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CCMI/249

Plan d’action pour l’industrie automobile

AVIS

Commission consultative des mutations industrielles

Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité européen des régions — Plan d’action industriel en faveur du secteur automobile européen

[COM(2025) 95 final]

consultation facultative

Contact

Ioannis.Diamantopoulos@eesc.europa.eu

Administrateur

Ioannis DIAMANTOPOULOS

Date du document

9/7/2025

Rapporteur: Gonçalo LOBO XAVIER

Corapporteur: Guido NELISSEN

Consultation

Commission européenne, 13/05/2025

Base juridique

Article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Compétence

Commission consultative des mutations industrielles

Adoption en section

10/7/2025

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

25/1/0

Adoption en session plénière

J/M/AAAA

Session plénière nº

Résultat du vote
(pour/contre/abstentions)

…/…/…



1.Conclusions et recommandations

1.1Le Comité économique et social européen (CESE) reconnaît l’importance capitale de l’industrie automobile en tant que pilier stratégique de l’économie européenne, tant du point de vue de l’emploi que de la valeur ajoutée industrielle, et souligne la nécessité de garantir au secteur un avenir compétitif et durable.

1.2Le Comité soutient les objectifs climatiques du pacte vert pour l’Europe ainsi que la transition vers une mobilité à émissions nulles, et précise que cette transformation doit s’accompagner de mesures sociales et économiques fortes pour éviter d’exacerber les inégalités entre les régions et les groupes sociaux au sein de l’Union.

1.3Le CESE plaide en faveur d’une stratégie européenne globale en vue d’une transition équitable et compétitive dans le secteur automobile, reposant sur des investissements dans les compétences, l’innovation, les infrastructures et l’économie circulaire, avec une attention particulière pour les petites et moyennes entreprises (PME).

1.4Le Comité estime que le dialogue social et la participation active des travailleurs seront essentiels à la réussite du processus de transformation et demande d’accroître le soutien à la négociation collective, à l’information et à la consultation des travailleurs et au dialogue sectoriel, dans une démarche constructive.

1.5Le CESE souligne la nécessité de soutenir les régions les plus touchées et les travailleurs les plus vulnérables, en particulier dans les PME et les réseaux de sous-traitance dans de nombreux États membres, au moyen de programmes de reconversion professionnelle ciblés, d’investissements publics et privés et de la mobilisation de fonds de l’Union.

1.6Le CESE demande instamment à la Commission européenne de garantir l’équilibre entre la stabilité et la cohérence réglementaires et une flexibilité ciblée, notamment dans des domaines tels que les objectifs en matière d’émissions de CO2 et les carburants durables, et d’accroître d’urgence l’autonomie stratégique s’agissant des matières premières critiques, afin de favoriser la planification à long terme et de conserver la confiance de l’industrie.

1.7Le CESE souligne également l’importance d’une stratégie industrielle coordonnée au niveau européen pour relever les défis structurels auxquels l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement automobile est confrontée, comme la dépendance à l’égard des matières premières critiques, la concurrence déloyale de la Chine en ce qui concerne les systèmes d’importation directe de véhicules mais aussi de production, et les tensions géopolitiques qui affectent les chaînes d’approvisionnement.

1.8Le Comité recommande d’accélérer le déploiement de l’infrastructure de recharge pour véhicules électriques, en garantissant une couverture uniforme dans toutes les régions de l’Union afin d’éviter des disparités dans l’accès à la mobilité durable.

1.9Le CESE souligne l’importance d’investir dans l’éducation et la recherche et le développement (R&D), en particulier dans les technologies des batteries et les logiciels automobiles, afin de rétablir la position de chef de file de l’Europe dans ces domaines clés.

1.10 Le CESE demande l’harmonisation des normes et réglementations relatives aux véhicules autonomes et connectés, afin de promouvoir le test et le déploiement de ces véhicules sur la voie publique et de garantir la sécurité et la confiance des consommateurs.

1.11Le Comité promeut la diversification des partenariats commerciaux et le renforcement des relations avec les pays tiers en vue de réduire la dépendance à l’égard de certains marchés et de renforcer la résilience du secteur.

1.12Le CESE recommande la mise en place de programmes de soutien ciblés à l’intention des PME du secteur automobile afin de leur faciliter l’accès aux financements, à l’innovation et aux marchés internationaux et, comme évoqué, de promouvoir les programmes de formation et de reconversion professionnelles.

1.13Le programme d’action ne portant que sur le secteur en amont, le CESE plaide pour un programme d’action destiné au secteur en aval, le marché de l’après-vente ayant lui aussi un rôle important à jouer dans la décarbonation des transports et faisant face aux mêmes défis que les autres maillons de la chaîne de valeur automobile.

1.14Enfin, le CESE appelle à une meilleure coordination et à un meilleur échange des bonnes pratiques de l’ensemble des initiatives en faveur de l’électrification du secteur des transports, qu’elles soient financières ou non (comme les «villes intelligentes»).

2.Les défis à venir

2.1Pendant de nombreuses décennies, l’industrie automobile de l’Union européenne, mue par une ingénierie de premier ordre et une main-d’œuvre hautement qualifiée, a connu un formidable succès. Elle compta parmi les secteurs les plus performants de la seconde révolution industrielle et devint un acteur mondial de premier plan, pourvoyeur d’emplois et de croissance économique.

2.2Aujourd’hui encore, l’industrie automobile et sa longue chaîne d’approvisionnement restent un atout essentiel du tissu industriel européen. Le secteur automobile se trouve également au cœur des transitions numérique et écologique. Il emploie quelque 3,5 millions de personnes (soit plus de 11 % de l’emploi dans l’industrie manufacturière européenne), dont 2,4 millions dans la production automobile directe et parmi les équipementiers, et le reste dans d’autres secteurs tels que la chimie et les textiles. La production de véhicules s’accompagne d’un vaste écosystème situé en aval, qui emploie pas moins de 4,5 millions de personnes dans les domaines de l’entretien, des réparations, des concessions, des stations-service et du contrôle technique. L’industrie automobile investit énormément dans la recherche et le développement (R&D), puisqu’elle y consacre pas moins de 15 % de sa valeur ajoutée brute, ce qui représente 32 % du total des dépenses de R&D dans l’Union, et a affiché un excédent commercial considérable de 89,3 milliards d’EUR en 2024. Des bouleversements guettent cependant le secteur, qui fait face à une transformation profonde. Le monde occidental a atteint son «pic automobile», alors que de nouveaux venus (en provenance de la région Asie-Pacifique, des États-Unis et du secteur des technologies de l’information) accaparent de manière agressive des parts de marché au détriment des acteurs établis. Les tensions géopolitiques se font croissantes et perturbent les chaînes d’approvisionnement ainsi que le commerce international. Les technologies automobiles évoluent à un rythme jamais vu, tandis que les modèles d’entreprise numériques déstabilisent le marché de l’après-vente.

Quatre grandes tendances caractériseront l’avenir du secteur:

a)De la mondialisation à la régionalisation: la tendance générale à la mondialisation observée ces dernières décennies stagne sous l’effet des tensions géopolitiques, des mesures protectionnistes et du raccourcissement des chaînes d’approvisionnement, la Chine devenant le cœur de la croissance des véhicules électriques et des batteries. Ces évolutions rendent les stratégies de mondialisation plus difficiles à mettre en place et favorisent une tendance à la production locale.

b)De l’humain à l’intelligence artificielle: l’augmentation du nombre de systèmes avancés d’aide à la conduite nous mène tout droit vers des voitures autonomes à la demande, une tendance qui reposera sur les technologies de l’intelligence artificielle.

c)Du matériel au logiciel: la conception des voitures reposera de plus en plus sur des plateformes logicielles, et les fonctionnalités qui en découlent devraient devenir le principal critère d’achat. La numérisation du marché de l’après-vente (tant son organisation que la manière d’entretenir les véhicules) s’inscrit elle aussi dans cette évolution.

d)Des véhicules à moteur à combustion interne aux véhicules électriques: la part croissante des véhicules électriques sur le marché entraîne des changements structurels tout au long de la chaîne de valeur, notamment en ce qui concerne leur intégration dans le système énergétique.

2.3Afin de relever ces défis uniques en leur genre, la Commission européenne a présenté, le 5 mars 2025, son plan d’action industriel en faveur du secteur automobile européen, qui s’appuie sur des initiatives telles que le parcours de transition pour la mobilité et le rapport Draghi, et se fonde sur les résultats du dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile européenne.

Avec pas moins de 41 mesures, ce plan se veut très complet. De nombreux instruments proposés n’en étant encore qu’au stade d’annonces et d’intentions, sa mise en œuvre exigera un engagement résolu de la part des décideurs et des parties prenantes à tous les niveaux. La manière dont l’industrie s’adaptera à la transformation rapide du paysage automobile sera elle aussi déterminante.

3.La numérisation: la voie vers le prochain paradigme automobile

3.1Le secteur automobile passe du matériel au logiciel et de la mécanique à l’électronique. Les données et l’innovation fondée sur celles-ci ne cessent de gagner en importance et peuvent apporter des avancées majeures sur le plan de l’efficacité et de la durabilité: conduite automatisée, plus grande efficacité de la logistique et de l’ensemble de la chaîne de valeur, optimisation des processus (de production), maintenance prédictive avec jumeaux numériques et numérisation du processus de fin de vie. C’est pourquoi les entreprises spécialisées dans le numérique et les technologies s’intéressent de plus en plus à l’écosystème de la mobilité. Les constructeurs automobiles traditionnels font par ailleurs face à la nécessité d’investir dans la technologie des logiciels automobiles, qui transforme l’industrie et aboutira, à terme, à l’avènement de véhicules connectés et autonomes ayant recours à l’intelligence artificielle.

3.2Si l’industrie automobile européenne est leader de la recherche et du développement de manière générale, elle reste à la traîne dans le domaine plus spécifique des technologies de l’information et de la communication. Les grands acteurs du numérique et les nouveaux venus sur le marché européen ne sont par ailleurs pas assez nombreux par rapport à ceux des États-Unis et de la Chine, respectivement. Tout cela a des répercussions sur la position de chef de file de l’Union européenne dans le secteur.

3.3L’industrie automobile européenne doit faire de la transformation numérique un atout concurrentiel. Afin de combler l’écart actuel en matière de R&D dans le domaine des technologies de l’information et de la communication et de libérer le plein potentiel de la mobilité connectée et automatisée, l’Union devrait:

-élaborer des feuilles de route et des programmes d’investissement pour appuyer les arguments économiques en faveur du passage des véhicules équipés de systèmes d’aide à la conduite aux véhicules entièrement connectés et automatisés;

-mettre en place une collaboration industrielle, comme la proposition d’alliance européenne pour les véhicules connectés et autonomes, à travers l’ensemble de l’écosystème, y compris le secteur en aval, dans le but de concevoir et de s’aligner sur des plateformes informatiques, des solutions d’intelligence artificielle, des normes et des logiciels libres communs, afin de réduire la dépendance à l’égard des grandes entreprises technologiques et d’éviter une fragmentation coûteuse;

-créer des conditions favorables à la demande de véhicules connectés et automatisés. Bien que ces véhicules offrent une valeur ajoutée aux utilisateurs finaux (connectivité sans discontinuité, maintenance prédictive, mises à jour automatiques, zéro accident, infodivertissement), les consommateurs n’y sont pas totalement ouverts pour des raisons de sécurité, de fiabilité des logiciels et de coût de ces fonctionnalités;

-mettre en place un cadre réglementaire (harmonisé) pour apporter un soutien réglementaire aux essais à grande échelle de véhicules connectés et automatisés; offrir une plus grande sécurité juridique aux entreprises, aux clients et à la société (en fixant des règles relatives à la responsabilité en cas d’accident, par exemple); et soutenir le déploiement des véhicules connectés et automatisés sur les routes;

-évaluer l’impact social et économique plus global des véhicules connectés et automatisés et des nouveaux concepts de mobilité (mobilité à la demande, mobilité en tant que service, intégration des véhicules dans le réseau, intégration des transports collectifs et privés) sur le système de mobilité et promouvoir les modèles économiques alternatifs tels que les plateformes coopératives de services de mobilité urbaine;

-accorder toute l’attention requise aux conséquences des technologies numériques sur les processus de production et l’organisation du travail;

-poursuivre le développement et le déploiement d’infrastructures numériques critiques permettant l’échange de données et d’informations de haute qualité en temps réel avec les véhicules, de façon à renforcer l’automatisation, la sécurité et l’efficacité;

-mettre au point une approche harmonisée et définir un calendrier précis pour la réception par type des véhicules autonomes;

-accélérer l’adoption d’une législation spécifique permettant à tous les acteurs de l’écosystème automobile d’accéder aux données embarquées de manière équitable, sûre et efficace (un règlement sur les données automobiles);

-investir dans la simplification sans compromettre le rôle moteur de l’Union en matière de durabilité.

4.L’essor de la mobilité propre

4.1En 2023, les véhicules électriques représentaient 22,3 % des nouvelles immatriculations en Europe (14,6 % pour les véhicules électriques à batterie et 7,7 % pour les véhicules hybrides rechargeables). Les principaux défis à leur égard sont leur prix relativement plus élevé, la capacité insuffisante du réseau, le bas niveau de rentabilité des modèles à batterie, les préoccupations quant à leur réparabilité, leur faible valeur résiduelle (du fait de la rapidité des évolutions technologiques) et une infrastructure de recharge répartie de manière inégale. Les fabricants et fournisseurs d’équipements d’origine européens s’appuient par ailleurs dans une large mesure sur la technologie transitoire des véhicules hybrides rechargeables, dont les perspectives à long terme sont plus limitées que celles des véhicules électriques à batterie.

4.2De l’avis du CESE, l’Union doit favoriser la transition vers une mobilité propre en:

-s’attelant à lever la réticence des consommateurs en réduisant le surcoût écologique des véhicules électriques au moyen d’incitations financières et non financières, tout en offrant une sécurité et des garanties juridiques;

-élaborant une approche unifiée de l’électromobilité, de façon à combler le fossé croissant entre les marchés en évolution rapide et ceux qui restent à la traîne. La coordination des incitations au niveau de la demande devrait aider le secteur à se faire une idée de l’évolution future de celle-ci;

-évitant l’apparition d’une fracture entre les citoyens qui peuvent se permettre de conduire ou de posséder une voiture électrique et ceux qui seront obligés de conserver leur véhicule à moteur à combustion interne vieillissant, qui sera de plus en plus pénalisé et taxé. Les recettes du Fonds social pour le climat et du nouveau système d’échange de quotas d’émission de l’Union (SEQE 2) pourraient servir à la mise au point de régimes de crédit-bail social;

-créant une plateforme européenne de véhicules électriques abordables afin d’agréger la demande de petits véhicules électriques fabriqués au sein de l’Union en guise de solution alternative;

-investissant massivement dans l’infrastructure de recharge. Le prochain plan d’investissement pour des transports durables devrait comprendre des mesures énergiques visant à accroître le financement de l’infrastructure de recharge. La mise en œuvre rapide du règlement sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs doit permettre de concrétiser l’ambition d’installer des stations de recharge rapide pour camions tous les 60 kilomètres le long des principaux corridors de transport de l’Union;

-ayant à l’esprit que la décarbonation des flottes d’entreprises constitue une formidable occasion d’accélérer l’adoption des véhicules électriques, puisque celles-ci représentent pas moins de 60 % des nouvelles immatriculations de voitures en Europe;

-mettant au point des systèmes de tarification justes, transparents et clairement affichés pour les stations de recharge publiques, tout en améliorant leur interopérabilité;

-renforçant et numérisant les infrastructures de réseau (réseaux intelligents) afin de réduire le risque de voir le poids croissant lié à la recharge des véhicules électriques submerger les infrastructures énergétiques existantes, notamment grâce aux technologies V1G (recharge intelligente) et V2G (véhicule au réseau);

-développant l’économie circulaire en tant que pilier essentiel de la transition du secteur automobile. Il s’agit notamment de concevoir des véhicules et des composants réutilisables, réparables et recyclables (écoconception), de boucler la boucle écologique (recyclage) et d’intégrer l’analyse du cycle de vie dans les marchés publics et les mécanismes d’incitation;

-aidant les consommateurs à prendre des décisions éclairées, en créant un «pass écologique» ou un indice de réparabilité des voitures, par exemple, et en consacrant le «droit à la réparation»;

-procédant à une évaluation de l’impact environnemental des véhicules électriques et des processus industriels liés à leur production sur l’ensemble du cycle de vie, de façon à s’assurer d’atteindre les objectifs de décarbonation sans aggraver les dommages environnementaux ailleurs dans la chaîne de valeur, y compris en dehors de l’Union;

-évitant les actifs délaissés (y compris le capital humain et les capacités technologiques) en élaborant des programmes (dont un soutien aux rachats d’entreprises par leurs travailleurs) en vue de la transition des nombreux fournisseurs tributaires des technologies liées aux moteurs à combustion interne vers les technologies propres, en particulier dans les régions vulnérables sur le plan économique.

5.Réussir la transition de la main-d’œuvre

5.1La transformation des processus de production et des chaînes d’approvisionnement aura des répercussions profondes sur la structure de l’emploi de l’industrie automobile. Elle risque de faire augmenter le chômage dans les régions spécialisées dans la production automobile et de faire disparaître les PME de la chaîne d’approvisionnement des véhicules à moteur à combustion interne. Les véhicules électriques à batterie nécessitent en effet moins de main-d’œuvre, car ils contiennent moins de composants que les véhicules à moteur à combustion interne. De plus, la demande en voitures de manière générale stagne, ce qui va engendrer une baisse de la demande en travailleurs spécialisés dans la métallurgie et les machines. En 2024, l’outil de veille sur les restructurations d’entreprises d’Eurofound a recensé quelque 104 annonces de restructuration touchant pas moins de 94 597 travailleurs, dont 35 000 rien que chez Volkswagen.

5.2Dans le même temps, l’industrie automobile fait face à une pénurie de main-d’œuvre disposant de compétences numériques, à tous les niveaux.

De nouveaux emplois seront créés dans la chaîne de valeur de l’électromobilité (électronique, batteries, réseaux, services de mobilité, technologies numériques, intelligence artificielle), mais probablement à d’autres endroits, à d’autres moments et pour des compétences totalement différentes.

5.3Pour éviter d’abandonner tous ces travailleurs à leur sort et permettre la transformation de l’industrie automobile, des plans de soutien ciblés et à grande échelle doivent être élaborés dans le but d’aider les travailleurs à s’adapter aux nouvelles technologies et d’assurer une transition harmonieuse d’un emploi à un autre pour toutes les personnes concernées. Cette question revêt une importance capitale si l’on souhaite éviter des tensions sociales et maintenir la stabilité politique.

5.4Pour préparer la main-d’œuvre aux transformations écologique et numérique du secteur, le CESE juge important:

-d’anticiper et de gérer le changement en temps utile, grâce à l’Observatoire européen de la transition équitable proposé et aux modifications apportées au Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, par exemple;

-de mettre en place des programmes de reconversion et de perfectionnement professionnels à l’échelle de l’Union et entre les secteurs, en se concentrant spécifiquement sur les régions qui dépendent fortement de l’industrie automobile, par l’intermédiaire du Fonds social pour le climat, d’une initiative de type «règlement pour une industrie “zéro net”» pour les batteries ou d’un Fonds pour une transition juste 2.0 pour l’industrie automobile. Une bonne coordination de l’ensemble des efforts de reconversion tout au long de la chaîne d’approvisionnement automobile et la coopération avec d’autres industries et les différents marchés du travail nationaux renforceront l’efficacité des programmes de formation. Les initiatives telles que DRIVES, l’Alliance pour les compétences dans le secteur automobile et la récente union des compétences doivent faire l’objet d’un suivi afin de promouvoir le développement professionnel continu;

-de remédier à la pénurie de travailleurs disposant des compétences numériques requises, en mettant l’accent sur les déséquilibres entre les hommes et les femmes, par exemple en dégageant de meilleures synergies entre l’industrie et les universités techniques, en faisant la promotion de l’éducation et de la formation dans le domaine des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM), en développant les programmes de formation sur le lieu de travail et en promouvant l’apprentissage tout au long de la vie;

-d’accorder une attention spécifique aux nombreuses PME indépendantes des secteurs situés en aval, en proposant des outils de formation à jour et en soutenant les systèmes d’apprentissage, qui bénéficient d’une tradition déjà bien ancrée;

-de créer un passeport européen des compétences et d’harmoniser les systèmes de certification de l’Union (y compris les microcertifications et les compétences acquises de manière informelle) afin que les compétences soient parfaitement documentées et facilement transférables au sein de l’UE;

-de mettre en place un véritable dialogue social et un processus d’information et de consultation en temps utile à tous les niveaux afin de relever les défis liés à la transition et de trouver des solutions constructives;

-d’aborder la dimension régionale par une mobilisation coordonnée de l’ensemble des parties prenantes (partenaires sociaux, instituts de recherche, agences de développement régional, prestataires spécialisés dans les formations, pôles automobiles, etc.);

-de faire face aux risques émergents pour la sécurité et la santé au travail liés aux dangers qu’impliquent l’électricité et les nouveaux polluants;

-de créer un instrument SURE 2.0 afin de soutenir les dispositifs de chômage technique et de garder ainsi les travailleurs à bord pendant les périodes d’arrêt.

6.La compétitivité

L’industrie automobile de l’Union fait face à des défis sans précédent en matière de compétitivité. Alors que les équipementiers européens ont longtemps compté sur la Chine en tant que moteur de leur croissance, les exportations vers le pays ont baissé tandis que les importations depuis celui-ci continuent d’augmenter (y compris les importations de constructeurs automobiles occidentaux qui produisent en Chine). L’Union affiche également un déficit commercial de plus en plus marqué en ce qui concerne les pièces et les composants. Les droits de douane imposés par Donald Trump mettent par ailleurs en péril les exportations européennes de 750 000 voitures vers les États-Unis. L’industrie automobile américaine bénéficie en outre des avancées des grandes entreprises technologiques en matière d’intelligence artificielle, de conduite autonome et de connectivité. De plus, les constructeurs automobiles européens ont mis plus de temps que la plupart de leurs concurrents chinois pour passer aux technologies des véhicules électriques, tandis que le Japon et la Corée du Sud se sont rapidement forgé une avance au niveau de la technologie des batteries.

Pour finir, l’écosystème automobile européen reste fortement dépendant des pays tiers pour des composants et des technologies essentiels tels que les batteries, les semi-conducteurs, les terres rares et les infrastructures numériques critiques.

6.1Pour rétablir la compétitivité de l’industrie automobile européenne, il sera important de prendre des mesures en matière:

-de lutte contre les pratiques commerciales déloyales par un recours extensif et proactif aux instruments de défense commerciale. Des contrôles plus stricts des importations de composants automobiles s’imposent également pour en vérifier la conformité aux normes européennes telles que le règlement REACH;

-de renforcement des écosystèmes industriels régionaux pour les technologies clés (comme les batteries, les puces, les logiciels et l’intelligence artificielle);

-d’utilisation d’instruments tels que les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), la plateforme «Technologies stratégiques pour l’Europe» (STEP) et la Banque européenne d’investissement (BEI) pour soutenir des investissements paneuropéens à grande échelle dans l’innovation automobile et le déploiement industriel;

-de réforme de la politique de concurrence, de façon à permettre des alliances et des fusions stratégiques et à créer ainsi des acteurs européens de taille suffisante pour affronter la concurrence mondiale, en particulier dans le secteur des technologies automobiles numériques et écologiques;

-de promotion des exportations. L’Union doit conclure de nouveaux accords commerciaux et accélérer les négociations en cours, notamment avec le Mercosur (en y insérant des volets solides sur la durabilité);

-de réduction de l’écart de coût avec la Chine en recourant à des plateformes matérielles et logicielles standardisées et à des batteries d’accumulateurs largement normalisées, et en alignant les coûts de l’énergie sur ceux de nos principaux concurrents;

-d’attraction des investissements directs étrangers (IDE) pour contribuer au renforcement de l’écosystème automobile. Ces investissements doivent cependant être subordonnés à des transferts de technologies, à l’intégration dans les chaînes de valeur locales et à la création de centres de R&D ou de conception;

-d’accroissement de l’efficacité et de la simplification administratives, en accordant une attention particulière aux PME. Les délais de mise en œuvre des nouvelles réglementations doivent correspondre au cycle de vie du produit. Il est en outre extrêmement important d’améliorer la coordination des dispositions réglementaires au sein de l’Union, car la complexité des processus décisionnels européens est source d’inefficacités et entrave la gouvernance;

-de soutien aux stratégies de relocalisation des chaînes d’approvisionnement critiques en Europe ou dans des pays partageant les mêmes valeurs, par exemple en élaborant une politique globale relative à la proportion d’éléments locaux pour le secteur automobile et ses composants stratégiques. Le cadre relatif aux règles d’origine est un instrument performant non seulement pour les politiques commerciales, mais également pour les marchés publics, les mécanismes d’incitation (crédit-bail social) et le filtrage des IDE. Des règles relatives à la proportion d’éléments locaux devraient également permettre d’éviter les tentatives de contournement des droits de douane par la création d’«usines tournevis» destinées au montage de kits non assemblés.

Bruxelles, le 10 juillet 2024

Le président de la commission consultative des mutations industrielles

Pietro Francesco DE LOTTO

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