CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME  VERICA TRSTENJAK

présentées le 2 octobre 2008 ( 1 )

Affaire C-535/06 P

Moser Baer India Ltd

contre

Conseil de l’Union européenne

Table des matières

 

I — Introduction

 

II — Cadre juridique

 

III — Faits et procédure

 

A — Les antécédents du litige

 

B — La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

 

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

 

D — L’abrogation partiellement rétroactive du règlement attaqué

 

IV — Observations liminaires

 

A — Le contrôle du règlement attaqué par le Tribunal

 

B — Le contrôle de l’arrêt attaqué par la Cour

 

V — Sur la recevabilité du pourvoi

 

A — Argumentation des parties

 

B — Analyse juridique

 

VI — Sur le premier moyen du pourvoi

 

A — Arrêt attaqué

 

B — Argumentation des parties

 

C — Analyse juridique

 

D — Bilan

 

VII — Sur le deuxième moyen

 

A — Sur la première branche du deuxième moyen

 

1. Arrêt attaqué

 

2. Argumentation des parties

 

3. Analyse juridique

 

4. Bilan

 

B — Sur la seconde branche du deuxième moyen

 

1. Arrêt attaqué

 

2. Argumentation des parties

 

3. Analyse juridique

 

4. Bilan

 

VIII — Sur le troisième moyen

 

A — Arrêt attaqué

 

B — Argumentation des parties

 

C — Analyse juridique

 

1. L’incidence des redevances sur le lien de causalité

 

2. L’évaluation du préjudice

 

D — Bilan

 

IX — Bilan de l’analyse juridique

 

X — Sur les dépens

 

XI — Conclusion

«Pourvoi — Dumping — Importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde — Règlement (CE) n o  960/2003 — Calcul du montant de la subvention passible de mesures compensatoires — Détermination du préjudice — Article 8, paragraphe 7, du règlement (CE) n o  2026/97 »

I — Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur un pourvoi introduit par l’entreprise indienne Moser Baer India Ldt contre l’arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, le 4 octobre 2006 , dans l’affaire Moser Baer India/Conseil  ( 2 ) (ci-après l’ « arrêt attaqué » ).

2.

La requérante au pourvoi et en première instance (ci-après la « requérante » ) demande l’annulation de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté son recours en annulation contre le règlement (CE) n o  960/2003 du Conseil, du 2 juin 2003 , instituant un droit compensateur définitif sur les importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde  ( 3 ) (ci-après le « règlement attaqué » ).

II — Cadre juridique

3.

La base légale de l’adoption du règlement attaqué est le règlement (CE) n o  2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997 , relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne  ( 4 ) (ci-après le « règlement de base » ( 5 ) ).

4.

L’article 5 du règlement de base dispose:

«Calcul du montant de la subvention passible de mesures compensatoires

Le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est, aux fins du présent règlement, calculé en termes d’avantage conféré au bénéficiaire tel que constaté et déterminé pour la période d’enquête. […] »

5.

L’article 7, paragraphe 3, du règlement de base, qui comporte des dispositions générales concernant le calcul, prévoit:

« Lorsque la subvention peut être mise en rapport avec l’acquisition, présente ou future, d’actifs immobilisés, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est calculé en étalant cette dernière sur une période correspondant à la durée d’amortissement normale de ces biens dans l’industrie concernée. »

6.

L’article 8 du règlement de base prévoit:

«Détermination du préjudice

[…]

2.   La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif à la fois:

a)

du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté

et

b)

de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3.   En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet de subventions, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet de subventions soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions sur les prix, […] sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

5.    L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de subventionnement ou de dumping, l’importance du montant de la subvention passible de mesures compensatoires, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou les investissements et, dans le cas de l’agriculture, l’utilisation accrue des programmes de soutien des pouvoirs publics. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul, ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante.

6.   Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet de subventions causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou le prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on peut le considérer comme important.

7.    Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet de subventions, qui causent simultanément un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet de subventions au sens du paragraphe 6. Les facteurs qui peuvent être considérés comme pertinents à cet égard comprennent le volume et le prix des importations ne faisant pas l’objet de subventions, la contraction de la demande ou les modifications de la configuration de la consommation, les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs, l’évolution des techniques ainsi que les résultats à l’exportation et la productivité de l’industrie communautaire […] »

7.

En vertu de l’article 15, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, le montant d’un droit compensateur ne doit pas excéder le montant établi des subventions passibles de mesures compensatoires et il doit être inférieur si ce montant inférieur est suffisant pour éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire.

8.

L’article 28 du règlement de base dispose:

«Défaut de coopération

1.    Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans le délai prévu par le présent règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives peuvent être établies sur la base des données disponibles.

S’il est constaté qu’une partie intéressée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des faits disponibles.

Les parties concernées doivent normalement être informées des conséquences d’un refus de coopération.

[…]

3.   Lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne sont pas pour autant ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

4.   Si des éléments de preuve ou des renseignements ne sont pas acceptés, la partie qui les a communiqués est informée immédiatement des raisons de leur rejet et il lui est donné la possibilité de fournir des explications complémentaires dans le délai fixé. Si ces explications ne sont pas jugées satisfaisantes, les raisons du rejet des éléments de preuve ou des renseignements en question sont communiquées et indiquées dans les conclusions rendues publiques.

5.   Si les conclusions, y compris celles qui concernent le montant de la subvention passible de mesures compensatoires, sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, ces renseignements, lorsque cela est possible et compte tenu du délai imparti pour l’enquête, sont vérifiés par référence à d’autres sources indépendantes disponibles, telles que les listes de prix publiées, les statistiques d’importation officielles et les relevés douaniers ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties concernées au cours de l’enquête.

6.    Si une partie intéressée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré. »

III — Faits et procédure

A — Les antécédents du litige

9.

La requérante est une société établie en Inde, fabriquant diverses formes de supports de mémoire et notamment des disques compacts pour l’enregistrement (ci-après les « CD-R » ).

10.

Le 17 mai 2002 , la Commission des Communautés européennes, à la suite d’une plainte déposée par le Committee of European CD-R Manufacturers (ci-après le « CECMA » ), a ouvert une enquête sur les importations de CD-R provenant de l’Inde  ( 6 ) . Sur proposition de la Commission, arrêtée le 20 mai 2003 , le Conseil a adopté le règlement attaqué. Ce règlement imposait un droit compensateur définitif de 7,3 % sur les importations de CD-R provenant de l’Inde.

11.

Dans le règlement attaqué, le Conseil a constaté que la requérante avait bénéficié de subventions sous la forme d’une exemption des droits à l’importation sur certains biens d’équipement (ci-après les « actifs subventionnés » )  ( 7 ) .

12.

Pour le calcul de l’avantage, le Conseil a d’abord fixé une période d’amortissement de six ans  ( 8 ) . Il s’est fondé, à cet égard, sur le fait que les actifs subventionnés étaient des moules pour la fabrication de CD-R et non des machines à cette fin. L’objection de la requérante selon laquelle il y avait lieu de qualifier les actifs de machines conformément à ses états comptables et, partant, d’appliquer à titre de point de départ une période d’amortissement de treize ans a été rejetée par le Conseil, au motif que la requérante avait fait figurer des informations contradictoires en ce qui concerne la durée d’amortissement des actifs en question dans ses états comptables et dans sa déclaration fiscale  ( 9 ) .

13.

Dans le cadre de la constatation du préjudice porté à l’industrie communautaire, le Conseil a tenu compte en particulier du fait que, de l’année 2000 jusqu’à la période d’enquête (du 1 er  avril 2001 au 31 mars 2002 ), les importations dans la Communauté de CD-R en provenance d’Inde avaient augmenté et que les prix de vente des CD-R dans la Communauté avaient baissé de 59% au cours de la même période, sous-cotant les prix de vente de l’industrie communautaire (non rentable) de quelque 17,7 % en moyenne pendant la période d’enquête. À cette fin, le Conseil a comparé des données établies sur la base de données d’Eurostat avec des données communiquées par la requérante et a conclu qu’elles conduisaient à des résultats similaires  ( 10 ) . En ce qui concerne les stocks, le Conseil a constaté une tendance négative au cours de la période de référence (du 1 er  janvier 1998 jusqu’à la fin de la période d’enquête)  ( 11 ) .

14.

Dans le cadre de ses constatations relatives au lieu de causalité, le Conseil a notamment analysé l’argument de la requérante selon lequel un titulaire de brevets avait réclamé aux producteurs de CD-R des redevances excessives et donc anticoncurrentielles. Il a toutefois exclu que cela ait eu une incidence sur le préjudice étant donné, en particulier, que tant la requérante que les producteurs de l’industrie communautaire devaient payer ces redevances, et ce dès avant la survenance du préjudice qu’il a constaté. Le préjudice constaté ne pouvait donc pas s’expliquer par le paiement des redevances  ( 12 ) .

B — La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15.

La requérante a formé un recours contre le règlement attaqué. La Commission et le CECMA ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

16.

La requérante a soulevé en particulier dans le cadre de son recours des griefs  ( 13 ) tirés:

du classement des actifs dans la catégorie des moules et du fait que tous les actifs subventionnés ont été qualifiés de moules (seconde branche du deuxième moyen);

d’erreurs dans la constatation des faits retenus à l’appui de la constatation du préjudice de l’industrie communautaire, et ce en particulier en ce qui concerne l’évolution des prix et les stocks (troisième moyen);

d’une violation de l’article 8, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, en ce qui concerne l’examen des effets de redevances prétendument anticoncurrentielles d’un titulaire de brevets portant sur les CD-R (cinquième moyen).

17.

Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté intégralement le recours introduit par la requérante contre le règlement attaqué et l’a condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie défenderesse.

C — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

18.

La requérante a introduit le présent pourvoi par requête du 22 décembre 2006 , inscrite au registre de la Cour le 28 décembre 2006 . Elle conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler l’arrêt attaqué;

faire droit aux conclusions de la requérante en première instance, à savoir annuler le règlement attaqué en ce qu’il s’applique à la requérante;

condamner le Conseil aux dépens exposés par la requérante dans le cadre du présent pourvoi ainsi qu’aux dépens exposés par la requérante en première instance.

19.

Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter le recours;

condamner la requérante aux dépens des deux instances.

20.

La requérante, le Conseil et la Commission ont déposé des observations dans le cadre de la procédure écrite. Ils ont également pris part à l’audience qui s’est tenue le 10 juillet 2008 .

D — L’abrogation partiellement rétroactive du règlement attaqué

21.

Le règlement attaqué a été abrogé, avec effet à compter du 5 novembre 2006 , par le règlement (CE) n o  1293/2007 du Conseil, du 30 octobre 2007 , abrogeant les droits antidumping institués par le règlement (CE) n o  1050/2002 sur les importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de Taïwan et autorisant leur remboursement ou leur remise et abrogeant les droits compensateurs institués par le règlement (CE) n o  960/2003 sur les importations de disques compacts pour l’enregistrement originaires de l’Inde, autorisant leur remboursement ou leur remise et clôturant la procédure les concernant  ( 14 ) (ci-après le « règlement d’abrogation » ). L’application du règlement attaqué, de l’entrée en vigueur de celui-ci jusqu’à cette date, n’est toutefois pas affectée par le règlement d’abrogation.

IV — Observations liminaires

22.

Le règlement attaqué a institué, en vertu du règlement de base, des droits compensateurs à l’encontre d’importations faisant l’objet de subventions. Avant d’examiner la recevabilité et le bien-fondé des différents moyens du pourvoi, j’évoquerai brièvement, en premier lieu, le rôle du Tribunal dans le cadre d’un recours en annulation d’un tel règlement (A) et j’exposerai brièvement, en second lieu, dans quelle mesure un arrêt du Tribunal peut être contrôlé par la Cour à l’occasion d’un pourvoi (B).

A — Le contrôle du règlement attaqué par le Tribunal

23.

Le règlement attaqué a institué une mesure de défense commerciale à l’encontre des importations subventionnées. Étant donné que la détermination, l’appréciation et l’évaluation des données économiques nécessaires à l’adoption de mesures de défense commerciale constituent une tâche complexe, les institutions communautaires jouissent dans ce domaine, en vertu d’une jurisprudence constante, d’une large marge d’appréciation  ( 15 ) . Il incombe par conséquent aux parties intéressées d’exposer dans le cadre de la procédure administrative les faits qui leur sont favorables  ( 16 ) .

24.

Un règlement instituant des droits compensateurs à l’encontre d’importations subventionnées peut certes être contrôlé par le Tribunal dans le cadre d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE. Dans ce contexte, il faut toutefois tenir compte du fait que la marge d’appréciation conférée par le règlement de base aux institutions communautaires n’est soumise qu’à un contrôle juridictionnel réduit  ( 17 ) . Le contrôle du Tribunal dans ce domaine se limite à la vérification du respect des règles de procédure applicables, de l’exactitude matérielle des faits retenus à l’appui du règlement contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir  ( 18 ) . Étant donné qu’il incombe aux parties intéressées de faire état des éléments qui leur sont favorables dans le cadre de la procédure administrative, le contrôle exercé par le Tribunal ne s’étend par ailleurs qu’aux éléments dont les institutions communautaires avaient connaissance ou qu’elles auraient dû recueillir lors de l’adoption de la mesure attaquée  ( 19 ) .

25.

En outre, il faut tenir compte du fait qu’il n’appartient pas au Tribunal de reprendre la procédure administrative. Si le requérant estime que les institutions communautaires ont commis des erreurs dans l’établissement des faits, il lui incombe par conséquent de l’alléguer. Le requérant doit ainsi mettre en doute, de manière circonstanciée, l’exactitude des faits qui ont été retenus par les institutions communautaires. Une simple contestation des faits ne suffit pas à cet égard  ( 20 ) .

B — Le contrôle de l’arrêt attaqué par la Cour

26.

L’objet d’un pourvoi devant la Cour est le contrôle de l’arrêt attaqué du Tribunal du point de vue des erreurs de droit  ( 21 ) . Un pourvoi ne peut donc pas porter directement sur les vices du règlement attaqué en justice. Il en découle qu’il n’est en principe pas permis de réitérer dans le pourvoi des griefs présentés au cours de la procédure devant le Tribunal, sans se référer à l’arrêt du Tribunal  ( 22 ) . Au contraire, le pourvoi doit indiquer clairement quelle partie de l’arrêt du Tribunal est attaquée et sur quels arguments juridiques les conclusions se fondent  ( 23 ) .

27.

Le pourvoi étant limité aux erreurs de droit, une nouvelle appréciation des faits n’est pas autorisée  ( 24 ) . En ce qui concerne les faits constatés par le Tribunal, il peut uniquement être soutenu dans le pourvoi que les constatations n’ont pas été correctement opérées d’un point de vue procédural. S’il veut remettre en cause l’appréciation des éléments de preuve par le Tribunal, l’auteur du pourvoi doit invoquer une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal dans le cadre de son appréciation des éléments de preuve  ( 25 ) .

28.

Enfin, le contrôle juridictionnel exercé par la Cour ne porte en principe que sur des moyens qui n’ont pas été invoqués au cours de la procédure devant le Tribunal. Les moyens qui auraient déjà pu être présentés au cours de la procédure devant le Tribunal, mais qui ne l’ont pas été, ne sont pas recevables dans le cadre du pourvoi  ( 26 ) .

V — Sur la recevabilité du pourvoi

29.

Le Conseil fait valoir que l’ensemble du pourvoi est irrecevable en l’absence d’intérêt à agir. J’examinerai ce moyen ci-dessous. J’examinerai les autres moyens visant à contester la recevabilité de moyens du pourvoi ou de certains griefs dans le cadre de l’analyse juridique des différents moyens et griefs invoqués à l’appui du pourvoi.

A — Argumentation des parties

30.

Le Conseil soutient que le pourvoi est irrecevable du fait de l’abrogation du règlement attaqué par le règlement d’abrogation. Un recours en annulation ne serait recevable que si une personne a un intérêt à l’annulation d’un acte juridique. Selon le Conseil, la requérante avait certes initialement un intérêt à l’annulation du règlement attaqué, parce que ses importations étaient soumises aux droits compensateurs. Cet intérêt aurait toutefois disparu avec l’abrogation du règlement attaqué.

31.

Le Conseil affirme que la requérante ne peut réclamer le remboursement des droits que si elle a payé elle-même les droits compensateurs. Le pourvoi serait irrecevable parce que la requérante ne démontrerait pas qu’elle a acquitté elle-même les droits.

32.

La requérante soutient, à cet égard, qu’elle a payé elle-même les droits.

B — Analyse juridique

33.

Il y a lieu d’indiquer, tout d’abord, que le Conseil ne pouvait pas encore soulever ce moyen d’irrecevabilité dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, car le règlement d’abrogation n’a été adopté qu’après le prononcé de l’arrêt attaqué  ( 27 ) .

34.

Certes, un pourvoi peut devenir irrecevable lorsqu’un fait postérieur au prononcé de l’arrêt attaqué enlève à celui-ci son caractère préjudiciable pour le requérant au pourvoi. En effet, l’existence d’un intérêt à agir du requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté  ( 28 ) .

35.

Le fait que le règlement attaqué en justice ne produise plus d’effet à l’avenir ne signifie toutefois pas en soi que l’intérêt à agir disparaît  ( 29 ) .

36.

Au contraire, il est possible que la requérante ait toujours un intérêt à l’annulation de l’arrêt attaqué et, indirectement, du règlement attaqué. La Cour a ainsi considéré, dans l’arrêt AKZO Chemie/Commission  ( 30 ) , qu’il suffisait que les institutions communautaires concernées s’abstiennent de renouveler le comportement incriminé  ( 31 ) . À mon avis, il doit en particulier en être ainsi dans un cas tel que celui de l’espèce, dans lequel le Conseil statue sur l’abrogation du règlement attaqué  ( 32 ) .

37.

Il faut également tenir compte du fait que le règlement d’abrogation n’a pas intégralement abrogé le règlement attaqué, mais que ce dernier continue à produire des effets pour les droits compensateurs qui ont été perçus jusqu’au 4 novembre 2006 . Il constitue la cause des droits compensateurs perçus jusqu’à cette date. Le règlement attaqué continue dès lors à produire des effets juridiques. Il ne semble pas exclu que l’annulation du règlement attaqué puisse apporter un bénéfice à la requérante, même si celle-ci n’a pas acquitté elle-même les droits compensateurs.

38.

La requérante a d’ailleurs indiqué au cours de l’audience qu’elle avait payé elle-même les droits compensateurs, ce qui n’a pas été contesté par le Conseil.

39.

Dans ces conditions, la Cour ne saurait à mes yeux constater, comme le lui demande le Conseil, que la requérante n’a aucun intérêt à agir en l’espèce.

VI — Sur le premier moyen du pourvoi

40.

Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal a violé, aux points 73 à 79 de l’arrêt attaqué, les principes de cohérence et d’enquête diligente.

A — Arrêt attaqué

41.

Aux points 57 à 80, le Tribunal a examiné les premier et deuxième griefs de la deuxième branche du premier moyen du recours.

42.

Au cours de la procédure en première instance, la requérante avait contesté, dans le cadre de son premier grief, le classement systématique des actifs subventionnés, par les institutions communautaires concernées, dans la catégorie des moules pour la fabrication de CD-R au lieu de machines à cette fin. Le Tribunal a rejeté ce grief. Dans le pourvoi, la requérante ne s’oppose plus au classement systématique des actifs subventionnés dans la catégorie des moules.

43.

Dans le cadre de son deuxième grief, la requérante s’était opposée au fait que le Conseil avait qualifié l’ensemble des actifs subventionnés de moules, et pas uniquement une partie d’entre eux. Le Tribunal a également rejeté ce grief. Il a constaté tout d’abord, aux points 73 à 79 de l’arrêt attaqué, que la valeur des actifs subventionnés découlant de la déclaration fiscale de la requérante ne correspondait pas à la valeur retenue pour calculer la subvention. Certes, la requérante aurait fait valoir que seule une partie des actifs subventionnés avait été reclassée dans la catégorie des moules. Toutefois, la requérante n’ayant pas expliqué les critères du classement ni fourni la liste complète et vérifiable de ces actifs, les institutions communautaires n’auraient pas été en mesure de vérifier les chiffres présentés par la requérante. Celle-ci n’aurait dès lors pas présenté aux institutions communautaires d’éléments qui leur auraient permis de vérifier l’exactitude de son allégation et, éventuellement, de prendre en compte la partie des actifs concernée qui n’aurait pas été classée dans la catégorie des moules.

B — Argumentation des parties

44.

La requérante soutient que le Tribunal a manqué à son obligation d’établir les faits avec soin et impartialité. Ce devoir comporterait l’obligation de vérifier l’exactitude des informations fournies par les parties concernées.

45.

Selon la requérante, le Conseil savait ou aurait dû savoir que le reclassement en moules ne concernait qu’une partie des actifs subventionnés; il ne pouvait dès lors appliquer la période d’amortissement afférente aux moules qu’à cette partie des actifs subventionnés. Le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que la requérante aurait démontré qu’au moins 23% des actifs subventionnés n’avaient pas été reclassés en moules.

46.

La requérante ajoute que le comportement du Conseil a été contradictoire. D’une part, le Conseil se serait fondé, pour ce qui est du reclassement des actifs subventionnés, sur les indications figurant dans la déclaration fiscale de la requérante. D’autre part, il n’aurait pas tenu compte des indications figurant dans sa déclaration fiscale, dans la mesure où il résulterait de celle-ci que seule une partie des actifs subventionnés avait été reclassée en moules.

47.

La requérante allègue que, dans son appréciation finale, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne s’est référé qu’aux actifs en cause qui avaient été classés comme des moules à des fins fiscales. Il n’aurait par conséquent pas motivé le fait que tous les actifs subventionnés aient été classés comme des moules. De surcroît, le Tribunal n’aurait pas mentionné de règle habilitant les institutions communautaires concernées à classer tous les actifs subventionnés comme des moules.

48.

Selon la requérante, le Tribunal n’a pas tenu compte du fait que le Conseil n’a pas respecté l’article 28 du règlement de base. Le Conseil aurait dû s’appuyer sur cette disposition pour pouvoir négliger les informations fournies par la requérante. Même si le Conseil s’était appuyé sur l’article 28 du règlement de base, il n’aurait pas pu formuler une conclusion manifestement contredite par les informations qu’elle avait fournies.

49.

Le Conseil estime que le grief de la requérante est irrecevable, au motif que celle-ci présente des moyens nouveaux. La requérante n’aurait pas invoqué la violation des principes de cohérence et d’enquête diligente en première instance.

50.

Le Conseil renvoie en outre à la constatation du Tribunal au point 78 de l’arrêt attaqué. Certes, la requérante aurait soutenu au cours de la procédure administrative que seule une partie des actifs subventionnés avait été reclassée comme des moules. Il ressortirait cependant du point 78 de l’arrêt attaqué que la requérante n’avait pas présenté d’éléments qui auraient permis au Conseil de vérifier l’exactitude de son allégation.

51.

Selon le Conseil, le Tribunal a tiré de cette constatation factuelle la conclusion juridique que la requérante ne peut pas mettre en cause l’appréciation qui figure à cet égard dans le règlement attaqué. La requérante n’aurait pas démontré dans quelle mesure le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve dans le cadre de cette constatation de fait. Le grief viserait, par conséquent, à obtenir une appréciation des faits qui n’est pas autorisée dans le cadre du pourvoi.

52.

Le Conseil fait valoir que, au point 79, il ne s’agit que d’une conclusion finale du Tribunal en ce qui concerne la deuxième branche du premier moyen du recours, à savoir sur les premier et deuxième griefs. On ne saurait en déduire que le Tribunal a constaté que le reclassement ne concernait pas tous les actifs subventionnés.

53.

Le Conseil affirme, par ailleurs, que les institutions communautaires concernées ne disposaient effectivement pas des informations nécessaires.

54.

Le Conseil fait valoir, à titre subsidiaire, qu’il y a lieu de tenir compte du fait qu’une éventuelle erreur de sa part ne saurait conduire à une annulation du règlement attaqué dans son intégralité, mais uniquement à une annulation partielle sous la forme d’un ajustement du montant du droit compensateur.

55.

La Commission soutient que le premier moyen du pourvoi vise à obtenir une appréciation des faits qui n’est pas autorisée. Le Tribunal aurait fondé sa conclusion juridique sur la constatation factuelle selon laquelle le Conseil n’avait pas pu, au vu des informations qui lui avaient été communiquées par la requérante, déterminer quels actifs avaient été reclassés dans la catégorie des moules. La requérante n’aurait pas démontré dans quelle mesure le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve dans le cadre de cette constatation de fait.

56.

De l’avis de la Commission, le pourvoi n’est d’ailleurs pas fondé. Selon la Commission, la requérante a eu largement l’occasion de fournir les informations nécessaires au cours de la procédure administrative, mais ne l’a pas fait.

C — Analyse juridique

57.

Le Conseil considère que ce moyen est irrecevable , parce que la requérante n’a pas invoqué la violation de l’obligation d’établir les faits avec soin et impartialité au cours de la procédure devant le Tribunal et qu’elle critique par ce grief des vices du règlement attaqué, et non de l’arrêt attaqué.

58.

Il ressort toutefois des allégations de la requérante que, en arguant de la violation du principe de l’établissement des faits avec soin et impartialité, la requérante reproche en substance au Tribunal, tout au moins partiellement, d’avoir commis une erreur de droit dans le contrôle du règlement du Conseil en accordant au Conseil une marge d’appréciation trop importante.

59.

Le moyen ne saurait donc être rejeté d’emblée comme irrecevable.

60.

En substance, la requérante reproche, en premier lieu , au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait qu’elle avait démontré que les institutions communautaires concernées avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance du fait que les actifs subventionnés n’avaient été que partiellement reclassés.

61.

Cela contredit la constatation du Tribunal au point 78 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y a constaté que la requérante n’avait pas apporté cette preuve. L’argumentation de la requérante tend par conséquent à obtenir une nouvelle appréciation des faits, qui n’est pas autorisée dans le cadre du pourvoi. J’ai exposé ci-dessus  ( 33 ) qu’il est certes possible de soutenir dans le cadre d’un pourvoi que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve. Or, ce n’est pas ce qu’allègue la requérante. Il s’ensuit que le grief doit être rejeté comme irrecevable.

62.

En conséquence, il y a également lieu de rejeter comme irrecevables les griefs de la requérante qui reposent sur l’affirmation selon laquelle elle aurait apporté cette preuve.

63.

En deuxième lieu , la requérante soutient que le Tribunal n’a pas invoqué de règle en vertu de laquelle les institutions communautaires concernées pouvaient tenir compte de tous les actifs subventionnés.

64.

J’ai exposé ci-dessus  ( 34 ) que l’établissement et l’appréciation d’une subvention constituent une tâche complexe, dans le cadre de laquelle les institutions communautaires jouissent d’une marge d’appréciation. Il n’appartient pas au Tribunal, statuant sur un recours en annulation, de s’approprier ce pouvoir d’appréciation des institutions communautaires. Certes, le Tribunal doit contrôler l’exercice par les institutions communautaires de leur pouvoir d’appréciation, mais il ne saurait substituer son exercice de ce pouvoir à celui des institutions communautaires. On ne saurait reprocher, à cet égard, au Tribunal de ne pas avoir mentionné lui-même de critères pour l’établissement des faits.

65.

Si l’on interprète le grief de la requérante en ce sens que le Tribunal n’a pas critiqué, à tort, l’appréciation des faits manifestement erronée du Conseil, la requérante devrait expliquer dans quelle mesure le Tribunal a commis une erreur de droit. Si l’erreur invoquée consiste en ce que le Tribunal n’a pas tenu compte du fait que le comportement du Conseil était contradictoire en ce qui concerne l’appréciation des données figurant dans sa déclaration fiscale et dans ses états comptables, ce grief n’est pas fondé. Comme cela a déjà été indiqué ci-dessus  ( 35 ) , le Tribunal a constaté qu’il ne ressortait pas de la déclaration fiscale de la requérante que seule une partie des actifs subventionnés avait été reclassée et que la requérante n’avait pas fourni d’informations à l’appui de son affirmation selon laquelle le reclassement ne concernait qu’une partie des actifs subventionnés  ( 36 ) .

66.

Il y a donc également lieu de rejeter ce grief.

67.

En troisième lieu , la requérante fait valoir que le Conseil aurait dû invoquer l’article 28 du règlement de base.

68.

À cet égard, il y a lieu de constater, dans un premier temps, que ce n’est qu’en ce qui concerne le rejet des indications figurant dans ses états comptables que la requérante a invoqué, au cours de la procédure devant le Tribunal, la violation de l’article 28 du règlement de base  ( 37 ) . La requérante avait soutenu dans ce contexte que les informations découlant de ses états comptables n’avaient pas été prises en compte, dans la mesure où il ressortait de celles-ci que les actifs subventionnés devaient être qualifiés de machines et non de moules. La requérante soutient maintenant, dans le cadre du pourvoi, que l’article 28 du règlement de base a été enfreint, parce que les informations découlant de sa déclaration fiscale n’ont pas été suffisamment prises en compte aux fins de constater que tous les actifs subventionnés n’avaient pas été reclassés dans la catégorie des moules. À mon avis, cela constitue un moyen nouveau irrecevable dans le cadre du pourvoi  ( 38 ) .

69.

En outre, les conditions d’un rejet des allégations de la requérante en vertu de l’article 28 du règlement de base étaient réunies en l’espèce. La requérante n’a pas soutenu, au cours de la procédure devant le Tribunal, que les institutions communautaires n’avaient pas attiré son attention sur le fait que son argumentation n’était pas suffisamment circonstanciée ou qu’elle n’avait pas eu la possibilité de fournir des explications complémentaires.

70.

Elle semble donc soutenir essentiellement en l’espèce que le Conseil ne s’est pas expressément fondé sur l’article 28 du règlement de base et que les motifs du rejet de son argumentation n’ont pas été indiqués dans des conclusions rendues publiques du Conseil. À mon avis, cela revient à invoquer un vice de forme. Toutefois, des vices de forme ne peuvent entraîner la nullité d’un acte que s’il s’agit d’une violation substantielle. En vertu d’une jurisprudence constante, il n’y a pas violation d’une formalité substantielle lorsque l’objectif poursuivi par la règle de forme a été atteint en dépit du non-respect de cette règle  ( 39 ) .

71.

L’objectif de l’indication des raisons du rejet de l’argumentation d’une partie intéressée, prévue à l’article 28, paragraphe 4, du règlement de base, consiste en premier lieu à informer la partie intéressée que des arguments qui ne sont pas suffisamment étayés peuvent être rejetés et à lui donner la possibilité de compléter son argumentation. Comme cela a été exposé ci-dessus  ( 40 ) , la requérante ne conteste pas que ces objectifs aient été atteints. Il n’y a donc pas lieu de conclure à la violation d’une formalité substantielle.

72.

Il s’ensuit que ce grief doit également être rejeté.

73.

En quatrième lieu , la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir tenu compte, au point 79 de l’arrêt attaqué, de tous les actifs subventionnés, mais uniquement des actifs en cause qui avait été classés comme des moules à des fins fiscales. Elle semble soutenir par là que la motivation du Tribunal était incomplète en ce qu’elle ne portait que sur une partie des actifs subventionnés.

74.

Ce grief doit également être rejeté. Le Tribunal avait constaté, au point 78 de l’arrêt attaqué, que le Conseil n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits en classant tous les actifs subventionnés dans la catégorie des moules. Dans ce contexte, la formulation employée par le Tribunal ne saurait être interprétée en ce sens que le point 78 de l’arrêt attaqué ne vise qu’une partie des actifs subventionnés.

D — Bilan

75.

Il y a par conséquent lieu de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

VII — Sur le deuxième moyen

76.

Le deuxième moyen s’articule en deux branches: dans la première branche, la requérante reproche au Tribunal de n’avoir pas correctement évalué les éléments de preuve contradictoires figurant dans le dossier et dans le règlement attaqué en ce qui concerne un élément clé pour déterminer le préjudice, à savoir l’évolution du prix des importations indiennes de CD-R et d’avoir par conséquent confirmé à tort les conclusions du Conseil dans le règlement attaqué (A). Dans la seconde branche du deuxième moyen, elle fait grief au Tribunal d’avoir confirmé les conclusions formulées par le Conseil dans le règlement attaqué en ce qui concerne le niveau des stocks de l’industrie communautaire du CD-R (B).

A — Sur la première branche du deuxième moyen

1. Arrêt attaqué

77.

Devant le Tribunal, la requérante avait critiqué la constatation du Conseil selon laquelle les prix des CD-R avaient baissé dans la Communauté. Selon elle, le Conseil s’était fondé sur des données qui n’étaient ni pertinentes ni fiables.

78.

Le Tribunal a rejeté cette critique. Aux points 201 à 206 de l’arrêt attaqué, il a tout d’abord indiqué que les institutions communautaires ont analysé l’évolution des prix, aux cinquante-huitième à soixante-quatrième considérants du règlement attaqué, tant sur la base des données d’Eurostat que sur celle des données communiquées par la requérante. Il a conclu que les institutions communautaires ont constaté, sur la base des données d’Eurostat, qu’il y avait eu une baisse de prix importante, de 59%, entre le 1 er  janvier 2000 et la fin de la période d’enquête. Sur la base des données communiquées par la requérante, la baisse des prix aurait été de 54% entre le 1 er  avril 1999 et la fin de la période d’enquête. Selon le Tribunal, ces résultats sont comparables malgré la date différente du début des ensembles de données. Il a considéré que la requérante n’avait pas fait valoir que la prise en compte d’une autre date de départ pour les données qu’elle a communiquées aurait pu conduire à des conclusions différentes.

2. Argumentation des parties

79.

La requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur dans son contrôle de l’exactitude de l’établissement des faits par les institutions communautaires. Le Tribunal aurait approuvé les constatations des institutions communautaires en dépit des erreurs suivantes commises, de l’avis de la requérante, par les institutions communautaires dans l’établissement des faits.

80.

En premier lieu, la formule utilisée pour déterminer les quantités de CD-R importées à partir de l’Inde n’aurait pas été fiable pour de petites quantités.

81.

La requérante affirme, en premier lieu, que les données de base d’Eurostat qui ont été utilisées reposaient sur une catégorie de la nomenclature combinée qui englobe, outre les CD-R, un grand nombre de produits similaires. Le Conseil aurait appliqué à ces données de base une formule développée par l’industrie communautaire. Le Conseil aurait fondé son règlement sur les données ainsi établies (ci-après les « données traitées d’Eurostat » ). Le Tribunal aurait supposé que les données traitées d’Eurostat étaient des données d’Eurostat. Il aurait ainsi fondamentalement mal compris la source et la nature des données sur lesquelles le Conseil a fondé son règlement.

82.

La requérante rappelle en outre qu’elle a critiqué à plusieurs reprises au cours de la procédure administrative l’emploi de la formule développée par l’industrie communautaire.

83.

Elle indique enfin qu’elle était le seul exportateur indien de CD-R dans la Communauté. Selon elle, ses données étaient par conséquent les seules données raisonnables et fiables. En conséquence, seules ses données auraient dû être utilisées pour déterminer le volume et la valeur des importations.

84.

En deuxième lieu , la requérante conteste la constatation du Tribunal selon laquelle les données traitées d’Eurostat et les données qu’elle avait communiquées conduisaient à des résultats très comparables. La requérante considère que cette constatation constitue une erreur manifeste d’appréciation des faits. Elle ne serait pas fondée sur les constatations de fait du règlement attaqué.

85.

La requérante estime, tout d’abord, que les données qu’elle a communiquées ne conduisent pas à des résultats comparables si elles sont prises en compte par année civile et non par exercice budgétaire. Elle affirme que, si l’année 1999 était choisie comme année indexée, le prix baisserait de 62% en 2000; si l’année 2000 était choisie comme année indexée, le prix augmenterait constamment jusqu’à la fin de la période d’enquête.

86.

La requérante considère ensuite que le choix d’une année indexée autre que l’année 2000 aurait conduit à des résultats très différents pour ce qui est de l’appréciation de l’évolution des prix. Selon elle, si l’année 1998 avait été choisie comme année indexée, les prix auraient augmenté de 165% entre 1998 et la période d’enquête.

87.

En troisième lieu , la requérante soutient que la constatation du Tribunal au point 205 de l’arrêt attaqué est inexacte. Aux termes de celui-ci, la requérante n’a pas fait valoir que la prise en compte d’une autre date de départ pour les données qu’elle a communiquées aurait pu conduire à des conclusions différentes en ce qui concerne les prix des importations. La requérante considère que cette constatation du Tribunal est incompatible avec l’argumentation qu’elle a développée au cours de la procédure devant le Tribunal. Elle aurait indiqué explicitement et implicitement au point 101 de sa requête que la prise en compte d’une autre date de départ pour les données qu’elle a communiquées aurait conduit à une conclusion différente en ce qui concerne les prix des importations indiennes.

88.

Le Conseil considère que la première branche du deuxième moyen est irrecevable. Il rappelle que seules des erreurs de droit peuvent être invoquées dans le cadre du pourvoi. Selon le Conseil, la requérante n’a pas expliqué quelle erreur de droit le Tribunal aurait commise. Le Conseil indique que le Tribunal n’a pas constaté lui-même l’existence d’un préjudice, mais a uniquement vérifié que les institutions communautaires avaient correctement établi les faits. La requérante aurait par conséquent dû démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en constatant que la requérante n’avait pas fourni des éléments de preuve suffisants. Or, selon le Conseil, la requérante ne le fait pas et se borne à contester les constatations de fait du Tribunal.

89.

De l’avis du Conseil, les griefs sont par ailleurs dépourvus de fondement.

90.

En premier lieu , les données utilisées par les institutions communautaires auraient été suffisamment fiables.

91.

Le Conseil soutient, tout d’abord, que l’argument de la requérante selon lequel la formule a été développée par l’industrie communautaire est un nouvel argument irrecevable, car il n’avait pas été présenté au cours de la procédure devant le Tribunal. En outre, la requérante n’aurait pas soutenu et n’aurait pas démontré que les données de base d’Eurostat et celles résultant de la formule développée par l’industrie communautaire n’étaient pas fiables. De surcroît, ce serait à bon droit que le Tribunal a constaté que celles-ci conduisaient à des résultats comparables à ceux qui découlent des données communiquées par la requérante.

92.

Le Conseil fait valoir ensuite que les institutions communautaires étaient certes en mesure de constater que la requérante était le seul exportateur indien. Elles n’auraient toutefois pas pu exclure que d’autres producteurs indiens inconnus produisent des CD-R au cours de la période d’enquête et les exportent dans la Communauté.

93.

En deuxième lieu , le Tribunal n’aurait pas commis d’erreur en constatant que les deux corps de données étaient comparables.

94.

Le Conseil soutient, tout d’abord, qu’il résulte des données d’Eurostat et de celles qui ont été communiquées par la requérante que le niveau des prix des CD-R n’a pas baissé de manière linéaire au cours de la période comprise entre l’année 2000 et la fin de la période d’enquête. Au contraire, les chiffres montreraient qu’il y a eu une légère augmentation entre 2001 et le début de la période d’enquête. La requérante tenterait de raccourcir la période considérée afin de donner l’impression que les prix ont augmenté pendant la période qu’elle a définie.

95.

Le Conseil fait valoir ensuite que, même s’ils ne recouvrent pas exactement la même période, les deux corps de données indiquent que le niveau des prix a baissé de plus de 50% entre l’année 2000 et la fin de la période d’enquête. Au cours de la même période, le volume des importations aurait augmenté de façon notable.

96.

Le Conseil affirme enfin que la suggestion de la requérante selon laquelle les institutions communautaires auraient dû choisir 1998 comme année indexée induit en erreur. Le Conseil aurait tenu compte du fait que les données afférentes à cette période n’étaient pas représentatives, étant donné que la requérante n’avait exporté que de faibles quantités pendant ce laps de temps, et n’aurait donc pas pris en considération cette année pour apprécier le préjudice. Selon les deux corps de données, les importations, qui étaient à un niveau minimal, auraient augmenté de manière significative, en parts de marché et en volume, à partir de l’année 2000. C’est pourquoi il était opportun, selon le Conseil, que les institutions communautaires choisissent l’an 2000 comme année indexée.

97.

En troisième lieu , le Conseil indique que les développements de la requérante au point 101 de sa requête ne concernaient pas l’analyse de ses données, mais l’analyse des données traitées d’Eurostat. Ce serait par conséquent à bon droit que le Tribunal est parti de l’idée que la requérante n’a pas soutenu, au cours de la procédure devant le Tribunal, que la prise en compte d’un autre point de départ aurait conduit à des résultats différents.

98.

La Commission considère que la requérante tente essentiellement de mettre en question des constatations de fait, mais qu’elle n’expose pas en quoi le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve.

3. Analyse juridique

99.

En premier lieu , la requérante invoque l’absence de fiabilité des données traitées d’Eurostat.

100.

Dans ce contexte, la requérante soutient certes que le Tribunal a fondamentalement mal compris la nature et la source des données sur lesquelles le Conseil a fondé ses constatations en ce qui concerne le préjudice. Toutefois, elle n’explique pas sur quoi repose cette supposition. Si la requérante tirait sa thèse de la mauvaise compréhension du Tribunal du fait que ce dernier parle, au point 202 de l’arrêt attaqué par exemple, des « données d’Eurostat » , cette formulation ne permettrait pas de conclure à une mauvaise compréhension de la nature et de la source des données. Au contraire, plusieurs éléments semblent indiquer que le Tribunal a simplement voulu distinguer par là les données traitées d’Eurostat de celles qui avaient été communiquées par la requérante. Il y a lieu de rappeler dans ce contexte que le règlement attaqué utilise également les termes « données d’Eurostat » ( 41 ) ou « chiffres d’Eurostat » ( 42 ) , en entendant par là non les données de base d’Eurostat, mais les données traitées d’Eurostat.

101.

Même si cette formulation devait être interprétée non comme un raccourci de langage, mais comme le signe d’une mauvaise compréhension par le Tribunal de la nature et de la source des données, la mesure dans laquelle ces erreurs se seraient répercutées sur l’appréciation du Tribunal n’est pas discernable. En effet, le Tribunal a fondé sa motivation, au point 204 de l’arrêt attaqué, sur le fait que la requérante n’avait pas exposé de manière circonstanciée dans quelle mesure les données n’étaient pas fiables  ( 43 ) .

102.

La requérante fait valoir en outre que la formule employée n’était pas fiable. Il s’agit là, d’une part, d’une nouvelle appréciation des faits, qui n’est pas autorisée dans le cadre du pourvoi  ( 44 ) et, d’autre part, d’une répétition inadmissible d’un argument que la requérante avait déjà avancé au cours de la procédure devant le Tribunal  ( 45 ) . Il y a lieu d’ajouter que, comme le Tribunal l’a constaté aux points 202 et 171 de l’arrêt attaqué, la requérante n’a pas prouvé, au cours de la procédure devant le Tribunal, que la formule n’était pas fiable. Il ne saurait par conséquent être reproché au Tribunal de ne pas avoir mis en cause l’utilisation de la formule par le Conseil  ( 46 ) .

103.

En ce que la requérante soutient qu’elle était le seul exportateur indien de CD-R vers la Communauté et que, partant, seules ses données auraient dû être prises en compte pour déterminer le volume et la valeur des importations, ce grief n’est pas recevable, ne serait-ce que parce que la requérante se borne à répéter l’argumentation développée devant le Tribunal, sans analyser les motifs du Tribunal à cet égard aux points 167 à 169 de l’arrêt attaqué  ( 47 ) . Par ailleurs, le Tribunal a exposé à juste titre, aux points 167 à 169 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’un préjudice doit être appréciée globalement, sans qu’il soit besoin d’individualiser l’effet des importations effectuées par chacune des sociétés responsables  ( 48 ) . En outre, sa constatation selon laquelle aucune erreur manifeste d’appréciation des faits ne saurait être reprochée au Conseil lorsqu’il se fonde sur les données dont il pouvait raisonnablement disposer n’est pas critiquable  ( 49 ) .

104.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté.

105.

En deuxième lieu, la requérante soutient que le Tribunal n’aurait pas dû confirmer que les deux corps de données sont comparables. Selon elle, cette appréciation n’est pas fondée sur les constatations de fait du règlement attaqué.

106.

En ce qui concerne ce grief, il y a lieu de constater, tout d’abord, que l’appréciation du Tribunal est bien fondée sur les constatations du Conseil aux cinquante-huitième à soixante-quatrième considérants du règlement attaqué. Il est toutefois possible que le grief de la requérante vise à affirmer que le Tribunal n’aurait pas dû confirmer les constatations du Conseil et, partant, n’aurait pas dû conclure à une comparabilité sur le fondement des constatations du Conseil. Sous cet angle, la requérante invoque des erreurs d’appréciation des données qu’elle avait communiquées.

107.

En ce qui concerne ce grief, force est cependant de constater que la requérante n’avait pas soutenu devant le Tribunal, de manière circonstanciée, que les données qu’elle avait communiquées avaient été mal présentées. J’ai indiqué ci-dessus  ( 50 ) qu’il ne saurait par conséquent être reproché au Tribunal de ne pas avoir pris cet argument en considération. De plus, cet argument constitue un moyen de fait nouveau, irrecevable dans le cadre du pourvoi  ( 51 ) .

108.

En troisième lieu , la requérante fait valoir que la constatation du Tribunal au point 205 de l’arrêt attaqué est inexacte. Le Tribunal y a constaté que la requérante n’a pas démontré dans quelle mesure la prise en compte d’une autre date de départ pour les données qu’elle a communiquées aurait pu conduire à des conclusions différentes en ce qui concerne les prix des importations.

109.

La requérante se prévaut du fait qu’elle avait soulevé cette question au point 101 de sa requête. Toutefois, c’est à juste titre que le Conseil indique que la requérante s’était bornée à indiquer, au point 101 de sa requête, que le niveau des prix résultant des données traitées d’Eurostat pour les années 1998 et 1999 à 2001 était sans incidence. Elle ne fait pas référence, à cet endroit, aux données qu’elle avait communiquées.

110.

Il y a donc également lieu de rejeter ce grief, étant donné que la requérante n’avait pas soulevé ce point au cours de la procédure devant le Tribunal.

4. Bilan

111.

En conclusion, il y a, par conséquent, lieu de rejeter dans son intégralité la première branche du deuxième moyen.

B — Sur la seconde branche du deuxième moyen

1. Arrêt attaqué

112.

La seconde branche du deuxième moyen vise les points 193 à 196 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y rejette le grief de la requérante selon lequel l’appréciation des stocks par le Conseil était erronée.

113.

Le Tribunal a indiqué, à cet égard, que la période de référence courait de l’année 1998 jusqu’au 31 mars 2002 et que, durant toute cette période, les stocks de l’industrie communautaire ont augmenté de manière significative. La requérante n’aurait pas démontré que l’amélioration des stocks à partir de l’année 2000 aurait été de nature à renverser la tendance négative pour la période de référence. Dans ce contexte, le Tribunal a invoqué le fait que les stocks sont restés à des taux élevés durant toute la période de référence, augmentant en termes absolus vers la fin de 2001, ce qui coïncidait donc avec l’augmentation du volume des importations, et représentant, en termes relatifs, un taux élevé, de 15%, de la production au cours de la période d’enquête  ( 52 ) .

2. Argumentation des parties

114.

La requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur en confirmant la constatation du Conseil au cent troisième considérant du règlement attaqué, selon laquelle les stocks se sont fortement détériorés.

115.

En premier lieu , elle affirme que le Tribunal a constaté que les stocks ont augmenté en termes absolus vers la fin de 2001. Selon elle, le Tribunal n’a pas tenu compte du fait que la production de l’industrie communautaire a également fortement augmenté et a par conséquent omis de comparer l’augmentation des stocks en termes absolus et l’augmentation absolue de la production.

116.

En deuxième lieu , elle estime que la conclusion du Tribunal selon laquelle les stocks représentaient, en termes relatifs, un taux élevé, de 15%, de la production au cours de la période d’enquête n’est pas étayée par le règlement attaqué.

117.

Pour déterminer le préjudice, il faut, selon la requérante, prendre en considération la tendance du facteur considéré. Le Tribunal aurait dû tenir compte du fait qu’une légère amélioration des stocks a été enregistrée entre l’an 2000 et la période d’enquête, c’est-à-dire au moment où les importateurs indiens ont pénétré sur le marché communautaire. Eu égard à cette légère amélioration, il n’était pas possible, de l’avis de la requérante, de constater une forte détérioration.

118.

Le Conseil considère que ce grief est irrecevable. D’une part, il viserait une constatation de fait. D’autre part, la requérante n’indiquerait pas quelle règle de droit le Tribunal aurait enfreinte.

119.

De plus, selon le Conseil, ce grief est également dépourvu de fondement.

120.

En premier lieu , le Conseil relève que le constat en termes absolus effectué par le Tribunal est exact d’un point de vue factuel. En effet, l’augmentation des stocks aurait été si massive qu’elle aurait également entraîné une augmentation de près de 60% en termes relatifs entre 1998 et la fin de la période d’enquête (de 9,2 à 14,6 %), en dépit de l’extraordinaire augmentation de la production de l’industrie communautaire.

121.

En deuxième lieu , le Conseil affirme que le taux de 15% était connu de la requérante. En tout état de cause, les chiffres relatifs, à savoir le rapport entre les stocks et la production globale, résulteraient des tableaux figurant aux soixante-quinzième et quatre-vingtième considérants du règlement attaqué.

122.

Enfin, le Conseil estime que le grief est inopérant en droit. Il ressortirait du cent troisième considérant du règlement attaqué que les stocks n’étaient que l’un des nombreux indicateurs de préjudice. De plus, les cent quatrième et cent cinquième considérants du règlement attaqué montreraient clairement qu’il ne s’agissait pas d’un élément important aux fins de la conclusion en matière de préjudice. Les stocks n’y seraient même pas mentionnés. Cela aurait d’ailleurs été reconnu par la requérante, qui aurait indiqué que l’évolution des prix était le facteur à prendre en considération.

123.

La Commission considère que ce grief est irrecevable parce qu’il vise une constatation de fait et que la requérante n’a pas démontré que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve.

124.

La Commission fait valoir en outre que l’augmentation des stocks mentionnée au quatre-vingtième considérant du règlement attaqué est un indice de préjudice très clair. Elle résulterait de la sous-cotation des prix. En outre, l’augmentation des stocks ne serait que l’un des indicateurs de préjudice.

3. Analyse juridique

125.

En premier lieu , le Tribunal aurait, de l’avis de la requérante, dénaturé des éléments de preuve en se référant aux stocks en chiffres absolus.

126.

Il faut certes admettre avec la requérante que la seule augmentation des stocks en termes absolus ne permet pas de tirer de conclusions quant à la situation de l’industrie communautaire. Il faut au contraire mettre en rapport les chiffres absolus croissants avec l’évolution d’autres facteurs tels que l’évolution de la production.

127.

Toutefois, le fait que le Tribunal ait mentionné des chiffres absolus dans ses motifs ne constitue pas une dénaturation des éléments de preuve. La dénaturation ne pourrait être retenue que si le Tribunal s’était exclusivement fondé sur des chiffres absolus, sans mettre ceux-ci en rapport avec d’autres facteurs. Or, le Tribunal a également pris en considération, dans son appréciation, le fait que le Conseil a examiné quel était le rapport entre les stocks en termes absolus et la production globale.

128.

Il y a par conséquent lieu de rejeter ce grief.

129.

En deuxième lieu , la requérante soutient que la conclusion du Tribunal selon laquelle les stocks représentaient, en termes relatifs, un taux élevé, de 15%, de la production au cours de la période d’enquête n’est pas étayée par le règlement. Selon elle, le Tribunal a substitué sa motivation à celle du Conseil.

130.

Comme le Conseil le relève à juste titre, l’évolution négative, sur la période considérée, résulte des soixante-quinzième et quatre-vingtième considérants du règlement attaqué, qui fournissent des indications sur la production globale et les stocks. Le Tribunal pouvait donc déduire directement, à partir de la motivation du règlement attaqué, les circonstances expliquant la tendance négative. De plus, le Conseil avait justifié l’évolution négative en indiquant, au quatre-vingtième considérant du règlement attaqué, que les stocks ont augmenté de manière significative vers la fin de 1999 et vers la fin de 2001, atteignant ainsi le taux de 15%.

131.

Il y a par conséquent lieu de rejeter ce grief.

132.

En troisième lieu , la requérante critique le fait que le Tribunal n’a pas pris en compte la légère amélioration des stocks entre l’an 2000 et la période d’enquête. Eu égard à cette amélioration, il n’était pas possible de conclure à une forte détérioration de ce facteur.

133.

Il faut tout d’abord rappeler, à cet égard, que c’est à juste titre que le Tribunal a indiqué, au point 194, que la période de référence s’étalait de l’année 1998 au 31 mars 2002 . Il faut rappeler, en outre, que les institutions communautaires jouissent d’une large marge d’appréciation pour déterminer la période à prendre en considération aux fins de l’examen du préjudice  ( 53 ) . C’est à juste titre que le Tribunal a observé que les institutions communautaires peuvent examiner le préjudice au cours d’une période plus longue que celle couverte par l’enquête, étant donné que l’étude des tendances économiques doit être effectuée sur une période suffisamment longue  ( 54 ) . Il ne saurait par conséquent être reproché au Tribunal de ne pas avoir critiqué l’approche du Conseil consistant à observer la tendance économique sur une période plus longue.

134.

Dans la mesure où la requérante soutient que l’amélioration temporaire des stocks a coïncidé avec l’entrée sur le marché des importateurs indiens, il s’agit d’une circonstance qu’elle n’avait pas invoquée au cours de la procédure devant le Tribunal. La requérante aurait dû exposer et étayer cette circonstance au cours de la procédure devant le Tribunal. Par conséquent, le Tribunal ne saurait encourir le reproche de ne pas avoir tenu compte de cette circonstance  ( 55 ) . Dans le cadre du pourvoi, cet argument constitue une extension illicite de l’objet du litige et un nouveau moyen de fait  ( 56 ) .

135.

Ce grief serait d’ailleurs inopérant en droit. Les griefs sont inopérants lorsqu’ils sont uniquement dirigés contre les motifs d’un arrêt, sans pouvoir influer sur le dispositif de celui-ci  ( 57 ) . Même si le Tribunal avait critiqué l’appréciation du Conseil en ce qui concerne les stocks, cela n’aurait pas conduit à l’annulation du règlement du Conseil.

136.

Il ressort certes du cent troisième considérant du règlement attaqué que le Conseil a également mentionné la détérioration des stocks dans le cadre de ses conclusions relatives au préjudice. Dans ce contexte, il faut toutefois rappeler l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base. Aux termes de celui-ci, l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie communautaire concernée comporte une évaluation de certains facteurs et indices économiques, parmi lesquels figurent les stocks  ( 58 ) . Il précise cependant également qu’un seul, ni même plusieurs de ces facteurs ne constituent nécessairement une base de jugement déterminante pour conclure à l’existence d’un préjudice. Il n’est donc pas possible de déduire de la mention des stocks au cent troisième considérant du règlement attaqué que le Conseil a essentiellement fondé sa motivation du règlement attaqué sur sa constatation relative aux stocks.

137.

En tout état de cause, le Conseil a précisé, au cent cinquième considérant du règlement attaqué, qu’il a essentiellement fondé le préjudice sur l’incidence des importations subventionnées sur les prix  ( 59 ) . Il n’est donc pas possible, à mon avis, de conclure que la constatation relative aux stocks est un « pilier » de la constatation du préjudice et, partant, de la motivation du règlement attaqué, si bien que sa disparition conduirait nécessairement à une annulation du règlement.

138.

Pour cette raison aussi, le grief doit donc être rejeté.

4. Bilan

139.

En conclusion, il y a par conséquent lieu de rejeter dans son intégralité la seconde branche du deuxième moyen.

VIII — Sur le troisième moyen

140.

Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante invoque une erreur du Tribunal en ce qui concerne le rejet du cinquième moyen qu’elle a présenté en première instance. Elle estime que le Tribunal n’a pas dûment pris en compte le fait que le préjudice peut également être attribué à un autre facteur au sens de l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base, à savoir le fait que des redevances excessives et donc anticoncurrentielles aient été réclamées pour des brevets portant sur les CD-R.

A — Arrêt attaqué

141.

Aux points 260 à 279 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a tout d’abord analysé le grief selon lequel le Conseil a omis d’examiner ce facteur. Il a constaté, à cet égard, que le Conseil a examiné, de manière générale, aux cent trente-quatrième et cent trente-cinquième considérants du règlement attaqué, les effets du paiement des redevances découlant des brevets  ( 60 ) .

142.

Le Tribunal a analysé ensuite le grief selon lequel le Conseil n’avait pas dûment vérifié si le paiement des redevances prétendument anticoncurrentielles était de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice. Le Tribunal a rejeté ce grief. Il n’a pas jugé nécessaire de déterminer les effets précis du facteur en question. Il a estimé qu’il suffisait que les institutions communautaires constatent que, en dépit d’un tel facteur externe, le préjudice causé par les importations subventionnées a été important. Le Tribunal a jugé suffisante la motivation du Conseil selon laquelle les redevances avaient déjà été payées avant que les importations ne soient devenues importantes et selon laquelle l’évolution négative de la situation des producteurs communautaires ne pouvait donc être imputée au paiement des redevances. Le Tribunal a également tenu compte du fait que la pratique anticoncurrentielle alléguée n’était pas imputable au comportement des producteurs communautaires.

143.

Enfin, le Tribunal a examiné le grief selon lequel le Conseil n’avait pas correctement évalué le préjudice. Dans ce contexte, le Tribunal a observé que les redevances devaient être payées par tous les producteurs, y compris la requérante. Elles n’auraient ainsi pas été susceptibles d’expliquer la différence entre les prix communautaires et les prix des importations subventionnées et, dès lors, elles auraient été sans influence sur le niveau de sous-cotation.

B — Argumentation des parties

144.

La requérante a soutenu à l’audience que le troisième moyen est recevable parce qu’elle avait indiqué suffisamment clairement, dans l’intitulé du troisième moyen, quelle était la partie de l’arrêt qui était attaquée par le troisième moyen.

145.

La requérante fait valoir, en substance, dans le cadre de son troisième moyen que le Tribunal s’est mépris sur l’importance de l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base. Elle expose que, en vertu de cette disposition, le préjudice causé par d’autres facteurs connus ne doit pas être attribué aux importations dont il est allégué qu’elles font l’objet de subventions; lorsqu’un autre facteur est connu, il faut vérifier si le préjudice existerait également en l’absence de ce facteur et, dans ce cas, quel serait son montant. En revanche, peu importerait de savoir si un tel facteur peut être imputé au comportement de l’industrie communautaire.

146.

De l’avis du Conseil , ce moyen est d’emblée irrecevable. La requérante n’indiquerait pas précisément quelle est la conclusion de l’arrêt attaqué qu’elle conteste et se bornerait à se référer à un seul point des motifs de l’arrêt attaqué. Elle n’exposerait pas quelle était l’erreur de droit commise par le Tribunal.

147.

Pour le Conseil, le moyen est également sans fondement. Le Tribunal aurait correctement appliqué l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base. Il se serait fondé sur la jurisprudence constante des juridictions communautaires. Selon cette jurisprudence, l’existence d’un lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice serait vérifiée conformément aux étapes suivantes.

148.

Un premier critère positif consisterait à vérifier si les importations subventionnées ont causé le préjudice. Un lien de cause à effet pourrait être admis même si le préjudice résulte non seulement des importations subventionnées, mais également d’autres facteurs.

149.

En vertu d’un critère négatif, il faudrait ensuite vérifier si d’autres facteurs connus n’ont pas rompu le lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice. Toutefois, celui-ci ne serait considéré comme rompu que si l’incidence des importations subventionnées est si minime qu’elle ne peut plus être considérée comme importante en comparaison avec l’incidence d’autres facteurs.

150.

De l’avis du Conseil, le Tribunal a dûment examiné si l’industrie communautaire n’avait pas contribué elle-même au préjudice. Enfin, la requérante n’indiquerait pas quel aurait été l’effet des redevances prétendument anticoncurrentielles sur le préjudice. Elle ne préciserait pas en quoi le Tribunal aurait mal apprécié des éléments de preuve.

151.

La Commission considère également que le troisième moyen est irrecevable. En effet, la requérante ne contesterait que le point 272 de l’arrêt attaqué. Or, il ne s’agirait pas d’un élément décisif dans le raisonnement du Tribunal.

152.

La Commission relève en outre que la requérante ne met pas en cause la constatation du Tribunal au point 272 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le comportement anticoncurrentiel allégué n’est pas imputable aux producteurs communautaires et selon laquelle les institutions communautaires n’étaient donc pas tenues de le prendre en considération.

C — Analyse juridique

153.

J’ai déjà exposé ci-dessus  ( 61 ) qu’un pourvoi doit indiquer clairement quelles sont les parties de l’arrêt à l’annulation desquelles il conclut, ainsi que les arguments juridiques sur lesquels ces conclusions se fondent.

154.

Premièrement, la requérante a précisé, dans l’intitulé du troisième moyen, que ce moyen était dirigé contre la partie de l’arrêt attaqué dans laquelle le Tribunal avait rejeté le cinquième moyen du recours. La partie de l’arrêt (points 260 à 279) que la requérante entendait contester ressort ainsi de l’intitulé du troisième moyen. Il est vrai que la requérante n’a mentionné que le point 272 de l’arrêt attaqué dans l’argumentation à l’appui du troisième moyen. Toutefois, la partie attaquée de l’arrêt apparaissait de façon suffisamment claire dans l’intitulé du moyen.

155.

Deuxièmement, la requérante a indiqué que le Tribunal n’avait pas correctement appliqué, à son avis, l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base dans le cadre du contrôle du règlement attaqué. Elle a ainsi précisé qu’il s’agissait de la détermination du préjudice.

156.

À mon avis, le troisième moyen est donc recevable.

157.

La requérante soutient que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base. L’article 8, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet de subventions, qui causent simultanément un préjudice à l’industrie communautaire sont aussi examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet de subventions au sens de l’article 8, paragraphe 6. Cette disposition prévoit notamment, à titre d’exemple, que les pratiques commerciales restrictives des producteurs de pays tiers et communautaires et la concurrence entre ces mêmes producteurs peuvent être considérées comme pertinentes à cet égard.

158.

De l’avis de la requérante, la violation de l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base réside, d’une part, dans le fait que le Tribunal n’a pas contesté les constatations du Conseil dans le règlement attaqué selon lesquelles les redevances prétendument anticoncurrentielles n’ont pas brisé le lien de cause à effet entre les importations subventionnées et le préjudice (1). Elle estime, d’autre part, que c’est à tort que le Tribunal a rejeté son grief en vertu duquel l’incidence des redevances aurait dû être prise en compte dans le cadre de l’appréciation du préjudice (2).

1. L’incidence des redevances sur le lien de causalité

159.

Comme le Tribunal l’a exposé à juste titre au point 269 de l’arrêt attaqué, il faut vérifier, pour ce qui est du lien de cause à effet entre les importations subventionnées et le préjudice, si d’autres facteurs ont été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice causé à l’industrie communautaire  ( 62 ) .

160.

Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire — comme le Tribunal l’a constaté à juste titre  ( 63 )  — d’exposer et de prendre en compte les effets précis du facteur en cause. Il suffit à cette fin de constater que, en dépit du facteur en cause, le préjudice causé par les importations subventionnées a été important. Cela résulte du fait que le règlement de base n’exige (plus) que les importations subventionnées soient la cause principale du préjudice et qu’un droit compensateur peut être institué, même si le préjudice a été causé par plusieurs facteurs  ( 64 ) .

161.

Je ne décèle par conséquent pas d’erreur de droit dans le critère juridique utilisé par le Tribunal. J’examinerai maintenant si le Tribunal a commis une erreur dans l’application de ce critère juridique.

162.

Le Conseil avait constaté que les redevances devaient être acquittées par tous les producteurs de CD-R et que les producteurs devaient déjà les acquitter avant la période au cours de laquelle le préjudice constaté par le Conseil est survenu. Il avait également tenu compte de la coïncidence temporelle entre l’arrivée sur le marché des importations en provenance d’Inde et le préjudice subi par l’industrie communautaire qu’il a constaté. En s’appuyant en particulier sur ces constatations, il avait considéré que le lien de causalité entre les importations faisant l’objet de subventions et le préjudice ne pouvait pas être rompu par le paiement des redevances  ( 65 ) .

163.

La requérante n’a pas exposé de manière circonstanciée au cours de la procédure devant le Tribunal en quoi cette hypothèse du Conseil serait inexacte. Elle s’est simplement prévalue du fait qu’il découle de l’arrêt Mukand e.a./Conseil  ( 66 ) que les institutions communautaires doivent déterminer précisément l’incidence des redevances.

164.

L’arrêt Mukand e.a./Conseil concernait toutefois un cas dans lequel seuls les prix pratiqués par les producteurs communautaires pour le produit en question étaient affectés par le comportement éventuellement anticoncurrentiel de producteurs communautaires, et non les prix des producteurs qui importaient le produit en question dans la Communauté  ( 67 ) . Si, dans un tel cas, la constatation du préjudice s’appuie en particulier sur la sous-cotation des prix des importations subventionnées par rapport au prix des marchandises fabriquées dans la Communauté, il est évident qu’un comportement qui rend artificiellement élevés les prix des produits fabriqués dans la Communauté peut être susceptible de mettre en question le lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice  ( 68 ) .

165.

Dans un cas tel que celui de l’espèce, dans lequel les redevances prétendument anticoncurrentielles doivent être payées par tous les producteurs, la possibilité d’une rupture du lien de causalité n’est cependant pas évidente. Il en est en particulier ainsi lorsque le Conseil a constaté que les redevances étaient déjà payées auparavant, mais que le préjudice constaté (la chute des prix) a coïncidé, d’un point de vue temporel, avec l’arrivée sur le marché communautaire des produits subventionnés. Dans ce contexte, la requérante aurait dû exposer de manière circonstanciée pourquoi les redevances prétendument anticoncurrentielles qui étaient réclamées rompaient le lien de causalité auquel le Conseil avait conclu  ( 69 ) . Étant donné qu’elle ne l’a pas fait, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir confirmé les constatations du Conseil  ( 70 ) .

166.

Je ne décèle donc pas non plus d’erreur de droit dans l’application du critère juridique par le Tribunal en l’espèce.

2. L’évaluation du préjudice

167.

En ce qui concerne l’évaluation du préjudice, le Tribunal a indiqué que, dans le cas d’espèce, contrairement au cas qui était à l’origine de l’arrêt Mukand e.a./Conseil, le comportement prétendument anticoncurrentiel a affecté tous les producteurs. Le paiement des redevances était par conséquent sans influence sur les éléments pris en compte pour calculer le niveau de sous-cotation. Le Conseil a par conséquent pu estimer que le facteur externe en cause n’était pas susceptible d’expliquer la différence entre les prix communautaires et les prix indiens  ( 71 ) .

168.

Il faut, tout d’abord, considérer dans ce contexte que la détermination du préjudice de l’industrie communautaire non seulement ne conditionne pas uniquement l’adoption d’un droit compensateur à l’encontre des importations subventionnées  ( 72 ) , mais peut aussi jouer un rôle pour le montant de ce droit compensateur.

169.

En vertu de l’article 15, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, le montant du droit compensateur ne doit pas excéder le montant établi des subventions passibles de mesures compensatoires et il doit être inférieur si ce montant inférieur est suffisant pour éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire (règle dite du « droit moindre » ). En vertu de la règle du droit moindre, la marge de subvention est comparée à la marge d’élimination du préjudice. Si la marge d’élimination du préjudice est inférieure à la marge de subvention, seul un droit compensateur d’un montant égal à la marge d’élimination du préjudice doit être institué.

170.

La finalité de la règle du droit moindre est de neutraliser uniquement l’avantage concurrentiel des importations subventionnées qui est nécessaire pour protéger l’industrie communautaire. La règle du droit moindre vise ainsi à concilier la protection commerciale de l’industrie communautaire contre des importations subventionnées, d’une part, avec l’intérêt représenté par une industrie communautaire aussi concurrentielle que possible et des prix aussi bas que possible pour les acheteurs du produit en question dans la Communauté, d’autre part. Les prix des importations subventionnées ne doivent être augmentés du droit compensateur que dans la mesure où cela est nécessaire à la protection de l’industrie communautaire. Ils ne sauraient toutefois conférer à l’industrie communautaire un avantage concurrentiel, par rapport aux importations subventionnées, qui irait au-delà de cela.

171.

Si l’on tient compte de cette finalité de la règle du droit moindre, il apparaît que, aux fins de la prise en compte des autres facteurs au sens de l’article 8, paragraphe 7, du règlement de base dans le cadre de la règle du droit moindre, il peut être approprié d’utiliser un filtre plus fin que lors de l’examen du point de savoir si un autre facteur rompt le lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice. Étant donné que l’institution d’un droit compensateur doit également être possible lorsque le préjudice est causé par plusieurs facteurs, il suffit, dans le cadre de l’appréciation de la causalité, d’utiliser le filtre plus grossier décrit ci-dessus  ( 73 ) . Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire d’exposer et de prendre en compte les effets précis du facteur en cause. L’objectif de la règle du droit moindre est toutefois de ne pas non plus conférer dans ce cas à l’industrie communautaire une protection allant au-delà de ce qui est nécessaire. Afin d’atteindre cet objectif, il peut être approprié de tenir compte, dans le cadre du calcul du niveau d’élimination du préjudice, de facteurs qui ne conduisent certes pas à la rupture du lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice, mais qui peuvent avoir une incidence sur le montant du niveau d’élimination du préjudice. Pour cette raison, l’emploi, aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice, d’un filtre « plus fin » que dans le cadre de la vérification de la causalité peut être approprié  ( 74 ) .

172.

Toutefois, il importe de tenir compte du fait que, comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’appréciation et l’évaluation des données économiques nécessaires à l’adoption de mesures de défense commerciale constituent une tâche complexe et que les institutions communautaires jouissent par conséquent d’une large marge d’appréciation  ( 75 ) .

173.

Ces principes étant rappelés, il faut maintenant vérifier si le Tribunal a dûment pris en compte les redevances prétendument excessives lors du contrôle de l’exercice par le Conseil de son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le calcul du niveau d’élimination du préjudice et l’application de la règle du droit moindre.

174.

Il faut, tout d’abord, indiquer dans ce contexte que la doctrine a, par le passé, attiré l’attention à de nombreuses reprises sur le risque que la non-prise en compte de violations du droit européen de la concurrence dans le cadre de procédures visant à l’institution de mesures de défense commerciale aboutisse à contrecarrer les objectifs des traités en matière de droit de la concurrence  ( 76 ) .

175.

Effectivement, lorsque les prix des importations provenant d’États tiers sont comparés aux prix des producteurs communautaires qui sont artificiellement élevés en raison de comportements anticoncurrentiels, il existe le risque que le niveau qui est déterminé pour éliminer l’avantage concurrentiel des importations subventionnées soit fixé à un montant trop élevé. Un niveau d’élimination du préjudice fixé à un montant trop élevé joue au détriment des acheteurs du produit en question, sans être justifié par la défense de l’industrie communautaire.

176.

Toutefois, cela n’implique pas à mes yeux que le Conseil soit tenu, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, de tenir compte, dans tous les cas dans lesquels des comportements prétendument anticoncurrentiels affectent les prix, de ces comportements aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice. En particulier dans un cas dans lequel tous les producteurs entrant en ligne de compte peuvent être concernés par le comportement prétendument anticoncurrentiel, j’estime qu’il n’est pas absolument nécessaire que le Conseil tienne compte de ce comportement dans le cadre du calcul du niveau d’élimination du préjudice. Dans un tel cas, le paiement d’une redevance apparaît comme un élément du cadre dans lequel tous les producteurs opèrent. Dans la mesure où ce comportement n’est pas imputable à l’industrie communautaire elle-même, cette dernière a un besoin légitime d’être protégée des importations subventionnées, dans le cadre existant, par l’institution d’un droit compensateur.

177.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal a tenu compte, au point 274 de l’arrêt attaqué, du fait que tous les producteurs de CD-R devaient payer les redevances prétendument anticoncurrentielles et que le comportement prétendument anticoncurrentiel ne pouvait pas être imputé à l’industrie communautaire. Le Tribunal a ainsi pu estimer, au point 275 de l’arrêt attaqué, que les redevances prétendument excessives ne pouvaient pas influer sur le calcul du niveau de sous-cotation et que la constatation du Conseil, au cent trente-quatrième considérant du règlement attaqué, n’était pas critiquable.

D — Bilan

178.

En conclusion, il y a donc également lieu de rejeter dans son intégralité le troisième moyen.

IX — Bilan de l’analyse juridique

179.

Il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi n’est pas fondé. Il s’ensuit qu’il doit être rejeté dans son intégralité.

X — Sur les dépens

180.

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant à mon avis succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

181.

En vertu de l’article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

XI — Conclusion

182.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de:

rejeter le recours;

condamner Moser Baer India Ltd aux dépens;

condamner la Commission des Communautés européennes à ses propres dépens.


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) T-300/03, Rec. p. II-3911 .

( 3 ) JO L 138, p. 1 .

( 4 ) JO L 288, p. 1 .

( 5 ) Les droits compensateurs contre les importations qui font l’objet de subventions sont institués sous la forme de règlements. Étant donné que la base légale de l’adoption des droits compensateurs est également un règlement, le règlement qui constitue la base légale et le cadre juridique de l’adoption du règlement antisubventions est appelé « règlement de base » .

( 6 ) JO 2002, C 116, p. 4 .

( 7 ) Trente-huitième à quarante-septième considérants du règlement attaqué.

( 8 ) Le Conseil a cependant ramené cette période à quatre ans et deux mois, voir quarante-troisième à quarante-cinquième considérants du règlement attaqué.

( 9 ) Voir trente-neuvième à quarante et unième considérants du règlement attaqué.

( 10 ) Voir cinquante-huitième à soixante-quatrième considérants du règlement attaqué.

( 11 ) Pour ce qui est des stocks, voir quatre-vingtième à quatre-vingt-neuvième considérants du règlement attaqué.

( 12 ) Voir cent trente-quatrième et cent trente-cinquième considérants du règlement attaqué.

( 13 ) Seuls sont mentionnés ici les moyens du recours qui jouent un rôle dans le cadre du pourvoi.

( 14 ) JO L 288, p. 17 .

( 15 ) Arrêts du 27 septembre 2007 , Ikea Wholesale ( C-351/04, Rec. p. I-7723 , point 40), et du 28 février 2008 , AGST Draht- und Biegetechnik ( C-398/05, Rec. p. I-1057 , point 33). Les références à la jurisprudence et à la doctrine qui figurent dans la présente note et dans les notes qui suivent se rapportent, pour partie, non seulement à des affaires de subventions, mais également à des affaires de dumping. Ces sources jurisprudentielles et doctrinales peuvent toutefois être transposées, mutatis mutandis, aux subventions. L’application par analogie de ces références ne fera plus l’objet d’une mention particulière dans ce qui suit.

( 16 ) Voir article 28 du règlement de base.

( 17 ) Arrêts du 14 mars 1990 , Gestetner Holdings/Conseil et Commission ( C-156/87, Rec. p. I-781 , point 63); du 18 septembre 1996 , Climax Paper/Conseil ( T-155/94, Rec. p. II-873 , point 98); du 17 décembre 1997 , EFMA/Conseil ( T-121/95, Rec. p. II-2391 , point 64); du 29 janvier 1998 , Sinochem/Conseil ( T-97/95, Rec. p. II-85 , point 51); Ikea Wholesale (précité note 15, point 41) et AGST Draht- und Biegetechnik (précité note 15, point 34); Müller, W., Khan, N., et Neumann, H.-A., EC Anti-Dumping Law , John Wiley & Sons, 1998, point 26.2, et Düker, K., Rechtsschutz gegen Antidumpingmaßnahmen der Europäischen Gemeinschaft , Tectum, 2007, p. 193.

( 18 ) Arrêts du 28 octobre 2004 , Shanghai Teraoka Electronic/Conseil ( T-35/01, Rec. p. II-3663 , points 48 et 49); Ikea Wholesale (précité note 15, point 41) et AGST Draht- und Biegetechnik (précité note 15, point 34); Müller, W., Khan, N., et Neumann, H.-A., op. cit., point 26.2.

( 19 ) Arrêt du 21 février 1984 , Allied Corporation e.a./Commission ( 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005 , points 21 et suiv.); Düker, K., op.cit., p. 197.

( 20 ) Düker, K., op.cit., p. 196 et suiv.

( 21 ) Article 225 CE et article 58, paragraphe 1, du statut de la Cour de justice.

( 22 ) Arrêts du 4 juillet 2000 , Bergaderm et Goupil/Commission ( C-352/98 P, Rec. p. I-5291 , point 35); du 7 janvier 2004 , Aalborg Portland e.a./Commission ( C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 51), et du 3 mars 2005 , Biegi Nahrungsmittel et Commonfood/Commission ( C-499/03 P, Rec. p. I-1751 , point 38). Pour d’autres références, voir Lenaerts, K., et Arts, D., Procedural Law of the European Union , 2 e  édition, Sweet & Maxwell, 2008, points 7-107 et 16-016.

( 23 ) Article 225 CE et article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour; voir notamment arrêts Bergaderm et Goupil/Commission (précité note 22, point 34) et du 8 janvier 2002 , France/Monsanto et Commission ( C-248/99 P, Rec. p. I-1 , point 69).

( 24 ) Ordonnance du 20 mars 1991 , Turner/Commission ( C-115/90 P, Rec. p. I-1423 , points 13 et 14); du 1 er  octobre 1991 , Vidrányi/Commission ( C-283/90 P, Rec. p. I-4339 , points 11 à 13), et du 23 novembre 2000 , British Steel/Commission ( C-1/98 P, Rec. p. I-10349 , point 53). Lenaerts, K., et Arts, D., op. cit., point 16-016.

( 25 ) Arrêts du 2 mars 1994 , Hilti/Commission ( C-53/92 P, Rec. p. I-667 , point 43), et du 10 juillet 2003 , Commission/Fresh Marine ( C-472/00 P, Rec. p. I-7541 , point 45). Rengeling, H.-W., Middecke, A., et Gellermann, M., Handbuch des Rechtsschutzes in der Europäischen Union , 2 e édition, C. H. Beck, 2003, article 28, point 28.

( 26 ) Arrêts du 19 juin 1992 , V./Parlement ( C-18/91 P, Rec. p. I-3997 , point 21), et British Steel/Commission (précité note 24, point 47); Rengeling, H.-W., Middecke, A., et Gellermann, M., op. cit., article 28, point 23; Lenaerts, K., et Arts, D., op. cit., point 16-018.

( 27 ) L’arrêt attaqué a été prononcé le 4 octobre 2006 . Le règlement d’abrogation a été adopté le 30 octobre 2007 .

( 28 ) Voir ordonnances du 25 janvier 2001 , Lech-Stahlwerke/Commission ( C-111/99 P, Rec. p. I-727 , point 18), et du 8 avril 2008 , Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission ( C-503/07 P, Rec. p. I-2217 , point 47), ainsi qu’arrêt du 19 octobre 1995 , Rendo e.a./Commission ( C-19/93 P, Rec. p. I-3319 , point 13).

( 29 ) La Cour a ainsi constaté, dans son arrêt du 24 juin 1986 , AKZO Chemie/Commission ( 53/85, Rec. p. 1965 , point 21), que l’intérêt à introduire un recours en annulation ne disparaît pas au seul motif que l’acte en question avait déjà été exécuté.

( 30 ) Arrêt précité note 29, point 21.

( 31 ) En outre, la constatation de l’illégalité du comportement de l’institution communautaire peut également jouer un rôle dans le cadre d’un éventuel procès en indemnisation engagé contre les institutions communautaires; dans ce contexte, il faut tenir compte en particulier du délai de prescription de cinq ans résultant de l’article 46 du statut de la Cour de justice.

( 32 ) Il serait sinon loisible au Conseil de rendre irrecevable un pourvoi en abrogeant l’arrêt attaqué.

( 33 ) Point 27 des présentes conclusions.

( 34 ) Point 23 des présentes conclusions.

( 35 ) Points 60 à 62 des présentes conclusions.

( 36 ) Il y a lieu de préciser, dans ce contexte, que les institutions communautaires concernées n’ont pas le pouvoir, en vertu du règlement de base, de contraindre les entreprises concernées à participer, contrairement à ce qui se passe par exemple dans le cadre des procédures en matière de concurrence. Il incombe par conséquent aux parties de faire état des informations qui leur sont favorables et de les étayer, voir article 28 du règlement de base.

( 37 ) Voir point 53 de la requête introduite devant le Tribunal.

( 38 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 39 ) Arrêts du 21 avril 1983 , Ragusa/Commission ( 282/81, Rec. p. 1245 , point 22), et du 5 mai 1983 , Ditterich/Commission ( 207/81, Rec. p. 1359 , point 19).

( 40 ) Voir point 69 des présentes conclusions.

( 41 ) Voir cinquante-cinquième considérant du règlement attaqué.

( 42 ) Voir soixantième considérant du règlement attaqué.

( 43 ) Comme cela a été exposé ci-dessus, au point 25 des présentes conclusions, il ne saurait être reproché au Tribunal, en l’absence d’une argumentation circonstanciée de la requérante au cours de la procédure devant le Tribunal, de ne pas avoir contesté la constatation du Conseil.

( 44 ) Voir point 27 des présentes conclusions.

( 45 ) Voir point 26 des présentes conclusions.

( 46 ) Voir point 25 des présentes conclusions.

( 47 ) Voir point 26 des présentes conclusions.

( 48 ) Voir, en particulier, arrêts du 7 mai 1987 , Nachi Fujikoshi/Conseil ( 255/84, Rec. p. 1861 , point 46); du 20 octobre 1999 , Swedish Match Philippines/Conseil ( T-171/97, Rec. p. II-3241 , point 66), et Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (précité note 18, point 163).

( 49 ) Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la collecte des données économiques dans le domaine des mesures de défense commerciale est une tâche complexe et que les institutions communautaires jouissent d’une marge d’appréciation dans ce domaine, laquelle n’est soumise qu’à un contrôle juridictionnel limité, voir points 32 et suiv. des présentes conclusions. En outre, les statistiques d’importation officielles sont expressément mentionnées, à l’article 28, paragraphe 5, du règlement de base à titre de source d’informations possible. Voir également, à cet égard, arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (précité note 18, point 230), aux termes duquel les institutions communautaires ne commettent pas d’erreur manifeste d’appréciation quand elles se fondent sur les données dont elles peuvent raisonnablement disposer.

( 50 ) Point 58 des présentes conclusions.

( 51 ) Voir point 27 des présentes conclusions.

( 52 ) Voir point 195 de l’arrêt attaqué.

( 53 ) Voir point 23 des présentes conclusions.

( 54 ) Voir point 162 de l’arrêt attaqué et arrêt du 7 mai 1991 , Nakajima/Conseil ( C-69/89, Rec. p. I-2069 , point 87), aux termes duquel le préjudice subi par l’industrie communautaire pouvait être déterminé sur une période plus longue que celle couverte par l’enquête sur l’existence de pratiques de dumping.

( 55 ) Voir point 28 des présentes conclusions.

( 56 ) Voir point 27 des présentes conclusions.

( 57 ) Arrêt du 12 juillet 2001 , Commission et France/TF1 ( C-302/99 P et C-308/99 P, Rec. p. I-5603 , points 26 à 29); Lenaerts, K., et Arts, D., op. cit., point 16-019.

( 58 ) L’article 8, paragraphe 5, du règlement de base mentionne le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de subventionnement ou de dumping, l’importance du montant de la subvention passible de mesures compensatoires, la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités; les facteurs qui influent sur les prix dans la Communauté, les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou les investissements et, dans le cas de l’agriculture, l’utilisation accrue des programmes de soutien des pouvoirs publics.

( 59 ) De même, dans le cadre de l’examen du niveau d’élimination du préjudice aux cent soixante-sixième à cent soixante-neuvième considérants du règlement attaqué, le Conseil n’a pas pris en considération les stocks, mais s’est fondé sur les prix.

( 60 ) Voir points 260 à 267 de l’arrêt attaqué.

( 61 ) Point 26 des présentes conclusions.

( 62 ) Voir arrêts du 14 juillet 1995 , Koyo Seiko/Conseil ( T-166/94, Rec. p. II-2129 , point 81); Sinochem/Conseil (précité note 17, point 98), et du 15 décembre 1999 , Petrotub et Republica/Conseil ( T-33/98 et T-34/98, Rec. p. II-3837 , point 176).

( 63 ) Voir point 269 de l’arrêt attaqué.

( 64 ) Voir arrêt du 5 octobre 1988 , Canon e.a./Conseil ( 277/85 et 300/85, Rec. p. 5731 , point 62), qui fait état de la différence par rapport au règlement précédent. Contrairement au régime juridique antérieur qui découlait du règlement (CEE) n o  2176/84 du Conseil, du 23 juillet 1984 , relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne ( JO L 201, p. 1 ), dans sa rédaction rectifiée du 24 août 1984 ( JO L 227, p. 35 ), l’institution d’un droit compensateur n’est plus subordonnée à la condition que les importations subventionnées aient été la cause principale du préjudice. Voir, à cet égard, Müller, W., Khan, N., et Neumann, H.-A., op. cit., point 3.96.

( 65 ) Voir cent trente-quatrième considérant du règlement attaqué.

( 66 ) Arrêt du 19 septembre 2001 ( T-58/99, Rec. p. II-2521 ).

( 67 ) Arrêt précité note 66, en particulier aux points 46 à 48 et 52 à 55.

( 68 ) Ibidem, point 46. Voir, cependant, également arrêt AGST Draht- und Biegetechnik (précité note 15, points 45 à 54), selon lequel il doit être exposé de manière circonstanciée dans quelle mesure des prix artificiellement élevés sur un marché peuvent également avoir des répercussions sur un autre marché.

( 69 ) Voir arrêt AGST Draht- und Biegetechnik (précité note 15, points 45 à 54).

( 70 ) Voir point 25 des présentes conclusions.

( 71 ) Voir point 274 de l’arrêt attaqué.

( 72 ) S’il n’y a pas de préjudice causé par les importations subventionnées, parce que le lien de causalité entre les importations subventionnées et le préjudice est rompu par un autre facteur, un droit compensateur ne peut pas être institué. J’ai déjà examiné cette question ci-dessus (points 159 à 166 des présentes conclusions).

( 73 ) Voir point 159 à 166 des présentes conclusions.

( 74 ) Voir Adamantopoulos, K., et Pereyra, M. J., EU Antisubsidy Law & Practice , 2 e  édition, Sweet & Maxwell, 2007, point 6-039; Müller, W., Khan, N., et Neumann, H.-A., op. cit., point 14.3, qui indiquent qu’il faut faire abstraction des autres facteurs pour calculer le niveau d’élimination du préjudice.

( 75 ) Voir point 23 des présentes conclusions. Dans ce contexte, il faut également tenir compte du fait que, dans certaines versions linguistiques de l’article 15, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement de base, l’application même de la règle du droit moindre au niveau d’élimination du préjudice semble relever du pouvoir d’appréciation discrétionnaire des institutions communautaires, comme l’indiquent, par exemple, la version anglaise ( « should » ) ou la version allemande ( « sollte » ). D’autres versions linguistiques, telles les versions française ( « doit » ), espagnole ( « sená » ) et slovène ( « mora » ), n’impliquent pas nécessairement l’existence d’une marge d’appréciation. Si l’on tient compte du fait que l’application d’une règle du droit moindre au niveau d’élimination du préjudice en vertu de l’article 19.2 de l’accord sur les sauvegardes ( JO 1994, L 336, p. 184 ) est certes considérée comme souhaitable, mais n’est pas imposée, de nombreux éléments militent à mon sens en faveur de l’existence d’une marge d’appréciation des institutions communautaires dès le stade de l’application de la règle du droit moindre.

( 76 ) Temple Lang, J., Commentaire de l’arrêt Mukand, Common Market Law Review , 2002, p. 633 et suiv., 635; Branton, J., « Trade Law Meets Antitrust in the European Court: Judgment in Mukand v. Council » , International Trade Law Review , 2001, p. 184 et suiv., ainsi que Clough, M., « Conflicts between EEC Anti-dumping and Competition Law » , European Competition Law Review , 1992, p. 222 et suiv.