ECO/673
Considérations supplémentaires sur la politique économique de la zone euro (2025)
AVIS
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»
Considérations supplémentaires sur la politique économique de la zone euro (2025)
(avis d’initiative)
Rapporteur: Juraj SIPKO
|
Conseiller
|
Petr ZAHRADNÍK (pour le rapporteur)
|
|
|
|
|
Décision de l’assemblée plénière
|
27/3/2025
|
|
Base juridique
|
Article 52, paragraphe 2, du règlement intérieur
|
|
Compétence
|
Section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»
|
|
Adoption en section
|
5/9/2025
|
|
Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
|
34/0/1
|
|
Adoption en session plénière
|
J/M/AAAA
|
|
Session plénière nº
|
...
|
|
Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)
|
…/…/…
|
1.Conclusions et recommandations
1.1Le CESE constate que les performances économiques des États membres de l’Union européenne et de la zone euro, en particulier au cours des cinq dernières années, n’ont pas été suffisantes pour permettre à l’Union de maintenir la solide position qu’elle occupait dans l’économie mondiale, avant tout par rapport aux économies américaine et chinoise. Cette tendance s’est manifestée notamment par des rythmes incomparablement plus faibles de la croissance économique, mais aussi par d’autres paramètres qualitatifs, qui ont attesté de l’affaiblissement progressif de la position de l’Union au sein de l’économie mondiale, avant tout par comparaison avec ses plus importants concurrents.
1.2Le CESE fait observer qu’en sus d’un rythme atone de la croissance économique, l’économie de l’Union et de la zone euro a aussi été aux prises avec un taux d’inflation élevé, qui s’est accompagné d’une résilience structurelle relativement faible au regard des risques actuels touchant à la sécurité. On peut constater qu’est en train de se clore la période visée plus haut, marquée par des chocs externes systémiques qui ont eu des conséquences sociales négatives, notamment une réduction du niveau de vie de la population de l’Union et de la zone euro, et l’inflation devrait à présent suivre une trajectoire normale.
1.3Le CESE note avec satisfaction que le taux de chômage atteint ces tout derniers temps des niveaux historiquement faibles, et que l’on escompte dans le même temps que l’évolution des salaires réels revienne progressivement à des niveaux acceptables. Il est paradoxal qu’à l’échelle historique, le taux d’emploi le plus élevé observé coïncide avec des rythmes très ralentis de la croissance économique, qui découlent entre autres du niveau relativement faible de la productivité.
1.4Le CESE voit d’un œil très favorable le solde positif de la balance commerciale qu’affiche dans l’ensemble l’économie de l’Union et de la zone euro. Cette tendance atteste de la compétitivité de l’économie de l’Union prise dans son ensemble, principalement dans le secteur des échanges de marchandises, et de sa capacité à préserver dans le même temps un avantage concurrentiel relativement important. Dans ce contexte, le Comité recommande vivement que soient prises toutes les mesures nécessaires en matière de politique économique et commerciale pour faire en sorte que perdurent tant cette évolution positive du solde de la balance commerciale que l’excédent de la balance courante.
1.5Le CESE est parfaitement conscient du fait que dans la situation telle qu’elle se présente, marquée par une guerre commerciale mondiale déclenchée par le gouvernement fédéral des États-Unis, il n’est ni possible ni aisé de maintenir une solide position dans le commerce international. Dans la sphère de l’économie, du commerce et de l’investissement à l’échelle mondiale, les règles internationales progressivement mises en place au fil des 80 années qui viennent de s’écouler n’ont actuellement plus cours. Dans ce contexte, le Comité invite les institutions compétentes à l’échelle de l’Union européenne à prendre d’urgence les mesures qui permettront d’éviter que ne s’affaiblisse encore la position de l’économie de l’Union dans l’arène économique mondiale.
1.6Le CESE constate que pour relancer l’économie de l’Union et de la zone euro, il convient de partir de mesures ciblées visant à accroître des activités d’investissement porteuses des avantages, des bénéfices et des rendements correspondants. Récemment, la Commission européenne a adopté toute une série de documents par lesquels elle définit chacun des différents secteurs importants sur le plan stratégique qui déterminent la place qu’occupe chaque région du monde sur la carte économique de la planète. Le Comité recommande dès lors de concentrer l’attention sur ces secteurs et de garantir également des conditions procédurales et financières qui favoriseront une forte activité d’investissement.
1.7Le CESE soutient chacune des différentes mesures prises par la Commission européenne en faveur de la stratégie pour le marché unique, par lesquelles elle met l’accent sur la création d’un environnement propice à l’innovation. Aussi importe-t-il de faciliter et de simplifier les règles communes valables au sein du marché unique. À cet égard, le Comité discerne une marge de manœuvre en vue d’un financement plus efficace grâce à l’union de l’épargne et des investissements, ainsi que par l’intermédiaire d’un marché des capitaux plus vaste et intégré.
1.8Afin de maintenir et de renforcer la position de l’Union et de la zone euro dans l’économie mondiale, il est nécessaire d’adopter et de mettre en œuvre une politique ciblée visant à favoriser l’entrée d’entreprises performantes et ambitieuses sur le marché mondial. Le CESE souligne dès lors la nécessité de créer à cette fin un espace suffisant pour les talents les plus pointus en matière de postes de travail dans le domaine de la technologie et de l’innovation en Europe, y compris dans le cadre de l’initiative «Choose Europe» (Choisir l’Europe) déjà lancée.
1.9Le CESE est favorable à un cadre législatif qui énonce les règles avec clarté. Dans le même temps, il fait observer qu’il continue de subsister toute une série de règles obsolètes, alors même qu’elles compliquent notablement la vie des citoyens comme celle des entrepreneurs. Aussi le Comité se félicite-t-il du processus en cours de simplification des procédures. Dans le même temps, il fait valoir qu’il s’impose à cette occasion de ne pas porter atteinte aux normes de protection sociale et environnementale.
1.10Le CESE est d’avis que pour asseoir favorablement et durablement la position de l’économie de l’Union et de la zone euro dans l’économie mondiale, il est indispensable, du point de vue de ses avantages concurrentiels, de valoriser ses atouts et de remédier simultanément à ses faiblesses. En outre, il est nécessaire de s’attacher, dans le cadre d’une autre stratégie, au secteur moins développé des services, qu’il convient de soutenir conformément aux règles du marché unique, de sorte qu’il soit concurrentiel à l’échelle internationale. De même, le Comité fait valoir qu’il ne sera possible de constituer un secteur plus intégré des services que si l’on réduit effectivement le dumping social et si l’on garantit une mobilité équitable.
1.11L’une des tâches les plus importantes qui incombe aux États membres de l’Union et de la zone euro consiste à assurer à moyen terme leur viabilité budgétaire, un objectif en soi fort compliqué au regard d’une part de l’atonie de la croissance économique et d’autre part de l’augmentation des dépenses consacrées à la défense et à la sécurité, à la transition, au service de la dette, ainsi que de celles liées au vieillissement de la population. C’est pourquoi le CESE soutient les démarches entreprises en vue de créer une marge de manœuvre budgétaire au moyen d’une révision ciblée des règles budgétaires européennes et de la mise en œuvre d’une capacité d’investissement de l’Union afin de financer des investissements propices à la croissance qui présentent un intérêt stratégique pour le marché unique. Dans le même temps, le cadre budgétaire doit veiller à ce que soient constituées des réserves budgétaires en période de reprise économique.
1.12Les économies de l’Union et de la zone euro sont confrontées à de nouveaux défis du fait de l’imprévisibilité des événements et des conséquences de la crise des échanges commerciaux mondiaux. Le CESE recommande dès lors à la Commission européenne de presser le pas afin de conclure des accords commerciaux bilatéraux avec tous les pays qui constituent les plus importantes destinations de son commerce extérieur. En outre, il est nécessaire que la Commission poursuive les actions qu’elle mène à son échelle afin de relancer le processus du multilatéralisme et d’engager sans délai des réformes au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Compte tenu de l’imprévisibilité des évolutions actuelles dans le domaine du commerce mondial, qui prennent un tour inconnu jusqu’à présent, le Comité recommande à la Commission d’adopter une approche plus volontariste pour lutter contre les mesures protectionnistes, de concert avec tous les États intéressés.
1.13Le CESE recommande que sur le plan institutionnel et législatif, à l’échelon de l’Union et de chacun des gouvernements nationaux, toutes les mesures soient prises sans délai afin d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Dans ce contexte, il sera nécessaire d’établir un cadre multifonctionnel visant à combler les retards pris en matière de recherche et de développement, d’investissement, de productivité et de compétitivité par rapport aux principaux concurrents mondiaux. Le Comité invite toutes les institutions européennes et nationales compétentes à mettre en œuvre une approche coordonnée en vue de rétablir le rang de l’économie de l’Union et de la zone euro sur la scène économique mondiale.
2.Observations générales
2.1Jusqu’à la fin de 2024, les économies de l’Union européenne affichaient une relative stabilité. Malgré la forte incertitude qui plane sur l’évolution de l’économie mondiale, on a observé que l’inflation s’amenuisait et que la croissance économique se maintenait, quoiqu’à un niveau faible.
2.2Après une année 2024 relativement stable, les mois de janvier, d’avril et d’août 2025 ont été marqués par la mise en place par le gouvernement fédéral des États-Unis de mesures protectionnistes qui font peser un risque considérable sur l’évolution de l’économie des États membres de l’Union et de la zone euro. L’augmentation des droits de douane a engendré une grande incertitude dans l’environnement des entreprises et des investissements, mais aussi un degré élevé d’instabilité sur les marchés financiers, des capitaux et des matières premières.
2.3Malgré des différences relativement marquées dans le rythme de la croissance économique entre les différents États membres, dans l’ensemble, les performances économiques ne sont pas particulièrement encourageantes. Cette situation résulte d’un écart de productivité croissant entre les États européens et leurs principaux concurrents sur la scène économique mondiale.
2.4La croissance économique des États membres de l’Union et de la zone euro a affiché en 2024 des valeurs relativement faibles. Dans la zone euro, la croissance du PIB a atteint 0,7 % d’une année sur l’autre, tandis qu’elle s’établissait à 0,9 % dans l’ensemble de l’Union. Cette tendance relativement atone de la croissance économique s’est poursuivie jusqu’à la fin de 2024, et l’on a observé qu’elle tendait à ralentir au fil du temps.
|
Croissance du PIB
|
2024
(en %)
|
T4 2024/T4 2023
(en %)
|
T4 2024/T3 2024
(en %)
|
|
Union européenne
|
0,9
|
1,1
|
0,2
|
|
Zone euro
|
0,7
|
0,9
|
0,1
|
2.5À l’heure actuelle, la consommation des ménages peut éventuellement constituer un facteur d’accélération de la croissance économique, mais à condition qu’elle ne subisse pas les effets délétères de la guerre commerciale mondiale en cours, qui devrait avoir des répercussions imprévisibles sur le niveau des prix des biens de consommation et sur la confiance des consommateurs. Il est nécessaire de renforcer la demande intérieure au sein du marché unique pour soutenir la consommation car celle-ci constitue un facteur central de la croissance économique, et pour ce faire, de mettre effectivement en œuvre la directive relative à des salaires minimaux adéquats, de conforter la négociation collective et de stimuler l’investissement.
2.6L’activité d’investissement connaît actuellement un niveau relativement faible du fait de l’incertitude persistante liée à la future transition vers l’économie verte, mais aussi de l’aggravation des tensions géopolitiques et de la poursuite de la fragmentation de l’économie mondiale. En outre, elle subit également les effets des atteintes aux principes fondamentaux du multilatéralisme, lequel a influé dans l’histoire de manière très positive sur le développement de l’économie mondiale après la Seconde Guerre mondiale. Toutes ces tendances négatives se répercutent également très fortement sur l’évolution de l’économie mondiale, tout comme de celle de l’Union européenne et de la zone euro.
2.7La poursuite de la mise en place de mesures protectionnistes et l’incertitude qui prévaut à l’échelle internationale sur les marchés financiers, de capitaux et de matières premières exacerbent le risque associé à l’orientation du commerce extérieur des États membres de l’Union et de la zone euro. Ces derniers sont parvenus, en dépit de l’incertitude assez importante qui plane sur l’économie mondiale depuis les cinq dernières années, à obtenir une évolution favorable de leur balance commerciale et des excédents de leur balance courante, contrairement aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui affichent des déficits à long terme. C’est précisément ce solde positif de la balance commerciale avec les États-Unis qui peut expliquer en partie la manière dont ceux-ci agissent actuellement en matière de politique commerciale extérieure à l’égard des États membres de l’Union. Dans ce contexte, ces derniers, y compris les pays de la zone euro, devront être parés à affronter des évolutions imprévisibles de l’économie mondiale.
2.8Parmi les tendances positives qui ont marqué l’évolution de l’économie de l’Union et de la zone euro au cours des cinq dernières, on compte la relative résilience face à un taux élevé de l’inflation, l’adoption de mesures visant à améliorer la discipline budgétaire, mais aussi la capacité à faire face à la crise énergétique.
2.9Dans les États membres de la zone euro, le taux d’inflation a connu en 2024 une trajectoire baissière relativement favorable. Pour autant qu’il ne se produise pas de chocs extérieurs imprévisibles au sein de l’économie mondiale, on peut s’attendre à ce que la Banque centrale européenne (BCE), une fois qu’elle aura atteint son objectif d’inflation à la mi-2025, poursuive par étapes sa politique monétaire expansionniste.
2.10Le CESE souligne que davantage d’investissements publics sont nécessaires pour que l’Union européenne réalise ses objectifs en matière de climat, rattrape son retard dans le domaine de l’innovation et accroisse sa productivité, sa compétitivité et sa résilience. Dans cet ordre d’idées, le Comité propose de procéder à une révision ciblée du règlement (UE) 2024/1263
afin d’accorder la priorité à des investissements publics qui favorisent la croissance et aident à accroître la productivité, la compétitivité et la résilience des économies de l’Union.
2.11 En matière de finances publiques, l’évolution est pour l’heure moins prometteuse. Cette situation découle de la persistance d’une accumulation importante de l’endettement public, ainsi que d’une hausse des dépenses qu’entraînent le vieillissement de la population et la transition, mais aussi la défense et la sécurité. Cela pourrait conduire à un creusement du déficit et de la dette publique.
2.12Parmi les tendances positives enregistrées dans l’évolution des États membres de l’Union européenne et de la zone euro, on peut également compter un taux de chômage relativement faible, en dépit de ses variations d’un État à l’autre. Dans ce contexte, il convient de relever le fait que le chômage demeure modéré alors que le rythme de la croissance économique est très ralenti du fait d’une structure moins favorable de l’économie, mais surtout alors que la productivité ne cesse de demeurer à des niveaux faibles.
2.13Compte tenu des tensions géopolitiques actuelles et de la fragmentation accrue de l’économie mondiale qu’elles engendrent, il sera nécessaire d’élaborer de nouvelles approches pour conduire et mettre en œuvre la politique économique. Dans ce contexte, il s’impose plus que jamais de progresser résolument dans les réformes structurelles coordonnées axées sur la résilience (que celle-ci soit d’ordre financier, technologique, opérationnel ou touche aux modèles d’entreprise), ainsi que de renforcer l’autonomie stratégique, tout en respectant l’ensemble des valeurs fondamentales de l’Union européenne, principalement en matière d’économie, de commerce et d’investissement.
2.14Dans le contexte des évolutions géoéconomiques du temps présent, il sera nécessaire pour les États membres de l’Union et de la zone euro de se pencher sur leur conjoncture actuelle, de prendre et de mettre en œuvre, toutes les mesures indispensables afin de réaliser les changements structurels destinés à accroître l’investissement et à stimuler la productivité, la compétitivité et la résilience d’ensemble.
2.15Au cours de ces deux dernières décennies, l’Union européenne a progressivement perdu la position de premier plan qu’elle occupait dans l’économie mondiale, notamment lorsqu’on la compare avec ses principaux concurrents. Il sera donc inéluctable d’adopter et de mettre en œuvre sans délai toutes les mesures nécessaires pour accroître, grâce à une allocation plus efficace du capital et de l’épargne, les investissements qui sont le principal facteur d’augmentation de la productivité et d’amélioration de la qualité de la main-d’œuvre. Pour ce faire, l’une des solutions possibles consiste à supprimer d’urgence les obstacles connus de longue date et à combler les lacunes structurelles.
3.Recommandations particulières
3.1Le CESE est bien conscient que la situation économique qui prévaut actuellement dans les États membres de l’Union européenne et de la zone euro découle dans une forte mesure du changement fondamental de paradigme de l’environnement économique qui touche l’économie mondiale. Sa principale cause réside dans l’évolution imprévisible dans les domaines des droits de douane et de la politique commerciale, qui a des conséquences à la fois directes et indirectes.
3.2Dans ce contexte, le CESE recommande à la Commission européenne de ne pas s’engager plus avant dans la voie d’une intensification de la guerre commerciale. Il est nécessaire de démontrer clairement la capacité de l’Union à faire face le plus efficacement possible à la politique commerciale radicale des États-Unis. Les instances dirigeantes de la Commission se voient ainsi offrir l’occasion d’analyser les conditions dans lesquelles certaines entreprises multinationales dans le domaine des technologies de l’information (TIC) et des technologies avancées exercent leurs activités sur le territoire de l’Union, y compris la manière dont elles respectent leurs obligations fiscales.
3.3Le CESE est d’avis que la diplomatie de l’Union devrait à présent jouer un rôle éminent sur la scène internationale afin de contrer le processus d’érosion du multilatéralisme. À cet égard, elle devrait plaider résolument en faveur du maintien de la structure institutionnelle de la coopération mise en place après la guerre, fondée sur la stabilité monétaire internationale [avec le Fonds monétaire international (FMI)], sur l’assistance financière [avec la Banque mondiale, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD)] et le processus de libéralisation et d’élimination des obstacles au commerce international [avec l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), auquel a succédé l’Organisation mondiale du commerce (OMC)]. La création de ces institutions monétaires, financières et commerciales multilatérales, et leur fonctionnement couronné de succès depuis près de 80 ans, correspondent davantage aux valeurs de l’Union européenne que le maintien du protectionnisme, les incertitudes économiques et une approche irrationnelle du système multilatéral en place.
3.4Le CESE estime que dans l’environnement actuel marqué par l’incertitude et l’imprévisibilité, l’Union européenne devrait s’employer autant que faire se peut à conforter ses atouts, mais aussi à remédier simultanément à ses faiblesses économiques. Dans ce contexte, le Comité constate que si l’économie de l’Union gagne structurellement en compétitivité et en stabilité, elle sera mieux parée à faire face aux chocs inattendus qui ne manqueront pas de se produire. À l’heure actuelle, l’une des principales priorités de l’Union devrait être de préserver l’unité de sa politique commerciale, laquelle s’en trouvera de ce fait moins exposée aux chocs extérieurs systémiques.
3.5Le CESE constate qu’il est nécessaire de tirer parti de l’immense avantage comparatif que constitue le marché unique au sein de l’UE. Toutefois, depuis que ce dernier a été créé en 1993, son potentiel n’a pas été suffisamment exploité. Dans ce contexte, il convient de relever que toute une série de secteurs de pointe qui se constitue depuis peu, en particulier dans le domaine des services, se heurte à des obstacles de taille, ce qui explique qu’il est difficile de tirer parti de leurs avantages comparatifs au profit de l’Union.
3.6Le CESE recommande de prendre les mesures spécifiques nécessaires, et de les mettre en œuvre, afin d’approfondir le marché unique dans tous les secteurs et dans toutes les branches, y compris les services. Toutefois, ces mesures ne sauraient porter atteinte aux normes de protection sociale et environnementale. En outre, il est désormais plus nécessaire que jamais de créer un cadre institutionnel et législatif afin d’augmenter le capital et de l’allouer de manière efficace.
3.7Le CESE recommande de mener à bien des réformes du financement de l’Union européenne de sorte à tenir compte de l’évolution des réalités. Aussi marque-t-il son accord avec la réalisation de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union pour la période 2021-2027, y compris l’examen à mi-parcours de la politique de cohésion, afin de veiller à ce que cette dernière, bien qu’elle s’axe principalement sur le renforcement de la compétitivité de l’Union, ne perde pas de vue les valeurs et les objectifs du modèle social européen. Le Comité soutient l’amplification de la capacité d’investissement dans des secteurs stratégiques de l’économie de l’Union et le développement de technologies critiques pour parvenir à une plus grande résilience économique.
3.8Dans le même temps, le CESE soutient l’élaboration de grandes stratégies sectorielles pour les secteurs et les branches d’importance critique, qui devraient déterminer à l’avenir l’avantage concurrentiel de l’économie de l’Union et de la zone euro.
3.9En outre, le CESE approuve et soutient les objectifs énoncés dans le document sur «Une boussole pour la compétitivité de l’UE», à savoir rétablir la compétitivité et assurer une prospérité durable et inclusive, qui constituent un cadre stratégique pour coordonner les activités de soutien à la compétitivité de l’Union et de la zone euro grâce à l’adoption de toute une série de mesures urgentes et nécessaires.
3.10Le CESE estime que l’exceptionnelle complexité administrative et procédurale de l’environnement des entreprises constitue l’un des principaux obstacles qui entravent depuis longtemps la croissance économique de l’Union et de la zone euro. Il recommande donc vivement de supprimer les obstacles administratifs auxquels se heurtent les entreprises, à commencer par les dix plus redoutables d’entre eux, tels que les a mis en évidence la communication sur «Le marché unique: notre marché intérieur européen dans un monde incertain».
3.11Le CESE apprécie les efforts déployés par la Commission en vue d’éliminer l’un des principaux handicaps concurrentiels de ces derniers temps, à savoir les prix élevés de l’énergie. À cet égard, il se félicite de la publication du plan d’action pour une énergie abordable et il approuve la teneur et les propositions visant à limiter les évolutions brutales et erratiques (la «volatilité») des prix lorsque la conjoncture économique est incertaine. Dans ce contexte, il propose de garantir la prévisibilité à long terme de l’évolution des prix de l’énergie.
3.12Le CESE recommande de mener à bien des réformes majeures du système de permis d’émission de l’Union et de son système d’échange de quotas d’émission (SEQE) afin d’en accroître la stabilité et d’encourager la réalisation d’une transition écologique réaliste du point de vue des coûts et axée sur l’appui à la compétitivité.
3.13Pour ce qui est précisément d’appuyer la compétitivité dans l’Union et la zone euro et d’accomplir les objectifs en matière de transition écologique, le CESE est d’avis qu’il convient de développer de manière intensive l’économie circulaire. Il attire l’attention sur la dépendance relativement élevée à l’égard des importations de terres rares et de minerais critiques, pour lesquels l’Union n’a d’autre choix que de s’approvisionner auprès du reste du monde, notamment des pays en développement et des nouvelles économies de marché émergentes. L’économie circulaire crée les conditions propices pour renforcer l’autonomie stratégique de l’Union et de la zone euro, tout en contribuant à faire en sorte que les industries manufacturières modernes continuent de tenir une place importante dans la structure de l’économie de l’Union européenne.
4.Observations particulières
4.1Le CESE estime qu’après 2027, le modèle de financement de l’Union européenne devrait reposer dans une plus large mesure sur des formes modernes de financement, principalement au moyen d’instruments financiers et grâce à leur capacité à mobiliser des capitaux privés. Dans le même temps, un niveau affirmé d’investissement public, à l’échelon tant européen que national, destiné à financer les biens publics et les infrastructures continuera de demeurer indispensable aux fins d’une croissance économique inclusive et durable.
4.2Le CESE se félicite vivement du fait que, sous l’effet des rapports de portée historique présentés par MM. Mario Draghi et Enrico Letta, la Commission européenne se soit engagée à résoudre le problème, qui est loin d’être insoluble et qui est en suspens de longue date, que posent les énormes charges administratives et la complexité des procédures.
4.3Si le modèle traditionnel de financement par les banques sied aux entreprises bien établies qui ont fait leurs preuves et peuvent fournir des garanties, en revanche, il convient moins aux entreprises innovantes qui croissent rapidement et ne peuvent guère apporter de garanties. Dans de nombreux cas, ces entreprises ont recours à d’autres possibilités pour financer leur expansion, notamment celles qui s’appuient sur les instruments de fonds propres. Pour les jeunes entreprises, le marché du capital-risque est une source importante de leur financement.
4.4Le CESE partage l’avis de nombreuses organisations de la société civile et de la BCE selon lequel une législation puissante et robuste en matière de durabilité, également en ce qui concerne les critères de publication d’informations dans ce domaine, est nécessaire pour faciliter l’affectation des capitaux en faveur de la transition juste. Le cadre pour la publication d’informations en matière de durabilité fournit des indicateurs précieux pour orienter les investissements dans les secteurs à faible intensité de carbone, les projets liés aux énergies renouvelables, le financement de la transition et d’autres initiatives propres et vertes, soutenant ainsi à la fois la compétitivité et la réalisation des objectifs de l’Union en matière climatique. Une législation bien conçue en matière de durabilité peut promouvoir et soutenir l’innovation et renforcer la compétitivité.
4.5Le CESE approuve le choix des secteurs stratégiques clés visés dans le cadre de la boussole pour la compétitivité et il invite la Commission à accélérer l’élaboration de plans d’action et leur mise en œuvre. Il tient pour essentiel de modifier l’environnement de sorte à favoriser l’innovation, notamment dans les secteurs et les branches qui connaissent une croissance rapide, tout en veillant à garantir des financements accessibles et flexibles pour leur développement.
4.6Suivant le pacte pour une industrie propre, le CESE convient de l’idée que le processus de décarbonation qui se déploie dans la pratique constitue le socle de la compétitivité et de la prospérité futures de l’économie de l’Union européenne. Il attire également l’attention sur le fait que ce document ne comporte pas de scénarios ni de procédures pour les industries traditionnelles existantes et leur transformation en vue de la décarbonation. Aussi recommande-t-il d’en faire état plus précisément aux fins de l’évolution future de ces secteurs et des entreprises qui y sont actives.
4.7Le CESE constate la nécessité de mettre en place un cadre institutionnel et législatif afin de faire fonctionner de manière homogène et efficace le marché des capitaux au sein de l’Union, en vue d’orienter l’épargne vers des investissements aux rendements intéressants. Dans ce contexte, la nouvelle union de l’épargne et des investissements devrait introduire de nouveaux produits d’investissement, créer des conditions propices au capital-risque, et il conviendrait de garantir la fluidité des flux d’investissement dans toute l’Union de manière coordonnée avec son nouveau budget réformé.
4.8Le CESE estime à juste titre qu’il n’est pas possible de parvenir à accroître la productivité et la compétitivité au sein de l’Union sans soutenir le perfectionnement et la reconversion de la main-d’œuvre. Dans le souci de s’assurer de la cohérence du niveau actuel des qualifications et des exigences croissantes que pose à cet égard le marché du travail, il se félicite de la création d’une union des compétences axée sur les investissements, l’éducation et la formation des adultes, ainsi que l’apprentissage tout au long de la vie.
4.9Le CESE soutient résolument les efforts visant à supprimer les obstacles qui se présentent au sein du marché unique, notamment ceux qui empêchent d’achever l’union des marchés des capitaux et l’union bancaire. Afin d’améliorer le fonctionnement général du marché unique dans tous les secteurs et dans tous les domaines, il convient d’adopter une stratégie transversale. Il conviendrait donc de moderniser le cadre de gouvernance du marché unique, de supprimer les obstacles qui perdurent au sein de l’Union européenne et d’empêcher qu’il n’en apparaisse de nouveaux.
4.10Le CESE insiste sur la nécessité de créer les conditions propices à la mobilité de la main-d’œuvre, avant tout des talents hautement qualifiés dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). En outre, il sera souhaitable de mettre en place un système fonctionnel de reconnaissance des diplômes pour pouvoir travailler partout dans l’Union européenne.
4.11Le CESE fait valoir la nécessité de coordonner mutuellement les politiques économiques tant à l’échelon des États qu’à celui de l’Union européenne. Il approuve dès lors la proposition de mettre en place un outil de coordination de la compétitivité. Selon cette proposition, tous les États membres devraient œuvrer de concert en vue de garantir la réalisation des objectifs communs de l’Union, aussi bien à l’échelon de celle-ci qu’au leur. En outre, il serait judicieux de mettre en évidence les projets transfrontaliers d’importance européenne et de mettre en œuvre les réformes et les investissements correspondants.
4.12Le CESE est d’avis que dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union, le Fonds européen pour la compétitivité devrait remplacer les instruments financiers européens auxquels sont assignés des objectifs similaires, sachant que ce Fonds apportera un soutien financier afin de réaliser des mesures au titre de l’outil de coordination de la compétitivité.
4.13Le CESE souligne que la mise en œuvre du Fonds pour la compétitivité ne saurait intervenir aux dépens des fonds de cohésion. Aussi convient-il non seulement de ne pas réduire la part du budget de l’Union attribuée à la politique de cohésion au sein du prochain cadre financier pluriannuel, mais au contraire de l’augmenter, car cette politique de l’Union, et notamment le Fonds social européen, s’est avérée indispensable pour investir dans les personnes, créer des emplois et renforcer le modèle européen d’économie sociale de marché.
4.14Le CESE soutient les démarches visant à moderniser le financement de la transition propre qui encouragent la compétitivité, telles que le nouveau cadre des aides d’État pour le pacte pour une industrie propre, pour citer un exemple concret. Ceci peut permettre d’approuver plus simplement et plus rapidement les mesures d’aide d’État pour le déploiement des énergies renouvelables, de développer la décarbonation industrielle et de disposer de capacités de production suffisantes en matière de technologies propres, ainsi que de renforcer le Fonds pour l’innovation ou encore de créer une banque de la décarbonation industrielle.
4.15Le CESE soutient les efforts déployés par la Banque européenne d’investissement (BEI) visant à lancer de nouveaux instruments financiers dans le cadre du pacte pour une industrie propre. À cet égard, il soutient également le train de mesures pour la fabrication de composants de réseau, ainsi que le programme pilote conjoint de la Commission et de la BEI concernant les accords d’achat d’électricité passés par des PME et des industries à forte intensité énergétique.
4.16Le CESE fait également valoir l’importance que revêt le modèle que constitue l’instrument InvestEU et il se félicite du mécanisme de garantie en faveur des technologies propres dans le cadre du programme Tech EU; il recommande en outre de maintenir le programme financé par InvestEU visant à renforcer la dimension sociale qu’est le volet d’action «investissements sociaux et compétences».
Bruxelles, le 5 septembre 2025
Le président de la section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale»
Ioannis VARDAKASTANIS
_____________