ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

7 mai 2009 ( *1 )

«Règlement (CEE) no 1191/69 — Obligations de service public — Octroi de compensations — Secteur du transport urbain de passagers»

Dans l’affaire C-504/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), par décision du 23 octobre 2007, parvenue à la Cour le , dans la procédure

Associação Nacional de Transportadores Rodoviários de Pesados de Passageiros (Antrop) e.a.

contre

Conselho de Ministros,

Companhia Carris de Ferro de Lisboa SA (Carris),

Sociedade de Transportes Colectivos do Porto SA (STCP),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann (rapporteur), P. Kūris, L. Bay Larsen et Mme C. Toader, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2008,

considérant les observations présentées:

pour l’Associação Nacional de Transportadores Rodoviários de Pesados de Passageiros (Antrop) e.a., par Me J. Mota de Campos, advogado,

pour le Conselho de Ministros, par Me A. Duarte de Almeida, advogado,

pour la Sociedade de Transportes Colectivos do Porto SA (STCP), par Me C. Pinto Correia, advogado,

pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par Mme E. Righini et M. G. Braga da Cruz, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 73 CE et 87 CE ainsi que du règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 156, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du (JO L 169, p. 1, ci-après le «règlement no 1191/69»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Associação Nacional de Transportadores Rodoviários de Pesados de Passageiros (Antrop) ainsi que plusieurs autres entreprises (ci-après «Antrop e.a.») au Conselho de Ministros, à la Companhia de Carris de Ferro de Lisboa SA (ci-après «Carris») et à la Sociedade de Transportes Colectivos do Porto SA (ci-après la «STCP») à propos des indemnités compensatrices, d’un montant respectivement de 40916478 euros et de 12376201 euros, attribuées à ces dernières, au titre de l’année 2003, par la résolution no 52/2003, du 27 mars 2003, du Conselho de Ministros.

Le cadre juridique

3

Les premier et deuxième considérants du règlement no 1191/69 énoncent:

«considérant qu’un des objectifs de la politique commune des transports est l’élimination des disparités qui se manifestent par l’imposition aux entreprises de transport par les États membres d’obligations inhérentes à la notion de service public et qui sont de nature à fausser substantiellement les conditions de concurrence;

considérant qu’il est nécessaire, dès lors, de supprimer les obligations de service public définies dans le présent règlement; que, toutefois, leur maintien est indispensable dans certains cas pour garantir la fourniture de services de transport suffisants; que cette fourniture s’apprécie en fonction de l’offre et de la demande de transport existantes ainsi que des besoins de la collectivité».

4

L’article 1er, paragraphes 1 à 5, du règlement no 1191/69 dispose:

«1.   Le présent règlement s’applique aux entreprises de transport qui exploitent des services dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

Les États membres peuvent exclure du champ d’application du présent règlement les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux.

2.   Aux fins du présent règlement, on entend par:

‘services urbains et suburbains’, les services de transport répondant aux besoins d’un centre urbain ou d’une agglomération, ainsi qu’aux besoins du transport entre ce centre ou cette agglomération et ses banlieues,

‘services régionaux’, les services de transport destinés à répondre aux besoins en transports d’une région.

3.   Les autorités compétentes des États membres suppriment les obligations inhérentes à la notion de service public, définies dans le présent règlement, imposées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

4.   Pour garantir des services de transport suffisants, compte tenu notamment des facteurs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire, ou en vue d’offrir des conditions tarifaires déterminées en faveur de certaines catégories de voyageurs, les autorités compétentes des États membres peuvent conclure des contrats de service public avec une entreprise de transport. Les conditions et les modalités de ces contrats sont arrêtées à la section V.

5.   Toutefois, les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l’article 2 pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV.

Lorsqu’une entreprise de transport exploite à la fois des services soumis à des obligations de service public et d’autres activités, lesdits services publics doivent faire l’objet de divisions particulières satisfaisant au moins aux conditions suivantes:

a)

les comptes correspondant à chacune de ces activités d’exploitation sont séparés et la part des actifs correspondants est affectée selon les règles comptables en vigueur;

b)

les dépenses sont équilibrées par les recettes d’exploitation et les versements des pouvoirs publics, sans transfert possible de ou vers un autre secteur d’activité de l’entreprise.»

5

Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1191/69:

«1.   Par obligations de service public, il faut entendre les obligations que, si elle considérait son propre intérêt commercial, l’entreprise de transport n’assumerait pas ou n’assumerait pas dans la même mesure ni dans les mêmes conditions.

2.   Les obligations de service public au sens du paragraphe 1 comprennent l’obligation d’exploiter, l’obligation de transporter et l’obligation tarifaire.»

6

L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1191/69 énonce:

«Les décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d’une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13.»

7

L’article 10 du règlement no 1191/69 prévoit:

«1.   Le montant de la compensation prévue à l’article 6, dans le cas d’une obligation d’exploiter ou de transporter, est égal à la différence entre la diminution des charges et la diminution des recettes de l’entreprise pouvant résulter de la suppression de la totalité ou de la partie correspondante de l’obligation en cause pendant la période de temps considérée.

Toutefois, si le calcul des désavantages économiques a été fait en ventilant les coûts totaux supportés par l’entreprise au titre de son activité de transport entre les différentes parties de cette activité de transport, le montant de la compensation est égal à la différence entre les coûts affectables à la partie de l’activité de l’entreprise concernée par l’obligation de service public et la recette correspondante.»

8

L’article 17, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1191/69 dispose:

«Les compensations qui résultent de l’application du présent règlement sont dispensées de la procédure d’information préalable prévue à l’article [88] paragraphe 3 [CE].»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9

Carris est une entreprise publique qui, par un contrat administratif, a obtenu la concession du service public de transport de voyageurs par l’utilisation d’autocars, de véhicules électriques et d’ascenseurs mécaniques à l’intérieur des limites administratives de la ville de Lisbonne. Au titre de ses obligations de service public, Carris est notamment tenue d’assurer le fonctionnement régulier et continu du service concédé dans les conditions tarifaires définies par le concédant.

10

La STCP est, quant à elle, une entreprise publique titulaire de la concession du service public de transport de voyageurs à l’intérieur des limites administratives de la ville de Porto, en vertu d’une loi portant transformation d’un service municipal en une société anonyme.

11

En contrepartie de la fourniture de services de transport urbain de voyageurs, Carris et la STCP bénéficient, depuis de nombreuses années, de divers avantages octroyés par l’État. Il s’agit notamment d’indemnités compensatrices, de dotations en capital et de garanties de crédit de l’État.

12

En dehors des limites géographiques des zones correspondant à leur concession respective, Carris et la STCP, sans être soumis à une obligation de service public, exploitent également des lignes d’autocars sur lesquelles sont actives d’autres entreprises, notamment Antrop e.a. Ces dernières fournissent des services de transport sous le régime de la délégation de service public et sont astreintes à des règles concernant les itinéraires, les horaires et les tarifs. C’est en raison de l’activité de Carris et de la STCP sur ces mêmes lignes qu’Antrop e.a. ont allégué une distorsion de la concurrence et ont attaqué la résolution no 52/2003.

13

Antrop e.a. font valoir qu’elles n’ont pour ressources que leurs recettes d’exploitation provenant des tarifs en vigueur, de sorte que les pertes d’exploitation qui résultent de leur activité sont exclusivement couvertes par leurs capitaux propres, alors que les pertes éventuelles, les frais d’investissement et les capitaux de Carris et de la STCP sont couverts par des aides publiques. L’attribution de ces aides constituerait, par conséquent, un facteur de distorsion de la concurrence. Dès lors, les requérantes au principal ont soutenu que la résolution no 52/2003, dans sa partie attaquée, méconnaît la réglementation nationale relative à la concurrence ainsi que les dispositions du droit communautaire en matière d’aides d’État, notamment les articles 86 CE, 87, paragraphe 1, CE, 88 CE et 89 CE ainsi que les règlements no 1191/69 et (CEE) no 1107/70 du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 130, p. 1).

14

C’est dans ces circonstances que, devant la juridiction nationale, s’est posée la question de la nécessité d’un renvoi préjudiciel devant la Cour.

15

Ayant entendu les parties et ayant estimé un tel renvoi nécessaire, le Supremo Tribunal Administrativo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

À la lumière des articles 73 CE, 87 CE et 88 CE et du règlement […] no 1191/69, les autorités nationales peuvent-elles imposer des obligations de service public à une entreprise publique chargée d’assurer le transport public de passagers dans une commune?

2)

En cas de réponse affirmative, les autorités nationales doivent-elles compenser ces obligations?

3)

Les autorités nationales doivent-elles, dans une situation où elles ne sont pas tenues de faire des appels d’offres pour la concession de l’exploitation d’un réseau de transports, élargir l’obligation de compenser à toutes les entreprises qui seraient considérées, au regard du droit interne et dans la même zone, comme offrant le transport public de passagers?

4)

Dans l’affirmative, quel doit être le critère de compensation?

5)

Dans le cas d’entreprises de transport de passagers en autocar qui, en vertu d’une concession de service public, exercent leur activité selon un régime d’exclusivité à l’intérieur de périmètres urbains déterminés, mais qui exercent également cette activité en concurrence avec des opérateurs privés en dehors des zones urbaines qui font l’objet d’un régime d’exclusivité, auxquelles l’État accorde, année après année, des aides destinées à couvrir les déficits d’exploitation permanents de ces entreprises, ces aides constituent-elles une aide d’État interdite par l’article 87, paragraphe 1, CE, dès lors que:

a)

il n’est pas possible d’établir, sur la base de données sûres de leur comptabilité respective, la différence entre les coûts imputables à la partie de l’activité de ces entreprises dans la zone qui fait l’objet de la concession et le bénéfice correspondant, et qu’il n’est par conséquent pas possible de calculer le surcoût découlant de l’exécution des obligations de service public qui, en vertu de la concession, pourrait faire l’objet d’une aide l’État;

b)

la fourniture de services de transport par les entreprises en question peut de ce fait être maintenue ou augmentée, de sorte que les possibilités pour les autres entreprises établies dans cet État membre ou dans un autre État membre de fournir leurs services de transport en sont réduites,

c)

et cela en dépit des dispositions de l’article 73 CE?

6)

Compte tenu des conditions que la Cour dégage de l’article 87, paragraphe 1, CE […], notamment dans son arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans [et Regierungspräsidium Magdeburg] (C-280/00 [Rec. p. I-7747]), pour la qualification d’aide d’État (‘Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence’), quels sont le sens et la portée des expressions 1o) attribution d’un avantage qui 2o) fausse la concurrence, face à une situation dans laquelle les bénéficiaires détiennent l’exclusivité du service public de transport de passagers dans les villes de Lisbonne et de Porto, mais interviennent de plus dans les liaisons avec ces villes, dans des zones où interviennent également d’autres opérateurs? En d’autres termes, à quels critères y a-t-il lieu de recourir pour pouvoir conclure que l’attribution d’un avantage fausse la concurrence? Importe-t-il, à cet effet, de savoir quel est le pourcentage des coûts qui, à l’intérieur des entreprises, sont imputables aux lignes d’autocars qui fonctionnent hors de la zone d’exclusivité? Est-il nécessaire, en somme, que l’aide se répercute sur l’activité exercée hors de la zone d’exclusivité (Lisbonne et Porto) de manière concrètement significative?

7)

L’intervention de la Commission [des Communautés européennes] prévue aux articles 76 CE et 88 CE est-elle la seule voie de droit permettant de faire respecter les règles du traité [CE] en matière d’aides d’État ou l’effet utile du droit communautaire exige-t-il davantage, à savoir la possibilité d’une application directe des dispositions en cause par les juridictions nationales à la demande des particuliers qui s’estiment lésés par l’octroi d’un subside ou d’une aide contraire aux règles de la concurrence?»

Sur les questions préjudicielles

Sur les première à quatrième questions

16

Il convient de traiter les quatre premières questions ensemble dans la mesure où elles concernent, en substance, les pouvoirs des États membres d’imposer des obligations de service public aux entreprises de transport et les obligations de compensation qui en découlent éventuellement pour ces derniers.

17

Il convient de relever, à titre liminaire, que rien dans le dossier soumis à la Cour ne suggère que la République portugaise a fait usage de la possibilité, prévue à l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1191/69, d’exclure du champ d’application de celui-ci les entreprises dont l’activité est limitée exclusivement à l’exploitation de services urbains, suburbains ou régionaux. Par conséquent, les dispositions de ce règlement sont pleinement applicables à l’affaire au principal et les questions préjudicielles doivent être examinées à la lumière de ces dispositions.

18

Tout en ayant pour objectif la suppression des obligations inhérentes à la notion de service public, ainsi que cela ressort tant des premier et deuxième considérants que de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement no 1191/69, l’article 1er, paragraphe 5, de celui-ci prévoit que les autorités compétentes des États membres peuvent maintenir ou imposer les obligations de service public visées à l’article 2 de ce règlement pour les services urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs. Les conditions et les modalités, y compris les méthodes de compensation, sont arrêtées aux sections II, III et IV du même règlement.

19

En vertu de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, les décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d’une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13 dudit règlement.

20

L’obligation de compensation étant, en vertu du règlement no 1191/69, nécessairement liée à l’exécution d’obligations de service public, les entreprises qui, selon l’hypothèse envisagée par la juridiction de renvoi dans le cadre de la troisième question, seraient considérées comme offrant un service de transport public de passagers dans une commune, sans qu’aucune obligation de service public ne leur soit imposée, ne sauraient bénéficier d’une telle compensation.

21

Dès lors, il convient de répondre aux quatre premières questions que le règlement no 1191/69 doit être interprété en ce sens qu’il autorise les États membres à imposer des obligations de service public à une entreprise publique chargée d’assurer le transport public de passagers dans une commune et qu’il prévoit, pour les charges qui découlent de telles obligations, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux dispositions dudit règlement.

Sur la cinquième question

22

Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’octroi par un État membre d’indemnités compensatrices, telles que celles en cause au principal, à des entreprises de transport titulaires d’une concession de service public et bénéficiant, à l’intérieur d’un périmètre urbain déterminé, d’un régime d’exclusivité en raison des obligations de service public auxquelles elles sont soumises constitue une aide d’État interdite par l’article 87, paragraphe 1, CE lorsque, par ailleurs, ces entreprises exercent également leur activité en concurrence avec des opérateurs privés en dehors dudit périmètre et dès lors qu’il n’est pas possible de calculer le surcoût découlant de l’exécution des obligations du service public.

23

Il convient de constater tout d’abord que l’article 87 CE fait partie des dispositions générales du traité relatives aux aides d’État, alors que l’article 73 CE instaure, dans le domaine des transports, une dérogation aux règles générales applicables aux aides d’État, en prévoyant que les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public sont compatibles avec le traité. Le règlement no 1191/69 établit un régime que les États membres sont tenus de respecter lorsqu’ils envisagent d’imposer des obligations de service public aux entreprises de transport terrestre (voir arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 53).

24

Conformément à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1191/69, les décisions de maintien ou de suppression à terme de tout ou partie d’une obligation de service public prévoient, pour les charges qui en découlent, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux méthodes communes prévues aux articles 10 à 13 de ce même règlement.

25

L’article 10 du règlement no 1191/69 exige notamment que le montant de la compensation, dans le cas d’une obligation d’exploiter ou de transporter, soit égal à la différence entre la diminution des charges et la diminution des recettes de l’entreprise pouvant résulter de la suppression de la totalité ou de la partie correspondante de l’obligation en cause pendant la période de temps considérée. Toutefois si le calcul des désavantages économiques a été fait en ventilant les coûts totaux supportés par l’entreprise au titre de son activité de transport entre les différentes parties de cette activité de transport, le montant de la compensation doit être égal à la différence entre les coûts affectables à la partie de l’activité de l’entreprise concernée par l’obligation de service public et la recette correspondante.

26

Or, ainsi qu’il apparaît des constatations effectuées par la juridiction de renvoi et reflétées dans la formulation même de la cinquième question, les activités de Carris et de la STPC en dehors de leur périmètre d’exclusivité respectif n’étant pas soumises à une obligation de service public, il n’est pas possible d’établir, sur la base de données sûres de la comptabilité de ces deux sociétés, la différence entre les coûts imputables à la partie de l’activité de ces dernières dans les zones qui font l’objet de leur concession respective et le bénéfice correspondant, et, par conséquent, il n’est pas possible de calculer le surcoût découlant de l’exécution des obligations de service public par ces entreprises.

27

Dans ces conditions, l’exigence énoncée à l’article 10 du règlement no 1191/69 n’est pas remplie puisque les coûts imputables à la partie de l’activité de Carris et de la STCP accomplie dans les zones de la concession exclusive octroyée à chacune d’elles ne pourraient être établis de manière certaine.

28

Dans un tel cas, les indemnités compensatrices dont ont bénéficié lesdites entreprises n’ayant pas été octroyées en conformité avec le règlement no 1191/69, elles ne sont par conséquent pas compatibles avec le droit communautaire et il n’est donc pas nécessaire de les examiner au regard des dispositions du traité relatives aux aides d’État, notamment l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, précité, point 65).

29

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la cinquième question que le règlement no 1191/69 s’oppose à l’octroi d’indemnités compensatrices, telles que celles en cause au principal, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le montant des coûts imputables à l’activité des entreprises concernées exercée dans le cadre de l’exécution de leurs obligations de service public.

Sur la sixième question

30

Compte tenu de la réponse à la cinquième question, il n’est pas nécessaire de répondre à la sixième question.

Sur la septième question

31

Par cette question, la juridiction nationale demande en substance quel est le rôle des juridictions nationales lorsqu’elles constatent qu’une aide d’État a été octroyée en méconnaissance des dispositions du droit communautaire.

32

Les indemnités compensatrices en cause au principal entrant dans le champ d’application du règlement no 1191/69, la compatibilité de celles-ci avec le droit communautaire doit être appréciée, ainsi qu’il a été rappelé au point 28 du présent arrêt, selon les dispositions prévues par ce règlement et non au regard des dispositions du traité relatives aux aides d’État.

33

Dans le cas où la juridiction de renvoi parvient à la conclusion que lesdites indemnités n’ont pas été octroyées en conformité avec le règlement no 1191/69, il appartient à celle-ci, eu égard au caractère directement applicable de ce règlement, d’en tirer toutes les conséquences, conformément au droit national, en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution desdites indemnités.

34

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la septième question que, lorsqu’une juridiction nationale constate l’incompatibilité de certaines mesures d’aide avec le règlement no 1191/69, il appartient à celle-ci d’en tirer toutes les conséquences, conformément au droit national, en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution desdites mesures.

Sur les dépens

35

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

1)

Le règlement (CEE) no 1191/69 du Conseil, du 26 juin 1969, relatif à l’action des États membres en matière d’obligations inhérentes à la notion de service public dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1893/91 du Conseil, du , doit être interprété en ce sens qu’il autorise les États membres à imposer des obligations de service public à une entreprise publique chargée d’assurer le transport public de passagers dans une commune et qu’il prévoit, pour les charges qui découlent de telles obligations, l’octroi d’une compensation déterminée conformément aux dispositions dudit règlement.

 

2)

Le règlement no 1191/69, tel que modifié par le règlement no 1893/91, s’oppose à l’octroi d’indemnités compensatrices, telles que celles en cause au principal, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le montant des coûts imputables à l’activité des entreprises concernées exercée dans le cadre de l’exécution de leurs obligations de service public.

 

3)

Lorsqu’une juridiction nationale constate l’incompatibilité de certaines mesures d’aide avec le règlement no 1191/69, tel que modifié par le règlement no 1893/91, il appartient à celle-ci d’en tirer toutes les conséquences, conformément au droit national, en ce qui concerne la validité des actes comportant mise à exécution desdites mesures.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: le portugais.