Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

I – Remarques introductives

1. Dans cette affaire, le Gerechtshof Amsterdam (Pays-Bas) invite la Cour à interpréter le code des douanes communautaire (2) en ce qui concerne la valeur en douane d’ordinateurs portables munis de systèmes d’exploitation. Il s’agit plus particulièrement de savoir si la valeur des systèmes d’exploitation doit être incluse ou non dans la valeur en douane desdits ordinateurs portables.

II – Le cadre juridique

2. L’article 29, paragraphe 1, du code des douanes dispose:

«La valeur en douane des marchandises importées est leur valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté, le cas échéant, après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33 pour autant:

[…]

d) que l’acheteur et le vendeur ne soient pas liés ou, s’ils le sont, que la valeur transactionnelle soit acceptable à des fins douanières, en vertu du paragraphe 2.»

3. Selon l’article 29, paragraphe 2, du code des douanes, la valeur transactionnelle entre les entreprises liées peut être admise pour autant que ces liens n’ont pas influencé le prix, c’est-à-dire que ladite valeur est très proche de la valeur sur le marché à peu près au même moment.

4. L’article 32 du code des douanes énonce:

«1. Pour déterminer la valeur en douane par application de l’article 29, on ajoute au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées:

[…]

b) la valeur, imputée de façon appropriée, des produits et services indiqués ci‑après lorsqu’il sont fournis directement ou indirectement par l’acheteur, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour l’exportation des marchandises importées dans la mesure où cette valeur n’a pas été incluse dans le prix effectivement payé ou à payer:

i) matières, composants, parties et éléments similaires incorporés dans les marchandises importées;

ii) outils, matrices, moules et objets similaires utilisés lors de la production des marchandises importées;

iii) matières consommées dans la production des marchandises importées;

iv) travaux d’ingénierie, d’étude, d’art et de design, plans et croquis, exécutés ailleurs que dans la Communauté et nécessaires pour la production des marchandises importées;

c) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l’acheteur est tenu d’acquitter, soit directement, soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n’ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer;

[…]

3. Pour la détermination de la valeur en douane, aucun élément n’est ajouté au prix effectivement payé ou à payer, à l’exception de ceux qui sont prévus par le présent article.

[…]»

5. L’article 34 du code des douanes prévoit:

«Des règles particulières peuvent être établies selon la procédure du comité pour déterminer la valeur en douane de supports informatiques destinés à des équipements de traitements des données et comportant des données ou des instructions.»

6. L’article 147 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (3) prévoit:

«1. Aux fins de l’article 29 du code, le fait que les marchandises faisant l’objet d’une vente sont déclarées pour la mise en libre pratique doit être considéré comme une indication suffisante qu’elles ont été vendues en vue de l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté. Cette indication subsiste également en cas de ventes successives avant l’évaluation, chacun des prix résultant de ces ventes pouvant être pris comme base d’évaluation sous réserve des dispositions des articles 178 à 181.

[…]

3. L’acheteur ne doit satisfaire à aucune condition autre que celle d’être partie au contrat de vente.»

7. L’article 167 du règlement d’application énonce:

«1. Nonobstant les articles 29 à 33 du code, pour déterminer la valeur en douane de supports informatiques importés destinés à des équipements de traitement des données et comportant des données ou des instructions, il n’est tenu compte que du coût ou de la valeur du support informatique proprement dit. La valeur en douane de supports informatiques importés comportant des données ou des instructions ne comprend donc pas le coût ou la valeur des données ou des instructions, à condition que ce coût ou cette valeur soient distingués du coût ou de la valeur du support informatique considéré.

[…]»

III – Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

8. La présente affaire trouve son origine dans un litige opposant Compaq Computer International Corporation (ci-après «CCIC») à l’Inspecteur van de Belastingdienst – Douanedistrict Arnhem (responsable de la direction des douanes de Arnhem, ci-après les «autorités douanières»), portant sur la valeur en douane d’ordinateurs portables que CCIC a mis en libre pratique entre le 1 er janvier 1995 et le 31 décembre 1997. Les autorités douanières estiment que c’est à tort que CCIC a considéré que la valeur du système d’exploitation installé sur les ordinateurs portables ne devait pas être incluse dans la valeur en douane.

9. CCIC, qui fait partie du groupe international informatique Compaq, s’occupe de la commercialisation des produits Compaq en Europe et dispose d’un centre de distribution aux Pays-Bas.

10. CCIC est une filiale à 100 % de la Compaq Computer Corporation (ci-après «CCC») ayant son siège aux États-Unis. Cette dernière a conclu avec Microsoft Corporation un contrat en vertu duquel les ordinateurs produits par ou au nom de Compaq peuvent être équipés d’un système d’exploitation MS-Dos et MS Windows (ci-après le «système d’exploitation») et être revendus avec celui-ci. CCC paie à Microsoft 31 USD pour chaque ordinateur Compaq muni desdits systèmes d’exploitation.

11. CCC a acheté des ordinateurs portables à deux producteurs d’ordinateurs taïwanais. Elle a convenu à cette occasion que les disques durs des ordinateurs portables seraient équipés du système d’exploitation lors de la livraison. À cette fin, CCC a mis ceux‑ci sans frais à la disposition des producteurs, qui l’ont installé sur les ordinateurs portables. Les ordinateurs portables ont ensuite été livrés franco à bord (FAB) Taïwan afin d’être vendus dans la Communauté européenne.

12. CCC a ensuite vendu les ordinateurs portables à CCIC et ces derniers ont été transportés directement de Taïwan vers les Pays-Bas. À leur arrivée, CCIC a déclaré les ordinateurs portables pour la mise en libre pratique. Lors de la détermination de la valeur en douane de ceux‑ci, conformément à l’article 29 du code, il a été tenu compte du prix de vente pratiqué entre les producteurs taïwanais et CCC. La valeur du système d’exploitation n’a pas été incluse dans le prix.

13. En 1999, le Landelijk Waardeteam van de Douane (service douanier chargé de la valeur en douane) a effectué une enquête auprès de CCIC pour vérifier l’exactitude de la valeur en douane déclarée des ordinateurs. Ce service a considéré que la valeur du système d’exploitation installé sur les ordinateurs portables aurait dû être comprise dans la valeur en douane. À l’issue de l’enquête précitée, l’inspecteur des douanes a augmenté la valeur en douane du montant correspondant à la valeur du système d’exploitation et a émis les injonctions de payer litigieuses à l’encontre de CCIC en ce qui concerne les importations d’ordinateurs portables déclarés pour la mise en libre pratique pour la période du 1 er janvier 1995 au 31 décembre 1997.

14. CCIC a formé un recours sans succès contre les injonctions de payer auprès des autorités douanières et a alors attaqué leur décision négative auprès de la Douanekamer (chambre des douanes) du Gerechtshof te Amsterdam.

15. Dans le cadre de ce recours, le Gerechtshof te Amsterdam a, par ordonnance du 13 juillet 2004, parvenue au greffe de la Cour le 19 juillet 2004, saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«En cas d’importation d’ordinateurs sur lesquels le vendeur a installé des systèmes d’exploitation, faut-il, au regard de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code [des douanes], majorer la valeur transactionnelle desdits ordinateurs de la valeur du logiciel que l’acheteur a mis sans frais à la disposition du vendeur si cette valeur n’a pas été incluse dans la valeur transactionnelle?»

IV – La question préjudicielle

A – Remarques introductives

16. Il convient tout d’abord de faire observer brièvement que, suivant l’article 29, paragraphe 1 du code des douanes, la valeur en douane doit en principe être déterminée sur la base de ce qu’il est convenu d’appeler la valeur transactionnelle. Il s’agit à cet égard «du prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du territoire donné de la Communauté, le cas échéant après ajustement effectué conformément aux articles 32 et 33».

17. Il résulte de cette disposition que la détermination de la valeur en douane se réfère à une certaine transaction intervenue entre un vendeur et un acheteur. À cet égard, il s’agit en principe de la transaction qui a été déclarée, à moins que ce choix ne soit ensuite remis en question par les autorités douanières.

18. Toutefois, dans certains cas, la valeur transactionnelle calculée sur cette base n’est pas pertinente pour établir la valeur en douane. Ainsi, tel peut être le cas dans certaines circonstances lorsque la vente déclarée est effectuée entre entreprises liées (4) . Dans ce cas, la valeur en douane peut être établie suivant les méthodes prévues aux articles 30 et 31 du code des douanes. Par ailleurs, la valeur transactionnelle peut notamment être ajustée par l’application de l’article 32, paragraphe 1, du code des douanes qui prévoit une série de postes d’ajustements, lorsque ces postes ne sont pas prévus dans la valeur transactionnelle.

19. Ainsi que la Commission des Communautés européennes l’affirme à juste titre, le choix opéré par l’acheteur et le vendeur a des conséquences significatives sur la détermination de la valeur transactionnelle et de la valeur en douane. En fonction de la transaction choisie, il peut y avoir une variation notamment du montant et des éléments de la valeur transactionnelle ainsi que de l’applicabilité des ajustements à la valeur transactionnelle sur la base de l’article 32 du code des douanes. Par conséquent, pour répondre à la question posée, il y a lieu de déterminer tout d’abord l’acheteur et le vendeur au sens des articles 29 et suivants du code des douanes et ainsi la transaction pertinente pour déterminer la valeur en douane (ci-après la «transaction pertinente»).

B – Détermination de l’«acheteur» et de la transaction pertinente pour déterminer la valeur en douane

20. La Commission considère que CCC doit être considérée comme le vendeur et CCIC comme l’acheteur. En d’autres mots, l’opération de vente intervenue entre CCC et CCIC serait la transaction pertinente pour déterminer la valeur en douane. Lors de la procédure orale, cette thèse n’a pas été partagée par CCIC ni par les gouvernements néerlandais et du Royaume-Uni.

21. Selon la Commission, CCC ne pourrait pas être considérée comme l’acheteur dans le cadre de la détermination de la valeur en douane au motif qu’elle ne serait pas établie sur le territoire de la Communauté.

22. Selon la Commission, cela ne signifierait toutefois pas que lors de la détermination de la valeur en douane, les autorités douanières devraient examiner exclusivement la valeur transactionnelle de la vente intervenue entre CCC et CCIC. En effet, CCC et CCIC seraient des entreprises liées et, de ce fait, il conviendrait de démontrer, en vertu de l’article 29, paragraphe 2, du code des douanes, que la valeur transactionnelle intervenue entre entreprises liées est très proche de celle des ventes de marchandises identiques ou de même nature effectuées à peu près au même moment entre entreprises non liées. En d’autres termes, la valeur transactionnelle de la vente intervenue entre les producteurs taïwanais et CCC devrait être considérée comme valeur de comparaison lors de l’examen de la valeur transactionnelle de la vente entre CCC et CCIC.

23. La thèse de la Commission soulève la question de savoir selon quels critères il y a lieu de décider quelle est la vente pertinente pour déterminer la valeur en douane, et en particulier quel rôle joue dans ce contexte le fait que l’acheteur soit établi dans la Communauté.

24. En ce qui concerne l’établissement de l’acheteur dans la Communauté, il y a lieu de noter, ainsi que l’a fait observer CCC lors de la procédure orale, qu’il s’agit, dans l’affaire Caterpillar Overseas (5) citée par la Commission, d’une interprétation de dispositions (6) que la Communauté a adoptées sur la base de la convention de Bruxelles relative à la valeur en douane (7) . Une des dispositions qu’il s’agissait d’interpréter dans cette affaire prévoyait en outre que «le prix payé ou à payer ne peut être considéré comme la valeur en douane que s’il est mis à la charge d’un acheteur établi sur le territoire douanier de la Communauté».

25. Toutefois, la situation juridique s’est entre-temps modifiée en ce sens que, selon les réglementations communautaires relatives à la valeur en douane fondées sur le code des douanes du GATT, la valeur en douane ne doit plus reposer sur la valeur normale mais doit être déterminée sur la base de la valeur transactionnelle.

26. Toutefois, la définition de la valeur transactionnelle au titre de l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes ne fait pas référence à l’établissement de l’acheteur dans le territoire douanier de la Communauté. En outre, le code des douanes ne contient pas non plus de référence explicite à un établissement de l’acheteur dans la Communauté (8) .

27. Depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 1224/80 (9), au 1 er janvier 1994, remplacé par le code des douanes, la Cour ne s’est exprimée qu’une seule fois et ce dans l’affaire Unifert (10), en ce qui concerne l’établissement des parties à la transaction «pertinente» aux fins de la détermination de la valeur en douane. Toutefois, il y a lieu d’observer que dans cette affaire, contrairement à celle-ci, tant l’acheteur que le vendeur étaient établis dans la Communauté.

28. Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’affaire Unifert, précitée, lorsque, lors de ventes successives d’une marchandise, plusieurs prix effectivement payés ou à payer remplissent les conditions posées par l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes (11), chacun d’eux peut être choisi par l’importateur aux fins de la détermination de la valeur transactionnelle, en application de l’article 147, paragraphe 1, du règlement d’application (12) .

29. L’article 29, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que pour qu’une vente puisse servir de base à la détermination de la valeur en douane, elle doit avoir été effectuée «pour l’exportation à destination du territoire douanier de la Communauté».

30. Dans ce contexte, la Cour a jugé dans cet arrêt que le critère qui se dégage de l’expression «vente pour l’exportation» a trait aux marchandises et non à la situation du vendeur (13) . De plus, la Cour ajoute que la valeur transactionnelle «ne prend pas en considération le lieu d’établissement des parties au contrat de vente» (14) . Il en résulte que le critère relatif à la «vente pour l’exportation» ne dépend ni de l’établissement du vendeur ni de celui de l’acheteur.

31. Cela a été confirmé par le fait que l’article 147, paragraphe 3, du règlement d’application prévoit expressément que l’acheteur à la transaction pertinente pour déterminer la valeur en douane «ne doit satisfaire à aucune condition autre que celle d’être partie au contrat de vente».

32. Ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Unifert, l’expression «vente pour l’exportation» replacée dans son contexte implique qu’il soit établi, au moment de la vente, que les marchandises originaires d’un pays tiers seront acheminées sur le territoire douanier de la Communauté (15) . Cela semble indiquer que, en ce qui concerne la déclaration d’une vente intervenue entre deux partenaires contractuels établis à l’étranger (ainsi que cela est le cas en l’espèce entre le producteur taïwanais et CCIC), il y a lieu d’établir, en ce qui concerne la transaction pertinente, que les marchandises ont déjà été vendues en vue de l’exportation dans le territoire douanier de la Communauté. Cette preuve peut notamment être fournie par le fait que les documents contractuels permettent de montrer que les marchandises sont destinées au territoire douanier de la Communauté, qu’elles ont été commandées par un intermédiaire mais qu’elles ont été directement livrées dans la Communauté par les fournisseurs de celui-ci, ou que les marchandises ont été fabriquées spécialement pour un vendeur dans la Communauté.

33. En tout état de cause, en cas de ventes successives de marchandises en vue de l’exportation dans le territoire douanier de la Communauté, la possibilité qu’un déclarant en douane choisisse, parmi les prix convenus pour chacune des ventes, celui qu’il retiendra comme base de valeur en douane, est soumise à la condition pratique qu’il puisse fournir, à l’égard du prix qu’il choisit, tous les éléments et les documents nécessaires aux autorités douanières conformément aux dispositions des articles 178 à 181 du règlement d’application (16) .

34. En tout état de cause, il semble qu’il n’existe aucune raison impérative résultant du droit communautaire en vigueur selon laquelle l’acheteur participant à la transaction pertinente en vue de la détermination de la valeur en douane doit être établi dans la Communauté.

35. En ce qui concerne la présente affaire, il ressort de l’exposé des faits de la juridiction de renvoi que les marchandises ont été livrées directement par les producteurs taïwanais à CCIC et donc dans la Communauté. Cela permet de soutenir que la vente entre les producteurs taïwanais et CCC a été conclue aux fins de l’exportation dans le territoire douanier de la Communauté. Les faits tels qu’ils ont été décrits par la juridiction de renvoi ne permettent pas non plus de conclure que les autorités douanières néerlandaises aient eu des doutes quant aux documents relatifs à la transaction intervenue entre les producteurs taïwanais et CCC.

36. Par conséquent, on peut considérer que la vente entre les producteurs taïwanais et CCC pouvait être déclarée à juste titre comme étant la transaction pertinente pour déterminer la valeur en douane.

37. Il y a lieu à présent d’examiner l’applicabilité des ajustements en vertu de l’article 32 du code des douanes sur la base de cette transaction.

C – L’applicabilité des ajustements sur la base de l’article 32, paragraphe 1, sous b,) du code des douanes

38. Il résulte de ce qui précède que la valeur en douane a été calculée à juste titre sur la base de la valeur de la transaction entre les producteurs taïwanais et CCC.

39. Lors de la procédure orale, il a été exposé que la valeur du système d’exploitation était incluse forfaitairement dans la valeur de vente conclue entre CCC et CCIC ainsi que la marge bénéficiaire, mais qu’elle n’était toutefois pas incluse dans le prix de vente conclu entre les producteurs taïwanais et CCC, sur la base duquel la valeur en douane a été déterminée.

40. Selon l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes, lors du calcul des droits de douane, ce qu’il est convenu d’appeler les éléments mis à disposition doivent être ajoutés au prix effectivement payé pour l’importation des marchandises aux conditions suivantes: les services ou objets 1) doivent être livrés ou fournis directement ou indirectement par l’acheteur des marchandises importées, 2) à titre gratuit ou à prix réduit, 3) pour être utilisés en lien avec la fabrication ou la vente pour l’exportation des marchandises à évaluer, 4) si cette valeur n’est pas contenue dans le prix effectivement payé ou à payer. En outre, une des catégories d’éléments mis à disposition prévus par l’article 32, paragraphe 1, sous b), i) à iv), du code des douanes, doit être mise à disposition de l’acheteur.

41. La Commission doute que les conditions d’application de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes, soient réunies en l’espèce. Elle soulève notamment la question de savoir si le système d’exploitation a été directement ou indirectement mis à disposition par l’acheteur et si sa valeur n’était pas contenue dans la valeur transactionnelle de la vente entre CCC et CCIC. En outre, elle considère qu’il est douteux que le système d’exploitation relève d’une des catégories mentionnées à l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes.

42. Ainsi que la juridiction de renvoi l’a expliqué dans son ordonnance, point que les parties au principal n’ont pas contesté, CCC a mis gratuitement à disposition le système d’exploitation des producteurs taïwanais des ordinateurs portables. De son côté, CCC a conclu un contrat avec Microsoft selon lequel ces ordinateurs construits par ou au nom de Compaq sont munis d’un système d’exploitation Microsoft et peuvent être vendus avec celui-ci. Nous considérons que le fait que CCC soit l’acheteur dans la transaction pertinente pour la détermination de la valeur en douane a pour effet que le système d’exploitation a été mis à la disposition du vendeur (à savoir les producteurs taïwanais) directement ou à tout le moins indirectement par l’acheteur (à savoir CCC), au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes.

43. Nous avons déjà relevé le fait que la valeur du système d’exploitation n’était manifestement pas contenue dans le prix payé effectivement par CCC aux producteurs taïwanais.

44. Par conséquent, nous sommes d’avis que les conditions d’application de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes sont remplies. Il reste encore à clarifier si le système d’exploitation relève d’une des catégories de l’article 32, paragraphe 1, sous b), i) à iv), du code des douanes.

45. À cet égard, CCIC soutient que le système d’exploitation ne relève d’aucun des éléments mis à disposition énumérés sous i), ii) et iii), car il s’agit exclusivement de biens matériels. En ce qui concerne ce qu’il est convenu d’appeler «les prestations intellectuelles» indiquées sous iv), celles-ci ne pourraient être ajoutées que si elles étaient nécessaires à la fabrication des marchandises importées, ce qui n’est pas établi en l’espèce.

46. La Commission soutient elle aussi que le système d’exploitation ne relève d’aucune des quatre catégories d’éléments mis à disposition.

47. En revanche, les gouvernements du Royaume-Uni et espagnol font valoir que le système d’exploitation doit être classé dans la catégorie mentionnée à l’article 32, paragraphe 1, sous b), i) du code des douanes, à savoir les «matières, composants, parties et éléments similaires incorporés dans les marchandises importées». Le gouvernement du Royaume-Uni considère en particulier que le système d’exploitation est un élément de l’ordinateur portable car il peut être identifié séparément et a une valeur indépendante et est en outre essentiel pour le fonctionnement de l’ordinateur. Il n’existerait pas de raison, lors de la détermination de la valeur en douane, de faire une distinction entre les éléments matériels et immatériels. Le gouvernement espagnol soutient quant à lui qu’il s’agit bien d’un élément immatériel mais intégré à l’ordinateur et que ce dernier ne pourrait fonctionner de la même manière à défaut de celui-ci.

48. Les gouvernements néerlandais et allemand font valoir que le système d’exploitation doit être considéré comme une prestation intellectuelle au sens de l’article 32, paragraphe 1, sous b), iv), du code des douanes. À cet égard, le gouvernement allemand fait observer que le système d’exploitation est une prestation nécessaire en vue de la fabrication des marchandises importées au motif que le contrat en cause prévoirait la livraison d’ordinateurs munis d’un système d’exploitation. Le gouvernement néerlandais considère quant à lui que le système d’exploitation est un élément nécessaire à la marchandise importée sans lequel l’ordinateur ne pourrait être utilisé et il serait dès lors nécessaire à sa fabrication.

49. L’article 32, paragraphe 3, du code des douanes prévoit que pour la détermination de la valeur en douane seuls peuvent être ajoutés au prix effectivement payé ou à payer les éléments prévus par cette disposition. En soi, ces termes pourraient indiquer une interprétation stricte des dispositions de l’article 32. Toutefois, en utilisant les termes «et éléments similaires», l’énumération faite à l’article 32, paragraphe 1, sous b), i), du code des douanes n’est certainement pas exhaustive.

50. L’objectif de la réglementation communautaire sur la valeur en douane est d’établir un système équitable, uniforme et neutre qui exclue l’utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives (17) . Par conséquent, la détermination de la valeur en douane vise en principe à inclure l’ensemble des éléments des marchandises importées qui présentent une valeur économique. À cet égard, se pose la question de savoir s’il est pertinent que «matières, composants, parties et éléments similaires incorporés dans les marchandises importées» soient de nature immatérielle.

51. À première vue, la jurisprudence de la Cour relative à la valeur en douane des éléments immatériels mis à disposition ne paraît pas très instructive pour répondre à cette question, car elle semble être contradictoire. Dans l’arrêt Bosch (18), la Cour a jugé qu’il n’y a lieu d’inclure dans la valeur en douane d’une machine que la valeur propre de la marchandise et non la valeur des biens immatériels tels que des façons de procéder, des services ou du «Know-how» (19) . Dans l’arrêt Brown Boveri (20), la Cour a jugé que si le logiciel est incorporé dans la marchandise importée, sa valeur fait partie intégrante de la valeur payée ou à payer (21) .

52. Toutefois, cette contradiction apparente peut être surmontée si l’on procède à la distinction suivante parmi les éléments immatériels mis à disposition: d’un côté, il existe des prestations intellectuelles qui sont mises à disposition aux fins de la fabrication de la marchandise telles que par exemple un brevet, un dessin ou un modèle. Ces prestations peuvent éventuellement, si les autres conditions sont remplies, tomber sous l’article 32, paragraphe 1, sous b), iv), du code des douanes. D’un autre côté, il y a lieu de distinguer les éléments immatériels qui sont installés dans une marchandise en vue d’assurer son fonctionnement, tels que par exemple le programme de lavage d’une machine à laver ou le logiciel d’un ordinateur de bord d’une voiture. Contrairement, par exemple, aux brevets, modèles ou dessins, l’élément immatériel n’est pas une condition directement nécessaire à l’existence de la marchandise importée. Les éléments immatériels mis à disposition sont toutefois des éléments du produit final, en dépit de leur caractère immatériel, car ils sont liés à celui-ci (22), améliorent le fonctionnement ou même ajoutent des nouvelles fonctions à celui-ci et, par conséquent, contribuent de manière non négligeable à la valeur de la marchandise importée. Nous considérons ainsi que les logiciels dont il était question dans l’affaire Brown Boveri, précitée, relèvent de cette dernière catégorie des éléments immatériels qui sont incorporés dans la marchandise importée.

53. En résumé, on peut dès lors considérer que dans la présente espèce, il est déterminant de savoir si l’ordinateur portable et le système d’exploitation constituent une marchandise unique, c’est-à-dire si le système d’exploitation constitue un élément de la marchandise importée au sens économique et pratique. Toutefois, cela ne veut pas nécessairement dire que l’ordinateur portable ne pourrait absolument pas fonctionner sans cet élément immatériel, comme c’est d’ailleurs le cas pour d’autres éléments, notamment certains éléments matériels.

54. Dans la présente espèce, il y a lieu également de souligner que les parties contractantes ont décidé que les ordinateurs portables étaient fournis avec un système d’exploitation installé – en l’espèce le système d’exploitation fabriqué par Microsoft. Par conséquent, dans la présente espèce, l’ordinateur portable accompagné du système d’exploitation constitue la marchandise commandée par l’acheteur, laquelle serait dès lors incomplète à défaut de ce système d’exploitation.

55. Il y a lieu d’observer que, selon CCIC, il serait contraire à la logique du système du code des douanes que, en l’espèce, la valeur du système d’exploitation soit incluse dans la valeur en douane sur la base de l’article 32, paragraphe 1, sous b), dudit code, alors qu’il n’en n’irait pas de même au titre de l’article 34 du même code et de l’article 167 du règlement d’application si le logiciel était enregistré sur un support informatique et que sa valeur était prise en compte séparément de ce dernier.

56. Cet argument est en l’espèce dépourvu de pertinence dans la mesure où il s’agit tout d’abord de l’importation d’ordinateurs portables sur lesquels un système d’exploitation a été installé et non de l’importation de logiciels destinés à être revendus en tant que tels. De plus, les dispositions des articles 34 du code des douanes et 167 du règlement d’application constituent clairement des règles d’exception qu’il y a lieu dès lors d’interpréter de manière stricte. Selon l’article 167, paragraphe 2, du règlement d’application, les logiciels contenus dans des marchandises dans lesquelles se trouvent des circuits intégrés, des semi‑conducteurs ou des dispositifs similaires sont exclus du champ d’application de cette disposition. Par conséquent, un ordinateur portable est bien exclu du champ d’application de l’article 34 du code des douanes et de l’article 167 du règlement d’application. Il s’ensuit que la règle d’exception semble s’appliquer uniquement au commerce de logiciels, qui, aux fins de la livraison sont enregistrés sur un support informatique, et non pas, comme en l’espèce, les logiciels livrés comme éléments immatériels d’un ordinateur portable. Selon nous, le champ d’application limité des dispositions prévues à l’article 34 du code des douanes et à l’article 167 du règlement d’application empêchent l’application des règles en matière de logiciels enregistrés sur des supports informatiques aux logiciels installés sur le disque dur d’un ordinateur portable.

57. Compte tenu de ce qui précède, nous sommes d’avis qu’il convient d’interpréter la catégorie mentionnée à l’article 32, paragraphe 1, sous b), i), «matières composant, parties et éléments similaires incorporés dans les marchandises importées» en ce sens qu’elle inclut dans les circonstances mentionnées ci-dessus également le système d’exploitation installé par le producteur sur un ordinateur portable.

58. Par conséquent, il y a lieu de répondre à la question que, en cas d’importations d’ordinateurs sur lesquels le vendeur a installé un système d’exploitation, il y a lieu, au regard de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du code des douanes, d’inclure dans la valeur transactionnelle desdits ordinateurs la valeur du système d’exploitation que l’acheteur a mis sans frais à la disposition du vendeur si cette valeur n’a pas été incluse dans la valeur transactionnelle.

59. Par conséquent, les arguments des parties soutenus en vue de l’interprétation de l’article 32, paragraphe 1, sous c), et de l’article 34 du code des douanes ne doivent pas être examinés davantage.

V – Sur les dépens

60. Les frais exposés par les gouvernements néerlandais, du Royaume-Uni, allemand et espagnol ainsi que ceux exposés par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé par la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

VI – Conclusion

61. Nous proposons donc à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle posée par le Gerechtshof te Amsterdam:

«En cas d’importations d’ordinateurs sur lesquels le vendeur a installé un système d’exploitation, il y a lieu, au regard de l’article 32, paragraphe 1, sous b), du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, d’inclure dans la valeur transactionnelle desdits ordinateurs la valeur du système d’exploitation que l’acheteur a mis sans frais à la disposition du vendeur si cette valeur n’a pas été incluse dans la valeur transactionnelle.»

(1) .

(2)  – Règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»).

(3)  – JO L 253, p. 1, ci-après le «règlement d’application».

(4)  – Article 29, paragraphe 2, du code des douanes.

(5)  – Arrêt du 13 mars 1980 (111/79, Rec. p. 773).

(6)  – L’article 1 er du règlement (CEE) n° 603/72 de la Commission, du 24 mars 1972, concernant l’acheteur à prendre en considération pour la détermination de la valeur en douane (JO L 72, p. 17) prévoit que «[p]our l’application des dispositions du règlement (CEE) n° 803/68 du Conseil, du 27 juin 1968, relatif à la valeur en douane des marchandises, et sans préjudice des autres conditions définies par ce règlement, le prix payé ou à payer ne pourra être admis comme valeur en douane que pour autant qu’il ait été convenu lors d’une vente à un acheteur établi dans le territoire douanier de la Communauté».

(7)  – Convention relative à la valeur en douane des marchandises, conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950. En ce qui concerne la détermination de la valeur en douane, cet accord se basait sur une notion de valeur théorique, la «valeur normale». Dans le cadre du Tokyo Round de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) (1973-1979), le code sur la valeur en douane du GATT a alors été établi. Celui-ci se fondait alors pour l’établissement de la valeur en douane sur la «valeur transactionnelle». Ce code sur la valeur en douane du GATT a été adopté par la Communauté le 17 mars 1980 et transposé directement en droit communautaire par le règlement sur la valeur en douane [règlement (CEE) n° 1224/80 du Conseil, du 28 mai 1980, relatif à la valeur en douane des marchandises (JO L 134, p. 1)]. Le code des douanes entré en vigueur le 1 er janvier 1994 a repris à l’identique le contenu dudit règlement.

(8)  – Le code des douanes ne prévoit explicitement l’établissement du déclarant en douane dans la Communauté que sous réserve de certaines exceptions.

(9)  – Voir note 7.

(10)  – Arrêt du 6 juin 1990 (C-11/89, Rec. p. I-2275).

(11)  – L’arrêt Unifert fait référence à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1224/80 dont le contenu a été repris à l’identique par l’article 29, paragraphe 1, du code des douanes.

(12)  – Voir arrêt Unifert (précité à la note 10), points 16 et 21.

(13)  – Arrêt Unifert (précité à la note 10), point 11. Ce jugement de la Cour repose pour l’essentiel sur le libellé de l’article 6 du règlement (CEE) n° 1495/80 de la Commission, du 11 juin 1980, arrêtant les dispositions d’exécution de certaines dispositions des articles 1 er , 3 et 8 du règlement n° 1224/80 (JO L 154, p. 14), dont les dispositions ont été reprises dans des termes identiques par l’article 147, paragraphe 1, du règlement d’application.

(14)  – Arrêt Unifert (précité à la note 10), point 9.

(15)  – Arrêt Unifert (précité à la note 10), points 9 à 11.

(16)  – Voir, en ce sens, arrêt Unifert (précité à la note 10), point 16.

(17)  – Arrêt du 19 octobre 2000, Hans Sommer (C-15/99, Rec. p. I‑8989, point 25).

(18)  – Arrêt du 14 juillet 1977 (1/77, Rec. p. 1473).

(19)  – Arrêt Bosch (précité à la note 18), point 4.

(20)  – Arrêt du 18 avril 1991 (79/89, Rec. p. I-1853).

(21)  – Arrêt Brown Boveri (précité à la note 20), points 21 et 22.

(22)  – Dans la présente espèce, il résulte des faits que le système d’exploitation est installé sur le disque dur. Toutefois, il doit encore être activé pour pouvoir être pleinement fonctionnel.