61997J0371

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 3 octobre 2000. - Cinzia Gozza e.a. contre Università degli Studi di Padova e.a.. - Demande de décision préjudicielle: Tribunale civile e penale di Venezia - Italie. - Droit d'établissement - Libre prestation de services - Médecins - Spécialités médicales - Périodes de formation - Rémunération - Effet direct. - Affaire C-371/97.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-07881


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation limitée aux spécialités médicales communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et énumérées aux articles 5 ou 7 de la directive 75/362 - Condition - Respect, par les médecins spécialistes en formation, des conditions de formation énoncées à l'annexe de la directive 75/363

(Directives du Conseil 75/362, art. 5 et 7, 75/363, art. 2, § 1, c), 3, § 2, et annexe, points 1 et 2, et 82/76)

2 Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Libre prestation des services - Médecins - Acquisition des titres de spécialité - Obligation de rémunérer les périodes de formation - Effet direct - Absence - Obligations des juridictions nationales

(Directives du Conseil 75/362, 75/363, art. 2, § 1, c), 3, § 2, et annexe, points 1 et 2, et 82/76)

3 Droit communautaire - Droits conférés aux particuliers - Violation, par un État membre, de l'obligation de transposer une directive - Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers - Étendue de la réparation - Application rétroactive et complète des mesures d'exécution de la directive - Réparation suffisante - Conditions

Sommaire


1 L'obligation de rémunérer de manière appropriée les périodes de formation des médecins spécialistes prévue, en ce qui concerne la formation à plein temps, à l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi qu'au point 1 de l'annexe de la directive 75/363, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin, telle que modifiée par la directive 82/76, et, en ce qui concerne la formation à temps partiel, à l'article 3, paragraphe 2, ainsi qu'au point 2 de l'annexe de cette directive, ne s'impose que pour les spécialités médicales communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et mentionnées aux articles 5 ou 7 de la directive 75/362, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, telle que modifiée par la directive 82/76, et si les conditions de la formation à plein temps énoncées au point 1 de l'annexe de la directive 75/363 ou celles de la formation à temps partiel énoncées au point 2 de cette annexe sont respectées par les médecins spécialistes en formation. (voir point 45 et disp.)

2 L'obligation de rémunérer de manière appropriée les périodes de formation des médecins spécialistes prévue, en ce qui concerne la formation à plein temps, à l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi qu'au point 1 de l'annexe de la directive 75/363, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin, telle que modifiée par la directive 82/76, et, en ce qui concerne la formation à temps partiel, à l'article 3, paragraphe 2, ainsi qu'au point 2 de l'annexe de cette directive, est inconditionnelle et suffisamment précise en tant qu'elle exige, pour qu'un médecin spécialiste puisse bénéficier du régime de reconnaissance mutuelle prévu par la directive 75/362, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, telle que modifiée par la directive 82/76, que, lorsque sa formation est effectuée à plein temps ou à temps partiel conformément aux exigences des directives, elle doit être rémunérée. Ladite obligation ne permet toutefois pas, par elle-même, au juge national de déterminer l'identité du débiteur tenu au paiement de la rémunération appropriée non plus que le montant de celle-ci.

La juridiction nationale est toutefois tenue, lorsqu'elle applique l'ensemble des dispositions de droit national antérieures comme postérieures à une directive, de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette directive. (voir point 45 et disp.)

3 L'application rétroactive et complète des mesures d'exécution d'une directive permet de remédier aux conséquences dommageables de la transposition tardive de celle-ci, à la condition que cette directive ait été régulièrement transposée. Toutefois, il appartient au juge national de veiller à ce que la réparation du préjudice subi par les bénéficiaires soit adéquate. Une application rétroactive, régulière et complète des mesures d'exécution de la directive suffira à cette fin, sauf si les bénéficiaires établissent l'existence de pertes complémentaires qu'ils auraient subies du fait qu'ils n'ont pu bénéficier en temps voulu des avantages pécuniaires garantis par la directive et qu'il conviendrait donc de réparer également. (voir point 39)

Parties


Dans l'affaire C-371/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunale civile e penale di Venezia (Italie) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Cinzia Gozza e.a.

et

Università degli Studi di Padova e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 82/76/CEE du Conseil, du 26 janvier 1982, modifiant la directive 75/362/CEE visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, ainsi que la directive 75/363/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin (JO L 43, p. 21),

LA COUR

(quatrième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward (rapporteur), président de chambre, A. La Pergola et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. O. Fiumara, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement espagnol, par Mme P. Plaza García, abogado del Estado, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa, conseiller juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Mme Gozza e.a., représentés par Mes R. Mastroianni, avocat au barreau de Cosenza, et P. Piva, avocat au barreau de Venise, et du gouvernement espagnol, représenté par Mme N. Díaz Abad, abogado del Estado, en qualité d'agent, à l'audience du 6 avril 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 7 octobre 1997, parvenue à la Cour le 27 octobre suivant, le Tribunale civile e penale di Venezia a, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), posé deux questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 82/76/CEE du Conseil, du 26 janvier 1982, modifiant la directive 75/362/CEE visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, ainsi que la directive 75/363/CEE visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin (JO L 43, p. 21).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Mme Gozza et 635 autres requérants à l'Università degli Studi di Padova (ci-après l'«université de Padoue»), au Ministero dell'Università e della Ricerca Scientifica e Tecnologica, au Ministero della Sanità et au Ministero della Pubblica Istruzione au sujet du droit des médecins en voie de spécialisation à une «rémunération appropriée» pendant la période de leur formation.

La réglementation communautaire

3 La directive 75/362/CEE du Conseil, du 16 juin 1975 (JO L 167, p. 1, ci-après la «directive `reconnaissance'»), vise à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comporte des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services. La directive 75/363/CEE du Conseil, du 16 juin 1975 (JO L 167, p. 14, ci-après la «directive `coordination'»), quant à elle, vise à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin. Ces directives ont été modifiées notamment par la directive 82/76.

4 La directive «reconnaissance» distingue trois hypothèses pour la reconnaissance des diplômes de spécialiste. Lorsque la spécialité en objet est commune à tous les États membres et figure dans la liste de l'article 5, paragraphe 2, de cette directive, la reconnaissance est automatique (article 4). Lorsque la spécialité est propre à deux ou plusieurs États membres et qu'elle est mentionnée à l'article 7, paragraphe 2, la reconnaissance est automatique entre eux (article 6). Enfin, l'article 8 dispose que, pour les spécialités qui n'apparaissent ni dans l'énumération de l'article 5 ni dans celle de l'article 7, l'État membre d'accueil pourra exiger des ressortissants des États membres qu'ils remplissent les conditions de formation prévues à cet égard par son propre droit interne, en tenant toutefois compte des périodes de formation accomplies par ces ressortissants et sanctionnées par un titre de formation délivré par les autorités compétentes de l'État membre d'origine ou de provenance, lorsque lesdites périodes correspondent à celles requises dans l'État membre d'accueil pour la formation spécialisée en cause.

5 La directive «coordination» prévoit, aux fins de la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste, une certaine harmonisation des conditions relatives à la formation et à l'accès aux différentes spécialités médicales.

6 Le deuxième considérant de cette directive expose que, en vue de coordonner les conditions de formation du médecin spécialiste, il convient de prévoir «certains critères minimaux concernant tant l'accès à la formation spécialisée que la durée minimale de celle-ci, son mode d'enseignement et le lieu où elle doit s'effectuer, ainsi que le contrôle dont elle doit faire l'objet» et, dans sa dernière phrase, ajoute que «ces critères ne concernent que les spécialités communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs États membres».

7 L'article 2, paragraphe 1, de la directive «coordination», tel que modifié par l'article 9 de la directive 82/76, précise les conditions minimales auxquelles doit répondre la formation conduisant à l'obtention d'un diplôme, certificat ou autre titre de médecin spécialiste. Cette formation doit notamment, en vertu de l'article 2, paragraphe 1, sous c), s'effectuer à plein temps et sous le contrôle des autorités ou organismes compétents conformément au point 1 de l'annexe.

8 Aux termes de l'article 3 de la directive «coordination», tel que modifié par l'article 10 de la directive 82/76, les États membres peuvent autoriser une formation spécialisée à temps partiel. Cette formation à temps partiel doit être dispensée conformément au point 2 de l'annexe.

9 L'annexe de la directive «coordination», ajoutée par l'article 13 de la directive 82/76 et qui est intitulée «Caractéristiques de la formation à plein temps et de la formation à temps partiel des médecins spécialistes», dispose:

«1. Formation à plein temps des médecins spécialistes

Cette formation s'effectue dans des postes spécifiques reconnus par les autorités compétentes.

Elle implique la participation à la totalité des activités médicales du département où s'effectue la formation, y compris aux gardes, de sorte que le spécialiste en formation consacre à cette formation pratique et théorique toute son activité professionnelle pendant toute la durée de la semaine de travail et pendant la totalité de l'année, selon des modalités fixées par les autorités compétentes. En conséquence, ces postes font l'objet d'une rémunération appropriée.

Cette formation peut être interrompue pour des raisons telles que service militaire, missions scientifiques, grossesse, maladie. L'interruption ne peut réduire la durée totale de formation.

2. Formation à temps partiel des médecins spécialistes

Cette formation répond aux mêmes exigences que la formation à temps plein, dont elle ne se distingue que par la possibilité de limiter la participation aux activités médicales à une durée au moins égale à la moitié de celle qui est prévue au point 1 deuxième alinéa.

Les autorités compétentes veillent à ce que la durée totale et la qualité de la formation à temps partiel des spécialistes ne soient pas inférieures à celles de la formation à plein temps.

Cette formation à temps partiel fait, en conséquence, l'objet d'une rémunération appropriée.»

10 Les articles 4 et 5 de la directive «coordination» fixent les durées minimales des formations spécialisées conduisant à l'obtention de diplômes, certificats ou autres titres prévus par les articles 5 et 7 de la directive «reconnaissance», et qui sont communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux.

11 L'article 16 de la directive 82/76 prévoit que les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive le 31 décembre 1982 au plus tard, et qu'ils en informent immédiatement la Commission.

12 Les directives «reconnaissance», «coordination» et 82/76 ont, postérieurement aux faits qui ont donné lieu au litige au principal, été abrogées et remplacées par la directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (JO L 165, p. 1).

La réglementation nationale

13 Les directives «reconnaissance» et «coordination» ont été transposées dans le droit interne de la République italienne par la loi n_ 217, du 22 mai 1978 (GURI n_ 146, du 29 mai 1978).

14 Par arrêt du 7 juillet 1987, Commission/Italie (49/86, Rec p. 2995), la Cour a déclaré que, en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 82/76, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE.

15 À la suite de cet arrêt, la directive 82/76 a été transposée par le decreto legislativo n_ 257, du 8 août 1991 (GURI n_ 191, du 16 août 1991, ci-après le «décret-loi n_ 257»). Ce décret-loi n_ 257 est entré en vigueur 15 jours après la date de sa publication.

16 L'article 4 du décret-loi n_ 257 détermine les droits et les obligations des médecins suivant une formation en vue de leur spécialisation, et son article 6 instaure une bourse d'études au profit de ceux-ci.

17 Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, du même décret-loi n_ 257:

«Les personnes admises dans les écoles de spécialisation ... en rapport avec un engagement à temps plein en vue de leur formation, reçoivent, pour toute la durée du cours, à l'exclusion des périodes où la spécialisation est suspendue, une bourse d'études fixée à 21 500 000 lires pour l'année 1991. À partir du 1er janvier 1992, ce montant est indexé annuellement sur la base du taux d'inflation prévu et fait l'objet d'une révision tous les trois ans, par décret du Ministre de la Santé ... en fonction de l'amélioration du barème minimum des salaires applicable aux contrats du personnel médical salarié occupé par le Service national de santé.»

18 Enfin, l'article 8, paragraphe 2, du même texte précise que ses dispositions s'appliquent à partir de l'année universitaire 1991/1992.

19 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que cette disposition a été interprétée en ce sens que la bourse d'études instaurée par le décret-loi n_ 257 ne s'applique pas, même après l'année académique 1991/1992, aux médecins en voie de spécialisation admis antérieurement.

Le litige au principal

20 Les requérants au principal, tous diplômés en médecine et chirurgie, poursuivaient une formation dans différentes écoles de spécialisation rattachées à l'université de Padoue durant l'année académique 1990/1991. Ne bénéficiant pas de la bourse d'études instaurée par le décret-loi n_ 257, ils ont demandé la reconnaissance de leur droit à une rémunération appropriée conformément aux dispositions des directives «reconnaissance», «coordination» et 82/76. Ils ont, par conséquent, sollicité la condamnation de l'université de Padoue et des autres parties défenderesses - les ministères de l'Université et de la Recherche scientifique et technologique, de la Santé et de l'Instruction publique - au paiement des sommes dues, dont le montant exact devait être déterminé en cours d'instance.

21 Les défendeurs au principal ont allégué que les directives en cause ne pouvaient pas produire d'effet direct, au motif qu'elles ne désignaient pas le débiteur de l'obligation de verser la rémunération appropriée et, surtout, qu'elles ne précisaient pas les critères permettant de déterminer cette rémunération.

22 Les défendeurs au principal ont, en outre, soutenu que le décret-loi n_ 257 ne crée aucune disparité de traitement entre les médecins en voie de spécialisation inscrits avant l'année académique 1991/1992 (tels que les requérants) - auxquels la nouvelle réglementation nationale ne s'applique pas - et ceux inscrits après l'année académique 1991/1992 - auxquels cette réglementation s'applique. En effet, à la différence des médecins inscrits après 1991/1992, les médecins inscrits avant cette date, dont font partie les requérants, ne seraient nullement obligés de s'engager à plein temps ni de promettre en outre de n'exercer aucune activité professionnelle. Les défendeurs au principal ont toutefois admis que les requérants au principal accomplissent une formation spécialisée à temps partiel.

23 Considérant que la solution du litige dépendait de l'interprétation de la directive 82/76, le Tribunale civile e penale di Venezia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Pour autant qu'elle prévoit que la formation des médecins spécialistes, tant à temps plein qu'à temps partiel, `fait l'objet d'une rémunération appropriée', la directive 82/76/CEE doit-elle être interprétée en ce sens qu'elle est assortie d'un effet direct en faveur des médecins en voie de spécialisation, et en ce sens qu'elle leur octroie, vis-à-vis des administrations compétentes de l'État, le droit sans restriction de percevoir une rémunération appropriée liée à l'activité exercée dans le cadre de la formation professionnelle, et ce même pour la période pendant laquelle la République italienne était en défaut d'avoir adopté des normes spécifiques?

2) Pour le cas où l'existence du droit précité serait admise, quels seraient alors les critères de détermination de la `rémunération appropriée', tant par référence à l'exercice à temps plein de l'activité de formation que par référence à son exercice à temps partiel?»

Sur la recevabilité

24 Dans leurs observations écrites, les gouvernements italien et espagnol ont soutenu que ces questions étaient irrecevables.

25 Le gouvernement espagnol fait valoir que les questions posées sont irrecevables dans la mesure où le cadre factuel serait incomplet. Selon lui, l'obligation de rémunérer les périodes de formation relatives aux spécialités médicales, prévue à l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive «coordination», tel que modifié par la directive 82/76, ne s'impose que pour les spécialités communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et à condition que ces spécialités soient mentionnées aux articles 5 ou 7 de la directive «reconnaissance». Or, en l'espèce, le juge de renvoi aurait omis de préciser la nature exacte des spécialités médicales suivies par les requérants au principal.

26 Sur ce point, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé dans l'arrêt du 6 décembre 1994, Commission/Espagne (C-277/93, Rec. p. I-5515, point 20), que l'obligation de rémunérer les périodes de formation relatives aux spécialités médicales, prévue à l'article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive «coordination», tel que modifié par la directive 82/76, ne s'impose que pour les spécialités médicales communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et mentionnées aux articles 5 ou 7 de la directive «reconnaissance».

27 L'absence de précisions sur la nature exacte des spécialités médicales suivies par les requérants au principal n'est cependant pas de nature à empêcher la Cour de répondre aux questions soulevées par la juridiction de renvoi.

28 En effet, les directives «reconnaissance» et «coordination» énumèrent clairement, pour les formations spécialisées concernées, tant les dénominations en vigueur dans les États membres que les autorités ou organismes compétents pour délivrer les diplômes, certificats et autres titres correspondant aux spécialités concernées. Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi de déterminer, parmi les requérants au principal, ceux qui suivent l'une de ces formations spécialisées et sont ainsi susceptibles de bénéficier, au titre de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, du droit à une rémunération appropriée pendant leur période de formation.

29 Quant au gouvernement italien, il fait valoir que les questions préjudicielles sont irrecevables au motif qu'elles émaneraient du Giudice istruttore del Tribunale civile et penale, soit un juge qui, selon les règles de procédure italiennes, ne serait pas appelé à statuer sur le fond de l'affaire.

30 Sur ce point, il y a lieu de rappeler qu'il n'appartient pas à la Cour, vu la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision par laquelle elle a été saisie a été prise conformément aux règles d'organisation et de procédure judiciaires de droit national (voir arrêts du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et C-335/92, Rec. p. I-711, point 13, et du 16 septembre 1999, WWF e.a., C-435/97, Rec. p. I-5613, point 33).

31 Il résulte de ce qui précède que les questions préjudicielles sont recevables.

Sur le fond

32 Par ces questions, la juridiction de renvoi demande en substance, d'une part, si, à défaut de transposition de la directive 82/76 dans les délais, les dispositions de cette directive relatives à l'obligation de rémunérer d'une manière appropriée la formation spécialisée effectuée à plein temps et à temps partiel sont inconditionnelles et suffisamment précises pour que les médecins en voie de spécialisation puissent faire valoir cette obligation à l'encontre des administrations d'un État membre devant les juridictions nationales et, d'autre part, quels sont les critères de détermination de la «rémunération appropriée».

33 Il y a lieu de rappeler que, dans l'arrêt du 25 février 1999, Carbonari e.a. (C-131/97, Rec. p. I-1103), la Cour a déjà statué sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que du point 1 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, qui prévoient une rémunération appropriée de la formation effectuée à plein temps, et a donc fourni aux juridictions nationales tous les éléments nécessaires à la solution de ce type de litige.

34 En premier lieu, la Cour a constaté que les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que le point 1 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, font obligation aux États membres, s'agissant des médecins susceptibles de bénéficier du régime de la reconnaissance mutuelle, de procéder à la rémunération des périodes de formation relatives aux spécialités médicales pour autant que celles-ci entrent dans le champ d'application de la directive. Cette obligation est, en tant que telle, inconditionnelle et suffisamment précise (voir arrêt Carbonari e.a., précité, point 44).

35 En deuxième lieu, la Cour a précisé que, afin de déterminer si le bénéfice de ce droit doit être accordé à des médecins en formation, il incombe au juge de renvoi de vérifier, d'une part, si ces médecins appartiennent à la catégorie des médecins suivant l'une des formations spécialisées énumérées aux articles 5 ou 7 de la directive «reconnaissance» (voir arrêt Carbonari e.a., précité, points 27 et 28) et, d'autre part, si cette formation se déroule conformément aux exigences de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76 (voir arrêt Carbonari e.a., précité, points 33 et 34).

36 En troisième lieu, la Cour a jugé que les dispositions de l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que le point 1 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, ne sont pas inconditionnels dans la mesure où ils ne contiennent aucune indication relative tant à l'identité de l'institution à laquelle incombe l'obligation de paiement de la rémunération appropriée qu'à ce qui doit être compris comme correspondant à une rémunération appropriée ou qu'à la méthode de fixation de cette rémunération (voir arrêt Carbonari e.a., précité, point 47).

37 Cependant, il y a lieu de relever, en quatrième lieu, que la Cour a constaté qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier dans quelle mesure l'ensemble des dispositions de droit national, et plus particulièrement, pour la période postérieure à leur entrée en vigueur, les dispositions d'une loi promulguée en vue de transposer la directive 82/76, peut être interprété, dès l'entrée en vigueur de ces dispositions, à la lumière du texte et de la finalité de cette directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci (voir arrêt Carbonari e.a., précité, point 49).

38 En dernier lieu, la Cour a précisé que, si le résultat prescrit par la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, ne pouvait être atteint par voie d'interprétation conforme, le droit communautaire imposerait à la République italienne de réparer les dommages qu'elle a causés aux particuliers pour autant que trois conditions sont remplies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers dont le contenu peut être identifié, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt Carbonari e.a., précité, point 52).

39 À cet égard, l'application rétroactive et complète des mesures d'exécution de la directive 82/76 permettrait de remédier aux conséquences dommageables de la transposition tardive de celle-ci, à la condition que cette directive ait été régulièrement transposée. Toutefois, il appartient au juge national de veiller à ce que la réparation du préjudice subi par les bénéficiaires soit adéquate. Une application rétroactive, régulière et complète des mesures d'exécution de la directive 82/76 suffirait à cette fin, sauf si les bénéficiaires établissaient l'existence de pertes complémentaires qu'ils auraient subies du fait qu'ils n'auraient pu bénéficier en temps voulu des avantages pécuniaires garantis par ladite directive et qu'il conviendrait donc de réparer également (voir arrêt Carbonari e.a., précité, point 53).

40 La juridiction de renvoi soulève, en outre, la question de l'interprétation des dispositions de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, concernant l'obligation de rémunérer d'une façon appropriée la formation spécialisée à temps partiel.

41 Il y a lieu de constater, à ce sujet, que l'analyse contenue dans l'arrêt Carbonari e.a., précité, et rappelée aux points 33 à 39 du présent arrêt, en ce qui concerne la formation à plein temps, est tout à fait transposable dans l'hypothèse d'une formation de médecin spécialiste effectuée à temps partiel.

42 Cette conclusion ressort tant de la finalité que de la lettre des directives «coordination» et 82/76. En effet, l'article 3, paragraphe 2, ainsi que le point 2 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, prévoient que la formation à temps partiel doit également faire l'objet d'une «rémunération appropriée».

43 Cette rémunération, attribuée en guise de récompense et de reconnaissance du travail accompli, est destinée aux médecins spécialistes en formation qui participent à la totalité des activités médicales du département où s'effectue la formation. Ces spécialistes consacrent en effet à cette formation pratique et théorique toute leur activité professionnelle pendant toute la durée de la semaine de travail ou, dans le cas d'un spécialiste en formation à temps partiel, une proportion significative de celle-ci.

44 La juridiction de renvoi doit donc tenir compte de la finalité des dispositions de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, ainsi comprise, en appliquant les principes rappelés aux points 33 à 39 du présent arrêt afin d'identifier tant l'institution à laquelle incombe l'obligation de paiement de la rémunération appropriée que la méthode de fixation de cette rémunération.

45 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que le point 1 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, et l'article 3, paragraphe 2, ainsi que le point 2 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, doivent être interprétés dans le sens suivant:

- L'obligation de rémunérer de manière appropriée les périodes de formation tant à plein temps qu'à temps partiel des médecins spécialistes ne s'impose que pour les spécialités médicales communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et mentionnées aux articles 5 ou 7 de la directive «reconnaissance».

- Cette obligation ne s'impose que si les conditions de la formation à plein temps énoncées au point 1 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, ou celles de la formation à temps partiel énoncées au point 2 de l'annexe de la directive «coordination», telle que modifiée par la directive 82/76, sont respectées par les médecins spécialistes en formation.

- Ladite obligation est inconditionnelle et suffisamment précise en tant qu'elle exige, pour qu'un médecin spécialiste puisse bénéficier du régime de reconnaissance mutuelle prévu par la directive «reconnaissance», que sa formation soit effectuée à plein temps ou à temps partiel et rémunérée.

- Ladite obligation ne permet toutefois pas, par elle-même, au juge national de déterminer l'identité du débiteur tenu au paiement de la rémunération appropriée non plus que le montant de celle-ci.

La juridiction nationale est toutefois tenue, lorsqu'elle applique des dispositions de droit national antérieures comme postérieures à une directive, de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette directive.

46 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n'y a pas lieu de statuer sur la seconde question relative aux critères de détermination de la rémunération appropriée.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

47 Les frais exposés par les gouvernements italien et espagnol, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(quatrième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunale civile e penale di Venezia, par ordonnance du 7 octobre 1997, dit pour droit:

L'article 2, paragraphe 1, sous c), ainsi que le point 1 de l'annexe de la directive 75/363/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin, telle que modifiée par la directive 82/76/CEE du Conseil, du 26 janvier 1982, modifiant la directive 75/362/CEE visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services, ainsi que la directive 75/363, et l'article 3, paragraphe 2, ainsi que le point 2 de l'annexe de la directive 75/363, telle que modifiée par la directive 82/76, doivent être interprétés dans le sens suivant:

- L'obligation de rémunérer de manière appropriée les périodes de formation tant à plein temps qu'à temps partiel des médecins spécialistes ne s'impose que pour les spécialités médicales communes à tous les États membres ou à deux ou plusieurs d'entre eux et mentionnées aux articles 5 ou 7 de la directive 75/362/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services.

- Cette obligation ne s'impose que si les conditions de la formation à plein temps énoncées au point 1 de l'annexe de la directive 75/363, telle que modifiée par la directive 82/76, ou celles de la formation à temps partiel énoncées au point 2 de l'annexe de la directive 75/363, telle que modifiée par la directive 82/76, sont respectées par les médecins spécialistes en formation.

- Ladite obligation est inconditionnelle et suffisamment précise en tant qu'elle exige, pour qu'un médecin spécialiste puisse bénéficier du régime de reconnaissance mutuelle prévu par la directive 75/362, que sa formation soit effectuée à plein temps ou à temps partiel et rémunérée.

- Ladite obligation ne permet toutefois pas, par elle-même, au juge national de déterminer l'identité du débiteur tenu au paiement de la rémunération appropriée non plus que le montant de celle-ci.

La juridiction nationale est toutefois tenue, lorsqu'elle applique des dispositions de droit national antérieures comme postérieures à une directive, de les interpréter, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de cette directive.