Affaire C-243/05 P

Agraz, SA e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes — Aide à la production pour les produits transformés à base de tomates — Méthode de calcul du montant de l'aide — Responsabilité extracontractuelle de la Communauté — Préjudice certain»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 7 septembre 2006 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 9 novembre 2006 

Sommaire de l'arrêt

Responsabilité non contractuelle — Conditions — Préjudice réel et certain causé par un acte illégal

(Art. 288, al. 2, CE)

En matière d'engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE, la condition relative au dommage exige que le préjudice dont il est demandé réparation soit réel et certain.

À cet égard, la circonstance que l'institution communautaire dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la matière concernée ne saurait, en tant que telle, conduire automatiquement à dénier un caractère certain au préjudice allégué, résultant d'un comportement illégal de cette autorité. Par conséquent, c'est uniquement au vu des circonstances particulières qui caractérisent l'adoption de l'acte à l'origine du préjudice qu'il convient de vérifier si la marge d'appréciation dont dispose l'institution communautaire est de nature à exclure que soit reconnu à ce préjudice un caractère certain.

Il s'ensuit que, lorsque l'existence de cette marge d'appréciation autorise le juge communautaire à constater une incertitude quant à l'étendue exacte du préjudice invoqué, celle-ci ne permet pas de conclure à l'absence de caractère certain de l'existence même de ce préjudice.

(cf. points 27, 30, 33-34, 36)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

9 novembre 2006 (*)

«Pourvoi – Organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes – Aide à la production pour les produits transformés à base de tomates – Méthode de calcul du montant de l’aide – Responsabilité extracontractuelle de la Communauté – Préjudice certain»

Dans l’affaire C-243/05 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 6 juin 2005,

Agraz, SA, établie à Madrid (Espagne),

Agrícola Conservera de Malpica, SA, établie à Tolède (Espagne),

Agridoro Soc. coop. arl, établie à Pontenure (Italie),

Alfonso Sellitto SpA, établie à Mercato San Severino (Italie),

Alimentos Españoles, Alsat, SL, établie à Don Benito, (Espagne),

AR Industrie Alimentari SpA, établie à Angri (Italie),

Argo Food – Packaging & Innovation Co. SA, établie à Serres (Grèce),

Asteris SA, établie à Athènes (Grèce),

Attianese Srl, établie à Nocera Superiore (Italie),

Audecoop Distillerie Arzens – Techniques séparatives (AUDIA), établie à Bram (France),

Benincasa Srl, établie à Angri,

Boschi Luigi e Figli SpA, établie à Fontanellato (Italie),

CAS SpA, établie à Castagnaro (Italie),

Calispa SpA, établie à Castel San Giorgio (Italie),

Campil – Agro Industrial do Campo do Tejo, Lda, établie à Cartaxo (Portugal),

Campoverde Srl, établie à Nocelleto di Carinola (Italie),

Carlo Manzella & C. Sas, établie à Castel San Giovanni (Italie),

Carnes y Conservas Españolas, SA, établie à Mérida (Espagne),

CO.TRA.PO Soc. coop. arl, société en faillite, établie à Adria (Italie),

Columbus Srl, établie à Parme (Italie),

Compal – Companhia Produtora de Conservas Alimentares, SA, établie à Almeirim (Portugal),

Conditalia Srl, établie à Nocera Superiore,

Conservas El Cidacos, SA, établie à Autol (Espagne),

Conservas Elagón, SA, établie à Coria (Espagne),

Conservas Martinete, SA, établie à Puebla de la Calzada (Espagne),

Conservas Vegetales de Extremadura, SA, établie à Villafranco del Guadiana (Espagne),

Conserve Italia Soc. coop. arl, établie à San Lazzaro di Savena (Italie),

Conserves France SA, établie à Nîmes (France),

Conserves Guintrand SA, établie à Carpentras (France),

Conservificio Cooperativo Valbiferno Soc. coop. arl, établie à Guglionesi (Italie),

Consorzio Casalasco del Pomodoro Soc. coop. arl, établie à Rivarolo del Re ed Uniti (Italie),

Consorzio Padano Ortofrutticolo (Copador) Soc. coop. arl, établie à Collecchio (Italie),

Copais Food and Beverage Company SA, établie à Nea Ionia (Grèce),

Tin Industry D. Nomikos SA, établie à Marousi (Grèce),

Davia Srl, établie à Gragnano (Italie),

De Clemente Conserve Srl, établie à Fisciano (Italie),

De.Con Srl, établie à Scafati (Italie),

Desco SpA, établie à Terracina (Italie),

Di Leo Nobile SpA – Industria Conserve Alimentari, établie à Castel San Giorgio,

Ditta Emilio Marotta, établie à Sant’Antonio Abate (Italie),

E. & O. von Felten SpA, établie à Fontanini (Italie),

Elais SA, établie à Athènes,

Emiliana Conserve Srl, établie à Busseto (Italie),

Enrico Perano & Figli Spa, établie à San Valentino Torio (Italie),

FIT – Fomento da Indústria do Tomate, SA, établie à Águas de Moura (Portugal),

Faiella & C. Srl, établie à Scafati,

Feger di Gerardo Ferraioli SpA, établie à Angri,

Fratelli D’Acunzi Srl, établie à Nocera Superiore,

Fruttagel Soc. coop. arl, établie à Alfonsine (Italie),

Giaguaro SpA, établie à Sarno (Italie),

Giulio Franzese Srl, établie à Carbonara di Nola (Italie),

Greci Geremia & Figli SpA, établie à Parme,

Greci – Industria Alimentare SpA, établie à Parme,

Greek Canning Co. SA «Kyknos», établie à Nauplie (Grèce),

«Grilli Paolo & Figli Sas» di Grilli Enzo e Togni Selvino, établie à Gambettola (Italie),

Heinz Iberica, SA, établie à Alfaro (Espagne),

IAN – Industrias Alimentarias de Navarra, SA, établie à Vilafranca (Espagne),

Indústrias de Alimentação Idal, Lda, établie à Benavente (Portugal),

Industrie Rolli Alimentari SpA, établie à Roseto degli Abruzzi (Italie),

Italagro – Indústria de Transformação de Produtos Alimentares, SA, établie à Castanheira do Ribatejo (Portugal),

La Cesenate Conserve Alimentari SpA, établie à Cesena (Italie),

La Doria SpA, établie à Angri,

La Dorotea di Giuseppe Alfano & C. Srl, établie à Sant’Antonio Abate,

La Rosina Srl, établie à Angri,

Le Quattro Stelle Srl, établie à Angri,

Louis Martin Production SAS, établie à Monteux (France),

Menu Srl, établie à Medolla (Italie),

Mutti SpA, établie à Montechiarugolo (Italie),

National Conserve Srl, établie à Sant’Egidio del Monte Albino (Italie),

Nestlé España, SA, établie à Miajadas (Espagne),

Nuova Agricast Srl, établie à Verignola (Italie),

Pancrazio SpA, établie à Cava De’ Tirreni (Italie),

Pecos SpA, établie à Castel San Giorgio,

Pomagro Srl, établie à Fisciano (Italie),

Raffaele Viscardi Srl, établie à Scafati,

Rodolfi Mansueto SpA, établie à Ozzano Taro,

Salvati Mario & C. SpA, établie à Mercato San Severino,

Sefa Srl, établie à Nocera Superiore,

Serraiki Konservopia Oporokipeftikon Serko SA, établie à Serres,

A R P – Agricoltori Riuniti Piacentini Soc. coop arl, établie à Gariga di Podenzano (Italie),

Sociedade de Industrialização de Produtos Agrícolas – Sopragol, SA, établie à Mora (Portugal),

Spineta SpA, établie à Pontecagnano Faiano (Italie),

Star Stabilimento Alimentare SpA, établie à Agrate Brianza (Italie),

Sugal Alimentos, SA, établie à Azambuja (Portugal),

Sutol – Indústrias Alimentares, Lda, établie à Alcácer do Sal (Portugal),

Tomsil – Sociedade Industrial de Concentrado de Tomate, SA, établie à Ferreira do Alentejo (Portugal),

Zanae – Nicoglou levures de boulangerie Industrie commerce alimentaire SA, établie à Thessalonique (Grèce),

représentées par Me J. L. da Cruz Vilaça, advogado, et Me D. Choussy, avocat,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart, MM. M. Nolin et L. Visaggio, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Lenaerts (rapporteur) et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour d’annuler partiellement l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 mars 2005, Agraz e.a./Commission (T‑285/03, Rec. p. II‑1063, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi en raison de la méthode adoptée pour le calcul du montant de l’aide à la production prévue par le règlement (CE) n° 1519/2000 de la Commission, du 12 juillet 2000, fixant, pour la campagne 2000/2001, le prix minimal et le montant de l’aide pour les produits transformés à base de tomates (JO L 174, p. 29), au motif que le préjudice allégué n’était pas certain et que les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté n’étaient dès lors pas réunies.

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 2201/96

2       L’article 2 du règlement (CE) nº 2201/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 297, p. 29, ci-après le «règlement de base»), prévoit:

«1.      Un régime d’aide à la production est appliqué aux produits figurant à l’annexe I qui sont obtenus à partir de fruits et légumes récoltés dans la Communauté.

2.      L’aide à la production est accordée au transformateur qui a payé au producteur pour la matière première un prix au moins égal au prix minimal en vertu de contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs reconnues ou préreconnues au titre du règlement (CE) n° 2200/96, et, d’autre part, les transformateurs.

[…]»

3       L’article 4 du règlement de base précise:

«1.      L’aide à la production ne peut être supérieure à la différence existant entre le prix minimal payé au producteur dans la Communauté et le prix de la matière première des principaux pays tiers producteurs et exportateurs.

2.      Le montant de l’aide à la production est fixé de manière à permettre l’écoulement du produit communautaire, dans la limite des dispositions du paragraphe 1. Pour établir ce montant, sans préjudice de l’application de l’article 5, il est tenu compte notamment:

a)      de la différence entre le coût de la matière première retenu dans la Communauté et celui de la matière première des principaux pays tiers concurrents;

b)      du montant de l’aide fixé, ou calculé avant la réduction prévue au paragraphe 10 si celle-ci s’applique, pour la campagne de commercialisation précédente

et

c)      pour les produits pour lesquels la production communautaire représente une partie substantielle du marché, de l’évolution du volume des échanges extérieurs et de leur prix, lorsque ce dernier critère conduit à une diminution du montant de l’aide.

3.      L’aide à la production est fixée en fonction du poids net du produit transformé. Les coefficients exprimant le rapport entre le poids de la matière première mise en œuvre et le poids net du produit transformé sont établis de manière forfaitaire. Ils sont mis à jour régulièrement sur la base de l’expérience acquise.

[…]

5.      Le prix de la matière première des principaux pays tiers concurrents est déterminé principalement sur la base des prix réellement pratiqués au stade de la sortie exploitation agricole en ce qui concerne les produits frais de qualité comparable utilisés pour la transformation, pondérés en fonction des quantités de produits finis exportés par ces pays tiers.

6.      En ce qui concerne les produits pour lesquels la production communautaire représente au moins 50 % du marché de la consommation communautaire, l’évolution des prix et du volume des importations et des exportations est appréciée sur la base des données de l’année civile qui précède le début de la campagne par rapport aux données de l’année civile antérieure.

7.      En ce qui concerne les produits transformés à base de tomates, l’aide à la production est calculée pour:

a)      les concentrés de tomates relevant du code NC 2002 90;

[…]

9.      La Commission fixe […], avant le début de chaque campagne, le montant de l’aide à la production. Selon la même procédure, elle arrête les coefficients visés au paragraphe 3, les exigences minimales de qualité ainsi que les autres modalités d’application du présent article.

10.      En ce qui concerne les produits transformés à base de tomates, les dépenses globales ne doivent pas dépasser, pour chaque campagne de commercialisation, le montant qui aurait été atteint si les quotas français et portugais applicables aux concentrés pour la campagne 1997/1998 avaient été fixés comme suit:

–       France:          224 323 tonnes,

–       Portugal: 670 451 tonnes.

À cette fin, l’aide fixée pour les concentrés de tomates et leurs dérivés conformément au paragraphe 9 est diminuée de 5,37 %. Un complément éventuel est versé après la campagne si l’augmentation des quotas français et portugais n’est pas entièrement utilisée.»

 Le règlement n° 1519/2000

4       Le règlement n° 1519/2000 prévoit, à son article 2, paragraphe 1, que, «[p]our la campagne 2000/2001, l’aide à la production visée à l’article 4 [du règlement de base] est fixée à l’annexe II». Le montant de l’aide à la production a été fixé à 17,178 euros pour 100 kg net de concentrés de tomates d’une teneur en extrait sec égale ou supérieure à 28 % mais inférieure à 30 %.

 Les faits à l’origine du litige

5       Les faits à l’origine du litige sont exposés dans l’arrêt attaqué comme suit:

«5      Par lettre du 4 février 2000, la Commission a demandé aux autorités chinoises de lui fournir le plus rapidement possible les éléments d’information nécessaires en vue de la fixation des aides pour la campagne 2000/2001 dans le secteur des fruits et légumes transformés, en remplissant le questionnaire joint. Cette lettre est restée sans réponse.

6      À la suite de l’adoption du règlement n° 1519/2000, des délégations et associations représentatives de producteurs de produits transformés à base de tomates d’Espagne, de France, de Grèce, d’Italie et du Portugal ont fait part de leurs objections à la Commission et ont contesté l’absence de prise en compte du prix des tomates chinoises dans la fixation du montant de l’aide accordée.

7      L’organisation européenne des industries de la conserve de tomates (ci-après l’‘OEICT’) et l’Associação Portuguesa dos Industriais de Tomate ont adressé à la Commission plusieurs demandes de modification du montant de l’aide accordée. L’une de ces demandes a été accompagnée d’une copie d’un contrat contenant le prix du produit payé au producteur chinois.

8      Par lettre du 5 mars 2001, adressée au ministre de l’Agriculture portugais, en réponse à sa demande de révision du calcul du montant de l’aide, la Commission a indiqué que la fixation du montant des aides à la transformation de tomates pour la campagne 2000/2001 a été effectuée dans le strict respect des articles 3 et 4 du règlement de base. Elle confirmait en outre la réception, le 13 décembre 2000, d’une lettre de l’OEICT lui transmettant le prix d’un contrat conclu en Chine, mais ajoutait qu’il lui était impossible de modifier sa décision au vu du prix stipulé par un unique contrat, non confirmé par les autorités nationales concernées.

9      En septembre 2001, les services diplomatiques espagnols à Pékin ont obtenu un certificat émanant des autorités chinoises indiquant, pour les campagnes 1999 et 2000, le prix moyen des tomates payé aux producteurs de la province de Xinjiang, laquelle représente environ 88 % de la production totale chinoise de tomates transformées. Ce document a été transmis au membre de la Commission responsable, M. Fischler, le 9 novembre 2001, par le ministre de l’Agriculture portugais, et également, le 7 décembre 2001, par l’OEICT.

10      Le 31 janvier 2002, la Commission a répondu à cette dernière organisation en soulignant une nouvelle fois la conformité de la fixation du montant de l’aide avec les articles 3 et 4 du règlement de base. S’appuyant, en outre, sur l’absence de pénalisation de l’industrie communautaire de la tomate, qui, selon elle, avait atteint un niveau record de transformation, la Commission n’estimait donc pas nécessaire de réviser le règlement n° 1519/2000.

11      Après une réunion, qui s’est tenue le 6 novembre 2002, et différents courriers adressés par les requérantes à la Commission, cette dernière a déclaré, par lettre du 7 janvier 2003, qu’elle n’avait aucune raison de revenir sur le règlement n° 1519/2000.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6       Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 août 2003, les requérantes ont introduit un recours tendant à la condamnation de la Commission à les indemniser du préjudice qu’elles auraient subi à la suite de l’adoption du règlement n° 1519/2000.

7       Après avoir rappelé que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté suppose la réunion d’une série de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’institution communautaire, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal et le préjudice invoqués, le Tribunal a constaté l’existence d’un comportement illégal de la Commission.

8       Au point 54 de l’arrêt attaqué, il a en effet considéré, d’une part, que «l’inactivité de la Commission à la suite de l’envoi de la lettre du 4 février 2000 [a constitué] une violation suffisamment caractérisée, au sens de la jurisprudence, des principes de sollicitude et de bonne administration».

9       Au point 61 du même arrêt, il a estimé, d’autre part, que, «en ce que le contenu du règlement n° 1519/2000 ne tient aucunement compte du prix de la matière première de l’un des principaux pays producteurs et exportateurs, à savoir la Chine, ce règlement méconnaît les conditions impératives établies à l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement de base [et qu’u]ne telle illégalité, laquelle constitue une violation suffisamment caractérisée d’une règle ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, est susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté à raison de ses conséquences dommageables».

10     En ce qui concerne le préjudice allégué, le Tribunal a jugé ce qui suit:

«70      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence (arrêts de la Cour du 27 janvier 1982, De Franceschi/Conseil et Commission, 51/81, Rec. p. 117, point 9, et Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, 256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85, point 9; arrêt du Tribunal du 18 mai 1995, Wafer Zoo/Commission, T‑478/93, Rec. p. II‑1479, point 49), le préjudice dont il est demandé réparation doit être réel et certain.

71      Il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge communautaire afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (arrêt de la Cour du 21 mai 1976, Roquette Frères/Commission, 26/74, Rec. p. 677, points 22 à 24; arrêts du Tribunal du 9 janvier 1996, Koelman/Commission, T‑575/93, Rec. p. II‑1, point 97, et du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission, T‑184/95, Rec. p. II‑667, point 60).

72      Les requérantes évaluent leur préjudice à la différence précise entre le montant de l’aide qui a été fixé dans le règlement n° 1519/2000 et celui qui aurait été retenu si la Commission avait pris en considération les prix chinois.

73      En premier lieu, il convient de souligner que les prix chinois sur lesquels elles se basent sont ceux qu’elles ont obtenus par l’intermédiaire des services diplomatiques espagnols à Pékin. Il s’agit du prix moyen des tomates payé aux producteurs de la province de Xinjiang, représentant, selon les requérantes, environ 88 % de la production chinoise de tomates transformées. Ces chiffres sont contestés par la Commission, en ce qu’ils représenteraient une moyenne basse. La Commission n’aurait, du reste, pas été en mesure d’apprécier s’ils étaient conformes aux dispositions du règlement de base. Or, dans l’évaluation d’une situation économique complexe, son pouvoir d’appréciation s’applique aussi à la constatation des données de base (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Roquette/Conseil, 138/79, Rec. p. 3333, point 25).

74      En effet, comme le règlement de base confère à la Commission une certaine marge d’appréciation dans la fixation du montant de l’aide, il est impossible de déterminer avec certitude l’incidence de la prise en compte du prix versé aux producteurs de tomates chinois sur le montant de l’aide. L’article 4, paragraphe 1, [du règlement de base] ne prévoit pas que l’aide à la production doit être égale à la différence entre le prix minimal payé au producteur dans la Communauté et le prix de la matière première des principaux pays tiers producteurs. Il se contente de fixer une limite maximale.

75      À cet égard, il y a lieu de relever que le fait que la Commission ait pu dans le passé fixer le montant de l’aide à un niveau reflétant exactement la différence entre le prix minimal payé au producteur dans la Communauté et le prix de la matière première des principaux pays tiers producteurs et exportateurs ne l’obligeait nullement à maintenir l’aide à ce niveau. Il serait même contraire à la lettre et à la finalité du règlement de base que la Commission ne tienne pas compte de l’évolution de la situation des marchés internationaux et rende en cela éventuellement plus difficile l’écoulement du produit communautaire.

76      Les requérantes ne sauraient donc invoquer un droit à une aide maximale équivalant à la différence entre le prix minimal payé au producteur dans la Communauté et le prix de la matière première des principaux pays tiers après prise en compte des prix chinois.

77      Dès lors, le préjudice calculé par les requérantes et détaillé dans le tableau de l’annexe A.27 à la requête ne saurait avoir un caractère certain.»

11     Considérant que l’ensemble des conditions qui doivent être réunies pour engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté n’étaient pas remplies, le Tribunal a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

12     Les requérantes concluent à ce que la Cour:

–       annule partiellement l’arrêt attaqué, en ce que celui-ci a considéré que le préjudice n’était pas certain et a rejeté le recours;

et, statuant à nouveau,

–       à titre principal, constate que les conditions d’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Commission sont remplies en l’espèce, condamne la Commission au paiement, à chacune d’elles, du solde de l’aide à la production assorti d’intérêts aux taux à fixer par la Cour, à compter du 12 juillet 2000 – ou, à titre subsidiaire, à compter du 13 juillet 2000 ou, à titre encore plus subsidiaire, à compter du 16 juillet 2000 – et jusqu’au jour du paiement effectif, et condamne la Commission à l’ensemble des dépens dans les deux instances, y compris les leurs;

–       à titre subsidiaire, renvoie l’affaire devant le Tribunal, afin qu’il se prononce sur les montants des indemnisations à leur payer, après les avoir entendues à nouveau, et condamne la Commission aux dépens – y compris les leurs – dans la procédure de pourvoi et dans la procédure de première instance devant le Tribunal.

13     La Commission demande à la Cour de:

–       rejeter le pourvoi comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé;

–       condamner les requérantes aux dépens.

14     Par ordonnance du président de la Cour du 19 octobre 2005, les sociétés Carmine Tagliamonte & C. Srl, Cbcotti Srl, Cirio del Monte Italia SpA, Fratelli Longobardi Srl, G3 Srl, La Regina del Pomodoro Srl, La Regina di San Marzano di Antonio, Felice e Luigi Romano Snc, Lodato Gennaro & C. SpA, Pelati Sud di De Stefano Catello Sas, Prodakta SA, Rispoli Luigi & C. Srl, Saviano Pasquale Srl, Sevath SA, Silaro Conserve Srl et Transformaciones Agrícolas de Badajoz, SA, qui se sont désistées de leur pourvoi, ont été radiées de l’affaire C‑243/05 P et les dépens correspondant au pourvoi introduit par ces sociétés ont été mis à la charge de celles-ci.

 Sur le pourvoi

 Argumentation des parties

15     À l’appui de leur pourvoi, les requérantes développent quatre moyens. Le premier moyen est fondé sur une erreur de droit dans la qualification du préjudice. Le deuxième est tiré d’une violation du principe du contradictoire et du droit d’être entendu. Le troisième est fondé sur une dénaturation des conclusions des requérantes. Le quatrième moyen est tiré d’une méconnaissance par le Tribunal de ses pouvoirs de pleine juridiction et de son devoir de juger, ainsi que de l’existence d’un déni de justice.

16     Le premier moyen se divise en deux branches. La première de celles-ci est tirée d’une méconnaissance de la jurisprudence communautaire et des principes reconnus dans les ordres juridiques nationaux en matière de responsabilité extracontractuelle, en ce que le Tribunal aurait erronément interprété la notion de «préjudice certain» et confondu la détermination du caractère du préjudice et le calcul exact du montant de ce dernier. La seconde branche est fondée sur le fait que le Tribunal n’a pas tiré, en ce qui concerne la reconnaissance du droit à réparation des requérantes, les conséquences de ses constatations relatives à l’illégalité du comportement de la Commission.

17     Dans le cadre de la première branche de ce premier moyen, les requérantes font valoir que la circonstance que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant de l’aide à la production ne permet pas de considérer le préjudice allégué comme n’étant pas certain. Pourvu qu’il soit prévisible avec une certitude suffisante et évaluable, un préjudice pourrait donner lieu à réparation, indépendamment du fait qu’il n’aurait pas encore été quantifié. En l’occurrence, le préjudice allégué aurait, du reste, été délimité et chiffré avec précision. L’éventuelle incertitude subsistante concernerait uniquement la détermination du montant de ce préjudice. À défaut de disposer des éléments nécessaires au calcul de ce montant, le Tribunal aurait dû, estiment les requérantes, ordonner des mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure, ou rendre un arrêt interlocutoire.

18     Les requérantes affirment que, si, certes, l’existence d’un préjudice réel et certain est exclue en l’absence de lésion actuelle d’un droit ou d’un intérêt légitime, un tel préjudice existe en revanche lorsque, comme en l’espèce, le préjudice allégué découle de l’empêchement d’exercer, en raison du comportement fautif de l’institution mise en cause, un droit dont l’existence est établie.

19     Elles soutiennent que l’appréciation du Tribunal heurte les principes admis par les ordres juridiques nationaux en ce qui concerne la notion de préjudice certain.

20     S’agissant de l’argumentation, développée par la Commission dans son mémoire en réponse, selon laquelle les requérantes n’ont pas établi la réalité du préjudice allégué à défaut d’avoir démontré que le montant de l’aide fixé dans le règlement n° 1519/2000 n’aurait pas permis d’atteindre l’objectif assigné à l’octroi d’une aide à la production, à savoir l’écoulement de la production communautaire, elles soutiennent que cette argumentation est nouvelle et, partant, irrecevable.

21     En tout état de cause, ledit objectif ne pourrait être seul pris en compte, sous peine d’exclure de manière injustifiée l’existence d’un quelconque préjudice dès l’instant où la production communautaire a été totalement écoulée, quand bien même le montant de l’aide accordée aux transformateurs pour tenir compte de la différence entre le prix minimal arrêté par la Commission et le prix des principaux pays tiers aurait été fixé à un niveau inférieur à celui qui est réputé découler de l’application des dispositions pertinentes.

22     La Commission conteste l’existence, dans l’arrêt attaqué, d’une erreur de droit.

23     Elle soutient que, eu égard à la marge d’appréciation dont elle dispose en la matière, le préjudice allégué par les requérantes ne saurait être qualifié de certain. Aucun élément n’aurait, du reste, laissé supposer, à l’époque, qu’elle allait renoncer à faire usage de cette marge d’appréciation. En particulier, elle n’aurait jamais donné une quelconque assurance, propre à créer une confiance légitime des transformateurs, quant au fait qu’elle tiendrait compte des prix chinois pour la fixation de l’aide pour la campagne 2000/2001.

24     La Commission fait par ailleurs valoir que le grief invoqué par les requérantes, selon lequel le Tribunal n’a pas quantifié le montant de leur préjudice ni pris de mesures d’instruction à cette fin, est fondé sur un moyen nouveau, relatif à l’existence d’un préjudice réel, qui doit, partant, être déclaré irrecevable.

25     En tout état de cause, pour établir la réalité du préjudice allégué, les requérantes auraient dû, de l’avis de la Commission, démontrer que l’objectif de l’aide, qui est de permettre l’écoulement des produits communautaires, n’a pas été respecté. Or, ces dernières n’auraient jamais établi, ni même soutenu devant le Tribunal, que le montant de l’aide fixé par la Commission n’aurait pas permis d’atteindre cet objectif.

 Appréciation de la Cour

26     Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions relatives à l’illégalité du comportement reproché à l’institution communautaire, à la réalité du dommage et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’institution et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêts Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, précité, point 9, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 61).

27     La deuxième condition, relative au dommage, exige que le préjudice dont il est demandé réparation soit réel et certain (voir, en ce sens, arrêts précités De Franceschi/Conseil et Commission, point 9, et Birra Wührer e.a./Conseil et Commission, point 9), ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêts Roquette Frères/Commission, précité, point 24, et du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, Rec. p. I‑4775, point 31).

28     En l’occurrence, le Tribunal a jugé que le préjudice allégué par les requérantes est dépourvu de caractère certain.

29     Il a estimé, d’une part, que la marge d’appréciation conférée par le règlement de base à la Commission pour la fixation du montant de l’aide à la production empêche de déterminer avec certitude l’incidence de la prise en compte du prix versé aux producteurs de tomates chinois sur le montant de cette aide. D’autre part, il a relevé que la Commission contestait la représentativité des données relatives aux prix chinois sur lesquelles les requérantes s’étaient fondées pour chiffrer leur préjudice.

30     À cet égard, il convient de relever que la circonstance que l’institution communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la matière concernée ne saurait, en tant que telle, conduire automatiquement à dénier un caractère certain au préjudice allégué, résultant d’un comportement illégal de cette autorité.

31     Soutenir le contraire reviendrait à priver de toute portée utile le recours en indemnité dans les matières, telles que l’organisation commune des marchés, où les institutions communautaires jouissent, dans l’exercice de leur pouvoir réglementaire ou décisionnel, d’une large marge d’appréciation compte tenu, notamment, des enjeux et des choix économiques inhérents à ces matières.

32     La reconnaissance d’une marge d’appréciation à l’institution mise en cause n’a d’ailleurs pas fait obstacle, dans un certain nombre de cas, à ce que la Cour constate l’existence d’un préjudice réparable (voir, notamment, arrêts du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, et du 4 octobre 1979, Ireks-Arkady/Conseil et Commission, 238/78, Rec. p. 2955).

33     Dans ces conditions, il convient de vérifier, au vu des circonstances particulières qui caractérisent la présente affaire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549, point 25), si le Tribunal était en droit de considérer que la marge d’appréciation dont dispose la Commission pour la fixation du montant d’une aide à la production en vertu du règlement de base est de nature à exclure que soit reconnu au préjudice allégué par les requérantes un caractère certain.

34     À ce propos, il y a lieu de relever que l’existence de cette marge d’appréciation, de même que les réserves émises par la Commission sur la représentativité des données relatives aux prix chinois mises en avant par les requérantes, étaient, certes, de nature à empêcher le Tribunal de déterminer avec certitude l’incidence précise de l’omission illégale de la Commission de tenir compte des prix chinois sur le montant de l’aide en cause.

35     En outre, compte tenu de ladite marge d’appréciation, il n’est pas certain que les requérantes aient droit au montant exact auquel elles ont évalué leur préjudice devant le Tribunal, à savoir, ainsi qu’il a été rappelé au point 72 de l’arrêt attaqué, celui correspondant à «la différence précise entre le montant de l’aide qui a été fixé dans le règlement n° 1519/2000 et celui qui aurait été retenu si la Commission avait pris en considération les prix chinois».

36     De telles considérations autorisaient cependant uniquement le Tribunal à constater une incertitude quant à l’étendue exacte du préjudice invoqué, mais non à conclure à l’absence de caractère certain de l’existence même de ce préjudice.

37     En effet, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 50 de l’arrêt attaqué, il est constant que la Chine était considérée, au moment de la fixation de l’aide en cause, comme l’un des principaux pays tiers dont la production était concurrente de la production communautaire.

38     Par ailleurs, l’absence illégale de prise en compte par la Commission des prix chinois a conduit à un prix estimé de la tomate des principaux pays tiers producteurs et exportateurs sensiblement supérieur à celui qui aurait découlé de la prise en compte desdits prix. Le Tribunal lui-même a pris acte, au point 67 de l’arrêt attaqué, de l’affirmation de la Commission selon laquelle cette prise en compte aurait pu amener à une diminution «sensible» du prix estimé de la matière première des principaux pays producteurs et exportateurs.

39     Devant le Tribunal, les requérantes se sont employées à établir que, compte tenu de ces éléments, le montant de l’aide à la production aurait, en l’absence du comportement illégal de la Commission, nécessairement été fixé à un niveau supérieur à celui prévu par le règlement n° 1519/2000.

40     Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 32 de ses conclusions, il incombait, dans ces conditions, à la Commission, aux fins de dénier un caractère certain à l’augmentation de l’aide alléguée par les requérantes, d’établir que le maintien de l’aide au niveau précis fixé par le règlement n° 1519/2000 était compatible avec une application correcte de l’article 4, paragraphe 2, du règlement de base. Or, une telle analyse a manifestement fait défaut, la Commission s’étant en effet bornée à faire état de son pouvoir discrétionnaire en la matière, ainsi qu’il ressort du point 67 de l’arrêt attaqué.

41     Le Tribunal a, par conséquent, commis une erreur de droit en concluant à l’absence de caractère certain du préjudice allégué sur la base des éléments rappelés au point 29 du présent arrêt.

42     Au surplus, à supposer même, conformément à ce qu’a soutenu la Commission à l’audience devant la Cour, qu’un facteur tel que celui visé à l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement de base, relatif à l’évolution des échanges sur les marchés internationaux, puisse donner lieu à une pondération différente dans le cadre d’un calcul tenant compte des prix chinois, force est de constater, au vu de ce qui a été exposé aux points 37 à 40 du présent arrêt, que les requérantes se seraient nécessairement trouvées dans une situation meilleure si la Commission n’avait pas illégalement omis de prendre en considération les prix chinois lors de la fixation du montant de l’aide à la production. Loin d’être hypothétique ou purement éventuelle, l’existence du préjudice invoqué par les requérantes est donc incontestable. Nonobstant la subsistance d’une incertitude quant à sa quantification exacte, ce préjudice est en outre économiquement évaluable.

43     L’analyse qui précède ne saurait être mise en cause par l’argumentation de la Commission tirée de l’absence de difficultés d’écoulement de la production communautaire pendant la campagne concernée.

44     En effet, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette argumentation, il convient de relever que le régime d’aide à la production institué en faveur des transformateurs par le règlement de base pour compenser la différence entre le prix minimal payé aux producteurs communautaires et le prix moyen payé dans les pays tiers est assorti, par ledit règlement et par le règlement (CE) n° 504/97 de la Commission, du 19 mars 1997, portant modalités d’application du règlement n° 2201/96 en ce qui concerne le régime d’aide à la production dans le secteur des produits transformés à base de fruits et légumes (JO L 78, p. 14), d’un système reposant sur la conclusion, avant la période de plantation, de contrats préliminaires entre les transformateurs et les producteurs ainsi que sur la fixation de quotas de production, destiné à assurer la correspondance entre les quantités produites et les quantités transformées, et, partant, à éviter les difficultés d’écoulement qui pourraient résulter d’une extension considérable de la production (voir cinquième considérant du règlement de base et septième considérant du règlement n° 504/97).

45     Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 39 de ses conclusions, les transformateurs se voient ainsi encouragés à s’engager, par des contrats préliminaires, à écouler la production communautaire limitée en fonction des besoins réels de l’industrie de transformation, en échange d’une aide destinée à compenser, dans le respect des critères impératifs énoncés à l’article 4, paragraphe 2, du règlement de base, tout ou partie du risque commercial lié à l’achat de tomates dans la Communauté à un prix supérieur à celui pratiqué par les producteurs des pays tiers.

46     Dans ces conditions, la circonstance que ce système de gestion planifiée ait permis d’assurer l’écoulement de la production communautaire au cours de la campagne en cause ne permet pas d’écarter l’existence du préjudice commercial subi par les requérantes à la suite de la fixation, pour ladite campagne, du montant de l’aide à un niveau insuffisant en raison du fait que la Commission s’est à cette occasion abstenue, en violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement de base, de tenir compte des prix chinois.

47     Compte tenu de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner sa seconde branche, le premier moyen doit être considéré comme fondé.

48     Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens du pourvoi, il y a donc lieu pour la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il a rejeté le recours des requérantes au présent pourvoi au motif que le préjudice allégué n’était pas certain et, par conséquent, en tant qu’il a condamné ces dernières à supporter cinq sixièmes de leurs dépens et la Commission à supporter, outre ses propres dépens, un sixième des dépens desdites requérantes.

 Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal

49     Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

50     En l’occurrence, la détermination de l’étendue exacte du préjudice subi par les requérantes impliquant des appréciations factuelles complexes, il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue sur le montant de la réparation de ce préjudice.

51     L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 17 mars 2005, Agraz e.a./Commission (T‑285/03), est annulé en tant qu’il a rejeté le recours des requérantes au présent pourvoi au motif que le préjudice allégué n’était pas certain et, par conséquent, en tant qu’il a condamné ces dernières à supporter cinq sixièmes de leurs dépens et la Commission à supporter, outre ses propres dépens, un sixième des dépens desdites requérantes.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.

3)      Les dépens sont réservés.

Signatures


* Langue de procédure: le français.