ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

6 septembre 2012 ( *1 )

«Recours en annulation — Règlement (UE, Euratom) no 617/2010 — Communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans l’Union européenne — Choix de la base juridique — Articles 337 TFUE et 187 EA — Article 194 TFUE»

Dans l’affaire C‑490/10,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE, introduit le 8 octobre 2010,

Parlement européen, représenté par Mme M. Gómez-Leal ainsi que par MM. J. Rodrigues et L. Visaggio, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Simm et A. Lo Monaco, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

République française, représentée par MM. G. de Bergues et A. Adam, en qualité d’agents,

Commission européenne, représentée par M. P. Oliver et Mme O. Beynet, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. U. Lõhmus, A. Rosas, A. Ó Caoimh (rapporteur) et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, le Parlement européen demande à la Cour, d’une part, d’annuler le règlement (UE, Euratom) no 617/2010 du Conseil, du 24 juin 2010, concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans l’Union européenne, et abrogeant le règlement (CE) no 736/96 (JO L 180, p. 7, ci-après le «règlement attaqué»), et, d’autre part, dans le cas où la Cour annulerait ce règlement, de maintenir les effets de celui-ci jusqu’à ce qu’un nouveau règlement soit adopté.

Le cadre juridique

2

Les considérants 1 à 5, 7, 8, 11 et 15 du règlement attaqué sont libellés comme suit:

«(1)

Il est essentiel que la Commission européenne dispose d’une vue d’ensemble de l’évolution des investissements dans les infrastructures énergétiques au sein de l’Union pour pouvoir s’acquitter de sa mission dans le domaine de l’énergie. Le fait de disposer régulièrement d’informations et de données actualisées devrait permettre à la Commission de réaliser les comparaisons ou évaluations nécessaires, ou de proposer des mesures utiles, sur la base de chiffres et d’analyses appropriés, notamment en ce qui concerne le futur équilibre entre l’offre et la demande d’énergie.

(2)

Le paysage énergétique à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union ayant profondément changé ces dernières années, les investissements dans les infrastructures énergétiques sont devenus essentiels pour assurer l’approvisionnement énergétique de l’Union, garantir le fonctionnement du marché intérieur et mener à bien le passage à un système énergétique à faibles émissions de CO2 que l’Union a amorcé.

(3)

Le nouveau contexte énergétique requiert des investissements importants dans tous les types d’infrastructures de tous les secteurs de l’énergie, ainsi que le développement de nouveaux types d’infrastructures et l’adoption de nouvelles technologies par le marché. La libéralisation du secteur de l’énergie et la poursuite de l’intégration du marché intérieur confèrent aux agents économiques un rôle plus important dans les investissements. Parallèlement, de nouvelles obligations, découlant notamment de la fixation d’objectifs en matière de combinaison de combustibles, amèneront les États membres à réorienter leurs politiques vers la construction de nouvelles infrastructures énergétiques ou la modernisation d’infrastructures existantes.

(4)

Dans ce contexte, il convient d’accorder davantage d’attention aux investissements dans les infrastructures énergétiques dans l’Union, notamment afin d’anticiper les problèmes, de promouvoir les bonnes pratiques et d’instaurer une plus grande transparence en ce qui concerne l’évolution future du système énergétique de l’Union.

(5)

La Commission, et en particulier son observatoire du marché de l’énergie, devraient donc disposer de données et d’informations précises sur les projets d’investissement, y compris concernant la mise hors service, pour les composantes les plus importantes du système énergétique de l’Union.

[...]

(7)

Conformément aux articles 41 et 42 [EA], les entreprises sont tenues de communiquer leurs projets d’investissement. Il convient de compléter ces informations au moyen, en particulier, de la communication régulière d’informations sur la mise en œuvre des projets d’investissement. Cette communication supplémentaire est sans préjudice des articles 41 à 44 [EA].

(8)

Afin que la Commission dispose d’une vision cohérente de l’évolution future de l’ensemble du système énergétique de l’Union, il est nécessaire de prévoir un cadre harmonisé pour la communication d’informations relatives aux projets d’investissement, fondé sur des catégories mises à jour de données et d’informations officielles à transmettre par les États membres.

[...]

(11)

Afin d’éviter une charge administrative disproportionnée et de réduire autant que possible les coûts pour les États membres et pour les entreprises, notamment les PME, il convient que le présent règlement prévoie la possibilité d’exempter un État membre ou une entreprise de ses obligations de communication d’informations à condition que des informations équivalentes soient fournies à la Commission en vertu d’actes législatifs dans le secteur de l’énergie, adoptés par les institutions de l’Union et ayant pour objectifs des marchés de l’énergie concurrentiels dans l’Union, un système énergétique de l’Union durable et la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union. Il y a donc lieu d’éviter tout double emploi avec les obligations en matière de communication prévues dans le troisième ensemble de mesures pour un marché intérieur dans le domaine du gaz naturel et de l’électricité.

[...]

(15)

La Commission, et en particulier son observatoire du marché de l’énergie, devrait fournir une analyse régulière et transsectorielle de l’évolution structurelle et des perspectives du système énergétique de l’Union, ainsi que, le cas échéant, une analyse plus ciblée de certains aspects de ce système énergétique. Cette analyse devrait notamment contribuer à déceler les éventuelles lacunes en matière d’infrastructures et d’investissements en vue d’un équilibre entre l’offre et la demande d’énergie. L’analyse devrait aussi servir à alimenter un débat au niveau de l’Union sur les infrastructures énergétiques et devrait par conséquent être transmise au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen et rendue accessible aux parties intéressées.»

3

L’article 1er du règlement attaqué, intitulé «Objet et champ d’application», dispose:

«1.   Le présent règlement établit un cadre commun pour la communication à la Commission de données et d’informations relatives aux projets d’investissement dans les infrastructures énergétiques des secteurs du pétrole, du gaz naturel, de l’électricité, y compris l’électricité provenant de sources d’énergie renouvelables, et des biocarburants et aux projets d’investissement concernant le captage et le stockage du dioxyde de carbone produit par ces secteurs.

2.   Le présent règlement s’applique aux types de projets d’investissement énumérés à l’annexe pour lesquels les travaux de construction ou de mise hors service ont commencé ou pour lesquels une décision d’investissement définitive a été prise.

[...]»

4

L’article 2 de ce règlement, intitulé «Définitions», énonce notamment que, aux fins de ce règlement, on entend par:

«10)

‘sources d’énergie’:

i)

les sources d’énergie primaires, telles que le pétrole, le gaz naturel ou le charbon;

ii)

les sources d’énergie transformées, telles que l’électricité;

iii)

les sources d’énergie renouvelables, notamment l’hydroélectricité, la biomasse, le biogaz ou l’énergie éolienne, solaire, marémotrice, houlomotrice et géothermique; ou

iv)

les produits énergétiques, comme les produits pétroliers raffinés et les biocarburants».

5

L’article 3 dudit règlement, intitulé «Communication des données», prévoit:

«1.   Tout en maintenant à un niveau raisonnable la charge représentée par la collecte et la communication d’informations, les États membres ou les entités auxquelles ils délèguent cette tâche rassemblent toutes les données et informations visées par le présent règlement à partir du 1er janvier 2011, puis tous les deux ans.

Ils communiquent à la Commission les données et les informations pertinentes relatives aux projets visées par le présent règlement en 2011 (première année de référence), puis tous les deux ans. [...]

[...]

2.   Les États membres et leurs entités déléguées sont exemptés des obligations énoncées au paragraphe 1, pour autant que, et dans la mesure où, en vertu du droit de l’Union dans le secteur de l’énergie ou du traité Euratom:

a)

l’État membre concerné ou son entité déléguée a déjà communiqué à la Commission les données ou informations correspondant aux exigences fixées par le présent règlement et a précisé la date de cette communication et l’acte juridique en vertu duquel elle a eu lieu; ou

b)

un organisme spécifique est chargé de l’élaboration d’un plan d’investissement pluriannuel dans les infrastructures énergétiques au niveau de l’Union et rassemble à cette fin des données et informations correspondant aux exigences fixées par le présent règlement. Dans ce cas et aux fins du présent règlement, l’organisme spécifique communique toutes les données et informations pertinentes à la Commission.»

6

Aux termes de l’article 4 du même règlement, intitulé «Sources de données»:

«Les entreprises concernées communiquent, avant le 1er juin de chaque année de référence, les données ou informations visées à l’article 3 aux États membres ou à leurs entités déléguées sur le territoire desquels elles envisagent de réaliser des projets d’investissement. [...]

Le premier alinéa ne s’applique toutefois pas aux entreprises lorsque l’État membre concerné décide d’utiliser d’autres moyens pour procurer à la Commission les données ou informations visées à l’article 3.»

7

L’article 5 du règlement attaqué, sous le titre «Contenu de la communication», dispose:

«1.   En ce qui concerne les types de projets d’investissement visés à l’annexe, la communication prévue à l’article 3 mentionne, le cas échéant:

a)

le volume des capacités prévues ou en construction;

b)

le type et les principales caractéristiques des infrastructures ou capacités prévues ou en construction, y compris la localisation des projets de transport transfrontières, le cas échéant;

c)

l’année probable de mise en service;

d)

le type de sources d’énergie utilisé;

e)

les installations permettant de répondre aux crises en matière de sécurité d’approvisionnement, telles que les équipements permettant les flux inverses ou la commutation de combustible; et

f)

l’installation de systèmes de captage du dioxyde de carbone ou de mécanismes de mise en conformité rétroactive pour le captage et le stockage du dioxyde de carbone.

2.   En ce qui concerne la mise hors service proposée d’installations, la communication prévue à l’article 3 mentionne:

a)

le type et la capacité des infrastructures concernées; et

b)

l’année probable de mise hors service.

3.   Toute communication au titre de l’article 3 mentionne, le cas échéant, le volume total des capacités de production, de transport et de stockage qui sont en place au début de l’année de référence concernée ou dont l’exploitation est interrompue pour une durée supérieure à trois ans.

Les États membres, leurs entités déléguées ou l’organisme spécifique visé à l’article 3, paragraphe 2, point b), peuvent joindre à leurs communications des observations pertinentes relatives, par exemple, à des retards ou à des obstacles à la mise en œuvre des projets d’investissement.»

8

Intitulé «Qualité et publicité des données», l’article 6 de ce règlement énonce:

«1.   Les États membres, leurs entités déléguées ou, le cas échéant, les organismes spécifiques visent à assurer la qualité, la pertinence, l’exactitude, la clarté, l’actualité et la cohérence des données et informations qu’ils communiquent à la Commission.

Dans le cas des organismes spécifiques, les données et informations communiquées peuvent être accompagnées d’observations appropriées des États membres.

2.   La Commission peut publier les données et informations transmises conformément au présent règlement, en particulier dans le cadre des analyses visées à l’article 10, paragraphe 3, à condition que les données et informations soient publiées sous une forme agrégée et qu’aucune information détaillée concernant des entreprises et des installations données ne soit divulguée ou ne puisse être obtenue par déduction.

3.   Les États membres, la Commission ou les entités déléguées par les États préservent chacun la confidentialité des données ou informations sensibles sur le plan commercial qui sont en leur possession.»

9

L’article 7 du règlement attaqué prévoit que la Commission arrête, d’ici le 31 octobre 2010, les dispositions nécessaires à l’application dudit règlement concernant la forme et les autres caractéristiques techniques de la communication des données et informations visée aux articles 3 et 5 du même règlement.

10

Aux termes de l’article 8 du règlement attaqué, intitulé «Traitement des données»:

«La Commission est responsable du développement, de l’hébergement, de la gestion et de la maintenance des ressources informatiques nécessaires à la réception, au stockage et à tout traitement des données ou informations sur les infrastructures énergétiques qui lui sont communiquées conformément au présent règlement.»

11

L’article 9 de ce règlement, intitulé «Protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données», prévoit:

«Le présent règlement s’entend sans préjudice du droit de l’Union et, en particulier, ne modifie pas les obligations qui incombent aux États membres en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel, établies par la directive 95/46/CE, ni les obligations qui incombent aux institutions et organes de l’Union conformément au règlement (CE) no 45/2001 relatif au traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires.»

12

L’article 10 dudit règlement, intitulé «Suivi et rapports», dispose à son paragraphe 1:

«Sur la base des données et informations transmises et, le cas échéant, de toute autre source de données, y compris des données acquises par elle, et compte tenu des analyses pertinentes telles que les plans pluriannuels de développement du réseau pour le gaz et pour l’électricité, la Commission transmet au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen et publie tous les deux ans une analyse transsectorielle de l’évolution structurelle et des perspectives du système énergétique de l’Union. Cette analyse vise notamment à:

a)

déceler les futurs écarts potentiels entre l’offre et la demande d’énergie qui sont significatifs pour la politique énergétique de l’Union;

b)

déceler les obstacles à l’investissement et promouvoir les bonnes pratiques pour y remédier; et

c)

améliorer la transparence pour les participants au marché et les nouveaux entrants potentiels sur le marché.

Sur la base de ces données et informations, la Commission peut aussi fournir toute analyse spécifique jugée nécessaire ou appropriée.»

13

En vertu de l’article 13 du règlement attaqué, ce dernier est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 15 juillet 2010.

14

L’annexe de ce règlement, intitulée «Projets d’investissement», énonce, notamment:

«3.

Électricité

3.1.

Production

Centrales thermiques et nucléaires (groupes d’une puissance d’au moins 100 MWe),

[...]»

Les antécédents du litige

15

Le 17 juillet 2009, la Commission a saisi le Conseil d’une proposition de règlement visant à remplacer le règlement (CE) no 736/96 du Conseil, du 22 avril 1996, concernant la communication à la Commission des projets d’investissement d’intérêt communautaire dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel et de l’électricité (JO L 102, p. 1). Cette proposition était fondée sur les articles 284 CE et 187 EA. Même si ces dispositions ne prévoient aucune forme d’implication du Parlement dans la procédure décisionnelle, le Conseil a décidé de consulter ce dernier, comme il l’avait fait à l’occasion de l’adoption du règlement no 736/96.

16

À la suite de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne, le président de la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement a, par une lettre du 8 décembre 2009, invité le membre de la Commission chargé du domaine de l’énergie à réexaminer le choix de la base juridique de cette proposition, afin que celle-ci soit désormais fondée sur l’article 194 TFUE. Celui-ci a répondu que l’article 284 CE, lequel est devenu l’article 337 TFUE, et l’article 187 EA, n’ayant pas été affectés par le traité de Lisbonne, constituaient toujours la base juridique à retenir en matière de communication d’informations.

17

Le 25 février 2010, le Parlement a adopté une résolution portant avis sur ladite proposition, dont l’amendement no 1 avait pour objet de substituer l’article 194, paragraphes 1 et 2, TFUE aux articles 337 TFUE et 187 EA en tant que base juridique.

18

Le Conseil n’a pas modifié la proposition de règlement sur ce point et a, le 24 juin 2010, adopté le règlement attaqué sur la base des articles 337 TFUE et 187 EA.

19

Estimant que le règlement attaqué aurait dû être adopté sur le seul fondement de l’article 194, paragraphes 1 et 2, TFUE, le Parlement a introduit le présent recours en annulation.

Les conclusions des parties

20

Le Parlement conclut à ce que la Cour:

annule le règlement attaqué, et

condamne le Conseil aux dépens.

21

Le Conseil conclut à ce que la Cour:

rejette le recours, et

condamne le Parlement aux dépens.

22

Par ordonnance du président de la Cour du 5 avril 2011, la République française et la Commission ont été admises à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

Sur le recours

Argumentation des parties

23

Le Parlement soulève un moyen unique d’annulation, tiré de l’erreur dans le choix de la base juridique du règlement attaqué, en ce que celui-ci aurait été adopté à tort sur la base de l’article 337 TFUE, alors que le législateur de l’Union disposait des pouvoirs nécessaires à cet effet en vertu de l’article 194, paragraphe 2, TFUE. Cette erreur devrait entraîner l’annulation dudit règlement, dès lors que le Parlement n’a pu participer à son adoption que dans les limites d’une simple consultation, alors que, conformément à cette dernière disposition, la procédure législative ordinaire aurait dû être suivie.

24

Selon le Parlement, l’objet principal du règlement attaqué consiste à contribuer à la réalisation des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie, énumérés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, particulièrement en ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement énergétique.

25

Quant au contenu de ce règlement, le Parlement soutient qu’il ressort de l’article 10, paragraphe 1, de celui-ci que la Commission est chargée, sur la base des informations transmises au titre dudit règlement, d’élaborer périodiquement une analyse transsectorielle de l’évolution structurelle et des perspectives du système énergétique de l’Union, dans le but, notamment, de déceler les futurs écarts potentiels entre l’offre et la demande d’énergie qui sont significatifs pour la politique énergétique de l’Union et d’améliorer la transparence pour les participants au marché de l’énergie et les nouveaux entrants potentiels. Or, le fonctionnement de ce marché, la sécurité de l’approvisionnement énergétique et l’efficacité énergétique seraient au nombre des objectifs mentionnés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE. La collecte d’informations organisée par le même règlement ne constituerait qu’un outil au service de la réalisation de ces objectifs.

26

Le Parlement ne conteste pas le fait qu’il soit possible d’utiliser l’article 337 TFUE comme base juridique générale en ce qui concerne des mesures relatives à la collecte d’informations. Toutefois, se référant aux arrêts du 6 juillet 1982, France e.a./Commission (188/80 à 190/80, Rec. p. 2545), ainsi que du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil (C-426/93, Rec. p. I-3723), il fait valoir que, lorsqu’une telle collecte répond spécifiquement aux finalités propres à l’une des politiques de l’Union, une telle base générale devrait s’effacer devant la base spécifique correspondant à ces finalités.

27

En tout état de cause, à supposer même que l’article 337 TFUE puisse légitimement être utilisé, en l’espèce, au même titre que l’article 194, paragraphe 2, TFUE, le Parlement, invoquant l’arrêt du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C-300/89, Rec. p. I-2867, point 20), estime que, conformément à la jurisprudence de la Cour, cette dernière base juridique devrait être privilégiée par rapport à la première, dès lors qu’elle associe plus étroitement le Parlement à l’adoption de l’acte concerné.

28

S’agissant du recours additionnel à l’article 187 EA, le Parlement fait valoir qu’un tel recours n’était pas nécessaire. En effet, à la différence de l’article 40 EA, le mécanisme de collecte d’informations mis en place par le règlement attaqué ne s’inscrirait pas dans le cadre d’un objectif de promotion ou de coordination des investissements dans le domaine nucléaire. Ainsi, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement, la communication de données relatives au secteur nucléaire ne serait nécessaire que dans le cas où ces données n’ont pas déjà été transmises à la Commission en vertu du traité CEEA. Ledit règlement ne porterait donc pas sur l’adoption de mesures visant spécifiquement le développement du secteur nucléaire.

29

En tout état de cause, à supposer même que le recours à l’article 187 EA s’imposerait au vu du but poursuivi par le règlement attaqué et du contenu de ce dernier, le Parlement estime que le recours concomitant à l’article 187 EA et à l’article 194, paragraphe 2, TFUE est possible, ces deux dispositions n’étant pas incompatibles sur le plan procédural. Selon l’arrêt du 6 novembre 2008, Parlement/Conseil (C-155/07, Rec. p. I-8103, point 79), la procédure législative ordinaire serait alors applicable, puisque l’article 194, paragraphe 2, TFUE prévoit une participation plus importante du Parlement. L’erreur commise par le Conseil sur ce point entraînerait, par conséquent, une irrégularité purement formelle dans la mesure où elle n’affecterait pas le choix de la procédure décisionnelle applicable.

30

Enfin, le Parlement indique qu’il ne s’oppose pas à ce que, dans l’hypothèse où la Cour annulerait le règlement attaqué, elle maintienne les effets de ce dernier, conformément à l’article 264, second alinéa, TFUE, dès lors qu’il n’est en désaccord ni avec le but poursuivi par ce règlement ni avec les moyens envisagés à cet effet, considérés dans leur ensemble.

31

Le Conseil, soutenu par la République française et la Commission, conteste l’allégation selon laquelle le règlement attaqué a pour but la réalisation des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie. En effet, selon son article 1er, paragraphe 1, ce règlement aurait pour objet d’établir un cadre commun pour la communication à la Commission de données et d’informations relatives aux projets d’investissement dans les infrastructures énergétiques. Le but de ce règlement serait ainsi de permettre à la Commission de disposer régulièrement de données actualisées pour accomplir ses tâches, dans la mesure où la possession d’informations fiables est essentielle à cette fin. Le Parlement confondrait, à cet égard, le but du règlement attaqué avec l’objectif qui sera poursuivi ultérieurement par des mesures qui seront éventuellement proposées par la Commission sur la base de l’analyse de l’information ainsi recueillie. Le but de ces propositions futures ne constituerait pas un élément objectif aux fins du choix de la base juridique dudit règlement.

32

La Commission fait observer, à cet égard, qu’une collecte d’informations relatives aux investissements dans les infrastructures énergétiques ne saurait contribuer directement à la réalisation des objectifs de la politique énergétique et à la sécurité de l’approvisionnement dans l’Union. Pour ce faire, des mesures beaucoup plus étendues qu’une simple collecte d’informations seraient nécessaires, telles que, notamment, l’organisation d’investissements dans certaines infrastructures, la création de sources de financement ou la mise en place d’un cadre incitatif pour ces investissements.

33

S’agissant du contenu du règlement attaqué, le Conseil estime qu’il ressort clairement des articles 3 à 10 de ce dernier que la communication d’informations en constitue le seul élément, ce règlement fixant l’obligation, pour les États membres et les entreprises, de rassembler les données requises et de les transmettre à la Commission sous forme agrégée. En particulier, l’article 10 dudit règlement définirait à cette fin les tâches spécifiques attribuées à la Commission ainsi que les modalités d’utilisation et de diffusion de ces données.

34

Selon le Conseil, le recours à l’article 337 TFUE exige que soient réunis trois éléments, à savoir, respectivement, l’obligation de transmettre l’information à la Commission, la fixation de limites et de conditions par le Conseil ainsi que le caractère nécessaire de l’information aux fins de l’accomplissement des tâches confiées à la Commission. À la lumière des articles 3 et 4 du règlement attaqué, le premier de ces éléments serait manifestement présent. Le deuxième le serait également puisque, à ses articles 5 à 9, ce règlement fixerait les limites en ce qui concerne le type d’informations concernées ainsi que la publicité et le traitement des données, tandis que l’article 10 dudit règlement définirait les tâches spécifiques attribuées à la Commission ainsi que les modalités d’utilisation et de diffusion de ces données par celle-ci. Le Conseil ajoute que les informations que la Commission peut demander doivent être nécessaires à l’accomplissement de ses tâches, lesquelles sont exposées de façon spécifique à l’article 10 du même règlement et, en termes plus généraux, à l’article 17 TUE.

35

Le Conseil fait observer que la Cour a déjà jugé, au point 19 de l’arrêt Allemagne/Conseil, précité, que l’article 337 TFUE constitue la base juridique correcte pour la collecte d’informations par la Commission, dès lors que cette dernière est investie par cette disposition d’une compétence générale pour recueillir toute information nécessaire pour l’accomplissement de ses tâches.

36

Le Conseil et la République française contestent l’argument selon lequel l’article 337 TFUE devrait être écarté lorsque la collecte d’informations se rattache à l’une des politiques de l’Union. En effet, le fait qu’un acte se rapporte au domaine de l’énergie ne suffirait pas pour rendre l’article 194 TFUE applicable. Ainsi, dans le cas d’espèce, bien que le règlement attaqué soit rattachable au domaine de l’énergie, il n’en resterait pas moins que ses incidences sur la politique énergétique de l’Union ne seraient qu’indirectes et accessoires par rapport à l’objet principal de ce règlement.

37

Selon le Conseil, la République française et la Commission, l’interprétation préconisée par le Parlement aboutirait à supprimer tout effet utile à l’article 337 TFUE, puisque, en vertu du principe des compétences d’attribution, cette disposition ne trouverait à s’appliquer qu’en présence d’une compétence de l’Union.

38

Le Conseil souligne que l’éventualité que d’autres dispositions du traité FUE puissent continuer à s’appliquer dans le domaine de l’énergie, nonobstant l’introduction dans ce traité d’une base juridique concernant la politique de l’énergie, est prévue à l’article 194 TFUE lui-même, lequel s’applique «sans préjudice d’autres dispositions du traité». Tel serait le cas, non seulement de l’article 337 TFUE en ce qui concerne la collecte d’informations par la Commission, mais aussi, notamment, de l’article 122 TFUE, qui autorise l’adoption par le Conseil de mesures appropriées en cas de crise dans l’approvisionnement de produits dans le domaine de l’énergie, ainsi que de l’article 170 TFUE, s’agissant du développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures de l’énergie, et de l’article 338 TFUE en matière de statistiques.

39

Le Conseil, la République française et la Commission considèrent que les articles 337 TFUE et 338 TFUE, qui figurent parmi les dispositions générales et finales du traité FUE, ont un caractère général, en ce sens qu’ils sont applicables à tous les domaines de compétence de l’Union. Ces dispositions devraient, par conséquent, être considérées comme plus spécifiques quant à leurs objets, visant, respectivement, l’établissement de statistiques et le droit d’information de la Commission, par rapport à toute autre disposition de ce traité relative à une politique sectorielle. L’interprétation de l’arrêt Allemagne/Conseil, précité, à laquelle s’est livré le Parlement serait donc erronée.

40

Le Conseil et la Commission soulignent, à cet égard, que, si les données recueillies grâce au règlement attaqué concernent les infrastructures énergétiques, elles peuvent être utilisées par la Commission, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de celui-ci, non seulement dans le cadre de la politique de l’énergie, mais également au bénéfice de toutes ses politiques, telles que le développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures de l’énergie, de la concurrence, de la liberté d’établissement, de la libre prestation des services ou de la libre circulation des capitaux.

41

Le Conseil, soutenu également sur ce point par la République française et la Commission, considère que le recours à l’article 187 EA comme base juridique additionnelle du règlement attaqué est également justifié, dès lors que les centrales nucléaires entrent dans le champ d’application de ce règlement. Si l’article 41 EA oblige les entreprises à communiquer leurs projets à la Commission pour lui permettre d’évaluer chaque projet individuellement, l’article 187 EA serait la base juridique conférant à la Commission le pouvoir de demander les informations qu’elle considère comme nécessaires pour l’accomplissement de toutes ses missions. Or, les procédures prévues aux articles 337 TFUE et 187 EA seraient compatibles et le cumul de ces deux dispositions ne porterait pas atteinte aux prérogatives du Parlement.

42

Le Conseil ajoute que la participation plus ou moins importante d’une institution à la formation d’un acte ne saurait déterminer le choix d’une base juridique, lequel doit reposer exclusivement sur le but et le contenu de cet acte. La procédure suivie pour statuer sur un acte donné serait la conséquence de la base juridique retenue et non l’inverse.

43

À titre subsidiaire, le Conseil demande que, dans le cas où la Cour déciderait d’annuler le règlement attaqué, les effets de celui-ci soient maintenus jusqu’à l’adoption d’un nouvel acte.

Appréciation de la Cour

44

Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte, et non sur la base juridique retenue pour l’adoption d’autres actes de l’Union présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires. Par ailleurs, lorsqu’il existe, dans le traité, une disposition plus spécifique pouvant constituer la base juridique de l’acte en cause, celui-ci doit être fondé sur cette disposition (arrêt Parlement/Conseil, précité, point 34 et jurisprudence citée).

45

Si l’examen d’une mesure démontre qu’elle poursuit deux fins ou qu’elle a deux composantes et si l’une de ces fins ou de ces composantes est identifiable comme principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la fin ou la composante principale ou prépondérante (arrêt Parlement/Conseil, précité, point 35 et jurisprudence citée).

46

S’agissant d’une mesure poursuivant à la fois plusieurs objectifs ou ayant plusieurs composantes qui sont liés de façon indissociable, sans que l’un soit accessoire par rapport à l’autre, la Cour a jugé que, lorsque différentes dispositions du traité sont ainsi applicables, une telle mesure doit être fondée, à titre exceptionnel, sur les différentes bases juridiques correspondantes (arrêt Parlement/Conseil, précité, point 36 et jurisprudence citée).

47

Toutefois, la Cour a déjà jugé que le recours à une double base juridique est exclu lorsque les procédures prévues pour l’une et l’autre de ces bases sont incompatibles (arrêt Parlement/Conseil, précité, point 37 et jurisprudence citée).

48

En vue d’apprécier le bien-fondé du présent recours, il convient, dès lors, d’examiner, dans un premier temps, la finalité ainsi que le contenu du règlement attaqué, afin de déterminer, dans un deuxième temps, si ce règlement a pu être valablement fondé, comme le font valoir le Conseil, la République française et la Commission, sur l’article 337 TFUE, en lieu et place de l’article 194, paragraphe 2, TFUE, invoqué par le Parlement comme base juridique appropriée, puis d’examiner, dans un troisième temps, si le recours additionnel à l’article 187 EA était également requis, ce que conteste aussi le Parlement.

Sur la finalité du règlement attaqué

49

Le considérant 1 du règlement attaqué expose que ce dernier vise à doter la Commission des informations précises concernant l’évolution des investissements dans les infrastructures énergétiques au sein de l’Union, afin qu’elle puisse s’acquitter des missions qui lui sont confiées dans le domaine de l’énergie, en adoptant toute mesure utile en ce qui concerne le futur équilibre entre l’offre et la demande d’énergie.

50

Les considérants 2 à 5 et 8 à 15 du règlement attaqué précisent, à cet égard, que l’objectif poursuivi par ce règlement est, ainsi, de permettre à la Commission de fournir une analyse de l’évolution structurelle et des perspectives de l’ensemble du système énergétique de l’Union afin, notamment, de déceler les éventuelles lacunes en matière d’infrastructures et d’investissements en vue d’un équilibre entre l’offre et la demande et, partant, de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et la poursuite de l’intégration de celui-ci, d’assurer l’approvisionnement énergétique de l’Union, notamment, en instaurant une plus grande transparence en ce qui concerne l’évolution future du système énergétique de l’Union, ainsi que de promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie, en particulier en assurant la transition vers un système énergétique à faible émission de CO2 et en développant de nouvelles technologies.

51

Par ailleurs, dans l’exposé des motifs du règlement attaqué, figurant dans la proposition de règlement du Conseil concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans la Communauté européenne, et abrogeant le règlement (CE) no 736/96 [COM(2009) 361 final], la Commission souligne, s’agissant de la motivation et des objectifs de sa proposition, que celle-ci s’inscrit dans le contexte de la nouvelle politique énergétique visant, notamment, à garantir la sécurité de l’approvisionnement et à atténuer le changement climatique.

52

Il en résulte clairement que, si, certes, comme le soutiennent le Conseil, la République française et la Commission, le règlement attaqué a pour objet la collecte d’informations, celle-ci est instituée par ce règlement afin que l’Union puisse réaliser certains objectifs qui lui ont été assignés dans le domaine de l’énergie.

Sur le contenu du règlement attaqué

53

Il y a lieu de constater d’emblée que plusieurs dispositions du règlement attaqué, prises isolément, n’apparaissent pas, en elles-mêmes, liées à la mise en œuvre des objectifs assignés à la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie.

54

Tel est le cas de l’article 4 du règlement attaqué, qui se borne à identifier la source des données à transmettre à la Commission, à savoir les entreprises qui envisagent de réaliser des projets d’investissement dans des infrastructures énergétiques, ainsi que des articles 8 et 9 de ce règlement, qui concernent, respectivement, le traitement de ces données par la Commission et la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données. Il en est de même de l’article 7 dudit règlement qui est relatif à l’adoption par la Commission de mesures d’application du même règlement. De telles dispositions générales sont susceptibles d’être intégrées dans tout acte de l’Union prévoyant un système de collecte d’informations.

55

Il y a cependant lieu de constater que le contenu d’autres dispositions du règlement attaqué se rattache étroitement à la politique énergétique de l’Union.

56

Ainsi, il ressort de l’article 1er du règlement attaqué, lu en combinaison avec les définitions énoncées à l’article 2 de ce règlement, que ce dernier prévoit la mise en place d’un cadre commun pour la communication à la Commission de données et d’informations relatives aux projets d’investissement dans les infrastructures concernant pratiquement tous les secteurs énergétiques, y compris l’électricité provenant des sources d’énergie renouvelables et les biocarburants, ce qui suggère que ledit règlement vise à assurer le bon fonctionnement du marché de l’énergie, la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables.

57

De même, l’article 3, paragraphe 1, du règlement attaqué précise que, sauf pour les projets de transport transfrontières, les données et informations pertinentes relatives à ces projets d’investissement doivent être communiquées sous forme agrégée, ce qui implique que ces informations sont destinées à une activité de programmation visant à assurer un équilibre entre l’offre et la demande d’énergie dans l’Union. Cette interprétation est corroborée par le paragraphe 2 de cet article, dès lors que celui-ci, afin d’éviter, ainsi qu’il ressort du considérant 11 de ce règlement, tout double emploi avec les mesures relatives au marché intérieur dans le domaine du gaz naturel et de l’électricité, exempte les États membres de cette obligation de collecte d’informations lorsqu’un organisme chargé, en vertu du droit de l’Union, de l’élaboration d’un plan d’investissement pluriannuel a déjà rassemblé à cette fin des informations correspondant aux exigences dudit règlement.

58

En outre, il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du règlement attaqué que ce dernier impose aux États membres de fournir des informations précises et détaillées concernant leurs projets d’investissement dans le secteur de l’énergie, notamment, le volume, le type et les caractéristiques principales des capacités prévues ou en construction, l’année probable de mise en service, le type de source d’énergie utilisé et les installations permettant de répondre aux crises en matière de sécurité d’approvisionnement. Par ailleurs, le paragraphe 3 de cet article invite les États membres à joindre à leurs communications des observations pertinentes relatives, par exemple, à des retards ou à des obstacles à la mise en œuvre des projets d’investissement. Force est de constater que de telles obligations ont vocation à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union.

59

Enfin et surtout, l’article 10, paragraphe 1, du règlement attaqué prévoit que la Commission doit publier tous les deux ans, sur la base des informations transmises et, le cas échéant, de toute autre source de données, une analyse transsectorielle de l’évolution structurelle et des perspectives du système énergétique de l’Union, qui vise, notamment, à déceler les futurs écarts potentiels entre l’offre et la demande d’énergie qui sont significatifs pour la politique énergétique de l’Union, ainsi qu’à améliorer la transparence pour les participants au marché et les nouveaux entrants potentiels. Conformément à l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement, dans le cadre de cette analyse, la Commission peut publier les données et informations transmises sous forme agrégée en assurant qu’aucune information détaillée concernant des entreprises ou des installations données ne soit divulguée ou ne puisse être obtenue par déduction. Ces dispositions font, également, ressortir que la collecte d’informations instituée par ledit règlement est conçue dans le but de réaliser une activité de programmation destinée à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union.

60

Force est de constater que ces dispositions, examinées aux points 56 à 59 du présent arrêt, définissent les éléments essentiels du règlement attaqué, dès lors qu’elles déterminent la portée et le contenu précis de l’obligation de collecte d’informations, alors que les articles 4 et 7 à 9 de ce règlement, qui régissent certains aspects techniques et plus généraux concernant cette collecte, revêtent un caractère davantage accessoire.

61

Dans ces conditions, il convient de conclure que le contenu du règlement attaqué révèle que ce dernier porte essentiellement sur la mise en place d’un système de collecte des informations relatives aux projets d’investissement dans les infrastructures énergétiques destiné à permettre à l’Union de réaliser des objectifs déterminés dans le domaine de l’énergie, en particulier en ce qui concerne le fonctionnement du marché intérieur de l’énergie, la garantie de la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union et le développement des énergies nouvelles et renouvelables.

Sur le recours à la base juridique appropriée au regard du traité FUE

62

L’article 337 TFUE, qui figure dans la septième partie du traité FUE, intitulée «Dispositions générales et finales», prévoit que «la Commission peut recueillir toutes informations et procéder à toutes vérifications nécessaires» pour «l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées». Dans le cadre de cette disposition, le Conseil statue à la majorité simple sans consultation du Parlement, même si, en l’occurrence, une telle consultation a été organisée.

63

Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, ladite disposition investit la Commission d’une compétence générale pour recueillir toute information nécessaire pour l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées par le traité FUE, de sorte que le Conseil n’est pas obligé de fonder les actes relatifs à cette activité de collecte d’informations sur les différentes dispositions de ce traité qui confèrent des missions spécifiques à la Commission (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Conseil, précité, points 19 et 20).

64

L’article 337 TFUE constitue ainsi la base juridique des actes concernant l’activité générale de collecte d’informations exercée par la Commission, sans exiger que cette collecte soit nécessaire à la réalisation des objectifs d’une politique déterminée de l’Union.

65

L’article 194 TFUE, qui figure dans la troisième partie du traité FUE, intitulée «Les politiques et actions internes de l’Union», et qui en constitue à lui seul le titre XXI, dénommé «Énergie», prévoit, à son paragraphe 1, que, dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres, à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie, à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union, à promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables, et à promouvoir l’interconnexion des réseaux énergétiques. Aux termes de l’article 194, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE, «[s]ans préjudice de l’application d’autres dispositions des traités», le Parlement et le Conseil établissent les mesures nécessaires pour atteindre ces objectifs en statuant conformément à la procédure législative ordinaire prévue à l’article 294 TFUE, dans le cadre de laquelle le Parlement participe pleinement à la procédure.

66

L’article 194 TFUE, introduit par le traité de Lisbonne, a donc inséré dans le traité FUE une base juridique expresse pour la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie. Ainsi qu’il ressort de son libellé, en particulier de celui de son paragraphe 2, cette disposition constitue la base juridique des actes de l’Union qui sont «nécessaires» pour atteindre les objectifs assignés à ladite politique par le paragraphe 1 de ladite disposition.

67

Une telle disposition constitue la base juridique destinée à s’appliquer à l’ensemble des actes adoptés par l’Union dans le domaine de l’énergie qui sont de nature à permettre la mise en œuvre de ces objectifs, sous réserve, ainsi qu’il peut être déduit des termes «[s]ans préjudice de l’application d’autres dispositions des traités» introduisant le paragraphe 2 de l’article 194 TFUE, des dispositions plus spécifiques prévues par le traité FUE et relatives à l’énergie. Comme l’a relevé le Conseil, sont notamment visés les articles 122 TFUE ou 170 TFUE concernant, respectivement, la survenance de graves difficultés dans l’approvisionnement de produits énergétiques et les réseaux transeuropéens, ainsi que des compétences que l’Union détient en vertu d’autres dispositions de ce traité, même si les mesures en cause poursuivent également l’un des objectifs de la politique de l’énergie énoncés au paragraphe 1 de cet article.

68

Il en résulte que, pour déterminer si la base juridique d’un acte de l’Union ayant pour objet, comme dans la présente affaire, la collecte d’informations dans le domaine de l’énergie est constituée par l’article 337 TFUE ou par l’article 194, paragraphe 2, TFUE, il convient d’examiner si cet acte, eu égard à sa finalité et à son contenu, peut être considéré comme nécessaire pour atteindre les objectifs assignés spécifiquement à la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie par le paragraphe 1 de ce dernier article. Si tel est le cas, la collecte d’informations pouvant être assimilée à une composante de cette politique, l’acte de l’Union qui l’institue doit être fondé sur l’article 194, paragraphe 2, TFUE. Un acte de l’Union ne saurait donc relever de l’article 337 TFUE en raison du seul fait qu’il institue un système de collecte d’informations (voir, par analogie, arrêt Commission/Conseil, précité, point 22).

69

En l’espèce, il ressort des points 49 et 61 du présent arrêt que la finalité et le contenu du règlement attaqué se rattachent étroitement aux objectifs poursuivis par la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie, énoncés spécifiquement à l’article 194, paragraphe 1, TFUE.

70

Contrairement à ce que font valoir le Conseil, la République française et la Commission, il ne saurait être considéré que le règlement attaqué n’exerce à cet égard qu’une incidence indirecte et accessoire sur la politique énergétique de l’Union et qu’il ne constitue que la «toile de fond» de celle-ci au motif que la réalisation des objectifs de cette politique énergétique exige la mise en place de mesures plus importantes que la simple collecte d’informations.

71

En effet, le système de collecte d’informations institué par le règlement attaqué porte non pas sur des informations à caractère général mais sur des données et informations précises relatives aux infrastructures énergétiques de l’Union, en vue de permettre à la Commission de déceler les éventuels écarts entre l’offre et la demande en produits énergétiques dans l’Union.

72

La collecte de ces informations apparaît ainsi comme une exigence préalable à l’adoption par l’Union de toute mesure utile destinée à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie, la sécurité des approvisionnements en produits énergétiques, la promotion de l’efficacité énergétique ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables.

73

Il s’ensuit que la collecte d’informations instituée par le règlement attaqué ne se justifie que par l’objectif consistant à réaliser certaines des missions spécifiques confiées à l’Union à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, relatif à la politique de l’énergie (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2006, Commission/Conseil, C-533/03, Rec. p. I-1025, point 52).

74

Dans ces conditions, la collecte d’informations instituée par le règlement attaqué peut être considérée comme contribuant directement à la réalisation des objectifs poursuivis par la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie, tels qu’ils sont définis à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, et, partant, comme constituant, ainsi que le mentionne d’ailleurs le considérant 8 de ce règlement, un instrument «nécessaire» pour atteindre ces objectifs au sens du paragraphe 2 dudit article.

75

À cet égard, il est sans pertinence, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et la Commission, que les informations recueillies en vertu du règlement attaqué puissent être utilisées, selon l’article 10, paragraphe 1, second alinéa, de ce règlement, à d’autres fins que la politique de l’énergie. En effet, à supposer même que la Commission puisse utiliser les informations recueillies en vertu dudit règlement à d’autres fins que la politique de l’énergie telle que définie à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, il reste que, ainsi qu’il ressort des points 49 à 61 du présent arrêt, la finalité et le contenu du même règlement relèvent de cette politique.

76

De même, la distinction opérée par le Conseil et la République française entre l’objet immédiat du règlement attaqué, qui porterait sur la collecte d’informations, et son objectif ultérieur, qui pourrait être poursuivi grâce aux informations ainsi obtenues par la Commission, ne saurait être retenue. En effet, ainsi qu’il ressort à suffisance de droit de l’examen qui précède, la collecte d’informations instituée par ce règlement vise précisément à permettre à la Commission d’atteindre les objectifs spécifiques de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie énoncés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE. Il s’ensuit que, dans le cadre dudit règlement, cette collecte et l’objectif poursuivi par celle-ci sont intrinsèquement liés et indissociables.

77

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent le Conseil, la République française et la Commission, il ne résulte nullement de l’analyse qui précède que l’article 337 TFUE cesserait, en toutes circonstances, de constituer une base juridique valable pour les actes de l’Union ayant pour objet la mise en place d’un système de collecte d’informations dans le cadre d’une politique sectorielle de l’Union, vidant ainsi de toute substance cette disposition. En effet, ainsi qu’il résulte des points 65 à 68 du présent arrêt, le recours à ladite disposition s’imposerait, notamment, si le règlement attaqué ne pouvait être considéré comme nécessaire pour atteindre les objectifs spécifiquement énoncés à l’article 194, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie.

78

Enfin, le Conseil et la Commission ne sauraient davantage, aux fins de justifier leur interprétation de l’article 337 TFUE, tirer argument de l’article 338 TFUE, qui concerne les mesures devant être adoptées en vue de l’établissement de statistiques. En effet, cette disposition, même si elle figure, à l’instar de l’article 337 TFUE, dans la septième partie du traité FUE, intitulée «Dispositions générales et finales», non seulement ne constitue pas la base juridique du règlement attaqué, mais, en outre, ne saurait exercer une incidence sur l’examen du bien-fondé du présent recours. Quelle que soit la portée de l’article 338 TFUE, celle-ci ne saurait remettre en cause celle des articles 337 TFUE et 194 TFUE, telle qu’elle résulte de leurs libellés respectifs.

79

Il convient, par conséquent, de conclure que le règlement attaqué relève non pas de l’article 337 TFUE, mais de l’article 194 TFUE, dès lors qu’il constitue un moyen nécessaire pour atteindre les objectifs énoncés au paragraphe 1 de cette dernière disposition. En conséquence, ledit règlement aurait dû être adopté sur la base de l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

Sur le recours additionnel à l’article 187 EA en tant que base juridique du règlement attaqué

80

L’article 187 EA, qui figure sous le titre V du traité CEEA, intitulé «Dispositions générales», prévoit que la Commission peut recueillir toutes informations et procéder à toutes vérifications nécessaires pour l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées par ce traité. Dans le cadre de cette disposition, le Conseil statue, en vertu des articles 106 bis, paragraphe 1, EA, et 16, paragraphe 3, TUE, à la majorité qualifiée sans aucune consultation du Parlement, même si en l’espèce, une telle consultation a été organisée.

81

Eu égard à la similarité des libellés des articles 337 TFUE et 187 EA en ce qui concerne leur champ d’application matériel, cette dernière disposition doit être considérée, pour les motifs exposés aux points 62 à 64 du présent arrêt, comme une base juridique générale qui concerne l’activité générale de collecte d’informations exercée par la Commission aux fins d’accomplir les missions qui lui sont confiées par le traité CEEA.

82

Or, en l’espèce, s’il est exact que, ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement attaqué, lu en combinaison avec le point 3.1 de l’annexe de celui-ci, ce règlement porte également sur la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à certaines infrastructures nucléaires, il reste que, pour les motifs exposés aux points 49 à 61 du présent arrêt, ledit règlement, eu égard à sa finalité et à son contenu, concerne la mise en œuvre, non pas de la politique de l’Union dans le domaine spécifique de l’énergie nucléaire telle que celle-ci est définie par le traité CEEA, mais de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie en général.

83

Les informations relatives à des infrastructures nucléaires ne constituent donc qu’une composante de toutes les informations pertinentes concernant le système énergétique de l’Union dans son ensemble dont la Commission doit disposer afin, ainsi qu’il ressort du considérant 8 du règlement attaqué, qu’elle puisse effectuer une appréciation globale de l’offre et de la demande d’énergie dans le but, notamment, de garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union.

84

À cet égard, il y a lieu, d’ailleurs, de relever qu’il est constant que le règlement attaqué, ainsi qu’il ressort de son considérant 7, ne s’inscrit pas dans le cadre de l’objectif de promotion ou de coordination des investissements dans le domaine nucléaire prévu aux articles 40 EA à 44 EA, lesquels portent spécifiquement sur la communication par les entreprises relevant du secteur nucléaire de tout projet individuel d’investissement dans ce domaine concernant des installations nouvelles ainsi que de tout remplacement ou de toute transformation d’une certaine importance. Le règlement attaqué concerne, en revanche, la communication par l’ensemble des États membres des données et informations agrégées relatives à tout projet d’investissement dans des infrastructures énergétiques.

85

Il s’ensuit que le règlement attaqué ne relève pas de l’article 187 EA.

86

En conséquence, il convient de conclure que le règlement attaqué, en ce qu’il est fondé sur l’article 187 EA, a été adopté sur une base juridique erronée et qu’il aurait dû être fondé sur le seul article 194, paragraphe 2, TFUE.

87

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler le règlement attaqué en tant qu’il est fondé sur les articles 337 TFUE et 187 EA.

Sur la demande de maintien des effets du règlement attaqué

88

Le Parlement, soutenu à cet égard par le Conseil, demande à la Cour de maintenir, dans le cas où elle annulerait le règlement attaqué, les effets de ce dernier jusqu’à ce qu’un nouveau règlement soit adopté.

89

À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

90

En l’espèce, il y a lieu de relever que, conformément à son article 13, le règlement attaqué est entré en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, intervenue le 15 juillet 2010.

91

Il y a lieu d’admettre que l’annulation du règlement attaqué sans que ses effets soient maintenus serait susceptible d’avoir des conséquences négatives sur la réalisation de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie, dès lors que ce règlement, en ce qu’il permet d’assurer la collecte des informations nécessaires à la réalisation des objectifs poursuivis par cette politique, constitue un préalable indispensable à l’adoption par les institutions de l’Union de toute mesure utile à cet effet. Or, si le Parlement demande l’annulation dudit règlement au motif qu’une base juridique erronée a été retenue en ce qui concerne celui-ci, il n’en conteste ni la finalité ni le contenu.

92

Dans ces conditions, il convient de considérer qu’il existe d’importants motifs de sécurité juridique justifiant que la Cour accède à la demande des parties tendant au maintien des effets du règlement attaqué.

93

Il y a lieu, par conséquent, de maintenir les effets de ce règlement jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable, d’un nouveau règlement fondé sur la base juridique appropriée, à savoir l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

Sur les dépens

94

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du Conseil et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il convient de le condamner aux dépens. La République française et la Commission, qui sont intervenues au soutien des conclusions présentées par le Conseil, supporteront, conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, leurs propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le règlement (UE, Euratom) no 617/2010 du Conseil, du 24 juin 2010, concernant la communication à la Commission des projets d’investissement relatifs à des infrastructures énergétiques dans l’Union européenne, et abrogeant le règlement (CE) no 736/96, est annulé.

 

2)

Les effets du règlement no 617/2010 sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’un nouveau règlement fondé sur la base juridique appropriée, à savoir l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

 

3)

Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens, à l’exception de ceux de la République française et de la Commission européenne.

 

4)

La République française et la Commission européenne supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le français.