ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 décembre 2013 ( *1 )

«Pourvoi — Marque communautaire — Marque figurative comportant l’élément verbal ‘BASKAYA’ — Opposition — Convention bilatérale — Territoire d’un État tiers — Notion d’‘usage sérieux’»

Dans l’affaire C‑445/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 octobre 2012,

Rivella International AG, établie à Rothrist (Suisse), représentée par Me C. Spintig, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse en première instance,

Baskaya di Baskaya Alim e C. Sas, établie à Grosseto (Italie),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits (rapporteur), Mme M. Berger et M. S. Rodin, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2013,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi, Rivella International AG demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2012, Rivella International/OHMI – Baskaya di Baskaya Alim (BASKAYA) (T‑170/11, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), du 10 janvier 2011 (affaire R 534/2010‑4), relative à une procédure d’opposition entre la requérante et Baskaya di Baskaya Alim e C. Sas (ci-après la «décision litigieuse»).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le règlement (CE) no 207/2009

2

L’article 8 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1), prévoit, à son paragraphe 2:

«Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a)

les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

i)

les marques communautaires,

ii)

les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès de l’Office Benelux de la propriété intellectuelle,

iii)

les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre,

iv)

les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans la Communauté;

[…]»

3

L’article 42 du règlement no 207/2009 est consacré à la procédure d’opposition devant l’OHMI. Il est rédigé comme suit:

«[…]

2.   Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3.   Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, point a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

[…]»

4

L’article 160 de ce règlement, relatif à l’usage d’une marque faisant l’objet d’un enregistrement international, énonce:

«Aux fins de […] l’article 42, paragraphe 2, […] la date de publication prévue à l’article 152, paragraphe 2, tient lieu de date d’enregistrement en vue de l’établissement de la date à partir de laquelle doit commencer l’usage sérieux dans la Communauté de la marque qui fait l’objet de l’enregistrement international désignant la Communauté européenne.»

La directive 2008/95/CE

5

L’article 10, paragraphe 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25), est libellé comme suit:

«Si, dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée, la marque n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque est soumise aux sanctions prévues dans la présente directive, sauf juste motif pour le non-usage.»

L’arrangement de Madrid

6

L’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, du 14 avril 1891, tel que modifié (ci-après l’«arrangement de Madrid»), prévoit, à son article 4, paragraphe 1:

«À partir de l’enregistrement […], la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. […]»

La convention de 1892

7

L’article 5, paragraphe 1, de la convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques, signée à Berlin le 13 avril 1892, telle que modifiée (ci-après la «convention de 1892»), énonce que les conséquences préjudiciables qui, d’après les lois des parties contractantes, résultent du fait qu’une marque de fabrique ou de commerce n’a pas été employée dans un certain délai ne se produiront pas si l’emploi a lieu sur le territoire de l’autre partie.

Les faits à l’origine du litige

8

Le 25 octobre 2007, Baskaya di Baskaya Alim e C. Sas a présenté une demande de marque communautaire à l’OHMI, en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

9

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant:

Image

10

Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

classe 29: «Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande; fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes; œufs, lait et produits laitiers; huiles et graisses comestibles»;

classe 30: «Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir»;

classe 32: «Bières; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons».

11

La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 13/2008, du 31 mars 2008.

12

Le 30 juin 2008, la requérante a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement no 40/94 (devenu article 41 du règlement no 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée, en invoquant un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009].

13

L’opposition était fondée sur la marque internationale figurative antérieure, enregistrée le 30 juin 1992 sous le numéro 470542 et prolongée jusqu’au 30 juin 2012, produisant des effets en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie, en Autriche et dans les pays du Benelux, pour les produits relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice, à savoir «Bière, ale et porter; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; sirops et autres préparations pour faire des boissons». Cette marque est reproduite ci-dessous:

Image

14

Ayant été invitée à produire la preuve de l’usage de la marque antérieure, la requérante a, le 31 mars 2009, précisé qu’elle ne maintenait l’opposition que pour la partie allemande de l’enregistrement international et présenté plusieurs documents à titre de preuve de l’usage en Suisse. Elle a invoqué, à cet égard, l’article 5 de la convention de 1892. Selon cette convention, l’usage en Suisse équivaudrait à celui ayant cours en Allemagne.

15

Par décision du 8 février 2010, la division d’opposition a, faute de preuve de l’usage de la marque antérieure, rejeté l’opposition. Elle a constaté qu’il résultait des pièces produites que la marque invoquée à l’appui de l’opposition ne faisait l’objet d’un usage qu’en Suisse et a rejeté l’application de la convention de 1892.

16

Le 7 avril 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

17

Par la décision litigieuse, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours au motif que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, invoquée à l’appui de l’opposition, ne concernait que la Confédération suisse. Elle a considéré que le seul cadre juridique pertinent était celui du règlement no 207/2009, et, plus spécifiquement, de l’article 42, paragraphes 2 et 3, de celui‑ci, selon lequel la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre où celle-ci est protégée.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 mars 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

19

À l’appui de son recours, elle invoquait un moyen unique, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009.

20

En particulier, la requérante faisait valoir que, dans la mesure où, conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la convention de 1892, l’usage d’une marque en Allemagne est avéré dès lors que ladite marque est utilisée en Suisse, elle ne devrait pas apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure en Allemagne.

21

En premier lieu, le Tribunal a examiné, aux points 22 à 36 de l’arrêt attaqué, la question de savoir sur quel territoire la preuve de l’usage de la marque antérieure devait être apportée.

22

Au point 26 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué «que les questions liées à la preuve apportée au soutien des motifs d’opposition à une demande d’enregistrement de marque communautaire et les questions liées à l’aspect territorial de l’usage des marques sont régies par les dispositions pertinentes du règlement no 207/2009», indépendamment du droit interne des États membres. Il a précisé à cet égard, au point 27 de cet arrêt, que la qualité nationale ou internationale d’une marque antérieure invoquée lors d’une procédure d’opposition communautaire n’implique aucunement l’application du droit national applicable à cette marque antérieure.

23

Le Tribunal a ainsi constaté que, si les procédures d’enregistrement des marques relèvent du droit national de chaque État membre, il n’en va pas de même de la détermination du territoire sur lequel doit être démontré l’usage sérieux de la marque antérieure, cette question étant régie par les dispositions de droit de l’Union.

24

Par ailleurs, le Tribunal a considéré, au point 36 de l’arrêt attaqué, que, si, dans certaines hypothèses, le droit national peut être applicable, le règlement no 207/2009 a prévu la coexistence des systèmes nationaux et du système communautaire de protection des marques.

25

En second lieu, le Tribunal a considéré, aux points 37 à 40 de l’arrêt attaqué, que, même en ce qui concerne une marque internationale antérieure, la preuve de son usage sérieux peut être requise conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, une telle marque étant assimilée à une marque nationale.

26

Dans ces circonstances, le Tribunal a rejeté le recours en annulation de la requérante.

Les conclusions des parties

27

Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de condamner l’OHMI aux dépens devant la Cour et le Tribunal.

28

L’OHMI demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

Sur le pourvoi

29

À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009. Ce moyen est divisé en trois branches.

Sur la première branche du moyen unique

Argumentation des parties

30

La requérante considère que l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 n’est pas applicable aux marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre.

31

S’appuyant sur le libellé de cette disposition, la requérante fait valoir que celle-ci ne concerne explicitement que les «marques communautaires antérieures» ainsi que les «marques nationales antérieures», et non les autres cas de figure prévus à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, disposition qui retient l’expression plus générale de «marques antérieures». Ainsi, la marque antérieure en conflit avec la marque dont l’enregistrement est demandé relèverait de cet article 8, paragraphe 2, sous a).

32

Cette marque antérieure ayant fait l’objet d’un enregistrement international, c’est à tort que le Tribunal aurait exigé de la requérante qu’elle prouve l’usage de celle‑ci en Allemagne.

33

L’OHMI souligne que, en vertu de l’article 160 du règlement no 207/2009, l’obligation d’usage, telle qu’elle résulte de l’article 42 de ce règlement, est expressément prévue à l’article 160 dudit règlement pour des enregistrements internationaux désignant l’Union européenne.

Appréciation de la Cour

34

Par la première branche de son moyen unique, la requérante considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant appliqué le critère de l’usage sérieux prévu à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 à la marque antérieure dont elle est titulaire, alors même qu’il s’agit d’une marque internationale qui ne relèverait pas de cette disposition.

35

Premièrement, il convient de relever qu’il ressort du libellé de l’article 42 du règlement no 207/2009 que le paragraphe 2 de cet article s’applique aux marques communautaires antérieures, alors que le paragraphe 3 de celui-ci concerne les marques nationales antérieures.

36

Il y a également lieu de constater que ces deux paragraphes ne distinguent pas les marques nationales des marques ayant fait l’objet d’un enregistrement international.

37

Toutefois, les «marques nationales antérieures», mentionnées à l’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009, doivent être comprises comme étant les marques ayant effet dans un État membre, indépendamment du niveau national ou international auquel elles ont été enregistrées.

38

En effet, le paragraphe 3 de cet article prévoit que les règles qu’il fixe s’appliquent aux «marques nationales antérieures» visées à l’article 8, paragraphe 2, sous a), du règlement no 207/2009, sans toutefois distinguer entre les quatre catégories de «marques antérieures» énoncées à cette dernière disposition, parmi lesquelles figurent, notamment, les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant un effet dans un État membre.

39

Partant, l’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 vise uniquement à appliquer l’exigence de l’usage d’une marque communautaire antérieure sur le territoire communautaire, telle qu’elle résulte de l’article 42, paragraphe 2, de ce règlement, au cas des marques nationales antérieures, dont il est précisé que l’usage est requis sur le territoire d’un État membre.

40

Deuxièmement, l’interprétation avancée par la requérante, qui a pour effet d’exclure du champ d’application de l’exigence fondamentale de l’usage les marques internationales, élude le système de protection dans lequel s’inscrit l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 ainsi que l’effet utile de ces dispositions. En particulier, d’une part, il faut souligner que le considérant 10 dudit règlement, qui rappelle le principe d’antériorité de la marque, ne procède à aucune distinction en fonction du type de marque qui fait l’objet de l’opposition. D’autre part, cela résulte également de l’article 160 du règlement no 207/2009, qui exige l’usage concernant l’opposition fondée sur une marque internationale dans le contexte de la détermination de la date d’enregistrement.

41

C’est, en substance, ce qu’a souligné le Tribunal en rappelant, au point 38 de l’arrêt attaqué, que l’article 4, paragraphe 1, de l’arrangement de Madrid, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, sous a), du protocole relatif à l’arrangement de Madrid disposent que la protection de la marque dans chacune des parties contractantes intéressées sera la même que si cette marque avait été déposée directement auprès de l’Office de cette partie contractante.

42

Partant, en vertu de ces dispositions, les «marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre», au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), iii), du règlement no 207/2009, sont soumises au même régime que les «marques enregistrées dans un État membre», visées au point ii) de cet article 8, paragraphe 2, sous a).

43

Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en appliquant l’article 42, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 à la marque dont la requérante est titulaire.

44

Ce faisant, la requérante ne saurait faire valoir que le raisonnement suivi par le Tribunal aux points 33 et 38 de l’arrêt attaqué est contradictoire. En effet, alors que, au point 33 de cet arrêt, le Tribunal souligne, en substance, que la notion d’usage sérieux a fait l’objet d’une harmonisation dans le cadre de la procédure de demande de marque communautaire, au point 38 dudit arrêt, il se réfère à la validité d’une marque internationale sur le territoire d’un État membre.

45

Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique comme étant non fondée.

Sur la deuxième branche du moyen unique

Argumentation des parties

46

Par la deuxième branche de son moyen unique, la requérante considère que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, la question de la «validité territoriale» d’une marque enregistrée au niveau national est exclusivement régie par le droit national. Tel serait en particulier le cas pour les marques nationales ayant fait l’objet d’un enregistrement international avec effet dans un État membre.

47

L’OHMI estime que la notion d’usage de la marque antérieure doit être interprétée uniformément dans le cadre du règlement no 207/2009, qui régit de façon exhaustive la nature de l’usage en cause ainsi que le territoire sur lequel l’usage doit être prouvé. À cet égard, si la convention de 1892 est susceptible d’avoir des conséquences sur le droit allemand des marques, cette convention serait dépourvue d’effet sur le régime communautaire des marques.

Appréciation de la Cour

48

À titre liminaire, il convient de rappeler que le régime des marques communautaires est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir arrêts du 22 mars 2012, Génesis, C‑190/10, point 36, et du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C‑320/12, point 33).

49

À cet égard, la requérante ne saurait remettre en cause les enseignements que le Tribunal a tirés de l’arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI (C-234/06 P, Rec. p. I-7333), s’agissant de la notion d’usage de la marque. En effet, dans cet arrêt, ainsi que l’a rappelé le Tribunal, au point 34 de l’arrêt attaqué, la Cour a jugé que la notion nationale de marque défensive, en vertu de laquelle une marque antérieure bénéficie d’une protection sur le fondement du droit national, alors même que son usage ne peut être établi, ne peut faire obstacle à l’enregistrement d’une marque communautaire.

50

Il n’en serait autrement que dans la mesure où les règles relatives à la marque communautaire ne procéderaient pas à une harmonisation de la notion d’usage de la marque.

51

Or, l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2008/95, qui a pour objet l’harmonisation des réglementations nationales sur les marques, prévoit que, au‑delà d’un certain délai, la marque qui n’a pas fait l’objet par son titulaire d’un usage sérieux dans l’État membre concerné est soumise aux sanctions prévues par cette directive, dont, notamment, la nullité.

52

Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la notion d’usage de la marque communautaire sur le territoire de l’Union est régie de façon exhaustive par le seul droit de l’Union.

53

Il convient, par conséquent, de rejeter la deuxième branche du moyen unique comme étant non fondée.

Sur la troisième branche du moyen unique

Argumentation des parties

54

Selon la requérante, la circonstance que l’usage, sur le territoire allemand, de la marque dont l’enregistrement est demandé puisse être interdit en vertu de la convention de 1892, conduirait à affecter le caractère unitaire de la marque communautaire. Or, s’il est admis que le principe de l’unicité d’une telle marque connaît des exceptions, ces dernières devraient être expressément prévues par le règlement no 207/2009, ainsi que cela ressort du considérant 3 de ce règlement.

55

Se référant aux articles 111 et 165 dudit règlement, l’OHMI souligne que le principe du caractère unitaire de la marque communautaire n’est pas absolu.

Appréciation de la Cour

56

Il convient de rappeler que le principe du caractère unitaire de la marque connaît des exceptions, telles que prévues par le règlement no 207/2009.

57

En particulier, l’article 111, paragraphe 1, de ce règlement permet au titulaire d’un droit antérieur de portée locale de s’opposer à l’usage de la marque communautaire sur le territoire sur lequel ce droit est protégé, dans la mesure où la législation de l’État membre concerné le permet.

58

Partant, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 36 de l’arrêt attaqué, que le principe du caractère unitaire de la marque n’est pas absolu.

59

Il s’ensuit que la troisième branche du moyen unique n’est pas fondée et que, dès lors, le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

60

Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant conclu à la condamnation de Rivella International AG et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Rivella International AG est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.