ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

24 mars 2021 ( *1 )

« Fonction publique – Agents contractuels – Réforme du statut de 2014 – Mesures transitoires relatives à certaines modalités de calcul des droits à pension – Changement de régime à la suite de la signature d’un nouveau contrat d’agent contractuel – Notion d’“être en fonction” »

Dans l’affaire T‑769/16,

Maxime Picard, demeurant à Hettange-Grande (France), représenté par Mes M.‑A. Lucas et M. Bertha, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Mongin et G. Gattinara, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la réponse du gestionnaire du secteur « Pensions » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission du 4 janvier 2016 et, d’autre part, pour autant que de besoin, de la décision du 25 juillet 2016 du directeur de la direction E de la direction générale des ressources humaines de la Commission de rejeter la réclamation du requérant du 1er avril 2016 à l’encontre de la décision ou de l’absence de décision résultant de la réponse du 4 janvier 2016,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger, Mmes N. Półtorak, O. Porchia (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le requérant, M. Maxime Picard, est un agent contractuel de la Commission européenne.

2

Entre avril 2004 et juin 2008, le requérant a été engagé successivement par deux sociétés en tant qu’agent de surveillance, à savoir, d’abord, auprès de la société Brinks jusqu’au 31 mars 2006, puis de la société Group 4 Securicor (ci-après « G 4S ») à partir du 1er avril 2006. Pendant cette période, il a été mis à la disposition tant du Centre de traduction des organes de l’Union européenne (CdT), pour accomplir des tâches de nature administrative liées à la sécurité, que de la Commission, en tant que formateur.

3

Après avoir été lauréat, en 2005, de la procédure de sélection EPSO/CAST/25/05 lancée par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) en vue de constituer une liste de réserve pour le recrutement d’agents contractuels pour le premier groupe de fonctions (ci-après le « GF I »), le requérant a participé, en 2007, à la procédure EPSO/CAST/27/07 donnant accès au deuxième groupe de fonctions (ci‑après le « GF II »).

4

Le 14 avril 2008, le requérant a été invité à une épreuve orale de sélection en vue de pourvoir un poste d’agent contractuel GF II au sein de l’unité 5 de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission. Il a réussi cette épreuve.

5

Le 10 juin 2008, le requérant a été recruté, avec effet au 1er juillet 2008, par la Commission, en qualité d’agent contractuel auprès de l’unité 5 du PMO (ci-après le « contrat de 2008 »). Par ce recrutement, effectué en vertu de la procédure de sélection EPSO/CAST/25/05, le requérant a été classé dans le GF I, grade 1, échelon 1, au titre de l’article 80 du régime applicable aux autres agents (ci‑après le « RAA »).

6

Dans le cadre de la procédure de sélection EPSO/CAST/27/07, la direction générale (DG) des ressources humaines de la Commission avait considéré qu’il n’était pas établi que le requérant avait satisfait à la condition de trois années d’expérience professionnelle appropriée à la date limite de dépôt des candidatures prévue par l’appel à manifestation d’intérêt, au motif que ses fonctions en tant qu’employé des sociétés Brinks et G 4S exercées au sein du CdT avaient apparemment été celles d’agent de surveillance, relevant du GF I.

7

Le contrat de 2008 a été renouvelé à trois reprises pour une durée déterminée et, par décision du 3 mai 2011, pour une durée indéterminée.

8

Le 15 juin 2011, le requérant a participé à un comité de reclassement lancé par l’unité 5 du PMO en vue de lui proposer un reclassement vers le GF II. Il a été considéré comme éligible sous réserve de la confirmation de la DG « Ressources humaines » de la Commission. L’unité 7 du PMO chargée des ressources humaines a donc introduit une demande de reclassement auprès de cette direction générale.

9

Par courriel du 9 décembre 2011 de la DG « Ressources humaines », le requérant a été informé du rejet de la demande de reclassement au motif qu’il ne remplissait pas les conditions d’éligibilité à la date limite d’inscription du 27 avril 2007 à la procédure EPSO/CAST/27/07, à savoir une expérience professionnelle appropriée de trois années au moins.

10

L’année suivante, en juin 2012, le requérant a transmis à l’unité 7 du PMO une attestation d’expérience professionnelle, datée du 1er juin 2012, établie par le CdT. Cette attestation couvrait la période allant du mois d’avril 2004 au mois de juillet 2007 pendant laquelle le requérant a été employé auprès des sociétés Brinks et G 4S (voir point 2 ci‑dessus). Ladite attestation visait à certifier que le requérant avait en réalité accompli des tâches relevant du GF II et non du GF I.

11

Sur la base de cette même attestation, l’unité 7 du PMO a demandé, à la fin du mois de juin 2012, de manière informelle, à la DG « Ressources humaines » d’étudier à nouveau la demande de reclassement rejetée en 2011 (voir points 8 et 9 ci-dessus).

12

Cependant, la DG « Ressources humaines » a émis des doutes quant à la possibilité de modifier sa position, dès lors que l’attestation du CdT a été produite cinq ans après les faits, n’émanait pas des employeurs du requérant (sociétés Brinks et G 4S), mais bien de leur client, le CdT, et paraissait contredire une attestation plus ancienne établie par G 4S en 2008. Suite à cette prise de position informelle, l’unité 7 du PMO s’est abstenue d’introduire une demande officielle de reclassement au bénéfice du requérant.

13

En 2014, l’unité 7 du PMO a adressé à la DG « Ressources humaines » une demande de recrutement à un poste GF II, avec à l’appui une nouvelle attestation directement établie par la société Brinks, datée du 31 mars 2014, laquelle confirmait les informations fournies en 2012 par le CdT, sans pour autant préciser la nature des tâches accomplies par le requérant employé comme agent de surveillance.

14

Compte tenu de cet élément nouveau et dans la mesure où cette attestation était peu détaillée, la DG « Ressources humaines » a pris contact avec la société Brinks afin de valider le contenu de cette attestation. Cela a finalement abouti, le 25 avril 2014, à la confirmation des attestations du 31 mars 2014 de la société Brinks et de celle du 1er juin 2012 du CdT par le chef des ressources humaines de la société Brinks, avançant des éléments prouvant que le requérant avait effectivement accompli des tâches « appropriées » relevant du GF II durant toute la durée de son contrat avec cette société, à savoir du 1er avril 2004 au 31 mars 2006.

15

Au vu de cette attestation et à la suite d’un nouvel acte de candidature que le requérant a pu présenter dans la mesure où il figurait dans la base de données constituée à l’issue de la procédure EPSO/CAST/27/07, dont la validité a été prorogée jusqu’à la fin de décembre 2016, le 16 mai 2014, la DG « Ressources humaines » a proposé au requérant un nouveau contrat en qualité d’agent contractuel, que ce dernier a signé le même jour, sur la base de l’article 3 bis du RAA (ci‑après le « contrat du 16 mai 2014 »). Ce contrat, à durée indéterminée, a pris effet le 1er juin 2014, avec classement du requérant dans le GF II, au grade 5, échelon 1.

16

Le 20 août 2014, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut ») à l’encontre du contrat du 16 mai 2014. Il faisait valoir, en substance, que le contrat du 16 mai 2014, le classant dans le GF II, aurait dû prendre effet à partir du 1er juillet 2008, date à laquelle il avait été initialement recruté en qualité d’agent contractuel dans le GF I.

17

Par décision du 10 décembre 2014, communiquée au requérant le 11 décembre 2014, le directeur de la direction B de la DG « Ressources humaines », en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement a rejeté ladite réclamation, à titre principal, comme étant irrecevable pour tardiveté, et à titre subsidiaire, comme étant non fondée.

18

Le requérant n’a pas introduit de recours devant le juge de l’Union contre cette décision du 10 décembre 2014, laquelle est donc devenue définitive.

19

Entre-temps, le statut et le RAA ont été modifiés par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15), lequel est entré en vigueur le 1er novembre 2013 et applicable, en ce qui concerne les dispositions pertinentes dans la présente affaire, à partir du 1er janvier 2014 (ci‑après la « réforme de 2014 »).

20

À la suite de la réforme de 2014, l’article 77, deuxième alinéa, du statut, également applicable aux agents contractuels par renvoi de l’article 109, paragraphe 1, du RAA, définit un nouveau taux annuel d’acquisition des droits à pension de 1,8 %, moins favorable que le taux antérieur de 1,9 %. En outre, l’article 77, cinquième alinéa, du statut établit l’âge de départ à la retraite à 66 ans, contre 63 ans auparavant.

21

Un régime transitoire a toutefois été prévu. Ainsi, l’article 21, second alinéa, de l’annexe XIII du statut relative aux « [m]esures de transition applicables aux fonctionnaires de l’Union » prévoit que le fonctionnaire « entré en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 » continue à acquérir, nonobstant l’entrée en vigueur du nouvel article 77, des droits à pension au taux annuel d’acquisition de 1,9 %. En outre, selon le tableau figurant à l’article 22, paragraphe 1, deuxième alinéa, de l’annexe XIII du statut, « le fonctionnaire âgé de 35 ans au 1er mai 2014 qui est entré en service avant le 1er janvier 2014 a droit à une pension d’ancienneté à l’âge de 64 ans et 8 mois » (ci‑après les « articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut » ainsi que les « dispositions transitoires concernant le taux annuel d’acquisition des droits à pension et l’âge de départ à la retraite »). Enfin, l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA prévoit que, hormis l’article 22, paragraphe 4, de l’annexe XIII du statut, ces dispositions transitoires concernant le taux annuel d’acquisition des droits à pension et l’âge de départ à la retraite « s’appliquent par analogie aux autres agents en fonction au 31 décembre 2013 ».

22

Par courriel du 4 janvier 2016, le requérant, ayant des doutes au regard des implications que la réforme de 2014 pourrait avoir sur sa situation à la suite de la signature du contrat du 16 mai 2014, a demandé au gestionnaire du secteur « Pensions » de l’unité 4 du PMO (ci-après le « gestionnaire du secteur “Pensions” ») des explications (ci-après le « courriel du 4 janvier 2016 »).

23

Par courriel du même jour, le gestionnaire du secteur « Pensions » a confirmé au requérant que ses droits à pension avaient changé en raison du changement de contrat et que, dès lors, en ce qui le concerne, l’âge normal de départ à la retraite et le taux annuel d’acquisition des droits à pension étaient passés, respectivement à 66 ans et à 1,8 % à partir du 1er juin 2014 (ci-après la « réponse du 4 janvier 2016 »).

24

Le 4 avril 2016, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre la réponse du 4 janvier 2016.

25

Par décision du 25 juillet 2016, communiquée au requérant le 26 juillet 2016, le directeur de la direction E de la DG « Ressources humaines », en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, a rejeté ladite réclamation, à titre principal, comme étant irrecevable faute d’acte faisant grief, et, à titre subsidiaire, comme étant non fondée (ci-après la « décision de rejet du 25 juillet 2016 »).

Procédure et conclusions des parties

26

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

27

Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 6 février 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme manifestement irrecevable ;

condamner le requérant aux dépens.

28

Le 24 avril 2017, le requérant a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission dans lesquelles il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter l’exception d’irrecevabilité ou à tout le moins la joindre au fond ;

lui allouer le bénéfice des conclusions de sa requête.

29

Par décision du 12 octobre 2017, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé, après avoir entendu les parties, de suspendre l’affaire sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure, jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑128/17, Torné/Commission ait acquis force de chose jugée.

30

À la suite du prononcé de l’arrêt du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), et en l’absence d’introduction d’un pourvoi à l’encontre de ce dernier, les parties ont présenté leurs observations sur les conséquences dudit arrêt pour la présente affaire dans le délai imparti.

31

Par ordonnance du 13 mai 2019, conformément à l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure, le Tribunal (troisième chambre) a joint au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et a réservé les dépens.

32

Par lettre du 16 mai 2019, le juge rapporteur a proposé aux parties d’examiner les possibilités d’un règlement amiable du litige. Aucun accord entre les parties n’a été obtenu afin d’examiner ces possibilités.

33

Le 27 juin 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 15 octobre et le 26 novembre 2019.

34

La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à un autre juge rapporteur, qui a été affecté à la première chambre dans sa nouvelle formation, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

35

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2019, le requérant a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries.

36

Le 28 avril 2020, le Tribunal (première chambre) a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, posé par écrit des questions aux parties. Celles-ci ont répondu à ces questions dans le délai imparti.

37

Le même jour, le Tribunal a, par une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, interrogé les parties sur la question de savoir si elles souhaitaient être entendues lors d’une audience de plaidoiries en dépit de la crise sanitaire liée à la COVID-19.

38

La Commission et le requérant ont répondu, respectivement, le 30 avril et le 29 juillet 2020, qu’ils souhaitaient être entendus.

39

Sur proposition de la première chambre, le Tribunal a, le 3 juin 2020, décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation élargie.

40

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 septembre 2020.

41

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision fixant de manière anticipée certains éléments de ses droits à pension ou l’abstention d’adopter une telle décision imposée par le statut résultant du message qui lui a été adressé le 4 janvier 2016 par le gestionnaire du secteur « Pensions » lui indiquant, en réponse à sa demande du même jour, que le calcul de ses droits à pension avait été modifié à la suite de son réengagement dans le GF II avec effet au 1er juin 2014, que l’âge auquel il accéderait à la retraite passait à 66 ans et que le taux annuel d’acquisition de ses droits à pension serait de 1,8 % à compter du 1er juin 2014 ;

annuler pour autant que de besoin la décision du 25 juillet 2016 du directeur de la direction E de la DG « Ressources humaines » de la Commission, dans la mesure où elle rejette comme irrecevable faute d’acte faisant grief et à titre subsidiaire comme non fondée la réclamation du 1er avril 2016 du requérant à l’encontre de la décision ou de l’absence de décision résultant de la réponse du 4 janvier 2016 ;

condamner la Commission aux dépens.

42

La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

43

Dans le cadre de son exception d’irrecevabilité, la Commission soulève une fin de non-recevoir tirée de l’absence d’acte faisant grief au sens de l’article 91 du statut. La Commission réitère et développe ses arguments concernant la recevabilité du recours dans le mémoire en défense.

44

Le requérant, d’une part, conteste l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et, d’autre part, fait valoir que les arguments de la Commission contenus dans le mémoire en défense relatifs à la recevabilité du recours ne devraient pas être pris en considération.

45

À cet égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 50 à 52, et du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 26).

46

Dans les circonstances du cas d’espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu, dans un souci d’économie de procédure, d’examiner d’emblée les moyens invoqués par le requérant, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et, par voie de conséquence, sur la fin de non-recevoir y afférente opposée par le requérant, le recours étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, non fondé.

Sur le fond

47

Par son recours, le requérant demande l’annulation, d’une part, de la réponse du 4 janvier 2016 et, d’autre part, pour autant que de besoin, de la décision de rejet du 25 juillet 2016.

48

À l’appui du recours, le requérant invoque un seul moyen, tiré d’une erreur de droit et de la violation de l’article 77, deuxième et cinquième alinéas, du statut, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 109 du RAA, ainsi que des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, en ce qu’il ressort de la réponse du 4 janvier 2016 que la date d’entrée en service prise en considération pour l’application desdites dispositions statutaires a été celle du 1er juin 2014, date de début du contrat du 16 mai 2014, alors qu’aurait dû être retenue la date du 1er juillet 2008, date à laquelle il est initialement entré au service de la Commission, en tant qu’agent contractuel du GF I.

49

Ce moyen est divisé en deux branches, tirées toutes les deux d’une erreur de droit, la première au motif que la date d’entrée en service visée par les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut doit être celle du premier recrutement, la seconde au motif que le contrat du 16 mai 2014, ayant pour objet et pour effet de reclasser le requérant sans changement substantiel de fonctions, ne constituait pas une rupture de continuité dans sa carrière.

50

Plus spécifiquement, à l’appui de la première branche, le requérant observe, à titre liminaire, que la réponse du 4 janvier 2016 l’a exclu du champ d’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut au seul motif qu’il avait accédé le 1er juin 2014 au GF II par l’effet d’un nouveau contrat qui, comme il aurait été précisé dans la décision de rejet du 25 juillet 2016, a mis fin au contrat précédent et était constitutif d’un nouveau recrutement.

51

À cet égard, le requérant soutient que, à supposer même que le contrat du 16 mai 2014 ait été constitutif d’un nouveau recrutement à la date du 1er juin 2014, la date d’entrée en service visée par les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut serait manifestement la date du recrutement initial des fonctionnaires et, par analogie, des autres agents, y compris les agents contractuels, et non la date à laquelle un fonctionnaire est susceptible d’accéder, après avoir satisfait à un concours général, à un poste appartenant à un grade ou à un groupe de fonctions supérieur à celui du poste sur lequel il a été initialement engagé, ou, par analogie, la date à laquelle un agent contractuel accède, après avoir satisfait à une procédure générale de sélection, à un poste relevant d’un groupe de fonctions supérieur, conformément à l’article 87, paragraphe 4, du RAA.

52

Dès lors, selon le requérant, en considérant par principe que, pour les agents contractuels, tout changement de statut ou de type de contrat au sein du RAA devrait être considéré comme une interruption dans la continuité du service donnant lieu à l’application des règles statutaires applicables à la date de début du nouveau contrat, le PMO et la DG « Ressources humaines » ont commis une erreur de droit et ont méconnu la notion d’entrée en service figurant aux articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut. Par ailleurs, au soutien de cette conclusion, le requérant renvoie, d’une part, à l’arrêt du 14 décembre 2011, De Luca/Commission (T‑563/10 P, EU:T:2011:746, points 46 et 48 à 52), et, d’autre part, aux arrêts du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford, (T‑231/14 P, EU:T:2015:639, point 40), et du 5 février 2014, Drakeford/EMA (F‑29/13, EU:F:2014:10, points 46 à 48).

53

Dans la réplique, le requérant précise que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut lui étaient applicables en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, de sorte que la condition spécifique d’applicabilité desdites dispositions ne ferait pas défaut.

54

À cet égard, premièrement, il avance que l’argument de la Commission selon lequel pour que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut s’appliquent au requérant, celui-ci devait non seulement être en fonction au 31 décembre 2013, mais devait aussi rester en fonction en la même qualité après cette date, constituerait une argumentation manquant à la fois en fait, parce qu’il était toujours agent contractuel GF I le 1er janvier 2014, et en droit, au motif que, en substance, la Commission ajoute au texte de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA la condition de rester en fonction en la même qualité après cette date. Il en irait de même pour ce qui est de l’argument de la Commission tiré de l’expression « en place avant l’entrée en vigueur [des modifications apportées au statut par le règlement no 1023/2013] » figurant au considérant 29 du règlement no 1023/2013.

55

Deuxièmement, le requérant fait valoir que la Commission procède à une interprétation abusive de son courriel du 4 janvier 2016 comme étant uniquement fondée sur le contrat du 16 mai 2014 et méconnaît son argumentation visant à soutenir que c’était en raison de son contrat du 10 juin 2008 et non celui du 16 mai 2014 qu’il était en fonction au 31 décembre 2013, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du RAA. Il soutient également que le contrat du 16 mai 2014 ne constituait pas une nouvelle entrée en service ou une discontinuité de son engagement dont il résulterait que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut cessent de lui être applicables. Soutenir, comme le fait la Commission, que l’applicabilité initiale des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut requiert non seulement d’être en service ou en fonction à la veille de l’entrée en vigueur des nouvelles règles, mais aussi de le rester après cette date, ou que cette applicabilité doit être appréciée en fonction de la position administrative ou du contrat de l’intéressé lorsque sa situation évolue, serait constitutif d’erreurs de droit. Il serait également erroné en droit de considérer que tout changement de statut ou de contrat met un terme au fait d’être en service ou en fonction, ou encore entraîne une discontinuité de service ou de fonctions.

56

Troisièmement, selon le requérant, il résulte des points 90 à 93 de l’arrêt du 14 décembre 2018, Torné/Commission (T‑128/17, EU:T:2018:969), que la nécessité de concilier les objectifs de préservation des droits acquis et de maîtrise des coûts budgétaires imposerait de considérer que le critère permettant d’apprécier la notion de « personnel en place avant l’entrée en vigueur de la réforme » est l’affiliation et la cotisation au régime de pension de l’Union avant cette date, que les expressions « en place avant l’entrée en vigueur de la réforme » et « entrée en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 » sont équivalentes, et que, si le bénéfice des dispositions transitoires suppose que l’intéressé soit toujours en fonction après le 31 décembre 2013, un nouveau contrat avec un nouvel employeur intervenu par la suite n’y fait pas obstacle, dès lors qu’il n’entraîne pas de rupture de continuité dans l’affiliation et la cotisation à ce régime. S’agissant du requérant, son affiliation et sa contribution au régime de pension de l’Union n’ayant pas été interrompues lors de la succession de son contrat du 16 mai 2014 à celui du 1er juillet 2008, il était donc toujours en fonction au 1er juin 2014 au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA et en service au sens des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut.

57

Quatrièmement, le requérant soutient que la conclusion d’un nouveau type de contrat ne mettrait pas fin à l’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, mais permettrait une évolution de la carrière des agents qui ne pourrait se faire autrement sans préjudice de leurs droits à pension.

58

À l’appui de la seconde branche, le requérant fait valoir, en premier lieu, que si, par l’effet du contrat du 16 mai 2014, il a certes accédé à un groupe de fonctions plus élevé que celui dans lequel il avait été initialement recruté, après avoir satisfait à une procédure générale de sélection, ce nouveau contrat ne s’inscrivait cependant pas dans le cadre d’un régime d’emploi prévu par le RAA autre que celui d’agent contractuel et n’emportait pas une rupture dans sa carrière se manifestant par une modification substantielle de ses fonctions.

59

À cet égard, le requérant soutient, tout d’abord, que ni la nature ni le niveau de ses fonctions n’ont changé à la suite de ce contrat. Ensuite, si le poste d’agent contractuel relevant du GF I était intitulé de manière différente de celui d’agent contractuel relevant du GF II, auquel il a accédé par le nouveau contrat, la finalité générale de ces deux postes ainsi que les responsabilités concrètes qui lui incombaient auraient été définies en des termes strictement identiques dans les deux descriptions de poste. De plus, ainsi qu’il résulterait de la lettre du 16 mai 2014, le contrat du 16 mai 2014 comportait un classement dans le grade 5, échelon 1, qui impliquerait, d’une part, la prise en compte d’une partie de l’expérience qu’il avait acquise à la Commission dans le GF I et, d’autre part, que cette expérience était du niveau du GF II.

60

En second lieu, le requérant soutient, en substance, que le contrat du 16 mai 2014 n’a affecté ni son affiliation ni sa contribution au régime de pension de l’Union.

61

La Commission conteste les arguments avancés par le requérant tant au soutien de la première que de la seconde branche.

62

Les deux branches du moyen unique étant strictement liées, il convient de les analyser conjointement.

63

Le présent litige pose, en substance, la question de savoir si la signature, par un agent contractuel tel que le requérant, d’un nouveau contrat après l’entrée en vigueur de la réforme de 2014, représente un changement du lien d’emploi avec l’administration de l’Union, lequel exclurait la possibilité que ledit agent puisse bénéficier des dispositions transitoires concernant le taux annuel d’acquisition des droits à pension et l’âge de départ à la retraite.

64

Il convient d’interpréter, à titre liminaire, l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA et, partant, de préciser quelles sont les conditions déterminant, en vertu dudit article, l’application aux agents contractuels des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut.

Sur l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA et sur les conditions d’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut aux autres agents relevant du RAA

65

En premier lieu, ainsi qu’il est rappelé au point 21 ci-dessus, aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, « [l]’article 21, l’article 22, à l’exception de son paragraphe 4, […] de [l’] annexe [XIII du statut] s’appliquent par analogie aux autres agents en fonction au 31 décembre 2013 ».

66

En deuxième lieu, il importe de relever que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut prévoient, respectivement, que le fonctionnaire entré en service entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2013 a droit à un taux annuel d’acquisition des droits à pension de 1,9 % et que s’il est âgé de 35 ans au 1er mai 2014 et est entré en service avant le 1er janvier 2014, il a droit à une pension d’ancienneté à l’âge de 64 ans et 8 mois.

67

Ainsi qu’il est précisé au considérant 29 du règlement no 1023/2013, le législateur de l’Union a prévu, notamment aux articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut et à l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, « des dispositions transitoires afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles règles et mesures sans préjudice des droits acquis et des attentes légitimes du personnel en place avant l’entrée en vigueur des[dites] modifications du statut ».

68

En tant que dispositions transitoires, elles font, selon une jurisprudence constante, l’objet d’une interprétation stricte, en raison de leur caractère dérogatoire (voir arrêts du 2 septembre 2010, Kirin Amgen, C‑66/09, EU:C:2010:484, point 33, et du 17 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑360/11, EU:C:2013:17, point 18 et jurisprudence citée) et de leurs implications budgétaires (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2005, Olesen/Commission, T‑190/03, EU:T:2005:264, point 48 et jurisprudence citée), sans toutefois que cette interprétation puisse aller à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur de l’Union ainsi que du système instauré par le statut et le RAA (voir arrêt du 14 décembre 2018, Torné/Commission, T‑128/17, EU:T:2018:969, point 80 et jurisprudence citée).

69

En troisième lieu, il découle du libellé de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA que le législateur de l’Union a prévu une application par analogie de l’annexe XIII du statut aux agents relevant du RAA, de sorte que les articles 21 et 22 de cette dernière annexe s’appliquent auxdits agents dans la mesure où il est possible d’établir une analogie entre ces derniers et les fonctionnaires, en tenant compte des caractéristiques propres à chacune de ces catégories de personnel.

70

À cette fin, il convient de rappeler, à titre liminaire, en quoi la catégorie des agents diffère de celle des fonctionnaires.

71

À ce sujet, premièrement, il y a lieu de relever que la définition de chacune des diverses catégories de personnes employées par l’Union, soit en tant que fonctionnaires proprement dits, soit au titre des différentes catégories d’agents relevant du RAA, correspond à des besoins légitimes de l’administration de l’Union et à la nature des tâches, permanentes ou temporaires, qu’elle a pour mission d’accomplir (voir arrêt du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, EU:F:2006:105, point 76 et jurisprudence citée).

72

En particulier, au sens de l’article 3 bis du RAA, l’agent contractuel, aux fins du RAA, est l’agent non affecté à un emploi prévu dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à l’institution concernée et engagé en vue d’exercer des fonctions, soit à temps partiel, soit à temps complet.

73

De plus, il ressort du considérant 36 du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1), lequel a introduit la catégorie des agents contractuels, que ces derniers sont généralement affectés à des tâches accomplies sous le contrôle de fonctionnaires ou d’agents temporaires. Par ailleurs, il importe de relever que, selon le même considérant de ce règlement, les droits et les obligations desdits agents contractuels étaient définis par analogie avec ceux des agents temporaires, en particulier, en ce qui concerne la sécurité sociale, les allocations et indemnités et les conditions de travail.

74

En revanche, les fonctionnaires qui, aux termes de l’article 1er bis du statut, « [sont] […] toute[s] personne[s] qui [ont] été nommée[s] dans les conditions prévues à ce statut dans un emploi permanent d’une des institutions de l’Union par un acte écrit de l’autorité investie du pouvoir de nomination de cette institution », sont les seuls qui peuvent exercer en permanence des tâches de service public.

75

Deuxièmement, il convient de souligner que, tel que cela est précisé par la jurisprudence, la différence entre fonctionnaires et agents réside non seulement dans la nature des tâches qu’ils ont pour mission d’accomplir, mais aussi, notamment, dans le fait que, alors que le lien juridique entre un fonctionnaire et l’administration est de nature statutaire, de sorte que les droits et les obligations des fonctionnaires peuvent être modifiés à tout moment par le législateur (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 143 et jurisprudence citée), la situation des agents régis par le RAA est caractérisée par la nature contractuelle du lien d’emploi (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, EU:F:2006:105, point 76 et jurisprudence citée).

76

Il en résulte que, ainsi que la Commission l’a relevé, à juste titre, lors de l’audience, si le fonctionnaire entre et reste au service de l’administration de l’Union en vertu d’un acte de nomination qui reste inchangé pour toute sa carrière, un agent contractuel entre et reste en fonction en vertu d’un contrat aux termes de l’article 3bis du RAA tant qu’il produit ses effets. C’est donc en vertu d’un contrat en vigueur qu’il est lié à l’administration de l’Union et qu’il peut exercer ses fonctions.

77

Au regard des considérations qui précèdent, il convient d’interpréter l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, en ce qu’il précise que, pour pouvoir bénéficier des règles transitoires prévues pour les fonctionnaires aux articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, les autres agents doivent « être en fonction au 31 décembre 2013 », à savoir ils doivent être engagés par un contrat au sens de l’article 3 bis du RAA à cette date.

78

En l’espèce, les parties s’opposent notamment sur ce qu’il convient d’entendre par « être en fonction au 31 décembre 2013 » au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA.

79

En effet, à cet égard, la Commission soutient que, pour que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut soient applicables aux autres agents, non seulement l’agent doit être en fonction à une date donnée, à savoir le 31 décembre 2013, mais il doit être « toujours en fonction/toujours actif », à savoir il doit avoir maintenu son état de service tant au 31 décembre 2013 qu’après cette date. Dès lors, selon la Commission, tout changement de contrat emporte une rupture du lien d’emploi avec l’administration de l’Union de sorte que l’agent ne peut pas bénéficier de l’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut.

80

En revanche, le requérant fait valoir, en substance, que, pour que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut soient applicables à un agent relevant du RAA, il suffit que ce dernier soit engagé par un contrat à la date du 31 décembre 2013, indépendamment de tout changement de contrat successif. Dès lors, il reproche à la Commission d’ajouter à la condition d’« être en fonction au 31 décembre 2013 », prévue par l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, une condition supplémentaire, à savoir la condition de rester en fonction sans interruption après cette date.

81

À ce titre, il convient de relever que, contrairement à ce que le requérant fait valoir, la Commission n’ajoute pas une condition, mais se borne à interpréter la notion de « par analogie » figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, laquelle suppose que les agents se trouvent dans une situation analogue à celle des fonctionnaires. En effet, cette situation ne peut être établie que dans le cas où l’agent n’aurait pas signé un nouveau contrat qui implique le début d’une nouvelle relation de travail avec l’administration de l’Union. À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, le contrat correspond à l’instrument juridique par lequel une relation de travail entre un agent, d’une part, et l’administration de l’Union, d’autre part, se concrétise. Plus précisément, le Tribunal a jugé que ladite relation de travail peut demeurer inchangée, même à la suite de la signature d’un nouveau contrat formellement distinct du contrat initial, à condition que le dernier contrat n’apporte pas de modification substantielle des fonctions de l’agent, notamment du groupe de fonctions, de nature à remettre en cause la continuité fonctionnelle de sa relation de travail avec l’administration de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford, T‑231/14 P, EU:T:2015:639, point 40).

82

Dès lors, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut sont des dispositions transitoires qui s’appliquent, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA par analogie aux autres agents en fonction au 31 décembre 2013 et qui le demeurent, après cette date en vertu d’un contrat, tel que cela est défini au point 81 ci-dessus, jusqu’à ce que leur position soit examinée aux fins du calcul des droits à pension.

83

Cette interprétation permet, d’une part, de reconnaître, tout en suivant une approche fonctionnelle, la valeur juridique de la signature d’un nouveau contrat dans le cadre du RAA et, d’autre part, de préserver les droits acquis et les attentes légitimes du personnel, conformément au considérant 29 du règlement no 1023/2013.

84

C’est à la lumière des observations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la signature d’un nouveau contrat après l’entrée en vigueur de la réforme de 2014 exclut l’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut à la situation du requérant.

Sur la situation du requérant

85

En l’espèce, en premier lieu, il convient de rappeler que le requérant a été engagé en tant qu’agent contractuel pour la première fois en 2008 par un contrat à durée déterminée qui a été renouvelé à trois reprises, puis, pour une durée indéterminée, à partir du 3 mai 2011. Ce contrat a été en vigueur jusqu’à la prise d’effet du contrat du 16 mai 2014, à savoir le 1er juin 2014. Ainsi, au 31 décembre 2013, le requérant était en fonction en vertu du contrat signé en 2008, à savoir le contrat d’engagement initial. À cette date, il exerçait les fonctions, relevant du GF I, d’agent chargé de tâches manuelles ou d’appui administratif effectuées sous le contrôle de fonctionnaires ou d’agents temporaires, tel qu’il est prévu au tableau de l’article 80, paragraphe 2, du RAA.

86

En deuxième lieu, il convient de relever que, le 16 mai 2014, le requérant a signé ce que lui-même admet être « indubitablement un nouveau contrat ». Il s’agit, notamment et ainsi que le requérant le confirme, d’un contrat d’engagement en tant qu’agent contractuel pour une durée indéterminée avec classement dans le GF II, grade 5, échelon 1, au titre de l’article 87, paragraphe 4, du RAA. En particulier, il ressort de l’article 2 de ce nouveau contrat que, par ce dernier, le requérant a été engagé pour exercer les fonctions d’agent chargé de tâches de bureau, de secrétariat ou de tâches équivalentes, tel qu’il est prévu au tableau de l’article 80, paragraphe 2, du RAA. Il a également effectué une période de stage de six mois sanctionnée par un rapport de stage. Dès lors, ainsi que cela est précisé au point 81 ci‑dessus, le changement de groupe de fonctions a remis en cause la continuité fonctionnelle de la relation de travail du requérant avec l’administration de l’Union.

87

Par ailleurs, aucun des arguments avancés par le requérant dans le cadre de la seconde branche n’est susceptible de prouver l’existence, en l’espèce, d’une quelconque continuité substantielle des fonctions qu’il aurait exercées.

88

Premièrement, ainsi que cela est rappelé au point 86 ci-dessus, il est constant que, par l’effet du contrat du 16 mai 2014, il a accédé à un poste relevant d’un groupe de fonctions plus élevé que celui dans lequel il avait été initialement recruté. Deuxièmement, ainsi que le requérant le reconnaît, l’intitulé du poste d’agent contractuel relevant du GF I était différent de celui du poste d’agent contractuel relevant du GF II, le premier étant « assistant administratif-frais d’experts » tandis que le second est « gestionnaire administratif-frais d’expert ». En outre, ainsi que la Commission le fait observer, par le contrat du 16 mai 2014, le requérant a été affecté à un autre poste identifié par un autre numéro. Troisièmement, le fait que le descriptif des fonctions et des responsabilités figurant dans le profil des deux postes ait été formulé de manière identique, ne prouve pas que le requérant a exercé substantiellement les mêmes tâches/fonctions en tant qu’agent contractuel relevant d’abord du GF I et ensuite du GF II.

89

Enfin, le requérant prétend que son classement dans le grade 5, échelon 1, du GF II, prévu dans le contrat du 16 mai 2014, a impliqué la prise en compte d’une partie de l’expérience acquise dans le GF I, ce qui démontrerait que ladite expérience était du niveau du GF II. Cependant, il convient de relever que, à supposer que le classement prévu dans le contrat du 16 mai 2014 ait impliqué la prise en compte d’une partie de l’expérience du requérant dans le GF I, cette circonstance ne comporte pas une reconnaissance, avec effets ex tunc, du fait que les fonctions exercées par le requérant en tant qu’agent contractuel relevant du GF I, sous l’égide d’un contrat différent, relevaient en réalité du GF II. Ainsi, lors de la proposition d’un nouveau contrat, l’expérience professionnelle est prise en considération, par l’institution, aux seules fins du classement, avec effets ex nunc. En outre, force est de constater que l’éventuelle prise en compte d’une partie de l’expérience acquise par le requérant dans le cadre de son emploi au sein du GF I comme relevant en réalité du GF II ne prouve pas qu’il a exercé, depuis le 1er juillet 2008 jusqu’à la signature du contrat du 16 mai 2014, et donc sans discontinuité, uniquement des fonctions relevant du GF II. Le requérant n’apporte en effet aucun élément de preuve visant à étayer cette continuité.

90

Ainsi, le nouveau contrat, par lequel le requérant a accédé à un nouveau groupe de fonctions, a emporté, ainsi que cela est précisé au point 81 ci‑dessus, la cessation de tous les effets du contrat de 2008 sur la base duquel il était « en fonction au 31 décembre 2013 » selon l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, et, partant, une rupture de la relation de travail avec l’administration de l’Union.

91

En troisième lieu, il convient de souligner que l’entrée en fonction en raison du nouveau contrat n’affecte pas les droits acquis par le requérant sous l’empire du contrat de 2008 jusqu’à la date d’entrée en vigueur du contrat du 16 mai 2014 en ce qui concerne le taux annuel d’acquisition des droits à pension. En effet, il ressort des articles 2 et 3 de l’annexe VIII du statut, applicables aux agents en vertu de l’article 109 du RAA, que la pension d’un agent contractuel, tel que le requérant, dépend de l’addition des différents taux annuels d’acquisition qui ont été accrédités par ce dernier pendant chaque annuité de service.

92

En l’espèce, le contrat signé le 16 mai 2014 ayant pris effet le 1er juin 2014, le requérant a bénéficié, jusqu’à cette date, du régime de pension en vigueur avant la réforme, tandis que, entre le 1er janvier 2014 et le 1er juin 2014, il a bénéficié du même régime en vertu des dispositions transitoires. Dès lors, au moment du calcul de ses droits à pension, le requérant pourra bénéficier du taux d’acquisition de 1,9 % pour les annuités de service accomplies sous le contrat de 2008, ce taux constituant un droit acquis du requérant, mais il bénéficiera du taux d’acquisition de 1,8 % à compter de la prise d’effets du contrat du 16 mai 2014.

93

Il résulte de tout ce qui précède que c’est sans commettre d’erreur de droit que le PMO et la DG « Ressources humaines » ont considéré que le contrat du 16 mai 2014, par lequel le requérant a accédé à un groupe de fonctions supérieur, donnait lieu à une nouvelle entrée en fonction aux fins de l’application de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA, ne permettant pas au requérant de bénéficier de l’application des dispositions transitoires concernant le taux annuel d’acquisition des droits à pension et l’âge de départ à la retraite.

94

Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par le requérant.

95

Premièrement, s’agissant de l’argument fondé sur une prétendue analogie avec l’arrêt du 14 décembre 2011, De Luca/Commission (T‑563/10 P, EU:T:2011:746), il convient de souligner, à l’instar de la Commission, que cet arrêt concerne l’application d’une disposition en matière de recrutement telle que l’article 12, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, portant sur le classement en échelon des fonctionnaires inscrits dans une liste d’aptitude avant le 1er mai 2006 et recrutés entre le 1er mai 2004 et le 30 avril 2006, à un fonctionnaire en activité nommé dans un autre emploi en tant que lauréat d’un concours général et pour lequel le statut ne prévoit pas de dispositions spécifiques. Or, force est de constater que l’affaire ayant donné lieu audit arrêt ne présente aucune analogie avec l’affaire en cause qui concerne l’application des dispositions transitoires relevant du domaine des droits à pension à un agent contractuel.

96

Deuxièmement, s’agissant de l’argument fondé sur la prétendue analogie avec les arrêts du 16 septembre 2015, EMA/Drakeford, (T‑231/14 P, EU:T:2015:639), et du 5 février 2014, Drakeford/EMA (F‑29/13, EU:F:2014:10), il convient de préciser, ainsi qu’il ressort du point 81 ci-dessus, que cet argument est inopérant dans le cas d’espèce, dans la mesure où le contrat du 16 mai 2014 est un nouveau contrat donnant au requérant accès à de nouvelles fonctions et, partant, comportant la rupture de sa relation de travail avec l’administration de l’Union.

97

Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel un nouveau contrat ne ferait pas obstacle au bénéfice des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, dès lors qu’il n’entraîne pas de discontinuité dans l’affiliation et dans la cotisation au régime de pension de l’Union, il convient de relever que l’application desdits articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut aux agents ne saurait dépendre de l’affiliation prétendument ininterrompue au régime de pension de l’Union, mais de la continuité fonctionnelle de la relation de travail (voir point 81 ci-dessus).

98

Quatrièmement et dernièrement, s’agissant de l’argument du requérant visant, en substance, à faire valoir que la conclusion d’un nouveau type de contrat ne mettrait pas fin à l’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut, mais permettrait une évolution de la carrière des agents qui ne pourrait autrement se faire sans préjudice de leurs droits à pension, force est de rappeler que la conclusion d’un nouveau contrat ne comporte pas une perte des droits à pension déjà acquis. Par ailleurs, à cet égard, il convient de préciser que les conditions d’affiliation au régime de pension sont, de par leur nature et sous réserve du respect des droits acquis, des conditions susceptibles de changer à l’avenir par la volonté du législateur de l’Union.

99

Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique du recours comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

100

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

M. Maxime Picard est condamné aux dépens.

 

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Porchia

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Le greffier

E. Coulon

Le président

S. Papasavvas

Table des matières

 

Antécédents du litige

 

Procédure et conclusions des parties

 

En droit

 

Sur la recevabilité

 

Sur le fond

 

Sur l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe du RAA et sur les conditions d’application des articles 21 et 22 de l’annexe XIII du statut aux autres agents relevant du RAA

 

Sur la situation du requérant

 

Sur les dépens


( *1 ) Langue de procédure : le français.