CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PEDRO Cruz Villalón
présentées le 30 septembre 2010 (1)
Affaire C‑338/09
Yellow Cab Verkehrsbetriebs GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien (Autriche)]
«Libre prestation de services de transport – Droit d’établissement – Concurrence – Exploitation à des fins touristiques d’une ligne de transport public urbain desservant des arrêts fixes – Existence d’un établissement en tant que condition préalable à l’octroi d’une concession – Protection de la rentabilité du concessionnaire préexistant»
1. La présente affaire préjudicielle offre à la Cour l’occasion d’approfondir encore (2) la question des effets spécifiques de la libre prestation des services dans le domaine du transport, celle de la délimitation de cette liberté par rapport à la liberté d’établissement et celle du rôle de ces deux libertés, dont l’exercice effectif garantit le bon fonctionnement de l’«espace sans frontières intérieures» (3) qu’est l’Union européenne.
2. L’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien (Autriche) invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité avec les articles 49 TFUE, 56 TFUE et 101 TFUE d’une réglementation nationale qui subordonne la délivrance d’une autorisation d’exploiter une «ligne touristique d’autobus» a) à ce que l’entreprise candidate dispose, à la date de la concession ou, au plus tard, au moment de commencer le transport, d’un siège ou d’un établissement (où se déroulera l’activité économique en question) dans l’État de l’autorité accordant l’autorisation et b) à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la rentabilité d’une entreprise concurrente fournissant le même service sur un itinéraire partiellement ou complètement identique.
I – La réglementation applicable
A – Droit de l’Union européenne
3. L’article 49 TFUE (ex-article 43 CE) réglemente, «dans le cadre des dispositions ci-après», le droit d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre en interdisant toute restriction à ce droit, y compris les restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un autre État membre. Il inclut dans la liberté d’établissement «l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants […]».
4. Pour sa part, l’article 56 TFUE (ex-article 49 CE) interdit, lui aussi «dans le cadre des dispositions ci-après», les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.
5. D’après le paragraphe 1 de l’article 58 TFUE (ex-article 51 CE), «[l]a libre circulation des services, en matière de transports, est régie par les dispositions du titre relatif aux transports».
6. En vue de réaliser la mise en œuvre d’une politique commune des transports, l’article 91, paragraphe 1, sous b), TFUE confie au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne le soin d’établir les «conditions d’admission de transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un État membre».
B – Droit autrichien
7. D’après la loi autrichienne relative aux lignes de transport par autobus (Kraftfahrliniengesetz, ci-après le «KflG») (4), le transport par autobus de ligne desservant des arrêts fixes tout au long d’un itinéraire préétabli doit être autorisé par une concession (article 1er); la demande de concession doit répondre à des conditions très précises (article 2) et son octroi incombe au Landeshauptmann (article 3). Si l’entreprise candidate n’est pas autrichienne, elle doit disposer d’un siège ou d’un établissement d’exploitation permanent en Autriche (article 7, paragraphe 1, point 2) pour pouvoir être assimilée aux candidats autrichiens. D’autre part, la concession est réputée contraire à l’intérêt public lorsque le service peut compromettre l’exécution de la mission de transport par le transporteur dans la zone duquel se trouve la ligne sollicitée, ce qui serait le cas si ce transporteur était gravement affecté dans l’exploitation du service par une perte de recettes de nature à mettre, à l’évidence, sa rentabilité en péril [article 7, paragraphe 1, point 4, sous b), en combinaison avec l’article 14, paragraphes 1 à 3].
II – Les faits
8. Le 25 janvier 2008, l’entreprise allemande Yellow Cab Verkehrsbetriebs GmbH (ci-après «Yellow Cab») a sollicité, au titre du KflG, l’octroi d’une concession pour exploiter un service d’autobus de ligne, exclusivement dans la ville de Wien, suivant un itinéraire défini à des fins touristiques, avec des arrêts fixes, et qui était dans sa quasi-totalité déjà couvert par un groupe d’entreprises (5).
9. La demande d’octroi de concession a été rejetée par l’autorité compétente le 13 mars 2009, au motif qu’attribuer la concession porterait préjudice à la sécurité routière. Sur recours introduit par Yellow Cab, l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien a constaté que d’autres motifs de rejet pouvaient être déduits de la législation autrichienne, à savoir le fait que Yellow Cab n’avait pas de siège ou d’établissement en Autriche à la date de la demande de concession et le fait que la rentabilité du transporteur déjà en activité aurait été gravement compromise.
III – Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
10. S’interrogeant sur la compatibilité avec le droit de l’Union de ces conditions inscrites dans la réglementation autrichienne, l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes:
«1) Une disposition de droit national relative à l’octroi de l’autorisation d’exploitation d’une ligne d’autobus et donc à l’organisation d’un moyen de transport public permettant de desservir régulièrement des arrêts déterminés selon un horaire établi est-elle compatible avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services prévues aux articles 43 CE et suivants et 49 CE et suivants, et avec le droit de la concurrence inscrit aux articles 81 CE et suivants lorsqu’elle prévoit comme conditions de l’autorisation:
a) que l’entreprise demanderesse doit disposer d’un siège ou d’un établissement dans l’État de l’autorité accordant l’autorisation dès avant d’entamer l’exploitation de la ligne et en particulier au moment de la concession;
b) que, au plus tard à partir du moment où elle entame l’exploitation de la ligne, l’entreprise demanderesse doit disposer d’un siège ou d’un établissement dans l’État de l’autorité accordant l’autorisation?
2) Une disposition de droit national relative à l’octroi de l’autorisation d’exploitation d’une ligne d’autobus et donc à l’organisation d’un moyen de transport public permettant de desservir régulièrement des arrêts déterminés conformément à un horaire établi est-elle compatible avec la liberté d’établissement et la libre prestation de services prévues aux articles 43 CE et suivants et 49 CE et suivants et avec le droit de la concurrence inscrit aux articles 81 CE et suivants lorsqu’elle prévoit qu’une autorisation doit être refusée dès lors que, sur cet itinéraire emprunté, en cas de mise en service du transport sollicité sur la ligne d’autobus, une entreprise concurrente qui emprunte un itinéraire en tout ou en partie identique à l’itinéraire concerné verrait ses recettes provenant de cet itinéraire de ligne exploité diminuer de façon si notable que la continuation de l’exploitation de cet itinéraire de ligne par l’entreprise concurrente ne serait plus rentable en économie de marché?»
11. Cette demande préjudicielle a été inscrite au registre du greffe de la Cour le 24 août 2009.
12. Dans ses observations écrites, Yellow Cab affirme l’invalidité des conditions précitées, tandis que le gouvernement autrichien, après avoir contesté la recevabilité de la seconde question, soutient la compatibilité de ces conditions avec le droit de l’Union; en particulier, il considère la libre prestation de services comme n’intervenant pas en l’espèce. Dans le même sens, le gouvernement allemand, qui se borne à examiner la condition de siège ou d’établissement, nie que la liberté d’établissement ait été violée; il est suivi en cela par le gouvernement italien, pour lequel la défense économique du concessionnaire antérieur peut être justifiée. Enfin, la Commission exclut qu’en l’espèce la libre concurrence ou la libre prestation de services soient affectées; pour ce qui est de la liberté d’établissement, elle admet l’exigence d’un siège ou d’un établissement, mais en la limitant à la période immédiatement antérieure au lancement du service.
13. Il faut tenir compte du fait que, dans chacune de ses deux questions, l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien examine les conditions imposées par la législation autrichienne à l’aune de trois notions de droit primaire, qui sont la libre prestation de services, la liberté d’établissement et la concurrence. Pour des raisons systématiques, j’aborderai l’analyse de ces conditions exclusivement sous l’angle des deux libertés, avant de me référer à l’impact de la concurrence sur cette affaire.
IV – Analyse de la première question
A – Du point de vue de la libre prestation de services
14. Comme je viens de l’observer, la juridiction de renvoi érige les libertés de prestation de services et d’établissement en paramètres d’évaluation de la présente affaire, de sorte qu’il convient d’entrée de jeu de délimiter ces deux libertés.
1. La ligne de démarcation entre libre prestation de services et droit d’établissement
15. En un premier temps, il faut signaler que, dans une jurisprudence constante, la Cour a employé certains critères déterminants pour distinguer entre «prestation de services» et «établissement».
16. Ainsi, la stabilité et la continuité de la prestation permettent de considérer que la notion d’établissement implique la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d’un État membre autre que son État d’origine, et d’en tirer profit, favorisant ainsi l’interpénétration économique et sociale à l’intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (6).
17. En revanche, le caractère «temporaire» de son exercice (7) permettra de qualifier une activité économique de «prestation de services», donnant ainsi plus de netteté à la frontière diffuse entre les deux libertés (8).
18. Ces critères prennent une importance particulière en l’espèce, puisque les faits décrits par la juridiction de renvoi et la nature du service proposé par Yellow Cab semblent indiquer que son activité va être exercée de façon permanente ou, en tout cas, sans limitation de durée prévisible, c’est-à-dire dans des conditions que la Cour prend expressément en considération pour rejeter l’application des dispositions sur la prestation de services (9). À titre de récapitulation, une activité comme celle que Yellow Cab voulait exercer et qui, de par ses caractéristiques, requiert une certaine permanence et une certaine stabilité dans l’État membre où elle doit se dérouler, ressortit plutôt au champ d’application de la liberté d’établissement (article 49 TFUE) qu’à celui de la libre prestation de services (article 56 TFUE).
2. La libre prestation de services dans le cadre de la politique de l’Union en matière de transport
19. En toute hypothèse, et indépendamment de ce qui précède, il ne faut pas oublier que l’activité que Yellow Cab veut poursuivre semble clairement relever du domaine du transport, pour lequel le développement de la libre prestation de services est confié par l’article 58 TFUE au droit dérivé relatif à la politique commune en matière de transport (10).
20. Or, en l’absence de norme sectorielle specialis en matière de transports, il est de jurisprudence constante que l’article 56 TFUE ne saurait servir de critère pour mesurer le degré d’opposition du droit de l’Union à une norme nationale, étant donné l’étroite marge de manœuvre concédée par la Cour en la matière (11). Il convient donc de déterminer s’il y a en l’espèce une norme de ce type.
21. Tout d’abord, le règlement (CEE) n° 1191/69 (12), modifié par le règlement (CEE) n° 1893/91 (13), n’est pas applicable en l’espèce (14), parce qu’il ne régit pas expressément la libre prestation de services au sens de l’article 56 TFUE. Il faut de même exclure l’application du règlement (CEE) n° 684/92 (15), en tant qu’il exige que le transport soit international, et celle du règlement (CE) n° 12/98 (16), dont l’article 3 n’admet les transports de cabotage que pour «[...] les services réguliers, à condition que ceux-ci soient exécutés par un transporteur non résident dans l’État membre d’accueil durant un service régulier international conformément au règlement (CEE) n° 684/92. Le transport de cabotage ne peut être exécuté indépendamment de ce service international. Les services urbains et suburbains sont exclus du champ d’application du présent point».
22. Il faut également exclure, ratione temporis, l’application du règlement (CE) n° 1370/2007 (17), qui prévoit aussi expressément une exception pour les services essentiellement exploités pour leur intérêt historique ou pour leur vocation touristique (article 1er, paragraphe 2); cela vaut également pour le règlement (CE) n° 1073/2009 (18), toujours à cause de son champ d’application temporel et parce qu’il exclut les «services de transport répondant aux besoins d’un centre urbain ou d’une agglomération» et ceux qui sont effectués «indépendamment de ce service international» [article 15, sous c)].
23. Partant, faute de norme spéciale qui, pour une situation comme celle analysée ici, développe la libre prestation de services dans le champ de la politique des transports, il est impossible de mesurer les conditions établies dans la législation autrichienne à l’aune de l’article 56 TFUE.
B – Du point de vue du droit d’établissement
24. Il convient d’analyser maintenant la légalité des conditions imposées par le droit autrichien du point de vue du droit d’établissement et des conséquences juridiques de celui-ci, à savoir l’exercice d’une activité économique stable et continue dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants (article 42, second alinéa, TFUE).
L’autorisation préalable en tant que condition d’exercice de l’activité
25. L’exigence d’une autorisation constitue en principe une restriction à la liberté d’établissement, qui ne peut être justifiée que si elle est apte à garantir la réalisation des objectifs qu’elle vise à préserver et si elle est fondée sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, qui assurent qu’elle soit propre à encadrer suffisamment l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (19) et qui permettent d’éliminer les actes discrétionnaires susceptibles de priver d’efficacité les dispositions du droit de l’Union relatives à cette liberté fondamentale.
26. En effet, d’après l’article 52, paragraphe 1, TFUE les restrictions au droit d’établissement peuvent être justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique; pour cela, elles devront cependant être aptes à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Ce critère de proportionnalité, que la Cour a appliqué de façon itérative dans sa jurisprudence sur les libertés fondamentales, est habituellement qualifié de test du caractère approprié et de la nécessité, respectivement, dont les limites sont naturellement dépassées si les fins poursuivies peuvent être atteintes par des mesures moins restrictives (20).
27. Sans aller jusqu’à évoquer la notion juridique de service d’intérêt général, l’activité consistant à exploiter une ligne d’autobus qui, s’arrêtant à des endroits préétablis, parcourt une ville à des fins touristiques ne me semble pas dépourvue d’un certain d’intérêt général, étant donné la pluralité d’éléments concernés, tels que la sécurité et l’intégrité des personnes, la sécurité routière, voire la bonne gestion de la mobilité urbaine (21), qui peuvent justifier, sans que le droit de l’Union s’y oppose, que la concession soit soumise à autorisation. En effet, pour atteindre ces objectifs, «un contrôle préalable exercé par l’administration compétente pourrait apparaître [comme le plus indiqué] [...], alors qu’un système de vérification a posteriori risquerait d’intervenir trop tardivement, notamment lorsque des dépenses importantes ont déjà été engagées et sont difficilement récupérables» (22).
28. Parmi les conditions auxquelles l’autorisation est subordonnée, il faut analyser séparément celle relative au siège ou à l’établissement, d’une part, et celle concernant la protection économique du concessionnaire antérieur, d’autre part.
C – La condition de siège ou d’établissement
29. La réglementation autrichienne subordonne l’octroi de la concession à ce que l’entreprise candidate ait un siège ou un établissement d’exploitation en Autriche. Compte tenu de l’importance du moment auquel cette exigence doit être vérifiée, il convient d’analyser d’abord la nature intrinsèque de cette condition avant d’examiner sa dimension temporelle.
1. L’exigence du siège ou de l’établissement prise intrinsèquement
30. À la différence de la situation dans le champ de la libre prestation de services, où l’exigence d’un établissement permanent peut enlever tout effet utile à l’article 56 TFUE, au point de représenter la «négation même de cette liberté» (23), l’obligation de disposer d’un établissement – en tant qu’élément d’une concession, conformément aux considérations développées par la Commission européenne aux points 32 et 33 de ses observations – semble s’harmoniser naturellement avec l’article 49 TFUE, qui concède aux entreprises d’un État membre le droit de «s’établir» dans un autre État membre (24).
31. Cependant, les conditions mises par chaque État membre à l’établissement d’entreprises sur son territoire peuvent également peser sur la décision finale, tant il est différent de prévoir l’exercice d’une activité économique dans un État où les conditions d’établissement sont acceptables du point de vue bureaucratique et économique et de le faire dans un autre État, où le poids des conditions dissuade les entreprises étrangères. La frontière ténue entre ces deux catégories distingue précisément celles qui sont admises par l’Union et celles qui, pour une question de proportionnalité, peuvent ne pas l’être.
32. En se référant simplement à une présence permanente (25), la Cour tend à employer une notion éminemment factuelle, non liée à des conditions juridiques particulières et, en définitive, autonome par rapport aux institutions nationales. Néanmoins, dans la mesure où la condition de siège ou d’établissement est par définition déjà remplie par les résidents autrichiens, subordonner l’autorisation à une telle condition constitue en soi déjà une restriction, qui ne pourra éviter la qualification de discrimination indirecte que si elle est suffisamment justifiée.
33. Cependant, les données fournies par l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien ne permettent pas de connaître la précision des conditions que la réglementation autrichienne impose «pour s’établir». En d’autres termes, on ignore comment exactement les exigences posées par le droit autrichien doivent être remplies, à telle enseigne que l’on pourrait légitimement se demander si, dans ses observations, la Commission se réfère au même concept d’établissement que le gouvernement autrichien dans les siennes. D’autre part, la distinction entre siège et établissement d’exploitation n’est pas sans pertinence. Le gouvernement autrichien le confirme en soutenant que les sociétés non autrichiennes sont avantagées par rapport aux sociétés autrichiennes, ces dernières ne pouvant obtenir la concession que si elles disposent d’un siège, tandis qu’il suffit d’un établissement d’exploitation aux premières.
34. Partant, vu l’insuffisance d’informations sur ces notions en droit autrichien, il incombe à la juridiction de renvoi d’analyser, sur la base des seuils d’admissibilité évoqués au point 31 ci-dessus, le caractère proportionnel des charges que le droit autrichien peut imposer pour disposer d’un siège ou d’un établissement d’exploitation.
2. La dimension temporelle de l’exigence de disposer d’un établissement
35. À mes yeux, il faudra une réponse plus nuancée sur ce point, qui est la question de savoir si la réglementation autrichienne, telle qu’elle nous a été présentée, exige que la condition de siège ou d’établissement soit remplie avant que le candidat ne puisse savoir s’il a de réelles possibilités d’obtenir la concession. Partant, sans une appréciation fiable des possibilités d’obtenir la concession, subordonner d’entrée de jeu l’octroi de cette dernière à la condition que l’entreprise dispose d’un siège ou d’un établissement d’exploitation constitue une restriction de cette liberté, dans sa modalité de développement d’activités économiques.
36. En effet, le caractère vague des objectifs poursuivis par cette exigence préalable semble être une constante dans la position du gouvernement autrichien, même si ce dernier justifie l’exigence d’un siège ou d’un établissement par la création de conditions de concurrence égales et par la garantie de dispositions de droit social et de droit du travail (point 30 de ses observations). Il n’est pas évident, sur un plan général, que l’exigence d’un siège ou d’un établissement en Autriche puisse être le seul moyen d’atteindre l’objectif indiqué.
37. Au demeurant, l’investissement dans l’ouverture d’un centre permanent – qui ne pourra être amorti si la concession est finalement refusée – n’est pas justifié en termes de proportionnalité, puisque l’ensemble des objectifs invoqués peuvent être atteints au cours de la phase précédant l’octroi de l’autorisation par des moyens alternatifs, moins onéreux pour l’entreprise, à savoir les informations et les garanties que peuvent transmettre les autorités des autres États membres et qui sont en outre plus fiables et rigoureuses que celles que peut offrir cette entreprise étrangère récemment établie dans le pays.
38. Je considère donc, avec la Commission, que l’exigence d’un siège ou d’un établissement d’exploitation peut se justifier en termes de proportionnalité à condition qu’elle se réfère au moment immédiatement antérieur au début de l’activité, mais non si elle doit être remplie avant même l’octroi de la concession, en tant que condition de cet octroi.
V – Analyse de la seconde question: la protection économique du concessionnaire antérieur
39. Compte tenu de ce qui est exposé ci-dessus au sujet de la libre prestation de services, je me bornerai, dans l’analyse de la seconde question, à mesurer à l’aune de la liberté d’établissement et de la libre concurrence la condition qui subordonne l’octroi de la concession à la préservation de la situation économique du concessionnaire antérieur, ce qui a d’emblée amené le gouvernement autrichien à douter de la recevabilité de cette question.
A – L’objection d’irrecevabilité
40. Force est de constater la fragilité de l’argument invoqué par le gouvernement autrichien à l’appui de l’irrecevabilité de la seconde question, à savoir le fait que cette cause de refus d’octroyer la concession n’aurait pas été discutée en première instance. Certes, en principe, la concession a été refusée à Yellow Cab pour une raison très différente de celle qui est évoquée ici par l’Unabhängiger Verwaltungssenat Wien; cependant, ce dernier souligne (d’une certaine façon, à titre préventif) dans sa décision de renvoi qu’il a compétence de pleine juridiction pour statuer en l’espèce; il invoque même la nécessité d’obtenir une interprétation du droit de l’Union qui lui soit utile. Dans ces circonstances, la Cour doit répondre à la question, puisque celle-ci ressortit à l’objet du litige national et n’est pas purement hypothétique (26).
B – Analyse du fond
41. Pour justifier la garantie de la viabilité économique de la concession préexistante, il faudrait de solides raisons d’intérêt général, enracinées principalement dans le bon fonctionnement du service dont il s’agit.
42. En ce sens, même s’il n’est pas applicable ici, le règlement n° 684/92 peut nous aider dans notre interprétation. Ainsi, dans son article 7, paragraphe 4, où il admet, sous certaines conditions, comme cause de refus de l’autorisation, le fait que le service objet de la demande pourrait compromettre directement l’existence de services réguliers déjà autorisés, il s’empresse de préciser que «le fait qu’un transporteur offre des prix inférieurs à ceux offerts par d’autres transporteurs routiers ou ferroviaires, ou que la liaison en question est déjà exploitée par d’autres transporteurs routiers ou ferroviaires, ne peut en lui-même constituer une justification pour refuser la demande» (dans le même sens, voir l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 1073/2009).
43. Au final, le fait que la prestation visée par le candidat à l’octroi d’une concession peut compromettre – du simple fait de la perte de rentabilité – l’activité du transporteur antérieur constitue un déplacement évident de l’objet de la protection. Il est en effet clair que la garantie a pour objet non pas tant le service fourni que la rentabilité du concessionnaire initial. En somme, cette clause spécifique de rentabilité d’entreprise ne semble poursuivre ni la promotion du tourisme, ni la rationalisation et la sécurité du trafic, ni la protection du voyageur.
44. Les choses seraient différentes si cette diminution de rentabilité perturbait le service au point de le rendre impossible ou d’en compromettre la viabilité, pourvu que par ailleurs les conditions initiales ne puissent être compensées (ni, bien entendu, améliorées) par l’entrée en scène du second concessionnaire. Dans ce cas, il pourrait effectivement y avoir une diminution de qualité du transport qui léserait les voyageurs, comme la République d’Autriche le soutient dans ses observations (point 40), mais cela exigerait une appréciation basée sur des informations détaillées.
45. En effet, pour que l’autorité nationale ne restreigne pas la liberté de façon arbitraire, les critères qui permettent de la restreindre doivent être transparents, objectifs et connus à l’avance (27). Même si, selon ce que la République d’Autriche affirme au point 34 de ses observations, l’examen de la situation économique du premier concessionnaire constitue un pronostic qui doit être réalisé sur la base de constatations suffisantes des circonstances factuelles, cet examen est effectué dans la pratique sur la seule base des données et des indications apportées par le concessionnaire déjà en place, ce qui n’est guère conforme à ces critères ni, partant, à la liberté d’établissement.
46. Pour récapituler, la protection économique du concessionnaire antérieur entrave l’exercice de la liberté d’établissement lorsque, comme en l’espèce, cette protection est caractérisée par l’imprécision de sa finalité et de ses critères d’application.
VI – L’impact de la concurrence
47. Enfin, dans sa première comme dans sa seconde question, l’organe de renvoi demande qu’une réglementation nationale comme celle en cause en l’espèce soit mesurée à l’aune de l’article 101 TFUE (concurrence). La réponse que nous donnerons devra cependant faire la différence entre l’impact de cette notion sur la condition de siège et son impact du point de vue de la clause de viabilité économique de la concession antérieure.
48. Il faut dire d’emblée que la jurisprudence de la Cour semble contredire les arguments relatifs à l’absence de pertinence de la libre concurrence que la Commission déduit du fait que la présente affaire ne concerne pas le comportement d’entreprises et qu’aucune entreprise publique n’y est impliquée. En effet, d’après l’arrêt Cipolla e.a. (28), si les articles 81 CE et 82 CE (actuels articles 101 TFUE et 102 TFUE) «concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres, il n’en reste pas moins que ces articles, lus en combinaison avec l’article 10 CE (actuel article 4, paragraphe 3, TUE), qui instaure un devoir de coopération, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises», de sorte qu’il y a «violation des articles 10 CE et 81 CE lorsqu’un État membre soit impose ou favorise la conclusion d’ententes contraires à l’article 81 CE ou renforce les effets de telles ententes […]».
49. Pour aborder le fond, il faut signaler que l’argument de la violation des règles de concurrence revêt une intensité très différente dans chacune des deux questions posées.
50. En effet, en ce qui concerne la première question, les conséquences indirectes qu’une violation de la liberté d’établissement peut avoir sur la libre concurrence seront toujours examinées au fil de l’analyse de ce droit. Autrement dit, en espèce, il est superflu de mesurer l’exigence de disposer d’un siège en plus à l’aune de la concurrence (29).
51. L’impact de l’article 101 TFUE peut être différent pour ce qui est de la seconde question, relative à la clause de garantie de la viabilité économique de la concession antérieure. En effet, il est clair qu’une clause de viabilité économique comme celle prévue par l’ordre juridique autrichien, qui subordonne l’octroi de l’autorisation à ce que le concessionnaire antérieur préserve sa rentabilité, aura presque inévitablement un impact sur la libre concurrence. Bien entendu, et comme le souligne la Commission, des raisons d’intérêt public peuvent justifier, dans certains cas, une clause de sauvegarde économique du concessionnaire antérieur pour garantir la régularité de la prestation. Cependant, comme un tel cas particulier ne semble pas être constitué en l’espèce, l’absence de toute restriction à cet égard aboutirait à violer au final la neutralité exigée par la concurrence (30) en privilégiant une entreprise déterminée, même si une autre pouvait offrir le même service à un prix inférieur ou au même prix, mais à un coût plus réduit.
VII – Conclusion
52. Partant des considérations ci-dessus, je propose à la Cour de répondre à la demande préjudicielle dans les termes suivants:
«1) L’article 49 TFUE (liberté d’établissement) s’oppose à une réglementation nationale qui, pour autoriser l’exploitation d’un service de transport touristique urbain par des autobus de ligne desservant régulièrement des arrêts prédéterminés suivant un horaire préétabli, exige que l’entreprise demanderesse dispose, avant de lancer les opérations de transport par autobus de ligne et, en particulier, à la date de la concession, d’un siège ou d’un établissement d’exploitation dans l’État de l’autorité accordant l’autorisation.
2) L’article 49 TFUE (liberté d’établissement) ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, pour autoriser l’exploitation d’un service de transport touristique urbain par des autobus de ligne desservant régulièrement des arrêts prédéterminés suivant un horaire préétabli, exige que, au plus tard au moment de lancer les opérations de transport, l’entreprise demanderesse dispose d’un siège ou d’un établissement d’exploitation dans l’État de l’autorité accordant l’autorisation.
3) L’article 49 TFUE (liberté d’établissement) et l’article 101 TFUE (concurrence) s’opposent à une réglementation nationale qui, dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’exploitation d’un service de transport touristique urbain par des autobus de ligne desservant régulièrement des arrêts prédéterminés suivant un horaire préétabli, exclut absolument d’octroyer une telle autorisation lorsque, en cas de lancement de l’exploitation de la ligne demandée, les recettes collectées sur ce trajet par une entreprise concurrente empruntant un itinéraire en tout ou en partie identique subissent une diminution telle que, pour ce concurrent, la continuation de l’exploitation de ce trajet cesse d’être rentable d’un point de vue commercial.
4) L’article 56 TFUE (libre prestation de services) n’est pas applicable pour analyser la compatibilité avec le droit de l’Union d’une réglementation nationale qui subordonne aux conditions évoquées ci-dessus l’octroi d’une autorisation d’exploitation d’un service de transport touristique urbain par des autobus de ligne desservant régulièrement des arrêts prédéterminés suivant un horaire préétabli.»
1 – Langue originale: l’espagnol.
2 – L’avocat général Mengozzi a pu faire de même, quoique à partir d’un autre angle d’approche, dans ses récentes conclusions du 7 septembre 2010 dans l’affaire Neukirchinger (C-382/08, pendante devant la Cour).
3 – Article 26, paragraphe 2, TFUE.
4 – Dans la version publiée au BGBl., 153/2006.
5 – Composé, selon l’ordonnance de renvoi, de Kraftfahrlinie der Vereinigung Austrobus Österreichische Autobusgesellschaft KG, de Blaguss Reisen GmbH, d’Elite Tours Verkehrsbetrieb GMBH et de Vienna Sightseeing Tours - Wiener Rundfahrten GmbH & Co KG, au titre d’une concession du 17 mai 2005.
6 – Cela découle des arrêts du 21 juin 1974, Reyners (2/74, Rec. p. 631, point 21); du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94, Rec. p. I-4165, point 25), et du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer (C-386/04, Rec. p. I‑8203, point 18).
7 – Selon l’arrêt Gebhard, précité, points 25 à 28, le caractère temporaire est à apprécier en fonction non seulement de la durée de la prestation, mais également de sa fréquence, périodicité ou continuité, de sorte que, si la participation de l’intéressé à la vie économique de l’État membre d’accueil n’a pas de caractère stable et continu, il convient de recourir à la libre prestation de services au lieu du droit d’établissement.
8 – Diffuse parce que, au bout du compte, comme le soulignent les arrêts du 11 décembre 2003, Schnitzer (C-215/01, Rec. p. I-14847, points 30 et 31); du 29 avril 2004, Commission/Portugal (C-171/02, Rec. p. I-5645, point 26), et du 16 juillet 2009, von Chamier-Glisczinski (C-208/07, Rec. p. I-6095, point 74), «aucune disposition du traité ne permet de déterminer, de manière abstraite, la durée ou la fréquence à partir de laquelle la fourniture d’un service ou d’un certain type de service ne peut plus être considérée comme une prestation de services au sens du traité. Ainsi, la notion de ‘service’ au sens du traité peut recouvrir des services de nature très différente, y compris des services dont la prestation s’étend sur une période prolongée, voire sur plusieurs années».
9 – Arrêts du 5 octobre 1988, Steymann (196/87, Rec. p. 6159, point 16); Schnitzer, précité, points 27 à 29, et du 7 septembre 2004, Trojani (C-456/02, Rec. p. I-7573, point 28).
10 – De toute évidence, comme l’a souligné l’arrêt du 4 avril 1974, Commission/France (167/73, Rec. p. 359, point 25), la politique commune des transports, loin d’écarter ces règles fondamentales, a pour objet de les mettre en œuvre et de les compléter. D’autre part, comme elle se fonde également sur la libre prestation de services, cette politique doit être interprétée à la lumière de l’article 56 TFUE (arrêts du 22 mai 1985, Parlement/Conseil, 13/83, Rec. p. 1513, point 62; du 13 décembre 1989, Corsica Ferries France, C-49/89, Rec. p. 4441, points 10 à 12; du 18 janvier 2001, Italie/Commission, C-361/98, Rec. p. I-385, points 31 à 33), et du 18 juin 1998, Corsica Ferries France, C-266/96, Rec. p. I-3949, points 55 et suiv.); l’article 58, paragraphe 1, TFUE n’y fait pas obstacle, puisqu’il ne renonce pas aux objectifs que cette liberté concrète poursuit sur le marché intérieur.
11 – On se reportera simplement à l’arrêt Parlement/Conseil (précité note 10, points 62 et 63), cité par l’arrêt du 13 juillet 1989, Lambregts Transportbedrijf (4/88, Rec. p. 2583, point 14); selon ces décisions, la circonstance que le Conseil avait manqué à ses obligations résultant de l’article 75 du traité CEE (obligations qui figurent aujourd’hui dans les articles 90 TFUE et 91 TFUE) ne pouvait pas avoir pour effet de rendre les articles 59 et 60 du traité CEE (actuels articles 56 TFUE et 57 TFUE) directement applicables dans le domaine des transports. Dans le même sens, après avoir rappelé que la libre circulation des services en matière de transports est régie par les dispositions du titre relatif aux transports (point 10), l’arrêt du 13 décembre 1989, Corsica Ferries France, précité, a refusé de censurer une réglementation nationale restrictive au sens de l’article 56 TFUE, parce qu’elle s’appliquait à un moment (les années 1981 et 1982) où «la libre prestation des services dans le secteur des transports maritimes n’était pas encore réalisée et qu’en conséquence les États membres étaient en droit d’appliquer des dispositions du type de celles qui sont visées dans l’affaire au principal» (point 14).
12 – Règlement du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), encore applicable ratione temporis.
13 – Règlement du Conseil, du 20 juin 1991, modifiant le règlement n° 1191/69 (JO L 169, p. 1).
14 – Il faut cependant garder à l’esprit que le règlement n° 1893/91 a abrogé l’article 19, paragraphe 2, du règlement n° 1191/69, qui excluait du champ d’application de ce règlement les entreprises des modes de transport autres que le chemin de fer, effectuant principalement des transports de caractère local ou régional.
15 – Règlement du Conseil, du 16 mars 1992, établissant des règles communes pour les transports internationaux de voyageurs effectués par autocars et autobus (JO L 74, p. 1).
16 – Règlement du Conseil, du 11 décembre 1997, fixant les conditions de l’admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux de voyageurs par route dans un État membre (JO 1998, L 4 p. 10).
17 – Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements n° 1191/69 et (CEE) n° 1107/70 du Conseil.
18 – Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006 (JO L 300, p. 88).
19 – Voir, pour tous les autres, arrêt du 10 mars 2009, Hartlauer (C-169/07, Rec. p. I‑1721, en particulier au point 64).
20 – Arrêts du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a. (C-163/94, C-165/94 et C-250/94, Rec. p. I‑4821, points 23 à 28); du 20 février 2001, Analir e.a. (C‑205/99, Rec. p. I-1271, point 35), et du 1er octobre 2009, Woningstichting Sint Servatius (C-567/07, Rec. p. I-9021, point 33).
21 – Ce critère apparaissait au demeurant comme la seule justification du refus d’octroyer la concession.
22 – Ce critère figure explicitement dans l’arrêt précité Woningstichting Sint Servatius, au point 34.
23 – Ce sont les termes mêmes de l’arrêt du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755, point 52).
24 – Ainsi, le fait de subordonner l’octroi de l’autorisation nécessaire à un laboratoire d’analyses cliniques à la condition de disposer d’un siège d’exploitation dans le pays constitue, selon la Cour, une violation de la libre prestation de services, et non de la liberté d’établissement en elle-même, car cette condition n’impliquait pas de convertir cet établissement en siège principal ou central de l’entreprise (arrêt du 11 mars 2004, Commission/France, C-496/01, Rec. p. I-2351, points 61 et 64 à 77). Néanmoins, il peut arriver qu’un obstacle à la liberté d’établissement résulte non pas de l’obligation d’avoir le siège ou le centre d’exploitation dans le pays, mais du fait que les cadres et une partie du personnel des entreprises de surveillance et des services internes de surveillance sont tenus de résider sur le territoire de l’État membre d’établissement (arrêt du 9 mars 2000, Commission/Belgique, C-355/98, Rec. p. I-1221, points 31 à 34 et 41).
25 – Arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 19.
26 – Arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C-379/98, Rec. p. I–2099, point 38), et du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital (C-390/99, Rec. p. I-607, point 19).
27 – Comme je l’ai exposé, c’est ce que la Cour déclare notamment dans ses arrêts Woningstichting Sint Servatius et Hartlauer.
28 – Arrêt du 5 décembre 2006 (C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421, points 46 et 47), avec référence à l’ordonnance du 17 février 2005, Mauri (C-250/03, Rec. p. I‑1267, points 29 et 30).
29 – D’autre part, indépendamment du fait qu’il est, d’entrée de jeu, douteux que le transport en autobus touristique remplisse les critères permettant de le qualifier de service d’intérêt économique général au sens de la jurisprudence Woningstichting Sint Servatius, précitée, les considérations développées sur le fondement de cette qualification seraient inopérantes en ce qui concerne l’établissement, puisqu’il ne s’agit pas ici de l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs à une entreprise, étant donné que l’élément central du litige n’est autre que celui de la légalité d’une série de restrictions dans le cadre d’une procédure administrative d’autorisation préalable.
30 – En ce sens, et cette observation doit être prise avec toutes les précautions nécessaires, le fait que l’ancien concessionnaire unique soit, si l’on en croit la décision de renvoi, une association de diverses entreprises touristiques locales n’est pas précisément de nature, en liaison avec la clause de viabilité économique, à calmer les inquiétudes quant à l’exercice de la libre concurrence.