61993J0444

Arrêt de la Cour du 14 décembre 1995. - Ursula Megner et Hildegard Scheffel contre Innungskrankenkasse Vorderpfalz, devenue Innungskrankenkasse Rheinhessen-Pfalz. - Demande de décision préjudicielle: Sozialgericht Speyer - Allemagne. - Egalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale - Article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE - Emplois mineurs et emplois de courte durée - Exclusion de l'assurance vieillesse obligatoire, de l'assurance maladie et de l'obligation de cotisation au titre de l'assurance chômage. - Affaire C-444/93.

Recueil de jurisprudence 1995 page I-04741


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Politique sociale ° Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ° Champ d' application personnel de la directive 79/7 ° Population active au sens de l' article 2 de la directive ° Personnes occupant des emplois mineurs caractérisés par un nombre limité d' heures de travail et une faible rémunération ° Inclusion

(Directive du Conseil 79/7, art. 2)

2. Politique sociale ° Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ° Directive 79/7 ° Législation nationale excluant les emplois mineurs et les emplois de courte durée du régime d' assurance vieillesse obligatoire, d' assurance maladie et de l' obligation de cotisation au titre de l' assurance chômage ° Réglementation affectant principalement des femmes ° Justification objective ° Admissibilité

(Directive du Conseil 79/7, art. 4, § 1)

Sommaire


1. La directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprétée en ce sens que font partie de la population active au sens de l' article 2 de cette directive et entrent dès lors dans son champ d' application personnel les personnes occupant des emplois considérés comme mineurs, parce qu' ils comportent normalement moins de quinze heures hebdomadaires de travail et un salaire ne dépassant pas un septième du salaire mensuel moyen, ou des emplois de courte durée, caractérisés par le fait qu' ils sont habituellement limités, par nature, à un horaire normal inférieur à dix-huit heures par semaine ou font l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail.

En effet, le fait qu' une personne ne retire de son activité professionnelle qu' un faible revenu, ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, n' est, au sens du droit communautaire, de nature ni à permettre de lui dénier la qualité de travailleur, ni à l' exclure de la population active.

2. L' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées comportant un horaire normal inférieur à quinze heures par semaine et une rémunération normale ne dépassant pas un septième de la base mensuelle de référence de l' obligation d' assurance dans le cadre des régimes légaux d' assurance maladie et d' assurance vieillesse, ainsi qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées habituellement limitées, par nature, à un horaire normal inférieur à dix-huit heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail de l' obligation de cotisation dans le cadre du régime légal d' assurance chômage, ne constituent pas une discrimination fondée sur le sexe, même si ces dispositions touchent nettement plus de femmes que d' hommes, dès lors que le législateur national a pu raisonnablement estimer que la législation en cause était nécessaire pour atteindre un objectif de politique sociale étranger à toute discrimination fondée sur le sexe.

Tel est le cas lorsque l' exclusion de ces emplois de l' assurance obligatoire correspond à un principe structurel d' un régime de sécurité sociale contributif, est le seul moyen de répondre à une demande de la société pour ces emplois et est destinée à éviter une augmentation des emplois illégaux et des manoeuvres de contournement de la législation sociale.

Parties


Dans l' affaire C-444/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Sozialgericht Speyer (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ursula Megner,

Hildegard Scheffel

et

Innungskrankenkasse Vorderpfalz, devenue

Innungskrankenkasse Rheinhessen-Pfalz,

soutenue par

Landesversicherungsanstalt Rheinland-Pfalz,

Bundesanstalt fuer Arbeit,

Firma G. F. Hehl & Co.,

parties intervenantes,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. N. Kakouris (rapporteur), D. A. O. Edward et G. Hirsch, présidents de chambre, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, P. Jann, H. Ragnemalm et L. Sevón, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

° pour Mmes Megner et Scheffel, par M. Gert Siller, agent du Deutscher Gewerkschaftsbund,

° pour l' Innungskrankenkasse Vorderpfalz, par M. Ralf Imhoff, "Justitiar" de l' Innungskrankenkasse-Bundesverband,

° pour la Landesversicherungsanstalt Rheinland-Pfalz, par M. Lothar Florian, directeur,

° pour la Firma G. F. Hehl & Co., par Me Volker Daum, avocat à Mannheim,

° pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, et Bernd Kloke, Regierungsrat au même ministère, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement belge, par M. Patrick Duray, conseiller adjoint au service juridique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent,

° pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Claude Chavance, attaché principal d' administration centrale au même ministère, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement irlandais, par M. Michael A. Buckley, Chief State Solicitor, en qualité d' agent,

° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mlle S. Lucinda Hudson, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d' agent, et M. Nicholas Paines, barrister,

° pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Marie Wolfcarius, membre du service juridique, et M. Horstpeter Kreppel, fonctionnaire allemand détaché auprès de ce service, en qualité d' agents,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de Mmes Megner et Scheffel, représentées par M. Gert Siller, de l' Innungskrankenkasse Vorderpfalz, représentée par M. Ralf Imhoff, de la Firma G. F. Hehl & Co., représentée par Me Ralph Landsittel, avocat à Mannheim, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Roeder, du gouvernement français, représenté par M. Claude Chavance, du gouvernement irlandais, représenté par M. Donal O' Donnel, barrister-at-law, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. Nicholas Paines, et de la Commission, représentée par Mme Marie Wolfcarius et M. Horstpeter Kreppel, à l' audience du 8 mars 1995,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 31 mai 1995,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 26 octobre 1993, parvenue à la Cour le 18 novembre suivant, le Sozialgericht Speyer a posé, en vertu de l' article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24, ci-après la "directive").

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d' un litige opposant Mmes Megner et Scheffel à l' Innungskrankenkasse Vorderpfalz.

3 Mmes Megner et Scheffel sont employées comme agents de nettoyage auprès de la Firma G. F. Hehl & Co., entreprise de nettoyage de bâtiments. Leur horaire normal de travail est de deux heures au maximum par jour ouvrable, cinq jours par semaine. Leur rémunération est fonction de la convention collective des métiers du nettoyage de bâtiments et n' excède pas, par mois, un septième de la base mensuelle de référence.

4 Les requérantes au principal ont sollicité de l' Innungskrankenkasse Vorderpfalz la reconnaissance de leur obligation d' assurance dans le cadre du régime légal d' assurance maladie et d' assurance vieillesse ainsi que de leur obligation de cotisation au titre du régime légal d' assurance chômage.

5 Par lettre du 6 mars 1992, l' Innungskrankenkasse Vorderpfalz a refusé de faire droit à leur demande du fait qu' elles occupent des emplois mineurs ou de courte durée qui, selon la législation allemande, sont exemptés de l' obligation d' assurance et de cotisation au titre de ces régimes légaux.

6 En effet, l' article 8, paragraphe 1, point 1, du IVe livre du Sozialgesetzbuch (code social, ci-après le "SGB") prévoit qu' un emploi

"... est considéré comme mineur lorsque:

il est exercé régulièrement pendant moins de 15 heures par semaine et que régulièrement la rémunération ne dépasse pas, par mois;

...

b) ... un septième du niveau de revenu mensuel (article 18)..."

7 Le montant de référence visé sous b), ci-dessus, est fixé annuellement. Pour 1993, il était de 530 DM pour les anciens Laender et de 390 pour les nouveaux.

8 Selon l' article 7 du Ve livre du SGB, les emplois mineurs sont exemptés de l' assurance maladie obligatoire. En outre, en vertu de l' article 5, paragraphe 2, point 1, du VIe livre du SGB, ces emplois ne sont pas soumis à l' assurance vieillesse obligatoire.

9 Selon le régime légal de l' assurance chômage, le droit à une allocation ou à une assistance chômage est ouvert aux personnes ayant exercé une activité soumise à l' obligation de cotisation ou par l' écoulement d' une période assimilée (articles 100, 134, 104 et 168 de l' Arbeitsfoerderungsgesetz, loi relative à la promotion du travail, ci-après l' "AFG").

10 En vertu de l' article 169 a, paragraphes 1 et 2, de l' AFG, les travailleurs qui exercent une activité de courte durée ou un emploi mineur sont exemptés de l' obligation de cotisation.

11 L' article 102, paragraphe 1, de l' AFG définit l' "activité de courte durée" comme:

"... une activité habituellement limitée, par nature, à dix-huit heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail (...)".

12 C' est dans ces conditions que Mmes Megner et Scheffel ont saisi le Sozialgericht Speyer en faisant valoir que les dispositions nationales sur l' exemption de l' obligation d' assurance ou de cotisation au titre de ces régimes légaux constituaient une discrimination indirecte à l' égard des femmes et étaient, dès lors, incompatibles avec l' article 4, paragraphe 1, de la directive, aux termes duquel:

"Le principe de l' égalité de traitement implique l' absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l' état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne:

° le champ d' application des régimes et les conditions d' accès aux régimes,

° l' obligation de cotiser..."

13 Considérant que la solution du litige dépendait de l' interprétation de la directive, le Sozialgericht Speyer a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"L' article 4, paragraphe 1, de la directive du Conseil du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (79/7/CEE; JO L 6 du 10 janvier 1979, p. 24) doit-il être interprété en ce sens qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées comportant un horaire normal inférieur à 15 heures par semaine et une rémunération normale ne dépassant pas un septième de la base mensuelle de référence (article 18 du Sozialgesetzbuch, quatrième livre ° SGB IV) de l' obligation d' assurance dans le cadre des régimes légaux d' assurance maladie et d' assurance vieillesse (article 7 du Sozialgesetzbuch, cinquième livre ° SGB V; article 5, paragraphe 2, point 1, du Sozialgesetzbuch, sixième livre ° SGB VI; article 8, paragraphe 1, point 1, du SGB IV), ainsi qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées habituellement limitées, par nature, à un horaire normal inférieur à 18 heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail de l' obligation de cotisation dans le cadre du régime légal d' assurance chômage (article 169 a, paragraphe 1, et article 102, paragraphe 1, de l' Arbeitsfoerderungsgesetz ° AFG), constituent une discrimination fondée sur le sexe si ces dispositions touchent nettement plus de femmes que d' hommes et ne sont pas justifiées par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe?"

14 Avant d' aborder l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive, il convient d' examiner si les personnes qui occupent des emplois du type de ceux visés dans la question préjudicielle entrent dans le champ d' application de la directive.

Sur le champ d' application personnel de la directive

15 Selon son article 2, la directive "s' applique à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l' activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire et les personnes à la recherche d' un emploi, ainsi qu' aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides".

16 Il résulte de cette disposition que la notion de population active est très large, parce qu' elle vise tout travailleur, y compris celui qui est simplement à la recherche d' un emploi. En revanche, selon la jurisprudence de la Cour, la directive ne s' applique pas à des personnes qui n' ont jamais été disponibles sur le marché du travail ou qui ont cessé de l' être sans que la cause se trouve dans la survenance d' un des risques visés par la directive (voir arrêt du 27 juin 1989, Achteberg-te Riele e.a., 48/88, 106/88 et 107/88, Rec. p. 1963, point 11).

17 Le gouvernement allemand et la Firma G. F. Hehl & Co. font observer que les personnes ayant un emploi mineur ne font pas partie de la population active au sens de l' article 2 de la directive, notamment parce que le faible revenu qu' elles tirent d' un tel emploi ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins.

18 Cette thèse ne saurait être accueillie. Le fait que le revenu du travailleur ne couvre pas tous ses besoins ne saurait lui enlever la qualité de personne active. Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour qu' une activité salariée dont les revenus sont inférieurs au minimum d' existence (voir arrêt du 23 mars 1982, Levin, 53/81, Rec. p. 1035, points 15 et 16) ou dont la durée normale de travail n' excède pas dix-huit heures par semaine (voir arrêt du 13 décembre 1989, Ruzius-Wilbrink, C-102/88, Rec. p. 4311, points 7 et 17) ou douze heures par semaine (voir arrêt du 3 juin 1986, Kempf, 139/85, Rec. p. 1741, points 2 et 16) ou même dix heures par semaine (voir arrêt du 13 juillet 1989, Rinner-Kuehn, 171/88, Rec. p. 2743, point 16) n' empêche pas de considérer la personne qui l' exerce comme travailleur au sens de l' article 48 (arrêts Levin et Kempf, précités) ou 119 (arrêt Rinner-Kuehn, précité) du traité CEE ou au sens de la directive 79/7 (arrêt Ruzius-Wilbrink, précité).

19 Le gouvernement allemand fait encore observer qu' il doit en aller autrement dans la présente affaire, car il ne s' agit pas en l' occurrence de la notion de travailleur au sens de l' article 48 du traité, comme c' était notamment le cas dans l' affaire Levin, précitée, mais de la notion de travailleur au sens du droit de la sécurité sociale. Or, la définition du concept de travailleur dans ce dernier domaine relèverait de la compétence des États membres.

20 Il convient de rappeler à cet égard que, déjà dans l' arrêt du 19 mars 1964, Unger (75/63, Rec. p. 347, point 1 du dispositif), la Cour a dit pour droit que la notion de "travailleur salarié ou assimilé" visée au règlement n 3 du Conseil, du 25 septembre 1958, concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO 1958, 30, p. 561) avait, au même titre que le terme "travailleur" des articles 48 à 51, une portée communautaire. Par conséquent, la circonstance que les arrêts Levin, Kempf et Rinner-Kuehn, précités, ne concernent pas le droit de la sécurité sociale et ne portent pas sur l' interprétation de l' article 2 de la directive 79/7 n' est pas de nature à remettre en cause la constatation faite au point 18, dès lors que ces arrêts précisent la notion de travailleur au regard du principe de l' égalité de traitement.

21 Il s' ensuit que des personnes occupant des emplois mineurs du type de ceux visés dans la question préjudicielle font partie de la population active au sens de l' article 2 de la directive et entrent dès lors dans son champ d' application personnel.

Sur l' interprétation de l' article 4, paragraphe 1, de la directive

22 Par sa question, la juridiction nationale vise en substance à savoir si l' article 4, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées comportant un horaire normal inférieur à quinze heures par semaine et une rémunération normale ne dépassant pas un septième de la base mensuelle de référence de l' obligation d' assurance dans le cadre des régimes légaux d' assurance maladie et d' assurance vieillesse, ainsi qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées habituellement limitées, par nature, à un horaire normal inférieur à dix-huit heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail de l' obligation de cotisation dans le cadre du régime légal d' assurance chômage, constituent une discrimination fondée sur le sexe, lorsque ces dispositions touchent nettement plus de femmes que d' hommes et qu' elles ne sont pas justifiées par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

23 Il est constant que les réglementations nationales dont il s' agit dans l' affaire au principal n' opèrent pas de discrimination directe, dès lors qu' elles n' excluent pas les personnes occupant un emploi mineur des régimes légaux concernés sur la base de leur sexe. Il convient donc d' examiner si de telles réglementations peuvent constituer une discrimination indirecte.

24 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l' article 4, paragraphe 1, de la directive s' oppose à l' application d' une mesure nationale qui, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes que d' hommes, à moins que cette mesure ne soit justifiée par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. Tel est le cas si les moyens choisis répondent à un but légitime de la politique sociale de l' État membre dont la législation est en cause, sont aptes à atteindre l' objectif poursuivi par celle-ci et sont nécessaires à cet effet (voir arrêt du 24 février 1994, Roks e.a., C-343/92, Rec. p. I-571, points 33 et 34).

25 En l' espèce, le gouvernement allemand fait valoir, entre autres, que l' exclusion des personnes occupant des emplois mineurs des régimes légaux de sécurité sociale correspond à un principe structurel du régime allemand de sécurité sociale.

26 A l' appui des arguments du gouvernement allemand, les gouvernements du Royaume-Uni et irlandais ont notamment souligné qu' un régime contributif, tel que le régime en cause, se caractérise par la nécessité de maintenir une équivalence entre, d' une part, les cotisations versées par les assurés et les employeurs et, d' autre part, le versement des prestations en cas de survenance d' un des risques couverts par ledit régime. La structure de ce régime ne pourrait être maintenue telle qu' elle existe si l' on devait supprimer les dispositions en cause. De graves problèmes en résulteraient, notamment dans le régime légal de l' assurance vieillesse. Il s' ensuivrait que ledit régime ne pourrait plus fonctionner sur une base exclusivement contributive.

27 Par ailleurs, le gouvernement allemand explique qu' il y a une demande sociale pour les emplois mineurs, que le gouvernement estime nécessaire de servir cette demande dans le cadre de sa politique sociale en encourageant l' existence et l' offre de tels emplois, et que le seul moyen de le faire dans le cadre structurel du système de sécurité sociale allemand est l' exclusion des emplois mineurs de l' assurance obligatoire.

28 De plus, selon le gouvernement allemand, les emplois supprimés ne seraient pas remplacés par des emplois à temps plein ou à temps partiel assujettis à l' assurance obligatoire. En revanche, il y aurait une augmentation des emplois illégaux (travail dit "au noir") et un surcroît de manoeuvres de contournement (par exemple des faux indépendants), au vu de la demande sociale pour des emplois mineurs.

29 Il convient de constater que la politique sociale relève, en l' état actuel du droit communautaire, de la compétence des États membres (voir arrêt du 7 mai 1991, Commission/Belgique, C-229/89, Rec. p. I-2205, point 22). Par conséquent, il incombe à ces derniers de choisir les mesures susceptibles de réaliser l' objectif de leur politique sociale et de l' emploi. Dans l' exercice de cette compétence, les États membres disposent d' une large marge d' appréciation.

30 Il y a lieu de préciser que l' objectif de politique sociale et de l' emploi invoqué par le gouvernement allemand est objectivement étranger à toute discrimination fondée sur le sexe et que le législateur national, dans l' exercice de sa compétence, pouvait raisonnablement estimer que la législation en cause était nécessaire pour atteindre un tel objectif.

31 Dans ces conditions, la législation en cause ne saurait être qualifiée de discrimination indirecte au sens de l' article 4, paragraphe 1, de la directive.

32 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre que l' article 4, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées comportant un horaire normal inférieur à quinze heures par semaine et une rémunération normale ne dépassant pas un septième de la base mensuelle de référence de l' obligation d' assurance dans le cadre des régimes légaux d' assurance maladie et d' assurance vieillesse, ainsi qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées habituellement limitées, par nature, à un horaire normal inférieur à dix-huit heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail de l' obligation de cotisation dans le cadre du régime légal d' assurance chômage, ne constituent pas une discrimination fondée sur le sexe, même si ces dispositions touchent nettement plus de femmes que d' hommes, dès lors que le législateur national a pu raisonnablement estimer que la législation en cause était nécessaire pour atteindre un objectif de politique sociale étranger à toute discrimination fondée sur le sexe.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

33 Les frais exposés par les gouvernements allemand, belge, français, irlandais et du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par le Sozialgericht Speyer, par ordonnance du 26 octobre 1993, dit pour droit:

L' article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en oeuvre progressive du principe de l' égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, doit être interprété en ce sens qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées comportant un horaire normal inférieur à quinze heures par semaine et une rémunération normale ne dépassant pas un septième de la base mensuelle de référence de l' obligation d' assurance dans le cadre des régimes légaux d' assurance maladie et d' assurance vieillesse, ainsi qu' une réglementation nationale qui exclut les activités salariées habituellement limitées, par nature, à un horaire normal inférieur à dix-huit heures par semaine ou faisant l' objet, à l' avance, d' une telle limitation en vertu d' un contrat de travail de l' obligation de cotisation dans le cadre du régime légal d' assurance chômage, ne constituent pas une discrimination fondée sur le sexe, même si ces dispositions touchent nettement plus de femmes que d' hommes, dès lors que le législateur national a pu raisonnablement estimer que la législation en cause était nécessaire pour atteindre un objectif de politique sociale étranger à toute discrimination fondée sur le sexe.