Affaire C-322/10
Medeva BV
contre
Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Court of Appeal
(England & Wales) (Civil Division))
«Médicaments à usage humain — Certificat complémentaire de protection — Règlement (CE) nº 469/2009 — Article 3 — Conditions d’obtention du certificat — Notion de ‘produit protégé par un brevet de base en vigueur’ — Critères — Existence de critères additionnels ou différents pour un médicament comprenant plus d’un principe actif ou pour un vaccin contre plusieurs maladies (‘Multi-disease vaccine’ ou ‘vaccin multivalent’)»
Sommaire de l'arrêt
1. Rapprochement des législations — Législations uniformes — Propriété industrielle et commerciale — Droit de brevet — Certificat complémentaire de protection pour les médicaments — Condition d'octroi — Produit couvert par un brevet de base en vigueur
(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 469/2009, art. 3, a))
2. Rapprochement des législations — Législations uniformes — Propriété industrielle et commerciale — Droit de brevet — Certificat complémentaire de protection pour les médicaments — Condition d'octroi — Produit couvert par un brevet de base en vigueur
(Règlement du Parlement européen et du Conseil nº 469/2009, art. 3, b), c) et d), 4 et 5)
1. L’article 3, sous a), du règlement nº 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection portant sur des principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une demande de délivrance d'un tel certificat.
(cf. point 28, disp. 1)
2. L’article 3, sous b), du règlement nº 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cet article soient également remplies, il ne s’oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection pour une composition de deux principes actifs, correspondant à celle figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l’autorisation de mise sur le marché est présentée au soutien de la demande de certificat complémentaire de protection comprend non seulement cette composition des deux principes actifs, mais également d’autres principes actifs.
En effet, si l’octroi d’un certificat complémentaire de protection devait être refusé au titulaire d’un tel brevet de base portant sur un principe actif novateur ou une composition de principes actifs novatrice au motif que, dans la version commerciale du médicament mettant pour la première fois ce principe actif ou cette composition sur le marché, ledit principe actif ou ladite composition coexiste dans le médicament avec d’autres principes actifs ou compositions, poursuivant d’autres objectifs thérapeutiques et étant ou non protégés par un autre brevet de base en vigueur, l’objectif fondamental dudit règlement, consistant à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique et contribuer de façon décisive à l’amélioration continue de la santé publique, pourrait être compromis.
En outre, conformément à l’article 5 du règlement nº 469/2009, un certificat complémentaire de protection ainsi délivré en lien avec un produit couvert, en tant que médicament, par une autorisation de mise sur le marché confère, à l’expiration du brevet, les mêmes droits que ceux qui étaient conférés par le brevet de base à l’égard de ce produit, dans les limites de la protection conférée par le brevet de base telles qu’énoncées à l’article 4 de ce règlement. Ainsi, si le titulaire du brevet pouvait, pendant la période de validité de celui-ci, s’opposer, sur le fondement de son brevet, à toute utilisation ou à certaines utilisations de son produit sous la forme d’un médicament consistant en un tel produit ou contenant celui-ci, le certificat complémentaire de protection délivré à l’égard de ce même produit lui conférera les mêmes droits pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat.
Toutefois, dans une situation où, d’une part, un principe actif isolé ou une composition de principes actifs est protégé par un brevet de base en vigueur et où, d'autre part, un médicament contenant le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs associés à un ou plusieurs autres principes actifs fait l’objet d’une autorisation valide, délivrée conformément à la directive 2001/83, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, ou à la directive 2001/82, instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires, qui est la première autorisation de mise sur le marché ayant permis la mise sur le marché du principe actif isolé ou de la combinaison de principes actifs, seule peut être considérée comme première autorisation de mise sur le marché de ce «produit» en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), de ce même règlement, l’autorisation correspondant au premier médicament mis sur le marché de l’Union comprenant parmi ses principes actifs la composition des deux principes actifs mentionnée dans le libellé des revendications du brevet.
Par ailleurs, lorsqu’un brevet protège un produit, conformément à l'article 3, sous c), du règlement nº 469/2009, il ne saurait être délivré plus d’un certificat pour ce brevet de base.
(cf. points 34, 39-42, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)
24 novembre 2011 (*)
«Médicaments à usage humain – Certificat complémentaire de protection – Règlement (CE) n° 469/2009 – Article 3 – Conditions d’obtention du certificat – Notion de ‘produit protégé par un brevet de base en vigueur’ – Critères – Existence de critères additionnels ou différents pour un médicament comprenant plus d’un principe actif ou pour un vaccin contre plusieurs maladies (‘Multi-disease vaccine’ ou ‘vaccin multivalent’)»
Dans l’affaire C‑322/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 24 juin 2010, parvenue à la Cour le 5 juillet 2010, dans la procédure
Medeva BV
contre
Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks,
LA COUR (quatrième chambre),
composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, Mme A. Prechal, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteur) et M. E. Jarašiūnas, juges,
avocat général: Mme V. Trstenjak,
greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 mai 2011,
considérant les observations présentées:
– pour Medeva BV, par M. A. Waugh, barrister, mandaté par Mme D. Sternfeld, solicitor,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Hathaway, en qualité d’agent, assisté de M. T. Micheson, barrister,
– pour le gouvernement letton, par Mmes M. Borkoveca et K. Krasovska, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Balčiūnaitė et R. Mackevičienė, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes et P. Antunes, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par M. F. Bulst et Mme J. Samnadda, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 13 juillet 2011,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3 du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO L 152, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Medeva BV (ci-après «Medeva») au Comptroller General of Patents, Designs and Trade Marks (ci-après le «Patent Office») au sujet des refus opposés par ce dernier à ses demandes de certificats complémentaires de protection (ci-après les «CCP»).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les premier ainsi que quatrième à dixième considérants du règlement n° 469/2009 se lisent comme suit:
«(1) Le règlement (CEE) n° 1768/92 du Conseil du 18 juin 1992 concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [JO L 182, p. 1] a été modifié à plusieurs reprises […] et de façon substantielle. Il convient, dans un souci de clarté et de rationalité, de procéder à la codification dudit règlement.
[…]
(4) À l’heure actuelle, la période qui s’écoule entre le dépôt d’une demande de brevet pour un nouveau médicament et l’autorisation de mise sur le marché [ci-après l’«AMM»] dudit médicament réduit la protection effective conférée par le brevet à une durée insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche.
(5) Ces circonstances conduisent à une insuffisance de protection qui pénalise la recherche pharmaceutique.
(6) Il existe un risque de déplacement des centres de recherche situés dans les États membres vers des pays offrant une meilleure protection.
(7) Il convient de prévoir une solution uniforme au niveau communautaire et de prévenir ainsi une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités qui seraient de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de la Communauté et à affecter, de ce fait, directement le fonctionnement du marché intérieur.
(8) Il est donc nécessaire de prévoir un [CCP] pour les médicaments ayant donné lieu à une [AMM], qui puisse être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. En conséquence, le règlement est l’instrument juridique le plus approprié.
(9) La durée de la protection conférée par le certificat devrait être déterminée de telle sorte qu’elle permette une protection effective suffisante. À cet effet, le titulaire, à la fois d’un brevet et d’un certificat, doit pouvoir bénéficier au total de quinze années d’exclusivité au maximum à partir de la première [AMM], dans la Communauté, du médicament en question.
(10) Néanmoins, tous les intérêts en jeu, y compris ceux de la santé publique, dans un secteur aussi complexe et sensible que le secteur pharmaceutique devraient être pris en compte. À cet effet, le certificat ne saurait être délivré pour une durée supérieure à cinq ans. La protection qu’il confère devrait en outre être strictement limitée au produit couvert par l’autorisation de sa mise sur le marché en tant que médicament.»
4 L’article 1er de ce règlement, intitulé «Définitions», énonce:
«Aux fins du présent règlement, on entend par:
a) ‘médicament’: toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines […];
b) ‘produit’: le principe actif ou la composition de principes actifs d’un médicament;
c) ‘brevet de base’: un brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d’obtention d’un produit ou une application d’un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d’obtention d’un certificat;
d) ‘certificat’: le certificat complémentaire de protection;
[…]»
5 Sous l’intitulé «Champ d’application», l’article 2 du même règlement prévoit:
«Tout produit protégé par un brevet sur le territoire d’un État membre et soumis, en tant que médicament, préalablement à sa mise sur le marché, à une procédure d’autorisation administrative en vertu de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain [JO L 311, p. 67] ou de la directive 2001/82/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires [JO L 311, p. 1] peut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement, faire l’objet d’un certificat.»
6 L’article 3 du règlement n° 469/2009, intitulé «Conditions d’obtention du certificat», dispose:
«Le certificat est délivré, si, dans l’État membre où est présentée la demande visée à l’article 7 et à la date de cette demande:
a) le produit est protégé par un brevet de base en vigueur;
b) le produit, en tant que médicament, a obtenu une [AMM] en cours de validité conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE suivant les cas;
c) le produit n’a pas déjà fait l’objet d’un certificat;
d) l’autorisation mentionnée au point b) est la première [AMM] du produit, en tant que médicament.»
7 L’article 4 du même règlement, intitulé «Objet de la protection», énonce:
«Dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s’étend au seul produit couvert par l’[AMM] du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat.»
8 L’article 5 du règlement n° 469/2009, relatif aux «[e]ffets du certificat», prévoit que, «[s]ous réserve de l’article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations».
La convention sur le brevet européen
9 Sous l’intitulé «Étendue de la protection», l’article 69 de la convention sur la délivrance de brevets européens, signée le 5 octobre 1973, dans sa version modifiée telle qu’applicable à la date des faits au principal (ci-après la «convention sur le brevet européen»), dispose:
«(1) L’étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.
(2) Pour la période allant jusqu’à la délivrance du brevet européen, l’étendue de la protection conférée par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications contenues dans la demande telle que publiée. Toutefois, le brevet européen tel que délivré ou tel que modifié au cours de la procédure d’opposition, de limitation ou de nullité détermine rétroactivement la protection conférée par la demande, pour autant que cette protection ne soit pas étendue.»
10 Le protocole interprétatif de l’article 69 de la convention sur le brevet européen, qui fait partie intégrante de celle-ci en vertu de son article 164, paragraphe 1, énonce à son article 1er:
«L’article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s’étend également à ce que, de l’avis d’un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L’article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers.»
Le droit national
11 La section 60 de la loi du Royaume-Uni sur les brevets de 1977 (UK Patents Act 1977), relative à la «[d]éfinition de la contrefaçon», est libellée comme suit:
«1) Conformément aux dispositions de la présente section, viole un brevet d’invention quiconque, alors que le brevet est en vigueur, accomplit l’un des actes suivants, et seulement l’un de ces actes, au Royaume-Uni, en relation avec l’invention, sans le consentement du titulaire du brevet:
a) si l’invention est un produit, fabriquer le produit, disposer du produit, offrir d’en disposer, l’utiliser, l’importer ou le conserver que ce soit pour en disposer ou autrement;
[…]»
12 La section 125 de la UK Patents Act 1977, relative à l’«[é]tendue de l’invention», prévoit:
«1) Aux fins de la loi, l’invention […] pour laquelle un brevet a été délivré est, à moins que le contexte n’en dispose autrement, celle spécifiée dans une revendication de la spécification du […] brevet telle qu’interprétée au moyen de la description et d’éventuels dessins contenus dans cette spécification, et l’étendue de la protection conférée par le brevet […] est déterminée de façon correspondante.
[…]
3) Le protocole sur l’interprétation de l’article 69 de la convention sur le brevet européen (cet article contenant une disposition correspondant à la sous-section 1 ci-dessus) s’applique, tant qu’il est en vigueur, aux finalités de ladite sous-section 1 comme il s’applique aux finalités de cet article.»
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 Le 26 avril 1990, Medeva a introduit une demande de brevet européen enregistrée par l’Office européen des brevets (OEB) sous le numéro EP 1666057 pour un procédé de fabrication d’un vaccin acellulaire contre le Bordetella pertussis (agent de la coqueluche), également dénommé «Pa», consistant en la combinaison de deux antigènes en tant que principes actifs, à savoir la pertactine et l’hémagglutinine filamenteuse («filamentous haemagglutinin antigen»), dans une certaine proportion permettant d’obtenir un certain effet synergique en capacité de vaccination. Ce brevet a été délivré par l’OEB le 18 février 2009 et a expiré le 25 avril 2010.
14 Medeva a présenté devant le Patent Office cinq demandes de CCP dont l’objectif principal est d’obtenir une protection complémentaire pour des vaccins DTPa-IPV/HIB couvrant la diphtérie (D), le tétanos (T), la coqueluche (Pa), la poliomyélite (IPV) et/ou la méningite (Haemophilus influenzae, également dénommée «HIB»). À l’appui de ces demandes, Medeva a produit des AMM délivrées par les autorités allemandes, françaises et du Royaume-Uni pour les médicaments dénommés Infanrix DTCaP, Infanrix IPV, Infanrix IPV+HIB, Infanrix Quinta, Pediacel et Repevax, chacun de ceux-ci contenant, outre la composition de pertactine et d’hémagglutinine filamenteuse, d’autres principes actifs, dont le nombre est compris entre 8 et 11.
15 Le Patent Office a, par décision du 16 novembre 2009, refusé la délivrance des CCP demandés en considérant notamment, pour quatre de ces demandes (SCP/GB09/015, 09/016, 09/017 et 09/019), que les composants ou principes actifs, mentionnés dans lesdites demandes en vue d’obtenir des CCP couvrant ces composants, étaient plus nombreux que ceux figurant dans le libellé des revendications du brevet de base et n’étaient donc pas protégés par celui-ci au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009. S’agissant de la cinquième demande (SPC/GB09/018), le Patent Office a notamment considéré que, bien qu’il y eût identité entre les composants ou principes actifs revendiqués dans le brevet et ceux mentionnés dans la demande de CCP, à savoir la composition de pertactine et d’hémagglutinine filamenteuse, les AMM présentées à l’appui de ladite demande ne remplissaient pas les conditions prévues à l’article 3, sous b), du même règlement, en ce que, notamment, elles concernaient des médicaments contenant neuf principes actifs, c’est-à-dire des vaccins ne contenant pas que les composants ou principes actifs mentionnés dans la demande de CCP et dans les revendications dudit brevet.
16 À l’encontre de cette décision, Medeva a introduit un recours devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Patents Court), qui a été rejeté par arrêt du 27 janvier 2010.
17 Medeva a alors interjeté appel de cet arrêt devant la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division), laquelle a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Le règlement n° 469/2009 […] reconnaît, parmi les autres objectifs identifiés dans les considérants, la nécessité que l’octroi d’un CCP par chacun des États membres de la Communauté aux titulaires de brevets nationaux ou européens se fasse dans les mêmes conditions, comme le montrent les septième et huitième considérants [de ce règlement]. En l’absence d’harmonisation communautaire du droit des brevets, quel sens faut-il donner au membre de phrase ‘le produit est protégé par un brevet de base en vigueur’ figurant à l’article 3, sous a), du règlement [n° 469/2009], et quels sont les critères permettant de déterminer s’il en est ainsi?
2) Dans une affaire comme celle du présent litige impliquant un médicament composé de plus d’un seul composant actif, convient-il d’utiliser des critères supplémentaires ou différents pour déterminer si oui ou non ‘le produit est protégé par un brevet de base’ au sens de l’article 3, sous a), du règlement [n° 469/2009] et, si oui, quels sont ces critères supplémentaires ou différents?
3) Dans une affaire comme celle du présent litige impliquant un vaccin couvrant plusieurs pathologies, convient-il d’utiliser des critères supplémentaires ou différents pour déterminer si oui ou non ‘le produit est protégé par un brevet de base’ au sens de l’article 3, sous a), du règlement [n° 469/2009] et, si oui, quels sont ces critères supplémentaires ou différents?
4) Aux fins de l’article 3, sous a), [du règlement n° 469/2009], un vaccin couvrant plusieurs pathologies composé de multiples antigènes est-il ‘protégé par un brevet de base’ si l’un des antigènes du vaccin est ‘protégé par le brevet de base en vigueur’?
5) Aux fins de l’article 3, sous a), [du règlement n° 469/2009], un vaccin couvrant plusieurs pathologies composé de multiples antigènes est-il ‘protégé par un brevet de base’ si tous les antigènes dirigés contre l’une des pathologies sont ‘protégés par le brevet de base en vigueur’?
[…]
6) Le règlement [n° 469/2009], et plus particulièrement son article 3, sous b), permet-il l’octroi d’un [CCP] pour un principe actif isolé ou une composition de principes actifs lorsque:
a) un brevet de base en vigueur protège le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs au sens de l’article 3, sous a), du règlement [n°469/2009] et que
b) un médicament contenant le principe actif isolé ou la combinaison de principes actifs associés à un ou plusieurs autres principes actifs fait l’objet d’une autorisation valide, délivrée conformément à la directive 2001/83/CE ou à la directive 2001/82/CE, qui est la première [AMM] ayant permis la mise sur le marché du principe actif isolé ou de la combinaison de principes actifs?»
18 Par ordonnance du président de la Cour du 12 janvier 2011, les affaires C‑322/10 et C‑422/10 ont, conformément à l’article 43 du règlement de procédure de celle-ci, été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt. Cependant, compte tenu des différences factuelles caractérisant les situations en cause dans les litiges au principal, par ordonnance du président de la quatrième chambre de la Cour du 11 octobre 2011, ces affaires ont été, en application du même article 43, disjointes aux fins de l’arrêt.
Sur les questions préjudicielles
Sur les première à cinquième questions
19 Par ses cinq premières questions, qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un CCP lorsque se trouvent, parmi les principes actifs mentionnés dans la demande, des principes actifs qui ne figurent pas dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une telle demande.
20 À cet égard, tandis que les gouvernements letton, lituanien et portugais soutiennent que seul le libellé des revendications est pertinent afin de déterminer si un produit est protégé par un brevet de base en vigueur au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009, Medeva et le gouvernement du Royaume-Uni soutiennent que la notion de «produit […] protégé par un brevet de base en vigueur», au sens de cette disposition, correspond à toute composition d’un médicament contrefaisant directement le brevet.
21 Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 1999, Farmitalia (C-392/97, Rec. p. I-5553), se posait la question de savoir selon quels critères il y a lieu de déterminer si un produit est protégé par un brevet de base en vigueur au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 1768/92, lequel, ainsi qu’il est rappelé au premier considérant du règlement n° 469/2009, a fait l’objet d’une codification par ce dernier.
22 Au point 26 de l’arrêt Farmitalia, précité, la Cour a relevé que, en l’état actuel du droit communautaire, situation qui n’a pas substantiellement changé dans le contexte du droit de l’Union, les dispositions relatives aux brevets n’ont pas encore fait l’objet d’une harmonisation dans le cadre de l’Union européenne ni d’un rapprochement des législations.
23 La Cour a ainsi conclu, au point 27 dudit arrêt, que, en l’absence d’harmonisation du droit des brevets au niveau de l’Union, l’étendue de la protection conférée par le brevet ne peut être déterminée qu’au regard des règles qui régissent ce dernier, lesquelles ne relèvent pas du droit de l’Union.
24 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le règlement n° 469/2009 institue une solution uniforme au niveau de l’Union en ce qu’il crée un CCP susceptible d’être obtenu par le titulaire d’un brevet national ou européen selon les mêmes conditions dans chaque État membre. Il vise ainsi à prévenir une évolution hétérogène des législations nationales aboutissant à de nouvelles disparités de nature à entraver la libre circulation des médicaments au sein de l’Union et à affecter, de ce fait, directement l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (voir arrêts du 13 juillet 1995, Espagne/Conseil, C‑350/92, Rec. p. I‑1985, points 34 et 35; du 11 décembre 2003, Hässle, C‑127/00, Rec. p. I‑14781, point 37, et du 3 septembre 2009, AHP Manufacturing, C‑482/07, Rec. p. I‑7295, point 35).
25 Par ailleurs, il convient de relever que, conformément à l’article 5 du règlement n° 469/2009, tout CCP confère les mêmes droits que ceux conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations et aux mêmes obligations. Il s’ensuit que l’article 3, sous a), du même règlement s’oppose à la délivrance d’un CCP portant sur des principes actifs qui ne figurent pas dans le libellé des revendications de ce brevet de base.
26 De la même manière, si un brevet revendique une composition de deux principes actifs, mais ne comporte aucune revendication sur l’un de ces principes actifs considéré individuellement, un CCP ne saurait être délivré sur la base d’un tel brevet pour l’un de ces principes actifs considéré isolément.
27 Une telle approche est par ailleurs corroborée par le point 20, paragraphe 2, de l’exposé des motifs de la proposition de règlement (CEE) du Conseil, du 11 avril 1990, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments [COM(90) 101 final, ci-après l’«exposé des motifs»], paragraphe dans lequel il est expressément et uniquement fait référence, en ce qui concerne ce qui est «protégé par le brevet de base», au libellé des revendications du brevet de base. Cette interprétation correspond par ailleurs à celle mentionnée au quatorzième considérant du règlement (CE) n° 1610/96 du Parlement européen et du Conseil, du 23 juillet 1996, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les produits phytopharmaceutiques (JO L 198, p. 30), lequel se réfère à la nécessité que des «produits» «soient l’objet de brevets les revendiquant spécifiquement».
28 Par conséquent, il convient de répondre aux cinq premières questions que l’article 3, sous a), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un CCP portant sur des principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une telle demande.
Sur la sixième question
29 Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 peut être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un CCP pour une composition de deux principes actifs, correspondant à celle figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l’AMM est présentée au soutien de la demande de CCP comprend non seulement cette composition des deux principes actifs, mais également d’autres principes actifs.
30 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’objectif fondamental du règlement n° 469/2009 consiste à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique, qui contribue de façon décisive à l’amélioration continue de la santé publique (voir arrêts précités Farmitalia, point 19, et AHP Manufacturing, point 30).
31 À cet égard, l’adoption dudit règlement était motivée par la durée insuffisante de la protection effective conférée par le brevet pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique et visait ainsi à combler cette insuffisance par la création d’un CCP pour les médicaments (voir arrêts du 23 janvier 1997, Biogen, C‑181/95, Rec. p. I‑357, point 26, et AHP Manufacturing, précité, point 30).
32 En outre, ainsi qu’il ressort notamment du point 28, paragraphes 4 et 5, de l’exposé des motifs, la protection conférée par un CCP vise de manière large l’amortissement des recherches aboutissant à la découverte de nouveaux «produits», ce terme étant utilisé comme dénominateur commun en lien avec les trois différents types de brevets pouvant ouvrir droit à un CCP. En effet, si les conditions énoncées dans le règlement n° 469/2009 sont par ailleurs remplies, même un brevet protégeant un procédé d’obtention d’un «produit» au sens de ce règlement peut, conformément à l’article 2 de celui-ci, permettre l’octroi d’un CCP, CCP qui, dans ce cas, conformément à l’article 5 du même règlement et ainsi que l’indique le point 44 de l’exposé des motifs, confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base à l’égard de ce procédé d’obtention du produit, y compris, si le droit applicable à ce brevet le prévoit, l’extension de la protection du procédé d’obtention au produit obtenu par ce procédé.
33 Ainsi que le relève la juridiction de renvoi et qu’il résulte des observations présentées devant la Cour, à l’heure actuelle, les médicaments mis sur le marché, notamment pour des pathologies complexes, consistent souvent en des combinaisons multithérapeutiques de principes actifs pouvant être administrées aux patients au moyen d’une préparation unique. De la même manière, s’agissant des vaccins, ceux-ci sont souvent développés, notamment en prenant en compte les recommandations des autorités sanitaires des États membres, sous la forme de vaccins multivalents.
34 Or, si l’octroi d’un CCP devait être refusé au titulaire d’un tel brevet de base portant sur un principe actif novateur ou une composition de principes actifs novatrice au motif que, dans la version commerciale du médicament mettant pour la première fois ce principe actif ou cette composition sur le marché, ledit principe actif ou ladite composition coexiste dans le médicament avec d’autres principes actifs ou compositions, poursuivant d’autres objectifs thérapeutiques et étant ou non protégés par un autre brevet de base en vigueur, l’objectif fondamental dudit règlement, consistant à garantir une protection suffisante pour encourager la recherche dans le domaine pharmaceutique et contribuer de façon décisive à l’amélioration continue de la santé publique, pourrait être compromis.
35 D’une part, le titulaire d’un tel brevet ne bénéficierait que de la durée de protection effective conférée par le brevet, laquelle, selon le législateur de l’Union, est insuffisante pour amortir les investissements effectués dans la recherche pharmaceutique, raison pour laquelle ledit législateur a créé un CCP pour les médicaments, visant à combler cette insuffisance. D’autre part, une telle approche tendrait à favoriser, éventuellement à l’encontre des intérêts des patients et des autorités nationales de santé publique, le développement de médicaments, notamment de vaccins, monovalents. En effet, dans une telle situation, les titulaires de tels brevets seraient contraints de développer commercialement, et de les maintenir sur le marché, des médicaments contenant uniquement les principes actifs revendiqués en tant que tels dans le brevet de base, et ce afin de disposer d’une AMM pour un médicament couvrant exactement ces principes actifs et susceptible en tant que telle d’ouvrir droit avec certitude à un CCP.
36 Force est de constater qu’un tel résultat ne saurait être compatible avec les objectifs fondamentaux poursuivis par le règlement n° 469/2009 au moyen de la création d’un CCP pour les médicaments.
37 L’exigence, prévue par le règlement n° 469/2009, selon laquelle le «produit» doit être couvert, en tant que médicament, par une AMM, corrobore une telle approche en ce que cette exigence n’exclut pas par elle-même que cette AMM puisse couvrir d’autres principes actifs qui seraient contenus dans un tel médicament. D’ailleurs, conformément à l’article 4 du même règlement, un CCP a vocation à protéger le «produit» couvert par l’AMM et non le médicament en tant que tel.
38 En outre, pareille situation correspond à celle décrite aux points 34 et 39 de l’exposé des motifs dans lesquels la Commission des Communautés européennes indiquait, d’une part, que la condition relative à l’existence d’une AMM couvrant le produit sera remplie «si la spécialité pharmaceutique qui le contient a obtenu l’[AMM]» et, d’autre part, que, dans une telle situation, «[s]i le produit autorisé consiste en une combinaison du composé X avec un autre principe actif, seul le composé X sera protégé par le certificat».
39 Conformément à l’article 5 du règlement n° 469/2009, un CCP ainsi délivré en lien avec un tel produit confère, à l’expiration du brevet, les mêmes droits que ceux qui étaient conférés par le brevet de base à l’égard de ce produit, dans les limites de la protection conférée par le brevet de base telles qu’énoncées à l’article 4 de ce règlement. Ainsi, si le titulaire du brevet pouvait, pendant la période de validité de celui-ci, s’opposer, sur le fondement de son brevet, à toute utilisation ou à certaines utilisations de son produit sous la forme d’un médicament consistant en un tel produit ou contenant celui-ci, le CCP délivré à l’égard de ce même produit lui conférera les mêmes droits pour toute utilisation du produit, en tant que médicament, qui a été autorisée avant l’expiration du certificat.
40 Toutefois, il convient d’ajouter que, dans une situation telle que celle au principal, d’une part, seule peut être considérée comme première AMM de ce «produit» en tant que médicament, au sens de l’article 3, sous d), de ce même règlement, l’autorisation correspondant au premier médicament mis sur le marché comprenant parmi ses principes actifs la composition des deux principes actifs mentionnée dans le libellé des revendications du brevet, à savoir la pertactine et l’hémagglutinine filamenteuse.
41 D’autre part, lorsqu’un brevet protège un produit, conformément à l'article 3, sous c), du règlement n° 469/2009, il ne saurait être délivré plus d’un certificat pour ce brevet de base (voir arrêt Biogen, précité, point 28).
42 Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la sixième question que l’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cet article soient également remplies, il ne s’oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un CCP pour une composition de deux principes actifs, correspondant à celle figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l’AMM est présentée au soutien de la demande de CCP comprend non seulement cette composition des deux principes actifs, mais également d’autres principes actifs.
Sur les dépens
43 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:
1) L’article 3, sous a), du règlement (CE) n° 469/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection portant sur des principes actifs qui ne sont pas mentionnés dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué au soutien d’une telle demande.
2) L’article 3, sous b), du règlement n° 469/2009 doit être interprété en ce sens que, sous réserve que les autres conditions prévues à cet article soient également remplies, il ne s’oppose pas à ce que les services compétents de la propriété industrielle d’un État membre octroient un certificat complémentaire de protection pour une composition de deux principes actifs, correspondant à celle figurant dans le libellé des revendications du brevet de base invoqué, lorsque le médicament dont l’autorisation de mise sur le marché est présentée au soutien de la demande de certificat complémentaire de protection comprend non seulement cette composition des deux principes actifs, mais également d’autres principes actifs.
Signatures
* Langue de procédure: l’anglais.