Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

1. Leclerc-Siplec distribue de l ' essence et d ' autres carburants dans des stations service en France. Ces dernières font, semble-t-il, partie de supermarchés gérés par le même groupe sous le nom E. Leclerc. Leclerc-Siplec a demandé aux sociétés françaises de publicité télévisée TF1 Publicité et M6 Publicité de diffuser à la télévision un spot publicitaire concernant ses stations d ' essence. Elles ont refusé au motif qu ' une disposition du droit français ─ à savoir l ' article 8 du décret n° 92/280 du 27 mars 1992 ─ interdit de publicité télévisée le secteur de la distribution. Cette disposition interdit également la publicité à la télévision en faveur des boissons alcoolisées comprenant plus de 1,2 degré d ' alcool, de l ' édition littéraire, du cinéma et de la presse. Il semble que le but principal de l ' interdiction soit de protéger la presse quotidienne régionale en forçant les secteurs en question à diffuser leurs messages publicitaires dans les quotidiens régionaux plutôt qu ' à la télévision.

2. Leclerc-Siplec a assigné TF1 Publicité et M6 Publicité devant le tribunal de commerce de Paris. Elle a invité ce dernier à saisir la Cour de justice à titre préjudiciel de la question de savoir si une disposition de droit national excluant le secteur de la distribution de la publicité télévisée est compatible avec certaines dispositions du traité et avec les dispositions de la directive du Conseil communément appelée télévision sans frontières

(directive 89/552/CEE) (1) . Les parties défenderesses étaient d ' accord pour renvoyer l ' affaire à la Cour de justice, mais TF1 Publicité a demandé que la question soit élargie de manière à savoir si des secteurs entiers de l ' activité économique

(c ' est-à-dire pas seulement le secteur de la distribution) peuvent être exclus de la publicité télévisée.

3. On peut noter que Leclerc-Siplec a aussi allégué, devant la juridiction nationale, que l ' interdiction litigieuse était contraire à l ' article 10 de la convention européenne des droits de l ' homme, qui protège la liberté d ' expression.

4. Par jugement du 27 septembre 1993, le tribunal de commerce a saisi la Cour de justice de la question de savoir si:

les articles 30, 85, 86, 5 et 3-f du traité CEE ainsi que la directive 89/552 du 3 octobre 1989 doivent être interprétés comme interdisant qu ' un État membre, par voie législative ou réglementaire, puisse exclure de la publicité télévisée des secteurs de l ' activité économique, dont notamment celui de la distribution, et plus généralement si l ' article 8 du décret du 27 mars 1992 peut être considéré comme compatible avec les textes sus-visés

.

Recevabilité

5. La Commission laisse entendre que le renvoi pourrait être irrecevable parce que les parties sont d ' accord sur le résultat à obtenir, à savoir un renvoi devant la Cour conduisant à la conclusion que le décret litigieux est contraire au droit communautaire. Il n ' y a donc pas de litige entre les parties, et la Cour est appelée à donner un avis consultatif sur des questions juridiques générales. La Commission cite les arrêts Foglia II (2), Meilicke (3), Lourenço Dias (4) et Telemarsicabruzzo (5) .

6. Il résulte clairement des affaires citées par la Commission que la Cour n ' a pas compétence pour donner des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques. Il ressort aussi clairement des arrêts Foglia (I et II) que la Cour refuse dans certaines circonstances de se prononcer sur une demande de décision préjudicielle au motif que l ' article 177 du traité est utilisé comme une construction procédurale

(6) revêtant un caractère artificiel

(7) par les parties, lesquelles sont totalement d ' accord entre elles et ont arrangé un litige afin d ' obtenir une décision préjudicielle établissant l ' incompatibilité de la législation nationale avec le droit communautaire.

7. Dans l ' arrêt Foglia I, une juridiction italienne avait saisi la Cour d ' un certain nombre de questions destinées à établir, essentiellement, si la législation française sur la taxation des liqueurs était contraire aux articles 92 et 95 du traité. La Cour a jugé qu ' elle n ' était pas compétente pour se prononcer sur les questions posées par cette juridiction, au motif qu ' il n ' existait pas de véritable litige entre les parties, lequel avait été arrangé entre elles, et que rendre une décision préjudicielle dans ces conditions porterait atteinte au système de l ' ensemble des voies de recours juridictionnelles dont disposent les particuliers pour se protéger contre l ' application de lois fiscales qui seraient contraires aux dispositions du traité

(8) .

8. Il existe une analogie manifeste entre cette affaire et le cas d ' espèce. En l ' espèce, les parties sont d ' accord sur les points de droit qui ont été soulevés, et leur seul but dans cette procédure est d ' obtenir une décision préjudicielle établissant que certaines dispositions nationales sont contraires au droit communautaire. Il existe, toutefois, aussi une différence importante entre les deux affaires. Dans l ' affaire Foglia, les parties contestaient, devant une juridiction italienne, la compatibilité avec le droit communautaire d ' une loi française. Dans le cas d ' espèce, les parties contestent la validité d ' une réglementation française devant un tribunal français.

9. Il est de toute évidence essentiel que les particuliers dont les droits sont affectés par les actes législatifs ou administratifs d ' un État membre puissent les attaquer en justice et invoquer, le cas échéant, le droit communautaire, y compris avec la possibilité d ' un renvoi en application de l ' article 177 du traité; il est également important que l ' État membre concerné ait la possibilité de défendre ces actes. Il est donc souhaitable que ces procédures se déroulent dans l ' État membre dont la législation ou la pratique administrative est mise en question. Si elles avaient lieu dans un autre pays, l ' État membre concerné pourrait même ne pas le savoir et pourrait en tout état de cause avoir des difficultés pour organiser sa défense. Le fait que la législation d ' un État membre ait été attaquée devant les tribunaux d ' un autre État membre semble avoir influencé la Cour dans sa décision de rejeter la demande préjudicielle dans l ' affaire Foglia comme étant irrecevable (9), bien que dans d ' autres affaires la Cour n ' ait pas rejeté la demande préjudicielle pour ce motif (10) .

10. Nous ne pensons pas que l ' arrêt Foglia établisse une règle générale selon laquelle un renvoi préjudiciel est irrecevable uniquement parce que les parties sont d ' accord sur sa nécessité, sur les questions à déférer et sur les réponses à leur donner. Si, selon les règles de procédure d ' un État membre, il est permis de porter un problème devant les tribunaux par le biais d ' un procès amiable, il ne faudrait pas que la Cour de justice puisse interférer dans l ' autonomie procédurale de cet État membre en décidant que ce litige ne peut pas conduire à un renvoi préjudiciel en application de l ' article 177 du traité. Le gouvernement français, qui a déposé des observations écrites dans la présente affaire et était représenté à l ' audience, n ' a pas critiqué la procédure et n ' a pas laissé entendre qu ' il a été empêché de défendre le décret attaqué à cause de la manière dont le litige a été conduit.

11. Nous considérons donc que la demande de décision préjudicielle ne devrait pas être rejetée pour irrecevabilité.

La portée de la question déférée

12. La question posée par la juridiction française fait apparaître trois motifs éventuels d ' incompatibilité du décret attaqué avec le droit communautaire. En premier lieu, il peut s ' agir d ' une mesure d ' effet équivalant à une restriction quantitative à l ' importation contraire à l ' article 30 du traité; en second lieu, ce décret peut être contraire aux règles de concurrence des articles 85 et 86 du traité, lues en combinaison avec l ' article 5; en troisième lieu, il peut être incompatible avec les termes de la directive 89/552.

13. La juridiction de renvoi n ' a pas soulevé la question de la compatibilité de la réglementation attaquée avec l ' article 52 du traité, qui exige l ' abolition des restrictions à la liberté d ' établissement des ressortissants d ' un État membre dans le territoire d ' un autre État membre, ou avec l ' article 59 du traité, qui exige l ' abolition des restrictions à la libre prestation des services à l ' intérieur de la Communauté. Elle n ' a pas davantage posé directement la question de la liberté d ' expression commerciale dans le cadre de l ' article 10 de la convention européenne des droits de l ' homme. Il ressort cependant clairement de l ' ordonnance de renvoi que Leclerc-Siplec a invoqué cette disposition devant la juridiction nationale. On peut également relever qu ' aux termes du huitième considérant de la directive 89/552 la liberté de fournir des services dans le domaine de la diffusion télévisuelle est une manifestation spécifique du principe de la liberté d ' expression consacré par l ' article 10 de la convention.

14. Étant donné les termes de la question posée, nous laisserons de côté l ' article 59 du traité, qui s ' applique certainement aux restrictions frappant la publicité télévisée (11), et la question de la liberté d ' expression commerciale consacrée par l ' article 10 de la convention. Sur ce dernier point, nous noterons simplement que, si l ' on devait juger que les restrictions en cause relèvent du droit communautaire, la Cour serait compétente pour examiner leur compatibilité avec la convention (12) .

15. Nous considérons donc qu ' il convient de se concentrer sur les trois points directement soulevés par la juridiction nationale, tels qu ' exposés au point 12 ci-dessus.

16. La question formulée par la juridiction nationale pose le problème de la compatibilité avec le droit communautaire d ' une interdiction de publicité télévisée en ce qui concerne non seulement le secteur de la distribution, mais aussi les autres secteurs de l ' activité économique exclus par la réglementation attaquée. La Commission prétend que la question soulevée par le tribunal français est entièrement hypothétique en ce qui concerne l ' interdiction de publicité télévisée en faveur de ces autres secteurs de l ' activité économique. Elle laisse entendre que si, la Cour admet le renvoi, elle devrait se borner à examiner la validité de la réglementation attaquée uniquement dans la mesure où l ' interdiction de publicité télévisée frappe le secteur de la distribution.

17. L ' opinion de la Commission a beaucoup pour elle, et nous proposons de concentrer notre attention sur le secteur de la distribution, en nous contentant de quelques commentaires généraux sur les autres secteurs.

18. Nous examinerons ci-après successivement la libre circulation des marchandises, l ' interprétation de la directive 89/552 et les règles de concurrence du traité. Toutefois, il nous paraît utile de nous pencher d ' abord brièvement sur l ' importance générale de la publicité, de manière à apprécier correctement la portée des restrictions la concernant.

Le rôle de la publicité

19. Dans une économie de marché développée, fondée sur la libre concurrence, le rôle de la publicité est fondamental. Cette dernière constitue le moyen par lequel les fabricants et les distributeurs de marchandises et les prestataires de services cherchent à persuader les consommateurs d ' acheter leurs produits ou services. Comme cela a été déclaré dans un arrêt important de la Cour suprême des États-Unis, tant que nous conserverons une économie où la libre entreprise prédominera, la répartition de nos moyens se fera, dans une large mesure, par le biais de nombreuses décisions économiques privées. L ' intérêt public veut que ces décisions soient dans l ' ensemble avisées et bien documentées. A cette fin, il est indispensable que l ' information commerciale circule librement

(13) .

20. La publicité joue un rôle particulièrement important dans le lancement de nouveaux produits. C ' est par son biais que les consommateurs peuvent être amenés à abandonner telle ou telle marque à laquelle ils étaient fidèles et à faire un achat d ' essai d ' un produit d ' un autre fabricant. Sans elle, les consommateurs auraient tendance à continuer à acheter les marchandises qui leur sont familières, et il serait difficile aux fabricants de persuader les détaillants de stocker des marques inconnues qui ne pourraient pas faire l ' objet de publicité. Sans elle, il serait beaucoup plus facile aux fabricants établis de conserver leur marché, car les éventuels nouveaux entrants auraient du mal à prendre pied sur le marché. Bref, la publicité donne à l ' économie plus de fluidité et de mobilité et accroît la concurrence. L ' interdire tend à cristalliser les habitudes de consommation existantes, à scléroser les marchés et à maintenir le statu quo.

21. Ces considérations ont d ' importantes implications pour les libertés de base créées par le droit communautaire. Dans des marchés qui, malgré le processus d ' intégration économique amorcé par le traité, sont toujours dans une large mesure divisés et cloisonnés en suivant le tracé des frontières nationales, il est probable que les marques connues appartiennent de manière prédominante à des producteurs nationaux. Sans publicité il serait extrêmement difficile pour un fabricant établi dans un État membre de pénétrer le marché d ' un autre État membre où ses produits n ' ont pas encore été vendus et ne sont donc pas connus des consommateurs. En conséquence, les mesures qui interdisent ou restreignent sévèrement la publicité tendent inévitablement à protéger les fabricants nationaux et à défavoriser ceux installés dans d ' autres États membres. Des mesures de cette nature empêchent l ' interpénétration des marchés et sont contraires au concept même d ' un marché unique. La Cour devrait donc être extrêmement vigilante en appréciant la compatibilité avec le droit communautaire de restrictions concernant la publicité.

22. Le fait de reconnaître que la liberté de faire de la publicité est un corollaire essentiel des libertés fondamentales créées par le traité ne signifie bien sûr pas que les États membres ne peuvent pas réglementer et limiter la publicité. Au contraire, l ' article 36 , complété par la jurisprudence sur les exigences impératives

, laisse aux États membres un large pouvoir de soumettre la publicité à des restrictions raisonnables. Ces dernières peuvent entre autres être basées sur la protection de la santé, la moralité publique, la protection du consommateur, la loyauté des transactions et la protection de l ' environnement. Il n ' y a donc aucune raison de craindre qu ' en reconnaissant un principe général de libre publicité la Cour prive les États membres du pouvoir de réprimer les pires excès de l ' industrie publicitaire.

La libre circulation des marchandises

a) La jurisprudence de l ' article 30 antérieure à l ' arrêt Keck et Mithouard

23. L ' article 30 du traité interdit ─ sous réserve de certaines exceptions prévues par l ' article 36 ─ les restrictions quantitatives dans le commerce entre États membres ainsi que les mesures d ' effet équivalent. Le concept de mesures d ' effet équivalant à une restriction quantitative a été interprété de manière large par la Cour. Dans l ' arrêt Dassonville (14), elle a déclaré:

Toute réglementation commerciale des États membres susceptible d ' entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire est à considérer comme mesure d ' effet équivalant à des restrictions quantitatives.

24. Jusqu ' à l ' arrêt Keck et Mithouard (15), que nous examinerons plus loin, la jurisprudence de la Cour avait consacré le principe fondamental selon lequel une mesure n ' échappe pas au domaine d ' application de l ' article 30 pour le seul motif qu ' elle s ' applique sans distinction aux produits nationaux et aux produits importés. Dans l ' arrêt Rewe-Zentral (16) (connu sous le nom de jurisprudence Cassis de Dijon

), la Cour a déclaré que, lorsqu ' un produit a été commercialisé légalement dans un État membre, sa vente dans un autre État membre ne peut pas être interdite au motif qu ' il n ' est pas conforme à la législation de cet autre État membre, à moins qu ' une telle restriction ne soit justifiée pour satisfaire à des exigences impératives relatives, en particulier, à la protection du consommateur et à la loyauté des transactions.

25. L ' importance du principe de l ' arrêt Cassis de Dijon

ne peut pas être surestimée: si un État membre pouvait interdire l ' importation et la vente de produits légalement fabriqués dans un autre État membre simplement parce qu ' ils ne répondent pas aux prescriptions de la législation de l ' État membre d ' importation, il n ' y aurait pas de marché commun, au moins jusqu ' à l ' harmonisation de l ' ensemble de la législation régissant des points tels que la composition, l ' emballage et l ' étiquetage des marchandises.

26. La question est plus difficile lorsque, au lieu d ' interdire simplement la vente de certains produits légalement commercialisés dans un autre État membre, la législation nationale limite les circonstances dans lesquelles certaines marchandises ─ ou même toutes ─ peuvent être commercialisées. On parle parfois, pour se référer à cette législation, des règles définissant quand, où, comment, par qui et à quel prix les marchandises peuvent être vendues (17) . Ce type de législation n ' a normalement pas une propension aussi manifeste à interférer avec la libre circulation des marchandises que celle du type concerné dans l ' affaire Cassis de Dijon

. Mais il serait faux de dire qu ' une telle législation n ' a pas d ' effet sur le commerce entre États membres. Cet effet peut même être très important. Par exemple, la législation aux termes de laquelle les produits parapharmaceutiques ne peuvent être vendus qu ' en pharmacie peut, en restreignant sérieusement les points de vente, limiter substantiellement l ' accès au marché de produits en provenance d ' autres États membres. Il en va de même des dispositions n ' autorisant la vente de boissons alcoolisées que dans des magasins sous licence.

27. Dans un certain nombre d ' affaires tranchées dans les années 80 et au début des années 90, la Cour s ' est attaquée aux problèmes que posent les mesures nationales qui limitent les circonstances dans lesquelles les marchandises peuvent être commercialisées. Son approche n ' a pas toujours été cohérente, et deux tendances contradictoires sont apparues dans la jurisprudence. Dans certains cas, la Cour a fait une interprétation étroite du champ d ' application de l ' article 30: par exemple, elle a décidé dans l ' affaire Oebel (18) que le commerce entre les États membres n ' était pas limité, au sens de cette disposition, par une législation interdisant la livraison de produits de la boulangerie et de la pâtisserie aux détaillants entre certaines heures, puisque les livraisons aux grossistes étaient permises. Dans l ' affaire Blesgen (19), la Cour a déclaré qu ' une interdiction de vente de boissons fortement alcoolisées dans les bars et les restaurants n ' était pas de nature à entraver le commerce entre États membres, et, dans l ' affaire Quietlynn et Richards (20), elle est parvenue à une conclusion similaire en ce qui concerne l ' interdiction de vente d ' articles pornographiques en dehors de sex shops

autorisés.

28. De manière plus fréquente, la Cour a interprété largement le domaine de l ' article 30 par rapport à des mesures régissant la commercialisation. Dans l ' arrêt qui a inauguré cette tendance, l ' arrêt Oosthoek (21), il s ' agissait d ' une législation néerlandaise qui interdisait d ' offrir des produits en cadeau dans le cadre d ' une activité commerciale. Une société qui commercialisait des encyclopédies aux Pays-Bas et en Belgique était poursuivie pour avoir offert des cadeaux tels qu ' un dictionnaire ou un atlas aux acheteurs de son encyclopédie. La Cour a déclaré que:

Une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes, bien qu ' elle ne conditionne pas directement les importations, peut être de nature à restreindre le volume de celles-ci par le fait qu ' elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés. On ne saurait exclure la possibilité que le fait, pour un opérateur concerné, d ' être contraint soit d ' adopter des systèmes différents de publicité ou de promotion des ventes en fonction des États membres concernés, soit d ' abandonner un système qu ' il juge particulièrement efficace, puisse constituer un obstacle aux importations même si une telle législation s ' applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés.

La Cour a ensuite recherché, comme dans l ' affaire Cassis de Dijon

, si l ' obstacle aux importations était justifié pour satisfaire à des exigences impératives relatives à la protection du consommateur ou à la loyauté des transactions. Elle a conclu que la législation du type en cause était justifiée pour ces motifs.

29. La Cour a adopté une approche similaire dans l ' affaire Buet et EBS (22), où elle avait à examiner une loi française interdisant la vente à domicile d ' ouvrages éducatifs. M. Buet était poursuivi pour avoir utilisé cette méthode de vente pour commercialiser un cours de langues édité en Belgique. La Cour a dit que des dispositions de cette nature pouvaient faire obstacle aux importations mais étaient justifiées par des exigences impératives relatives à la protection du consommateur.

30. La Cour a opté pour une notion non moins large de l ' article 30 dans un certain nombre d ' affaires concernant les règles de publicité. Par exemple, dans l ' affaire Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía (23), la législation en cause interdisait la publicité en faveur des boissons alcoolisées de plus de 23 degrés dans les médias, dans les rues et sur les autoroutes, dans les cinémas et dans les transports publics. Tout en estimant qu ' elle n ' était pas discriminatoire, la Cour a déclaré que cette législation pouvait constituer un obstacle aux importations et devait en principe être considérée comme une mesure d ' effet équivalent au sens de l ' article 30.

31. Les affaires GB-INNO-BM (24), SARPP (25) et Yves Rocher (26) concernaient toutes des dispositions réglementant le contenu d ' annonces publicitaires. Dans la première, un gérant de supermarchés en Belgique distribuait des prospectus publicitaires à la fois en Belgique et au Luxembourg. Ces prospectus étaient conformes au droit belge mais pas à la législation luxembourgeoise. La Cour a considéré qu ' obliger le gérant belge de supermarchés à adapter sa publicité pour la rendre conforme au droit luxembourgeois constituerait une mesure d ' effet équivalent. La Cour a expressément rejeté l ' argument selon lequel les articles 30 et 36 ne concernaient pas les règles sur la publicité. Elle reprenait en cela le principe qu ' elle avait énoncé pour la première fois dans l ' affaire Oosthoek, selon lequel une législation qui limite la publicité peut restreindre le volume des échanges entre États membres parce qu ' elle affecte les possibilités de commercialisation des produits importés (27) . Dans l ' affaire SARPP, des procédures avaient été entamées contre un certain nombre de sociétés qui importaient ou commercialisaient des édulcorants de synthèse en France. Le droit français applicable interdisait, dans la publicité en faveur d ' édulcorants, toute référence au sucre ou aux propriétés physiques, chimiques ou nutritionnelles du sucre. La Cour a dit qu ' il pourrait y avoir entrave aux importations si un producteur était obligé de modifier la forme ou le contenu d ' une campagne publicitaire ou d ' abandonner un système publicitaire qu ' il juge particulièrement efficace (28) . Dans l ' affaire Yves Rocher, une firme française était poursuivie pour avoir distribué en Allemagne des catalogues et des brochures qui enfreignaient le droit allemand interdisant les comparaisons de prix accrocheuses. La Cour a jugé qu ' une telle législation était une mesure d ' effet équivalent.

32. Dans les arrêts GB-INNO-BM, SARPP et Yves Rocher, la Cour est partie de l ' idée que l ' obstacle aux échanges entre États membres était dû à des disparités en droit national. Elle a ensuite appliqué un principe analogue à celui formulé dans l ' arrêt Cassis de Dijon

, à savoir que toute annonce publicitaire conçue conformément à la législation d ' un État membre doit pouvoir être utilisée dans d ' autres États membres, à moins que les exigences impératives de protection du consommateur et de loyauté des transactions ne dictent le contraire. Si les commerçants devaient modifier leurs brochures publicitaires pour se conformer à la législation de chaque État membre, ils supporteraient le même type de charge supplémentaire qui est imposée lorsque les marchandises elles-mêmes doivent être modifiées.

33. La Cour a adopté une approche différente (ou une série d ' approches différentes) dans un certain nombre d ' arrêts (29) portant sur des restrictions à l ' ouverture des magasins le dimanche. Elle a résumé sa position dans l ' arrêt B & Q en confirmant que ces restrictions avait un objectif qui était justifié en droit communautaire et n ' étaient pas interdites par l ' article 30 dès lors que les effets restrictifs sur le commerce communautaire qui pouvaient en résulter ne dépassaient pas le cadre des effets propres à la réglementation commerciale. La Cour a déclaré que les effets restrictifs sur les échanges de règles nationales interdisant l ' ouverture des magasins le dimanche n ' étaient pas excessifs par rapport à l ' objectif poursuivi. En parvenant à cette conclusion, elle s ' est ainsi exprimée:

Le contrôle de la proportionnalité d ' une réglementation nationale qui poursuit un but légitime au regard du droit communautaire met en balance l ' intérêt national à la réalisation de ce but avec l ' intérêt communautaire à la libre circulation des marchandises. A cet égard, pour vérifier que les effets restrictifs de la réglementation en cause sur les échanges intracommunautaires ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l ' objectif visé, il importe d ' examiner si ces effets sont directs, indirects ou simplement hypothétiques et s ' ils ne gênent pas la commercialisation des produits importés plus que celle des produits nationaux

(30) .

b) Les arrêts Keck et Mithouard et Hünermund et e.a.

34. L ' arrêt Keck et Mithouard (31), rendu l ' année dernière, représentait une tentative de la part de la Cour de mettre en partie fin à la confusion créée par les contradictions de la jurisprudence antérieure. Ainsi qu ' il ressort de l ' arrêt lui-même, la Cour souhaitait décourager ce qu ' elle considérait comme un recours excessif à l ' article 30. Après avoir réaffirmé la jurisprudence Cassis de Dijon

en ce qui concerne les mesures imposant des conditions à remplir aux produits en question (telles que celles relatives à leur dénomination, leur forme, leurs dimensions, leur poids, leur composition, leur présentation, leur étiquetage et leur conditionnement), la Cour a déclaré qu ' une loi interdisant la revente à perte par les détaillants ne relevait pas du domaine de l ' article 30, en observant que:

... contrairement à ce qui a été jugé jusqu ' ici, n ' est pas apte à entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce entre États membres, au sens de la jurisprudence Dassonville, l ' application à des produits en provenance d ' autres États membres de dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente, pourvu qu ' elles s ' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national, et pourvu qu ' elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d ' autres États membres

(32) .

La jurisprudence Keck et Mithouard a ensuite été appliquée dans un certain nombre d ' arrêts dont le seul à nécessiter un examen en l ' espèce est l ' arrêt Hünermund e.a. (33) . L ' effet de l ' arrêt Keck et Mithouard reste incertain: la meilleure interprétation est peut-être qu ' il exclut du champ d ' application de l ' article 30 uniquement les mesures de nature tout à fait générale qui n ' empêchent pas les importations, agissent au point de vente et n ' ont pas d ' autre effet sur le commerce que de réduire la quantité totale de marchandises vendues, en affectant dans cette mesure les importations et les produits nationaux de la même manière.

35. Dans l ' arrêt Hünermund e.a., la Cour a appliqué la jurisprudence Keck et Mithouard à une restriction en matière de publicité. L ' affaire concernait des règles de déontologie imposées par l ' organe chargé de réglementer les activités des pharmaciens dans le Bade-Wurtemberg. Selon ces règles (34), il était interdit aux pharmaciens de faire de la publicité dans les cinémas, à la radio ou à la télévision. Ils pouvaient insérer des annonces publicitaires dans les journaux et les magazines, mais elles ne pouvaient contenir que le nom, l ' adresse et le numéro de téléphone de la pharmacie ainsi que le nom du propriétaire. Le but de ces règles était clairement d ' empêcher une concurrence excessive entre pharmaciens. Madame Hünermund et douze autres pharmaciens souhaitaient faire de la publicité pour des produits parapharmaceutiques qu ' ils étaient autorisés à vendre dans leurs pharmacies. Ils ont demandé à la juridiction administrative compétente de déclarer que les règles en question, qui les empêchaient de faire de la publicité pour des produits parapharmaceutiques en dehors de leurs pharmacies, étaient invalides, en particulier au motif qu ' elles étaient contraires à l ' article 30 du traité. L ' affaire a été renvoyée à titre préjudiciel devant la Cour de justice.

36. Après avoir cité le point 16 de l ' arrêt Keck et Mithouard, la Cour a déclaré (35) que les conditions qu ' il prévoit pour exclure une mesure du domaine de l ' article 30 sont remplies dans le cas de l ' application d ' une règle déontologique, établie par une chambre professionnelle, qui interdit aux pharmaciens de son ressort territorial de faire de la publicité, en dehors de l ' officine, pour les produits parapharmaceutiques qu ' ils sont autorisés à offrir à la vente. La Cour a observé que cette réglementation s ' appliquait, sans distinguer selon l ' origine des produits en cause, à tous les pharmaciens du ressort de la chambre professionnelle et n ' affectait pas la commercialisation des produits en provenance d ' autres États membres d ' une manière différente de celle des produits nationaux.

c) Application des arrêts Keck et Mithouard et Hünermund e.a. à l ' interdiction en question

37. Sans l ' arrêt Hünermund e.a., il n ' aurait peut-être pas été clair que la phrase dispositions nationales qui limitent ou interdisent certaines modalités de vente

de l ' arrêt Keck et Mithouard couvrait les règles relatives à la publicité. Pour les raisons exposées plus haut, les restrictions en matière de publicité peuvent menacer d ' une manière particulièrement sérieuse l ' intégration des marchés. Il est possible que dans l ' affaire Hünermund e.a. la Cour ait été influencée par la nature relativement peu significative des restrictions en cause et n ' ait pas envisagé l ' application du même critère à des restrictions plus importantes. Si le critère énoncé dans l ' arrêt Keck et Mithouard doit être appliqué aux règles françaises litigieuses en l ' espèce, il faudra examiner si ces règles s ' appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et ... affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d ' autres États membres

. A notre avis, tel est bien le cas. En premier lieu, de même que l ' interdiction de revente à perte de l ' affaire Keck et Mithouard s ' appliquait à tous les commerçants revendant des marchandises en l ' état, de même aussi en l ' espèce l ' interdiction de publicité télévisée est une mesure générale applicable à l ' ensemble du secteur de la distribution. En second lieu, excepté dans certains cas spécifiques ─ non concernés ici ─ tels que les produits vendus en recourant à la technique de la commercialisation directe à la télévision (voir point 54 ci-dessous), il est probable que l ' interdiction aura le même effet sur la vente de produits nationaux et sur celle de marchandises importées. Comme nous le verrons ci-après, toute baisse des ventes du secteur de la distribution résultant de l ' interdiction en cause affecterait pareillement produits nationaux et produits importés. En conséquence, nous concluons qu ' en cas d ' application du critère énoncé dans l ' arrêt Keck et Mithouard, l ' interdiction ne relève en principe pas du domaine de l ' article 30.

d) Une analyse différente

38. Nous préférons cependant choisir une approche différente, même si en l ' espèce il se peut qu ' elle mène à la même conclusion. A notre avis, le raisonnement de la Cour ─ mais pas le résultat ─ dans l ' arrêt Keck et Mithouard n ' est pas satisfaisant pour deux raisons. En premier lieu, il n ' est pas approprié d ' établir des distinctions strictes entre différentes catégories de dispositions et d ' appliquer des critères différents selon la catégorie à laquelle chaque règle appartient. La sévérité des restrictions imposées par différentes dispositions est simplement une question de degré. Des mesures affectant des modalités de vente peuvent créer des obstacles extrêmement importants pour les importations. Par exemple, une règle n ' autorisant la vente de certains produits que dans quelques petits magasins dans un État membre serait presque aussi restrictive qu ' une interdiction totale d ' importation et de commercialisation. Ce point est particulièrement bien illustré par les restrictions concernant la publicité: il est possible que le type de restriction en cause dans l ' affaire Hünermund e.a. n ' ait eu qu ' un faible impact sur le commerce entre États membres, mais il est difficile de prétendre que, par exemple, une interdiction totale de publicité pour un produit particulier légalement commercialisable pourrait ne pas relever de l ' article 30. Comme nous l ' expliquerons plus loin, il serait plus approprié de soumettre les restrictions à un seul critère formulé à la lumière de l ' objectif de l ' article 30.

39. En second lieu, exclure du champ d ' application de l ' article 30 des mesures qui affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits nationaux et de ceux en provenance d ' autres États membres

revient à introduire, en matière de restrictions sur les modalités de vente, un critère de discrimination. Or, ce critère ne semble pas approprié. Le principal souci des dispositions du traité sur la libre circulation des marchandises est d ' empêcher l ' apparition d ' obstacles injustifiés dans le commerce entre États membres. Lorsqu ' il existe un obstacle aux échanges entre États, il ne saurait cesser d ' exister simplement parce qu ' un obstacle identique affecte le commerce national. Il nous paraît difficile d ' accepter qu ' un État membre puisse arbitrairement restreindre la commercialisation de produits en provenance d ' un autre État membre, à la seule condition qu ' il impose la même restriction arbitraire à la commercialisation des produits nationaux. Si un État membre limite fortement l ' accès de certains produits au marché ─ par exemple en prévoyant qu ' ils ne peuvent être vendus que dans un nombre très limité d ' établissements ─ et qu ' un fabricant de ces produits dans un autre État membre subit de ce fait des pertes économiques, le fait d ' apprendre que la même perte est subie par ses concurrents établis dans l ' État membre qui impose la restriction en question ne lui apportera qu ' une maigre consolation.

40. De la même manière, sous l ' angle de la préoccupation qu ' a le traité d ' établir un marché unique, la discrimination n ' est pas un critère utile: de ce point de vue, le fait qu ' un État membre impose des restrictions similaires sur la vente de produits nationaux est tout simplement inopérant. L ' effet négatif sur le marché communautaire n ' en disparaît pas pour autant, pas plus que l ' effet négatif sur les économies des autres États membres et sur l ' économie communautaire. En réalité, l ' application du critère de discrimination conduirait au cloisonnement du marché communautaire puisque les opérateurs économiques devraient accepter toutes les restrictions sur les modalités de vente pouvant exister dans chaque État membre et devraient en fonction de cela adapter leurs propres modalités dans chaque État membre. Les restrictions au commerce ne devraient pas être appréciées par rapport aux conditions locales prévalant dans chaque État membre, mais en fonction de l ' objectif d ' accès à l ' ensemble du marché communautaire. Un critère de discrimination est donc incompatible par principe avec les objectifs du traité.

41. La question est alors de savoir quel critère appliquer pour déterminer si une mesure relève du domaine de l ' article 30. Il existe un principe directeur qui semble fournir un critère approprié: il s ' agit du principe selon lequel toutes les entreprises qui exercent une activité économique légale dans un État membre devrait avoir un accès libre à l ' ensemble du marché communautaire, à moins qu ' il n ' y ait une raison valable de leur refuser le plein accès à une partie de ce marché. Malgré quelques contradictions occasionnelles dans la motivation de certains arrêts, cela semble être le principe de base qui a inspiré l ' approche de la Cour dans sa jurisprudence allant de l ' arrêt Dassonville à l ' arrêt Keck et Mithouard en passant par l ' arrêt Cassis de Dijon

. De fait tous ces arrêts semblent, dans leur résultat, compatibles avec le principe précité, même si certains d ' entre eux paraissent être fondés sur une motivation différente.

42. Si le principe est que toutes les entreprises devraient avoir libre accès à l ' ensemble du marché communautaire, le critère approprié est alors à notre avis de savoir s ' il existe une restriction substantielle à cet accès. Cela reviendrait évidemment à introduire un critère de minimis dans l ' article 30. A partir du moment où on reconnaît la nécessité de limiter la portée de l ' article 30 pour empêcher un trop grand empiétement sur les pouvoirs réglementaires des États membres, un critère fondé sur l ' étendue de l ' obstacle au commerce entre États membres que cause une mesure en limitant l ' accès au marché paraît être la solution la plus évidente. En réalité, il est peut-être surprenant que, au vu de l ' objectif avoué d ' empêcher un recours excessif à l ' article 30, la Cour n ' ait pas opté pour une telle solution dans l ' arrêt Keck et Mithouard. La raison en est peut-être qu ' elle craignait qu ' un critère de minimis appliqué à toutes les mesures affectant le commerce des marchandises n ' incite les juridictions nationales, responsables à titre premier de l ' application de l ' article 30, à exclure de trop nombreuses mesures de l ' interdiction prévue par cette disposition. Il convient donc d ' être prudent, et l ' introduction d ' un critère de minimis nécessiterait une définition soigneuse des circonstances dans lesquelles il s ' appliquerait.

43. Il est clair qu ' il ne serait pas approprié d ' appliquer un critère de minimis à des mesures qui opèrent une discrimination ouverte à l ' égard de marchandises en provenance d ' autres États membres. Pareilles mesures sont interdites par l ' article 30 (à moins d ' être justifiées par l ' article 36) même si leur effet sur le commerce intracommunauntaire est faible: les mesures qui opèrent une discrimination ouverte sont interdites en soi.

44. Ce n ' est qu ' à l ' égard de mesures qui sont applicables sans distinction aux produits nationaux et à ceux en provenance d ' autres États membres qu ' il serait nécessaire de poser comme condition que la restriction actuelle ou potentielle à l ' accès au marché soit substantielle. L ' impact sur l ' accès au marché de mesures applicables sans distinction peut varier fortement selon la nature de la mesure en question. Lorsque cette mesure interdit la vente de marchandises légalement commercialisées dans un autre État membre (comme dans l ' affaire Cassis de Dijon

), on peut présumer qu ' elle a un impact substantiel sur l ' accès au marché, étant donné que, ou bien on leur refuse complètement l ' accès au marché, ou ces marchandises n ' y ont accès qu ' après avoir subi certaines modifications; la nécessité de modifier les produits est en elle-même un obstacle substantiel à l ' accès au marché.

45. Lorsque, d ' un autre côté, une mesure applicable sans distinction limite simplement certaines modalités de vente en stipulant quand, où, comment, par qui ou à quel prix les marchandises peuvent être vendues, son impact dépendra d ' un certain nombre de facteurs, tels que le fait de savoir si elle s ' applique à certains produits (comme dans les affaires Blesgen, Buet et EBS ou Quietlynn et Richards), ou à la plupart d ' entre eux (comme dans l ' affaire Torfaen), ou à toutes les marchandises (comme dans l ' affaire Keck et Mithouard), s ' il est possible de recourir à d ' autres modalités de vente et si l ' effet de la mesure est direct ou indirect, immédiat ou lointain, ou purement hypothétique (36) et aléatoire (37) . En conséquence, la portée de l ' obstacle à l ' accès au marché peut varier énormément: elle peut aller d ' une interdiction insignifiante à une quasi-interdiction. C ' est clairement dans ce cas qu ' un critère de minimis pourrait remplir une fonction utile. La distinction établie dans l ' arrêt Keck et Mithouard entre une interdiction de la nature en cause dans l ' affaire Cassis de Dijon

et une simple restriction sur certaines modalités de vente est donc précieuse: la première crée inévitablement une entrave substantielle au commerce entre États membres, alors que dans le cas de la seconde il ne s ' agit que d ' une possibilité. On ne peut cependant pas soutenir que ce dernier type de mesure ne peut pas affecter le commerce de manière contraire à l ' article 30 en l ' absence de discrimination. Il y aurait donc lieu d ' admettre que, à moins d ' opérer une discrimination ouverte, ces mesures ne relèvent pas automatiquement de l ' article 30, contrairement à des mesures du type de celles en cause dans l ' affaire Cassis de Dijon

, mais qu ' elles peuvent en relever si la restriction qu ' elles imposent à l ' accès au marché est substantielle.

46. On pourrait objecter que l ' approche préconisée ci-dessus est contraire à un certain nombre d ' arrêts dans lesquels la Cour a expressément rejeté l ' idée qu ' une mesure soit exclue du domaine de l ' article 30 parce que son effet sur les importations est faible. Néanmoins, dans la plupart de ces cas, la mesure en question était manifestement discriminatoire comme dans les affaires Prantl (38), Commission/France (39) et Commission/Italie (40) ; et dans cette dernière l ' effet de la mesure a en tout état de cause été jugé substantiel (41) . Il est vrai que dans l ' arrêt Van de Haar et Kaveka de Meern (42), la Cour a rejeté un critère de minimis à l ' égard d ' une mesure applicable sans distinction (à savoir une réglementation de prix); toutefois, elle l ' a fait purement dans l ' abstrait et a jugé, dans le même arrêt, qu ' une réglementation imposant les prix n ' est contraire à l ' article 30 que si les prix sont fixés à un niveau propre à empêcher les produits importés d ' être commercialisés de manière rentable ou à annuler un avantage de concurrence dont jouit le fabricant de produits importés. Cela revient, en définitive, presque au même que de dire que l ' article 30 ne s ' applique que s ' il existe un obstacle substantiel à l ' accès au marché.

47. Il reste enfin à noter que la position est différente dans le cas de l ' interdiction de taxes ayant un effet équivalent à des droits de douane en application des articles 12 et 16 du traité. La Cour a déclaré à juste titre que cette interdiction s ' applique à toutes les taxes, aussi faibles soient-elles (43) . L ' objectif de cette disposition est toutefois nettement plus spécifique que celui de l ' article 30; de plus, pareilles taxes, si faibles soient-elles, impliquen t nécessairement une entrave au flux des marchandises en raison du fait qu ' elles passent une frontière, alors que ces dispositions du traité ont précisément pour objet d ' éliminer ces frontières (44) ; ce raisonnement ne s ' applique pas avec la même force à l ' interdiction de mesures d ' effet équivalent relevant de l ' article 30.

48. Dans l ' arrêt Keck et Mithouard lui-même, le résultat est conforme à l ' approche exposée plus haut. Une loi qui interdit à tous les détaillants de tous les produits de revendre des marchandises à perte aura vraisemblablement peu d ' impact sur la commercialisation des produits importés. Elle n ' a pas d ' effet significatif sur le volume global des importations et elle n ' empêche pas un commerçant dans un autre État membre d ' avoir pleinement accès au marché. Il en ira normalement de même de dispositions restreignant les heures d ' ouverture des magasins, au moins si elles sont d ' application générale et ne limitent pas arbitrairement les possibilités de commercialisation pour une catégorie définie de produits. Une réglementation de ce type peut conduire à une légère réduction du volume total des ventes de marchandises, y compris celles qui sont importées, mais il est peu vraisemblable qu ' elle restreigne substantiellement l ' accès au marché pour les produits d ' un commerçant particulier, son impact étant réparti sur l ' ensemble des produits.

49. En conséquence, nous arrivons à la conclusion que l ' article 30 devrait s ' appliquer aux mesures non discriminatoires susceptibles de limiter substantiellement l ' accès au marché (45) .

50. Comment faut-il appliquer ce critère aux restrictions frappant la publicité? Comme nous l ' avons déjà laissé entendre, étant donné l ' importance de la liberté de la publicité, une interdiction totale de faire de la publicité pour un produit pouvant être légalement vendu dans l ' État membre dans lequel l ' interdiction est imposée et dans d ' autres États membres ne peut pas ne pas relever du domaine de l ' article 30. Une telle interdiction aurait pour effet de rendre pratiquement impossible pour les fabricants d ' autres États membres la pénétration du marché soumis à cette interdiction, si leurs produits n ' étaient pas déjà connus des consommateurs dans ce pays. Une mesure qui constitue un tel obstacle à l ' entrée des marchandises en provenance d ' autres États membres est certainement équivalente dans ses effets à une restriction quantitative aux échanges entre États membres. Même en appliquant le critère de discrimination formulé dans l ' arrêt Keck et Mithouard la conclusion serait la même: une interdiction de faire de la publicité, loin d ' être neutre dans ses effets, a tendance à affecter plus spécialement les marchandises importées.

51. La mesure directement en cause en l ' espèce est l ' interdiction qu ' impose la législation française au secteur de la distribution de faire de la publicité à la télévision. Cependant, on peut illustrer, en recourant à l ' exemple d ' une autre interdiction édictée par le même texte, la réalité de l ' entrave aux importations que même une interdiction partielle de faire de la publicité pour certains produits spécifiques peut représenter. En France, il est contraire à la loi de faire de la publicité télévisée pour les boissons alcoolisées ayant une teneur en alcool de plus de 1,2 degré. Il est possible qu ' une telle mesure s ' avère justifiée au titre de l ' article 36 du traité, mais on ne saurait prétendre qu ' elle ne relève pas de l ' article 30. Si une brasserie allemande dont les bières n ' ont jusque-là pas été commercialisées en France décide de pénétrer le marché français, il est peu probable qu ' elle aura un impact significatif, à moins de pouvoir assurer la promotion de ses produits par la publicité. La télévision est connue pour être un moyen de publicité particulièrement efficace, spécialement en ce qui concerne les produits destinés au marché de la consommation de masse. S ' il lui est impossible de faire de la publicité à la télévision, le brasseur allemand aura plus de difficultés à pénétrer le marché français, qui continuera à être dominé par les marques nationales bien établies.

52. Toutefois, il n ' est pas nécessaire que la Cour se prononce sur cette interdiction. Il n ' est pas davantage nécessaire d ' examiner si cette dernière a un impact substantiel sur l ' accès au marché en ce qui concerne d ' autres catégories de produits exclus de la publicité télévisée, à savoir les publications littéraires, les journaux et les magazines. La question dans ce cas est de savoir si une interdiction partielle de publicité pour un certain secteur de l ' économie, en l ' occurrence une interdiction de publicité télévisée pour le secteur de la distribution, ne relève pas de l ' article 30. La réponse à cette question doit, à notre avis, dépendre des effets de l ' interdiction partielle. Si elle crée un obstacle substantiel à l ' entrée des marchandises fabriquées dans un autre État membre, elle est incompatible avec l ' article 30 à moins d ' être justifiée pour des raisons admises par le droit communautaire. Si, d ' autre part, une interdiction de publicité n ' a pas d ' effet substantiel sur le commerce intracommunautaire et ne constitue pas un obstacle à la pénétration du marché pour les produits importés, rien n ' empêche de l ' exclure du domaine de l ' article 30.

53. L ' effet de l ' interdiction de publicité télévisée pour le secteur de la distribution semble plus marginal que l ' interdiction relative aux boissons alcoolisées. Comme nous l ' avons souligné, cette interdiction s ' applique à la totalité des produits, de sorte qu ' on ne peut lui reprocher de viser arbitrairement certaines catégories. Si des magasins ne peuvent pas faire de publicité à la télévision, l ' impact sur le commerce sera principalement ─ mais pas exclusivement ─ interne à l ' État membre en question. On peut envisager différents effets possibles: par exemple, il peut se produire un transfert de recettes publicitaires des entreprises gérant des chaînes télévisées à celles fournissant d ' autres modes de publicité, y compris les propriétaires de journaux (à la fois nationaux et régionaux); il se peut que les plus grands détaillants, en particulier les propriétaires de chaînes de supermarchés, qui sont en pratique les utilisateurs les plus vraisemblables de la publicité télévisée, trouvent que leur avantage de concurrence sur les petits commerçants est moindre qu ' il ne serait autrement; le volume total des ventes de marchandises en général, y compris les importations, baissera peut-être légèrement si les distributeurs ne sont pas en mesure de promouvoir les ventes par la publicité télévisée. Cependant, aucun de ces effets n ' équivaut à un impact substantiel sur les échanges entre États membres suffisant à faire jouer l ' article 30.

54. Toutefois, s ' il est vrai que les effets d ' une restriction uniquement applicable au secteur de la distribution sont généralement internes à l ' État membre concerné, il est possible d ' imaginer des situations dans lesquelles il puisse exister un véritable obstacle aux importations. Le système de commercialisation directe à la télévision, qui est devenu de plus en plus commun au cours de ces dernières années, en fournit un exemple. Un distributeur fait de la publicité pour des produits à la télévision et donne ensuite des numéros de téléphone auxquels ceux-ci peuvent être commandés dans les différents pays recevant cette chaîne de télévision. Si un tel système était interdit en France, il serait difficile de qualifier de non substantiel l ' obstacle qui en résulterait pour les échanges. Ce type d ' obstacle est, en outre, contraire au concept d ' un marché unique parce qu ' il empêche les distributeurs de développer une stratégie commerciale globale. Si dans un tel cas un distributeur établi dans un autre État membre cherchait à invoquer le traité, son action pourrait bien se fonder sur l ' article 30 ou l ' article 59. Il est aussi possible d ' envisager qu ' une entreprise d ' un autre État membre cherche à établir une chaîne de supermarchés en France: dans ce cas, l ' interdiction de publicité télévisée dans le secteur de la distribution pourrait être mise en cause au titre de l ' article 52 du traité.

55. Aucun de ces points n ' est soulevé en l ' espèce. Comme nous l ' avons dit, les effets d ' une restriction applicable au secteur de la distribution, de la nature de celle qui fait l ' objet de la présente affaire, sont d ' abord internes. Cette restriction n ' affecte qu ' une forme de publicité, même s ' il s ' agit de la plus efficace en ce qui concerne les produits de grande consommation, et la publicité des produits eux-mêmes n ' est affectée qu ' indirectement. Comme dans le cas d ' une législation restreignant les heures d ' ouverture des magasins, mentionnée plus haut (46), la mesure peut provoquer une légère diminution du volume total des ventes de marchandises, y compris les importations. On ne saurait toutefois affirmer qu ' elle a un impact substantiel sur l ' accès au marché. Elle ne tombe donc à notre avis pas sous le coup de l ' article 30.

e) La question de la justification

56. Comme nous sommes parvenus à la conclusion que la mesure en cause ne relève pas de l ' article 30, que ce soit en appliquant le critère énoncé dans l ' arrêt Keck et Mithouard ou à l ' issue de l ' analyse différente que nous avons proposée, il pourrait ne pas être nécessaire d ' examiner la justification de cette mesure; nous le ferons quand même au cas où la Cour aurait une opinion différente de l ' article 30 et nous aborderons la question en partant de l ' idée, que nous ne partageons pas, que l ' article 30 s ' applique. La mesure étant applicable sans distinction aux produits nationaux et importés, la justification peut être recherchée non seulement dans l ' article 36 du traité, mais aussi dans la liste d ' exigences impératives admises par la Cour dans la jurisprudence Cassis de Dijon

.

57. Pour que la mesure soit justifiée, il est nécessaire d ' établir a) que la mesure poursuit un objectif légitime, b) qu ' elle constitue un moyen approprié de poursuivre cet objectif et c) que l ' objectif ne pouvait pas être poursuivi de manière aussi efficace par d ' autres moyens ayant un effet moins restrictif sur le commerce entre États membres.

58. Selon le gouvernement français, l ' objectif du décret attaqué, au moins pour ce qui concerne le secteur de la distribution, est de protéger la presse régionale et de garantir le pluralisme des médias, l ' idée étant que les annonceurs empêchés d ' utiliser la télévision feront à la place de la publicité dans les quotidiens régionaux. Il n ' apparaît pas clairement si c ' est également la raison (ou l ' une des raisons) de l ' interdiction de publicité télévisée pour les boissons alcoolisées, les publications littéraires, la presse et le cinéma. Il paraît probable que le principal objectif de la limitation de la publicité en faveur des boissons alcoolisées soit de protéger la santé publique en décourageant la consommation excessive d ' alcool. On peut également concevoir que les restrictions concernant la publicité en faveur des livres, des magazines, des journaux et des oeuvres cinématographiques sont motivées par l ' idée sous-jacente qu ' une forte concurrence n ' est pas souhaitable dans le domaine culturel.

59. Il ressort clairement des arrêts Commission/France et Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía (47) que des restrictions relatives à la publicité en faveur des boissons alcoolisées peuvent être justifiées pour des motifs de protection de la santé publique, à condition qu ' elles ne soient pas discriminatoires ni disproportionnées. Apprécier la proportionnalité de l ' interdiction de publicité télévisée en faveur des boissons alcoolisées nécessiterait une analyse détaillée des effets de cette interdiction, en ce qui concerne à la fois le commerce et la santé publique, et un examen des autres solutions disponibles. Dans la présente affaire, ces points n ' ont pas fait l ' objet d ' un examen complet devant la Cour, faute sans doute de concerner directement la publicité en faveur des boissons alcoolisées, et il ne serait donc pas approprié de se prononcer définitivement sur la question de savoir si l ' interdiction de publicité est justifiée dans la mesure où elle s ' étend aux boissons alcoolisées. Nous noterons simplement que le seuil de 1,2 degré paraît anormalement faible et semble exclure même la publicité en faveur des bières faiblement alcoolisées, qu ' il est difficile de comprendre pourquoi la publicité télévisée en faveur des boissons alcoolisées est plus nuisible à la santé publique que celle en faveur des mêmes produits dans les journaux, les magazines et les cinémas, et que l ' on peut prétendre que des restrictions plus limitées (par exemple, des dispositions concernant le contenu des annonces publicitaires, semblables à celles prévues par l ' article 15 de la directive 89/552) protégeraient la santé publique tout aussi efficacement.

60. Quant à savoir si les autres restrictions imposées par le décret attaqué peuvent être justifiées au motif qu ' elles servent à protéger la presse quotidienne régionale et à préserver le pluralisme des médias, la première question qui se pose est de savoir si des objectifs de cette nature peuvent en principe justifier une mesure équivalant à une restriction quantitative à la libre circulation des marchandises. La protection de la presse et le maintien du pluralisme des médias ne sont bien sûr pas mentionnés dans l ' article 36 du traité et ils n ' ont jusqu ' à présent pas été reconnus au nombre des exigences impératives de la jurisprudence Cassis de Dijon

. La Cour a néanmoins reconnu que le maintien du pluralisme des médias pouvait justifier des restrictions à la liberté de fournir des services dans le secteur audiovisuel (48) . Nous serions donc d ' avis d ' admettre que certaines restrictions à la libre circulation des marchandises peuvent être justifiées pour protéger la presse quotidienne régionale.

61. Il n ' est cependant pas utile de s ' appesantir sur cette question parce qu ' il est en tout état de cause difficile de voir comment les mesures attaquées peuvent satisfaire à l ' exigence de proportionnalité. En premier lieu, il est douteux que ces mesures puissent être un moyen efficace de protéger la presse quotidienne régionale parce que rien ne garantit que ceux qui sont empêchés de faire de la publicité à la télévision en feront à la place dans les quotidiens régionaux; en l ' absence d ' obligation d ' affecter une partie de leur budget publicitaire à la publicité dans les quotidiens régionaux, il se peut qu ' ils choisissent d ' autres formes de publicité, sur les radios commerciales, dans les cinémas, par affiches ou dans les journaux nationaux. En second lieu, il est clair qu ' il existe d ' autres moyens de protéger la presse quotidienne régionale qui pourraient être aussi efficaces mais nuire moins au commerce entre États membres. L ' une de ces mesures est expressément mentionnée dans l ' article 19 de la directive 89/552, qui permet à un État membre de limiter le montant total du temps de programme que les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence peuvent consacrer à la publicité; une telle mesure pourrait avoir pour effet d ' augmenter le prix du temps d ' antenne disponible et rendre plus concurrentielle du point de vue prix la publicité dans les journaux, y compris les quotidiens régionaux. Une autre solution serait d ' obliger les agences gouvernementales ou les industries d ' État à faire de la publicité dans les quotidiens régionaux ou encore le gouvernement pourrait aider les journaux par le biais d ' avantages fiscaux ou même de subventions directes, sous réserve de respecter les dispositions du traité en matière d ' aides d ' État.

62. Même si la mesure attaquée était un moyen efficace d ' aider la presse quotidienne régionale, il n ' en resterait pas moins qu ' aucune bonne raison d ' imposer la charge de soutenir les quotidiens régionaux aux distributeurs, aux éditeurs littéraires, aux propriétaires de cinémas et aux cinéastes n ' a été avancée. Le choix de ces secteurs de l ' économie comme moyens de maintenir le pluralisme de la presse semble arbitraire. A notre avis, il serait difficile de prétendre qu ' une mesure d ' effet équivalant à une restriction quantitative à l ' importation est justifiée quand elle s ' applique d ' une manière arbitraire. En conséquence, si nous avions été d ' avis que la restriction sur la publicité relevait de l ' article 30, nous la considérerions comme ne pouvant pas être justifiée.

La directive 89/552/CEE du Conseil

63. L ' objectif premier de la directive 89/552, qui a été adoptée sur la base des articles 57, paragraphe 2, et 66 du traité, est de faciliter la libre circulation des émissions télévisées à l ' intérieur de la Communauté. Aux termes de ses considérants, la radiodiffusion télévisuelle constitue un service au sens du traité; le traité prévoit la libre circulation de tous les services fournis normalement contre rémunération, sans exclusion liée à leur contenu culturel ou autre, et ce droit appliqué à la diffusion de services de télévision est aussi une manifestation spécifique de la liberté d ' expression telle qu ' elle est consacrée par l ' article 10, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l ' homme (voir sixième, septième et huitième considérants). La directive poursuit cet objectif de faciliter la libre circulation de la radiodiffusion télévisuelle en prévoyant des normes minimales qui doivent être respectées par les organismes de radiodiffusion relevant de la compétence d ' un État membre. Les émissions qui sont conformes à ces normes peuvent être transmises dans les autres États membres. L ' article 2, paragraphe 2, de la directive stipule qu ' en principe les États membres assurent la liberté de réception et n ' entravent pas la retransmission sur leur territoire d ' émissions de radiodiffusion en provenance d ' autres États membres pour des raisons qui relèvent des domaines coordonnés par la directive. La seule exception à ce principe est prévue par l ' article 2, paragraphe 2, lui-même, dans la mesure où il autorise les États membres, sous réserve de conditions strictes, à suspendre la retransmission d ' émissions qui enfreignent d ' une manière manifeste, sérieuse et grave

l ' article 22 de la directive. Ce dernier impose aux États membres de s ' assurer que les organismes de radiodiffusion qui relèvent de leur compétence ne diffusent pas d ' émissions comportant des programmes susceptibles de nuire gravement à l ' épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment ceux comprenant des scènes de pornographie ou de violence gratuite.

64. Le chapitre IV (articles 10 à 21) de la directive est intitulé Publicité télévisée et parrainage

. L ' article 10 établit le principe de base selon lequel la publicité télévisée doit être distincte du reste du programme. L ' article 11 définit les modalités détaillées de cette séparation. L ' article 13 interdit la publicité télévisée pour les cigarettes et les autres produits de tabac. L ' article 14 interdit la publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale dans l ' État membre de la compétence duquel relève l ' organisme de radiodiffusion télévisuelle. L ' article 15 limite la publicité télévisée en faveur des boissons alcoolisées. L ' article 18 limite en ces termes le temps de transmission consacré à la publicité:

1. Le temps de transmission consacré à la publicité ne doit pas dépasser 15 % du temps de transmission quotidien. Toutefois, ce pourcentage peut être porté à 20 % s ' il comprend des formes de publicité telles que les offres faites directement au public en vue soit de vendre, d ' acheter ou de louer des produits, soit de fournir des services, à condition que le volume des spots publicitaires ne dépasse pas 15 %.

2. Le temps de transmission consacré aux spots publicitaires à l ' intérieur d ' une période donnée d ' une heure ne doit pas dépasser 20 %.

3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, les formes de publicité telles que les offres faites directement au public en vue soit de vendre, d ' acheter ou de louer des produits, soit de fournir des services, ne doivent pas dépasser une heure par jour.

65. L ' article 19 stipule que:

Les États membres peuvent prévoir des règles plus strictes que celles de l ' article 18 pour le temps d ' antenne et les modalités de transmission télévisée des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de manière à concilier la demande en publicité télévisée avec les intérêts du public, compte tenu notamment:

a) de la fonction d ' information, d ' éducation, de culture et de divertissement de la télévision;

b) de la sauvegarde du pluralisme de l ' information et des médias.

L ' article 20 prévoit:

Sans préjudice de l ' article 3, les États membres peuvent prévoir, dans le respect du droit communautaire, des conditions autres que celles fixées à l ' article 11, paragraphes 2 à 5, et à l ' article 18 pour les émissions qui sont destinées uniquement au territoire national et qui ne peuvent être reçues, directement ou indirectement, dans un ou plusieurs autres États membres

.

L ' article 3, paragraphe 1, contient une dérogation plus générale. Il prévoit que les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées dans les domaines couverts par la directive

(49) .

66. La directive interdit expressément la publicité télévisée en faveur de deux catégories seulement de produits ou de services: à savoir, les cigarettes et autres produits de tabac (article 13) et les médicaments et les traitements médicaux uniquement disponibles sur prescription médicale (article 14). La question qui se pose en l ' espèce est de savoir si la directive autorise les États membres à interdire la publicité télévisée, en ce qui concerne les diffuseurs qui relèvent de sa compétence, pour d ' autres catégories de produits ou secteurs d ' activité économique, comme celui de la distribution. Sur ce point, la directive est quelque peu ambiguë: elle ne dit pas clairement si d ' autres produits ou services peuvent ou non être exclus de la publicité télévisée.

67. La directive contient quatre dispositions autorisant les États membres à soumettre les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence à des conditions plus strictes que celles prévues dans la directive: les articles 3, paragraphe 1, 19 et 20, que nous avons déjà cités, et l ' article 8 qui autorise les États membres à prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes en fonction de critères linguistiques

. La dernière disposition citée n ' est clairement pas pertinente. Il est donc nécessaire d ' examiner les articles 3, paragraphe 1, 19 et 20 afin de déterminer s ' ils autorisent les États membres à interdire la publicité télévisée, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence, pour n ' importe quel produit, service ou secteur d ' activité économique autre que ceux expressément exclus de la publicité télévisée par la directive elle-même.

68. L ' article 19 permet aux États membres de prévoir des règles plus strictes que celles de l ' article 18 pour le temps d ' antenne et les modalités de transmission télévisée des organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence

. Il déroge ainsi uniquement à l ' article 18, qui ne concerne pas le type de produits ou de services qui peuvent faire l ' objet de publicité télévisée, mais le temps de transmission quotidien qui peut être consacré à la publicité. Le même argument s ' applique à l ' article 20, qui n ' autorise de dérogations qu ' aux articles 11, paragraphes 2 à 5, et 18. L ' article 11 prévoit des règles détaillées pour assurer une nette distinction entre publicité et programmes et interdit l ' insertion de publicité dans certains types de programmes. Il ne traite pas des types de produits ou services qui peuvent faire l ' objet de publicité. Il est également clair que l ' article 20 ne peut pas s ' appliquer dans les circonstances de la présente espèce, puisqu ' il n ' autorise de dérogations aux articles 11, paragraphes 2 à 5, et 18 qu ' en ce qui concerne les émissions qui sont destinées uniquement au territoire national et qui ne peuvent être reçues, directement ou indirectement, dans un ou plusieurs autres États membres

. Il suffit ici d ' observer que tant TF1 que M6 peuvent être reçues dans d ' autres États membres, au moins dans les zones frontalières.

69. Il reste à savoir si, comme le gouvernement français et la Commission le prétendent, l ' article 3, paragraphe 1, de la directive autorise les États membres à imposer le type de restriction en cause en l ' espèce. L ' objectif précis de l ' article 3, paragraphe 1, n ' est pas dénué d ' équivoque. Il semble contenir une dérogation extrêmement large aux règles normales de la directive puisqu ' il autorise les États membres à prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence. La difficulté provient de l ' absence de toute indication claire, dans les termes ou l ' économie de la directive, quant à la relation entre cette très large dérogation et les dérogations formulées de manière plus étroite dans les articles 19 et 20 (voir aussi article 8). Si l ' article 3, paragraphe 1, était interprété comme autorisant les États membres à imposer n ' importe quelle restriction aux diffuseurs relevant de leur compétence, les dérogations plus étroites des articles 19 et 20 seraient redondantes. D ' un autre côté, admettre que les États membres ne peuvent pas imposer aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence des règles plus strictes que celles de la directive sauf dans les circonstances définies dans les articles 8, 19 et 20, reviendrait à vider l ' article 3, paragraphe 1 de tout objet. Il est possible que l ' explication de cette contradiction apparente dans l ' économie de la directive réside dans sa genèse compliquée (50) .

70. Il est regrettable que la législation communautaire soit aussi ambiguë sur un point aussi important. Une chose est toutefois claire: si la directive sur la télévision sans frontières n ' existait pas, les États membres serait libres de limiter la publicité diffusée par les organismes de radiodiffusion relevant de leur compétence, sous réserve de ne pas enfreindre le traité ou toute autre disposition du droit communautaire. Nous ne pensons pas qu ' il faille interpréter la directive comme privant les États membres de ce pouvoir à moins que la directive n ' ait clairement eu cet objectif et cet effet. Rien n ' indique clairement que telle était l ' intention de ses auteurs. Au contraire, l ' économie générale de la directive vise à assurer la libre circulation des transmissions télévisées en prévoyant des normes minimales et en laissant les États membres libres d ' imposer des règles plus strictes aux organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence. Cet objectif n ' est pas menacé si les États membres interdisent à ces organismes de faire de la publicité pour certains produits et services dans des circonstances autres que celles mentionnées dans les article 13 et 14. Nous concluons qu ' une législation du type de celle en cause n ' est pas contraire à la directive.

Les règles de concurrence du traité

71. Nous pouvons traiter plus brièvement l ' argument selon lequel la législation attaquée est contraire aux articles 85 et 86 du traité.

72. L ' argument consiste en substance à dire que les concurrents de Leclerc-Siplec ont conclu un accord concernant la composition d ' un carburant sans plomb qui ne correspond à aucune norme européenne et qu ' ils ont décidé ensemble de le commercialiser par le biais d ' un système de distribution sélective dans lequel le détaillant est tenu d ' inscrire le nom du fabricant sur la pompe. Cet accord est prétendument interdit par l ' article 85 du traité et il est allégué que ces entreprises tentent abusivement d ' acquérir une position dominante contraire à l ' article 86 du traité. Cet accord a été rendu possible ou pour le moins facilité, selon Leclerc-Siplec, par les dispositions du décret attaqué parce que l ' interdiction de publicité télévisée empêche les distributeurs d ' essence, comme Leclerc-Siplec, de faire de la promotion pour leur carburant sans plomb et de concurrencer ainsi les parties à cet accord.

73. Il est clair que cet argument ne saurait aboutir. Comme l ' admet Leclerc-Siplec, les articles 85 et 86 ne concernent pas des mesures adoptées par l ' État, mais le comportement des entreprises. Il est vrai que la Cour a déclaré à maintes reprises ─ par exemple dans les arrêts Meng (51) et Ohra Schadeverzekeringen (52) ─ qu ' en vertu des dispositions combinées des articles 5, 85 et 86 du traité, les États membres ne doivent pas adopter ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d ' éliminer l ' effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Tel est le cas lorsqu ' un État membre soit impose ou favorise la conclusion d ' ententes contraires à l ' article 85 ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d ' intervention en matière économique.

74. Il est clair que le décret attaqué n ' obligeait pas ou n ' encourageait pas les concurrents de Leclerc-Siplec à conclure l ' accord invoqué. On ne saurait davantage dire, à la lumière de l ' arrêt Meng, que ce décret a renforcé un accord anticoncurrentiel. La Cour a déclaré dans cette affaire que la législation applicable à un secteur d ' assurance spécifique ne pouvait pas être considérée comme renforçant les effets d ' un accord préexistant à moins qu ' il ne reprenne simplement les termes d ' un accord conclu entre les entreprises opérant dans ce secteur. Il est également clair que le décret attaqué ne délègue pas à des entreprises privées la responsabilité de réglementer la publicité télévisée.

Conclusion

75. Nous sommes par conséquent d ' avis qu ' il y a lieu de répondre comme suit à la question posée par le tribunal de commerce de Paris:

1) Une mesure, adoptée par un État membre, qui interdit aux distributeurs qui y sont établis de faire de la publicité télévisée, ne constitue pas une mesure d ' effet équivalant à une restriction quantitative à l ' importation, au sens de l ' article 30 du traité CEE.

2) Une telle mesure n ' est pas contraire à la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l ' exercice d ' activités de radiodiffusion télévisuelle.

3) Une telle mesure n ' est pas contraire aux articles 85 et 86 du traité CEE, lus en combinaison avec l ' article 5 du traité

.

(1) .

(1) Directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l ' exercice d ' activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23).

(2) Arrêt du 16 décembre 1981 (244/80, Rec. p. 3045); voir aussi arrêt Foglia I du 11 mars 1980 (104/79, Rec. p. 745).

(3) Arrêt du 16 juillet 1992 (C-83/91, Rec. p. I-4871).

(4) Arrêt du 16 juillet 1992 (C-343/90, Rec. p. I-4673).

(5) Arrêt du 26 janvier 1993 (C-320/90, C-321/90 et C-322/90, Rec. p. I-393).

(6) Foglia II, précité dans la note 2, point 18.

(7) Foglia I, précité dans la note 2, point 10 des motifs.

(8) Foglia I, précité dans la note 2, point 11 des motifs.

(9) Voir points 28 à 30 de l ' arrêt Foglia II, précité dans la note 2.

(10) Voir, par exemple, arrêt du 23 novembre 1989, Parfümerie-Fabrik 4711 (150/88, Rec. p. 3891, points 11 et 12).

(11) Voir arrêts du 18 mars 1980, Procureur du Roi (52/79, Rec. p. 833); du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders (352/85, Rec. p. 2085), et du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007).

(12) Arrêt du 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. p. I-2925, point 42.

(13) Virginia State Board of Pharmacy/Virginia Citizens Consumer Council 425 US 748, 48 Ed 2d (1976).

(14) Arrêt du 11 juillet 1974 (8/74, Rec. p. 837).

(15) Arrêt du 24 novembre 1993 (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097).

(16) Arrêt du 20 février 1979 (120/78, Rec. p. 649).

(17) Voir White: In search of the limits to Article 30 of the EEC Treaty

, Common Market Law Review 1989, p. 235.

(18) Arrêt du 14 juillet 1981 (155/80, Rec. p. 1993).

(19) Arrêt du 31 mars 1982 (75/81, Rec. p. 1211).

(20) Arrêt du 11 juillet 1990 (C-23/89, Rec. p. I-3059).

(21) Arrêt du 15 décembre 1982 (286/81, Rec. p. 4575).

(22) Arrêt du 16 mai 1989 (382/87, Rec. p. 1235).

(23) Arrêt du 25 juillet 1991 (C-1/90 et C-176/90, Rec. p. I-4151); voir aussi arrêt du 10 juillet 1980, Commission/France (C-152/78, Rec. p. 2299, point 11).

(24) Arrêt du 7 mars 1990 (C-362/88, Rec. p. I-667).

(25) Arrêt du 12 décembre 1990 (C-241/89, Rec. p. I-4695).

(26) Arrêt du 18 mai 1993 (C-126/91, Rec. p. I-2361).

(27) Point 7 de l ' arrêt GB-INNO-BM.

(28) Point 29 de l ' arrêt.

(29) Arrêts du 23 novembre 1989, Torfaen Borough Council (C-145/88, Rec. p. 3851); du 28 février 1991, Conforama e.a. (C-312/89, Rec. p. I-997), et du 16 décembre 1992, B & Q (C-169/91, Rec. p. I-6635).

(30) Point 15 de l ' arrêt B & Q cité dans la note 29.

(31) C-267/91 et C-268/91, précité dans la note 15 ci-dessus.

(32) Point 16 de l ' arrêt.

(33) Arrêt du 15 décembre 1993 (C-292/92, Rec. p. I-6787); voir aussi arrêts du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb (C-315/92, Rec. p. I-317) et du 2 juin 1994, Tankstation ' t Heukske et Boermans (C-401/92 et C-402/92, Rec. p. I-2199) et Punto Casa et PPV (C-69/93 et C-258/93, Rec. p. I-2355).

(34) Voir rapport d ' audience, p. I-6790.

(35) Point 22.

(36) Comme au point 15 des motifs de l ' arrêt B & Q (cité plus haut dans le paragraphe 33).

(37) Comme dans l ' arrêt du 7 mars 1990, Krantz (C-69/88, Rec. p. I-583, point 11).

(38) Arrêt du 13 mars 1984 (16/83, Rec. p. 1299).

(39) Arrêt du 14 mars 1985 (269/83, Rec. p. 837).

(40) Arrêt du 5 juin 1986 (103/84, Rec. p. 1759).

(41) Point 18 des motifs de l ' arrêt.

(42) Arrêt du 5 avril 1984 (177/82 et 178/82, Rec. p. 1797, point 13).

(43) Voir, par exemple, arrêt du 1 er juillet 1969, Commission/Italie (24/68, Rec. p. 193, point 9).

(44) Ibidem.

(45) Voir aussi Roth, Comment on Keck and Hünermund

, Common Market Law Review 1994, p. 845, spécialement p. 853.

(46) Voir ci-dessus, point 48.

(47) Cités l ' un et l ' autre dans la note 23.

(48) Voir, très récemment, arrêt du 5 octobre 1994, TV10 SA (C-23/93, non encore publié au Recueil, points 18 et 19); voir aussi article 19 de la directive télévisions sans frontières

, cité plus loin au point 64.

(49) Note ne concernant que la version anglaise des conclusions.

(50) Voir, à ce sujet, Delwit et Gobin, dans Vandersanden: Étude du cheminement de la directive télévision sans frontières: synthèses des prises de positions des institutions communautaires

, dans L ' espace audiovisuel européen , Bruxelles, 1991, p. 55 à 74.

(51) Arrêt du 17 novembre 1993 (C-2/91, p. 5751, point 14).

(52) Arrêt du 17 novembre 1993 (C-245/91, Rec. p. I-5851, point 10).