’ils sont similaires à un très faible degré sur le plan phonétique. Or, la similitude sur le plan phonétique ne serait pas en mesure de neutraliser les différences importantes constatées entre les signes en conflit. Dès lors, il a jugé que ces signes ne sont pas similaires.

17      Eu égard à cette appréciation, il a considéré que l’une des conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 fait défaut et, en conséquence, qu’il n’y avait pas lieu de procéder à l’appréciation globale du risque de confusion. Il a accueilli le troisième moyen présenté par Groupe Léa Nature à l’appui de son recours en annulation.

18      Dans le cadre du quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, Groupe Léa Nature a fait valoir que la première chambre de recours de l’EUIPO n’avait pas correctement apprécié la renommée des marques antérieures et qu’elle avait commis une erreur d’appréciation concernant les conditions d’application de cette disposition. À titre subsidiaire, Groupe Léa Nature a soutenu que le public pertinent n’établit pas de lien entre les signes en conflit.

19      Quant à ce moyen, le Tribunal a constaté qu’il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 que l’application de cette disposition est soumise à plusieurs conditions, parmi lesquelles l’identité ou la similitude des marques en conflit, l’existence d’une renommée de la marque antérieure et l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque dont l’enregistrement est demandé tire profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Il a ajouté que ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition.

20      Par suite, le Tribunal a jugé que, bien que la première chambre de recours de l’EUIPO ait considéré que la vente de produits ménagers de nettoyage risquerait de porter préjudice à la renommée des marques antérieures, dès lors que l’examen des signes en conflit effectué dans le cadre du troisième moyen avait montré que ces signes ne sont pas similaires, la première condition requise à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas remplie. Cette disposition ne trouverait donc pas à s’appliquer. Par conséquent, sans qu’il ait estimé nécessaire d’examiner les autres moyens de Groupe Léa Nature présentés à l’appui du recours, le Tribunal a également accueilli le quatrième moyen et annulé la décision litigieuse.

 Les conclusions des parties

21      Par son pourvoi, Debonair demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a annulé la décision litigieuse ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen en précisant qu’il y a lieu de constater que les marques en conflit sont similaires, et

–        de condamner l’EUIPO aux dépens exposés au titre des procédures devant le Tribunal et la Cour.

22      Groupe Léa Nature demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi, et

–        de condamner Debonair et l’EUIPO aux dépens.

23      L’EUIPO demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué, et

–        de condamner Groupe Léa Nature aux dépens.

24      Par son pourvoi incident, l’EUIPO demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans son intégralité, et

–        de condamner Groupe Léa Nature à supporter les dépens exposés par lui.

25      Groupe Léa Nature demande à la Cour de rejeter le pourvoi incident.

 Sur les pourvois

26      À l’appui de son pourvoi, Debonair soulève deux moyens, tirés, le premier, de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne la nature et le degré de similitude requis aux fins de l’application de ces dispositions ainsi que, le second, de diverses erreurs commises dans l’appréciation de l’incidence visuelle de l’élément commun « so ».

27      Par son pourvoi incident, l’EUIPO soulève deux moyens, pris, le premier, d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué, relatif au caractère distinctif de l’élément « so », et, le second, d’une méconnaissance par le Tribunal de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

28      Étant donné que les moyens soulevés dans le cadre de deux pourvois sont imbriqués, il convient d’examiner ces deux pourvois ensemble.

 Sur la troisième branche du second moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident

29      La troisième branche du second moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, qu’il y a lieu d’examiner en premier lieu, concernent le point 73 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a considéré que, même si l’élément « so » n’est pas descriptif des produits en cause, il a une fonction laudative et ne revêt qu’un caractère distinctif intrinsèque faible par rapport aux produits que les marques en conflit désignent. Le motif de cette appréciation figurerait au point 87 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal a fait sienne la constatation de la première chambre de recours de l’EUIPO selon laquelle l’élément « so » aurait une fonction laudative dans l’hypothèse où il est suivi d’un autre terme.

30      L’EUIPO allègue que la signification laudative, ou le cas échéant péjorative, de cet élément dépend du terme qui l’accompagne. Toutefois, en l’occurrence, dès lors qu’aucun terme n’accompagne ledit élément en ce qui concerne les marques antérieures, le Tribunal aurait contrevenu à l’obligation de fournir une motivation permettant aux intéressés de comprendre les motifs sur lesquels sa conclusion est fondée et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Debonair allègue également, en substance, que les considérations figurant au point 87 de l’arrêt attaqué ne peuvent pas être considérées comme justifiant l’appréciation portée au point 73 de cet arrêt.

31      Groupe Léa Nature soutient que, par son premier moyen, l’EUIPO vise, en réalité, à obtenir de la Cour qu’elle substitue sa propre appréciation à celle effectuée par le Tribunal relativement à certains éléments factuels. Par ailleurs, les développements figurant au point 73 de l’arrêt attaqué compléteraient ceux énoncés aux points précédents de cet arrêt, qui contiendraient la motivation retenue par le Tribunal. Selon Groupe Léa Nature, le point 73 de l’arrêt attaqué procède d’une « économie de ressources », sans constituer un défaut de motivation. En outre, ledit moyen, dès lors qu’il serait dirigé contre un motif surabondant, devrait être rejeté d’emblée, puisqu’il ne pourrait pas entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

 Appréciation de la Cour

32      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision arrêtée et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir arrêt du 17 octobre 2013, Isdin/Bial‑Portela, C‑597/12 P, EU:C:2013:672, point 21 et jurisprudence citée).

33      En l’occurrence, le point 73 de l’arrêt attaqué, visé par la troisième branche du second moyen du pourvoi principal et par le premier moyen du pourvoi incident, s’insère dans l’analyse des marques antérieures faite par le Tribunal aux fins de leur comparaison visuelle avec la marque dont l’enregistrement est demandé. Dans ce point, le Tribunal a considéré que, dans ces marques, l’élément « so » a une fonction laudative, en renvoyant au point 87 de l’arrêt attaqué.

34      Dans ledit point 87, le Tribunal a rappelé, en se les appropriant, les constatations opérées par la première chambre de recours de l’EUIPO dans la décision litigieuse selon lesquelles, notamment, lorsqu’il est employé hors contexte, le mot anglais « so » peut être compris par les consommateurs anglophones ou germanophones comme signifiant « alors », « donc » ou « ainsi », tandis que, accompagné d’un autre terme, il a une fonction laudative.

35      Or, comme le Tribunal l’a constaté aux points 70 et 71 de l’arrêt attaqué, les marques antérieures sont composées du seul élément verbal « so » suivi de signes de ponctuation.

36      Dès lors, il s’impose de constater que la motivation de l’arrêt attaqué est entachée de contradiction à cet égard, puisque, s’exprimant au sujet des marques antérieures, le Tribunal a affirmé, d’une part, au point 73 de cet arrêt, que l’élément « so », seul élément verbal présent dans ces marques, a une fonction laudative et, d’autre part, au point 87 dudit arrêt, que cette fonction laudative existe lorsque l’élément « so » est accompagné d’un autre terme. Or, une telle contradiction entre motifs équivaut à une absence de motivation. En effet, en l’occurrence, les parties et la Cour sont dans l’impossibilité de déterminer si, dans l’analyse du Tribunal, l’élément verbal « so » a une fonction laudative uniquement lorsqu’il est employé avec un autre terme ou également lorsqu’il est employé seul.

37      Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas satisfait à son obligation de motiver l’arrêt attaqué conformément à la jurisprudence mentionnée au point 32 du présent arrêt.

38      Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient Groupe Léa Nature, le motif figurant au point 73 de l’arrêt attaqué ne peut être considéré comme constituant un motif surabondant à l’égard de l’appréciation intermédiaire figurant au point suivant de cet arrêt, selon laquelle l’élément « so » ne dominerait pas l’impression d’ensemble en ce qui concerne les marques antérieures. En effet, les constatations faites par le Tribunal respectivement aux points 71 et 72 dudit arrêt, selon lesquelles, d’une part, la position de cet élément ne serait pas déterminante et, d’autre part, les signes de ponctuation qui l’accompagnent ne sauraient être considérés comme généralement dépourvus de caractère distinctif ne suffisent pas à justifier ladite appréciation dans le cadre du raisonnement suivi par le Tribunal, eu égard aux conséquences qu’il aurait éventuellement tirées de l’examen relatif à un possible caractère distinctif fort de l’élément verbal « so », réalisé audit point 73.

39      Partant, la troisième branche du second moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident sont fondés.

40      Il y a dès lors lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens présentés dans le cadre des pourvois principal et incident, non susceptibles d’entraîner une annulation plus large de cet arrêt.

 Sur le recours devant le Tribunal

41      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

42      Dans la présente affaire, les conditions ne sont pas remplies pour que la Cour puisse statuer définitivement sur le litige.

43      Par conséquent, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2014, Groupe Léa Nature/OHMI – Debonair Trading Internacional (SO’BiO ētic) (T‑341/13, non publié, EU:T:2014:802), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.