ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

17 décembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique commerciale — Dumping — Briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables — Règlement (CE) no 1225/2009 — Article 11, paragraphe 2 — Expiration — Article 13 — Contournement — Règlement d’exécution (UE) no 260/2013 — Validité — Extension d’un droit antidumping à une date où le règlement l’ayant institué n’est plus en vigueur — Modification de la configuration des échanges»

Dans l’affaire C‑371/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg, Allemagne), par décision du 17 juin 2014, parvenue à la Cour le 1er août 2014, dans la procédure

APEX GmbH Internationale Spedition

contre

Hauptzollamt Hamburg-Stadt,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de la troisième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, MM. J. Malenovský, M. Safjan, Mmes A. Prechal et K. Jürimäe (rapporteur), juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. I. Illéssy, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2015,

considérant les observations présentées:

pour APEX GmbH Internationale Spedition, par Me M. Hackert, Rechtsanwalt, ainsi que par M. R. Etehad,

pour le Conseil de l’Union européenne, par Mme S. Boelaert, en qualité d’agent, assistée initialement de Mes D. Geradin et N. Tuominen, puis de Me N. Tuominen, avocats,

pour la Commission européenne, par MM. F. Erlbacher et T. Maxian Rusche ainsi que par Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur la validité du règlement d’exécution (UE) no 260/2013 du Conseil, du 18 mars 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 1458/2007 sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine, aux importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés de la République socialiste du Viêt Nam, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de la République socialiste du Viêt Nam (JO L 82, p. 10, ci-après le «règlement litigieux»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant APEX GmbH Internationale Spedition (ci-après «APEX») au Hauptzollamt Hamburg-Stadt (bureau principal des douanes de la ville de Hambourg, Allemagne) au sujet d’une décision de ce dernier d’imposer à APEX le paiement de droits antidumping.

Le cadre juridique

Le règlement (CE) no 1225/2009

3

Les dispositions régissant l’application de mesures antidumping par l’Union européenne, en vigueur à l’époque des faits au principal, figuraient dans le règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, et rectificatif JO 2010, L 7, p. 22), dans sa version originale ainsi que dans sa version résultant du règlement (UE) no 765/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juin 2012 (JO L 237, p. 1, ci-après le «règlement de base»).

4

Aux termes du considérant 19 du règlement de base:

«[...] il est nécessaire que la réglementation communautaire contienne des dispositions afin de contrecarrer des pratiques, notamment le simple assemblage dans la Communauté ou dans un pays tiers, dont l’objectif essentiel est de permettre le contournement des mesures antidumping.»

5

L’article 10 de ce règlement, intitulé «Rétroactivité», dispose, à son paragraphe 1:

«Des mesures provisoires et des droits antidumping définitifs ne sont appliqués qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle la décision prise conformément à l’article 7, paragraphe 1, ou à l’article 9, paragraphe 4, respectivement, est entrée en vigueur, sous réserve des exceptions énoncées dans le présent règlement.»

6

L’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, dudit règlement énonce:

«Une mesure antidumping définitive expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. Un réexamen de mesures parvenant à expiration a lieu soit à l’initiative de la Commission, soit sur demande présentée par des producteurs communautaires ou en leur nom et la mesure reste en vigueur en attendant les résultats du réexamen.»

7

L’article 13 de ce même règlement, intitulé «Contournement», est libellé comme suit:

«1.   Les droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées. En cas de contournement des mesures en vigueur, des droits antidumping n’excédant pas le droit résiduel institué conformément à l’article 9, paragraphe 5, peuvent être étendus aux importations en provenance de sociétés bénéficiant d’un droit individuel dans les pays soumis aux mesures. Le contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et la Communauté ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et la Communauté, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2, de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.

Les pratiques, opérations ou ouvraisons visées à l’alinéa qui précède englobent, entre autres, les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles; l’expédition du produit soumis aux mesures via des pays tiers; la réorganisation, par des exportateurs ou des producteurs, de leurs schémas et circuits de vente dans le pays soumis aux mesures de telle manière que leurs produits sont en fin de compte exportés vers la Communauté par l’intermédiaire de producteurs bénéficiant d’un taux de droit individuel inférieur au taux applicable aux produits des fabricants, et, dans les circonstances visées au paragraphe 2, les opérations d’assemblage dans la Communauté ou dans un pays tiers.

2.   Une opération d’assemblage dans la Communauté ou dans un pays tiers est considérée comme contournant les mesures en vigueur lorsque:

a)

l’opération a commencé ou s’est sensiblement intensifiée depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antidumping et que les pièces concernées proviennent du pays soumis aux mesures; et

[...]

c)

les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produit similaire assemblé et qu’il y a la preuve d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires.

3.   Une enquête est ouverte, en vertu du présent article, à l’initiative de la Commission ou à la demande d’un État membre ou de toute partie intéressée, sur la base d’éléments de preuve suffisants relatifs aux facteurs énumérés au paragraphe 1. L’enquête est ouverte, après consultation du comité consultatif, par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, ou d’exiger des garanties. L’enquête est effectuée par la Commission avec l’aide éventuelle des autorités douanières et doit être conclue dans les neuf mois. Lorsque les faits définitivement établis justifient l’extension des mesures, celle-ci est décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission, après consultation du comité consultatif. La proposition est adoptée par le Conseil à moins qu’il ne décide, en statuant à la majorité simple, de la rejeter dans un délai d’un mois à partir de sa présentation par la Commission. L’extension prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, ou à laquelle les garanties ont été exigées. Les dispositions de procédure correspondantes du présent règlement concernant l’ouverture et la conduite des enquêtes s’appliquent dans le cadre du présent article.

[...]»

8

Selon l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base:

«La Commission peut, après avoir consulté le comité consultatif, enjoindre aux autorités douanières de prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations de telle sorte que des mesures puissent par la suite être appliquées à l’encontre de ces importations à partir de la date de leur enregistrement. Les importations peuvent être soumises à enregistrement sur demande dûment motivée de l’industrie communautaire. L’enregistrement est instauré par un règlement qui précise l’objet de la mesure et, le cas échéant, le montant estimatif des droits qui pourraient devoir être acquittés à l’avenir. La durée d’enregistrement obligatoire des importations ne doit pas excéder neuf mois.»

9

L’article 18 de ce règlement prévoit:

«1.   Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles. [...]

[...]

6.   Si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré.»

Les règlements antidumping relatifs aux briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables

10

À la suite d’une plainte dont la Commission européenne avait été saisie, au cours de l’année 1989, par la Fédération européenne des fabricants de briquets, le règlement (CEE) no 3433/91 du Conseil, du 25 novembre 1991, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires du Japon, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de la Thaïlande et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 326, p. 1), a été adopté.

11

Aux termes de l’article 1er de ce règlement, un droit antidumping définitif était institué sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires notamment de la République populaire de Chine (ci-après la «RPC»).

12

À l’issue d’une enquête relative à un possible contournement du droit antidumping, le règlement (CE) no 192/1999 du Conseil, du 25 janvier 1999, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CEE) no 3433/91, sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine, aux importations de certains briquets de poche avec pierre rechargeables jetables, originaires de la République populaire de Chine ou expédiés ou originaires de Taïwan, et aux importations de briquets non rechargeables, expédiés ou originaires de Taïwan, et clôturant la procédure concernant les importations des briquets non rechargeables expédiés de Hong Kong et de Macao (JO L 22, p. 1), a été adopté.

13

L’article 1er de ce règlement prévoyait l’extension du droit antidumping institué par le règlement no 3433/91 aux importations de briquets de poche, avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés ou originaires de Taïwan ainsi qu’aux importations de certains briquets de poche avec pierre, à gaz, rechargeables, originaires de la RPC ou expédiés ou originaires de Taïwan.

14

Le droit antidumping institué par le règlement no 3433/91 et étendu par le règlement no 192/1999 a été maintenu par le règlement (CE) no 1824/2001 du Conseil, du 12 septembre 2001, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine et expédiés ou originaires de Taïwan, et sur les importations de certains briquets de poche avec pierre, rechargeables, originaires de la République populaire de Chine et expédiés ou originaires de Taïwan (JO L 248, p. 1), ainsi que par le règlement (CE) no 1458/2007 du Conseil, du 10 décembre 2007, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine et expédiés ou originaires de Taïwan, et sur les importations de certains briquets de poche avec pierre, rechargeables, originaires de la République populaire de Chine et expédiés ou originaires de Taïwan (JO L 326, p. 1).

15

Par un «avis d’expiration prochaine de certaines mesures antidumping», publié le 1er mai 2012 au Journal Officiel de l’Union européenne (3JO C 127, p. 3), la Commission a fait savoir que, à moins qu’il ne soit procédé à un réexamen conformément à la procédure définie à l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, les mesures antidumping portant, notamment, sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la RPC et expédiés ou originaires de Taïwan expireraient le 13 décembre 2012. Aucune demande de réexamen dûment étayée n’ayant été déposée à la suite de la publication de cet avis, la Commission a annoncé, par un «avis d’expiration de certaines mesures antidumping», publié le 12 décembre 2012 au Journal Officiel de l’Union européenne (JO C 382, p. 12), que ces mesures antidumping expireraient effectivement le 13 décembre 2012.

16

Entretemps, par l’article 1er du règlement (UE) no 548/2012 de la Commission, du 25 juin 2012, portant ouverture d’une enquête sur le contournement éventuel des mesures antidumping instituées par le règlement (CE) no 1458/2007 du Conseil sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine, par des importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés du Viêt Nam, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de ce pays, et soumettant ces importations à enregistrement (JO L 165, p. 37), la Commission avait ouvert une enquête afin de déterminer si les importations, dans l’Union, de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés du Viêt Nam contournaient les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007.

17

Aux termes de l’article 2 de ce règlement, les autorités douanières des États membres étaient tenues de prendre les mesures appropriées pour enregistrer les importations visées à l’article 1er dudit règlement, conformément aux articles 13, paragraphe 3, et 14, paragraphe 5, du règlement de base.

18

Le règlement litigieux a été adopté à la suite de l’enquête ouverte par le règlement no 548/2012, celle-ci ayant porté sur la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, dite «période de référence» (ci-après la «PR»).

19

Les considérants 28 à 30 et 36 du règlement litigieux, qui concernent le degré de coopération des producteurs-exportateurs vietnamiens, sont libellés comme suit:

«(28)

Comme indiqué au considérant 18, sept sociétés ont transmis des réponses au questionnaire. Pour la PR, le volume total de briquets déclarés comme vendus à l’Union selon ces réponses représentait plus de 100 % du volume total de briquets déclarés comme importés dans l’Union selon la base de données Comext d’Eurostat. Même si les informations sur les volumes de ventes contenues dans les réponses ont été jugées non fiables, comme expliqué au considérant 29, il est considéré que cela semble néanmoins indiquer que le degré de coopération était élevé et que les sociétés ayant fait l’objet de l’enquête sont représentatives.

(29)

Au cours des visites de vérification effectuées dans les locaux des sept producteurs-exportateurs vietnamiens, il a été constaté que chacun d’entre eux avait communiqué des informations qui ne pouvaient pas être considérées comme fiables aux fins de l’établissement des conclusions utiles à l’enquête. En particulier, il s’est avéré que les sept sociétés avaient déclaré de manière erronée leurs volumes de production, leurs importations de pièces pour briquets et leurs ventes totales. Il a également été constaté qu’une partie de l’activité liée au produit faisant l’objet de l’enquête ne figurait pas dans les comptes officiels et que certaines opérations d’assemblage étaient effectuées par des sous-traitants non officiels. En outre, certaines quantités de pièces importées depuis la RPC n’étaient pas déclarées, ou l’étaient de manière erronée, et une partie des ventes n’était pas comptabilisée dans les comptes des sociétés. En conséquence, il n’a pas été possible d’établir, en particulier, de façon fiable les volumes totaux de production et de ventes des sociétés concernées ni de concilier les prix de vente réels du produit faisant l’objet de l’enquête et les coûts liés à des intrants essentiels tels que le gaz avec les données fournies dans les réponses au questionnaire.

(30)

Compte tenu de la situation décrite au considérant 29, les producteurs-exportateurs ont été informés que, conformément à l’article 18 du règlement de base, il était envisagé de fonder les constatations et conclusions de l’enquête sur les meilleures données disponibles. [...]

[...]

(36)

Compte tenu de ce qui précède, les conclusions relatives aux importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, du Viêt Nam dans l’Union ont dû être établies sur la base des données disponibles, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Pour garantir que la non-fourniture, par les parties, des informations nécessaires ne nuise pas au déroulement de l’enquête, la Commission a, par conséquent, remplacé les données non vérifiables communiquées par les producteurs vietnamiens par d’autres données disponibles, telles que les données Comext d’Eurostat, aux fins de la détermination des volumes totaux des importations du Viêt Nam dans l’Union, et les données sur les coûts contenues dans la demande, aux fins de la détermination de la proportion de pièces chinoises (voir le considérant 50).»

20

Le considérant 37 de ce règlement, qui concerne le degré de coopération des producteurs-exportateurs chinois, énonce:

«Aucune coopération n’a été obtenue de la part des producteurs-exportateurs chinois. De ce fait, les conclusions relatives aux importations du produit concerné dans l’Union et aux exportations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, de la RPC vers le Viêt Nam ont dû être établies sur la base des données disponibles, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Les statistiques Comtrade des Nations unies contenues dans la demande ont été utilisées pour la détermination des exportations totales de la RPC vers le Viêt Nam.»

21

Les considérants 38 à 44 dudit règlement, relatifs à la modification de la configuration des échanges, disposent:

«2.4.

Modification de la configuration des échanges

Importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, dans l’Union

(38)

Les importations du produit concerné depuis la RPC ont chuté en 1991, lorsque les mesures ont été introduites pour la première fois. Elles sont restées faibles tout au long des modifications et extensions successives des mesures en 1995, 1999, 2001 et 2007.

(39)

Entre le 1er janvier 2008 et le 31 mars 2012, les importations de briquets depuis la RPC ont été relativement stables en volume (environ 50 millions d’unités en 2008 et 2009, 70 millions en 2010 et 60 millions en 2011 et pendant la PR). Toutefois, elles consistaient uniquement en des modèles rechargeables et des briquets piézo-électriques, qui n’étaient pas soumis aux mesures.

(40)

Les importations du produit faisant l’objet de l’enquête en provenance du Viêt Nam ont augmenté au fil du temps. Alors que, en 1997, il n’y avait pratiquement pas d’importations, du Viêt Nam dans l’Union, du produit faisant l’objet de l’enquête, le volume de ces importations a rapidement augmenté depuis 2007.

(41)

Pendant la PR, les importations depuis le Viêt Nam ont représenté 84 % de l’ensemble des importations dans l’Union.

Importations, du Viêt Nam dans l’Union, de briquets non rechargeables, en % de l’ensemble des importations

Image

Source: Statistiques contenues dans la demande.

Exportations de pièces pour briquets de la RPC vers le Viêt Nam

(42)

Au cours de la période d’enquête, des pièces pour briquets avec pierre ont été exportées de la RPC vers le Viêt Nam. Ce dernier pays est la principale destination des exportations de pièces pour briquets avec pierre de la RPC. D’après les statistiques contenues dans la demande, les exportations de pièces pour briquets de la RPC vers le Viêt Nam ont notablement augmenté depuis 1999. Cette année-là, lesdites exportations étaient inférieures à 3 % des exportations totales de la RPC, alors qu’en 2010, le Viêt Nam, avec une part de 26 % des importations, est devenu la première destination des exportations de pièces pour briquets. En volumes, les exportations seraient ainsi passées de moins de 50 millions à 200 millions de briquets finis.

Volumes de production de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, au Viêt Nam

(43)

Comme les données fournies par les producteurs vietnamiens ont dû être ignorées, aucune information vérifiable n’a pu être obtenue sur les niveaux possibles de la véritable production de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables.

2.5.

Conclusion sur la modification de la configuration des échanges

(44)

La baisse générale des exportations de la RPC vers l’Union et la hausse des exportations du Viêt Nam vers l’Union depuis 2007, ainsi que l’augmentation notable des exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam depuis 1999, ont constitué une modification de la configuration des échanges entre la RPC et le Viêt Nam, d’une part, et l’Union, d’autre part.»

22

L’article 1er de ce même règlement dispose:

«1.   Le droit antidumping définitif institué par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement [no 1458/2007] sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la [RPC] est étendu aux importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés du Viêt Nam, qu’ils aient ou non été déclarés originaires du Viêt Nam, et relevant actuellement du code NC ex 9613 10 00.

2.   Le droit étendu par le paragraphe 1 du présent article est perçu sur les importations expédiées du Viêt Nam entre le 27 juin 2012 et le 13 décembre 2012, qu’elles aient ou non été déclarées originaires du Viêt Nam, enregistrées conformément à l’article 2 du règlement [no 548/2012], ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 3, et à l’article 14, paragraphe 5, du [règlement de base].

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

23

Entre les mois d’août et de décembre 2012, APEX, une société de transports internationaux, a mis en libre pratique, dans l’Union, 4024080 briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés du Viêt Nam.

24

Par un avis d’imposition du 26 mars 2013, le bureau principal des douanes de la ville de Hambourg a réclamé à APEX, au titre de cette mise en libre pratique, le paiement de droits antidumping d’un montant total de 261565,20 euros, sur le fondement du règlement litigieux.

25

Le 15 avril 2013, APEX a introduit un recours administratif contre cet avis d’imposition. Le bureau principal des douanes de la ville de Hambourg ayant rejeté ce recours par une décision du 5 juin 2013, APEX a saisi le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) le 5 juillet 2013.

26

En premier lieu, cette juridiction émet des doutes quant à la possibilité dont disposait le Conseil d’étendre le droit antidumping institué par le règlement no 1458/2007, puisque ce règlement n’était plus en vigueur à la date d’adoption du règlement litigieux. En effet, il ressortirait des termes de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, en particulier de l’expression «lorsque les mesures en vigueur sont contournées», que des mesures antidumping ne peuvent être étendues que si elles sont en vigueur et, partant, si elles n’ont pas expiré. L’économie et la finalité des mesures antidumping plaideraient également en faveur de cette interprétation. Ainsi, l’imposition de droits antidumping ne constituerait pas la sanction d’un comportement antérieur mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping visant, pour l’avenir, à empêcher ou à rendre économiquement inintéressantes des importations en dumping.

27

Le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) admet néanmoins que l’expression «lorsque les mesures en vigueur sont contournées» pourrait être comprise en ce sens qu’elle concerne la période d’application de l’extension du droit antidumping et non la date d’adoption du règlement portant extension de ce droit antidumping. Cette juridiction souligne, à cet égard, que l’article 13, paragraphe 3, sixième phrase, du règlement de base prévoit explicitement l’extension rétroactive d’un droit antidumping à compter de la date à laquelle l’enregistrement des importations a été rendu obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, de ce dernier règlement. En outre, le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) fait état de ce que, selon la finalité et l’économie dudit règlement, un règlement portant extension de mesures antidumping a pour seul objet d’assurer l’efficacité de celles-ci et d’éviter qu’elles ne soient contournées. Un tel règlement n’aurait donc qu’un caractère accessoire par rapport aux mesures antidumping initiales, ce qui pourrait signifier que l’article 13 du règlement de base ne comporte pas de date limite pour l’adoption d’un règlement portant extension d’un droit antidumping.

28

En second lieu, le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) considère qu’il est peu probable que les conditions relatives à l’existence d’un contournement, prévues à l’article 13, paragraphes 1 et 2, sous a), du règlement de base, soient remplies en l’occurrence.

29

Premièrement, la modification de la configuration des échanges entre les pays tiers concernés, à savoir la RPC et le Viêt Nam, et l’Union, visée par l’article 13, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, n’aurait pas été établie. En effet, les données chiffrées relatives aux importations du produit concerné en provenance de la RPC ne seraient pas suffisamment précises ou, s’agissant des données figurant au considérant 39 du règlement litigieux, seraient dénuées de pertinence. De plus, les données concernant les importations en provenance du Viêt Nam, figurant au considérant 40 de ce règlement, ne couvriraient ni l’année 2007 ni les années antérieures et ne pourraient qu’incomplètement être mises en rapport avec les développements du considérant 42 dudit règlement concernant les exportations de pièces de briquets de la RPC vers le Viêt Nam.

30

De surcroît, il existerait un décalage temporel entre la chute des importations du produit concerné en provenance de la RPC, au cours de l’année 1991, l’augmentation des exportations des pièces pour briquets de la RPC vers le Viêt Nam, à partir de l’année 1999, et l’augmentation des importations dans l’Union du produit concerné en provenance du Viêt Nam, au cours de l’année 2007. Le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) précise qu’il est conscient que l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base ne comporte pas de prescriptions d’ordre temporel concernant la modification de la configuration des échanges. Néanmoins, il considère qu’une explication spécifique est nécessaire lorsque la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union n’a été modifiée que de nombreuses années après que les mesures antidumping aient été instituées.

31

En outre, le règlement litigieux n’indiquerait ni pourquoi l’augmentation des importations du produit concerné en provenance du Viêt Nam n’a pas été immédiatement précédée d’une augmentation des exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam, ni si l’augmentation des importations de briquets en provenance du Viêt Nam depuis l’année 2007 correspond à une chute d’ampleur comparable des importations de briquets en provenance de la RPC.

32

Deuxièmement, la juridiction de renvoi doute que les conditions de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement de base soient remplies. D’une part, les opérations d’assemblage en cause au principal ne pourraient avoir «commencé ou s[’être] sensiblement intensifiée[s] depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antidumping». D’autre part, il serait peu probable que ces opérations aient été dépourvues de motivation suffisante ou de justification économique autre que d’éviter les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007. Lesdites opérations auraient notamment pu être justifiées par des considérations relatives au faible coût de la main-d’œuvre.

33

Dans ces circonstances, le Finanzgericht Hamburg (tribunal des finances de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le règlement litigieux est-il invalide parce que, au moment de son adoption, le droit antidumping institué par le règlement no 1458/2007, dont il s’agissait d’ordonner l’extension, n’était déjà plus en vigueur?

2)

En cas de réponse négative à la première question, le règlement litigieux est-il invalide parce qu’aucun contournement, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, des mesures imposées par le règlement no 1458/2007 n’est à constater?»

Sur les questions préjudicielles

34

Par ses questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement litigieux est invalide dès lors que, d’une part, il a été adopté alors que le règlement no 1458/2007 n’était plus en vigueur et, d’autre part, que le Conseil n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.

Observations liminaires

35

Il importe de relever que, dans les observations écrites qu’elle a soumises à la Cour, APEX a soulevé un motif d’invalidité du règlement litigieux qui n’a pas été repris par la juridiction de renvoi, dans sa demande de décision préjudicielle. Elle a ainsi fait valoir que, dès l’automne 2012, il était clair que les mesures instituées par le règlement no 1458/2007 ne seraient pas prolongées car les importations du produit concerné en provenance de la RPC ne présentaient plus aucun risque de dumping. Dans ce contexte, selon APEX, les effets correctifs du droit antidumping concerné ne pouvaient être considérés comme compromis, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.

36

Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure établie à l’article 267 TFUE est fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, de sorte qu’il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 26).

37

Il résulte également d’une jurisprudence bien établie de cette même Cour que l’article 267 TFUE n’ouvre pas de voies de recours aux parties à un litige pendant devant le juge national, de sorte que la Cour ne saurait être tenue d’apprécier la validité du droit de l’Union au seul motif que cette question a été invoquée devant elle par l’une de ces parties dans ses observations écrites (voir arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 27 ainsi que jurisprudence citée).

38

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’étendre l’examen de la validité du règlement litigieux au regard des motifs non visés par la juridiction de renvoi.

Sur le motif d’invalidité tiré du fait que le règlement litigieux a été adopté alors que le règlement no 1458/2007 n’était plus en vigueur

39

La juridiction de renvoi invoque, en premier lieu, l’invalidité du règlement litigieux, qui a étendu les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007, à l’issue d’une enquête relative à un éventuel contournement au titre de l’article 13 du règlement de base, dès lors qu’il a été adopté alors que le règlement no 1458/2007 n’était plus en vigueur et qu’il a donné lieu à une perception exclusivement rétroactive du droit antidumping étendu, portant sur la période comprise entre la date à laquelle l’enregistrement des importations a été rendu obligatoire et la date d’expiration desdites mesures.

40

À cet égard, il convient de rappeler que l’article 13 du règlement de base prévoit la possibilité pour les institutions de l’Union, lorsqu’elles constatent que des mesures antidumping font l’objet d’un contournement, d’étendre ces mesures aux importations de produits similaires, légèrement modifiés ou non, en provenance de pays tiers autres que le pays soumis auxdites mesures.

41

Aux fins de l’examen du premier motif d’invalidité invoqué par la juridiction de renvoi, il importe de déterminer si l’article 13 du règlement de base permet l’adoption d’une décision d’extension de mesures antidumping alors que ces mesures ont expiré.

42

Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour déterminer la portée d’une disposition du droit de l’Union, en l’occurrence l’article 13 du règlement de base, il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités (arrêt Angerer, C‑477/13, EU:C:2015:239, point 26 et jurisprudence citée).

43

S’agissant du libellé de l’article 13 du règlement de base, il importe de relever que, hormis l’obligation, énoncée à son paragraphe 3, de conclure l’enquête dans un délai de neuf mois à compter de la date de son ouverture, cet article ne comprend aucune indication quant au moment auquel une éventuelle décision d’étendre des mesures antidumping devrait être adoptée.

44

Certes, aux termes de l’article 13, paragraphe 1, première phrase, du règlement de base, les droits antidumping peuvent être étendus «lorsque les mesures en vigueur sont contournées». Néanmoins, cette phrase a pour objet de circonscrire les hypothèses dans lesquelles une décision d’extension de droits antidumping peut être adoptée. Il ne saurait dès lors être considéré que, en se référant «aux mesures en vigueur», le législateur a entendu prendre position sur le moment auquel une telle décision d’extension doit être adoptée et, ainsi, interdire son adoption lorsque les mesures antidumping qui font l’objet d’un contournement ont expiré.

45

En revanche, la référence aux «mesures en vigueur», figurant à 1’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, implique que la période d’application des mesures antidumping étendues ne saurait excéder la période durant laquelle les mesures antidumping qu’elles étendent sont en vigueur.

46

Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 31 de ses conclusions, que l’analyse des termes de l’article 13 du règlement de base ne permet pas d’exclure la possibilité d’adopter un règlement portant extension de mesures antidumping ayant expiré.

47

L’analyse du contexte dans lequel s’inscrit l’article 13 du règlement de base ainsi que des objectifs de cet article et, plus généralement, de ce règlement, confirme qu’un règlement d’extension de mesures antidumping peut être adopté après l’expiration de ces mesures, étant entendu, toutefois, que les mesures ne peuvent être étendues que pour la période antérieure à cette expiration, de sorte que les mesures étendues présentent un caractère exclusivement rétroactif.

48

Premièrement, il importe, à cet égard, de relever que, si l’article 10, paragraphe 1, du règlement de base consacre le principe de non-rétroactivité des mesures antidumping, celles-ci ne pouvant en principe être appliquées qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle le règlement les instituant est entré en vigueur, plusieurs dispositions du règlement de base dérogent à ce principe. Ces dispositions autorisent en effet l’application de mesures antidumping à des produits mis en libre pratique avant l’entrée en vigueur du règlement les instituant, à condition que les importations concernées aient été enregistrées conformément à l’article 14, paragraphe 5, du règlement de base.

49

En particulier, s’agissant des règles concernant le contournement, l’article 13, paragraphe 3, deuxième phrase, du règlement de base dispose que l’enquête est ouverte par un règlement de la Commission qui peut également enjoindre aux autorités douanières de rendre l’enregistrement des importations obligatoire conformément à l’article 14, paragraphe 5, de ce règlement ou d’exiger des garanties. L’article 13, paragraphe 3, sixième phrase, de ce dernier prévoit, quant à lui, que l’extension des mesures antidumping prend effet à compter de la date à laquelle l’enregistrement des importations, conformément à l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement, a été rendu obligatoire. Ainsi, la perception rétroactive de droits antidumping étendus par un règlement d’extension adopté sur le fondement de l’article 13 de ce même règlement est autorisée par celui-ci.

50

Deuxièmement, selon la jurisprudence de la Cour, il découle notamment du considérant 19 et de l’article 13 du règlement de base qu’un règlement portant extension d’un droit antidumping a pour seul objet d’assurer l’efficacité de celui-ci et d’éviter qu’il ne soit contourné. En outre, l’obligation d’enregistrement des importations concernées, dans le cadre spécifique d’un tel contournement, vise également l’efficacité des mesures définitives étendues en rendant possible l’application rétroactive des droits afin d’éviter que les mesures définitives à appliquer ne soient vidées de leur effet utile (arrêt Paltrade, C‑667/11, EU:C:2013:368, points 28 et 29).

51

Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 36 de ses conclusions, l’objectif d’efficacité des mesures visant à lutter contre le contournement serait compromis s’il était considéré qu’un règlement portant extension de mesures antidumping ne peut être adopté après l’expiration de ces mesures. En effet, faute de pouvoir adopter un tel règlement après cette expiration, la protection de l’effet correctif des mesures antidumping, par le biais de la procédure visée à l’article 13 du règlement de base, pourrait être mise en cause par les importations effectuées pendant la période de l’enquête relative au contournement. En pratique, cela reviendrait à ne pas pouvoir assurer l’effet utile des mesures antidumping jusqu’au terme de leur période d’application, qui, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de ce règlement, est en principe de cinq ans.

52

De surcroît, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 55 de ses conclusions, considérer qu’un règlement portant extension de mesures antidumping, au titre de l’article 13, paragraphe 3, du règlement de base, ne peut être adopté après l’expiration de ces mesures imposerait, le cas échéant, à la Commission de conclure son enquête dans un délai inférieur au délai de neuf mois prévu par cette disposition. De même, une telle considération aurait pour conséquence de permettre l’adoption d’un tel règlement immédiatement avant l’expiration des mesures qu’il étend mais de l’interdire immédiatement après cette expiration, sans aucune justification légale ou logique.

53

Troisièmement, il convient d’observer que la Cour a jugé qu’une mesure portant extension d’un droit antidumping définitif n’a qu’un caractère accessoire par rapport à l’acte initial instituant ce droit (arrêt Paltrade, C‑667/11, EU:C:2013:368, point 28).

54

S’il découle de ce constat que les mesures étendues ne peuvent survivre à l’expiration des mesures qu’elles étendent, il ne saurait être déduit du lien qui unit les unes aux autres que la décision d’instituer les premières devrait intervenir avant l’expiration des secondes.

55

Compte tenu de l’analyse qui précède, il y a lieu de constater que l’article 13 du règlement de base ne s’oppose pas à l’adoption d’un règlement portant extension de mesures antidumping alors que ces mesures ne sont plus en vigueur, à la condition, d’une part, que l’extension concerne exclusivement la période antérieure à l’expiration de ces mesures et, d’autre part, que l’enregistrement des importations concernées ait été ordonné, conformément aux articles 13, paragraphe 3, et 14, paragraphe 5, du règlement de base, ou, le cas échéant, que des garanties aient été exigées, au moment de l’ouverture de l’enquête sur le contournement, afin de permettre l’application rétroactive des mesures étendues à compter de la date de cet enregistrement.

56

Dans l’affaire au principal, il est vrai que les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007 ont expiré le 13 décembre 2012, alors que le règlement litigieux, par lequel ces mesures ont été étendues aux importations expédiés du Viêt Nam n’a été adopté que le 18 mars 2013. Toutefois, il est constant que, dès le 25 juin 2012, la Commission avait ouvert, par le règlement no 548/2012, une enquête afin de déterminer si ces dernières importations contournaient lesdites mesures, et imposé aux autorités douanières de prendre les mesures appropriées pour enregistrer ces importations.

57

Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 2, du règlement litigieux a limité la perception du droit ainsi étendu aux seules importations expédiées du Viêt Nam entre le 27 juin 2012, date d’entrée en vigueur du règlement no 548/2012, et le 13 décembre 2012, date d’expiration des mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007.

58

Dans ces circonstances, il doit être constaté, à la lumière des développements figurant au point 55 du présent arrêt, que, en adoptant le règlement litigieux à une date où les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007 avaient expiré, le Conseil n’a pas méconnu les exigences résultant de l’article 13 du règlement de base, dès lors que, d’une part, l’extension de ces mesures antidumping portait exclusivement sur la période antérieure à leur expiration et que, d’autre part, à la date d’ouverture de l’enquête sur le contournement, l’enregistrement des importations concernées avait été ordonné, conformément aux articles 13, paragraphe 3, et 14, paragraphe 5, de ce règlement, afin de permettre l’application rétroactive des mesures étendues.

59

Ainsi, la circonstance que le règlement litigieux a été adopté alors que le règlement no 1458/2007 n’était plus en vigueur n’est pas de nature à entraîner son invalidité.

Sur le motif d’invalidité tiré du fait que l’existence d’un contournement n’a pas été établie à suffisance de droit

60

La juridiction de renvoi invoque, en second lieu, l’invalidité du règlement litigieux dans la mesure où le Conseil n’a pas établi à suffisance de droit l’existence d’un contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base, faute d’avoir démontré, d’une part, une modification de la configuration des échanges et, d’autre part, l’existence d’opérations d’assemblage ayant commencé ou s’étant sensiblement intensifiées depuis ou juste avant l’ouverture de l’enquête antidumping et dépourvues de justification économique autre que d’éviter les mesures antidumping instituées par le règlement no 1458/2007.

61

Il importe de rappeler que la Cour a jugé que, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

62

En ce qui concerne plus particulièrement le contournement des mesures antidumping, l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base dispose qu’un tel contournement consiste en une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l’Union, découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires.

63

Selon l’article 13, paragraphe 3, de ce règlement, il incombe à la Commission d’ouvrir une enquête sur la base d’éléments de preuve qui laissent apparaître à première vue des pratiques de contournement. Si les faits établis au cours de cette enquête permettent de conclure à l’existence d’un tel contournement, la Commission propose au Conseil l’extension des mesures antidumping (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 31).

64

Toutefois, aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission, dans le cadre d’une enquête sur l’existence d’un contournement, le pouvoir de contraindre les producteurs ou les exportateurs visés par une plainte à participer à l’enquête ou à produire des renseignements. La Commission est donc tributaire de la coopération volontaire des parties intéressées pour lui fournir les informations nécessaires (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 32).

65

C’est la raison pour laquelle le législateur de l’Union a prévu à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base que, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 33).

66

En outre, l’article 18, paragraphe 6, de ce même règlement précise que, si une partie concernée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 34).

67

S’il est vrai que le règlement de base, et particulièrement l’article 13, paragraphe 3, de celui-ci, établit le principe selon lequel la charge de la preuve d’un contournement incombe aux institutions de l’Union, il n’en demeure pas moins que, en prévoyant, dans l’hypothèse d’un défaut de coopération des parties intéressées, que ces institutions peuvent fonder les conclusions d’une enquête sur l’existence d’un contournement sur les données disponibles et que les parties qui n’y ont pas coopéré risquent de se trouver dans une situation moins favorable, les paragraphes 1 et 6 de l’article 18 du règlement de base visent nettement à assouplir ladite charge (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 35).

68

Certes, il ressort de l’article 18 du règlement de base que le législateur de l’Union n’a pas entendu établir une présomption légale permettant de déduire directement du défaut de coopération des parties intéressées ou concernées l’existence d’un contournement et, partant, dispensant les institutions de l’Union de toute exigence de preuve. Toutefois, compte tenu de la possibilité d’établir des conclusions, même définitives, sur la base des données disponibles et de traiter la partie qui ne coopère pas ou qui ne coopère que partiellement de façon moins favorable que si elle avait coopéré, il est tout aussi évident que les institutions de l’Union sont autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants permettant de conclure à l’existence d’un contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 36).

69

Toute autre solution risquerait de compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union lorsque les institutions de l’Union sont confrontées au refus de coopération dans le cadre d’une enquête visant à établir un contournement (arrêt Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, point 37).

70

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le second motif d’invalidité invoqué par la juridiction de renvoi.

71

À cet égard, il ressort des considérants 28 à 36 du règlement litigieux que sept producteurs-exportateurs vietnamiens ont coopéré à l’enquête sur le contournement en cause au principal. Toutefois, la Commission a constaté, lors des visites de vérification effectuées dans les locaux de ces producteurs-exportateurs, que les informations qu’ils lui avaient communiquées ne pouvaient être considérées comme fiables. En outre, selon le considérant 37 de ce règlement, les producteurs-exportateurs chinois n’ont pas coopéré.

72

Dès lors, les conclusions relatives aux importations, dans l’Union, de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, en provenance du Viêt Nam et de la RPC, ainsi que celles relatives aux exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam, ont dû être établies conformément à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. À ce titre, la Commission s’est fondée notamment sur les données Comext d’Eurostat, sur les statistiques Comtrade des Nations Unies figurant dans la demande ayant conduit à l’ouverture de l’enquête sur le contournement ainsi que sur d’autres données contenues dans cette demande.

73

Ces informations ont permis à la Commission, qui a mené l’enquête sur la base de laquelle le règlement litigieux a été adopté, et au Conseil, qui a adopté ce règlement, d’établir, premièrement, ainsi qu’il ressort du considérant 38 du règlement litigieux, que les importations du produit concerné depuis la RPC avaient chuté au cours de l’année 1991, lorsque des mesures antidumping avaient été introduites pour la première fois, et qu’elles étaient restées faibles depuis. Deuxièmement, il a été fait état, aux considérants 40 et 41 de ce règlement, du fait que le volume des importations du produit concerné du Viêt Nam dans l’Union avait rapidement augmenté depuis l’année 2007 et que, ces importations, qui représentaient 80 % de l’ensemble des importations de ce produit dans l’Union, au cours de l’année 2008, avaient atteint 84 % de cet ensemble pendant la PR. Troisièmement, il a été indiqué, au considérant 42 dudit règlement, que les exportations de pièces pour briquets de la RPC vers le Viêt Nam avaient notablement augmenté depuis l’année 1999 et qu’elles représentaient, pour l’année 2010, 26 % de l’ensemble des exportations de pièces pour briquets depuis la RPC.

74

Sur cette base, il a été conclu, au considérant 44 du règlement litigieux, que la baisse générale des exportations de la RPC vers l’Union et la hausse des exportations du Viêt Nam vers l’Union depuis l’année 2007, ainsi que l’augmentation notable des exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam depuis l’année 1999, avaient constitué une modification de la configuration des échanges entre la RPC et le Viêt Nam, d’une part, et l’Union, d’autre part.

75

Si le règlement litigieux indique que le volume des importations du produit concerné en provenance de la RPC dans l’Union était faible au cours de l’année 2007 et que le volume des importations de ce produit en provenance du Viêt Nam dans l’Union a fortement augmenté à compter de cette même année, il ressort en revanche de ce règlement que les exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam ont augmenté dès l’année 1999.

76

Il s’ensuit qu’il ne saurait être valablement conclu à l’existence d’un lien entre, d’une part, la hausse des exportations de pièces pour briquet de la RPC vers le Viêt Nam et, d’autre part, l’augmentation des importations du produit concerné dans l’Union en provenance du Viêt Nam.

77

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le Conseil et la Commission se sont fondés sur un faisceau d’indices suffisamment concordants, au sens de la jurisprudence citée au point 68 du présent arrêt, leur permettant de conclure à l’existence d’un contournement au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement de base.

78

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que le règlement litigieux est invalide.

Sur les dépens

79

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

 

Le règlement d’exécution (UE) no 260/2013 du Conseil, du 18 mars 2013, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 1458/2007 sur les importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, originaires de la République populaire de Chine, aux importations de briquets de poche avec pierre, à gaz, non rechargeables, expédiés de la République socialiste du Viêt Nam, qu’ils aient ou non été déclarés originaires de la République socialiste du Viêt Nam, est invalide.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.