Affaire C-288/04

AB

contre

Finanzamt für den 6., 7. und 15. Bezirk

(demande de décision préjudicielle, introduite par

l'Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien)

«Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes — Statut des fonctionnaires — Régime applicable aux autres agents — Agent local affecté à la représentation de la Commission en Autriche — Régime fiscal»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 28 avril 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 8 septembre 2005 

Sommaire de l'arrêt

Privilèges et immunités des Communautés européennes — Fonctionnaires et agents des Communautés — Décision d'une institution communautaire définissant le statut d'un agent et déterminant son régime d'emploi — Caractère contraignant à l'égard des autorités nationales

(Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, art. 13 et 16)

Aux fins de l'application des articles 13 et 16 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, la décision d'une institution communautaire définissant le statut d'un de ses agents et déterminant son régime d'emploi revêt un caractère contraignant à l'égard des autorités administratives et judiciaires nationales, de telle sorte que celles-ci ne peuvent pas procéder à une qualification autonome du lien d'emploi en question.

(cf. point 39 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

8 septembre 2005 (*)

«Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes – Statut des fonctionnaires – Régime applicable aux autres agents – Agent local affecté à la représentation de la Commission en Autriche – Régime fiscal»

Dans l’affaire C-288/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien (Autriche), par décision du 28 juin 2004, parvenue à la Cour le 6 juillet 2004, dans la procédure

AB

contre

Finanzamt für den 6., 7. und 15. Bezirk,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. K. Lenaerts, K. Schiemann, E. Juhász (rapporteur) et M. Ilešič, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations présentées:

–       pour le gouvernement autrichien, par M. H. Dossi, en qualité d’agent,

–       pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme C. Jurgensen‑Mercier, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes et Mme M. Mesquita Palha, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. H. Krämer et C. Ladenburger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 13 et 16 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, annexé initialement au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, signé le 8 avril 1965, puis, en vertu du traité d’Amsterdam, au traité CE (ci‑après le «protocole»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. AB, agent local affecté à la représentation de la Commission européenne à Vienne, au Finanzamt für den 6., 7. und 15. Bezirk (autorité fiscale compétente autrichienne, ci‑après le «Finanzamt»), au sujet de l’assujettissement de M. AB à l’impôt national sur le revenu.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       En vertu de l’article 28, paragraphe 1, du traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes, puis, à la suite de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam, de l’article 291 CE, la Communauté jouit sur le territoire des États membres des privilèges et immunités nécessaires à l’accomplissement de sa mission dans les conditions définies au protocole.

4       Aux termes de l’article 13 du protocole:

«Dans les conditions et suivant la procédure fixée par le Conseil statuant sur proposition de la Commission, les fonctionnaires et autres agents des Communautés sont soumis au profit de celles‑ci à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles.

Ils sont exempts d’impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés.»

5       L’article 16 du protocole prévoit:

«Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions intéressées, détermine les catégories de fonctionnaires et autres agents des Communautés auxquels s’appliquent, en tout ou partie, les dispositions des articles 12, 13, deuxième alinéa, et 14.

Les noms, qualités et adresses des fonctionnaires et autres agents compris dans ces catégories sont communiqués périodiquement aux gouvernements des États membres.»

6       Il est précisé à l’article 18, premier alinéa, du protocole que les privilèges, immunités et facilités sont accordés aux fonctionnaires et autres agents des Communautés exclusivement dans l’intérêt de ces dernières.

7       Sur la base de l’article 16 du protocole, le Conseil a adopté le règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 549/69, du 25 mars 1969, déterminant les catégories de fonctionnaires et agents des Communautés européennes auxquels s’appliquent les dispositions des articles 12, 13 deuxième alinéa et 14 du protocole (JO L 74, p. 1). Aux termes de l’article 2 de ce règlement:

«Bénéficient des dispositions de l’article 13, deuxième alinéa du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés, les catégories suivantes:

a)      les personnes soumises au statut des fonctionnaires ou au régime applicable aux autres agents des Communautés, y compris les bénéficiaires de l’indemnité prévue en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service, à l’exception des agents locaux;

[…]»

8       Les articles 2 et 3 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO L 56, p. 1), tels qu’en vigueur jusqu’au 30 avril 2004, déterminent respectivement le statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci‑après le «statut») et le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci‑après le «RAA»).

9       Conformément à son article 1er, le RAA s’applique à tout agent engagé par contrat par les Communautés. Ces agents ont la qualité d’agent temporaire, d’agent auxiliaire, d’agent local ou de conseiller spécial.

10     L’article 4 du RAA est libellé comme suit:

«Est considéré comme agent local, au sens du présent régime, l’agent engagé conformément aux usages locaux en vue d’exécuter des tâches manuelles ou de service dans un emploi non prévu au tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution, et rémunéré sur les crédits globaux ouverts à cet effet à cette section du budget. À titre exceptionnel, peut également être considéré comme agent local l’agent engagé en vue d’effectuer des tâches d’exécution auprès des bureaux du service de presse et d’information de la Commission des Communautés européennes.

Aux lieux d’affectation situés en dehors des pays des Communautés, peut être considéré comme agent local l’agent engagé en vue d’exécuter des tâches autres que celles indiquées au premier alinéa et qu’il ne serait pas justifié, dans l’intérêt du service, de faire exécuter par un fonctionnaire ou un agent ayant une autre qualité au sens de l’article 1er

11     L’article 79 du RAA énonce:

«Sous réserve des dispositions du présent titre, les conditions d’emploi des agents locaux, notamment en ce qui concerne:

a)      les modalités de leur engagement et de la résiliation de leur engagement;

b)      les congés;

c)      leur rémunération,

sont fixées par chaque institution sur la base de la réglementation et des usages existant au lieu où l’agent est appelé à exercer ses fonctions.»

12     Aux termes de l’article 80 du RAA, l’institution assume, en matière de sécurité sociale, les charges incombant aux employeurs, en vertu de la réglementation existant au lieu où l’agent était appelé à exercer ses fonctions.

13     L’article 81 du RAA prévoit:

«1.      Les litiges entre l’institution et l’agent local en service dans un État membre sont soumis à la juridiction compétente en vertu de la législation en vigueur au lieu où l’agent exerce ses fonctions.

2.      Les litiges entre l’institution et l’agent local en service dans un pays tiers sont soumis à une instance d’arbitrage dans les conditions définies dans la clause compromissoire figurant dans le contrat de l’agent.»

14     Enfin, aux termes de l’article 236 CE, «[l]a Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers».

 La réglementation fiscale et la jurisprudence nationales

15     Le Bundesabgabenordnung (code fiscal fédéral) prévoit que les autorités fiscales sont en droit de régler les questions fiscales non sur la base de la qualification formelle des faits, mais en fonction de leur contenu réel. Ainsi, l’article 21, paragraphe 1, de ce code dispose que, dans l’appréciation des questions de droit fiscal, du point de vue économique, c’est le contenu économique réel des faits qui est déterminant, et non l’apparence sous laquelle ceux‑ci se présentent.

16     De même, conformément à la jurisprudence constante du Verwaltungsgerichtshof (juridiction suprême en matière administrative et fiscale), les autorités fiscales ont le droit de qualifier de manière autonome un contrat de travail sur la base de son contenu réel.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17     Il ressort du dossier que M. AB, partie requérante au principal, de nationalité allemande, est employé en tant qu’agent local de la Commission depuis 1982. Il est entré en fonction à la représentation permanente de la Commission auprès des organisations internationales à Genève (Suisse). En 1987, il a été transféré à la délégation de la Commission à Vienne et, depuis l’adhésion de la République d’Autriche aux Communautés le 1er janvier 1995, il est affecté à la représentation de la Commission à Vienne. Par contrat du 1er juillet 1994, entré en vigueur le 1er  mai 1994, il a été employé comme agent local pour une durée indéterminée, afin d’exercer des fonctions de proposition, de planification et de contrôle en qualité d’attaché de presse auprès de cette même délégation, puis auprès de la représentation de la Commission à Vienne et a été classé dans le groupe I, échelon 35.

18     Selon la juridiction de renvoi, de janvier 1995 à mars 1998, le requérant au principal a exercé des fonctions qui dépassaient celles prévues à l’article 4, premier alinéa, du RAA pour les agents locaux, ces derniers ne pouvant pas se voir confier des fonctions relevant des groupes I et II, qui correspondaient aux catégories A et B du statut. Il ressort également du dossier que, par avenant du 4 juillet 1997, le contrat de travail de l’intéressé a été modifié avec son accord et celui‑ci a été classé dans le groupe III, échelon 35, qui correspond à la catégorie C du statut.

19     Jusqu’à la fin de 1994, l’intéressé n’était pas soumis à l’impôt national sur le revenu, du fait du poste qu’il occupait auprès d’une «institution privilégiée», conformément à la réglementation autrichienne. La question s’est posée à compter du 1er janvier 1995, date de l’adhésion de la République d’Autriche aux Communautés. Le 5 mai 2000, le Finanzamt a émis des avis d’imposition pour les années 1995 à 1998 ainsi qu’un avis d’acompte sur l’impôt sur le revenu pour l’année 2000. L’intéressé a attaqué ces avis devant l’Unabhängiger Finanzsenat, en faisant valoir que les fonctions qu’il exerçait effectivement et réellement ne correspondaient pas aux fonctions assignées aux agents locaux par la réglementation communautaire.

20     Il ressort plus précisément de la décision de renvoi que le requérant au principal soutient que, sur la base des fonctions qu’il exerce, il aurait dû être engagé non pas comme agent local, mais en qualité d’agent temporaire ou d’agent auxiliaire, au sens, respectivement, des articles 8 à 50 bis et 51 à 78 du RAA et bénéficier des dispositions de l’article 13 du protocole l’exemptant de l’impôt national sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés. Dès lors, conformément au Bundesabgabenordnung et à la jurisprudence du Verwaltungsgerichtshof, le Finanzamt aurait dû examiner la nature réelle des fonctions de l’intéressé et ne pas le soumettre à l’impôt national sur le revenu, ces fonctions correspondant à celles relevant de la catégorie A du statut, normalement exercées par des agents temporaires ou auxiliaires, soumis à l’impôt communautaire.

21     Le Finanzamt est d’avis qu’il appartient à l’institution communautaire concernée de déterminer le régime d’emploi de ses agents. Cette position est partagée par l’Unabhängiger Finanzsenat, qui considère que le régime d’emploi d’un agent résulte exclusivement du contrat d’engagement concerné. Le requérant aurait donc pu ou dû soumettre la légalité de son contrat de travail au contrôle juridique de la Cour.

22     Considérant que la jurisprudence susmentionnée du Verwaltungsgerichtshof pourrait conduire à la non‑imposition totale de l’intéressé tant au niveau national qu’à celui communautaire, l’Unabhängiger Finanzsenat, Außenstelle Wien, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 13, premier alinéa, du protocole [...] ne s’oppose-t-il à l’imposition des traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés à leurs fonctionnaires et autres agents dans les États membres que si les Communautés européennes font usage du droit d’imposition qui leur revient?

2)      L’article 16, deuxième alinéa, du protocole [...] ne s’oppose-t-il à l’imposition des traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés à leurs fonctionnaires et autres agents dans les États membres que si le fonctionnaire ou l’agent est identifié dans une communication au sens de la disposition précitée et une communication effectuée sur le fondement de ladite disposition autorise-t-elle automatiquement l’administration fiscale de l’État membre à faire usage du droit d’imposition national à l’égard des fonctionnaires et autres agents qui ne sont pas mentionnés dans cette communication et donc à l’égard de tout agent que les Communautés européennes considèrent comme des agents locaux?»

 Sur les questions préjudicielles

23     Les deux questions posées étant intimement liées entre elles, il y a lieu de les examiner conjointement.

24     Ces questions, placées dans leur contexte juridique et factuel exposé ci‑dessus, font apparaître que le juge de renvoi demande en substance si, aux fins de l’application des articles 13 et 16 du protocole, la décision d’une institution communautaire définissant le statut d’un de ses agents et déterminant son régime d’emploi a un caractère contraignant à l’égard des autorités administratives et judiciaires nationales, de telle sorte que celles‑ci ne peuvent pas procéder à une qualification autonome du lien d’emploi en question.

25     Les articles 11 du statut et du RAA, dans leurs versions en vigueur tant avant qu’après le 1er mai 2004, date d’entrée en vigueur du nouveau statut, prévoient que le fonctionnaire ou l’agent doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite «en ayant uniquement en vue les intérêts des Communautés, sans solliciter ni accepter d’instructions d’aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à son institution».

26     L’article 2 du statut et l’article 6 du RAA, dans leurs versions applicables tant avant qu’après le 1er mai 2004, consacrent, en outre, le principe de l’autonomie fonctionnelle des institutions communautaires quant au choix de leurs fonctionnaires et agents, en disposant que chaque institution détermine les autorités qui exercent en son sein les pouvoirs dévolus par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination ou qui sont habilitées à conclure les contrats d’engagement des autres agents.

27     Cette autonomie institutionnelle et fonctionnelle est garantie, entre autres, par l’attribution des immunités et privilèges nécessaires à l’accomplissement de la mission des institutions communautaires sur la base de dispositions de rang supérieur, à savoir celles du protocole. Ainsi, il y est prévu que certaines catégories de fonctionnaires et d’autres agents des institutions, à déterminer par le seul Conseil sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions, sont assujettis, au profit des Communautés, à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles, et sont parallèlement exempts d’impôts nationaux sur lesdits traitements, salaires et émoluments (articles 13 et 16 du protocole).

28     Il ressort des principes et du cadre réglementaire exposés ci‑dessus que les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation et d’une autonomie quant à la création d’un emploi de fonctionnaire ou d’agent, quant au choix du fonctionnaire ou de l’agent aux fins de pourvoir à l’emploi créé et quant à la nature de la relation de travail qui les lie à un agent, dans les limites des dispositions du statut et du RAA et suivant les disponibilités budgétaires.

29     De même, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 16 de ses conclusions, le Conseil est seul compétent, sur le fondement de l’article 16 du protocole, pour déterminer le champ d’application ratione personæ du régime fiscal prévu à l’article 13 de ce même protocole.

30     L’autonomie des institutions communautaires est également soulignée par le fait que, conformément à l’article 79 du RAA, les conditions d’emploi des agents locaux et, notamment, les modalités de leur engagement sont fixées par l’institution communautaire concernée. Étant donné que les termes «modalités de leur engagement», figurant dans la disposition en question, incluent la détermination du régime des agents concernés, le texte considéré tend à exclure que la détermination de ce régime puisse relever d’instances autres que communautaires.

31     Cette conclusion est confirmée par la jurisprudence de la Cour, conformément à laquelle l’attribution de la qualité de fonctionnaire ou d’agent ne peut résider que dans un acte formel de l’institution concernée et ne saurait trouver son origine dans une décision d’une autorité administrative ou judiciaire nationale. Ceci constituerait, en effet, une intrusion dans la sphère d’autonomie des institutions communautaires (arrêts du 11 mars 1975, Porrini e.a., 65/74, Rec. p. 319, point 15 et point 2 du dispositif, et du 3 octobre 1985, Tordeur e.a., 232/84, Rec. p. 3223, points 27 et 28).

32     Le régime juridique de fonctionnaire, d’agent temporaire et d’agent auxiliaire, d’une part, et le régime d’agent local, d’autre part, comportent des différences fondamentales quant à leur nature. Tandis que les emplois de fonctionnaire, d’agent temporaire et d’agent auxiliaire sont régis exclusivement par le droit communautaire et que les litiges auxquels ces relations d’emploi peuvent donner lieu relèvent de la seule compétence de la juridiction communautaire, les rapports de travail des agents locaux sont soumis à une réglementation de nature mixte, constituée de sources communautaires et nationales, et les litiges auxquels ces rapports de travail peuvent donner lieu relèvent de la compétence des juridictions nationales. Enfin, les agents locaux ne bénéficient pas de l’exemption d’impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés.

33     Le régime d’agent temporaire et d’agent auxiliaire est largement assimilable au régime de fonctionnaire. Tant les agents temporaires que les agents auxiliaires sont en substance soumis aux même exigences concernant les conditions de leur engagement, ont les mêmes droits et obligations que ceux prévus pour les fonctionnaires aux articles 11 à 25 du statut, sont soumis au même régime concernant la durée et l’horaire de travail, bénéficient substantiellement des mêmes droits en matière de congés et, enfin, du fait qu’ils sont régis par la même réglementation, peuvent utiliser les mêmes voies de recours devant la juridiction communautaire.

34     Étant donné l’incompatibilité entre le régime de fonctionnaire, d’agent temporaire et d’agent auxiliaire, d’une part, et celui d’agent local, d’autre part, le passage d’un agent local à un poste de fonctionnaire, d’agent temporaire ou d’agent auxiliaire met fin de plein droit, conformément à la jurisprudence de la Cour, à son rapport de travail précédent et, à l’inverse, la reprise de ses anciennes activités constituerait un emploi nouveau et non la continuation du rapport d’emploi antérieur (arrêt du 25 juin 1981, 105/80, Desmedt, Rec. p. 1701, point 15 et dispositif). Ainsi, dans l’hypothèse où le rapport de travail du requérant au principal pourrait être considéré comme celui d’un agent temporaire ou d’un agent auxiliaire, ce rapport de travail devrait être qualifié d’emploi nouveau, ce qui exclurait, conformément aux arrêts Porrini e.a. et Tordeur e.a., précités, qu’un tel emploi nouveau puisse naître d’un acte d’une instance autre que communautaire.

35     Ainsi, la qualification d’«agent local» attribuée à une personne par l’autorité compétente d’une institution communautaire et la nature du rapport d’emploi défini dans le contrat d’engagement de l’agent considéré ne sauraient être remises en cause sur la base d’une appréciation autonome d’une autorité administrative ou judiciaire nationale. Reconnaître une telle faculté reviendrait à accorder à une autorité nationale le pouvoir d’intervenir dans la sphère d’autonomie des institutions communautaires et de définir la nature du contrat d’engagement d’un agent de celles‑ci, ce qui constituerait une intrusion au sens de la jurisprudence citée au point 31 du présent arrêt.

36     Dans le cadre de la protection juridictionnelle effective dont jouit l’agent en cause, il doit être, certes, loisible à ce dernier de contester la qualification de son régime d’emploi au regard des dispositions du RAA. Toutefois, une telle compétence doit relever de la seule juridiction communautaire, étant donné que le contrôle de la légalité d’une décision de l’autorité compétente d’une institution communautaire portant attribution de la qualité de fonctionnaire ou d’agent et déterminant, par la conclusion du contrat y relatif, la nature de la relation d’emploi de ce dernier, ne saurait relever de la compétence d’une juridiction nationale.

37     Les juridictions nationales restent, quant à elles, compétentes, conformément à l’article 81 du RAA, pour connaître des litiges concernant les conditions d’emploi d’un agent local, comme il est prévu à l’article 79 du RAA. Toutefois, l’acte d’une institution communautaire déterminant le régime d’un de ses agents ne peut pas être remis en question devant ces juridictions.

38     Il convient de relever, en dernier lieu, que le régime établi dans le protocole, suivant lequel les fonctionnaires et certains agents des Communautés sont soumis, au profit de celles‑ci, uniquement à un impôt communautaire, a comme seul but de renforcer l’autonomie des institutions communautaires et ne saurait ni favoriser ni avoir pour effet l’exemption des autres agents de l’imposition prévue par la loi fiscale du lieu de leur affectation.

39     Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que, aux fins de l’application des articles 13 et 16 du protocole, la décision d’une institution communautaire définissant le statut d’un de ses agents et déterminant son régime d’emploi revêt un caractère contraignant à l’égard des autorités administratives et judiciaires nationales, de telle sorte que celles‑ci ne peuvent pas procéder à une qualification autonome du lien d’emploi en question.

 Sur les dépens

40     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Aux fins de l’application des articles 13 et 16 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, la décision d’une institution communautaire définissant le statut d’un de ses agents et déterminant son régime d’emploi revêt un caractère contraignant à l’égard des autorités administratives et judiciaires nationales, de telle sorte que celles‑ci ne peuvent pas procéder à une qualification autonome du lien d’emploi en question.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.