Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C‑35/15 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 janvier 2015,

Commission européenne, représentée par M me  S. Delaude et M. L. Cappelletti, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Vanbreda Risk & Benefits, représentée par M es  P. Teerlinck, P. de Bandt et M. Gherghinaru, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1. Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R, EU:T:2014:1024, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a fait droit à la demande de sursis à l’exécution formulée par Vanbreda Risk & Benefits (ci-après «Vanbreda»).

Le cadre juridique

2. L’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31, ci-après la «directive 89/665»), est libellé comme suit:

«Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1 er prévoient les pouvoirs permettant:

a) de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation [du] marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur;

b) d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

c) d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation.»

3. L’article 2, paragraphe 7, second alinéa, de ladite directive se lit comme suit:

«En outre, sauf si une décision doit être annulée préalablement à l’octroi de dommages et intérêts, un État membre peut prévoir que, après la conclusion du contrat intervenue conformément à l’article 1 er , paragraphe 5, au paragraphe 3 du présent article ou aux articles 2 bis à 2 septies, les pouvoirs de l’instance responsable des procédures de recours se limitent à l’octroi de dommages et intérêts à toute personne lésée par une violation.»

4. L’article 2 bis de la même directive établit un délai de suspension de dix jours après l’adoption de la décision d’attribution d’un marché, ou de quinze jours si un moyen de communication autre qu’un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé, pendant lequel la conclusion du contrat faisant suite à cette décision ne doit pas avoir lieu (ci-après le «délai de suspension de dix jours»). Cet article dispose:

«1. Les États membres veillent à ce que les [personnes intéressées par un marché] disposent de délais permettant des recours efficaces contre les décisions d’attribution de marché prises par les pouvoirs adjudicateurs, en adoptant les dispositions nécessaires qui respectent les conditions minimales énoncées au paragraphe 2 du présent article et à l’article 2 quater .

2. La conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution d’un marché relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114),] ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du marché a été envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés si un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé ou, si d’autres moyens de communication sont utilisés, avant l’expiration d’un délai d’au moins quinze jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du marché est envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés, ou d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de réception de la décision d’attribution du marché.

Les soumissionnaires sont réputés concernés s’ils n’ont pas encore été définitivement exclus. Une exclusion est définitive si elle a été notifiée aux soumissionnaires concernés et a été jugée licite par une instance de recours indépendante ou ne peut plus faire l’objet d’un recours.

Les candidats sont réputés concernés si le pouvoir adjudicateur n’a pas communiqué les informations relatives au rejet de leur candidature avant que la décision d’attribution du marché soit notifiée aux soumissionnaires concernés.

La décision d’attribution est communiquée à chaque soumissionnaire et candidat concernés, accompagnée:

– d’un exposé synthétique des motifs pertinents visés à l’article 41, paragraphe 2, de la directive [2004/18], sous réserve des dispositions de l’article 41, paragraphe 3, de ladite directive, et

– d’une mention précise de la durée exacte du délai de suspension applicable, en vertu des dispositions nationales transposant le présent paragraphe.»

5. Les articles 1 er , paragraphe 5, et 2, paragraphe 3, de la directive 89/665 mettent en œuvre le délai de suspension de dix jours dans des circonstances particulières. Les articles 2 ter à 2 septies de cette directive complètent le système de recours établi par ladite directive, fondé sur le respect du délai de suspension prescrit à l’article 2 bis de celle-ci.

6. L’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) nº 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) nº 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1), est libellé comme suit:

«Le pouvoir adjudicateur ne procède à la signature du contrat ou du contrat-cadre, couvert par la directive [2004/18], avec l’attributaire qu’au terme d’une période de quatorze jours de calendrier.

Cette période court à compter de l’une ou l’autre des dates suivantes:

a) le lendemain de la date d’envoi simultané des notifications aux attributaires et aux soumissionnaires évincés;

b) lorsque le contrat ou le contrat-cadre est attribué à la suite d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, le lendemain de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis d’attribution [...]

Lorsqu’un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé pour l’envoi visé au point a) du deuxième alinéa, le délai d’attente est de dix jours de calendrier.

Le cas échéant, le pouvoir adjudicateur peut suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifient. Les demandes, commentaires ou informations en question doivent être reçus pendant la période prévue au premier alinéa. Dans le cas d’une suspension, tous les candidats ou soumissionnaires sont informés dans les trois jours ouvrables suivant la décision de suspension.

[...]»

Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7. Le 10 août 2013, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un appel d’offres portant la référence OIB.DR.2/PO/2013/062/591, concernant un marché d’assurances de biens et de personnes, divisé en quatre lots. Le lot nº 1 avait trait à la couverture d’assurances, à partir du 1 er  mars 2014, pour des immeubles et leur contenu, le contrat étant conclu par la Commission en son nom et au nom des pouvoirs adjudicateurs suivants, à savoir le Conseil de l’Union européenne, le Comité économique et social européen, le Comité des régions de l’Union européenne, l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche, l’Agence exécutive pour la compétitivité et l’innovation, l’Agence exécutive pour la recherche, l’Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture» et l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux.

8. Cet appel d’offres visait à remplacer le contrat alors en vigueur, conclu avec un consortium dont Vanbreda était le courtier, qui arrivait à échéance le 28 février 2014.

9. Le 7 septembre 2013, un avis rectificatif a été publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 174) prolongeant la date limite de soumission des offres jusqu’au 25 octobre 2013 et la date de la séance d’ouverture publique des offres jusqu’au 31 octobre 2013. Lors de cette séance, la commission d’ouverture a acté la réception de deux offres pour le lot nº 1, déposées, d’une part, par Marsh SA (ci-après «Marsh»), courtier d’assurances, et, d’autre part, par Vanbreda.

10. Le 30 janvier 2014, la Commission a informé Marsh que son offre avait été retenue pour l’attribution du lot nº 1 et Vanbreda que son offre n’avait pas été retenue pour ce lot, car elle ne proposait pas le prix le plus bas (ci‑après la «décision litigieuse»). La lettre par laquelle la Commission a communiqué la décision litigieuse à Vanbreda a été transmise à cette dernière par DHL et par courriel.

11. La signature du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et les assureurs a eu lieu le 27 février 2014 et ce contrat est entré en vigueur le 1 er  mars 2014.

12. Par requêtes séparées du 28 mars 2014, Vanbreda a déposé au greffe du Tribunal, d’une part, un recours en vertu de l’article 263 TFUE tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’un recours en indemnité en vertu des articles 268 TFUE et 340 TFUE visant à obtenir la condamnation de la Commission à lui payer le montant d’un million d’euros et, d’autre part, une demande en référé, dans laquelle elle a, en substance, invité le juge des référés à ordonner, en vertu de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse dans l’attente du prononcé de l’ordonnance devant mettre fin à la procédure de référé engagée devant le Tribunal et à surseoir à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours principal.

13. Le 3 avril 2014, par son ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), le président du Tribunal a ordonné, d’une part, la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ainsi que du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et le(s) assureur(s) concerné(s) à cet égard jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettrait fin à la procédure de référé et, d’autre part, la production de certains documents identifiés par Vanbreda.

14. Le 8 avril 2014, la Commission a déposé une demande visant à ce que le président du Tribunal rapporte sans délai, de façon rétroactive et sans réserve quelconque, le point 1 du dispositif de son ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R) du 3 avril 2014. Au regard des éléments portés à sa connaissance dans cette demande, le président du Tribunal a adopté, le 10 avril 2014, une nouvelle ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), faisant droit à la demande de la Commission. Le 25 avril 2014, la Commission a déposé ses observations sur la demande en référé.

15. Le 4 décembre 2014, par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision litigieuse. Après avoir estimé, au point 136 de cette ordonnance, que la condition relative au fumus boni juris était remplie et, aux points 142 à 145 de ladite ordonnance, que le préjudice invoqué était grave, il a jugé, aux points 148 à 165 de la même ordonnance, que, eu égard aux particularités des demandes en référé en matière de marchés publics ainsi qu’au caractère particulièrement sérieux du fumus boini juris établi en l’espèce, la condition relative à l’urgence était également remplie nonobstant l’absence d’un préjudice irréparable. Pour appuyer cette conclusion, il s’est notamment fondé sur un principe général du droit de l’Union découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, qu’il a décrit, à titre liminaire, aux points 16 à 20 de l’ordonnance attaquée.

16. Le dispositif de l’ordonnance attaquée est libellé comme suit:

«1) La décision [litigieuse] par laquelle [la Commission] a rejeté l’offre que [Vanbreda] avait présentée à la suite d’un appel d’offres pour un marché relatif à l’assurance de biens et de personnes et a attribué ce marché à une autre société est suspendue en ce qui concerne l’attribution du lot nº 1.

2) Les effets de ladite décision [...] sont maintenus jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi contre la présente ordonnance.

3) Les dépens sont réservés.»

Les conclusions des parties

17. La Commission demande à la Cour:

– d’annuler les points 1 et 2 de l’ordonnance attaquée;

– de rejeter la demande de mesures provisoires, et

– de condamner Vanbreda aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

18. Vanbreda demande à la Cour:

– de rejeter le pourvoi dans son intégralité;

– de confirmer le dispositif de l’ordonnance attaquée ainsi que les mesures provisoires octroyées, et

– de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

Sur le pourvoi

19. À l’appui de son pourvoi, la Commission avance quatre moyens tirés, respectivement, d’une erreur de droit dans l’application de la condition relative à l’urgence en ce qui concerne les conséquences de l’inexistence d’un préjudice irréparable, d’erreurs de droit dans l’application de cette même condition en ce qui concerne un préjudice prétendument grave qui ne serait pas propre à Vanbreda, d’une erreur de droit dans la mise en balance des intérêts en ce qui concerne le cadre applicable aux fins de l’appréciation de l’intérêt de Vanbreda et d’une erreur de droit dans cette mise en balance en ce qui concerne l’absence de prise en compte des intérêts de tiers.

Argumentation des parties

20. Dans le cadre de son premier moyen, la Commission fait valoir, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, eu égard à la prétendue existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, que la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce, nonobstant le fait que Vanbreda n’avait pas établi que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable. Elle relève, en particulier, que la directive 89/665, invoquée par le président du Tribunal, ne s’applique pas aux institutions de l’Union européenne et ne détermine pas les conditions applicables à l’octroi d’un sursis à l’exécution. Elle souligne également que, selon la jurisprudence de la Cour, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir et non pas de remédier définitivement à une illégalité.

21. Vanbreda répond, notamment, que, eu égard aux particularités des procédures de référé en matière de marchés publics, et compte tenu du caractère primordial du droit de disposer d’une protection juridictionnelle effective dans cette matière, conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), le Tribunal, par l’ordonnance attaquée, a fait une correcte application du cadre juridique applicable aux demandes en référé.

Appréciation de la Cour

22. Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable porté aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), EU:C:1996:381, point 30].

23. Force est de constater que le raisonnement présenté dans l’ordonnance attaquée, selon lequel la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce, nonobstant l’absence d’un préjudice irréparable, diverge par rapport à la jurisprudence constante développée par le juge de l’Union en ce qui concerne cette condition, plus particulièrement par rapport au caractère réparable du préjudice financier subi par un soumissionnaire évincé dans le cadre d’une procédure en matière de marchés publics.

24. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 TFUE et 340 TFUE [ordonnance du vice-président de la Cour Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 50 et jurisprudence citée; voir également, en matière de marchés publics, ordonnance du président du Tribunal Communicaid Group/Commission, T‑4/13 R, EU:T:2013:121, points 22, 28 à 30, 33, 34 et 37]. Ainsi que le président du Tribunal l’a jugé, aux points 154 et 156 de l’ordonnance attaquée, le préjudice invoqué en l’espèce n’est pas irréparable, conformément à cette jurisprudence.

25. Néanmoins, dans la mesure où le président du Tribunal a fondé sa conclusion selon laquelle la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce sur un principe général du droit de l’Union, relevant du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte, il convient d’examiner l’existence et la portée de ce principe.

26. À cet égard, la directive 89/665, invoquée par le président du Tribunal pour fonder l’existence d’un tel principe, a pour destinataires les États membres et ne s’impose donc pas en tant que telle aux institutions de l’Union.

27. Toutefois, la Cour a jugé qu’un principe général du droit de l’Union peut être concrétisé par une directive (arrêt Kücükdeveci, C‑555/07, EU:C:2010:21, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

28. Il y a lieu de constater que la directive 89/665 concrétise le principe général du droit à un recours effectif dans le domaine particulier des marchés publics et qu’il est donc nécessaire de prendre en considération, en ce qui concerne les marchés attribués par l’Union elle-même, l’expression dudit principe général que contiennent les dispositions de cette directive, ainsi que le président du Tribunal l’a jugé au point 20 de l’ordonnance attaquée.

29. Or, conformément au droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte, la Cour a jugé, en se basant sur les dispositions de la directive 89/665, qu’une protection juridictionnelle effective exige que les intéressés soient informés d’une décision d’attribution d’un marché public un certain temps avant la conclusion du marché, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours, dont notamment une demande de mesures provisoires jusqu’à ladite conclusion (arrêt Fastweb, C‑19/13, EU:C:2014:2194, point 60 et jurisprudence citée).

30. Dans ces conditions, c’est à juste titre que le président du Tribunal a considéré, au point 158 de l’ordonnance attaquée, que l’application sans nuances d’une jurisprudence, même constante, qui rend pratiquement impossible pour un soumissionnaire évincé d’obtenir un sursis à l’exécution d’une décision d’attribution d’un marché d’une institution ou d’un autre organe de l’Union, au motif que le préjudice qu’il est susceptible de subir, étant d’ordre financier, n’est pas irréparable, est inconciliable avec les impératifs découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, mis en œuvre par les dispositions de la directive 89/665.

31. Dès lors qu’il tient compte des dispositions d’une directive qui concrétisent un principe général du droit de l’Union, le juge de l’Union ne saurait, toutefois, faire abstraction du contenu de ces dispositions, nonobstant le fait qu’elles ne sont pas d’application en tant que telles au cas d’espèce. Plus particulièrement, dans la mesure où il ressort des dispositions d’une telle directive que le législateur de l’Union a voulu établir un équilibre entre les différents intérêts en présence, le juge de l’Union doit tenir compte de cet équilibre dans l’application qu’il fait du principe général ainsi concrétisé.

32. Dans le présent contexte, il importe de relever que la directive 89/665 dispose, à son article 2, paragraphe 1, que les États membres sont obligés de prévoir dans leur droit national trois types de recours permettant à une personne lésée dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de solliciter auprès du juge compétent, premièrement, «des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation [du] marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur», deuxièmement, l’annulation des décisions illégales et, troisièmement, des dommages et intérêts.

33. Toutefois, l’article 2, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 89/665 dispose que «sauf si une décision doit être annulée préalablement à l’octroi de dommages et intérêts, un État membre peut prévoir que, après la conclusion du contrat intervenue conformément à l’article 1 er , paragraphe 5, au paragraphe 3 du présent article ou aux articles 2 bis à 2 septies, les pouvoirs de l’instance responsable des procédures de recours se limitent à l’octroi de dommages et intérêts à toute personne lésée par une violation».

34. Ainsi que la Cour l’a jugé aux points 62 et 63 de l’arrêt Fastweb (C‑19/13, EU:C:2014:2194), le législateur de l’Union a cherché, par les dispositions de la directive 89/665, à concilier les intérêts du soumissionnaire évincé avec ceux du pouvoir adjudicateur et de l’adjudicataire, en limitant le droit d’introduire un référé que les États membres sont obligés d’ouvrir à un tel soumissionnaire à la période précontractuelle, seule une action en dommages et intérêts, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/665, étant obligatoirement ouverte audit soumissionnaire après la fin de cette période (voir également, en ce sens, arrêt Alcatel Austria e.a., C‑81/98, EU:C:1999:534, point 37).

35. Dès lors, l’obligation pour les États membres de prévoir dans leur droit national la possibilité pour une personne qui est lésée par une décision adoptée au terme d’une procédure de passation d’un marché public de solliciter des mesures provisoires, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665, est limitée à la période comprise entre l’adoption de cette décision et la conclusion du contrat.

36. Conformément aux dispositions des articles 1 er , paragraphe 5, 2, paragraphe 3, et 2 bis à 2 septies de cette directive, la conclusion du contrat ne doit toutefois pas intervenir avant l’expiration du délai de suspension de dix jours.

37. Ainsi que la Cour l’a jugé au point 61 de l’arrêt Fastweb (C‑19/13, EU:C:2014:2194), le délai de suspension de dix jours vise à mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu.

38. À la lumière de ce qui précède, c’est à tort que le président du Tribunal a constaté, au point 20 de l’ordonnance attaquée, l’existence d’un principe général du droit de l’Union, relevant du droit à la protection juridictionnelle effective, au titre duquel un soumissionnaire évincé doit avoir la possibilité d’obtenir non seulement des dommages et intérêts, mais aussi des mesures provisoires, sans limiter ce constat à la période précédant la conclusion du contrat par le pouvoir adjudicateur avec l’adjudicataire.

39. En effet, dès lors que le délai de suspension de dix jours, prévu par la directive 89/665, s’est écoulé avant la conclusion du contrat, il ne saurait être déduit des dispositions de cette directive que le fait de permettre à un soumissionnaire évincé de demander uniquement des dommages et intérêts devant le juge constitue une violation d’un principe général du droit de l’Union, relatif au droit à un recours juridictionnel effectif. S’agissant des marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs de l’Union elle-même, le même délai de suspension s’applique en vertu de l’article 171, paragraphe 1, du règlement nº 1268/2012. Ce délai est également de dix jours calendaires, dès lors qu’un moyen de communication électronique est utilisé pour communiquer la décision d’attribution du marché aux intéressés.

40. Il convient d’examiner ensuite si, à la lumière de ce qui précède, la conclusion retenue par le président du Tribunal, au point 164 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce, nonobstant le fait que le préjudice invoqué, bien que grave, n’était pas irréparable, est entachée d’une erreur de droit.

41. Compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, il y a lieu de considérer, comme l’a fait le président du Tribunal au point 162 de l’ordonnance attaquée, que, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la Charte.

42. Toutefois, conformément à ce qui a été jugé au point 38 de la présente ordonnance, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 171, paragraphe 1, du règlement nº 1268/2012, soit respecté. Dès lors que le pouvoir adjudicateur a conclu le contrat avec l’adjudicataire après que ce délai s’est écoulé et avant l’introduction de la demande en référé, l’assouplissement susmentionné ne se justifie plus.

43. S’agissant de l’application de ces principes au cas d’espèce, il ressort du point 4 de l’ordonnance attaquée que, le 30 janvier 2014, la Commission a informé, d’une part, l’adjudicataire que son offre avait été retenue pour l’attribution du lot nº 1 et, d’autre part, Vanbreda que son offre n’avait pas été retenue pour ce lot, car elle ne proposait pas le prix le plus bas. Par ailleurs, il a été relevé, au point 5 de l’ordonnance du président du Tribunal du 10 avril 2014, Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), que la signature du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et les assureurs a eu lieu le 27 février 2014 et que ce contrat est entré en vigueur le 1 er  mars 2014.

44. Ainsi, dès lors que la décision litigieuse a été communiquée à Vanbreda au moyen d’une lettre du 30 janvier 2014, transmise à cette dernière par un moyen de communication électronique, le délai de suspension, applicable en vertu de l’article 171, paragraphe 1, du règlement nº 1268/2012, était de dix jours et il a été respecté en l’espèce. En effet, conformément à cette disposition, ledit délai a commencé à courir le 31 janvier 2014, soit 28 jours avant la conclusion du contrat.

45. Par ailleurs, il ressort du point 5 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a introduit sa demande en référé le 28 mars 2014. Ainsi, la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014, est intervenue avant l’introduction de cette demande en référé.

46. Dans ces conditions, conformément à ce qui a été constaté au point 42 de la présente ordonnance, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence ne se justifie pas, en principe.

47. Il importe, toutefois, de relever que le délai de suspension de dix jours ne peut mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu que si ces intéressés disposent d’éléments suffisants pour déterminer l’existence d’une éventuelle illégalité de la décision d’attribution.

48. Il ne saurait être considéré, sous peine de violer le principe du droit à un recours juridictionnel effectif, que le délai de suspension de dix jours a été respecté dans des circonstances où la possibilité d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat n’a pas été effective en raison du fait que le soumissionnaire évincé n’a pas disposé, pendant ce délai, d’éléments suffisants pour lui permettre d’introduire une telle demande.

49. Eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique, cette exception à l’application purement mécanique du délai de suspension de dix jours doit, cependant, être réservée à des cas de figure exceptionnels dans lesquels le soumissionnaire évincé n’avait aucune raison de considérer que la décision d’attribution du marché était entachée d’illégalité avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire.

50. Il convient donc d’examiner si, au vu des constatations factuelles effectuées dans l’ordonnance attaquée, Vanbreda a disposé d’informations suffisantes pour faire usage du délai de suspension de dix jours aux fins d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014.

51. À cet égard, le président du Tribunal a analysé, aux points 38 à 43 de l’ordonnance attaquée, les contacts qui ont eu lieu entre la Commission et Vanbreda avant la conclusion dudit contrat, en vue d’apprécier la recevabilité d’un moyen nouveau. Il a jugé, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que Vanbreda a découvert, après l’introduction de sa demande en référé le 28 mars 2014, et donc après la conclusion du contrat le 27 février 2014, que Marsh avait présenté son offre pour le lot nº 1 non pas conjointement avec des assureurs, mais en qualité de soumissionnaire unique. Le président du Tribunal a donc considéré qu’un moyen fondé sur cette dernière circonstance, bien qu’avancé après l’introduction de la demande initiale, était recevable.

52. Toutefois, il ressort des constatations factuelles faites par le président du Tribunal dans l’ordonnance attaquée que Vanbreda avait des raisons de douter de la légalité de la décision litigieuse bien avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014.

53. En effet, il ressort du point 37 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a informé la Commission, dès le 8 novembre 2013, des doutes qu’elle entretenait quant à la légalité de l’offre de Marsh et, plus particulièrement, quant au respect par cette dernière de la condition relative à la responsabilité solidaire exigée en cas de soumission avec plusieurs assureurs. Par ailleurs, il découle des points 38 à 40 de l’ordonnance attaquée que, par des courriels des 31 janvier et 4 février 2014 ainsi que par des lettres recommandées des 3 et 7 février 2014, Vanbreda a réitéré ces doutes et demandé la production par la Commission de certains documents à ce propos. Enfin, par courrier du 7 février 2014, examiné au point 41 de l’ordonnance attaquée, la Commission a indiqué à Vanbreda que Marsh avait été désignée comme attributaire du contrat pour le lot nº 1 au motif qu’elle avait soumis une offre conforme présentant le prix le plus bas. Il ressort du point 43 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a répondu à ce courrier, le 11 février 2014, en réitérant sa demande de transmission des informations et des documents indiqués dans ses précédents courriers.

54. Il découle donc des constatations factuelles effectuées da ns l’ordonnance attaquée que, dans les jours qui ont suivi la communication de la décision litigieuse à Vanbreda et au plus tard le 11 février 2014, cette dernière était en mesure de formuler des critiques spécifiques à l’égard de la décision litigieuse. Ainsi, le délai de suspension de dix jours doit être regardé comme ayant commencé à courir au plus tard le 11 février 2014, soit seize jours calendaires avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs le 27 février 2014.

55. La circonstance, constatée par le président du Tribunal, selon laquelle Vanbreda n’avait pas connaissance, le 11 février 2014, du fait que Marsh avait présenté son offre pour le lot nº 1 non pas conjointement avec des assureurs, mais en qualité de soumissionnaire unique n’a pas privé Vanbreda de toute possibilité d’introduire une demande de mesures provisoires dans le délai de suspension de dix jours. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 51 de la présente ordonnance, le président du Tribunal a également jugé, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que Vanbreda ne connaissait toujours pas cette circonstance au moment où elle a effectivement introduit son recours en annulation et sa demande en référé devant le Tribunal, le 28 mars 2014.

56. Il s’ensuit que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 171, paragraphe 1, du règlement nº 1268/2012, a été pleinement respecté en l’espèce.

57. Au vu de tout ce qui précède, même si c’est à bon droit que le président du Tribunal a jugé, eu égard à l’existence d’un principe général du droit de l’Union résultant du droit à un recours juridictionnel effectif, qu’il y a lieu d’assouplir la condition jurisprudentielle relative à l’urgence en matière de marchés publics, en ce sens qu’un préjudice grave mais non irréparable peut suffire à l’établir, dès lors que le fumus boni juris établi est particulièrement sérieux, il a commis une erreur de droit dans l’ordonnance attaquée en jugeant que cet assouplissement s’applique sans limitation temporelle. En effet, ledit assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne s’applique que si la demande de mesures provisoires est introduite par le soumissionnaire évincé devant le juge des référés de l’Union avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire. Par ailleurs, cette limitation temporelle est elle-même soumise à la double condition, premièrement, que le délai de suspension prescrit à l’article 171, paragraphe 1, du règlement nº 1268/2012 ait été respecté avant la conclusion du contrat et, deuxièmement, que le soumissionnaire évincé ait disposé d’informations suffisantes pour exercer son droit d’introduire une demande de mesures provisoires dans ce délai.

58. En l’espèce, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne s’applique donc pas. Il s’ensuit que les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée doivent être annulés, conformément aux conclusions de la Commission, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de pourvoi.

Sur la demande de mesures provisoires

59. En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. La disposition susvisée s’applique également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice [voir ordonnance du vice-président de la Cour EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée].

60. Le litige étant en état d’être jugé, il y a lieu de statuer sur la demande de mesures provisoires présentée par Vanbreda.

61. À cet égard, force est de constater que les raisons, exposées dans la présente ordonnance, qui aboutissent à l’annulation de l’ordonnance attaquée, justifient également le rejet de la demande en référé.

62. En effet, conformément à ce qui a été jugé au point 38 de la présente ordonnance, un soumissionnaire lésé dans une procédure de passation de marché public au niveau de l’Union doit avoir la possibilité d’obtenir des mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre l’adjudicataire retenu et le pouvoir adjudicateur, nonobstant le fait qu’il n’est pas en mesure d’établir l’existence d’un préjudice irréparable aux fins de satisfaire à la condition relative à l’urgence. En revanche, ainsi que cela a été relevé au point 42 de la présente ordonnance, après la conclusion de ce contrat, et dès lors que le délai de suspension de dix jours a été respecté, il n’y a pas lieu d’assouplir l’application de la condition relative à l’urgence, et ce à supposer même qu’un fumus boni juris particulièrement sérieux ait été établi.

63. En l’espèce, conformément à ce qui a été jugé au point 56 de la présente ordonnance, le délai de suspension de dix jours a été respecté avant la conclusion du contrat par la Commission avec Marsh et les assureurs.

64. Par ailleurs, la conclusion du contrat en question, le 27 février 2014, est intervenue bien avant l’introduction par Vanbreda de son recours en annulation et de sa demande en référé, le 28 mars 2014.

65. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, conformément à la jurisprudence citée au point 24 de la présente ordonnance, que le préjudice d’ordre financier de même que le préjudice moral y afférent, invoqués par Vanbreda en l’espèce, ne constituent pas un préjudice irréparable et que, par conséquent, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.

66. Or, il résulte de la jurisprudence constante rappelée au point 22 de la présente ordonnance que les conditions relatives au fumus boni juris, d’une part, et à l’urgence, d’autre part, sont cumulatives.

67. Ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de l’existence d’un fumus boni juris ni de procéder à une mise en balance des intérêts, la demande en référé doit être rejetée.

Sur les dépens

68. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

69. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

70. En l’espèce, Vanbreda ayant succombé en ses prétentions dans le cadre de la procédure de pourvoi et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à cette procédure.

Dispositif

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne:

1) Les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R, EU:T:2014:1024) sont annulés.

2) La demande en référé est rejetée.

3) Vanbreda Risk & Benefits est condamnée aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi.


ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

23 avril 2015 ( *1 )

«Pourvoi — Ordonnance de référé — Marchés publics de services — Appel d’offres concernant la fourniture de services d’assurances de biens et de personnes — Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et décision d’attribuer le marché à un autre soumissionnaire — Demande de sursis à l’exécution — Fumus boni juris particulièrement sérieux — Urgence — Préjudice grave — Préjudice irréparable — Absence — Droit à un recours effectif — Directive 89/665/CEE — Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Délai de suspension avant la conclusion du contrat — Accès aux informations permettant d’apprécier la légalité de la décision d’attribution»

Dans l’affaire C‑35/15 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 janvier 2015,

Commission européenne, représentée par Mme S. Delaude et M. L. Cappelletti, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Vanbreda Risk & Benefits, représentée par Mes P. Teerlinck, P. de Bandt et M. Gherghinaru, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

le premier avocat général, M. M. Wathelet, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1

Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R, EU:T:2014:1024, ci-après l’«ordonnance attaquée»), par laquelle celui-ci a fait droit à la demande de sursis à l’exécution formulée par Vanbreda Risk & Benefits (ci-après «Vanbreda»).

Le cadre juridique

2

L’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO L 335, p. 31, ci-après la «directive 89/665»), est libellé comme suit:

«Les États membres veillent à ce que les mesures prises aux fins des recours visés à l’article 1er prévoient les pouvoirs permettant:

a)

de prendre, dans les délais les plus brefs et par voie de référé, des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation [du] marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur;

b)

d’annuler ou de faire annuler les décisions illégales, y compris de supprimer les spécifications techniques, économiques ou financières discriminatoires figurant dans les documents de l’appel à la concurrence, dans les cahiers des charges ou dans tout autre document se rapportant à la procédure de passation du marché en cause;

c)

d’accorder des dommages et intérêts aux personnes lésées par une violation.»

3

L’article 2, paragraphe 7, second alinéa, de ladite directive se lit comme suit:

«En outre, sauf si une décision doit être annulée préalablement à l’octroi de dommages et intérêts, un État membre peut prévoir que, après la conclusion du contrat intervenue conformément à l’article 1er, paragraphe 5, au paragraphe 3 du présent article ou aux articles 2 bis à 2 septies, les pouvoirs de l’instance responsable des procédures de recours se limitent à l’octroi de dommages et intérêts à toute personne lésée par une violation.»

4

L’article 2 bis de la même directive établit un délai de suspension de dix jours après l’adoption de la décision d’attribution d’un marché, ou de quinze jours si un moyen de communication autre qu’un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé, pendant lequel la conclusion du contrat faisant suite à cette décision ne doit pas avoir lieu (ci-après le «délai de suspension de dix jours»). Cet article dispose:

«1.   Les États membres veillent à ce que les [personnes intéressées par un marché] disposent de délais permettant des recours efficaces contre les décisions d’attribution de marché prises par les pouvoirs adjudicateurs, en adoptant les dispositions nécessaires qui respectent les conditions minimales énoncées au paragraphe 2 du présent article et à l’article 2 quater.

2.   La conclusion du contrat qui suit la décision d’attribution d’un marché relevant du champ d’application de la directive 2004/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114),] ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du marché a été envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés si un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé ou, si d’autres moyens de communication sont utilisés, avant l’expiration d’un délai d’au moins quinze jours calendaires à compter du lendemain du jour où la décision d’attribution du marché est envoyée aux soumissionnaires et candidats concernés, ou d’au moins dix jours calendaires à compter du lendemain du jour de réception de la décision d’attribution du marché.

Les soumissionnaires sont réputés concernés s’ils n’ont pas encore été définitivement exclus. Une exclusion est définitive si elle a été notifiée aux soumissionnaires concernés et a été jugée licite par une instance de recours indépendante ou ne peut plus faire l’objet d’un recours.

Les candidats sont réputés concernés si le pouvoir adjudicateur n’a pas communiqué les informations relatives au rejet de leur candidature avant que la décision d’attribution du marché soit notifiée aux soumissionnaires concernés.

La décision d’attribution est communiquée à chaque soumissionnaire et candidat concernés, accompagnée:

d’un exposé synthétique des motifs pertinents visés à l’article 41, paragraphe 2, de la directive [2004/18], sous réserve des dispositions de l’article 41, paragraphe 3, de ladite directive, et

d’une mention précise de la durée exacte du délai de suspension applicable, en vertu des dispositions nationales transposant le présent paragraphe.»

5

Les articles 1er, paragraphe 5, et 2, paragraphe 3, de la directive 89/665 mettent en œuvre le délai de suspension de dix jours dans des circonstances particulières. Les articles 2 ter à 2 septies de cette directive complètent le système de recours établi par ladite directive, fondé sur le respect du délai de suspension prescrit à l’article 2 bis de celle-ci.

6

L’article 171, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO L 362, p. 1), est libellé comme suit:

«Le pouvoir adjudicateur ne procède à la signature du contrat ou du contrat-cadre, couvert par la directive [2004/18], avec l’attributaire qu’au terme d’une période de quatorze jours de calendrier.

Cette période court à compter de l’une ou l’autre des dates suivantes:

a)

le lendemain de la date d’envoi simultané des notifications aux attributaires et aux soumissionnaires évincés;

b)

lorsque le contrat ou le contrat-cadre est attribué à la suite d’une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché, le lendemain de la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis d’attribution [...]

Lorsqu’un télécopieur ou un moyen électronique est utilisé pour l’envoi visé au point a) du deuxième alinéa, le délai d’attente est de dix jours de calendrier.

Le cas échéant, le pouvoir adjudicateur peut suspendre la signature du contrat pour examen complémentaire si les demandes ou commentaires formulés par des soumissionnaires ou candidats écartés ou lésés, ou toute autre information pertinente reçue, le justifient. Les demandes, commentaires ou informations en question doivent être reçus pendant la période prévue au premier alinéa. Dans le cas d’une suspension, tous les candidats ou soumissionnaires sont informés dans les trois jours ouvrables suivant la décision de suspension.

[...]»

Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7

Le 10 août 2013, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un appel d’offres portant la référence OIB.DR.2/PO/2013/062/591, concernant un marché d’assurances de biens et de personnes, divisé en quatre lots. Le lot no 1 avait trait à la couverture d’assurances, à partir du 1er mars 2014, pour des immeubles et leur contenu, le contrat étant conclu par la Commission en son nom et au nom des pouvoirs adjudicateurs suivants, à savoir le Conseil de l’Union européenne, le Comité économique et social européen, le Comité des régions de l’Union européenne, l’Agence exécutive du Conseil européen de la recherche, l’Agence exécutive pour la compétitivité et l’innovation, l’Agence exécutive pour la recherche, l’Agence exécutive «Éducation, audiovisuel et culture» et l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux.

8

Cet appel d’offres visait à remplacer le contrat alors en vigueur, conclu avec un consortium dont Vanbreda était le courtier, qui arrivait à échéance le 28 février 2014.

9

Le 7 septembre 2013, un avis rectificatif a été publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 174) prolongeant la date limite de soumission des offres jusqu’au 25 octobre 2013 et la date de la séance d’ouverture publique des offres jusqu’au 31 octobre 2013. Lors de cette séance, la commission d’ouverture a acté la réception de deux offres pour le lot no 1, déposées, d’une part, par Marsh SA (ci-après «Marsh»), courtier d’assurances, et, d’autre part, par Vanbreda.

10

Le 30 janvier 2014, la Commission a informé Marsh que son offre avait été retenue pour l’attribution du lot no 1 et Vanbreda que son offre n’avait pas été retenue pour ce lot, car elle ne proposait pas le prix le plus bas (ci‑après la «décision litigieuse»). La lettre par laquelle la Commission a communiqué la décision litigieuse à Vanbreda a été transmise à cette dernière par DHL et par courriel.

11

La signature du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et les assureurs a eu lieu le 27 février 2014 et ce contrat est entré en vigueur le 1er mars 2014.

12

Par requêtes séparées du 28 mars 2014, Vanbreda a déposé au greffe du Tribunal, d’une part, un recours en vertu de l’article 263 TFUE tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi qu’un recours en indemnité en vertu des articles 268 TFUE et 340 TFUE visant à obtenir la condamnation de la Commission à lui payer le montant d’un million d’euros et, d’autre part, une demande en référé, dans laquelle elle a, en substance, invité le juge des référés à ordonner, en vertu de l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse dans l’attente du prononcé de l’ordonnance devant mettre fin à la procédure de référé engagée devant le Tribunal et à surseoir à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que le Tribunal ait statué sur le recours principal.

13

Le 3 avril 2014, par son ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), le président du Tribunal a ordonné, d’une part, la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ainsi que du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et le(s) assureur(s) concerné(s) à cet égard jusqu’au prononcé de l’ordonnance qui mettrait fin à la procédure de référé et, d’autre part, la production de certains documents identifiés par Vanbreda.

14

Le 8 avril 2014, la Commission a déposé une demande visant à ce que le président du Tribunal rapporte sans délai, de façon rétroactive et sans réserve quelconque, le point 1 du dispositif de son ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R) du 3 avril 2014. Au regard des éléments portés à sa connaissance dans cette demande, le président du Tribunal a adopté, le 10 avril 2014, une nouvelle ordonnance Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), faisant droit à la demande de la Commission. Le 25 avril 2014, la Commission a déposé ses observations sur la demande en référé.

15

Le 4 décembre 2014, par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de la décision litigieuse. Après avoir estimé, au point 136 de cette ordonnance, que la condition relative au fumus boni juris était remplie et, aux points 142 à 145 de ladite ordonnance, que le préjudice invoqué était grave, il a jugé, aux points 148 à 165 de la même ordonnance, que, eu égard aux particularités des demandes en référé en matière de marchés publics ainsi qu’au caractère particulièrement sérieux du fumus boini juris établi en l’espèce, la condition relative à l’urgence était également remplie nonobstant l’absence d’un préjudice irréparable. Pour appuyer cette conclusion, il s’est notamment fondé sur un principe général du droit de l’Union découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, qu’il a décrit, à titre liminaire, aux points 16 à 20 de l’ordonnance attaquée.

16

Le dispositif de l’ordonnance attaquée est libellé comme suit:

«1)

La décision [litigieuse] par laquelle [la Commission] a rejeté l’offre que [Vanbreda] avait présentée à la suite d’un appel d’offres pour un marché relatif à l’assurance de biens et de personnes et a attribué ce marché à une autre société est suspendue en ce qui concerne l’attribution du lot no 1.

2)

Les effets de ladite décision [...] sont maintenus jusqu’à l’expiration du délai de pourvoi contre la présente ordonnance.

3)

Les dépens sont réservés.»

Les conclusions des parties

17

La Commission demande à la Cour:

d’annuler les points 1 et 2 de l’ordonnance attaquée;

de rejeter la demande de mesures provisoires, et

de condamner Vanbreda aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

18

Vanbreda demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi dans son intégralité;

de confirmer le dispositif de l’ordonnance attaquée ainsi que les mesures provisoires octroyées, et

de condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

Sur le pourvoi

19

À l’appui de son pourvoi, la Commission avance quatre moyens tirés, respectivement, d’une erreur de droit dans l’application de la condition relative à l’urgence en ce qui concerne les conséquences de l’inexistence d’un préjudice irréparable, d’erreurs de droit dans l’application de cette même condition en ce qui concerne un préjudice prétendument grave qui ne serait pas propre à Vanbreda, d’une erreur de droit dans la mise en balance des intérêts en ce qui concerne le cadre applicable aux fins de l’appréciation de l’intérêt de Vanbreda et d’une erreur de droit dans cette mise en balance en ce qui concerne l’absence de prise en compte des intérêts de tiers.

Argumentation des parties

20

Dans le cadre de son premier moyen, la Commission fait valoir, en substance, que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, eu égard à la prétendue existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, que la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce, nonobstant le fait que Vanbreda n’avait pas établi que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable. Elle relève, en particulier, que la directive 89/665, invoquée par le président du Tribunal, ne s’applique pas aux institutions de l’Union européenne et ne détermine pas les conditions applicables à l’octroi d’un sursis à l’exécution. Elle souligne également que, selon la jurisprudence de la Cour, la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la décision définitive à intervenir et non pas de remédier définitivement à une illégalité.

21

Vanbreda répond, notamment, que, eu égard aux particularités des procédures de référé en matière de marchés publics, et compte tenu du caractère primordial du droit de disposer d’une protection juridictionnelle effective dans cette matière, conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), le Tribunal, par l’ordonnance attaquée, a fait une correcte application du cadre juridique applicable aux demandes en référé.

Appréciation de la Cour

22

Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable porté aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), EU:C:1996:381, point 30].

23

Force est de constater que le raisonnement présenté dans l’ordonnance attaquée, selon lequel la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce, nonobstant l’absence d’un préjudice irréparable, diverge par rapport à la jurisprudence constante développée par le juge de l’Union en ce qui concerne cette condition, plus particulièrement par rapport au caractère réparable du préjudice financier subi par un soumissionnaire évincé dans le cadre d’une procédure en matière de marchés publics.

24

En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 TFUE et 340 TFUE [ordonnance du vice-président de la Cour Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 50 et jurisprudence citée; voir également, en matière de marchés publics, ordonnance du président du Tribunal Communicaid Group/Commission, T‑4/13 R, EU:T:2013:121, points 22, 28 à 30, 33, 34 et 37]. Ainsi que le président du Tribunal l’a jugé, aux points 154 et 156 de l’ordonnance attaquée, le préjudice invoqué en l’espèce n’est pas irréparable, conformément à cette jurisprudence.

25

Néanmoins, dans la mesure où le président du Tribunal a fondé sa conclusion selon laquelle la condition relative à l’urgence est remplie en l’espèce sur un principe général du droit de l’Union, relevant du droit à un recours effectif consacré à l’article 47 de la Charte, il convient d’examiner l’existence et la portée de ce principe.

26

À cet égard, la directive 89/665, invoquée par le président du Tribunal pour fonder l’existence d’un tel principe, a pour destinataires les États membres et ne s’impose donc pas en tant que telle aux institutions de l’Union.

27

Toutefois, la Cour a jugé qu’un principe général du droit de l’Union peut être concrétisé par une directive (arrêt Kücükdeveci, C‑555/07, EU:C:2010:21, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

28

Il y a lieu de constater que la directive 89/665 concrétise le principe général du droit à un recours effectif dans le domaine particulier des marchés publics et qu’il est donc nécessaire de prendre en considération, en ce qui concerne les marchés attribués par l’Union elle-même, l’expression dudit principe général que contiennent les dispositions de cette directive, ainsi que le président du Tribunal l’a jugé au point 20 de l’ordonnance attaquée.

29

Or, conformément au droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la Charte, la Cour a jugé, en se basant sur les dispositions de la directive 89/665, qu’une protection juridictionnelle effective exige que les intéressés soient informés d’une décision d’attribution d’un marché public un certain temps avant la conclusion du marché, afin que ceux-ci disposent d’une réelle possibilité d’intenter un recours, dont notamment une demande de mesures provisoires jusqu’à ladite conclusion (arrêt Fastweb, C‑19/13, EU:C:2014:2194, point 60 et jurisprudence citée).

30

Dans ces conditions, c’est à juste titre que le président du Tribunal a considéré, au point 158 de l’ordonnance attaquée, que l’application sans nuances d’une jurisprudence, même constante, qui rend pratiquement impossible pour un soumissionnaire évincé d’obtenir un sursis à l’exécution d’une décision d’attribution d’un marché d’une institution ou d’un autre organe de l’Union, au motif que le préjudice qu’il est susceptible de subir, étant d’ordre financier, n’est pas irréparable, est inconciliable avec les impératifs découlant de la protection provisoire effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, mis en œuvre par les dispositions de la directive 89/665.

31

Dès lors qu’il tient compte des dispositions d’une directive qui concrétisent un principe général du droit de l’Union, le juge de l’Union ne saurait, toutefois, faire abstraction du contenu de ces dispositions, nonobstant le fait qu’elles ne sont pas d’application en tant que telles au cas d’espèce. Plus particulièrement, dans la mesure où il ressort des dispositions d’une telle directive que le législateur de l’Union a voulu établir un équilibre entre les différents intérêts en présence, le juge de l’Union doit tenir compte de cet équilibre dans l’application qu’il fait du principe général ainsi concrétisé.

32

Dans le présent contexte, il importe de relever que la directive 89/665 dispose, à son article 2, paragraphe 1, que les États membres sont obligés de prévoir dans leur droit national trois types de recours permettant à une personne lésée dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de solliciter auprès du juge compétent, premièrement, «des mesures provisoires ayant pour but de corriger la violation alléguée ou d’empêcher qu’il soit encore porté atteinte aux intérêts concernés, y compris des mesures destinées à suspendre ou à faire suspendre la procédure de passation [du] marché public en cause ou l’exécution de toute décision prise par le pouvoir adjudicateur», deuxièmement, l’annulation des décisions illégales et, troisièmement, des dommages et intérêts.

33

Toutefois, l’article 2, paragraphe 7, second alinéa, de la directive 89/665 dispose que «sauf si une décision doit être annulée préalablement à l’octroi de dommages et intérêts, un État membre peut prévoir que, après la conclusion du contrat intervenue conformément à l’article 1er, paragraphe 5, au paragraphe 3 du présent article ou aux articles 2 bis à 2 septies, les pouvoirs de l’instance responsable des procédures de recours se limitent à l’octroi de dommages et intérêts à toute personne lésée par une violation».

34

Ainsi que la Cour l’a jugé aux points 62 et 63 de l’arrêt Fastweb (C‑19/13, EU:C:2014:2194), le législateur de l’Union a cherché, par les dispositions de la directive 89/665, à concilier les intérêts du soumissionnaire évincé avec ceux du pouvoir adjudicateur et de l’adjudicataire, en limitant le droit d’introduire un référé que les États membres sont obligés d’ouvrir à un tel soumissionnaire à la période précontractuelle, seule une action en dommages et intérêts, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/665, étant obligatoirement ouverte audit soumissionnaire après la fin de cette période (voir également, en ce sens, arrêt Alcatel Austria e.a., C‑81/98, EU:C:1999:534, point 37).

35

Dès lors, l’obligation pour les États membres de prévoir dans leur droit national la possibilité pour une personne qui est lésée par une décision adoptée au terme d’une procédure de passation d’un marché public de solliciter des mesures provisoires, conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 89/665, est limitée à la période comprise entre l’adoption de cette décision et la conclusion du contrat.

36

Conformément aux dispositions des articles 1er, paragraphe 5, 2, paragraphe 3, et 2 bis à 2 septies de cette directive, la conclusion du contrat ne doit toutefois pas intervenir avant l’expiration du délai de suspension de dix jours.

37

Ainsi que la Cour l’a jugé au point 61 de l’arrêt Fastweb (C‑19/13, EU:C:2014:2194), le délai de suspension de dix jours vise à mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu.

38

À la lumière de ce qui précède, c’est à tort que le président du Tribunal a constaté, au point 20 de l’ordonnance attaquée, l’existence d’un principe général du droit de l’Union, relevant du droit à la protection juridictionnelle effective, au titre duquel un soumissionnaire évincé doit avoir la possibilité d’obtenir non seulement des dommages et intérêts, mais aussi des mesures provisoires, sans limiter ce constat à la période précédant la conclusion du contrat par le pouvoir adjudicateur avec l’adjudicataire.

39

En effet, dès lors que le délai de suspension de dix jours, prévu par la directive 89/665, s’est écoulé avant la conclusion du contrat, il ne saurait être déduit des dispositions de cette directive que le fait de permettre à un soumissionnaire évincé de demander uniquement des dommages et intérêts devant le juge constitue une violation d’un principe général du droit de l’Union, relatif au droit à un recours juridictionnel effectif. S’agissant des marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs de l’Union elle-même, le même délai de suspension s’applique en vertu de l’article 171, paragraphe 1, du règlement no 1268/2012. Ce délai est également de dix jours calendaires, dès lors qu’un moyen de communication électronique est utilisé pour communiquer la décision d’attribution du marché aux intéressés.

40

Il convient d’examiner ensuite si, à la lumière de ce qui précède, la conclusion retenue par le président du Tribunal, au point 164 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle la condition relative à l’urgence était remplie en l’espèce, nonobstant le fait que le préjudice invoqué, bien que grave, n’était pas irréparable, est entachée d’une erreur de droit.

41

Compte tenu des impératifs découlant de la protection effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, il y a lieu de considérer, comme l’a fait le président du Tribunal au point 162 de l’ordonnance attaquée, que, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la Charte.

42

Toutefois, conformément à ce qui a été jugé au point 38 de la présente ordonnance, cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 171, paragraphe 1, du règlement no 1268/2012, soit respecté. Dès lors que le pouvoir adjudicateur a conclu le contrat avec l’adjudicataire après que ce délai s’est écoulé et avant l’introduction de la demande en référé, l’assouplissement susmentionné ne se justifie plus.

43

S’agissant de l’application de ces principes au cas d’espèce, il ressort du point 4 de l’ordonnance attaquée que, le 30 janvier 2014, la Commission a informé, d’une part, l’adjudicataire que son offre avait été retenue pour l’attribution du lot no 1 et, d’autre part, Vanbreda que son offre n’avait pas été retenue pour ce lot, car elle ne proposait pas le prix le plus bas. Par ailleurs, il a été relevé, au point 5 de l’ordonnance du président du Tribunal du 10 avril 2014, Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R), que la signature du contrat de services passé entre la Commission, Marsh et les assureurs a eu lieu le 27 février 2014 et que ce contrat est entré en vigueur le 1er mars 2014.

44

Ainsi, dès lors que la décision litigieuse a été communiquée à Vanbreda au moyen d’une lettre du 30 janvier 2014, transmise à cette dernière par un moyen de communication électronique, le délai de suspension, applicable en vertu de l’article 171, paragraphe 1, du règlement no 1268/2012, était de dix jours et il a été respecté en l’espèce. En effet, conformément à cette disposition, ledit délai a commencé à courir le 31 janvier 2014, soit 28 jours avant la conclusion du contrat.

45

Par ailleurs, il ressort du point 5 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a introduit sa demande en référé le 28 mars 2014. Ainsi, la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014, est intervenue avant l’introduction de cette demande en référé.

46

Dans ces conditions, conformément à ce qui a été constaté au point 42 de la présente ordonnance, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence ne se justifie pas, en principe.

47

Il importe, toutefois, de relever que le délai de suspension de dix jours ne peut mettre les intéressés en mesure de contester en justice l’attribution d’un marché avant que le contrat ne soit conclu que si ces intéressés disposent d’éléments suffisants pour déterminer l’existence d’une éventuelle illégalité de la décision d’attribution.

48

Il ne saurait être considéré, sous peine de violer le principe du droit à un recours juridictionnel effectif, que le délai de suspension de dix jours a été respecté dans des circonstances où la possibilité d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat n’a pas été effective en raison du fait que le soumissionnaire évincé n’a pas disposé, pendant ce délai, d’éléments suffisants pour lui permettre d’introduire une telle demande.

49

Eu égard aux exigences du principe de sécurité juridique, cette exception à l’application purement mécanique du délai de suspension de dix jours doit, cependant, être réservée à des cas de figure exceptionnels dans lesquels le soumissionnaire évincé n’avait aucune raison de considérer que la décision d’attribution du marché était entachée d’illégalité avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire.

50

Il convient donc d’examiner si, au vu des constatations factuelles effectuées dans l’ordonnance attaquée, Vanbreda a disposé d’informations suffisantes pour faire usage du délai de suspension de dix jours aux fins d’introduire une demande de mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014.

51

À cet égard, le président du Tribunal a analysé, aux points 38 à 43 de l’ordonnance attaquée, les contacts qui ont eu lieu entre la Commission et Vanbreda avant la conclusion dudit contrat, en vue d’apprécier la recevabilité d’un moyen nouveau. Il a jugé, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que Vanbreda a découvert, après l’introduction de sa demande en référé le 28 mars 2014, et donc après la conclusion du contrat le 27 février 2014, que Marsh avait présenté son offre pour le lot no 1 non pas conjointement avec des assureurs, mais en qualité de soumissionnaire unique. Le président du Tribunal a donc considéré qu’un moyen fondé sur cette dernière circonstance, bien qu’avancé après l’introduction de la demande initiale, était recevable.

52

Toutefois, il ressort des constatations factuelles faites par le président du Tribunal dans l’ordonnance attaquée que Vanbreda avait des raisons de douter de la légalité de la décision litigieuse bien avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs, le 27 février 2014.

53

En effet, il ressort du point 37 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a informé la Commission, dès le 8 novembre 2013, des doutes qu’elle entretenait quant à la légalité de l’offre de Marsh et, plus particulièrement, quant au respect par cette dernière de la condition relative à la responsabilité solidaire exigée en cas de soumission avec plusieurs assureurs. Par ailleurs, il découle des points 38 à 40 de l’ordonnance attaquée que, par des courriels des 31 janvier et 4 février 2014 ainsi que par des lettres recommandées des 3 et 7 février 2014, Vanbreda a réitéré ces doutes et demandé la production par la Commission de certains documents à ce propos. Enfin, par courrier du 7 février 2014, examiné au point 41 de l’ordonnance attaquée, la Commission a indiqué à Vanbreda que Marsh avait été désignée comme attributaire du contrat pour le lot no 1 au motif qu’elle avait soumis une offre conforme présentant le prix le plus bas. Il ressort du point 43 de l’ordonnance attaquée que Vanbreda a répondu à ce courrier, le 11 février 2014, en réitérant sa demande de transmission des informations et des documents indiqués dans ses précédents courriers.

54

Il découle donc des constatations factuelles effectuées dans l’ordonnance attaquée que, dans les jours qui ont suivi la communication de la décision litigieuse à Vanbreda et au plus tard le 11 février 2014, cette dernière était en mesure de formuler des critiques spécifiques à l’égard de la décision litigieuse. Ainsi, le délai de suspension de dix jours doit être regardé comme ayant commencé à courir au plus tard le 11 février 2014, soit seize jours calendaires avant la conclusion du contrat entre la Commission, Marsh et les assureurs le 27 février 2014.

55

La circonstance, constatée par le président du Tribunal, selon laquelle Vanbreda n’avait pas connaissance, le 11 février 2014, du fait que Marsh avait présenté son offre pour le lot no 1 non pas conjointement avec des assureurs, mais en qualité de soumissionnaire unique n’a pas privé Vanbreda de toute possibilité d’introduire une demande de mesures provisoires dans le délai de suspension de dix jours. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 51 de la présente ordonnance, le président du Tribunal a également jugé, au point 45 de l’ordonnance attaquée, que Vanbreda ne connaissait toujours pas cette circonstance au moment où elle a effectivement introduit son recours en annulation et sa demande en référé devant le Tribunal, le 28 mars 2014.

56

Il s’ensuit que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 171, paragraphe 1, du règlement no 1268/2012, a été pleinement respecté en l’espèce.

57

Au vu de tout ce qui précède, même si c’est à bon droit que le président du Tribunal a jugé, eu égard à l’existence d’un principe général du droit de l’Union résultant du droit à un recours juridictionnel effectif, qu’il y a lieu d’assouplir la condition jurisprudentielle relative à l’urgence en matière de marchés publics, en ce sens qu’un préjudice grave mais non irréparable peut suffire à l’établir, dès lors que le fumus boni juris établi est particulièrement sérieux, il a commis une erreur de droit dans l’ordonnance attaquée en jugeant que cet assouplissement s’applique sans limitation temporelle. En effet, ledit assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne s’applique que si la demande de mesures provisoires est introduite par le soumissionnaire évincé devant le juge des référés de l’Union avant la conclusion du contrat avec l’adjudicataire. Par ailleurs, cette limitation temporelle est elle-même soumise à la double condition, premièrement, que le délai de suspension prescrit à l’article 171, paragraphe 1, du règlement no 1268/2012 ait été respecté avant la conclusion du contrat et, deuxièmement, que le soumissionnaire évincé ait disposé d’informations suffisantes pour exercer son droit d’introduire une demande de mesures provisoires dans ce délai.

58

En l’espèce, l’assouplissement de la condition relative à l’urgence en matière de marchés publics ne s’applique donc pas. Il s’ensuit que les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée doivent être annulés, conformément aux conclusions de la Commission, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de pourvoi.

Sur la demande de mesures provisoires

59

En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. La disposition susvisée s’applique également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice [voir ordonnance du vice-président de la Cour EDF/Commission, C‑551/12 P(R), EU:C:2013:157, points 36 et 37 ainsi que jurisprudence citée].

60

Le litige étant en état d’être jugé, il y a lieu de statuer sur la demande de mesures provisoires présentée par Vanbreda.

61

À cet égard, force est de constater que les raisons, exposées dans la présente ordonnance, qui aboutissent à l’annulation de l’ordonnance attaquée, justifient également le rejet de la demande en référé.

62

En effet, conformément à ce qui a été jugé au point 38 de la présente ordonnance, un soumissionnaire lésé dans une procédure de passation de marché public au niveau de l’Union doit avoir la possibilité d’obtenir des mesures provisoires avant la conclusion du contrat entre l’adjudicataire retenu et le pouvoir adjudicateur, nonobstant le fait qu’il n’est pas en mesure d’établir l’existence d’un préjudice irréparable aux fins de satisfaire à la condition relative à l’urgence. En revanche, ainsi que cela a été relevé au point 42 de la présente ordonnance, après la conclusion de ce contrat, et dès lors que le délai de suspension de dix jours a été respecté, il n’y a pas lieu d’assouplir l’application de la condition relative à l’urgence, et ce à supposer même qu’un fumus boni juris particulièrement sérieux ait été établi.

63

En l’espèce, conformément à ce qui a été jugé au point 56 de la présente ordonnance, le délai de suspension de dix jours a été respecté avant la conclusion du contrat par la Commission avec Marsh et les assureurs.

64

Par ailleurs, la conclusion du contrat en question, le 27 février 2014, est intervenue bien avant l’introduction par Vanbreda de son recours en annulation et de sa demande en référé, le 28 mars 2014.

65

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, conformément à la jurisprudence citée au point 24 de la présente ordonnance, que le préjudice d’ordre financier de même que le préjudice moral y afférent, invoqués par Vanbreda en l’espèce, ne constituent pas un préjudice irréparable et que, par conséquent, la condition relative à l’urgence n’est pas remplie.

66

Or, il résulte de la jurisprudence constante rappelée au point 22 de la présente ordonnance que les conditions relatives au fumus boni juris, d’une part, et à l’urgence, d’autre part, sont cumulatives.

67

Ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner la question de l’existence d’un fumus boni juris ni de procéder à une mise en balance des intérêts, la demande en référé doit être rejetée.

Sur les dépens

68

Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

69

En vertu de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

70

En l’espèce, Vanbreda ayant succombé en ses prétentions dans le cadre de la procédure de pourvoi et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à cette procédure.

 

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne:

 

1)

Les points 1 et 2 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne Vanbreda Risk & Benefits/Commission (T‑199/14 R, EU:T:2014:1024) sont annulés.

 

2)

La demande en référé est rejetée.

 

3)

Vanbreda Risk & Benefits est condamnée aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.