ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 juillet 2011 (*)

«Pourvoi – Aides d’État – Recours en annulation – Décisions de la Commission concernant les régimes d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne en faveur des entreprises des provinces de Vizcaya, d’Álava et de Guipúzcoa – Crédit d’impôt de 45 % des investissements – Confiance légitime – Principe de proportionnalité – Principes de sécurité juridique et de bonne administration – Respect d’un délai raisonnable – Absence de notification»

Dans les affaires jointes C‑471/09 P à C‑473/09 P,

ayant pour objet des pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits le 26 novembre 2009,

Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya (C‑471/09 P),

Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava (C‑472/09 P),

Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa (C‑473/09 P),

parties requérantes,

représentés par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,

soutenus par:

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante aux pourvois,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Comunidad autónoma del País Vasco Gobierno Vasco, représentée par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,

partie requérante en première instance,

Comunidad autónoma de La Rioja, représentée par Mes J. Criado Gámez et M. Martínez Aguirre, abogados,

Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Vizcaya,

Cámara Oficial de Comercio e Industria de Álava,

Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Guipúzcoa,

représentées par Mes I. Sáenz-Cortabarría Fernández et M. Morales Isasi, abogados,

Confederación Empresarial Vasca (Confebask),

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, faisant fonction de président de la troisième chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2011,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, le Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya (C‑471/09 P), le Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava (C‑472/09 P) ainsi que le Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa (C‑473/09 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission (T-227/01 à T-229/01, T‑265/01, T‑266/01 et T‑270/01, Rec. p. II‑3029, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leurs recours en annulation dirigés contre les décisions 2003/27/CE, 2002/820/CE et 2002/894/CE de la Commission, du 11 juillet 2001, concernant les régimes d’aides d’État mis à exécution par l’Espagne sous la forme d’un crédit d’impôt de 45 % des investissements en faveur des entreprises de la province de Vizcaya (JO 2003, L 17, p. 1), de la province d’Álava (JO 2002, L 296, p. 1) et de la province de Guipúzcoa (JO 2002, L 314, p. 26, ci-après, ensemble, les «décisions litigieuses»).

2        Par leurs pourvois incidents, la Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Vizcaya, la Cámara Oficial de Comercio e Industria de Álava et la Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Guipúzcoa (ci-après les «Cámaras de Comercio») demandent également l’annulation de l’arrêt attaqué.

 Le cadre juridique

3        L’article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), intitulé «Récupération de l’aide», dispose à son paragraphe 1:

«En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.»

 Les antécédents du litige

4        Les requérants sont les organes exécutifs des trois territoires historiques de la Communauté autonome du Pays basque espagnol auxquels la loi a conféré, sous certaines conditions, la compétence d’organiser le régime fiscal applicable dans ces territoires.

5        Dans ce cadre, ils ont adopté, en 1988, des régimes d’aides fiscales à l’investissement qui ont fait l’objet de la décision 93/337/CEE de la Commission, du 10 mai 1993, concernant un système d’aides fiscales à l’investissement au Pays basque (JO L 134, p. 25, ci-après les «régimes de 1988»).

6        En 1993, les requérants ont mis en place de nouvelles mesures fiscales, comportant notamment des règles concernant un crédit d’impôt de 25 % des investissements et une exemption de l’impôt sur les sociétés. Ces dernières mesures ont fait l’objet de décisions de la Commission les déclarant incompatibles avec le marché commun (ci-après les «régimes de 1993»). Les requérants ont introduit des recours en annulation contre ces décisions, ainsi que contre les décisions d’ouverture de la procédure formelle d’examen, qui ont été rejetés par un arrêt du Tribunal du 9 septembre 2009, Diputación de Álava e.a./Commission (T-30/01 à T‑32/01 et T-86/02 à T-88/02, Rec. p. II‑2919). Les pourvois introduits contre cet arrêt du Tribunal ont également été rejetés par la Cour par son arrêt du 9 juin 2011, Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission (C‑465/09 P à C-470/09 P).

7        Au cours des mois de décembre des années 1994, 1996 et 1997, en ce qui concerne respectivement les provinces d’Álava, de Vizcaya et de Guipúzcoa, les requérants ont adopté des mesures fiscales prévoyant que les investissements en actifs fixes matériels neufs excédant 2,5 milliards de pesetas espagnoles (ESP) bénéficient d’un crédit d’impôt de 45 % (ci-après les «régimes fiscaux litigieux»). Ces régimes sont restés en vigueur jusqu’en 1999, en ce qui concerne la province d’Álava, et jusqu’en 2000, s’agissant des deux autres provinces.

8        À l’occasion des procédures engagées à la suite de plaintes déposées au cours des mois de juin 1996 et d’octobre 1997 à l’encontre de l’application, dans la province d’Álava, entres autres d’un crédit d’impôt de 45 % au bénéfice de Daewoo Electronics Manufacturing España SA (ci-après «Demesa») ainsi qu’au profit de Ramondín SA et de Ramondín Cápsulas SA (ci-après, ensemble, «Ramondín»), la Commission a eu connaissance de l’existence des dispositions prévoyant ce crédit d’impôt dans la province d’Álava.

9        Elle a, par ailleurs, reçu des renseignements informels, selon lesquels des mesures similaires existaient dans les provinces de Vizcaya et de Guipúzcoa.

10      Le 17 mars 1997, la Commission a tenu une réunion avec des représentants du gouvernement de La Rioja et des partenaires sociaux de cette Communauté autonome.

11      Par lettres du 15 mars 1999, la Commission a demandé des renseignements concernant les mesures adoptées dans les provinces de Vizcaya et de Guipúzcoa.

12      Par lettres des 13 avril et 17 mai 1999, le Royaume d’Espagne a demandé deux prorogations successives du délai imparti pour répondre à ces demandes de renseignements. Par lettre du 25 mai 1999, les services de la Commission ont refusé d’accorder la seconde prorogation. Le Royaume d’Espagne a transmis des informations relatives aux régimes fiscaux litigieux par lettre du 2 juin 1999.

13      Par lettres du 17 août 1999, la Commission a informé le Royaume d’Espagne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen concernant les régimes fiscaux litigieux.

14      Dans le cadre de cette procédure, la Commission a demandé au Royaume d’Espagne de lui fournir certaines informations relatives, notamment, au montant du crédit d’impôt de chacun des bénéficiaires et aux aides versées à ces derniers. Le Royaume d’Espagne n’a pas fourni ces informations.

 Les décisions litigieuses

15      Par les décisions litigieuses, la Commission a qualifié les régimes fiscaux litigieux d’aides d’État incompatibles avec le marché commun.

16      En premier lieu, la Commission a considéré que lesdits régimes constituent des aides d’État, notamment en raison de leur caractère sélectif.

17      En deuxième lieu, la Commission a constaté que les régimes fiscaux litigieux constituent des aides illégales. Elle a rejeté à cet égard l’argument tiré de la violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, dès lors qu’il s’agit d’aides nouvelles non notifiées et qu’elle a estimé n’avoir fourni aucune assurance précise permettant d’avoir des espérances fondées en ce qui concerne la légalité et la compatibilité des aides octroyées en application de ces régimes.

18      En troisième lieu, la Commission a considéré que les régimes fiscaux litigieux sont incompatibles avec le marché commun. En effet, ils ne sauraient être autorisés sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE, dès lors que l’ampleur des crédits d’impôt en cause dépasse les plafonds prévus dans les cartes des aides régionales successives. En outre, ces régimes seraient susceptibles de viser des investissements de remplacement ainsi que des dépenses liées aux «processus d’investissement» ou aux «investissements dans la phase de préparation». Or, en l’absence de définition précise de ces termes, il ne saurait être exclu que l’objet des régimes fiscaux litigieux inclue des dépenses ne pouvant être considérées comme des dépenses d’investissement en vertu des règles de l’Union applicables en la matière. Dans ce cas, ils pourraient être considérés comme des aides au fonctionnement, en principe interdites.

19      En conséquence, la Commission a considéré, à l’article 1er des décisions litigieuses, que les aides accordées en faveur des entreprises des provinces de Vizcaya, d’Álava et de Guipúzcoa, sous la forme de crédits d’impôt de 45 % des investissements, constituent des aides d’État illégalement mises à exécution par le Royaume d’Espagne dans lesdites provinces, de telles aides étant incompatibles avec le marché commun. L’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, desdites décisions prévoit que le Royaume d’Espagne prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès des bénéficiaires les aides illégales versées en application de ces régimes.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 25 septembre 2001, les requérants et la Comunidad autónoma del País Vasco – Gobierno Vasco (Communauté autonome du Pays basque) ont introduit des recours en annulation contre les décisions litigieuses dans les affaires T‑227/01 à T-229/01.

21      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 octobre 2001, la Confederación Empresarial Vasca (Confebask) a introduit des recours en annulation contre les décisions litigieuses dans les affaires T-265/01, T-266/01 et T-270/01.

22      Par ordonnances du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal des 9 septembre 2005 ainsi que des 9 et 10 janvier 2006, ont été admises, dans les affaires T-227/01 à T-229/01, les interventions de la Confebask et des Cámaras de Comercio, au soutien des conclusions des requérants, ainsi que, dans les affaires T-227/01 à T-229/01 et T‑265/01, T‑266/01 et T-270/01, de la Comunidad autónoma de La Rioja, au soutien des conclusions de la Commission.

23      Par ordonnance du président de la cinquième chambre élargie du Tribunal du 13 juillet 2006, les affaires T-227/01 à T-229/01 ainsi que T-265/01, T-266/01 et T‑270/01 ont été jointes aux fins de la procédure orale, puis, au point 62 de l’arrêt attaqué, elles ont été jointes aux fins de celui-ci.

24      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté intégralement les recours en annulation formés par les requérants, la Comunidad autónoma del País Vasco – Gobierno Vasco et la Confebask.

25      Dans un premier temps, il a rejeté comme non fondés les moyens tirés de l’absence d’aide d’État, de la compatibilité des régimes fiscaux litigieux avec le marché commun et du caractère existant de ceux-ci. Ces moyens ne font pas l’objet des présents pourvois.

26      Dans un deuxième temps, il a examiné le moyen tiré de la violation des principes de sécurité juridique, de bonne administration, de protection de la confiance légitime et d’égalité de traitement.

27      À titre liminaire, le Tribunal a indiqué, au point 63 de l’arrêt attaqué, que les requérants dans les affaires T-227/01 à T-229/01 avaient renouvelé, lors de l’audience, leur demande tendant à ce que la Commission soit invitée à produire certains documents, mais il a considéré qu’il était suffisamment éclairé par les pièces du dossier.

28      Quant au moyen relatif à la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration en raison de la durée de la procédure d’examen préliminaire, qui s’est étendue sur une période de 38 mois, il a été déclaré recevable. Selon le Tribunal, ce moyen soulevé par les Cámaras de Comercio, parties intervenantes, quoique distinct du moyen soulevé par les requérants tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime en liaison avec la durée de cette procédure, se rattache néanmoins à l’objet des litiges sans en modifier le cadre.

29      Toutefois, le Tribunal a rejeté ce moyen sur le fond. Il a constaté à cet égard, au point 301 de l’arrêt attaqué, que les régimes fiscaux litigieux nécessitaient un examen approfondi, par la Commission, de la législation espagnole ainsi que de questions de fait et de droit complexes. Quant au contexte, la Commission aurait, jusqu’à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, notamment examiné les aides individuelles accordées à Demesa et à Ramondín, entre autres sur le fondement desdits régimes. En outre, la durée de la procédure aurait été, à tout le moins en partie, imputable aux autorités espagnoles qui n’auraient répondu à la demande de renseignements de la Commission du mois de mars 1999 qu’au cours du mois de juin de cette même année, à la suite de deux demandes de prorogation du délai de réponse. Ce n’est donc qu’à ce moment, ainsi que le Tribunal l’a précisé au point 305 de l’arrêt attaqué, que la Commission aurait disposé des informations nécessaires pour ouvrir la procédure formelle d’examen.

30      S’agissant dudit moyen en tant qu’il porte sur le principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal a considéré, respectivement aux points 326 et 331 de l’arrêt attaqué, que ni l’attitude de la Commission à l’égard des régimes de 1988 ni son comportement relatif aux régimes de 1993 ne sauraient constituer une circonstance exceptionnelle ayant pu fonder quelque confiance légitime que ce soit dans la régularité des régimes fiscaux litigieux.

31      D’une part, le Tribunal a constaté, au point 318 de l’arrêt attaqué, que la Commission a qualifié les régimes de 1988 d’incompatibles avec le marché commun dans la décision 93/337, notamment parce qu’ils ne respectaient pas les règles de l’Union en matière d’aides d’État. Ces régimes seraient en outre différents des régimes fiscaux litigieux.

32      D’autre part, les régimes de 1993 ne pourraient pas non plus être considérés comme analogues aux régimes fiscaux litigieux en ce qu’ils relèveraient d’une technique fiscale différente et auraient des conditions d’application ainsi qu’une portée différentes. En outre, aucun élément invoqué par les requérants concernant l’attitude de la Commission à l’égard des régimes de 1993 ne serait de nature à démontrer l’existence d’une circonstance exceptionnelle ayant pu fonder une confiance légitime dans le caractère régulier desdits régimes ainsi que du crédit d’impôt de 25 %.

33      Le Tribunal a rejeté comme irrecevable, au point 355 de l’arrêt attaqué, le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement invoqué par les Cámaras de Comercio. En effet, celui-ci n’aurait pas été invoqué par les requérants et ne se rattacherait pas à l’objet du litige tel que défini par ceux-ci. Il a également rejeté ce moyen comme non fondé en considérant, aux points 358 et 359 dudit arrêt, que les Cámaras de Comercio n’avaient pas établi que la situation relative aux régimes fiscaux litigieux serait comparable aux situations en cause dans les décisions de la Commission qu’elles invoquaient, dans lesquelles celle-ci avait estimé que la récupération des aides n’avait pas à être ordonnée en raison des circonstances propres aux espèces ayant donné lieu à ces décisions.

34      Dans un troisième temps, le Tribunal a rejeté le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité. Il a jugé que la récupération des aides illégales octroyées en application des régimes fiscaux litigieux au moyen du remboursement des sommes perçues constitue, en l’espèce, le moyen le plus approprié pour rétablir la situation concurrentielle antérieure. Il a considéré à cet égard, au point 379 de l’arrêt attaqué, que, en l’absence d’informations plus précises fournies lors de la procédure administrative, les décisions litigieuses ne pouvaient être considérées comme disproportionnées au motif qu’elles n’auraient pas délimité l’obligation de récupération de ces aides. Il a relevé, en outre, que lesdites décisions mentionnaient explicitement la possibilité que les aides individuelles fussent considérées comme compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques propres, soit dans le cadre d’une décision ultérieure de la Commission, soit en application des règlements d’exemption.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

35      Par ordonnance du président de la Cour du 3 février 2011, les affaires C-471/09 P à C-473/09 P ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 43 du règlement de procédure de la Cour.

36      Par ordonnance du président de la Cour du 16 février 2011, le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions des requérants et à présenter ses observations lors de la procédure orale.

37      Les requérants demandent à la Cour:

–        à titre principal, d’annuler l’arrêt attaqué, et

–        de faire droit à leurs recours introduits en première instance;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal;

–        le cas échéant, de lui ordonner d’admettre l’administration de la preuve qu’il a refusée, et

–        de condamner la Commission aux dépens des deux instances ainsi que la Comunidad autónoma de La Rioja aux dépens exposés devant le Tribunal.

38      Le Royaume d’Espagne intervient au soutien des conclusions des requérants.

39      Les Cámaras de Comercio demandent à la Cour de faire droit aux conclusions des requérants et de condamner la Commission aux dépens.

40      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter les pourvois, et

–        condamner les requérants aux dépens ainsi que les Cámaras de Comercio aux dépens afférents aux pourvois incidents.

41      La Comunidad autónoma de La Rioja demande à la Cour:

–        de rejeter les pourvois, et

–        de condamner les requérants aux dépens.

 Sur les pourvois

42      Les requérants soulèvent trois moyens à l’appui de leurs pourvois. Les deux premiers moyens sont tirés de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, considéré en liaison, respectivement, avec les principes de protection de la confiance légitime et de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré de la méconnaissance des règles en matière d’administration de la preuve. 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, en liaison avec la violation du principe de protection de la confiance légitime

 Argumentation des parties

43      Par leur premier moyen, les requérants soutiennent que le Tribunal a commis une erreur en jugeant que l’attitude favorable de la Commission à l’égard des régimes de 1988 et de 1993, ou à tout le moins le fait qu’elle n’a pas exprimé de doutes à l’égard de ces régimes, ne constituait pas une circonstance exceptionnelle susceptible de justifier une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux. En particulier, ils soulignent que la Commission ne leur avait jamais fait part, antérieurement à l’adoption de ces derniers, d’un doute quelconque portant sur le fait qu’une mesure fiscale subordonnant son application à la réalisation d’un investissement minimal et n’excluant aucun secteur de son champ d’application serait contraire à la décision 93/337 et aux règles de l’Union en matière d’aides d’État.

44      Par la première branche dudit moyen, relative aux régimes de 1988, les requérants affirment, en premier lieu, que l’argument tiré de la différence formelle entre ces régimes et les régimes fiscaux litigieux ne pouvait autoriser le Tribunal à s’abstenir d’examiner si le comportement de la Commission à l’égard de ces régimes antérieurs était de nature à fonder une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux.

45      En second lieu, la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission avait déclaré les régimes de 1988 incompatibles avec le marché commun ne serait pas pertinente. En effet, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 93/337, l’incompatibilité de ces régimes avec le marché commun résulterait de la violation de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE).

46      Quant aux régimes de 1993, les requérants soutiennent, par la seconde branche de leur premier moyen, que le Tribunal a dénaturé les décisions litigieuses et substitué sa propre motivation à celle de la Commission en constatant l’absence d’analogie entre les mesures d’exemption fiscale de 1993 et celles mises en œuvre par les régimes fiscaux litigieux. En invoquant l’argument nouveau tiré de l’existence d’une différence de techniques fiscales entre ceux-ci et les régimes de 1993, le Tribunal aurait placé les requérants dans une situation où les droits de la défense ont été niés.

47      En outre, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve versés au dossier en jugeant que les requérants n’avaient pas suffisamment étayé leur argument selon lequel l’attitude favorable de la Commission visait non seulement les mesures d’exemption fiscale prévues par les régimes de 1993, mais également le crédit d’impôt de 25 % adopté au cours de la même année. Il en ressortirait que ces deux types de mesures avaient été examinés concomitamment à l’occasion de l’application de la décision 93/337 et de l’examen d’une plainte enregistrée au cours du mois d’avril 1994 dénonçant les régimes de 1993 (ci-après la «plainte de 1994»). Or, nonobstant le fait qu’elle avait connaissance dudit crédit d’impôt, la Commission n’aurait entrepris aucune action contre cette mesure. Ainsi que les requérants l’auraient déjà soutenu en première instance, il en irait de même pour les mesures d’exemption fiscale au sujet desquelles la Commission avait adopté une position favorable, ce qui ressortirait également des pièces versées au dossier, même si ces derniers précisent qu’ils s’en remettent sur ce point à la décision de la Cour dans les affaires C‑465/09 P à C‑470/09 P.

48      La Commission fait valoir que les requérants ne sont pas fondés à invoquer le principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises de sa part. En particulier, l’inaction de la Commission et le fait qu’elle n’a pas fait part de doutes à l’égard d’une mesure ne pourraient en aucun cas constituer de telles «assurances».

49      Concernant les régimes de 1988, la Commission rappelle que la Cour a déjà constaté qu’aucune confiance légitime ne pouvait découler de la décision 93/337, la Cour ayant validé leur qualification d’aide incompatible avec le marché commun dans son arrêt du 11 novembre 2004, Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission (C‑183/02 P et C-187/02 P, Rec. p. I‑10609).

50      Quant à l’argumentation relative aux régimes de 1993, la Commission invoque plusieurs causes d’irrecevabilité à cet égard. Notamment, les requérants n’auraient pas soulevé, en première instance, le fait que la Commission s’était prononcée favorablement à l’égard de ces régimes, se contentant d’invoquer une omission de la part de cette institution. En outre, les requérants chercheraient à obtenir une nouvelle appréciation des faits concernant les questions de l’existence d’une position favorable de la Commission à l’égard de ces régimes et de l’analogie entre ceux-ci et les régimes fiscaux litigieux, sans alléguer une dénaturation par cette dernière de la législation espagnole.

51      Par ailleurs, la Commission fait valoir qu’elle n’a pas adopté une position favorable à l’égard des mesures d’exemption fiscale de 1993. Si telle devait être la conclusion de la Cour dans les affaires C-465/09 P à C-470/09 P, les arguments des requérants relatifs à l’analogie et à la dénaturation des éléments de preuve, qu’elle estime par ailleurs non fondés, seraient inopérants. Il en irait de même en ce qui concerne l’argument des requérants relatif au crédit d’impôt de 25 % ayant prétendument fait l’objet d’un examen concomitamment avec celui des mesures d’exemption de 1993.

52      La Comunidad autónoma de La Rioja soutient que le premier moyen invoqué à l’appui des pourvois est irrecevable en ce qu’il vise à obtenir une nouvelle appréciation des faits et en ce que les requérants se limitent à reprendre les arguments qui ont déjà été soumis au Tribunal, sans qu’il soit démontré qu’une erreur a été commise par celui-ci. Sur le fond, elle souligne que les requérants ne sauraient se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime dans le cas d’une aide non notifiée à la Commission.

 Appréciation de la Cour

–        Sur la recevabilité

53      La Comunidad autónoma de La Rioja soulève l’irrecevabilité du premier moyen, au motif que celui-ci vise à obtenir une nouvelle appréciation par la Cour des faits constatés par le Tribunal.

54      À cet égard, il résulte, certes, des articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est dès lors seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits (arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, Rec. p. I‑7051, point 31 et jurisprudence citée).

55      Toutefois, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 29 et jurisprudence citée).

56      Or, contrairement à ce qu’affirme la Comunidad autónoma de La Rioja, la question de savoir si le comportement de la Commission à l’égard des régimes de 1988 et de 1993 a pu engendrer, à l’endroit des requérants, une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux vise à obtenir un contrôle de la qualification juridique opérée par le Tribunal, pour lequel la Cour est donc compétente dans le cadre d’un pourvoi (voir arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 147).

57      En outre, la Comunidad autónoma de La Rioja soutient que les requérants reprennent en grande partie, dans leur premier moyen, des arguments déjà exposés devant le Tribunal, ce qui serait contraire à la jurisprudence selon laquelle un pourvoi ne saurait se limiter à reproduire l’argumentation soulevée en première instance sans indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué.

58      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit de l’Union faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent à nouveau être discutés au cours d’un pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d’une partie de son sens (voir ordonnance du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C‑488/01 P, Rec. p. I-13355, point 39, et arrêt du 23 avril 2009, AEPI/Commission, C‑425/07 P, Rec. p. I‑3205, point 24).

59      Ainsi, dès lors que les requérants contestent la qualification juridique du comportement de la Commission concernant les régimes de 1988 et de 1993, le fait qu’ils réitèrent leur argumentation soulevée devant le Tribunal à cet égard ne rend pas celle-ci irrecevable.

60      En ce qui concerne la seconde branche du premier moyen, la Commission soutient que les requérants n’ont pas, en première instance, invoqué l’existence d’une position favorable de sa part à l’égard des régimes de 1993. Toutefois, malgré l’utilisation par les requérants des termes «position favorable» dans les pourvois, il convient de relever que, en substance, ils font valoir qu’une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux serait née de l’absence d’action de la Commission à l’égard des régimes de 1993. Ainsi, la fin de non recevoir soulevée par la Commission ne saurait prospérer.

61      De même, ne saurait être accueilli l’argument de la Commission selon lequel la seconde branche du premier moyen viserait à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits qui a été opérée par le Tribunal. En effet, il y a lieu de constater, à cet égard, que, si les requérants énumèrent dans cette branche un certain nombre d’éléments factuels déjà soumis au Tribunal, ils contestent toutefois, en substance, les conclusions en droit que ce dernier a tirées, au point 330 de l’arrêt attaqué, de ces éléments de fait, à savoir la constatation de l’absence de circonstance exceptionnelle ayant pu fonder une confiance légitime des requérants dans le caractère régulier des régimes fiscaux litigieux. Or, ainsi qu’il a déjà été dit au point 56 du présent arrêt, la Cour est compétente, dans le cadre d’un pourvoi, pour examiner une telle constatation.

62      Le premier moyen invoqué par les requérants au soutien de leurs pourvois est donc recevable.

–       Sur le fond

63      Les requérants font valoir, en substance, que le comportement de la Commission à l’égard des régimes de 1988 et de 1993 constitue une circonstance exceptionnelle de nature à fonder, à leur égard, une confiance légitime dans la régularité des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux. En particulier, ils invoquent au soutien de cette argumentation le fait que la Commission n’a émis aucune objection à l’égard de ces régimes antérieurs comportant des mesures analogues à celles en cause en l’espèce.

64      Sur ce point, il convient de rappeler qu’un État membre, dont les autorités ont octroyé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 88 CE, ne saurait, en principe, invoquer la confiance légitime des bénéficiaires pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de l’exécution d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide. Admettre une telle possibilité reviendrait, en effet, à priver les dispositions des articles 87 CE et 88 CE de tout effet utile, dans la mesure où les autorités nationales pourraient ainsi se fonder sur leur propre comportement illégal pour mettre en échec l’efficacité des décisions prises par la Commission en vertu de ces dispositions du traité CE (arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 150 et jurisprudence citée).

65      Il en va de même, à plus forte raison, pour un État membre ou des collectivités territoriales de celui-ci, qui, à l’instar des requérants, invoquent une confiance légitime dans leur propre chef alors qu’ils n’ont pas respecté l’obligation de notification prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE (voir arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 151).

66      Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que, contrairement à l’obligation prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE, les régimes fiscaux litigieux n’ont pas été notifiés à la Commission.

67      En tout état de cause, il y a lieu de constater que les éléments invoqués par les requérants ne sont pas de nature à constituer des circonstances exceptionnelles pouvant fonder une confiance légitime à leur égard.

68      En effet, il convient de rappeler d’emblée que la Cour a déjà jugé que, lorsqu’une aide d’État n’a pas été notifiée à la Commission, l’inaction de celle-ci à l’égard de cette aide est dépourvue de signification (arrêt Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, précité, point 52).

69      En ce qui concerne la première branche du premier moyen, relative aux régimes de 1988, il convient de souligner que c’est à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 318 de l’arrêt attaqué, que, dans sa décision 93/337, la Commission avait qualifié ceux-ci d’incompatibles avec le marché commun non seulement parce qu’ils étaient contraires à l’article 52 du traité, mais également parce qu’ils ne respectaient pas les règles de l’Union en matière d’aides d’État.

70      Force est de rappeler à cet égard que la lecture de la décision 93/337 proposée par les requérants, selon laquelle cette institution aurait qualifié les aides en cause dans cette décision d’incompatibles avec le marché commun uniquement parce qu’elles étaient contraires à l’article 52 du traité, a déjà été rejetée par la Cour dans son arrêt Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, précité.

71      En effet, la Cour a constaté, au point 48 dudit arrêt, que la Commission avait qualifié les régimes de 1988 d’incompatibles avec le marché commun parce qu’ils étaient contraires, d’une part, à l’article 52 du traité et, d’autre part, au point V de ladite décision consacré à l’examen de la possibilité d’admettre l’une des dérogations prévues à l’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE), parce qu’ils ne respectaient pas les diverses disciplines des aides.

72      Elle en a tiré la conclusion, aux points 50 et 51 de l’arrêt Demesa et Territorio Histórico de Álava/Commission, précité, qu’il ne pouvait pas être déduit de la décision 93/337 que le crédit d’impôt de 45 % en cause dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt et obtenu sur le fondement du régime fiscal litigieux en vigueur dans la province d’Álava ne pouvait pas être qualifié d’«aide» au sens de l’article 92 du traité. Au regard de ce contenu de la décision 93/337, la Cour a jugé que des circonstances exceptionnelles ayant pu légitimement fonder une confiance dans le caractère régulier de cette aide ne sauraient être invoquées.

73      La première branche du premier moyen doit par conséquent être rejetée comme non fondée.

74      Il en va de même en ce qui concerne la seconde branche dudit moyen, relative au comportement de la Commission à l’égard des régimes de 1993 et du crédit d’impôt de 25 % adopté par les requérants en 1993.

75      Il importe de rappeler à cet égard que, dans leurs pourvois dans les affaires C‑465/09 P à C-470/09 P, les requérants avaient également fait valoir que l’inaction de la Commission à la suite de l’adoption des régimes de 1993 devait être interprétée comme une circonstance exceptionnelle ayant fondé une confiance légitime dans la régularité des aides octroyées en application de ces régimes. Or, aux points 148 à 166 de l’arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, la Cour a rejeté cette argumentation et jugé que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit en jugeant que le comportement de la Commission, qui était en substance le même que celui invoqué par les requérants dans les présentes espèces, n’avait pu fonder une telle confiance légitime à leur égard dans la régularité des aides octroyées en application de ces régimes.

76      En particulier, au point 163 dudit arrêt, la Cour a jugé que, au regard des circonstances de l’espèce, l’inaction de la Commission ne saurait constituer une circonstance exceptionnelle et que son silence ne saurait être interprété comme une autorisation implicite des régimes de 1993. Cette appréciation ne saurait être remise en cause par le contenu de la lettre du 25 mai 1994, à laquelle se sont référés les requérants dans leurs pourvois ainsi que lors de l’audience, dans laquelle la Commission se bornait à inviter les autorités espagnoles à lui soumettre des observations au sujet de la plainte de 1994 et à indiquer que, en l’absence de réponse satisfaisante, elle serait tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard desdits régimes.

77      Dès lors, les régimes de 1993 et le comportement de la Commission à leur égard ne constituent pas non plus une circonstance exceptionnelle fondant une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux au profit des requérants. L’argumentation de ces derniers relative à l’analogie entre ces régimes et les régimes de 1993 est, par conséquent, inopérante, ainsi que le fait valoir la Commission.

78      Il en résulte également que l’argument relatif au crédit d’impôt de 25 %, selon lequel celui-ci avait été examiné concomitamment avec les régimes de 1993, doit être écarté comme inopérant. En effet, quand bien même la procédure engagée par la Commission à l’encontre de ceux-ci, et donc son attitude à leur égard, aurait également concerné ce crédit d’impôt, il ne saurait, en tout état de cause, en être conclu que cette attitude pourrait constituer une circonstance exceptionnelle fondant une confiance légitime dans la régularité des régimes fiscaux litigieux.

79      La seconde branche du premier moyen doit donc également être écartée et, partant, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la méconnaissance des règles en matière d’administration de la preuve

 Argumentation des parties

80      Par leur troisième moyen, les requérants font valoir que le Tribunal a méconnu les règles procédurales en matière d’administration de la preuve et le droit à un procès équitable en rejetant, au motif qu’il s’estimait suffisamment éclairé par les pièces du dossier, leur demande, formulée lors de l’audience de plaidoirie de première instance au titre de l’article 64, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commission de produire toute la documentation concernant les procès-verbaux des réunions organisées au sein de la Commission, au cours des mois de mai 1995 à mars 1997, au sujet des régimes fiscaux litigieux et des régimes de 1993. En particulier, cette demande portait sur le procès-verbal de la réunion du 17 mars 1997 qui s’est tenue entre des représentants de la Commission et du gouvernement de La Rioja, au cours de laquelle le commissaire en charge de la concurrence aurait déclaré que l’examen des régimes de 1993 relevait de la compétence non pas de l’Union, mais du Royaume d’Espagne.

81      Ces éléments de preuve auraient pu permettre de prouver que la Commission avait adopté une attitude favorable à l’égard des régimes de 1993, y compris en ce qui concerne le crédit d’impôt de 25 %, attitude qui serait constitutive d’une circonstance exceptionnelle engendrant une confiance légitime des requérants dans la légalité des dispositions mises en œuvre par les régimes de 1993 et les régimes fiscaux litigieux. Ils soutiennent que de tels éléments auraient été susceptibles d’amener le Tribunal à statuer dans un sens différent de celui de l’arrêt attaqué.

82      Dans leurs répliques, les requérants affirment que la production de nouveaux éléments de preuve au stade de l’audience de première instance était permise en l’espèce, étant donné qu’il leur avait été impossible, au préalable, de prendre connaissance de certains documents dont ils avaient sollicité la production.

83      La Commission fait valoir, tout d’abord, que ce moyen aurait dû être déclaré irrecevable par le Tribunal, la demande d’offre de preuves formulée au cours de l’audience de première instance ayant été tardive. Ensuite, ce moyen serait inopérant si la Cour devait rejeter le moyen tiré du principe de protection de la confiance légitime comme non fondé. Enfin, une partie ne saurait exiger qu’il soit automatiquement fait droit à sa demande d’offre de preuves. En effet, d’une part, il appartiendrait au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une telle demande et, d’autre part, en ce qui concerne l’examen par le Tribunal de documents internes à la Commission, il aurait été nécessaire que les requérants produisent, sur la base d’indices sérieux, la preuve qu’un tel examen était nécessaire au regard des circonstances exceptionnelles de l’espèce, ce qu’ils n’auraient pas fait.

84      La Comunidad autónoma de La Rioja ajoute que la demande des requérants est dénuée de toute pertinence pour la solution des litiges, puisqu’ils ne sont pas parvenus à démontrer, au moyen des éléments factuels et contextuels allégués, l’existence d’une circonstance exceptionnelle ayant pu fonder leur confiance légitime.

 Appréciation de la Cour

85      S’agissant de l’argument soulevé par la Commission selon lequel la demande formulée par les requérants au stade de l’audience de première instance aurait été tardive, il suffit de rappeler que, aux termes de l’article 64, paragraphes 3, sous d), et 4, du règlement de procédure du Tribunal, les mesures d’organisation de la procédure peuvent être proposées par les parties à tout stade de la procédure et peuvent consister à demander la production de documents ou de toute pièce relative à l’affaire (arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I-8417, point 92).

86      Dès lors, la demande des requérants n’était pas tardive.

87      Les requérants font grief au Tribunal d’avoir jugé, au point 63 de l’arrêt attaqué, qu’il était suffisamment éclairé par les pièces du dossier et d’avoir rejeté leur demande de production de documents.

88      Il importe de rappeler à cet égard que, pour permettre au Tribunal de juger de l’utilité de mesures d’organisation de la procédure, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 93).

89      En outre, s’il appartient au Tribunal, au regard de l’article 66, paragraphe 1, de son règlement de procédure, de juger de l’utilité de mesures d’instruction aux fins de la solution du litige qui lui est soumis, il incombe toutefois à la Cour de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant d’ordonner lesdites mesures (voir ordonnance du 4 octobre 2007, Olsen/Commission, C-320/05 P, points 63 et 64, ainsi que arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 108).

90      En l’espèce, il importe de relever que la demande d’offre de preuves ne permettait pas, hormis en ce qui concerne le procès-verbal de la réunion du 17 mars 1997 entre des représentants de la Commission et du gouvernement de La Rioja, d’identifier les documents précis dont la production était demandée ni, en tout état de cause, les éléments objectifs qu’ils contenaient et qui auraient été susceptibles de soutenir la thèse des requérants.

91      En outre, ce qui concerne ledit procès-verbal, le Tribunal a pu estimer que la circonstance selon laquelle le commissaire en charge de la concurrence aurait déclaré que l’examen des régimes de 1993 relevait de la compétence non pas de l’Union, mais du Royaume d’Espagne n’était pas susceptible d’être constitutive d’une circonstance exceptionnelle engendrant une confiance légitime des requérants dans la légalité des aides octroyées en application desdits régimes et, donc, dans celle des régimes fiscaux litigieux.

92      Dans ces conditions, le Tribunal a pu rejeter la demande de production de documents présentée par les requérants lors de l’audience de première instance.

93      Par conséquent, le troisième moyen invoqué par les requérants au soutien de leurs pourvois doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en liaison avec la violation du principe de proportionnalité

 Argumentation des parties

94      Par leur deuxième moyen, les requérants reprochent au Tribunal de ne pas avoir constaté que la Commission, en ordonnant la récupération de toutes les aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux, a violé le principe de proportionnalité lui imposant d’adopter la mesure la moins contraignante, à savoir la limitation de l’obligation de récupération aux montants excédant les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale. En effet, ne serait incompatible avec le marché commun que la partie de l’aide relative à de tels montants. Le Tribunal aurait en outre justifié de manière erronée l’absence d’une telle délimitation dans les décisions litigieuses par une prétendue absence d’informations fournies par les requérants au cours de l’examen de ces régimes par la Commission.

95      La Commission soutient que le fait qu’une aide ne dépasse pas les plafonds régionaux ne la rend pas automatiquement compatible, car elle seule est en mesure d’apprécier si l’aide en cause satisfait à toutes les conditions fixées dans les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9) et à pouvoir déclarer une telle aide compatible avec le marché commun. En outre, les autorités espagnoles n’auraient pas fourni les informations sollicitées dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Elles n’auraient pas non plus invoqué, dans leurs observations formulées au cours de cette procédure, la compatibilité des régimes fiscaux litigieux avec les règles sur les aides à finalité régionale ni, en tout état de cause, prouvé, devant le Tribunal, que ceux-ci remplissaient les conditions fixées par ces règles.

96      La Comunidad autónoma de La Rioja rappelle qu’un État membre ne peut, pour contester la légalité d’une décision en matière d’aides d’État, se prévaloir des éléments qu’il a omis de porter à la connaissance de la Commission pendant la procédure administrative. Cela vaudrait, a fortiori, en cas de refus de répondre à une demande expresse de renseignements. En outre, pour qu’un régime d’aides puisse être déclaré compatible avec le marché commun, il serait nécessaire que l’ensemble de ses cas d’application potentiels soit compatible, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Toutefois, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 379 de l’arrêt attaqué, il conviendrait de tenir compte de la possibilité que les aides individuelles puissent être considérées comme compatibles sur la base de leurs caractéristiques propres.

 Appréciation de la Cour

97      Les requérants reprochent, en substance, au Tribunal de ne pas avoir jugé que la Commission aurait dû, afin de respecter le principe de proportionnalité, limiter la récupération des aides illégales octroyées en application des régimes fiscaux litigieux aux montants des aides excédant les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale au Pays basque, les aides n’excédant pas ces plafonds étant, en revanche, compatibles avec le marché commun.

98      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, sans être tenue d’examiner chaque cas d’application particulier (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere»/Commission, C-71/09 P, C‑73/09 P et C-76/09 P, non encore publié au Recueil, point 130 et jurisprudence citée).

99      Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement de ce régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec. p. I‑2289, points 89 et 91, ainsi que Comitato «Venezia vuole vivere»/Commission, précité, point 63).

100    Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, mentionnée par le Tribunal au point 372 de l’arrêt attaqué, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité, de sorte que la récupération de cette aide, en vue du rétablissement de la situation antérieure, ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d’aides d’État (voir, notamment, arrêt du 11 mars 2010, CELF et ministre de la Culture et de la Communication, C‑1/09, non encore publié au Recueil, point 54 et jurisprudence citée).

101    Il en découle, d’une part, que la conséquence des déclarations d’incompatibilité contenues dans les décisions litigieuses, qui se rapportent aux régimes fiscaux litigieux en tant que tels, doit être la suppression de ceux-ci ainsi que le déclenchement du processus de récupération de la totalité des aides octroyées en application de ces régimes, sans que cette obligation doive distinguer, à ce stade, selon que les montants à récupérer excèdent ou non les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale.

102    D’autre part, ce n’est que lors d’une étape ultérieure, à l’occasion de la récupération effective des aides individuelles octroyées en application des régimes fiscaux litigieux, que les autorités espagnoles pourraient demander à la Commission qu’elle exclue, sur la base d’un régime d’aides à finalité régionale, le cas échéant, une aide individuelle particulière de l’obligation de récupération (voir, en ce sens, arrêt Comitato «Venezia vuole vivere»/Commission, précité, points 64 et 115). Le Tribunal a d’ailleurs rappelé cette considération dans la seconde phrase du point 379 de l’arrêt attaqué, en citant un passage de la motivation des décisions litigieuses se référant expressément à «la possibilité que des aides individuelles soient considérées, totalement ou partiellement, comme compatibles avec le marché commun sur la base de leurs caractéristiques propres, que ce soit dans le cadre d’une décision ultérieure de la Commission ou en application des règlements d’exemption».

103    Or, en l’espèce, les requérants se bornent à faire valoir le caractère disproportionné de l’obligation de récupération en tant qu’elle vise l’intégralité des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux et ne se limite pas aux aides excédant les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale, sans qu’ils aient, ainsi que l’a relevé la Commission et comme il ressort des points 14 du présent arrêt et 379 de l’arrêt attaqué, fourni des informations durant la phase administrative de nature à démontrer que, dans des cas individuels, des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux étaient compatibles avec le marché commun, notamment parce qu’elles ont été octroyées dans le respect des plafonds régionaux applicables au Pays basque et satisfont à l’ensemble des conditions pour bénéficier de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE.

104    Dès lors, en confirmant que c’est à bon droit que les décisions litigieuses n’ont pas limité l’obligation de récupération des aides en cause aux montants excédant les plafonds fixés pour les aides à finalité régionale, le Tribunal n’a pas violé le principe de proportionnalité considéré en liaison avec l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999. Ce moyen doit par conséquent être rejeté.

105    Aucun des moyens invoqués par les requérants au soutien de leurs pourvois n’étant susceptible de prospérer, il convient de rejeter ceux-ci dans leur ensemble.

 Sur les pourvois incidents

106    Dans leurs pourvois incidents, les Cámaras de Comercio invoquent trois moyens fondés sur la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, considéré en liaison avec la violation, respectivement, des principes de sécurité juridique, de bonne administration et d’égalité de traitement.

 Sur les moyens tirés de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en liaison avec la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration

 Argumentation des parties

107    Les Cámaras de Comercio soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne considérant pas qu’une procédure d’examen préliminaire d’une durée de 38 mois était déraisonnable et portait ainsi atteinte aux principes de sécurité juridique et de bonne administration, de sorte que, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, une telle durée s’opposait à la récupération des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux.

108    Le Tribunal aurait, tout d’abord, dénaturé les décisions litigieuses en affirmant que l’examen des régimes fiscaux litigieux nécessitait une analyse approfondie de la législation espagnole ainsi que de questions de fait et de droit complexes. Le Tribunal n’aurait, par ailleurs, pas non plus suffisamment motivé cette appréciation, notamment en précisant en quoi cette analyse aurait consisté.

109    Les Cámaras de Comercio font valoir, ensuite, que le Tribunal a invoqué à tort le contexte de l’examen préliminaire, à savoir le fait que la Commission a procédé pendant celui-ci à l’examen des aides individuelles octroyées à Demesa et à Ramondín, pour justifier la durée de la procédure. Il aurait ainsi méconnu la jurisprudence selon laquelle le fait pour la Commission de définir des priorités porte atteinte à l’exigence de sécurité juridique.

110    En outre, les Cámaras de Comercio soutiennent que le Tribunal a commis une erreur en considérant, dans le cadre de l’examen de l’imputabilité de la durée de la procédure, que la Commission n’a disposé des informations nécessaires pour ouvrir la procédure formelle d’examen que le 2 juin 1999. Dans le cas de régimes d’aides, les informations nécessaires pour que la Commission puisse se former une première opinion sur leur compatibilité correspondraient aux seules caractéristiques de ces régimes, soit à des informations qui sont de notoriété publique.

111    Enfin, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que la Commission n’a pas respecté son obligation de publier au Journal officiel des Communautés européennes, dès qu’elle a connaissance d’une aide potentiellement illégale, un avis avertissant les bénéficiaires potentiels d’une telle aide de la précarité de celle-ci, en application de la communication concernant les aides accordées illégalement (JO 1983, C 318, p. 3, ci-après la «communication de 1983 sur les aides illégales»).

112    La Commission soulève, tout d’abord, l’irrecevabilité des moyens tirés de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 considéré en liaison avec celle des principes de sécurité juridique et de bonne administration. Elle estime, d’une part, qu’il s’agit de moyens nouveaux, les Cámaras de Comercio ayant fait valoir, en première instance, la durée excessive de la procédure d’examen préliminaire en se fondant sur des arguments différents.

113    D’autre part, elle argue que si, en vertu des articles 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour et 116, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une partie intervenante a la possibilité de présenter des arguments nouveaux ou différents de ceux de la partie qu’elle soutient, elle ne saurait en revanche modifier le cadre du litige en soulevant des moyens nouveaux. Or, les moyens tirés de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration n’auraient pas été mentionnés dans les requêtes introductives d’instance devant le Tribunal. Ce dernier, qui a abordé la question de la durée de la procédure d’examen préliminaire en liaison avec ces moyens, aurait dû les rejeter comme irrecevables. La Cour devrait donc procéder à une substitution de motifs sur ce point si elle l’estime nécessaire. Seraient de même irrecevables, car visant une nouvelle appréciation des faits et étant nouveaux, les arguments portant sur la complexité de l’analyse à effectuer par la Commission et la notion d’informations nécessaires.

114    Ensuite, la Commission soutient qu’une analyse détaillée de la législation fiscale nationale est indispensable pour examiner si une mesure fiscale sélective peut être justifiée par la nature et l’économie du système fiscal de l’État membre concerné. Quant à l’examen des aides accordées à Demesa et à Ramondín, elle précise que, lors de celui-ci, elle n’a pas suspendu l’examen des régimes fiscaux litigieux, mais a seulement traité les cas d’application des régimes dont elle avait connaissance. S’agissant de la constatation du Tribunal relative aux informations nécessaires pour ouvrir la procédure formelle, elle rappelle qu’elle dispose d’une certaine marge d’appréciation dans la conduite de son examen préliminaire. En l’espèce, les informations sollicitées pendant cette phase devaient lui permettre d’évaluer la portée réelle desdits régimes.

115    Enfin, la Commission argue que la récupération des aides ne saurait être subordonnée à la publication d’un avertissement préalable au Journal officiel des Communautés européennes en application de la communication de 1983 sur les aides illégales.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la recevabilité

116    La Commission fait, tout d’abord, valoir que le Tribunal a commis une erreur en jugeant que l’argumentation invoquée par les Cámaras de Comercio à l’encontre de la durée de la procédure d’examen préliminaire, sur le fondement des principes de sécurité juridique et de bonne administration, était recevable.

117    À cet égard, il convient de relever que, pour autant que les conclusions du mémoire en intervention n’ont pas d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties, en vertu de l’article 40, quatrième alinéa, du statut de la Cour, un moyen présenté par l’intervenant autre que ceux sur lesquels les requérants ont fondé leur argumentation doit être considéré comme recevable (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2010, Commission/Italie, C‑334/08, non encore publié au Recueil, points 53 à 56 et jurisprudence citée).

118    Or, en l’espèce, si la Commission relève que les requérants ont fondé, dans leurs requêtes en première instance, leur argumentation relative à la durée déraisonnable de la procédure d’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux sur la seule violation du principe de protection de la confiance légitime, les Cámaras de Comercio ont néanmoins conclu, dans leurs mémoires en intervention devant le Tribunal, de même que les requérants dans leurs requêtes introductives d’instance, à l’annulation des décisions litigieuses, notamment en raison de la prétendue durée déraisonnable de la procédure d’examen préliminaire des régimes fiscaux litigieux.

119    Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 294 de l’arrêt attaqué, que l’argumentation tirée de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration en raison de la durée de la procédure d’examen préliminaire invoquée par les Cámaras de Comercio n’était pas de nature à modifier l’objet du litige et qu’elle était, dès lors, recevable.

120    En ce qui concerne, ensuite, l’argumentation de la Commission visant à faire constater que les moyens soulevés par les Cámaras de Comercio sont nouveaux, il suffit de constater que ces dernières ont invoqué, dans leurs mémoires en intervention, la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 par les décisions litigieuses en liaison avec la violation de certains principes généraux du droit de l’Union. Dans le cadre de ce moyen, elles ont explicitement mentionné les principes de bonne administration et de sécurité juridique en liaison avec l’argumentation portant sur la durée de la procédure d’examen préliminaire. Dès lors, l’argumentation relative au caractère nouveau des moyens soulevés par les Cámaras de Comercio au stade du pourvoi incident ne saurait être accueillie.

121    Les pourvois incidents sont par conséquent recevables en ce qui concerne les moyens tirés de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en liaison avec celle des principes de sécurité juridique et de bonne administration.

122    En revanche, ainsi que le soutient à bon droit la Commission, est irrecevable l’argumentation des Cámaras de Comercio par laquelle elles critiquent la constatation du Tribunal, au point 301 de l’arrêt attaqué, relative à la complexité de l’analyse à mener par la Commission dans le cadre de l’examen des régimes fiscaux litigieux. Cette argumentation vise en effet à remettre en cause l’appréciation des faits opérée par le Tribunal, alors que le pourvoi est limité aux questions de droit [voir arrêt du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, Rec. p. I‑2941, point 54].

123    S’agissant, enfin, de l’argument invoqué par les Cámaras de Comercio à l’encontre de la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission n’avait disposé des informations nécessaires pour ouvrir la procédure formelle d’examen que le 2 juin 1999, il convient de constater qu’il est recevable.

124    Le Tribunal ayant jugé, au point 305 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas pu ouvrir la procédure formelle d’examen avant ladite date à défaut de disposer des informations nécessaires pour ouvrir la procédure formelle d’examen, les Cámaras de Comercio sont recevables à critiquer cette constatation, puisque celle-ci a été effectuée pour la première fois dans l’arrêt attaqué (voir arrêt du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec. p. I‑833, point 50 et jurisprudence citée). En outre, la question de savoir si c’est à bon droit que le Tribunal a fait ladite constatation est liée à celle du caractère raisonnable ou non de la durée de la procédure préliminaire d’examen, qui concerne une question de droit pouvant être soumise au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi et qui, partant, est recevable.

–       Sur le fond

125    Par les deux premiers moyens de leurs pourvois incidents, les Cámaras de Comercio font valoir, en substance, que la durée de la procédure d’examen préliminaire porte atteinte, en raison de sa longueur, aux principes de sécurité juridique et de bonne administration, de sorte qu’elle s’oppose, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, à la récupération des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux. À cet égard, elles reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en constatant que la durée de la procédure n’était pas déraisonnable et ne portait pas atteinte auxdits principes.

126    Il y a lieu de constater d’emblée que, aux termes de l’article 14, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement n° 659/1999, la Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

127    Il en ressort qu’il est possible pour un État membre de s’opposer à la récupération d’une aide illégale lorsque des circonstances existent en présence desquelles la récupération effective de cette aide constituerait une violation d’un principe général du droit de l’Union.

128    En premier lieu, les Cámaras de Comercio invoquent le caractère prétendument déraisonnable du délai de 38 mois qui s’est écoulé entre la date du dépôt de la première plainte dénonçant l’existence d’aides individuelles accordées à Demesa, au mois de juin 1996, et l’ouverture de la procédure formelle d’examen des régimes fiscaux litigieux, au mois d’août 1999.

129    Or, il convient de souligner, d’une part, que les régimes fiscaux litigieux n’ont pas été notifiés à la Commission en vertu de l’article 88, paragraphe 3, CE. Dès lors, si la Commission est certes tenue d’agir dans un délai raisonnable dans le cadre d’une procédure d’examen d’aides d’État et si elle n’est pas autorisée à perpétuer un état d’inaction pendant la phase préliminaire d’examen (voir arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I‑5829, point 40, ainsi que Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, point 155), elle n’était pas soumise, en l’espèce, en l’absence de notification des régimes fiscaux litigieux, à la règle du délai d’examen de deux mois prévu à l’article 4, paragraphe 5, du règlement n° 659/1999 et dont l’origine se trouve dans l’arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz (120/73, Rec. p. 1471).

130    D’autre part, il y a lieu de constater que le délai de 38 mois invoqué par les Cámaras de Comercio prend pour point de départ une plainte déposée non pas à l’encontre des régimes fiscaux litigieux, mais contre des aides individuelles accordées à Demesa, entre autres sur le fondement de ces régimes, sans que les intervenantes établissent que c’est à partir du dépôt de cette plainte que la Commission a disposé des renseignements nécessaires pour ouvrir la procédure formelle d’examen à l’encontre de ces régimes ni à quelle date précise ceux-ci ont été portés à la connaissance de cette institution.

131    Or, il ressort du point 17 de l’arrêt attaqué que c’est à l’occasion des procédures engagées à la suite de deux plaintes enregistrées à l’encontre de l’application d’un crédit d’impôt de 45 % aux entreprises Demesa et Ramondín, implantées dans la province d’Álava, que la Commission a eu connaissance de l’existence des régimes fiscaux litigieux dans cette province.

132    Par la suite, la Commission a appris, par des renseignements qui lui ont été communiqués de manière informelle, que des mesures similaires, adoptées respectivement aux mois de décembre 1996 et 1997, existaient dans les provinces de Vizcaya et de Guipúzcoa. Au mois de mars 1999, elle a demandé aux autorités espagnoles des renseignements portant sur les régimes adoptés dans ces deux provinces.

133    Enfin, à la suite de la réception des informations demandées, le 2 juin 1999, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen à l’encontre des régimes fiscaux litigieux au cours du mois d’août de la même année.

134    Il importe donc de relever que ce n’est pas à compter de la réception des plaintes contre les aides individuelles accordées à Demesa et à Ramondín que la Commission a disposé des informations relatives aux régimes fiscaux litigieux lui permettant d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard de ceux-ci, mais que c’est progressivement, en procédant à l’examen des plaintes contre ces aides individuelles et au traitement en parallèle de celles-ci et desdits régimes, que la Commission a obtenu ces informations.

135    Eu égard aux circonstances ainsi rappelées et, en particulier, au fait que les Cámaras de Comercio n’ont pas apporté d’éléments de nature à établir que la Commission disposait, avant le mois d’août 1999, de suffisamment de renseignements pour ouvrir la procédure formelle d’examen à l’encontre des régimes fiscaux litigieux, il convient de constater qu’il ne saurait être reproché à cette institution de ne pas avoir agi dans un délai raisonnable ni que son comportement, lors du déroulement de la procédure d’examen préliminaire de ces régimes, aurait constitué une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration dans le cadre de la procédure de récupération des aides en cause au titre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

136    En second lieu, les Cámaras de Comercio font valoir que les principes de sécurité juridique et de bonne administration ont été méconnus en raison de l’absence de publication par la Commission d’un avertissement au Journal officiel des Communautés européennes, contrairement à ce qui est prévu par la communication de 1983 sur les aides illégales.

137    Cet argument ne peut pas être accueilli. En effet, comme il a été jugé au point 164 de l’arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, une telle omission ne saurait rendre impossible la récupération des aides octroyées illégalement en vertu des régimes fiscaux litigieux, et ce alors surtout que, dans le cas d’aides non notifiées, l’absence de sécurité juridique dans le chef des bénéficiaires résulte non pas d’une telle omission de publication, mais de l’absence de notification des aides en cause.

138    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que les circonstances invoquées par les Cámaras de Comercio ne constituent pas une violation d’un principe général du droit de l’Union susceptible de s’opposer à la récupération des aides octroyées en application des régimes fiscaux litigieux et que c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté le moyen relatif à la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

139    Par conséquent, les premier et deuxième moyens invoqués par les Cámaras de Comercio au soutien de leurs pourvois incidents doivent être rejetés.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 en liaison avec la violation du principe d’égalité de traitement

 Argumentation des parties

140    Selon les Cámaras de Comercio, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 355 de l’arrêt attaqué, que leur moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement était irrecevable. Une partie intervenante aurait le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions des requérants et ne sont pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige. Or, ce moyen, en ce qu’il serait proche du moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, ne serait pas totalement étranger au litige. Sur le fond, ce moyen serait fondé, la Commission tenant compte, dans sa pratique décisionnelle, de la longueur de la procédure en tant que circonstance susceptible de fonder une confiance légitime.

141    Selon la Commission, c’est à bon droit que le Tribunal a déclaré ledit moyen irrecevable en ce qu’il ne figurait pas dans les requêtes introductives d’instance. En tout état de cause, ce moyen ne serait pas fondé, les intervenantes n’ayant pas démontré que les situations en cause dans les présents litiges sont comparables à celles qui étaient à l’origine de l’adoption des décisions de la Commission qu’elles invoquent.

 Appréciation de la Cour

142    Il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, aux points 355 à 361 de l’arrêt attaqué, que le moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement était irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

143    À cet égard, il y a lieu de constater que, à supposer même que l’appréciation du Tribunal relative à la recevabilité dudit moyen soit erronée, comme le font valoir les Cámaras de Comercio, cette argumentation doit être écartée comme inopérante, dès lors que le rejet par le Tribunal de ce moyen ne repose pas uniquement sur l’irrecevabilité de celui-ci.

144    Le Tribunal a en effet également jugé que ledit moyen n’était pas fondé, sans que les Cámaras de Comercio soient parvenues à démontrer, dans leurs pourvois incidents, que le Tribunal a commis une erreur de droit à cet égard.

145    En effet, les Cámaras de Comercio n’ont pas établi à suffisance de droit les raisons pour lesquelles les situations ayant donné lieu à l’arrêt attaqué sont comparables à celles dans lesquelles la Commission a antérieurement estimé qu’une confiance légitime dans la régularité d’une aide d’État pouvait découler de la durée excessive de la procédure d’examen préliminaire.

146    Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 359 de l’arrêt attaqué, dans les décisions précédentes auxquelles se réfèrent les Cámaras de Comercio, la Commission avait notamment pris en considération le fait que l’absence d’aide avait été expressément constatée dans d’autres décisions concernant des mesures analogues, que la durée de la procédure n’était aucunement imputable à l’État membre concerné ou que le seul bénéficiaire du régime en cause ne s’était pas vu octroyer l’avantage litigieux. Or, dans les présentes espèces, les circonstances sont tout à fait différentes et ne sont pas comparables à celles ayant donné lieu aux décisions dont se prévalent les intervenantes, de sorte que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la violation du principe d’égalité de traitement n’avait pas été établie par ces dernières (voir arrêt Diputacion Foral de Vizcaya e.a./Commission, précité, points 180 et 181).

147    Le troisième moyen invoqué par les Cámaras de Comercio à l’appui de leurs pourvois incidents ne saurait, dès lors, être accueilli.

148    Aucun des moyens invoqués par les Cámaras de Comercio au soutien de leurs pourvois incidents n’étant susceptible de prospérer, il convient de rejeter ceux-ci dans leur ensemble.

 Sur les dépens

149    L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Quant au paragraphe 4, premier alinéa, de cet article 69, il énonce que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. 

150    En l’espèce, les requérants et les Cámaras de Comercio ayant, chacun en ce qui le concerne, succombé en leurs moyens, il convient de les condamner à supporter à parts égales les dépens afférents aux pourvois.

151    Conformément à l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Les pourvois principaux et les pourvois incidents sont rejetés.

2)      Le Territorio Histórico de Vizcaya – Diputación Foral de Vizcaya, le Territorio Histórico de Álava – Diputación Foral de Álava, le Territorio Histórico de Guipúzcoa – Diputación Foral de Guipúzcoa, la Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Vizcaya, la Cámara Oficial de Comercio e Industria de Álava et la Cámara Oficial de Comercio, Industria y Navegación de Guipúzcoa sont condamnés à parts égales aux dépens afférents aux présents pourvois.

3)      Le Royaume d’Espagne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.