AVIS
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Comité économique et social européen
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Industries à forte consommation hydrique
et technologies économes en eau
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Industries à forte consommation hydrique et technologies économes en eau
(avis d’initiative)
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CCMI/208
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Rapporteur: Paul RÜBIG
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Corapporteur: John BRYAN
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Décision de l’assemblée plénière
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25/01/2023
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Base juridique
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Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
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Avis d’initiative
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Compétence
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Commission consultative des mutations industrielles
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Adoption en commission
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22/06/2023
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Adoption en session plénière
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13/07/2023
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Session plénière nº
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580
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Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
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200/0/3
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1.Conclusions et recommandations
1.1Dans le cadre du pacte bleu pour l’Europe, il faut que, de toute urgence, l’Union élabore une nouvelle politique européenne de l’eau, comprenant une politique globale et durable de gestion de l’eau pour l’industrie, fondée sur la réduction, la réutilisation, le recyclage de l’eau et la réduction de sa pollution, tout en accordant une attention particulière aux industries à forte intensité d’eau ainsi qu’à l’introduction et à l’utilisation progressives de technologies économes en eau. Compte tenu de l’interdépendance entre énergie, eau et matières premières critiques, la politique de l’eau doit devenir l’un des piliers de la stratégie industrielle de l’Union.
1.2Pour aider les industries à progressivement devenir économes en eau, l’Union doit donc se doter d’une feuille de route assortie de jalons et d’une approche sectorielle, en tenant pleinement compte de l’interdépendance entre énergie, eau et matières premières critiques. Ceci passe par une révision de la stratégie industrielle européenne et de ses documents encadrant des parcours de transition au cours des deux prochaines années. Cette approche sectorielle devrait intégrer les caractéristiques d’une utilisation rationnelle de l’eau ainsi que les problématiques liées à l’eau propres à chaque secteur, et elle devrait reposer sur une démarche prospective assortie d’options, d’une évaluation de l’impact et des risques et enfin d’une analyse du coût du cycle de vie.
1.3Dans la perspective du développement du secteur émergent des technologies économes en eau, domaine où l’Union pourrait jouer un rôle de premier plan, une politique globale européenne dans ce domaine doit aller de pair avec un plan de financement européen ambitieux se donnant pour objectif de permettre à l’industrie de réaliser les investissements essentiels dans les technologies économes en eau. Des incitations financières positives, telles que des crédits d’impôt, des taux d’amortissement plus élevés et d’autres mécanismes, devraient être adoptés. Des moyens de financement innovants, tels que le financement participatif, pour compléter le soutien public pourraient être envisagés.
1.4L’Union doit s’imposer comme la figure de proue à l’échelle mondiale du développement, de la fabrication et de l’utilisation de technologies économes en eau, et se forger une réputation mondiale en tant que zone de production à faible empreinte hydrique. Les technologies économes en eau constituent un secteur industriel qui se rattache aux technologies propres. Elles doivent aussi, en tant que telles, être économes en énergie. Dans la mesure où les technologies propres constituent un écosystème industriel en soi, le CESE suggère de créer un parcours de transition pour cet écosystème d’ici deux ans, avec des objectifs ambitieux mais réalistes, y compris un plan de gestion et de compétences.
1.5Il convient d’être beaucoup plus vigilant en ce qui concerne la consommation, le recyclage et le captage de l’eau dans les processus d’autorisation des nouvelles installations industrielles ainsi que de miser davantage sur des systèmes d’incitation aux projets d’économie d’eau dans les installations existantes. Toutefois, chaque secteur a des besoins différents en matière d’utilisation de l’eau et différentes possibilités de devenir économe. Le principe «avant tout, ne pas nuire» doit être associé à un droit accordé aux activités économiques de consommer de l’eau et à un engagement de l’industrie à faire progresser pas à pas l’utilisation efficace de l’eau au moyen d’une feuille de route spécifique.
1.6Il conviendra d’accorder dans les stratégies européennes une priorité beaucoup plus élevée à la demande, à la consommation et au stockage de l’eau, avec en ligne de mire le développement économique des secteurs de l’industrie. Le CESE souligne le rôle clé de l’eau dans l’économie circulaire.
1.7La consommation d’eau variant d’un État membre à l’autre et d’un secteur à l’autre, il s’impose d’enregistrer et de déclarer les données relatives à l’usage de l’eau pour l’industrie dans chaque État membre et de cartographier les technologies existantes. Puisqu’il s’agit de la première étape de la mise en œuvre de processus économes en eau, il est aussi nécessaire de collecter ces données au niveau des installations. Les droits de propriété industrielle doivent s’inscrire en cohérence avec les exigences applicables en matière de transparence des données.
1.8L’Union doit étudier la possibilité de mettre en place une plateforme du pacte bleu à destination des représentants de l’industrie et de l’agriculture ainsi que des citoyens, dans l’optique d’optimiser la consultation et l’adhésion vis-à-vis du processus d’élaboration d’une nouvelle politique dans le domaine de l’eau. Cette consultation permanente devrait en particulier faciliter la levée des obstacles législatifs à l’adoption de technologies économes en eau dans les processus industriels et agricoles ou encore par les ménages, et contribuer à une mise à jour régulière des plans d’action à mettre en place, tels que les parcours de transition pour l’industrie.
2.Introduction et observations générales
2.1De façon générale, en Europe, les ressources en eau par habitant sont comparativement élevées, mais avec des différences essentielles entre les régions d’Europe centrale et septentrionale et les régions méridionales, principalement dues aux effets des facteurs climatiques sur lesdites ressources en eau. Les principaux défis concernant les cycles de l’eau sont notamment les suivants: 1) des périodes de sécheresse plus longues, suivies de fortes précipitations et d’inondations, deux facteurs qui limitent l’accès à une eau propre et utilisable; 2) l’augmentation de la consommation d’eau en conséquence de l’augmentation ou de la densification de la population et du développement économique, ainsi que de l’augmentation de la demande en eau pour des usages industriels, agricoles et individuels, et 3) l’augmentation de la pollution des sources d’eau due à une absence de traitement des effluents. Une multitude de nouveaux polluants, tels que notamment les microplastiques ou les substances pharmaceutiques, pénètrent dans les sources d’eau et, dans une certaine mesure, ne sont identifiés qu’une fois qu’ils se sont accumulés au point d’atteindre des quantités nocives. Des mesures doivent être définies, traitées et mises en œuvre pour relever ces trois défis essentiels.
2.2En Europe, le stress hydrique est une préoccupation majeure qui prend de l’ampleur. Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) environ 20 % du territoire européen et 30 % des Européens, en année moyenne, sont touchés par le stress hydrique. On entend par utilisation non durable de l’eau, le prélèvement d’eau à partir des ressources naturelles à un rythme plus rapide que celui de sa reconstitution par la nature. Environ 60 % des grandes villes européennes (plus de 100 000 habitants) comptent quelque 140 millions de personnes vivant dans (ou à proximité) des zones de surexploitation des eaux souterraines. Les conséquences négatives sur l’approvisionnement en eau des phases d’inondations causées par les fortes pluies liées au climat — les grandes villes dépendant très souvent de sources d’eau souterraines alimentées par les rivières — représentent un facteur essentiel.
2.3Dans de nombreuses régions du sud de l’Europe, des choix doivent être faits en période de sécheresse afin de préserver l’usage de l’eau pour l’industrie, l’agriculture et les ménages. Dans certaines régions, il y a un risque de délocalisation des industries hors des zones en situation de stress hydrique, entraînant des pertes d’emplois, une déstabilisation des économies et des mutations industrielles.
2.4La politique européenne dans le domaine de l’eau a eu tendance à se concentrer sur le cadre juridique de la protection et de la gestion de l’eau, en insistant sur la pollution et la prévention. La directive-cadre sur l’eau, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, la directive relative aux émissions industrielles et le plan d’action «zéro pollution» dans le cadre du pacte vert pour l’Europe forment le socle des principales politiques européennes existantes dans le domaine de l’eau ayant une incidence sur l’industrie. Toutefois, la dimension hydrique est à peine mentionnée dans les parcours de transition de l’Union pour l’industrie ou dans le rapport de prospective stratégique 2022 de la Commission européenne.
2.5La vision de l’Union pour une transition écologique et numérique de l’industrie et de ses écosystèmes ne fait aucune mention de l’eau. La communication de la Commission relative à un plan industriel du pacte vert évoque dans une note de bas de page l’approvisionnement en eau et l’assainissement en tant que secteurs clés pour la transition écologique, mais le document en tant que tel ne comporte aucune autre référence à l’eau. Il appartient à l’Union d’aborder la politique de l’eau avec la même détermination que celle dont elle a fait preuve face à la crise climatique.
3.Nécessité d’intégrer l’eau dans la politique industrielle européenne tout en adoptant une approche sectorielle
3.1La politique de l’eau et la gestion de l’eau fonctionnent de manière très différente d’un État membre à l’autre, ce qui crée de véritables difficultés pour les populations et les industries. Dans la mesure où 60 % des eaux de surface européennes sont transfrontalières, une politique commune de l’Union dans le domaine de l’eau doit être mise à l’étude.
3.2En mars 2023, le Conseil européen a adopté les conclusions suivantes: «Le Conseil européen se félicite de la conférence des Nations unies sur l’eau 2023 et de son programme d’action pour l’eau. Il reconnaît la nécessité d’une action renforcée au niveau de l’UE et au niveau mondial dans le domaine de l’eau et souligne l’importance d’une approche stratégique de l’UE en matière de sécurité de l’eau.»
3.3Il s’impose à l’Union de présenter une politique globale et durable de la gestion de l’eau pour l’industrie, fondée sur la réduction, la récupération, la réutilisation et le recyclage, en accordant une attention toute particulière aux industries à forte intensité d’eau et à l’utilisation de technologies économes en eau. La hiérarchie en cascade pour ce qui concerne la problématique de l’eau doit être prioritaire.
3.4Toutes les industries sont tributaires de l’eau. L’industrie représente environ 40 % du total des prélèvements d’eau en Europe. Dans l’Union européenne, parmi les principales industries nécessitant de grandes quantité d’eau, on compte notamment les industries extractives, l’industrie manufacturière, la production d’électricité, la construction, la chimie, l’agriculture, la production d’aliments et de boissons, le textile, le papier et la pâte à papier, les produits pharmaceutiques, les TIC, y compris les centres de données, l’industrie automobile, la sidérurgie, les engrais ou encore les transports. Toutefois, les données sur le captage et l’utilisation de l’eau au sein de l’Union sont tout à la fois dépassées et de piètre qualité. Une stratégie industrielle européenne dans le domaine de l’eau doit se fonder sur des données collectées au niveau de l’Union, avec la participation d’Eurostat, afin de disposer d’une vue d’ensemble large et complète. Il y a lieu aussi de collecter ces données au niveau des installations, puisqu’il s’agit de la première étape de la mise en œuvre de processus économes en eau. En outre, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) œuvre à la mise en place d’une plateforme d’interopérabilité pour un entrepôt mondial de données.
3.5Il est manifestement nécessaire d’adopter une approche européenne intégrée des politiques de l’eau qui comprenne une meilleure coordination des nombreuses exigences législatives découlant de plusieurs secteurs et utilisations, y compris les secteurs industriels. Par ailleurs, une ambition politique beaucoup plus forte est nécessaire pour faire progresser l’utilisation rationnelle de l’eau et réduire sa pollution et sa consommation dans les industries européennes, notamment par l’introduction progressive de technologies économes. Cependant, une approche sectorielle est de mise, car la possibilité de devenir plus économe varie considérablement d’un secteur à l’autre, en fonction de l’existence de technologies adaptées à une utilisation efficace de l’eau.
3.6Pour ce qui est des différents secteurs industriels, une analyse approfondie doit être réalisée afin d’établir, à l’échelle européenne, des critères de référence, des lignes directrices et des systèmes de déclaration pour le développement durable futur des cycles de l’eau. Il faut reconnaître que, directement ou indirectement, certaines ressources consacrées aux cycles industriels de l’eau sont déjà disponibles au niveau européen, telles que l’étude de 2021 intitulée «Circular economy perspectives in the EU Textile sector» (Perspectives d’économie circulaire dans le secteur textile de l’Union), mais que des efforts supplémentaires restent impératifs pour couvrir les différents secteurs industriels concernés. Le CESE plaide en faveur d’une révision des parcours de transition pour l’industrie au cours des deux prochaines années afin d’y inclure la dimension de l’utilisation efficace de l’eau, ainsi qu’une feuille de route ambitieuse, mais réaliste, pour devenir progressivement plus efficace dans l’utilisation de l’eau.
3.7Il convient d’être beaucoup plus vigilant en ce qui concerne la consommation et le recyclage de l’eau dans les processus d’autorisation des nouvelles installations industrielles ainsi que de miser davantage sur des systèmes d’incitation aux projets d’économie d’eau dans les installations existantes. Toutefois, chaque secteur a des besoins différents en matière d’utilisation de l’eau et différentes possibilités de devenir économe. Le principe «avant tout, ne pas nuire» doit se combiner à un droit pour les activités économiques de consommer de l’eau. Il convient de reconnaître ce droit tout en faisant en sorte que l’installation industrielle s’engage à améliorer progressivement son utilisation rationnelle de l’eau, mesurée par le critère de référence sectoriel, au moyen d’une feuille de route pour l’utilisation efficace de l’eau.
3.8Les industries seront de plus en plus soumises à une injonction de réduire leur impact environnemental et d’utiliser l’eau plus efficacement, que ce soit de manière directe ou indirecte. Comme pour la décarbonation et l’énergie, de nombreuses industries devront consentir à des investissements à grande échelle pour rendre leurs procédés de production et leurs chaînes de valeurs plus économes en eau et en réduire l’impact sur la qualité de l’eau.
3.9Dans le processus de transition vers une société neutre en carbone et économe en énergie et en eau, il est essentiel que les industries exerçant leur activité dans l’Union restent compétitives et ne soient pas désavantagées par rapport à d’autres régions du monde où l’on opte pour des politiques à la fois moins responsables et moins restrictives, qui érodent ce faisant la production et l’emploi au sein de l’Union, sans permettre de progresser sur le front de l’eau au niveau mondial. Nous devons protéger les futurs produits et services économes en eau qui auront été conçus dans l’Union contre des importations moins efficaces dans leur utilisation de cette ressource.
4.Technologies économes en eau permettant une gestion durable de l’eau
4.1Le succès de l’adoption de technologies économes en eau dans l’industrie et dans d’autres domaines est essentiel au succès d’une politique européenne durable dans le domaine de l’eau. Ces technologies sont susceptibles d’en réduire considérablement l’utilisation et de favoriser sa réutilisation et son recyclage, tout en améliorant sa qualité et en réduisant au minimum les rejets d’eaux usées. La sécurité d’un approvisionnement volatil en eau devrait être renforcée par des systèmes de rétention d’eau bien conçus (pluies et inondations).
4.2Plusieurs technologies économes en eau existent déjà. Parmi les principales technologies actuellement utilisées dans l’industrie, on relève notamment: recyclage et réutilisation de l’eau — traitement et réutilisation des eaux usées dans les opérations industrielles, réduisant la demande d’eau douce; évaluation et optimisation des processus industriels afin de diminuer la consommation d’eau et de réduire au minimum les déchets; application d’une étape d’osmose inverse plutôt qu’un échange d’ions comme procédé d’alimentation de chaudière, et ce pour réduire la charge en sel lors de l’élimination des eaux usées de régénération; filtration sur membrane — élimination des impuretés de l’eau permettant sa réutilisation à des fins industrielles; extraction et assainissement des eaux usées; installations à faible débit — réduction de la consommation d’eau dans les bâtiments grâce à l’installation de robinets, de pommes de douche et de toilettes économes en eau; irrigation goutte-à-goutte et agriculture de précision — réduction au minimum de l’utilisation d’eau dans l’agriculture et optimisation du rendement des cultures; traitement anaérobie des eaux usées (production biologique de gaz en l’absence d’oxygène pour la production d’énergie — utilisation de micro-organismes pour décomposer les polluants dans les effluents de manière à produire des eaux usées réutilisables); collecte et stockage de l’eau de pluie à des fins d’irrigation, de nettoyage ou autres utilisations non potables; systèmes en circuit fermé — réduction au minimum de la consommation d’eau et des déchets par recyclage de l’eau à usage industriel dans un processus industriel; substitution des matériaux — utilisation de matériaux de substitution qui nécessitent moins d’eau pour la production, et dont l’empreinte hydrique est moindre.
4.3De nombreuses industries utilisent déjà des technologies économes en eau. Pour ce qui concerne l’industrie laitière, l’Irlande offre un exemple éloquent: les exportations de produits laitiers y représentent 6,8 milliards d’euros, soit une production annuelle de 11 milliards de litres de lait transformé. Tirlán, la plus grosse coopérative laitière du pays, extrait de la rivière qui baigne la région quelque 11 000 m³ d’eau par jour; elle pratique des forages au profit de sa principale usine de transformation située à Ballyragget, dans le comté de Kilkenny. Toutefois, grâce aux procédés de production à l’œuvre et à ses technologies de traitement de l’eau, l’usine restitue quotidiennement quelque 14 500 m³ d’eau propre dans la rivière Nore, située en zone spéciale de conservation. Cela signifie que la laiterie régénère un surplus d’environ 30 % d’eau propre dans la rivière. Ces eaux retournées sont d’une qualité telle qu’elles ont peu à peu contribué à améliorer la qualité des eaux de la rivière et à maintenir son statut de zone spéciale de conservation (ZSC) et de zone de protection spéciale (ZPS). Des investissements importants ont été consentis dans la station d’épuration des eaux usées et les technologies appropriées.
4.4Bien que dominée par la production asiatique, l’industrie textile emploie plus de 1,6 million de travailleurs au sein de l’Union. Le secteur a un impact majeur sur les ressources en eau. Les textiles contiennent de nombreux polluants potentiels qui entrent dans le cycle de l’eau tout au long de la phase d’utilisation des textiles, et ils doivent donc être abordés au moyen d’un cadre réglementaire solide. Il s’agit notamment de microparties de fibres, d’agents d’étanchéité/produits chimiques et de teintures textiles. On peut par ailleurs s’attendre à ce que la rareté de l’eau dans les pays de production ait une incidence croissante sur les coûts et les limitations des capacités. Il s’impose de bien comprendre les chaînes de valeur et les flux de matières en Europe et dans le monde. Des enjeux et des obligations sont aussi devant nous en ce qui concerne la collecte et la transformation des textiles post-consommation.
4.5Sur la base de la stratégie de l’Union pour des textiles durables, le cadre réglementaire relatif aux aspects de l’économie circulaire liés à l’eau devrait être élaboré bien en amont de manière plus détaillée. La stratégie souligne la nécessité de bâtir une économie circulaire, mais elle ne répond pas explicitement au besoin de ressources en eau. Toutefois, il ne fait aucun doute que l’application des principes de l’économie circulaire dans l’industrie textile nécessitera de grandes quantités d’eau. Il est essentiel de recenser les besoins en matière de recherche et développement et de formation en relation avec le cycle de l’eau, et de se pencher dans le même temps sur leurs financements publics respectifs. Il convient aussi de fixer des objectifs et des limites pour la demande en eau douce, laquelle devrait se réduire au minimum grâce à l’optimisation des processus (recyclage). L’Union devrait s’interroger sur la pertinence d’établir une feuille de route dans la perspective de progresser pas à pas vers un objectif «zéro rejet», au moins pour ce qui concerne la gamme des polluants potentiels.
4.6L’industrie du papier offre un autre exemple: elle a démontré qu’elle possédait un fort potentiel d’action pour réduire au minimum, voire pour écarter tout à fait, les effets négatifs sur les sources d’eau. L’industrie du papier européenne a déjà atteint un niveau comparativement correct en ce qui concerne l’utilisation de l’eau, mais des améliorations sont encore possibles. Celles-ci peuvent être atteintes en relevant le niveau de mise en œuvre des processus de réutilisation de l’eau, en appliquant les technologies de traitement les plus récentes ou encore en fixant un objectif potentiel de rejet proche de zéro dans un calendrier ambitieux mais réaliste. L’appui des pouvoirs publics au développement et à l’innovation dans l’industrie du papier en Europe et les mesures visant à optimiser l’utilisation de l’eau peuvent déboucher sur un avantage économique. Par exemple, le savoir-faire en matière d’optimisation de l’utilisation de l’eau dans l’industrie du papier est déjà un facteur d’économies pour la production européenne de machines, et les solutions retenues ont été mises en œuvre dans d’autres secteurs. Dans d’autres régions du monde, les grandes usines de papier ont dû cesser leur activité en raison de leur impact extrêmement négatif sur l’eau et sur leur environnement immédiat.
4.7Les industries de l’eau (ouvrages hydrauliques et unités de traitement des effluents aqueux) devraient être neutres sur le plan climatique et énergétique (voire dégager un bilan positif) et constituer des infrastructures critiques sûres sur le plan de la cybersécurité. De bons exemples existent en Europe et dans le monde entier. Par ailleurs, des régions à très faibles ressources en eau ont de multiples possibilités d’amélioration (gestion, désalinisation, circularité de l’eau, efficacité).
4.8Par une évolution comparable à celle engagée pour faire face aux défis climatique et énergétique dans la plupart des États membres, qui implique des exigences en matière d’isolation et de modernisation pour les bâtiments, une politique de collecte et de réutilisation de l’eau devrait être adoptée dans tout nouveau projet immobilier. Pour ce qui concerne l’industrie, une politique relative à l’utilisation des eaux grises pour une utilisation non potable doit être élaborée. Par exemple, le Centre commun de recherche (JRC) a élaboré des lignes directrices techniques pour l’application de principes clés de gestion des risques aux fins de l’évaluation et de la gestion des risques sanitaires et environnementaux liés à un système de réutilisation de l’eau. Toutefois, des applications plus systématiques des technologies existantes et nouvelles sont nécessaires, et elles devraient être mises en œuvre en tenant compte du cycle complet de l’eau.
4.9L’Union doit s’imposer comme la figure de proue à l’échelle mondiale du développement, de la fabrication et de l’utilisation de technologies économes en eau et se forger une réputation mondiale en tant que zone de production à faible empreinte hydrique. Il sera essentiel d’investir dans la recherche et le développement, ainsi que dans la gestion et les compétences pertinentes pour l’industrie de l’eau. De nouvelles professions et des travailleurs spécialement formés dans le domaine de l’eau seront nécessaires pour soutenir le savoir-faire et la mise en œuvre de nouvelles technologies d’utilisation de l’eau, y compris l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ce domaine. L’Union peut se positionner en première ligne de la production bleue et du marché du traitement des eaux industrielles, en étant tout particulièrement attentive à la création de nouveaux emplois qualifiés en Europe. Le savoir-faire relatif aux processus d’économie d’eau constituera une compétence de base et un indicateur de performance clé pour l’industrie à l’avenir. Les technologies économes en eau constituent un secteur industriel qui relève des technologies propres. Dans la mesure où les technologies propres constituent un écosystème en soi, le CESE suggère de créer un parcours de transition destiné à cet écosystème dans les deux années qui viennent, avec des objectifs ambitieux mais réalistes, y compris un plan en matière de compétences.
4.10La consultation et la participation des dirigeants et des représentants de l’industrie sont essentielles à l’élaboration d’une politique européenne durable dans le domaine de l’eau. L’adhésion des citoyens européens à cette politique est par ailleurs cruciale. Dans de nombreux secteurs, la législation nationale n’autorise pas la réutilisation de l’eau, et par conséquent empêche le processus d’économie circulaire. Pour y remédier, il faut que l’Union introduise des exigences minimales en matière de qualité et de surveillance de l’eau. À cette fin, une plateforme du pacte bleu pour les représentants européens de l’industrie et de l’agriculture et pour les citoyens pourrait être mise sur pied, et elle servirait de lieu d’échange pour les idées et questions relatives au partage et à l’utilisation de l’eau ou encore à des projets d’innovation. Cette plateforme pourrait intégrer des structures dépendant des pouvoirs publics aux échelons local, régional, national et européen. Cette plateforme européenne du pacte bleu aurait pour but d’aider l’Union et ses États membres à prendre le plus rapidement possible les décisions politiques qui s’imposent en matière de politique de l’eau. Il est aussi crucial d’intensifier le dialogue sur cette problématique avec les institutions locales et nationales pour encourager une sensibilisation, une information et une éducation structurées et axées sur l’action, faisant valoir l’importance stratégique de l’eau en tant que ressource rare. Cette consultation en continu pourrait aussi faciliter la levée des obstacles législatifs à l’adoption de technologies économes en eau tant dans les processus industriels et agricoles que par les ménages.
4.11Une politique globale de l’Union dans le domaine de l’eau doit être assortie d’un plan de financement européen tout aussi ambitieux pour permettre à l’industrie et aux pouvoirs publics locaux de réaliser des investissements essentiels dans des technologies économes en eau. Des incitations financières positives, telles que des crédits d’impôt, des taux d’amortissement plus élevés et d’autres mécanismes, devraient être introduites. Les outils et mécanismes de la «finance verte» (comme les critères ESG ou la taxinomie) doivent être complétés par une prise en compte plus étendue et approfondie de l’utilisation de l’eau.
Bruxelles, le 13 juillet 2023
Oliver RÖPKE
Président du Comité économique et social européen
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