61995J0329

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 mai 1997. - Procédure administrative engagée par VAG Sverige AB. - Demande de décision préjudicielle: Länsrätten i Stockholms Län - Suède. - Immatriculation des véhicules - Certificat national en matière de gaz d'échappement - Compatibilité avec la directive 70/156/CEE. - Affaire C-329/95.

Recueil de jurisprudence 1997 page I-02675


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Rapprochement des législations - Véhicules à moteur - Procédure de réception communautaire - Directive 70/156 - Faculté, pour les États membres, de s'opposer à l'immatriculation des véhicules accompagnés d'un certificat de conformité communautaire valide - Conditions - Réglementation nationale subordonnant l'immatriculation des véhicules à moteur à la présentation d'un certificat national établissant leur conformité aux exigences nationales en matière de gaz d'échappement - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 70/156, art. 7, § 1 et 3)

2 Droit communautaire - Interprétation - Actes des institutions - Déclaration inscrite au procès-verbal - Prise en considération - Inadmissibilité en l'absence de support dans l'acte lui-même

Sommaire


3 La directive 70/156 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques, telle que modifiée par la directive 92/53, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne l'immatriculation des véhicules à moteur munis d'un certificat de conformité communautaire valide à la présentation d'un certificat national qui en atteste la conformité aux exigences nationales en matière de gaz d'échappement.

En effet, il ressort de l'article 7, paragraphes 1 et 3, de ladite directive qu'un État membre ne peut refuser l'immatriculation d'un véhicule muni d'un certificat communautaire valide que s'il établit qu'il compromet gravement la sécurité routière. Dès lors, le refus d'immatriculation prévu par une réglementation nationale et fondé sur des considérations tenant à la protection de l'environnement ne remplit pas les conditions de la dérogation prévue par cette disposition.

4 Une déclaration figurant dans un procès-verbal a une valeur limitée, en ce sens qu'elle ne peut être prise en considération pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire lorsque son contenu ne trouve aucune expression dans le texte de la disposition en cause et n'a, dès lors, pas de portée juridique.

Parties


Dans l'affaire C-329/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Laensraetten i Stockholms laen (Suède) et tendant à obtenir, dans une procédure administrative engagée par

VAG Sverige AB,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1), et des articles 30 et 36 du traité CE,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet et M. Wathelet (rapporteur), juges,

avocat général: M. G. Tesauro,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour VAG Sverige AB, par MM. Ulf Roos, ingenjoer, et Carl Riben, bolagsjurist, assistés de Me Francis Herbert, avocat au barreau de Bruxelles,

- pour le gouvernement suédois, par Mme Lotty Nordling, raettschef au département du commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par M. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement français, par Mmes Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Régine Loosli-Surrans, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Michel Nolin et Knut Simonsson, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de VAG Sverige AB, représenté par Me Francis Herbert, du gouvernement suédois, représenté par Mme Lotty Nordling, du gouvernement allemand, représenté par M. Bernd Kloke, Oberregierungsrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par Mme Régine Loosli-Surrans, et de la Commission, représentée par MM. Michel Nolin et Knut Simonsson, à l'audience du 23 janvier 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 février 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 13 octobre 1995, parvenue à la Cour le 19 octobre suivant, le Laensraetten i Stockholms laen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à la directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1, ci-après la «directive 70/156» ou la «directive-cadre»), et aux articles 30 et 36 du traité CE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une procédure administrative engagée par VAG Sverige AB, agent général en Suède pour les véhicules de marques Audi et Volkswagen, contre le refus d'immatriculation par le Laensstyrelsen i Stockholms laen (ci-après la «préfecture de la région de Stockholm») d'un véhicule neuf de type Audi A 4.

3 La réglementation communautaire en matière de véhicules à moteur se compose, d'une part, d'une directive-cadre, la directive 70/156, qui organise une procédure de réception communautaire et, d'autre part, de plus de quarante directives dites «particulières» qui harmonisent les règles techniques. Elle permet aux constructeurs de véhicules de type M1, c'est-à-dire des véhicules affectés au transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum, d'obtenir, auprès des autorités d'un État membre, un agrément valable dans tous les États membres («réception communautaire») pour un modèle («type de véhicule»), si celui-ci répond aux spécifications de chacune des directives particulières. Jusqu'au 31 décembre 1995, les constructeurs pouvaient opter pour le système de la réception communautaire ou celui de la réception nationale. Depuis lors, le système de la réception communautaire est devenu obligatoire, se substituant aux procédures et aux normes techniques nationales.

4 En vertu de la directive 70/156, telle que modifiée, en dernier lieu à l'époque des faits au principal, par la directive 92/53/CEE du Conseil, du 18 juin 1992 (JO L 225, p. 1), la demande de réception communautaire est introduite par le constructeur auprès de l'autorité compétente d'un État membre (article 3, paragraphe 1). Toute demande relative à un type de véhicule, de système, de composant ou d'entité technique ne peut d'ailleurs être introduite qu'auprès d'un seul État membre (article 3, paragraphe 5). Elle est accompagnée d'un «dossier constructeur» et, le cas échéant, de fiches de réception qui auraient déjà été obtenues au titre de chacune des directives particulières (article 3, paragraphes 1 et 2).

5 Jusqu'au moment où la réception communautaire est délivrée ou refusée, le dossier relatif à chaque directive particulière est mis à la disposition des autorités compétentes en matière de réception dudit État membre (article 3, paragraphe 1). Celles-ci remplissent une fiche de réception dans laquelle il est attesté que le type de véhicule en cause est conforme aux informations contenues dans le «dossier constructeur» et satisfait aux exigences techniques prescrites par chacune des directives particulières (article 4, paragraphes 1 et 3). La fiche ainsi remplie est envoyée au demandeur (article 4, paragraphe 3).

6 Sur cette base, le constructeur délivre un certificat de conformité pour chaque véhicule de la série, par lequel il atteste que le véhicule est conforme au type réceptionné (article 6, paragraphe 1).

7 L'article 7, paragraphe 1, prévoit que «Chaque État membre immatricule des véhicules neufs ou en permet la vente ou la mise en service pour des motifs ayant trait à leur construction ou à leur fonctionnement si, et seulement si, ces véhicules sont accompagnés d'un certificat de conformité valide».

8 Toutefois, le paragraphe 3 de la même disposition ajoute que, «Si un État membre établit que des véhicules, des composants ou des entités techniques d'un type particulier compromettent gravement la sécurité routière, bien qu'ils soient accompagnés d'un certificat de conformité en cours de validité ou soient marqués d'une façon adéquate, il peut, pendant six mois au maximum, refuser d'immatriculer de tels véhicules ou interdire la vente ou la mise en service sur son territoire de tels véhicules, composants ou entités techniques. Il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission, en motivant sa décision. Si l'État membre qui a procédé à la réception conteste les risques allégués pour la sécurité routière dont il a reçu notification, les États membres intéressés s'emploient à régler le différend. La Commission est tenue informée et procède, en tant que de besoin, aux consultations nécessaires pour aboutir à une solution».

9 Le 24 mai 1995, la préfecture de la région de Stockholm a refusé d'immatriculer un véhicule neuf de type Audi A 4. Le constructeur ayant opté pour le système de la réception communautaire, ce véhicule était toutefois dûment muni d'un certificat de conformité communautaire. La préfecture a motivé son refus par le fait que le certificat de conformité national attestant que la famille de moteurs à laquelle appartenait le véhicule en cause répondait aux conditions fixées par le bilavgasfoerordningen (règlement suédois relatif aux gaz d'échappement, ci-après le «BAF») faisait défaut. Or, l'article 12, premier alinéa, point 9, de la bilregisterkungoerelsen (arrêté suédois relatif à l'immatriculation des véhicules) subordonne l'immatriculation à la présentation d'un tel certificat de conformité national en plus du certificat de conformité communautaire.

10 L'exigence d'un certificat national est liée au système suédois de contrôle des véhicules et de responsabilité du constructeur. Tout constructeur qui entend commercialiser des automobiles en Suède doit s'engager à prendre gratuitement en charge la réparation des véhicules qui, lors d'un contrôle officiel, ne répondraient plus aux normes en matière d'émission de gaz d'échappement. Cet engagement ne concerne toutefois pas les voitures de particuliers qui ont plus de cinq ans ou qui ont parcouru plus de 80 000 km. En cas de défaut majeur, il peut être imposé au constructeur de changer à ses frais certaines parties du système antipollution. Dans les cas extrêmes, celui-ci peut être obligé de rappeler l'ensemble des véhicules d'un même type (procédure dite de «recall»). Afin de garantir la bonne exécution de ces engagements, la réglementation suédoise impose aux constructeurs de véhicules fabriqués à l'étranger de désigner un représentant officiel en Suède.

11 Le certificat national suédois et le registre y relatif auraient pour objectif de classer les voitures dans une famille de moteurs, ce qui permettrait aux autorités compétentes de disposer des informations sur les véhicules défectueux nécessaires pour engager la responsabilité du constructeur.

12 La demande de certificat national doit être introduite par le fabricant à l'occasion de la sortie d'un nouveau modèle de voiture et elle vaut pour une «famille de moteurs», c'est-à-dire pour une catégorie de véhicules ayant un moteur similaire (article 2 du BAF). Le fabricant choisit lui-même la famille de moteurs dans laquelle le nouveau modèle de voiture sera classé.

13 Les conditions fixées par le BAF sont réputées satisfaites lorsque la famille des moteurs à laquelle appartient le véhicule en cause bénéficie d'une autorisation qui émane d'une autorité au sein de l'espace économique européen (article 6, deuxième alinéa, du BAF). Par voie de conséquence, lorsqu'un type de véhicule a fait l'objet d'une réception communautaire, les autorités suédoises ne procèdent pas au surplus à un contrôle afin de vérifier concrètement s'il répond aux normes nationales en matière d'émission de gaz d'échappement.

14 La délivrance du certificat national n'en est pas moins subordonnée à la présentation d'un dossier spécifique, qui concorde dans une large mesure avec celui qui a déjà été présenté par le constructeur pour obtenir la réception communautaire, ainsi qu'au paiement de divers droits dont le montant total s'élève à environ 200 SKR par véhicule vendu.

15 Devant le Laensraetten i Stockholms laen, VAG Sverige AB a fait valoir que l'interprétation de la réglementation suédoise retenue par la préfecture de la région de Stockholm était contraire au droit communautaire et, notamment, à la directive-cadre.

16 C'est dans ce contexte que le Laensraetten i Stockholms laen a posé les questions préjudicielles suivantes à la Cour:

«1) L'exigence d'un certificat (suédois) tel que prévu à l'article 12, premier alinéa, point 9, de bilregisterkungoerelsen est-elle compatible avec les dispositions de la directive 70/156/CEE, dans sa version la plus récente?

2) En cas de réponse affirmative à la question 1, l'exigence dont il s'agit est-elle compatible avec l'article 30 du traité de Rome, ou constitue-t-elle une `mesure d'effet équivalent'?

3) Dans l'hypothèse d'une réponse affirmative à la question 1, et d'une réponse à la question 2 en ce sens que la mesure doit être considérée comme une `mesure d'effet équivalent', l'exigence suédoise de production d'un tel certificat peut-elle être maintenue sur le fondement de l'article 36?»

Sur la première question

17 Par sa première question, la juridiction nationale demande en substance si la directive 70/156 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne l'immatriculation des véhicules à moteur munis d'un certificat de conformité communautaire valide à la présentation d'un certificat national qui en atteste la conformité aux exigences nationales en matière de gaz d'échappement.

18 Il ressort des paragraphes 1 et 3 de l'article 7 de la directive 70/156 qu'un État membre ne peut refuser l'immatriculation d'un véhicule muni d'un certificat communautaire valide que s'il établit qu'il compromet gravement la sécurité routière. De plus, ce refus ne peut excéder six mois et l'État membre qui prend une telle décision doit immédiatement avertir les autres États membres et la Commission.

19 En dehors de cette hypothèse très circonstanciée, les dispositions de la directive 70/156 ne prévoient aucune possibilité de refuser l'immatriculation de véhicules neufs munis d'un certificat communautaire de conformité valide.

20 Il convient de constater qu'une réglementation nationale telle que celle en cause dans le litige au principal ne remplit pas les conditions de la dérogation prévue par l'article 7, paragraphe 3. En effet, le refus d'immatriculation qu'elle prévoit est lié à des considérations tenant à la protection de l'environnement, et non à des motifs touchant à la sécurité routière.

21 Le gouvernement suédois fait toutefois valoir que, au cours des négociations relatives à l'adhésion du royaume de Suède à l'Union européenne, les représentants de cette dernière ont déclaré que, en l'absence de dispositions communautaires sur la responsabilité des fabricants, le royaume de Suède pourrait conserver son système dans le respect des directives en matière de responsabilité du fait des produits et de sécurité des produits.

22 Toutefois, il y a lieu de relever qu'aucune disposition de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume de Norvège, de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21) n'exempte le royaume de Suède du respect de la directive 70/156 ni ne retarde son application à son égard. L'annexe XII, qui détaille les mesures transitoires en matière d'environnement visées à l'article 112 de l'acte d'adhésion, ne mentionne pas en effet cette directive.

23 Au demeurant, il convient de rappeler que les déclarations figurant dans un procès-verbal ont une valeur limitée, en ce sens qu'elles ne peuvent être prises en considération pour l'interprétation d'une disposition de droit communautaire lorsque le contenu de cette déclaration ne trouve aucune expression dans les textes de la disposition en cause et n'a, dès lors, pas de portée juridique (voir arrêt du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, Rec. p. I-745, point 18).

24 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la directive 70/156 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne l'immatriculation des véhicules à moteur munis d'un certificat de conformité communautaire valide à la présentation d'un certificat national qui en atteste la conformité aux exigences nationales en matière de gaz d'échappement.

Sur les deuxième et troisième questions (articles 30 et 36 du traité)

25 Compte tenu de la réponse donnée à la première question, il n'y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

26 Les frais exposés par les gouvernements suédois, allemand et français, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

statuant sur les questions à elle soumises par le Laensraetten i Stockholms laen, par ordonnance du 13 octobre 1995, dit pour droit:

La directive 70/156/CEE du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la réception des véhicules à moteur et de leurs remorques, telle que modifiée par la directive 92/53/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale qui subordonne l'immatriculation des véhicules à moteur munis d'un certificat de conformité communautaire valide à la présentation d'un certificat national qui en atteste la conformité aux exigences nationales en matière de gaz d'échappement.