61991J0102

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 8 juillet 1992. - Doris Knoch contre Bundesanstalt für Arbeit. - Demande de décision préjudicielle: Bundessozialgericht - Allemagne. - Sécurité sociale - Allocation de chômage. - Affaire C-102/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-04341


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

1. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Chômage - Travailleur autre que frontalier au chômage complet ayant résidé, au cours de son dernier emploi, sur le territoire d' un État membre autre que l' État d' emploi - Résidence dans un État membre autre que l' État d' emploi - Critères d' appréciation

((Règlement du Conseil n 1408/71, art. 71, § 1, sous b), ii) ))

2. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Chômage - Travailleur autre que frontalier au chômage complet ayant résidé, au cours de son dernier emploi, sur le territoire d' un État membre autre que l' État d' emploi - Droit aux prestations de l' État membre de résidence nonobstant la perception antérieure de prestations de chômage dans l' État du dernier emploi

((Règlement du Conseil n 1408/71, art. 71, § 1, sous b), ii) ))

3. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Prestations - Règles communautaires anticumul - Application aux prestations de chômage

((Règlement du Conseil n 1408/71, art. 12, § 1, 67 et 71, § 1, sous b), ii) ))

4. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Prestations - Règles communautaires anticumul - Prestations de même nature en matière de chômage - Critères

(Règlement du Conseil n 1408/71, art. 12, § 1)

5. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Chômage - Législation subordonnant l' octroi des prestations à l' accomplissement de périodes d' assurance - Totalisation des périodes d' assurance - Prise en compte par l' État membre de résidence des périodes d' assurance accomplies sous la législation à laquelle le chômeur a été soumis en dernier lieu - Défalcation de la durée acquise du droit aux prestations des périodes de chômage indemnisées dans l' autre État membre

((Règlement du Conseil n 1408/71, art. 12, § 1, 67 et 71, § 1, sous b), ii) ))

6. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Chômage - Attestation délivrée par l' institution compétente de l' État membre à la législation duquel le travailleur a été soumis en dernier lieu - Effets obligatoires à l' égard des autorités nationales d' un autre État membre - Absence

(Règlement du Conseil n 574/72, art. 84, § 2)

7. Sécurité sociale des travailleurs migrants - Chômage - Travailleur autre que frontalier au chômage complet ayant résidé, au cours de son dernier emploi, sur le territoire d' un État membre autre que l' État d' emploi - Suspension du droit aux prestations dans l' État membre de résidence pendant la période de perception des prestations de l' État du dernier emploi - Conditions - Défalcation de la durée acquise du droit aux prestations des périodes de chômage indemnisées dans l' autre État membre

((Règlement du Conseil n 1408/71, art. 69 et 71, § 1, sous b), ii) ))

Sommaire


1. La notion d' État membre sur le territoire duquel réside le travailleur, figurant à l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n 1408/71, ne vise que l' État où le travailleur, bien qu' occupé dans un autre État membre, continue de résider habituellement et où se trouve également le centre habituel de ses intérêts. L' adjonction des mots "ou qui retourne sur ce territoire" implique simplement que la notion de résidence dans un État n' exclut pas nécessairement un séjour non habituel dans un autre État membre.

Aux fins de l' application de cette disposition, il convient de considérer la durée et la continuité de la résidence avant que l' intéressé se soit déplacé, la durée et le but de son absence, le caractère de l' occupation trouvée dans l' autre État membre ainsi que l' intention de l' intéressé, telle qu' elle ressort de toutes les circonstances.

Il appartient au juge national d' appliquer ces critères au cas concret dont il est saisi, en tenant compte de ce que

- le fait qu' un travailleur ait occupé pendant deux années académiques un emploi salarié comme lecteur dans un autre État membre dans le cadre d' échanges universitaires, qu' à l' issue de cette période il se soit trouvé sans emploi et que ses tentatives pour trouver du travail dans cet État se soient révélées vaines ne permet pas de considérer qu' il y avait un emploi stable;

- le critère de la durée de l' absence ne répond pas à une définition précise et n' est pas exclusif, car aucune disposition du règlement n 1408/71 ne fixe une durée maximale au-delà de laquelle l' application de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), serait nécessairement exclue, et

- la circonstance que le travailleur a bénéficié de prestations de chômage et qu' il a cherché du travail dans l' autre État membre ne constitue pas un élément déterminant pour définir le lieu de résidence au sens de la disposition précitée.

2. Un travailleur salarié, autre qu' un travailleur frontalier, qui est au chômage complet et qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d' un État membre autre que l' État membre compétent ne perd pas le bénéfice des prestations de chômage prévues par l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n 1408/71, selon la législation de l' État membre dans lequel il réside ou dans lequel il retourne, du fait qu' il a perçu auparavant de l' institution de l' État membre à la législation duquel il était soumis en dernier lieu des prestations d' assurance au titre du chômage.

3. L' interdiction de cumul de prestations prévue par l' article 12, paragraphe 1, du règlement n 1408/71, en vertu de laquelle ledit règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d' assurance obligatoire, est applicable aux prestations de chômage dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que dans celui de l' article 67 du même règlement.

4. Des prestations de chômage constituent des prestations de même nature au sens de l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement n 1408/71 lorsqu' elles sont destinées à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l' entretien d' une personne et que les différences qui existent entre ces prestations, notamment celles concernant la base de calcul et les conditions d' octroi, résultent de différences structurelles entre les régimes nationaux.

5. L' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition et la durée d' un droit aux prestations de chômage à l' accomplissement de périodes d' assurance doit, dans les cas relevant de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), et de l' article 67 du règlement n 1408/71, conformément à l' article 12, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, tenir compte pour le calcul du droit aux prestations de chômage des périodes d' assurance accomplies sous la législation à laquelle le chômeur a été soumis en dernier lieu. Elle doit toutefois décompter de la durée acquise du droit aux prestations de chômage les jours pour lesquels des prestations ont été perçues sous cette législation.

6. L' attestation que délivre, en cas de chômage et conformément à l' article 84, paragraphe 2, du règlement n 574/72, l' institution compétente de l' État membre à la législation duquel le travailleur migrant a été soumis en dernier lieu ne constitue pas une preuve irréfragable à l' égard de l' institution d' un autre État membre, compétente en matière de chômage, ni à l' égard des tribunaux de cet État, lesquels restent entièrement libres de vérifier le contenu de cette attestation.

7. Le bénéfice des prestations de la législation de l' État sur le territoire duquel réside le chômeur, ou dans lequel il retourne, ne peut être suspendu, en vertu de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement n 1408/71, que dans la mesure où il est effectivement satisfait aux conditions posées par l' article 69 dudit règlement et où l' intéressé bénéficie de ce fait des prestations dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu. En cas de suspension, l' institution compétente de l' État membre sur le territoire duquel le chômeur réside doit déduire des prestations qu' elle verse celles dont le chômeur a effectivement bénéficié dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu. La période au cours de laquelle le chômeur a réellement perçu des allocations de chômage sous la législation de ce dernier État doit être déduite de la durée du droit aux prestations de la législation de l' État de résidence.

Parties


Dans l' affaire C-102/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le Bundessozialgericht et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Doris Knoch

et

Bundesanstalt fuer Arbeit,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de: MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, M. Díez de Velasco et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. W. Van Gerven

greffier: M. D. Triantafyllou, administrateur

considérant les observations écrites présentées:

- pour le gouvernement allemand, par M. E. Roeder, Ministerialrat au ministère de l' Économie fédéral, en qualité d' agent;

- pour le gouvernement français, par MM. P. Pouzoulet, sous-directeur du droit économique au ministère des Affaires étrangères, et C. Chavance, attaché principal d' administration centrale auprès du même ministère, en qualité d' agents;

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Patakia, membre de son service juridique, assistée par M. B. Schulte, du Max-Planck-Institut de Munich, en qualité d' agents;

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement allemand, du gouvernement français et de la Commission, représentée par MM. D. Gouloussis, conseiller juridique, et B. Schulte, en qualité d' agents, à l' audience du 19 mars 1992,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 6 mai 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 21 février 1991, parvenue à la Cour le 28 mars suivant, le Bundessozialgericht a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, plusieurs questions préjudicielles concernant l' interprétation des articles 12, paragraphe 1, 67, 69, 71, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), et de l' article 84, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant des modalités d' application du règlement (CEE) n 1408/71, précité, dans sa version codifiée par le règlement (CEE) n 2001/83, précité (JO L 230, p. 86).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant Mme Doris Knoch à la Bundesanstalt fuer Arbeit (ci-après "Bundesanstalt") à la suite du refus de cette dernière d' octroyer à Mme Knoch une allocation de chômage.

3 Mme Knoch, ressortissante allemande, a exercé un emploi salarié comme lectrice de langue et de littérature allemande à l' université de Bath en Grande-Bretagne du 1er octobre 1982 au 30 juin 1983 et du 1er octobre 1983 au 30 juin 1984. Cet emploi lui avait été procuré par le Deutsche Akademische Austauschdienst (ci-après "DAAD"). Pendant la période durant laquelle elle a été employée en Grande-Bretagne, Mme Knoch y était assujettie à la sécurité sociale et elle a versé des cotisations à l' assurance chômage anglaise. En même temps, le DAAD lui a versé une indemnité compensatoire, qu' elle a perçue également pendant les vacances d' été du 1er juillet au 30 septembre 1983 et du 1er juillet au 30 septembre 1984.

4 A Bath, Mme Knoch avait loué une maison, sans faire de déclaration de changement de domicile à Bruchsal, où elle était inscrite comme demeurant au domicile de ses parents. Au cours des vacances d' été de 1983 et également en juillet 1984, elle a résidé à Bruchsal. Au début d' août 1984, elle a quitté Bruchsal et s' est rendue pour trois mois en Grande-Bretagne afin d' y chercher un travail, mais sans succès. En novembre ou décembre 1984, elle est rentrée en Allemagne.

5 A la fin de sa période d' emploi, Mme Knoch s' est inscrite au chômage à Bath. Du début du mois de juillet au 21 août 1984, elle a perçu une allocation de chômage. Lorsqu' elle est rentrée à Bruchsal, elle s' est inscrite le 19 décembre 1984 auprès des services de l' emploi à Karlsruhe et a sollicité le bénéfice de l' allocation de chômage. La Bundesanstalt a refusé d' accéder à cette demande, au motif que la période de stage n' avait pas été accomplie et que le droit communautaire ne permettait pas de tenir compte de la période passée en Grande-Bretagne.

6 Par arrêt du 28 janvier 1987, le Sozialgericht a annulé cette décision et condamné la Bundesanstalt à octroyer à Mme Knoch, à partir du 19 décembre 1984, l' allocation de chômage dans les conditions prévues par la loi. Le Landessozialgericht a ensuite rejeté, par arrêt du 16 août 1988, l' appel interjeté par la Bundesanstalt. Il a exposé à cet égard que les conditions de stage étaient remplies du fait que Mme Knoch avait occupé un emploi en Grande-Bretagne. La Bundesanstalt aurait dû prendre en compte ces périodes d' emploi, en vertu de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n 1408/71.

7 Dans son pourvoi en Revision, la Bundesanstalt invoque la violation des articles 12 et 71 du règlement n 1408/71. Elle estime que l' article 71, paragraphe 1, sous b), donne au salarié qui n' est pas un travailleur frontalier la possibilité de bénéficier des prestations de chômage soit dans l' État du dernier emploi soit dans l' État de sa résidence. L' interdiction de cumul des prestations prévue à l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement n 1408/71 aurait pour conséquence d' exclure Mme Knoch du droit aux prestations de chômage, du fait qu' elle a bénéficié de l' allocation de chômage au titre de la législation anglaise. Mme Knoch n' aurait pu faire valoir ses droits qu' au titre de la législation anglaise, en application de l' article 69 du règlement n 1408/71. Mme Knoch invoque toutefois l' article 67 du même règlement. Elle fait valoir que la Bundesanstalt doit tenir compte des périodes d' assurance qu' elle a accomplies en qualité de travailleur salarié sous la législation anglaise comme s' il s' agissait de périodes d' assurance accomplies sous la législation allemande.

8 C' est dans ces conditions que la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée à titre préjudiciel sur les questions suivantes:

"1) Un travailleur salarié autre qu' un travailleur frontalier, qui est au chômage complet et qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d' un État membre autre que l' État membre compétent, bénéficie-t-il des prestations de chômage prévues par l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), et par l' article 67 du règlement communautaire (CEE) n 1408/71, selon la législation de l' État membre dans lequel il réside ou dans lequel il retourne, même lorsqu' il a auparavant perçu de l' institution de l' État membre compétent des prestations d' assurance au titre du chômage?

2)a) L' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, qui dispose que le règlement en cause ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d' assurance obligatoire, s' applique-t-il dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que de l' article 67 du règlement (CEE) n 1408/71?

b) Quand des prestations de chômage, au sens de l' article 12, première phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, sont-elles considérées comme étant de même nature?

c) L' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition d' un droit aux prestations de chômage et sa durée à l' accomplissement de périodes d' assurance doit-elle, dans les cas relevant de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), et de l' article 67 du règlement (CEE) n 1408/71, conformément à l' article 12, paragraphe 1, première phrase du règlement (CEE) n 1408/71:

ne pas tenir compte, pour l' acquisition et la durée du droit aux prestations, des périodes d' assurance qui ont été accomplies par un salarié en vertu de la législation d' un autre État membre, dans la mesure où ces prestations ont déjà eu pour conséquence le versement d' une prestation de même nature dans un autre État membre,

ou

l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) n 1408/71 doit-il être mis en oeuvre, dans le domaine des prestations de chômage, de telle sorte que, lors du calcul du droit acquis ultérieurement, il y a certes lieu de prendre en compte les périodes d' assurance accomplies, sans tenir compte du premier droit, mais qu' il y a lieu par contre de décompter les jours pour lesquels les prestations ont été perçues en vertu du premier droit, de la durée acquise en vertu du droit acquis ultérieurement?

3)a) L' attestation délivrée en cas de chômage par l' institution compétente de l' État membre à la législation duquel le travailleur migrant a été soumis en dernier lieu, conformément à l' article 84, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 574/72, est-elle contraignante pour l' institution compétente d' un autre État membre, s' il est indiqué dans cette attestation que le travailleur migrant n' a pas droit à des prestations en vertu de l' article 69 du règlement (CEE) n 1408/71?

b) Au sens de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, dans quels cas le travailleur salarié au chômage peut-il prétendre, conformément à l' article 69 du règlement (CEE) n 1408/71, à des prestations selon la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu, avec pour conséquence que l' octroi de prestations selon la législation de l' État dans lequel il réside est provisoirement suspendu?

c) Le fait que le bénéfice des prestations servies au salarié au chômage en vertu de la législation de l' État membre de sa résidence ou dans lequel il retourne au sens de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement (CEE) n 1408/71 soit suspendu pour la période pendant laquelle il a droit à des prestations en vertu de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu, conformément à l' article 69 du règlement (CEE) n 1408/71, signifie-t-il seulement que le salarié au chômage ne perçoit pas, durant cette période, les prestations de l' institution compétente de l' État membre de résidence et qu' il peut ensuite les percevoir dans leur totalité, ou le fait qu' il soit sursis au versement des prestations a-t-il également pour conséquence que la durée du droit aux prestations soit diminuée des jours pendant lesquels ce versement a été suspendu?"

9 Pour un plus ample exposé des faits de l' affaire au principal, de la réglementation nationale, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

Observations générales

10 Afin de répondre à ces questions, il convient, à titre liminaire, de rappeler certains éléments de la jurisprudence sur les dispositions du règlement n 1408/71 concernant le chômage.

11 L' article 67, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 impose aux États membres dont la législation subordonne l' acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations de chômage à l' accomplissement de périodes d' assurance à l' obligation de tenir compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d' assurance ou d' emploi accomplies en qualité de travailleur salarié sous la législation de tout autre État membre, comme il s' agissait de périodes d' assurance accomplies sous la législation qu' ils appliquent, à condition toutefois que les périodes d' emploi eussent été considérées comme périodes d' assurance si elles avaient été accomplies sous cette législation.

12 Toutefois, l' article 67, paragraphe 3, prévoit que cette obligation ne s' applique qu' à l' État membre sous la législation duquel l' intéressé a accompli en dernier lieu des périodes d' assurance selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées, sauf dans les cas visés à l' article 71, paragraphe 1, sous a), ii), et sous b), ii).

13 L' article 71 du règlement n 1408/71 a institué des dispositions spécifiques en faveur des travailleurs salariés au chômage qui, au cours de leur dernier emploi, résidaient dans un État membre autre que l' État d' emploi.

14 Comme le rappelle l' arrêt du 22 septembre 1988, Bergemann, point 18 (236/87, Rec. p. 5125), ces dispositions visent, selon le neuvième considérant du règlement n 1408/71, du 14 juin 1971, à assurer au travailleur migrant le bénéfice des prestations de chômage dans les conditions les plus favorables à la recherche d' un nouvel emploi.

15 Le paragraphe 1, sous b), ii), de l' article 71 du règlement n 1408/71 dispose:

"Un travailleur salarié autre qu' un travailleur frontalier, qui est au chômage complet et qui se met à la disposition des services d' emploi sur le territoire de l' État membre où il réside ou qui retourne sur ce territoire, bénéficie des prestations selon les dispositions de la législation de cet État, comme s' il y avait exercé son dernier emploi; ces prestations sont servies par l' institution du lieu de résidence et à sa charge ...".

16 Comme la Cour l' a déjà précisé dans l' arrêt du 12 juin 1986, Miethe (1/85, Rec. p. 1837), selon cette disposition, les travailleurs au chômage complet disposent d' une option entre les prestations de l' État d' emploi et celles de l' État de résidence. Ils exercent cette faculté d' option en se mettant à la disposition soit des services de l' emploi de l' État du dernier emploi ((article 71, paragraphe 1, sous b), i) )) soit des services de l' emploi de l' État de résidence ((article 71, paragraphe 1, sous b), ii) )).

17 Le gouvernement français conteste l' interprétation du Bundessozialgericht selon laquelle Mme Knoch satisfait aux conditions de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), notamment dans la mesure où celui-ci estime qu' elle a continué de résider en Allemagne pendant son séjour en Grande-Bretagne. Selon lui, le cas de l' espèce au principal laisse apparaître un certain nombre d' éléments desquels il convient de déduire que Mme Knoch n' avait pas de résidence habituelle en Allemagne. Tout d' abord, elle n' a séjourné que quatre mois en Allemagne et le centre de ses intérêts ne serait pas exclusivement situé dans cet État membre puisqu' elle a cherché un emploi en Grande-Bretagne. Ensuite, l' interprétation selon laquelle, en l' espèce, l' Allemagne serait l' État de résidence au sens de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), serait inconciliable avec le droit communautaire en vigueur en matière de fiscalité, notamment avec l' article 7 de la directive 83/182/CEE du Conseil, du 28 mars 1983, relative aux franchises fiscales applicables à l' intérieur de la Communauté en matière d' importation temporaire de certains moyens de transports (JO L 105, p. 59).

18 A cet égard, il convient de rappeler, tout d' abord, que si la Cour n' a pas compétence, dans le cadre de l' article 177 du traité CEE, pour appliquer les dispositions de droit communautaire à des espèces concrètes, elle peut néanmoins fournir à la juridiction nationale les critères d' interprétation nécessaires pour lui permettre de trancher le litige.

19 Il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà fixé les critères généraux d' application des dispositions de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), dans son arrêt du 17 février 1977, Di Paolo (76/76, Rec. p. 315).

20 Cet arrêt indique, en premier lieu, que ces dispositions doivent être interprétées strictement, car elles font exception à la règle générale posée par l' article 67, paragraphe 3, du règlement n 1408/71, selon laquelle un chômeur ne peut revendiquer des prestations de chômage que s' il a accompli en dernier lieu des périodes d' assurance ou d' emploi selon les dispositions de la législation au titre de laquelle les prestations sont demandées.

21 En second lieu, la Cour a considéré, dans ce même arrêt, que la notion de l' "État membre où il réside" doit être limitée à l' État où le travailleur, bien qu' occupé dans un autre État membre, continue de résider habituellement et où se trouve également le centre habituel de ses intérêts.

22 Toutefois, la Cour a relevé, d' une part, que dès qu' un travailleur a un emploi stable dans un État membre il y a présomption qu' il y réside et, d' autre part, qu' il importe de considérer non seulement la situation familiale du travailleur, mais aussi les raisons qui l' ont amené à se déplacer et la nature du travail. La Cour a constaté enfin que l' adjonction des mots "ou qui retourne sur ce territoire" implique simplement que la notion de résidence, telle que définie ci-avant, n' exclut pas nécessairement un séjour non habituel dans un autre État membre.

23 La Cour en a déduit que, aux fins de l' application de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), il convient de considérer la durée et la continuité de la résidence avant que l' intéressé se soit déplacé, la durée et le but de son absence, le caractère de l' occupation trouvée dans l' autre État membre ainsi que l' intention de l' intéressé, telle qu' elle ressort de toutes les circonstances.

24 Il appartient au juge national d' appliquer ces critères au cas concret qui est à l' origine du litige au principal. Dans le cadre de la mission qui lui est dévolue par l' article 177 du traité, il incombe à la Cour d' indiquer au juge national les conditions dans lesquelles les circonstances de fait mentionnées dans la question préjudicielle peuvent être prises en compte pour l' application des critères définis ci-avant.

25 A cet égard, le fait que l' intéressée ait occupé pendant deux années académiques un emploi salarié comme lectrice dans un autre État membre dans le cadre d' échanges universitaires, qu' à l' issue de cette période elle se soit trouvée sans emploi et que ses tentatives pour trouver du travail dans cet État se soient révélées vaines ne permet pas de considérer qu' elle y avait un emploi stable.

26 S' agissant ensuite de la circonstance que le travailleur a occupé un emploi pendant 21 mois sur le territoire d' un autre État membre, il convient de rappeler, comme la Cour l' a déjà précisé dans son arrêt du 17 février 1977, Di Paolo, précité, que le critère de la durée de l' absence ne répond pas à une définition précise et qu' il n' est pas exclusif.

27 Il n' existe, en effet, aucune disposition du règlement n 1408/71 qui fixe une durée maximale au delà de laquelle l' application de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), serait nécessairement exclue. Une interprétation contraire se heurterait au but visé par ses dispositions, qui est d' assurer au travailleur les meilleures chances de réinsertion.

28 S' agissant enfin de la circonstance que le travailleur a bénéficié de prestations de chômage et qu' il a cherché du travail dans l' autre État membre, elle ne constitue pas un élément déterminant pour définir le lieu de résidence, au sens de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), dans cet État. Ces éléments indiquent tout au plus que le travailleur aurait éventuellement transféré sa résidence dans cet État s' il y avait trouvé du travail.

29 Quant à l' argument tiré de la notion de résidence habituelle figurant à l' article 7 de la directive 83/182, précité, il suffit d' observer qu' il s' agit là d' une définition spécifique en matière de fiscalité, dont l' interprétation doit tenir compte du but et de l' économie de la réglementation communautaire concernée.

Sur la première question

30 Il ressort de l' ordonnance de renvoi que, par la première question, la juridiction nationale cherche à savoir si un travailleur salarié qui est au chômage complet conserve, au titre du règlement n 1408/71, le droit aux prestations de chômage dans l' État membre dans lequel il réside ou dans lequel il retourne, lorsqu' il a auparavant perçu de l' institution de l' État membre compétent des prestations de chômage.

31 Suivant la juridiction de renvoi, le gouvernement allemand et la Commission, la réponse à cette question est affirmative. Le gouvernement français estime au contraire que l' article 67 du règlement n 1408/71 ne permet pas de bénéficier de prestations successives. Il invoque à cet effet la règle de l' unicité de la législation applicable, posée par l' article 13, paragraphe 1, et la règle générale de non-cumul de l' article 12 du règlement n 1408/71.

32 Comme le rappelle l' arrêt du 29 juin 1988, Rebmann (58/87, Rec. p. 3467), l' article 71 prévoit une exception à la règle générale de rattachement de l' article 13 du règlement n 1408/71, suivant lequel le travailleur salarié est soumis à la législation de l' État sur le territoire duquel il exerce une activité salariée.

33 Comme la Cour l' a observé au point 14 ci-avant, le but de l' article 71 est d' assurer au travailleur migrant le bénéfice des prestations de chômage dans les conditions les plus favorables à la recherche d' un nouvel emploi. Ce but ne serait pas atteint si, parce qu' il a opté initialement pour des prestations dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu, l' intéressé devait être privé du droit aux prestations sous le régime de l' État membre de sa résidence.

34 En outre, il résulte de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, aux termes duquel le bénéfice des prestations est suspendu pendant la période au cours de laquelle le chômeur peut prétendre, en vertu des dispositions de l' article 69, aux prestations de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu, qu' il n' est pas exclu que le chômeur puisse prétendre d' abord aux prestations de l' État de son dernier emploi et ensuite à celles de l' État de sa résidence.

35 Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question qu' un travailleur salarié autre qu' un travailleur frontalier, qui est au chômage complet et qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d' un État membre autre que l' État membre compétent, ne perd pas le bénéfice des prestations de chômage prévues par l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement n 1408/71, selon la législation de l' État membre dans lequel il réside ou dans lequel il retourne, du fait qu' il a perçu auparavant de l' institution de l' État membre à la législation duquel il était soumis en dernier lieu des prestations d' assurance au titre du chômage.

Sur la deuxième question

36 La première partie de la deuxième question vise à savoir si l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement n 1408/71 est applicable dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que dans celui de l' article 67 du même règlement.

37 A cet égard, il y lieu de rappeler que l' article 12, paragraphe 1, première phrase, prévoit une interdiction de cumul. Selon l' article 12, paragraphe 1, deuxième phrase, cette interdiction n' est pas applicable aux prestations d' invalidité, vieillesse, décès et maladie professionnelle. Il s' ensuit que l' article 12, paragraphe 1, première phrase, est applicable dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que dans celui de l' article 67 du règlement n 1408/71.

38 Par conséquent, il y lieu de répondre que l' interdiction de cumul de prestations prévue par l' article 12, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 s' applique dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que dans celui de l' article 67 du règlement n 1408/71.

39 Par la deuxième partie de la deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite connaître les critères qui permettent de conclure que des prestations de chômage sont des "prestations de même nature" au sens de l' article 12, paragraphe 1, première phrase.

40 Selon une jurisprudence constante de la Cour, des prestations de sécurité sociale doivent être regardées, indépendamment des caractéristiques propres aux différentes législations nationales, comme étant de même nature lorsque leur objet et leur finalité ainsi que leur base de calcul et leurs conditions d' octroi sont identiques. Par contre, ne doivent pas être considérés comme éléments pertinents pour la classification des prestations des caractéristiques purement formelles.

41 Il résulte du dossier que la juridiction de renvoi souhaite obtenir des précisions quant à l' exigence d' une base de calcul et de conditions d' octroi identiques, lorsqu' il existe entre deux prestations des différences ayant trait à leur durée et à leur montant ainsi qu' à la durée de la période de stage exigée.

42 A cet égard, il y lieu d' observer que, compte tenu des nombreuses différences qui existent entre les régimes nationaux de sécurité sociale, l' exigence d' une similitude complète dans les bases de calcul et les conditions d' octroi aurait pour conséquence que l' application de l' interdiction du cumul contenue à l' article 12 serait considérablement réduite. Un tel effet irait à l' encontre de l' objectif de cette interdiction, à savoir éviter des cumuls non justifiés de prestations sociales.

43 Comme il ressort de l' arrêt du 5 juillet 1983, Valentini (171/82, Rec. p. 2157), le fait que la base de calcul et les conditions d' octroi de prestations de chômage ne soient pas identiques ne constitue pas un obstacle à l' application de l' article 12, paragraphe 1, pour autant que ces différences sont liées à des caractéristiques propres aux différentes législations nationales. Ainsi, l' examen des caractéristiques propres doit être effectué dans le cadre du régime global de sécurité sociale qui est en vigueur dans un État membre.

44 Dès lors, des prestations de chômage sont à considérer comme des prestations de même nature, au sens de l' article 12, paragraphe 1, du règlement n 1408/71, si elles sont destinées à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l' entretien d' une personne et si les différences qui existent entre ces prestations, notamment celles concernant la base de calcul et les conditions d' octroi, résultent de différences structurelles entre les régimes nationaux.

45 Par conséquent, il y a lieu de répondre que des prestations de chômage constituent des prestations de même nature, au sens de l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement n 1408/71, lorsqu' elles sont destinées à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l' entretien d' une personne et que les différences qui existent entre ces prestations, notamment celles concernant la base de calcul et les conditions d' octroi, résultent de différences structurelles entre les régimes nationaux.

46 Enfin, la juridiction de renvoi souhaite savoir comment l' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition et la durée d' un droit aux prestations de chômage à l' accomplissement de périodes d' assurance doit, dans les cas relevant des articles 71, paragraphe 1, sous b), ii), et 67 du règlement n 1408/71, appliquer la règle de non-cumul de l' article 12, paragraphe 1, du même règlement.

47 A cet égard, la juridiction de renvoi a envisagé deux possibilités. Soit l' institution compétente ne tient pas compte, pour l' acquisition et la durée du droit aux prestations, des périodes d' assurance qui ont été accomplies par un salarié en vertu de la législation d' un autre État membre, dans la mesure où ces prestations ont déjà eu pour conséquence le versement d' une prestation de même nature dans un autre État membre, soit l' institution compétente tient compte, pour le calcul du droit aux prestations de chômage, des périodes d' assurance accomplies sous la législation à laquelle le chômeur a été soumis en dernier lieu. Dans ce dernier cas, elle doit toutefois décompter de la durée acquise du droit aux prestations de chômage les jours pour lesquels des prestations ont été perçues sous cette législation.

48 Il suffit d' observer que ce second mode de calcul a pour conséquence que le chômeur n' est pas ou est dans une moindre mesure soumis à une période de stage dans l' État membre de résidence, ce qui, conformément au but de l' article 71, paragraphe 1, sous b), facilite la recherche d' un emploi à son retour.

49 Par conséquent, il y lieu de répondre que l' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition et la durée d' un droit aux prestations de chômage à l' accomplissement de périodes d' assurance doit, dans les cas relevant des articles 71, paragraphe 1, sous b), ii), et 67 du règlement n 1408/71, conformément à l' article 12, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, tenir compte pour le calcul du droit aux prestations de chômage des périodes d' assurance accomplies sous la législation à laquelle le chômeur a été soumis en dernier lieu. Elle doit toutefois décompter de la durée acquise du droit aux prestations de chômage les jours pour lesquels des prestations ont été perçues sous la législation en question.

Sur la troisième question

50 Par la première partie de la troisième question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si l' attestation prévue à l' article 84, paragraphe 2, du règlement n 574/72 est obligatoire pour l' institution d' un autre État membre et pour les juridictions de cet État.

51 A cet égard, il y lieu de rappeler que cette attestation est un formulaire type rédigé par la Commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, visée aux articles 80 et 81 du règlement n 1408/71.

52 Comme le rappelle l' arrêt du 14 mai 1981, Romano (98/80, Rec. p. 1241), un organe tel que la Commission administrative ne peut être habilité par le Conseil à arrêter des actes revêtant un caractère normatif. Une décision de la Commission administrative, tout en étant susceptible de fournir un aide aux institutions de sécurité sociale chargées d' appliquer le droit communautaire dans ce domaine, n' est pas de nature à obliger ces institutions à suivre certaines méthodes ou à adopter certaines interprétations, lorsqu' elles procèdent à l' application des règles communautaires.

53 Par conséquent, l' institution compétente de l' État membre où l' intéressé réside ou, dans le cadre d' une procédure judiciaire, la juridiction nationale restent entièrement libres de vérifier le contenu de cette attestation.

54 Il y a donc lieu de répondre que l' attestation délivrée conformément à l' article 84, paragraphe 2, du règlement n 574/72 ne constitue pas une preuve irréfragable à l' égard de l' institution d' un autre État membre compétente en matière de chômage ni à l' égard des tribunaux de cet État.

55 Par la deuxième et la troisième partie de la troisième question, la juridiction nationale souhaite être éclairée sur l' effet de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement n 1408/71.

56 Aux termes de cette disposition, le bénéfice des prestations de la législation de l' État de sa résidence est suspendu pendant la période au cours de laquelle le chômeur peut prétendre, en vertu des dispositions de l' article 69, aux prestations de la législation à laquelle il a été soumis en dernier lieu.

57 Tout d' abord, la juridiction de renvoi se demande si la suspension n' a lieu que lorsqu' est réuni l' ensemble des conditions prévues par l' article 69 ou s' il suffit que le travailleur salarié ait été en mesure de remplir ces conditions même s' il ne l' a pas fait.

58 Comme le rappelle l' arrêt du 10 juillet 1975, Bonaffini (27/75, Rec. p. 971), l' article 69 ne vise qu' à assurer au travailleur migrant la conservation limitée et conditionnelle des prestations de chômage de l' État compétent, même s' il se rend dans un autre État membre, et, dès lors, cet autre État membre ne saurait se prévaloir de la seule inobservation des conditions prévues par cet article pour refuser au travailleur le bénéfice des prestations auxquelles il peut prétendre en vertu de la législation nationale de cet État.

59 Il s' ensuit que le bénéfice des prestations de la législation de l' État sur le territoire duquel le chômeur réside ou dans lequel il retourne ne peut être suspendu, en vertu de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement n 1408/71, que dans la mesure où il est effectivement satisfait aux conditions posées par l' article 69 du règlement précité et où l' intéressé bénéficie de ce fait des prestations dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu.

60 Enfin, la juridiction nationale souhaite savoir si une telle suspension signifie seulement que le chômeur ne perçoit pas, durant cette période, les prestations de l' État membre sur le territoire duquel il réside, mais qu' il peut ensuite prétendre à la totalité des prestations servies par l' institution compétente de cet État, ou si la durée du droit aux prestations de chômage est, en outre, diminuée des jours pendant lesquels ce versement a été suspendu.

61 A cet égard, il suffit de se référer à ce que la Cour a observé au point 48 ci-avant sur l' application de l' article 12 du règlement n 1408/71 dans les cas relevant des articles 71, paragraphe 1, sous b), ii), et 67 du même règlement.

62 Par conséquent, il y lieu de répondre que, en cas de suspension, au titre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement n 1408/71, du bénéfice des prestations de la législation de l' État sur le territoire duquel le chômeur réside, l' institution compétente de cet État membre doit déduire des prestations qu' elle verse celles dont le chômeur a effectivement bénéficié dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu. La période au cours de laquelle le chômeur a réellement perçu des allocations de chômage sous la législation de ce dernier État doit être déduite de la durée du droit aux prestations de la législation de l' État de résidence.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

63 Les frais exposés par les gouvernements allemand et français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant à l' égard des parties au principal le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (quatrième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundessozialgericht, par ordonnance du 21 février 1991, dit pour droit:

1) Un travailleur salarié autre qu' un travailleur frontalier, qui est au chômage complet et qui, au cours de son dernier emploi, résidait sur le territoire d' un État membre autre que l' État membre compétent, ne perd pas le bénéfice des prestations de chômage prévues par l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), du règlement (CEE) n 1408/71, du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, selon la législation de l' État membre dans lequel il réside ou dans lequel il retourne, du fait qu' il a perçu auparavant de l' institution de l' État membre à la législation duquel il était soumis en dernier lieu des prestations d' assurance au titre du chômage.

2) L' interdiction de cumul de prestations prévue par l' article 12, paragraphe 1, du règlement (CEE) n 1408/71 s' applique dans le cadre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), ainsi que dans celui de l' article 67 du règlement (CEE) n 1408/71.

3) Des prestations de chômage constituent des prestations de même nature, au sens de l' article 12, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, lorsqu' elles sont destinées à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l' entretien d' une personne et que les différences qui existent entre ces prestations, notamment celles concernant la base de calcul et les conditions d' octroi, résultent de différences structurelles entre les régimes nationaux.

4) L' institution compétente d' un État membre dont la législation subordonne l' acquisition et la durée d' un droit aux prestations de chômage à l' accomplissement de périodes d' assurance doit, dans les cas relevant des articles 71, paragraphe 1, sous b), ii), et 67 du règlement (CEE) n 1408/71, conformément à l' article 12, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, tenir compte pour le calcul du droit aux prestations de chômage des périodes d' assurance accomplies sous la législation à laquelle le chômeur a été soumis en dernier lieu. Elle doit toutefois décompter de la durée acquise du droit aux prestations de chômage les jours pour lesquels des prestations ont été perçues sous la législation en question.

5) L' attestation délivrée conformément à l' article 84, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 574/72 ne constitue pas une preuve irréfragable à l' égard de l' institution d' un autre État membre compétente en matière de chômage ni à l' égard des tribunaux de cet État.

6) Le bénéfice des prestations de la législation de l' État sur le territoire duquel le chômeur réside ou dans lequel il retourne ne peut être suspendu, en vertu de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, que dans la mesure où il est effectivement satisfait aux conditions posées par l' article 69 du règlement précité et où l' intéressé bénéficie de ce fait des prestations dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu.

7) En cas de suspension, au titre de l' article 71, paragraphe 1, sous b), ii), troisième phrase, du règlement (CEE) n 1408/71, du bénéfice des prestations de la législation de l' État sur le territoire duquel le chômeur réside, l' institution compétente de cet État membre doit déduire des prestations qu' elle verse celles dont le chômeur a effectivement bénéficié dans l' État membre à la législation duquel il a été soumis en dernier lieu. La période au cours de laquelle le chômeur a réellement perçu des allocations de chômage sous la législation de ce dernier État doit être déduite de la durée du droit aux prestations de la législation de l' État de résidence.