ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

6 novembre 2014 ( *1 )

«Manquement d’État — Eaux urbaines résiduaires — Directive 91/271/CEE — Articles 3 et 4 — Obligation de collecte — Obligation de traitement»

Dans l’affaire C‑395/13,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 12 juillet 2013,

Commission européenne, représentée par Mme O. Beynet et M. E. Manhaeve, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par MM. T. Materne et J.‑C. Halleux, en qualité d’agents, assistés de Mes E. Gillet et A. Lepièce, avocats,

partie défenderesse,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. A. Rosas, E. Juhász (rapporteur), D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2014,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas assuré la collecte et le traitement des eaux urbaines résiduaires de 57 petites agglomérations ayant un équivalent habitant (ci-après un «EH») de plus de 2000 et de moins de 10000, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations lui incombant en vertu des dispositions des articles 3 et 4 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (JO L 135, p. 40, ci‑après la «directive»).

Le cadre juridique

2

Les troisième et huitième considérants de la directive énoncent:

«[...] pour éviter que l’environnement ne soit altéré par l’évacuation d’eaux urbaines résiduaires insuffisamment traitées, il est en général nécessaire de soumettre ces eaux à un traitement secondaire;

[...]

[...] il est nécessaire de surveiller les stations de traitement, les eaux réceptrices et l’évacuation des boues pour faire en sorte que l’environnement soit protégé des effets négatifs du déversement des eaux résiduaires».

3

Aux termes de l’article 1er de la directive:

«La présente directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels.

La présente directive a pour objet de protéger l’environnement contre une détérioration due aux rejets des eaux résiduaires précitées.»

4

L’article 2 de la directive dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)

‘eaux urbaines résiduaires’: les eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement;

[...]

4)

‘agglomération’: une zone dans laquelle la population et/ou les activités économiques sont suffisamment concentrées pour qu’il soit possible de collecter les eaux urbaines résiduaires pour les acheminer vers une station d’épuration ou un point de rejet final;

5)

‘système de collecte’: un système de canalisations qui recueille et achemine les eaux urbaines résiduaires;

6)

‘un [EH]’: la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d’oxygène en cinq jours (DB05) de 60 grammes d’oxygène par jour;

7)

‘traitement primaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé physique et/ou chimique comprenant la décantation des matières solides en suspension ou par d’autres procédés par lesquels la DB05 des eaux résiduaires entrantes est réduite d’au moins 20 % avant le rejet et le total des matières solides en suspension des eaux résiduaires entrantes, d’au moins 50 %;

8)

‘traitement secondaire’: le traitement des eaux urbaines résiduaires par un procédé comprenant généralement un traitement biologique avec décantation secondaire ou par un autre procédé permettant de respecter les conditions du tableau 1 de l’annexe I;

[...]»

5

L’article 3 de la directive est ainsi libellé:

«1.   Les États membres veillent à ce que toutes les agglomérations soient équipées de systèmes de collecte des eaux urbaines résiduaires:

[...]

au plus tard le 31 décembre 2005 pour celles dont l’EH se situe entre 2000 et 15 000.

[...]

Lorsque l’installation d’un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu’il ne présenterait pas d’intérêt pour l’environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d’autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l’environnement sont utilisés.

2.   Les systèmes de collecte décrits au paragraphe 1 doivent répondre aux prescriptions de l’annexe I point A. [...]»

6

L’article 4 de la directive prévoit:

«1.   Les États membres veillent à ce que les eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte soient, avant d’être rejetées, soumises à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent selon les modalités suivantes:

[...]

au plus tard le 31 décembre 2005 pour les rejets, dans des eaux douces et des estuaires, provenant d’agglomérations ayant un EH compris entre 2000 et 10 000.

[...]

3.   Les rejets des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires visées aux paragraphes 1 et 2 doivent répondre aux prescriptions pertinentes de l’annexe I point B. [...]

4.   La charge exprimée en EH est calculée sur la base de la charge moyenne maximale hebdomadaire qui pénètre dans la station d’épuration au cours de l’année, à l’exclusion des situations inhabituelles comme celles qui sont dues à de fortes précipitations.»

7

L’article 15, paragraphe 1, de la directive dispose:

«Les autorités compétentes ou les organes appropriés surveillent:

les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, afin d’en vérifier la conformité avec les prescriptions de l’annexe I point B suivant les procédures de contrôle fixées à l’annexe I point D,

[...]»

8

L’annexe I de la directive, intitulée «Prescriptions relatives aux eaux urbaines résiduaires», est ainsi libellée:

«A. Systèmes de collecte [...]

Les systèmes de collecte tiennent compte des prescriptions en matière de traitement des eaux usées.

La conception, la construction et l’entretien des systèmes de collecte sont entrepris sur la base des connaissances techniques les plus avancées, sans entraîner des coûts excessifs, notamment en ce qui concerne:

le volume et les caractéristiques des eaux urbaines résiduaires,

la prévention des fuites,

la limitation de la pollution des eaux réceptrices résultant des surcharges dues aux pluies d’orage.

B. Rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires dans les eaux réceptrices [...]

1.

Les stations d’épuration des eaux usées sont conçues ou modifiées de manière que des échantillons représentatifs des eaux usées entrantes et des effluents traités puissent être obtenus avant rejet dans les eaux réceptrices.

2.

Les rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires, traités conformément aux articles 4 et 5 de la présente directive, répondent aux prescriptions figurant au tableau 1.

[...]

D. Méthodes de référence pour le suivi et l’évaluation des résultats

1.

Les États membres veillent à ce que soit appliquée une méthode de surveillance qui corresponde au moins aux exigences décrites ci‑dessous.

[...]

2.

Des échantillons sont prélevés sur une période de 24 heures, proportionnellement au débit ou à intervalles réguliers, en un point bien déterminé à la sortie et, en cas de nécessité, à l’entrée de la station d’épuration, afin de vérifier si les prescriptions de la présente directive en matière de rejets d’eaux usées sont respectées.

De saines pratiques internationales de laboratoire seront appliquées pour que la dégradation des échantillons soit la plus faible possible entre le moment de la collecte et celui de l’analyse.

3.

Le nombre minimum d’échantillons à prélever à intervalles réguliers au cours d’une année entière est fixé en fonction de la taille de la station d’épuration:

EH compris entre 2000 et 9 999:

12 échantillons au cours de la première année.

4 échantillons les années suivantes s’il peut être démontré que les eaux respectent les dispositions de la présente directive pendant la première année; si l’un des 4 échantillons ne correspond pas aux normes, 12 échantillons sont prélevés l’année suivante.

[...]»

9

Les intitulés des points A et B de l’annexe I de la directive renvoient à une note en bas de page qui est ainsi libellée:

«Étant donné qu’en pratique il n’est pas possible de construire des systèmes de collecte et des stations d’épuration permettant de traiter toutes les eaux usées dans des situations telles que la survenance de précipitations exceptionnellement fortes, les États membres décident des mesures à prendre pour limiter la pollution résultant des surcharges dues aux pluies d’orage. Ces mesures pourraient se fonder sur les taux de dilution ou la capacité par rapport au débit par temps sec ou indiquer un nombre acceptable de surcharges chaque année.»

10

Le tableau 1 de cette annexe I est intitulé «Prescriptions relatives aux rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires et soumises aux dispositions des articles 4 et 5 de la présente directive». Il se présente comme suit:

«Paramètres

Concentration

Pourcentage minimal de réduction [...]

[...]

Demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20 °C) sans nitrification [...]

25 mg/l O2

70‑90

40 aux termes de l’article 4 paragraphe 2

[...]

Demande chimique en oxygène (DCO)

125 mg/l O2

75

[...]

[...]

[...]

[...]

[...]»

11

Il est prévu, à la suite de l’intitulé de ce tableau 1, que l’«[o]n appliquera la valeur de la concentration ou le pourcentage de réduction».

12

Le titre de la troisième colonne dudit tableau 1 renvoie à une note en bas de page qui spécifie:

«Réduction par rapport aux valeurs à l’entrée.»

13

Le titre de la deuxième ligne du même tableau 1 renvoie à une note en bas de page qui est ainsi libellée:

«Ce paramètre peut être remplacé par un autre: carbone organique total (COT) ou demande totale en oxygène (DTO), si une relation peut être établie entre la DB05 et le paramètre de substitution.»

14

Il ressort du tableau 1 de l’annexe I de la directive que la «demande biochimique en oxygène (DBO5 à 20 °C) sans nitrification» des rejets provenant des stations d’épuration des eaux urbaines résiduaires soumises aux prescriptions des articles 4 et 5 de la directive doit satisfaire à une condition de concentration maximale de 25 mg/l d’oxygène ou être réduite au minimum de 70 % par rapport aux valeurs à l’entrée de ces stations, et que la «demande chimique en oxygène (DCO)» de ces rejets ne doit pas excéder la valeur maximale de concentration de 125 mg/l d’oxygène ou doit être réduite de 75 % par rapport aux valeurs à l’entrée desdites stations.

La procédure précontentieuse

15

Par courrier du 29 mai 2007, la Commission a demandé aux autorités belges de lui fournir des données relatives au respect de leurs obligations de collecte et de traitement imposées par les articles 3 et 4 de la directive. Ces autorités ont répondu à cette demande le 15 juillet 2009. De l’examen de cette réponse, il ressortait que, dans un nombre important d’agglomérations ayant un EH de plus de 2000 et de moins de 10000, dites «petites agglomérations», les dispositions des articles 3 et 4 de la directive n’étaient pas respectées. La Commission a, dès lors, adressé au Royaume de Belgique, le 25 novembre 2009, une lettre de mise en demeure.

16

À la suite de l’analyse de la réponse des autorités belges à cette lettre de mise en demeure, apportée par courriers des 29 janvier et 10 mars 2010, la Commission est parvenue à la conclusion que, dans plusieurs agglomérations, les dispositions des articles 3 et 4 de la directive continuaient à ne pas être respectées. Par conséquent, elle a adressé, le 28 avril 2011, au Royaume de Belgique un avis motivé. Par suite de la réponse des autorités belges à l’avis motivé et de l’échange de documents qui a suivi, la Commission a abouti à la constatation que 57 agglomérations, tant de la Région flamande que de la Région wallonne, n’étaient toujours pas conformes aux dispositions de la directive et a, ainsi, décidé d’introduire le présent recours.

Sur le recours

Argumentation des parties

17

La Commission fait valoir, en invoquant le point 25 de l’arrêt Commission/Espagne (C‑219/05, EU:C:2007:223), que l’article 3, paragraphe 1, de la directive impose une obligation de collecte, laquelle, conformément à la jurisprudence de la Cour, constitue une obligation de résultat précise, formulée de manière claire et non équivoque, afin que, dans le délai imparti par la directive, toutes les eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations entrent dans des systèmes de collecte. L’article 4, paragraphe 1, de la directive imposerait une obligation de traitement, suivant laquelle les États membres doivent veiller à ce que la totalité des eaux urbaines résiduaires qui pénètrent dans les systèmes de collecte mis en place en application de l’article 3 de la directive soit, avant d’être rejetée dans des eaux réceptrices, soumise à un traitement secondaire ou à un traitement équivalent effectué au moyen d’un procédé permettant de respecter les prescriptions du tableau 1 de l’annexe I de la directive.

18

En outre, il ressortirait du huitième considérant de la directive que les États membres doivent veiller à ce que soit appliquée une méthode de surveillance des stations d’épuration qui réponde aux exigences décrites au point D de l’annexe I de la directive. Ainsi, selon la Commission, le fait qu’une station d’épuration existe et que son fonctionnement a été constaté par un relevé unique d’échantillons dont les valeurs ponctuelles respecteraient les prescriptions du tableau 1 de l’annexe I de la directive ne suffit pas à démontrer la conformité du traitement des eaux urbaines résiduaires par cette station aux exigences de l’article 4 de la directive. En effet, il appartiendrait aux États membres de veiller à ce que, conformément aux prescriptions du point D de l’annexe I de la directive, le bon fonctionnement des stations d’épuration soit contrôlé par le prélèvement de douze échantillons au minimum sur une période d’une année.

19

La Commission relève que la directive ne s’applique pas aux agglomérations ayant un EH de moins de 2000, de sorte que l’absence de collecte d’eaux urbaines résiduaires correspondant à un EH de moins de 2000 n’est pas, en soi, constitutive d’une infraction à l’article 3 de la directive. En outre, nonobstant le fait que la directive exige un taux de collecte de 100 %, la Commission, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’engager une procédure d’infraction, a considéré en l’occurrence qu’un taux de collecte de 98 % était suffisant, tout en exigeant également que le résidu de 2 % de la charge non collectée ne représente pas un EH supérieur ou égal à 2 000. La Commission soutient en outre, en se référant au point 25 de l’arrêt Commission/Grèce (C‑440/06, EU:C:2007:642), que, dès lors que certaines agglomérations ne disposent pas de systèmes permettant de collecter, conformément aux exigences de l’article 3 de la directive, 98 % des eaux urbaines résiduaires qu’elles rejettent, l’obligation de soumettre la totalité des rejets à un traitement secondaire ou équivalent, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, n’est, à plus forte raison, pas remplie.

20

Sur la base de ces considérations, la Commission constate que la situation d’une agglomération de la Région flamande n’est pas conforme à l’article 4 de la directive et que la situation de 56 agglomérations de la Région wallonne n’est pas conforme soit à l’article 4, soit, conjointement, aux articles 3 et 4 de la directive.

21

Le gouvernement belge conteste l’argumentation de la Commission selon laquelle la conformité du fonctionnement d’une station d’épuration avec l’article 4 de la directive doit être appréciée à la lumière du point D de l’annexe I de la directive. En effet, il n’existerait aucune base légale imposant une durée d’échantillonnage d’un an étant donné que l’article 4 de la directive se réfère non pas au point D de l’annexe I mais au point B de cette annexe, qui n’imposerait pas l’obligation de prélever des échantillons sur une période d’au moins une année après la mise en activité de la station d’épuration pour que l’agglomération en cause soit considérée comme étant en conformité avec l’article 4 de la directive.

22

Le gouvernement belge observe que c’est l’article 15 de la directive qui se réfère au point D de l’annexe I. Toutefois, cet article ne serait pas mentionné dans la requête et ne ferait donc pas l’objet de la procédure. Il faudrait ainsi conclure que, conformément à l’article 4 et à l’annexe I, point B, de la directive, dès lors qu’une station d’épuration desservant une agglomération a été mise en service et que les premiers résultats des analyses montrent que la composition des effluents est conforme aux normes inscrites au tableau 1 de l’annexe I de la directive, les obligations résultant de la directive seraient remplies.

23

Tout en ne contestant pas que la Commission dispose du pouvoir discrétionnaire de considérer qu’une agglomération n’est pas conforme à l’article 3 de la directive lorsque moins de 98 % de ses eaux urbaines résiduaires sont collectées, le gouvernement belge soutient qu’une telle position est très stricte, disproportionnée et ne respecte pas l’objectif de la directive dans la mesure où, dans un tel cas, le risque environnemental est très marginal, voire inexistant, et ce d’autant plus que, dans les agglomérations belges, prises dans leur totalité, le taux de collecte de ces eaux était supérieur à 98 %.

24

Tout en reconnaissant que la Région wallonne n’a pas exécuté toutes ses obligations résultant des articles 3 et 4 de la directive dans le délai imparti par cette dernière, le gouvernement belge fait valoir qu’il était absolument impossible pour cette région de respecter l’intégralité de ces obligations compte tenu des contraintes d’ordre matériel, technique et budgétaire auxquelles celle-ci devait faire face.

25

Au vu des informations et des résultats contenus dans les annexes du mémoire en défense déposé par le gouvernement belge, la Commission a circonscrit l’objet de son recours aux griefs afférents non plus à 57, mais à 48 agglomérations.

26

Ainsi, pour les quinze agglomérations d’Aywaille, de Baelen, de Blegny, de Chastre, de Grez‑Doiceau, de Jodoigne, de Lasne, d’Obourg, d’Oreye, d’Orp, de Raeren, de Sart‑Dames‑Avelines, de Soiron, de Sombreffe et d’Yvoir‑Anhée, la Commission considère, au vu des informations mentionnées au point précédent, que le taux de collecte des eaux urbaines résiduaires n’atteint pas 98 %. Il en résulterait un manquement à l’obligation de collecte telle que prescrite à l’article 3 de la directive, ce qui entraînerait également un manquement à l’obligation de traitement prévue à l’article 4 de la directive.

27

S’agissant des 31 agglomérations de Bassenge, de Chaumont‑Gistoux, de Chièvres, de Crisnée, de Dalhem, de Dinant, d’Écaussinnes, d’Estinnes, de Feluy‑Arquennes, de Fexhe‑Slins, de Fosses‑la‑Ville, de Godarville, de Hannut, de Havré, de Jurbise, de Le Rœulx, de Leuze, de Lillois‑Witterzée, de Profondeville, de Rotheux‑Neuville, de Saint‑Georges‑sur‑Meuse, de Saint‑Hubert, de Sirault, de Sprimont, de Villers‑la‑Ville, de Villers‑le‑Bouillet, de Virginal‑Hennuyères, de Walcourt, de Welkenraedt, de Wépion et de Wiers, leur non‑conformité avec l’obligation de traitement prévue à l’article 4 de la directive serait établie dans la mesure où ces agglomérations ne disposent pas d’une station d’épuration.

28

S’agissant des deux agglomérations de Gaurain‑Ramecroix et de Hélécine, bien qu’équipées de stations d’épuration, elles ne seraient pas en conformité avec l’article 4 de la directive dans la mesure où les prélèvements de douze échantillons, prévus à cet article, n’auraient pas été effectués au cours de la première année de fonctionnement de ces équipements.

29

Ces 48 agglomérations sont situées en Région wallonne.

30

La Commission ajoute que, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de difficultés pratiques ou administratives pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive. En outre, elle relève, d’une part, que le législateur de l’Union européenne, conscient de l’ampleur des travaux d’infrastructure à réaliser pour la mise en application de la directive, a accordé aux États membres un délai suffisamment long, à savoir de 14 ans, dont le terme a été fixé au 31 décembre 2005, pour se conformer à leurs obligations concernant des agglomérations telles que celles en cause et, d’autre part, qu’elle a déposé son recours dans la présente affaire près de 8 ans après l’expiration de ce délai.

Appréciation de la Cour

31

Il y a lieu de constater, d’emblée, que l’article 3, paragraphe 1, de la directive impose une obligation de résultat précise, formulée de manière claire et non équivoque, afin que, au plus tard le 31 décembre 2005, toutes les eaux urbaines qui proviennent des agglomérations dont l’EH se situe entre 2000 et 15 000 entrent dans un système de collecte des eaux urbaines résiduaires (voir, par analogie, arrêts Commission/Espagne, EU:C:2007:223, point 25, et Commission/Grèce, EU:C:2007:642, point 25).

32

Cela étant, la Commission est seule compétente pour décider s’il est opportun d’engager une procédure en constatation de manquement et en raison de quel agissement ou omission imputable à l’État membre concerné cette procédure doit être introduite (voir, en ce sens, arrêts Commission/Allemagne, C‑431/92, EU:C:1995:260, point 22; Commission/Allemagne, C‑476/98, EU:C:2002:631, point 38, et Commission/Grèce, C‑394/02, EU:C:2005:336, point 28).

33

En l’occurrence, la Commission a ainsi décidé d’engager une procédure en constatation de manquement conformément à sa pratique générale en matière de collecte des eaux urbaines résiduaires dans les agglomérations, selon laquelle, nonobstant le fait que la directive exige un taux de collecte de 100 %, elle n’engage une telle procédure que pour les agglomérations dont le taux de collecte est inférieur à 98 % ou lorsque le résidu non collecté de 2 % représente un EH supérieur ou égal à 2 000.

34

Sur la base de ces considérations, la Commission, en se désistant partiellement du petitum initial de sa requête concernant certaines agglomérations au vu des informations apportées par le gouvernement belge, demande en définitive qu’il soit constaté que les quinze agglomérations figurant au point 26 du présent arrêt ne sont pas en conformité avec l’obligation de collecte prescrite à l’article 3 de la directive.

35

Il est constant que ces quinze agglomérations sont citées dans le tableau figurant à l’annexe 1 du mémoire en défense du gouvernement belge déposé devant la Cour le 15 octobre 2013. Il est indiqué dans ce tableau que, à cette date, lesdites agglomérations ne remplissaient pas les exigences de l’article 3 de la directive, telles que délimitées en l’occurrence par la Commission.

36

Le gouvernement belge n’évoque pas de situations telles que celles visées à l’article 3, paragraphe 1, dernier alinéa, de la directive, permettant aux États membres de déroger aux obligations concernant l’installation d’un système de collecte qui découlent de l’article 3 de la directive.

37

Ce gouvernement relève toutefois que la décision de la Commission, telle qu’elle ressort du point 33 du présent arrêt, est, en l’occurrence, trop stricte et disproportionnée, dans la mesure où les agglomérations belges, considérées dans leur totalité, assurent un taux de collecte des eaux urbaines résiduaires supérieur à 98 %. Ainsi, le risque pour la santé et l’environnement serait très limité.

38

Il y a lieu de relever à cet égard que le système de la directive est articulé autour de la notion d’«agglomération» telle que définie à l’article 2 de cette dernière. Ainsi, les obligations des États membres au titre des articles 3 et 4 de la directive, en cause en l’occurrence, se rapportent concrètement aux agglomérations et varient en fonction de la taille de celles‑ci. Dès lors, la non‑conformité aux exigences de la directive doit être vérifiée par rapport à chaque agglomération considérée individuellement.

39

En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre concerné telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir arrêts Commission/Italie, C‑525/03, EU:C:2005:648, point 14 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Irlande, C‑279/11, EU:C:2012:834, point 18 et jurisprudence citée).

40

Or, en réponse aux questions posées par la Cour lors de l’audience, le gouvernement belge a reconnu que, à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, à savoir le 28 juin 2011, les quinze agglomérations sur lesquelles portent les griefs de la Commission et qui sont citées au point 26 du présent arrêt ne remplissaient pas les exigences de collecte des eaux urbaines résiduaires prévues à l’article 3 de la directive.

41

Dès lors, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’obligation de soumettre la totalité des rejets à un traitement secondaire ou équivalent, prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, n’était également pas remplie (voir, en ce sens, arrêt Commission/Grèce, EU:C:2007:642, point 25 et jurisprudence citée).

42

Par conséquent, force est de constater que, en n’ayant pas assuré la collecte et le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Aywaille, de Baelen, de Blegny, de Chastre, de Grez‑Doiceau, de Jodoigne, de Lasne, d’Obourg, d’Oreye, d’Orp, de Raeren, de Sart‑Dames‑Avelines, de Soiron, de Sombreffe et d’Yvoir‑Anhée, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 3 et 4 de la directive.

43

La Commission, en se désistant partiellement du petitum initial de sa requête concernant certaines agglomérations au vu des informations apportées par le gouvernement belge, demande qu’il soit constaté que les 31 agglomérations figurant au point 27 du présent arrêt ne sont pas en conformité avec l’obligation de traitement des eaux urbaines résiduaires prescrite à l’article 4 de la directive.

44

Il est constant que ces 31 agglomérations sont reprises dans le tableau figurant à l’annexe 1 du mémoire en défense du gouvernement belge, susmentionné, dans lequel il est indiqué que, à la date du 15 octobre 2013, lesdites agglomérations ne remplissaient pas les exigences de l’article 4 de la directive.

45

En tout état de cause, le gouvernement belge ne conteste pas que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, ces 31 agglomérations ne disposaient pas de stations d’épuration opérationnelles des eaux urbaines résiduaires et que, par conséquent, les exigences de l’article 4 de la directive n’étaient pas remplies.

46

En ce qui concerne les deux agglomérations citées au point 28 du présent arrêt, il y a lieu de constater que, à la date du dépôt de la requête de la Commission, elles disposaient de stations d’épuration mais que, contrairement à ce que prévoit l’annexe I, point D, de la directive, douze échantillons n’avaient pas été prélevés au cours de la première année de leur fonctionnement.

47

Estimant, dès lors, que ces agglomérations ne remplissaient pas encore les exigences de l’article 4 de la directive, la Commission a maintenu son recours les concernant. Lors de l’audience, la Commission a toutefois précisé que, s’agissant de ces deux agglomérations, elle n’entendait pas modifier la date à laquelle l’existence d’un manquement devait être appréciée.

48

Or, il n’est pas contesté par le gouvernement belge que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les deux agglomérations en cause ne disposaient pas de stations d’épuration et que, par conséquent, elles n’étaient pas en conformité avec les exigences de l’article 4 de la directive.

49

Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas assuré le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Bassenge, de Chaumont‑Gistoux, de Chièvres, de Crisnée, de Dalhem, de Dinant, d’Écaussinnes, d’Estinnes, de Feluy‑Arquennes, de Fexhe‑Slins, de Fosses‑la‑Ville, de Godarville, de Hannut, de Havré, de Jurbise, de Le Rœulx, de Leuze, de Lillois‑Witterzée, de Profondeville, de Rotheux‑Neuville, de Saint‑Georges‑sur‑Meuse, de Saint‑Hubert, de Sirault, de Sprimont, de Villers‑la‑Ville, de Villers‑le‑Bouillet, de Virginal‑Hennuyères, de Walcourt, de Welkenraedt, de Wépion, de Wiers, de Gaurain‑Ramecroix et de Hélécine, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l’article 4 de la directive.

50

Le gouvernement belge évoque, en ce qui concerne le retard dans la réalisation des travaux nécessaires pour la collecte et le traitement secondaire des eaux urbaines résiduaires, ainsi que le manquement subséquent à ses obligations découlant des articles 3 et 4 de la directive, les contraintes d’ordre matériel, technique et budgétaire qui ont pesé sur la Région wallonne.

51

Il importe de relever que le législateur de l’Union, conscient de l’ampleur des travaux d’infrastructure que nécessitait l’application de la directive et des coûts liés à l’exécution complète de celle‑ci, a accordé aux États membres un délai de plusieurs années pour l’accomplissement de leurs obligations, qui expirait en l’occurrence le 31 décembre 2005. En tout état de cause, conformément à une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de difficultés d’ordre interne pour justifier l’inobservation des obligations résultant du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Commission/Grèce, C‑407/09, EU:C:2011:196, point 36 et jurisprudence citée, ainsi que Commission/Irlande, EU:C:2012:834, point 71).

52

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas assuré la collecte et le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Aywaille, de Baelen, de Blegny, de Chastre, de Grez‑Doiceau, de Jodoigne, de Lasne, d’Obourg, d’Oreye, d’Orp, de Raeren, de Sart‑Dames‑Avelines, de Soiron, de Sombreffe et d’Yvoir‑Anhée, ainsi que le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Bassenge, de Chaumont‑Gistoux, de Chièvres, de Crisnée, de Dalhem, de Dinant, d’Écaussinnes, d’Estinnes, de Feluy‑Arquennes, de Fexhe‑Slins, de Fosses‑la‑Ville, de Godarville, de Hannut, de Havré, de Jurbise, de Le Rœulx, de Leuze, de Lillois‑Witterzée, de Profondeville, de Rotheux‑Neuville, de Saint‑Georges‑sur‑Meuse, de Saint‑Hubert, de Sirault, de Sprimont, de Villers‑la‑Ville, de Villers‑le‑Bouillet, de Virginal‑Hennuyères, de Walcourt, de Welkenraedt, de Wépion, de Wiers, de Gaurain‑Ramecroix et de Hélécine, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 3 et 4 de la directive.

Sur les dépens

53

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

 

1)

En n’ayant pas assuré la collecte et le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations d’Aywaille, de Baelen, de Blegny, de Chastre, de Grez‑Doiceau, de Jodoigne, de Lasne, d’Obourg, d’Oreye, d’Orp, de Raeren, de Sart‑Dames‑Avelines, de Soiron, de Sombreffe et d’Yvoir‑Anhée, ainsi que le traitement des eaux urbaines résiduaires des agglomérations de Bassenge, de Chaumont‑Gistoux, de Chièvres, de Crisnée, de Dalhem, de Dinant, d’Écaussinnes, d’Estinnes, de Feluy‑Arquennes, de Fexhe‑Slins, de Fosses‑la‑Ville, de Godarville, de Hannut, de Havré, de Jurbise, de Le Rœulx, de Leuze, de Lillois‑Witterzée, de Profondeville, de Rotheux‑Neuville, de Saint‑Georges‑sur‑Meuse, de Saint‑Hubert, de Sirault, de Sprimont, de Villers‑la‑Ville, de Villers‑le‑Bouillet, de Virginal‑Hennuyères, de Walcourt, de Welkenraedt, de Wépion, de Wiers, de Gaurain‑Ramecroix et de Hélécine, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions des articles 3 et 4 de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

 

2)

Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.