Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 18 décembre 1997. - Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. - Manquement d'Etat - Non-transposition de la directive 91/371/CEE - Application de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse concernant l'assurance directe autre que l'assurance vie. - Affaire C-360/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-07337
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1 Recours en manquement - Examen du bien-fondé par la Cour - Situation à prendre en considération - Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé
(Traité CE, art. 169)
2 Actes des institutions - Directives - Exécution par les États membres - Transposition d'une directive sans action législative - Inadmissibilité en cas de prescription expresse d'une référence à la directive
(Traité CE, art. 189, al. 3)
3 Dans le cadre d'un recours au titre de l'article 169 du traité, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour.
4 Dès lors qu'une directive prévoit expressément l'obligation pour les États membres d'assurer que les dispositions de transposition contiennent une référence à celle-ci ou soient accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle, il est nécessaire d'adopter un acte positif de transposition.
Dans l'affaire C-360/95,
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, et Mme Blanca Vilá Costa, fonctionnaire national détaché auprès du service juridique de la Commission, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
Royaume d'Espagne, représenté par M. Alberto José Navarro González, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et Mme Rosario Silva de Lapuerta, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Espagne, 4-6, boulevard E. Servais,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas adopté ni mis en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 91/371/CEE du Conseil, du 20 juin 1991, relative à l'application de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie (JO L 205, p. 48), ou, à titre subsidiaire, en n'ayant pas informé la Commission de ces dispositions, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE,
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, M. Wathelet, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. A. La Pergola,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 15 mai 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 juin 1997,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 23 novembre 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en n'ayant pas adopté ni mis en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 91/371/CEE du Conseil, du 20 juin 1991, relative à l'application de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie (JO L 205, p. 48, ci-après la «directive»), ou, à titre subsidiaire, en ne l'ayant pas informée de ces dispositions, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.
2 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive prévoit que les États membres modifient leurs dispositions nationales conformément à l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse (ci-après «l'accord») dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la notification de la directive et qu'ils en informent immédiatement la Commission.
3 N'ayant pas reçu communication des dispositions adoptées par le royaume d'Espagne pour se conformer à la directive, la Commission a, par lettre du 5 octobre 1993, mis le royaume d'Espagne en demeure de lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.
4 La Commission n'ayant reçu aucune communication lui permettant de conclure que le royaume d'Espagne s'était conformé aux obligations découlant de la directive, elle a adressé au royaume d'Espagne, le 31 octobre 1994, un avis motivé l'invitant à prendre les mesures requises pour s'y conformer dans un délai de deux mois.
5 Par lettre du 18 janvier 1995, les autorités espagnoles ont indiqué qu'elles préparaient les mesures nécessaires pour se conformer à la directive.
6 N'ayant reçu aucune communication lui permettant de conclure que le royaume d'Espagne s'était conformé ou était sur le point de se conformer aux obligations découlant de la directive, la Commission a introduit le présent recours.
7 Il convient d'abord de relever que, ainsi qu'il ressort de la requête et des observations orales de la Commission, le présent recours a pour objet la non-transposition de la directive dans les délais fixés ou, à titre subsidiaire, la non-communication des mesures de transposition.
8 Il y a lieu ensuite d'observer que le royaume d'Espagne conteste l'existence du manquement qui lui est reproché et prétend que, pour déterminer s'il y a ou non transposition de la directive, il convient d'examiner non seulement la loi n_ 30/1995, du 8 novembre 1995, de Ordenación y Supervisión de los Seguros Privados (loi relative à l'organisation et au contrôle de l'assurance privée, BOE n_ 268 du 9 novembre 1995, p. 32480, ci-après la «loi n_ 30/1995»), qui transpose dans l'ordre juridique espagnol le contenu de la directive, et, en particulier, la seizième disposition additionnelle de cette loi qui définit le régime des entreprises d'assurance suisses, mais également l'article 87 de la loi n_ 30/1995, l'article 9 du Reglamento de Ordenación del Seguro Privado (règlement relatif à l'organisation de l'assurance privée) approuvé par l'arrêté royal n_ 1348/85, du 1er août 1985 (BOE n_ 185 du 3 août 1985), dont les dispositions compatibles avec la loi n_ 30/1995 restent en vigueur, et le protocole relatif à la collaboration des autorités de contrôle des parties contractantes de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie.
9 La Commission réplique que, dans la loi n_ 30/1995, le législateur espagnol s'est limité à prévoir, dans sa seizième disposition additionnelle, la non-application aux entreprises suisses des articles 87, 88 et 89 de ladite loi, qui portent sur l'activité en Espagne d'entreprises d'assurance ayant leur siège dans des pays tiers. Une telle transposition, qui est non seulement tardive, mais également très incomplète, a été réalisée par l'intermédiaire d'un support législatif précaire et est insuffisante, car elle ne tient pas compte du système propre à l'accord.
10 A cet égard, la Commission soutient que le fait que le régime général établi aux articles 87, 88 et 89 de la loi n_ 30/1995 pour les entreprises ayant leur siège dans un pays tiers continue d'être applicable, à l'exception des cas réglementés dans la seizième disposition additionnelle (qui prévoit la non-application de ces articles aux entreprises suisses), démontre la portée limitée des mesures de transposition adoptées qui ne couvrent pas tout ce qui était prévu aux articles 11, 12, 13 et 14 de l'accord, lesquels précisent les conditions requises pour l'octroi de l'agrément administratif ainsi que la procédure permettant aux entreprises d'assurance d'exercer leurs activités en Espagne.
11 S'agissant en premier lieu des dispositions de la directive qui auraient fait l'objet, selon le royaume d'Espagne, d'une transposition par la loi n_ 30/1995, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 17 septembre 1996, Commission/Italie, C-289/94, Rec. p. I-4405, point 20).
12 Or, en l'espèce, la loi n_ 30/1995 a été adoptée après l'expiration du délai imparti par l'avis motivé, en sorte qu'elle ne saurait être prise en compte par la Cour. Ainsi, il y a lieu de considérer que les articles de l'accord qui, selon le royaume d'Espagne, auraient été transposés par la loi n_ 30/1995 n'ont pas fait l'objet d'une telle transposition.
13 S'agissant en second lieu des dispositions de la directive que le royaume d'Espagne estime être transposées par des règles en vigueur antérieurement au délai imparti par la Commission, il y a lieu de constater que, ainsi que cette dernière l'a à juste titre relevé, il est en l'espèce nécessaire d'adopter un acte positif de transposition, l'article 1er, second alinéa, de la directive prévoyant expressément l'obligation pour les États membres d'assurer que les dispositions de transposition de cette directive contiennent une référence à celle-ci ou soient accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 1997, Commission/Allemagne, C-137/96, non encore publié au Recueil, point 8). Or, les règles invoquées par le royaume d'Espagne, mentionnées au point 8 du présent arrêt, ne satisfont pas à cette condition.
14 Dès lors, il convient de constater que, en n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
Sur les dépens
15 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission a conclu à la condamnation du royaume d'Espagne aux dépens. Celui-ci ayant succombé en sa défense, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) En n'adoptant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 91/371/CEE du Conseil, du 20 juin 1991, relative à l'application de l'accord entre la Communauté économique européenne et la Confédération suisse concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
2) Le royaume d'Espagne est condamné au dépens.